Robert Nebois
Lassés de l’alternance régulièrement décevante entre le Parti Populaire et le Parti Socialiste, écœurés de ne se voir proposer que blanc bonnet et bonnet blanc, les Espagnols en étaient venus à introduire dans le jeu politique national trois nouveaux partis : Podemos en 2014, Ciudadanos en 2015 et Vox en 2018. Le premier mettait en cause l’hégémonie du Parti socialiste, et les deux autres celle du Parti Populaire. Les grands partis ne pouvaient accepter cette remise en cause de leur prépondérance et leur objectifs premier devint la reprise du terrain perdu.
Le parti socialiste vient de commencer la manœuvre en provoquant la répétition des élections législatives après n’avoir pas vraiment cherché à obtenir l’investiture du parlement. Les Espagnols sont donc condamnés à de nouvelles législatives le 10 novembre prochain par leur politicien en chef et chef du gouvernement, Pedro Sanchez. Ce dernier, apprenti profanateur de tombe, faussaire de thèse doctorale, menteur, et parfait opportuniste, s’il ne se soucie guère de résoudre les problèmes de l’Espagne, se révèle par contre combattif et plein d’imagination lorsqu’il s’agit de rester au pouvoir.
Devenu chef du gouvernement le 1erjuin 2018 au travers une motion de censure avec l’appui des gauchistes de Podemos, et des nationalistes catalans et basques, il n’a pas tardé a remercié ces derniers en leur faisant un maximum de concessions. Par exemple en faisant pression sur les juges du procès des indépendantistes catalans pour changer la qualification du délit, en niant, contre toute évidence, qu’il y ait eu des violences contre la police nationale lors du ‘référundum’ qu’il organisèrent le 1eroctobre 2018. Les nationalistes catalans ne faisant aucune concession, et Sanchez ne pouvait aller jusqu’à admettre un droit à l’indépendance par la voix d’un referendum qui ne concernerait que les Catalans, exclu par la constitution, le divorce est finalement intervenu. Ils votèrent alors contre son projet de budget de l’État et il fut contraint de convoquer les élections générales du 28 avril 2018 par ceux-là même qui l’avaient mis au pouvoir lors de la motion de censure.
Ce fut la troisième élection législative, après celle de 2015 et 2016, où le bipartisme traditionnel PP – PS ayant disparu, les seules alternatives étaient soit des gouvernements de coalition (majoritaire), soit des gouvernements minoritaires, soit un mixte des deux.
Il y a déjà eu des gouvernements minoritaires où le PP ou bien le PS étaient obligés de s’appuyer sur les petits partis régionalistes catalans et basques, mais l’on restait dans le cadre du bipartisme. L’apparition de trois nouveaux partis nationaux a complexifié le jeu politique avec une concurrence plus forte entre les partis.
II n’est pas sûr de Pedro Sanchez ait bien fait de provoquer ces nouvelles élections.
Certes il est probable qu’il progressera grâce au recul des gauchistes de Podemos et des girouettes de Ciudadanos dont le dirigeant est une sorte de Bayrou en plus jeune. Il a attaqué sur sa gauche en humiliant Podemos par son refus obstiné de ses exigences, et en particulier en excluant la présence de son chef dans le gouvernement. Il espère que ce parti continuera un recul déjà commencé lors du scandale de l’achat d’une luxueuse villa par son dirigeant Pablo Iglesias dans une banlieue huppée de Madrid, et confirmé lors des dernières élections. Pour compléter cette offensive il soutient en sous-main une scission de Podemos mené par l’ex numero deux du partie Inigo Errejon. Il attaque aussi sur la droite en prétendant, au mépris de l’évidence, qu’il défendrait l’unité de l’Espagne. Le parti socialiste devrait gagner quelques sièges mais le risque d’une démobilisation de l’électorat de gauche ne peut être exclus. Avec cette réserve que cette prévision pourrait être démenti si jamais il y avait des désordres en Catalogne lors de la décision de justice dans le procès des sécessionnistes catalans qui devrait être prononcée durant la deuxième quinzaine de mois d’octobre. Dans ce cas Sanchez n’hésiterait pas à appliquer à nouveau un article 155 (suspendant les Communautés Autonomes tombées dans l’illégalité) purement électoraliste, et alors il pourrait bien berner la majorité de la population et obtenir alors une majorité confortable.
Pour ce qu’il est convenu d’appeler la droite ou le centre droite, le schéma se complique avec la présence de trois partis. Ciudadanos a pu faire illusion au début, il était né au centre gauche pour s’opposer aux nationalismes régionaux en proposant le choix d’un fade constitutionalisme et de la dilution à terme dans l’Europe. Son dirigeant l’opportuniste Albert Ribera, qui avait il y a peu flirté avec les socialistes, s’est brouillé avec Sanchez et poursuit le rêve illusoire de devenir le principal parti d’opposition. Le Parti Populaire qui avait atteint le fond lors des dernière législatives a évité la disparition et est remonté lors des régionales grâce à la politique du Karcher à la Sarkozy que mène son nouveau chef Pedro Casado : feindre un virage à droite pour mieux récupérer les électeurs de droite qui l’avaient quitté.
Vox est apparu lors des législatives d’avril a10 % des voix, 24 députés, un groupe parlementaire, et cela alors qu’il avait été exclu des débats télévisés. Lors des élections régionales qui suivirent il est devenu un parti charnière, et si la mairie de Madrid et d’autres ont pu être enlevé à la gauche c’est grâce à ses voix. Le Parti Populaire n’a pas toujours respecté les accords programmatiques conclus. Mais il est vrai qui Vox, comme tous les partis minoritaires, se trouvait dans une situation très délicate : soit il ne faisait aucune concession, refusant toute alliance et alors il était accusé de faire passer la gauche, soit il faisait trop de concessions, et alors il n’avait plus de raison d’être et était peu à peu phagocyté par la fausse droite du Parti Populaire. Ses dirigeants semblent avoir compris la menace et ils ont refusés de tomber dans le piège d’un mouvement unitaire pour les élections dont le maitre d’œuvre était le Parti Populaire. Il parait exclu que Pedro Casado puisse venir à bout de Vox car il a du mal à tenir son parti où les partisans de la ligne de centre gauche voudraient le mener à une opposition frontale avec Vox. Il leur a déjà cédé à plusieurs reprises et s’est ainsi démasqué. Le redressement national espagnole a commencé mais la lutte sera longue car la domination de la gauche dans les media est écrasante, cela fait plus de quarante ans qu’elle conditionne quotidiennement la population sur presque toutes les chaines de télévision et dans la majorité de la presse.
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