(Propos recueillis pas S.Théri)
Source : https://www.pasvupaslumagazine.fr/
Biographie :
Né en 1962 à Rennes, devenu professeur en 1991, et, après 9 ans dans un collège des Mureaux, enseignant (heureux) à Versailles depuis presque 20 ans.
1/ Jean-Philippe, qu’est-ce qu’un prof d’histoire aujourd’hui ?
" Un professeur d’histoire, du moins dans l’idéal, c’est sans doute un passionné qui a envie de faire partager sa passion aux nouvelles générations, celles qui, irrémédiablement, prendront notre place dans la société et, j’espère, la rendront un peu meilleure en tirant des leçons d’hier pour préparer demain sans oublier le jour même et nos contemporains."
2/ Auriez-vous été un prof différent lors de la révolution française, avant la révolution ou après la seconde guerre mondiale ? Bref, qu’est-ce qui peut changer un prof d’histoire dans l’histoire des hommes et dans l’histoire de France ?
Sans doute la manière d’enseigner aurait été différente, de par les contraintes du moment et l’idéologie dominante (particulièrement si elle se proclame unique et obligatoire), et sans doute aurait-il fallu ruser pour assurer un enseignement de l’histoire qui ne soit pas un simple discours officiel, en particulier sous la Révolution, peu connue pour sa tolérance dans les premières années de la République et de l’Empire. Je pense que, au-delà de l’étude du passé (qui s’inscrit toujours dans un présent, l’historien étant aussi le fils de sa propre époque), la littérature aurait été, intégrée dans les cours d’histoire eux-mêmes, un moyen de dire les choses sans avoir l’air de contredire frontalement le Moloch étatique : un extrait de Racine ou d’Anatole France par exemple (mais il n’a écrit que bien longtemps après la Révolution), ou une légende issue de la mythologie celtique ou hellénistique, peut en dire beaucoup plus que l’événement historique lui-même, ou peut l’éclairer d’un jour particulier, bien différent de l’esprit « obligatoire » du moment. Sous la Révolution française, les républicains se référaient constamment à l’Antiquité, à laquelle ils avaient emprunté le vocabulaire politique : il m’aurait été possible de citer fréquemment l’Antigone de Sophocle en évoquant les temps passés comme du moment, et suivre le programme qui aurait été imposé en faisant régulièrement référence aux grands mythes et légendes, et en faisant appel à l’intelligence des élèves... C’est aussi valable à d’autres époques sombres, comme sous l’Occupation, et c’est d’ailleurs ce que pratiquaient quelques enseignants d’histoire, en insistant aussi sur des épisodes anciens de l’histoire de France qui, à bien les étudier, pouvaient avoir quelques points de ressemblance avec la situation d’alors. Dans les périodes troubles, il me semble que les professeurs de lettres et d’histoire sont ceux qui peuvent le plus contourner les messages officiels en s’appuyant sur leur propre matière et sur sa voisine... Parfois à leurs risques et périls, d’ailleurs, comme l’a démontré... l’histoire elle-même !