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culture et histoire - Page 2005

  • Benoît XVI et la christianophobie » musulmane

    l y a un peu plus de cinq ans, peu de mois après l'élection de Benoît XVI, Michel De Jaeghere publiait une Enquête sur la Christianophobie (Renaissance Catholique) pour mettre en lumière un des faits majeurs de notre temps : malgré la tolérance grandissante dont a fait preuve l'Église en bien des domaines, malgré la liberté des consciences en matière religieuse qu'elle a définie au concile Vatican II, l'anticléricalisme n'a pas disparu. Ou plutôt, selon la formule du cardinal Bille, alors primat des Gaules, lors de la conférence des évêques de France à Lourdes, en novembre 2000, se développe « une sorte d'antichristianisme contre lequel l'évocation de ce que notre civilisation peut devoir au christianisme s'avère peu opératoire ».
    Michel De Jaeghere appelait « christianophobie » le phénomène qu'il décrivait avec brio : « une contestation, une haine du catholicisme, de sa doctrine, de son histoire, de ses fidèles ».
    Pour la première fois, Benoît XVI a repris ce terme de « christianophobie ». C'était le 20 décembre, dans le traditionnel discours de fin d'année à la Curie romaine. Il employait le mot en référence au sort des chrétiens au Moyen-Orient, « Nous sommes témoins avec épouvante, disait le Pape, d'actes de violence dans lesquels ce qui est sacré pour l'autre ne se respecte plus, dans lesquels même les règles les plus élémentaires de l'humanité s'écroulent. Dans la situation actuelle, les chrétiens sont la minorité la plus opprimée et tourmentée. »
    Il y avait eu, quelques mois auparavant, le 31 octobre, l'attentat contre la cathédrale syriaque de Bagdad qui avait tué 46 fidèles ; le plus meurtrier d'autres attentats et assassinats qui ont visé les chrétiens en Irak. Depuis le discours du Pape, il y a eu encore, le 1er janvier 2011, l'attentat contre une des églises coptes d'Alexandrie qui a fait 21 victimes. Et l'on n'évoquera pas la longue liste des pays, tous musulmans, du Maroc au Pakistan, où les chrétiens sont persécutés à des degrés divers : punition pour les convertis, expulsion des missionnaires, ou exécutions légales, assassinats et attentats.
    Tariq Ramadan, un des idéologues de l'islamisation de l'Europe, estime que « la peur de l'Islam s'est installée en Occident, à cause de la nouvelle visibilité des musulmans », et que, dans les attentats anti-chrétiens, « l'Islam n'est pas le problème ». Il met en cause « des groupes extrémistes violents ».
    Appel aux responsables politiques et religieux
    Evidemment, Tariq Ramadan fait une analyse mensongèrement irénique de la situation. On n'assimilera certes pas les pays musulmans qui votent des lois anti-chrétiennes (loi contre le prosélytisme au Maroc et en Algérie, loi anti-blasphème au Pakistan, etc.) aux actions terroristes menées par des groupes indépendants des États. Mais il y a bien une orientation générale de l'Islam qui est hostile aux chrétiens. Dans le meilleur des cas, les autorités des pays concernés cherchent à restreindre le plus possible l'influence et l'apostolat des chrétiens. Ailleurs, c'est l'interdiction, la punition ou l'impunité laissée aux plus violents, aux plus « extrémistes ».
    Le vaticaniste Sandro Magister, faisant référence au célèbre Discours de Ratisbonne en 2006, relevais il y a peu, combien « la proposition "raisonnable" du pape aux musulmans continue à ne pas être entendue ». Il estimait aussi que « l'actuelle "stratégie de violences" antichrétienne est la preuve que le monde musulman est dramatiquement éloigné de cette révolution des Lumières souhaitée par le pape Benoît XVI ».
    Benoît XVI n'est pas dans une posture naïve face à l'Islam. Dans son discours du 20 décembre dernier, il n'attribue pas la « christianophobie » musulmane à des groupes extrémistes. Il voit bien que c'est, selon les cas, une politique étatique et/ou religieuse. En conséquence, espérant contre toute espérance, il lance, dit-il, « un cri fort adressé à toutes les personnes qui ont une responsabilité politique ou religieuse pour qu'ils arrêtent la christianophobie ; pour qu'ils se lèvent pour défendre les réfugiés et ceux qui souffrent et revitaliser l'esprit de la réconciliation ».
    Yves Chiron Présent du15 janvier 2011

  • “La guerre des ruines. Archéologie et géopolitique”, J.-P. Payot, Paris, Choiseul

    S’appuyant d’abord sur ses observations de terrain, le Recteur Gérard-François Dumont présente le livre de Jean-Pierre Payot, La guerre des ruines. Archéologie et géopolitique, Paris, Choiseul.
    Ce livre montre à quel point l’archéologie peut être prise au piège d’intentions qui souvent la dépassent. Illustré par de nombreux exemples, l’ouvrage innove par son exploration de cette face peu explorée de l’archéologie qu’est sa dimension géopolitique.
    NAGORNO KARABAGH, région à majorité arménienne que les Soviétiques ont attribué à l’Azerbaïdjan. Les quatre ans de guerre 1990-1994 se sont apaisés jusqu’à un cessez-le-feu toujours provisoire. À l’est de ce territoire, dans la partie située avant la ligne de cessez-le-feu, dans les années 2000, une fondation arménienne privée finance des fouilles archéologiques. Elles débouchent sur la découverte d’une très ancienne ville arménienne, Tigranakert, attestant de l’ancienneté de la présence arménienne dans cette région. Un argument de poids pour les Arméniens qui veulent que le Nagorno Karabakh ne relève pas à 100% de la souveraineté azerbaïdjanaise. Ce seul exemple montre les interactions possibles entre archéologie et géopolitique.
    Mais on peut aussi faire référence des images qui parfois envahissent notre petit écran. Des chars au beau milieu de ruines, des sommets au cours desquels des représentants de pays réclament à d’autres la restitution de vestiges, des foules en révolte contre un chantier de fouilles ou détruisant un monument au nom de leur dieu ou de leur idéologie… Autant de faits qui relèvent de la géopolitique. Autant d’événements qui relient de manière évidente deux disciplines qui, a priori,  n’ont guère en commun et qui, pourtant, ne sont pas si éloignées l’une de l’autre. Tout le mérite de l’ouvrage intitulé La guerre des ruines est de mettre en perspective les liens fondamentaux entre archéologie et géopolitique. Multipliant les exemples, présentés de manière vivante et choisis sur tous les continents, l’auteur met en perspective les multiples usages de l’archéologie à des fins géopolitiques.
    Un phénomène ancien
    Dans l’Antiquité déjà, un certain nombre de souverains n’ignoraient pas les possibilités qu’offrait à leur pouvoir une utilisation subtile de l’archéologie. Les Babyloniens savaient à quel point l’investissement symbolique dans le patrimoine archéologique pouvait servir leurs desseins géopolitiques. Autre exemple, les empereurs de Rome n’hésitèrent pas à construire leurs palais à l’endroit même où Romulus, le fondateur légendaire, avait, selon la tradition, construit le sien. Ainsi le peuple romain était-il avisé de la continuité, inscrite dans le territoire, du pouvoir légitime.
    L’époque contemporaine, avec son cortège de régimes totalitaires, n’a pas manqué, à son tour, d’instrumentaliser les ruines à des fins géopolitiques. De nombreux archéologues nazis ont, en effet, été sollicités pour apporter des preuves matérielles à la construction de « l’espace vital » cher à l’idéologie de Hitler.
    Le Moyen-Orient : une région emblématique
    Toutefois, les liens archéologie-géopolitique semblent prendre de nos jours une ampleur particulière dans certaines régions du globe marquées par des conflits récurrents. Le Moyen-Orient est emblématique d’un type de manipulation de l’archéologie souvent « détournée » de sa visée scientifique. Dans cette partie du monde, l’enjeu est tel que l’archéologie peut difficilement conserver son caractère neutre. Le nationalisme, largement entretenu par des régimes autoritaires, comme des religions plus ou moins militantes, entretiennent à l’égard du patrimoine archéologique, des liens forts qui aboutissent à placer l’archéologie au cœur des enjeux géopolitiques. Parfois, la guerre vient compliquer le jeu. De nombreux monuments peuvent être pris en otage par telle ou telle partie. Leur destin est alors fonction de stratégies ou d’intérêts le plus souvent idéologiques. Par exemple, en Afghanistan, comment expliquer la destruction des Bouddhas de Bâmyân sinon par la volonté des Talibans d’affirmer de manière spectaculaire leur contrôle sur le territoire ? Ici, religion et politique sont étroitement mêlées. Il en va de même en Palestine géographique, et en particulier à Jérusalem, où patrimoine culturel et archéologie sont l’objet de tensions sans cesse renouvelées. Or, derrière cette « guerre des ruines », se profile la question de la légitimité de l’existence même de l’Etat d’Israël.
    Trafic et restitution des vestiges
    Plus modestement, mais non moins éclairante, est la situation des innombrables artefacts qui circulent, souvent de manière illicite, dans le monde. Le trafic des objets archéologiques est, lui aussi, révélateur d’enjeux de nature géopolitique. Le pillage des musées qui accompagne certains conflits, ou la prédation organisée de patrimoines nationaux dans certains pays du Sud reviennent en effet à priver les États concernés de la possession de pans entiers de leur identité.
    Aussi, les demandes de restitutions, fréquemment à l’ordre du jour, témoignent-elles de la volonté de certains pays de remodeler leur image sur la scène internationale. La Chine, par exemple, est de plus en plus pressée de recouvrer la possession légale d’objets qui lui ont été subtilisés à une époque où elle n’était guère en mesure de s’y opposer…
    Archéologie et justice internationale
    Le XXe siècle a été marqué par des épisodes criminels contre des groupes humains, dont certains sont reconnus comme des génocides. Derrière ces événements dramatiques, se dessine en particulier l’univers macabre des charniers. Des charniers qui, après les conflits qui les ont provoqués, constituent, aux yeux de la justice internationale en charge de poursuivre leurs auteurs, autant d’éléments propres à déterminer la part de chacun dans les responsabilités des massacres. Or, dans ce cadre, l’archéologie intervient a posteriori. En usant des mêmes techniques que pour des fouilles classiques, les archéologues, auxiliaires précieux des médecins légistes, arrivent à reconstituer avec précision les circonstances des crimes. Leurs découvertes aident à « dire le droit » et apportent ainsi leur contribution dans l’analyse des termes géopolitiques qui ont présidé au déclenchement des génocides ainsi qu’à leur mise en oeuvre.
    Le livre La guerre des ruines montre à quel point l’archéologie peut être prise au piège d’intentions qui souvent la dépassent. Illustré par de nombreux exemples, l’ouvrage innove par son exploration de cette face peu explorée de l’archéologie qu’est sa dimension géopolitique.
    Par Gérard-François DUMONT*, le 12 novembre 2010
    * Recteur, Professeur à l’Université de Paris IV-Sorbonne, Président de la revue Population et Avenir, www.population-demographie.org.

  • Le Monde mis à nu

    « Attaquez-vous au Monde et les images noires du bannissement s'accumuleront au-dessus de votre tête », prévenait récemment Daniel Carton dans son impertinent essai sur les pratiques inavouables (mais avouées maintenant) des journalistes politiques (1).
    Michel Legris, journaliste au Monde de 1956 à 1972 peut en témoigner, lui qui fut réduit au chômage et au silence pour avoir publié un brûlot dans lequel il dénonçait les méthodes d'un journal longtemps vanté dans les allées de tous les pouvoirs (2). Legris avait déjà soulevé un couvercle sous lequel, depuis des années, s'accumulaient bien des perplexités, bien des doutes et un malaise croissant quant à l'objectivité et à la probité de ce journal. Il avait notamment mis en joue les citations fausses ou tronquées, la dissimulation des échecs ou des forfaits d'un régime qui avait ses faveurs ou le parti pris systématique mis à noircir volontairement celui qui ne plaisait pas à ses rédacteurs. Moins de trente ans après la sortie du livre de Legris, Philippe Cohen et Pierre Péan ont décidé, à leur tour, de publier un ouvrage d'investigation saignant sur le « quotidien de référence » dirigé par le trio Colombani-Minc-Plenel, sévèrement mis en cause pour les deux journalistes.

    Faut-il que le sujet soit sensible pour que l'éditeur et les auteurs se soient crus obligés de faire imprimer le livre en Espagne et d'observer le secret le plus complet sur cette enquête ? On pourrait se croire revenu au règne de Mitterrand où la publication du livre du même Pierre Péan sur la jeunesse vichyste de l'ancien président de la République avait été entourée des mêmes précautions.

    Seul Denis Jeambar, patron de L‘Express, a eu le privilège de lire l'ouvrage qui a provoqué une véritable paranoïa rue Claude Bernard, où la contre-attaque se met en place pour riposter aux deux frondeurs qui ont mis à nu, preuves et chiffres à l'appui, le journal qui, au nom de la liberté d'expression et du débat démocratique, impose à son électorat un prêt à penser sorti de ses presses.

    Un univers implacable

    Les extraits (pour ne pas dire les bonnes feuilles…) publiés par L'Express mettent l'accent sur le cynisme et l'autocratie des patrons du journal, mais montrent surtout combien ces derniers font peu de cas de leur mission première, l'information.
    Dénonciations à sens unique, abus de pouvoir, compromissions avec le pouvoir en place et les pouvoirs parallèles, lobbying affairiste, réécriture de la vérité, beaucoup de choses sont dites dans ces quelques chapitres qui révèlent, avant tout, l'imposture d'un journal qui distribue, au fil de ses pages, bonnes et mauvaises notes aux uns et aux autres et fait la pluie et la beau temps au sein de la galaxie politiquement correcte.

    Après avoir décrit comment le trio C.M.P. a fait main basse sur le journal en 1994 en n'ignorant rien des subtilités du capitalisme bourgeois (un comble pour le trotskiste Plenel !), Péan et Cohen reviennent sur les relations troubles de Plenel avec la police. Curieux accouplement d'ailleurs… puisque l'on voit Joseph Krasny (nom de plume de Plenel dans Rouge et Barricades) entretenir les meilleures relations avec le syndicaliste de la FASP Bernard Delaplace, au point d'ailleurs de devenir son conseiller privilégié, de rédiger ses tracts et d'être le mentor de son journal syndical. Tout cela valait, bien sûr, quelques entrées place Beauvau et surtout des informations de première main sur telle ou telle enquête sulfureuse.

    Ces relations ont, bien sûr, créé des habitudes. Faut-il, dès lors, s'étonner de trouver dans Le Monde de véritables fiches de police sur tel ou tel responsable politique ou syndical qui n'a pas l'heur de plaire au système en général et aux trotskistes du journal en particulier ?

    Autre morceau de choix de l'enquête de Pierre Péan et Philippe Cohen : le chapitre consacré aux relations privilégiées d'Edwy Plenel avec Charles Pasqua au moment de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur, véritable « candidat officiel » du quotidien (mais faut-il s'en étonner avec la place privilégiée occupée par Alain Minc ?). On apprend aussi comment, en pleine affaire Schuller - Maréchal (les écoutes illégales du beau-père du juge Halphen), Pasqua et Plenel s'arrangent pour faite s'indigner les lecteurs du Monde sur les méthodes policières utilisées dix ans auparavant sur ordre de François Mitterrand… Autre révélation intéressante, le rôle de lobbyiste joué par Jean-Marie Colombani en faveur du quotidien gratuit parisien 20 Minutes, importé en France par le groupe norvégien Schibsterd à la recherche d'un allié dans la presse française. Il fait ainsi la courte échelle (moyennement finances sonnantes et trébuchantes…) aux Norvégiens, allant jusqu'à tirer les sonnettes de Matignon et de la Mairie de Paris. Le journal sert de moyen de chantage : revirement total dans un article au vitriol attaquant les journaux gratuits lorsque les négociations s'enlisent et virage à 90 degrés quelques temps plus tard pour finir par imprimer 20 Minutes en partie sur les rotatives du Monde. Tout est dit.

    Outre les confirmations sur les « média training » dispensés à certains hommes politiques payés largement (selon Péan et Cohen), Jean-Marie Colombani aurait tenté de faire établir sa résidence fiscale en Corse ou n'aurait pas hésité à « habiller » les comptes du journal (pourtant si prompt à dénoncer les méthodes Enron, Andersen et Cie). Au point que le quotidien serait en bien mauvaise santé financière.

    Tout cela rappelle le livre de Michel Legris qui stigmatisait déjà les dérives gauchistes du Monde en ces termes : « Un attentat terroriste ne sera pas dénoncé avec la même force s'il est perpétré par tel ou tel groupe ayant les sympathies du Monde. Les victimes se partagent désormais en deux catégories : les victimes innocentes et les victimes tout court. Les massacres se diviseront en deux genres, selon qu'ils sont ou non dans le sens de l'histoire ».

    Écrites en 1976, ces lignes n'ont pas pris une ride et complètent le tableau dépeint par les deux journalistes qui viennent de publier une véritable bombe à retardement. Est-ce pour en prévenir les effets dévastateurs qu'Alain Minc les a précédés en publiant de drôles d'Epîtres à nos nouveaux maîtres (3), où il bouscule allègrement les idoles Bové, Bourdieu et autres chantres du communautarisme, sauce Porto-Alègre ou Mac Do de Millau ? En tout cas, une chose est sûre, on est loin de l'esprit de l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un droit les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

    Les nouveaux maîtres du Monde ont visiblement rangé depuis longtemps cet article au magasin des accessoires.
    Françoise MONESTIER
    © POLEMIA
    (1) Bien entendu… c'est off de Daniel Carton (Albin Michel, 2003) – voir critique en rubrique « médiathèque ».
    (2) Le Monde tel qu'il est de Michel Legris (Plon, 1976).
    (3) Epîtres à nos nouveaux maîtres d'Alain Minc (Grasset, 2003).

  • Aux origines de la Reconquista (Xe-XIe)

    Vers l’an mil a lieu une mutation d’une grande importance en Espagne : alors qu’al-Andalus (l’Espagne musulmane) entre dans une crise profonde qui conduit à son éclatement au cours du XIe siècle, l’Occident connaît un formidable essor démographique et économique, s’accompagnant d’une grande ferveur religieuse. La Chrétienté « se barde de fer » selon la formule de Munier-Jolain, historien du XIXe siècle.

    Avant le XIe siècle, il est inexact de parler de Reconquista et d’ailleurs les territoires reconquis jusqu’à cette date sont négligeables. Ce ne’st qu’après le double « électrochoc » du sac de St-Jacques-de-Compostelle et du sac du Saint-Sépulcre, que l’idée d’une reconquête légitime de l’Espagne fait son chemin jusqu’à devenir un projet dynastique pour les souverains chrétiens espagnols. A cet égard, le royaume d’Aragon joue un rôle d’impulsion mais c’est le royaume de Castille qui s’étend le plus rapidement à l’Ouest de la péninsule. Le XIe siècle voit d’ailleurs la reconquête symbolique de Tolède, l’ancienne capitale des Wisigoths.

    I. Les événements déclencheurs

     

    Espagne chrétienne de l'an mil
    L’Espagne chrétienne vers l’an mil. Cliquez pour grossir.

    ● Les raids musulmans de l’an mil

    Al-Mansûr
    Al-Mansûr par
    Francisco Zubaran (XVIIe).

    A la fin du Xe siècle, al-Mansûr (« le Victorieux »), vizir du calife de Cordoue Hisham II, mène une série d’expéditions vers les territoires chrétiens du Nord. En 983, la ville de Simancas est détruite et les habitants, réduits en esclavage, sont envoyés à Cordoue. En 985, la ville de Barcelone est prise et mise à sac. Mais l’événement qui va frapper profondément toute la Chrétienté est l’expédition de 997 contre le sanctuaire de Saint-Jacques-de-Compostelle. Avec une gigantesque armée, al-Mansûr assiège la ville, puis la prend et l’incendie. La basilique est rasée et les cloches ramenées à Cordoue. C’est un véritable traumatisme qui secoue monde chrétien. En Orient, un peu plus de 10 ans plus tard (en 1009), le calife fatimide al-Hakim rase le Saint-Sépulcre (remarquez la synchronicité des événements).

    ● L’éclatement d’al-Andalus en taifas

    Alors que vers l’an mil l’Occident chrétien entre dans une phase d’essor démographique et économique, l’Espagne musulmane, après la mort d’al-Mansûr (1002), connaît de graves troubles politiques, économiques et surtout ethniques. Al-Andalus est alors une véritable mosaïque de peuples entre les Arabes, les Berbères et les Hispaniques arabisés. L’affaiblissement du pouvoir central, les haines inter-ethniques et les difficultés économiques provoquent la dislocation de l’Espagne musulmane en de multiples principautés appelées taifas et la fin du califat omeyyade (1031).

    Cette division politique ne peut que profiter aux Chrétiens, les taifas contrôlés par différents groupes ethniques entrant en concurrence pour tenter d’imposer leur hégémonie.

    ● L’apparition d’un front

    Jusqu’au Xe siècle, les royaumes chrétiens du Nord sont séparés des territoires musulmans par une sorte de vaste no man’s land que ni Cordoue, ni les Chrétiens ne contrôlent vraiment. Avec le roi de Navarre Sancho III (début du XIe), l’espace qui sépare l’Aragon et la région musulmane de Huesca se rétrécit considérablement. Ce point qui peut paraître anecdotique est fondamental : un front (au sens militaire du terme) apparaît entre deux mondes culturels diamétralement opposés.

    Le vocabulaire employé par les textes latins traduit ce changement de la perception de la « frontière » : jusque vers l’an mil, les souverains utilisent le mot Extrematura (« marche ultime ou extrême ») pour désigner les bornes du Sud de leurs domaines. Vers le milieu du XIe siècle, et pour la première fois dans les documents parvenus jusqu’à nos jours, apparaît le terme de « frontière » dans le testament dressé par le roi Ramiro Ier en 1059. Le mot est réemployé 3 ans plus tard dans un texte concernant Falces (Ribagorce) où le roi précise comment l’on doit se comporter en tant que guerrier en terre de « frontière ».

    II. Les débuts de la Reconquista

    ● La naissance de l’idéologie

    Sancho Ramirez
    Sancho Ramirez.

    C’est au XIe siècle que naît l’idéologie de la Reconquista. En 1063, le pape Alexandre II décide d’accorder la rémission de leurs péchés à tous ceux qui iraient combattre les Sarrasins d’Espagne. La guerre contre les musulmans devient une « guerre sainte » (au sens « sanctifiant » du terme). Le roi d’Aragon Sancho Ramirez bénéficie de l’appui du souverain pontife et se rend à Rome en 1068, où il place son royaume sous la dépendance du pape, l’Espagne étant considérée comme ayant autrefois appartenu au patrimoine de saint Pierre. En échange, le roi se voit qualifié par les actes de chancellerie de rex Hispanie, titre prestigieux dont bénéficiera aussi son fils Pedro Ier. Sancho Ramirez et le pape continuent à entretenir des relations privilégiées par la suite.

    ● La prise de Barbastro et la réaction musulmane

    La première grande victoire remportée par les Chrétiens est la prise de Barbastro après 40 jours de siège, près de Huesca, en juillet 1064. L’opération réunit Ermengol III, comte d’Urgel, des chevaliers normands placés sous le commandement de Robert Crispin et peut-être le duc d’Aquitaine (sa participation longtemps admise est en réalité peu probable). La chute de la cité est alors un choc psychologique pour les musulmans d’al-Andalus.

    La réaction ne tarde pas : dès 1064, le souverain du taifa de Saragosse, al-Muqtadir, attaque la haute vallée du Duero puis massacre des Chrétiens dans sa cité de Saragosse l’année suivante. Il lance également un appel au djihad à tous les musulmans d’al-Andalus. Il récupère Barbastro et le comte d’Urgel trouve la mort dans un combat.

    ● La Reconquista jusqu’à Tolède (1085)

    En 1069, Al-Muqtadir conclut un traité avec le roi de Navarre Sancho de Peñalén en échange du versement d’un tribut de 12 000 monnaies d’or. Le roi de Navarre s’engage à adresser une ambassade au roi d’Aragon Sancho Ramirez pour lui demander de cesser les hostilités, sans quoi il s’engagerait à combattre aux côtés d’al-Muqtadir. Le traité est renouvelé en 1073.

    L’assassinat en juin 1076 de Sancho de Peñalén met fin aux difficultés rencontrées par le roi d’Aragon. Le mois suivant l’assassinat, Sancho Ramirez s’empare de Pampelune et d’Estella. En 1082, al-Muqtadir meurt, facilitant la reconquête. En 1083, le roi d’Aragon capture Graus, remporte la bataille de Pisa contre les musulmans (au sud de Naval), et reprend Secastilla.

    Du côté de la Castille, le roi Alphonse VI parvient en 1069 à faire payer un tribut au souverain du taifa de Séville, Abbad III, puis, soutenu par la papauté, met le siège devant Tolède. Après 11 ans de guerre, l’ancienne capitale des Wisigoths capitule en 1085. En 1090, Sancho Ramirez accourt à l’aide d’Alphonse VI pour repousser victorieusement les Almoravides décidés à reprendre la ville.

    Muraille de Tolède - porte d'Alcantara
    Muraille de Tolède, porte près du pont d’Alcantara.

    Bibliographie :
    LALIENA, Carlos ; SÉNAC, Philippe. Musulmans et chrétiens dans le haut Moyen Âge : aux origines de la reconquête aragonaise. Minerve, 1991.
    MENJOT, Denis. Les Espagnes médiévales, 409-1474. Hachette supérieur, 1996.
    SÉNAC, Philippe. Al-Mansûr. Perrin, 2005.

  • Alain de Benoist : la remarquable durée de L'AF

    Dans le cadre de l'année du centenaire de la naissance de L'Action Française quotidienne, nous avons rencontré Alain de Benoist. Le fondateur du Groupe de recherches et d'études pour la civilisation européennne (GRECE), communément désigné comme la "Nouvelle Droite", n'est certes pas maurrassien, mais sa passion pour les grands débats d'idées l'a conduit à rencontrer dès sa jeunesse l'école d'Action française et à en mesurer l'importance dans le débat intellectuel. Philosophe, politologue, bibliographe, l'auteur de Vu de Droite (1977) a publié l'an dernier dans son livre Nous et les autres – Problématique de l'identité (éd. Krisis) de fort judicieuses réflexions sur l'universel et le particulier (cf. L'AF 2000, 4 janvier 2007).

    L'ACTION FRANÇAISE 2000 – L’apparition d’un grand journal royaliste dans le débat politique n’est-elle pas extraordinaire au début du XXe siècle, à un moment où la République semblait bien installée ?
    ALAIN DE BENOIST – "Extraordinaire" est un peu excessif. Au début du siècle dernier, la République est loin d’être "bien installée" en France. Proclamée sur le plan institutionnel, elle est minée par la crise sociale et la crise religieuse, et fait déjà l’expérience des limites du parlementarisme. Le débat sur les institutions est alors loin d’être clos. N’oubliez pas qu’à la naissance de Maurras, il ne s’est même pas écoulé un siècle depuis la Révolution française ! Au moins sur le plan intellectuel, partisans et adversaires de l’Ancien Régime continuent de s’affronter. Qu’on soit encore royaliste à cette époque n’est donc pas véritablement surprenant. L’originalité de Maurras a surtout été de s’employer à démontrer, avec un effort de rigueur plus grand que ses prédécesseurs, la valeur des institutions monarchiques, et surtout de parvenir à créer un mouvement politique capable de cristalliser concrètement ses idées.
    Ce qui est remarquable, c’est que l’impulsion ainsi donnée se soit révélée aussi durable. L’Action Française quotidienne paraît pour la première fois le 21 mars 1908, jour du printemps. Mais elle s’ajoute à la revue du même nom, créée en 1899, tandis que le premier Comité d’Action française, fondé par Henri Vaugeois et Maurice Pujo, s’est réuni dès le 8 avril 1898. On célèbre donc cette année, non seulement le centenaire du journal quotidien, mais aussi le 110e anniversaire de la création du mouvement. Quant à Maurras, il est né en 1868, soit il y a très exactement 140 ans.
    Il ne fait pas de doute, en tout cas, que l’année 1908 fut véritablement une année clef. C’est l’année qui voit la création de L’Action Française quotidienne, des camelots du Roi, et aussi de la Revue critique des idées et des livres, qui joua un rôle très important dans les milieux proches de l’Action française. C’est également l’année où Georges Valois publie La Révolution sociale ou le Roi et lance son enquête sur la monarchie et la classe ouvrière, celle où Georges Sorel publie trois de ses principaux livres, les Réflexions sur la violence, La Décomposition du marxisme et Les Illusions du progrès, enfin celle où une grave crise touche la Confédération générale du travail (CGT) après les événements tragiques survenus à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, événements à propos desquels Maurras publie dans L’Action Française, entre le 30 juillet et le 11 août 1908, une série de quatre articles retentissants sur "la question ouvrière".

    Une influence sans équivalent

    L'AF 2000 – Dans quel domaine L’AF vous semble-t-elle avoir exercé la plus forte influence ?
    A. de B. – L’influence du journal, et plus largement celle des idées maurrassiennes, a été considérable, mais reste difficile à cerner. L’Action française n’a jamais pris le pouvoir – la question de savoir si elle a jamais voulu vraiment s’en emparer restant ouverte –, en sorte que l’on peut difficilement parler d’une influence directement politique. La seule exception qui vienne à l’esprit est celle du régime de Vichy à ses débuts. Je ne pense pas que l’AF ait beaucoup fait progresser en France la cause royaliste en tant que telle. Il y a eu en revanche une grande influence de Maurras dans les milieux littéraires et intellectuels, influence reconnue, sinon saluée, par l’immense majorité de ses contemporains.
    Lorsque j’ai établi la bibliographie Maurras que j’ai publiée en 2002, j’ai pu identifier plus de 600 livres et travaux universitaires consacrés à l’oeuvre de Charles Maurras ou à l’histoire de l’Action française. Ce seul chiffre confirme l’importance revêtue par un mouvement qui, par sa durée et son influence, n’a dans notre pays pratiquement pas d’équivalent.
    Mais cette influence, il ne faut pas le dissimuler, a parfois été véhiculée aussi par les dissidents de l’Action française, auxquels Paul Sérant avait naguère consacré tout un livre. On sait que les dissidences furent assez nombreuses dans l’entre-deux-guerres. À date plus récente, nombre de ces dissidences ont plus ou moins emprunté la même voie : la découverte de Bernanos ou de Boutang. Mais les dissidents ont souvent opéré aussi une sorte de retour aux sources, de retour à ce qu’était le mouvement à ses origines, à ce que pensait le "jeune Maurras", etc. Bien ou mal articulées, de telles démarches ont favorisé, non seulement l’étude universitaire ou scientifique du royalisme français, mais aussi la redécouverte périodique des acquis théoriques de l’AF.

    L'après Maurras

    L'AF 2000 – Comment expliquez- vous que l’Action française se trouve aujourd’hui marginalisée dans le débat politique ?
    A. de B. – Depuis un siècle, ce qu’on appelle conventionnellement "la droite" a perdu à peu près toutes les batailles dans lesquelles elle s’était engagée, sans avoir d’ailleurs jamais engagé une réflexion sérieuse sur les causes profondes de ces échecs répétés. Plus le temps passe, plus les "idées de droite" ont donc été marginalisées ou ostracisées. À cet ostracisme politico-intellectuel se sont encore ajoutées les conséquences de l’épuration de 1945. En 1968, à l’occasion du centenaire de la naissance de Maurras, un Comité Charles Maurras avait été créé à Paris. Présidé par le duc Antoine de Lévis-Mirepoix, il comptait dans ses rangs d’innombrables personnalités, parmi lesquelles Henri Massis, Thierry Maulnier, Marcel Pagnol, René Huyghe, Gustave Thibon, Paul Vialar, Marcel Jullian, le colonel Rémy, le général de Bénouville, Kléber Haedens, Pierre Fresnay et tant d’autres. Ces personnalités n’ont tout simplement pas été remplacées. J’ajoute que le centenaire de la naissance de Maurras avait même été marqué par la publication dans Le Monde, grâce à Gilbert Comte, de deux pleines pages très objectives, ce qui serait évidemment impensable aujourd’hui.
    À l’heure de Bruxelles
    Mais bien entendu, la force des uns se nourrit aussi des faiblesses des autres. Une école de pensée, lorsque son fondateur disparaît, a toujours tendance à se transformer en conservatoire. Elle maintient une orthodoxie et impose une vulgate, figeant ainsi des positions qui devraient normalement évoluer en fonction des transformations concrètes du monde réel. La tentation est alors grande de croire que le maître à penser avait tout prévu, qu’il ne s’est jamais trompé. On argumente à coups de citations, ce qui n’est pas spécialement attirant. Par ailleurs, même dans des milieux où l’on estime la pensée maurrassienne, il n’y a pas grand monde aujourd’hui pour penser que le retour sur le trône d’un roi changerait quoi que ce soit à la situation. Il y a toujours des monarchies en Europe, mais qui se risquerait à dire qu’elles se portent mieux que notre république ? Les monarchies aujourd’hui ne peuvent être que des démocraties couronnées. Nous ne sommes plus d’ailleurs à l’époque où le comte de Paris pouvait espérer son retour aux affaires. En dehors de milieux minuscules, qui connaît même aujourd’hui le nom du prétendant ?

    L'AF 2000 – Les grands principes de l’Action française (incarnation de la continuité nationale, libre représentation du pays réel, etc.) ne vous semblent-il pas toujours nécessaires à l’heure où les diktats de Bruxelles s’imposent partout ?
    A. de B. – Les "diktats de Bruxelles" ne sont malheureusement qu’une pièce d’un échiquier beaucoup plus vaste, que des "grands principes" édictés bien avant l’époque de la modernité tardive ne peuvent à eux seuls permettre d’analyser. J’ai pour Maurras une réelle admiration, voire une certaine affection, mais comme vous le savez je ne suis pas maurrassien. Je n’ai certes pas de mal à m’accorder avec le jeune Maurras qui, en 1892, s’affirmait fièrement "autonomiste" et "fédéraliste", mais je suis en grand désaccord avec lui sur beaucoup d’autres choses, ce dont j’ai eu l’occasion de m’expliquer ailleurs.
    Vous parlez d’"incarnation de la continuité nationale". Pourquoi pas ? Mais il y a tant de façons de définir ces mots ! Dans Mes idées politiques, Maurras écrivait : « Ni implicitement, ni explicitement, nous n'acceptons le principe de la souveraineté nationale, puisque c'est, au contraire, à ce principe-là que nous avons opposé le principe de la souveraineté du salut public, ou du bien public, ou du bien général. » Je ne fais pas cette citation par malice. Je veux seulement montrer que la réalité est complexe et que les mots sont parfois piégés.
    Sur Maurras, je ne peux pour ma part que redire ceci : au-delà de ses erreurs et de ses jugements parfois si injustes, son courage, son désintéressement, son exigeante passion, sa sincérité extrême, sa ténacité et la somme incroyable d'efforts qu'il a su déployer au cours de sa vie, commandent le respect. Il y a chez Maurras quelque chose de très proprement, de très exactement héroïque. Il n'y a pas beaucoup d'hommes publics dont on puisse en dire autant.
    PROPOS RECUEILLIS PAR MICHEL FROMENTOUX  L’Action Française 2000 du 3 au 16 juillet 2008

  • 17 avril 1975 Les Khmers rouges vident Phnom Penh de ses habitants

    Le 17 avril 1975, Phnom Penh, capitale du Cambodge, est envahie par de longues cohortes d'adolescents maigres et hagards, tout de noir vêtus et lourdement armés.

    Il s'agit de l'armée des communistes cambodgiens. Surnommés quelques années plus tôt «Khmers rouges» par le roi Norodom Sihanouk, ils ont vaincu les partisans pro-américains du général et Premier ministre Lon Nol au terme d'une guerre civile de cinq ans.

    Le soir même, l'«Angkar» (l'Organisation) - le Parti communiste du Kampuchea (nouveau nom du pays) - décide de vider la ville de tous ses habitants.

    C'est le début d'une orgie de massacres qui va se solder par la mort violente de 1.500.000 à 2.200.000 personnes en 44 mois, jusqu'à la chute du régime, le 7 janvier 1979. En d'autres termes, 20% à 30% des 7.500.000 Cambodgiens auront été victimes de la folie meurtrière des Khmers rouges.

    Il faudra attendre 1997 pour que l'ONU y voit officiellement des «actes de génocide». Le secrétaire général du parti communiste, Pol Pot, mourra l'année suivante, avant d'avoir été jugé. Douch, directeur de la sinistre prison de Tuol Sleng, a été jugé en 2010 et condamné à 30 ans de prison. Khieu Samphan, ancien chef de l'État, attend d'être jugé en 2011…

    Un pays fait pour le bonheur…

    Héritier d'une très riche histoire dont témoignent les ruines d'Angkor, le Cambodge a échappé à l'annexion par l'un ou l'autre de ses redoutables voisins, le Siam et le Viêt-nam, grâce au protectorat français. Le 9 novembre 1953, il obtient tranquillement son indépendance avec pour roi constitutionnel le très souriant Norodom Sihanouk.

    Mais le pays est très vite gangréné par la guerre qui s'installe dans le Viêt-nam voisin et met aux prises les Nord-Vietnamiens communistes et leurs alliés vietcongs d'un côté, les Sud-Vietnamiens pro-américains de l'autre.

    Une poignée d'intellectuels cambodgiens issus de la bourgeoisie découvre le marxisme lors de ses études en France, dans les années 1950.

    Parmi eux, un certain Saloth Sar, né en 1928. Fils d'un riche propriétaire foncier, il est élevé près du palais par une cousine de son père membre du ballet royal avant de recevoir une bourse d'études pour la France.

    De retour dans son pays natal, il enseigne le français et communique à ses élèves sa passion pour Verlaine avant de rejoindre les maquis communistes. Se faisant désormais appelé Pol Pot, il deviendra secrétaire général du Parti («Frère Numéro 1») et Premier ministre du futur Kampuchea. À ce titre, il présidera à la mise en oeuvre du génocide !

    Dans les années 60, le gouvernement cambodgien fait la chasse aux communistes, en lesquels il voit non sans raison des fauteurs de troubles et des complices de l'ennemi héréditaire vietnamien. Les communistes se réfugient dans la jungle du nord-est où ils installent des maquis inexpugnables en s'appuyant sur la misérable paysannerie du cru. Ils restent toutefois très peu nombreux, à peine 4.000 au total.

    À la faveur d'un voyage en Chine populaire, en 1965, à la veille de la Révolution culturelle, Pol Pot, secrétaire général du Parti communiste ou Parti du peuple khmer (Prachéachon), se renforce dans sa haine de l'Occident et de la culture moderne et urbaine. Comme Mao Zedong, il voit dans la paysannerie pauvre le fer de lance de la révolution socialiste.

    … et rattrapé par le malheur

    Le sort du Cambodge bascule en 1969. Jusque-là, affichant sa neutralité, le prince Sihanouk avait tenté de maintenir son pays en-dehors du conflit voisin. Mais il ne pouvait empêcher les Nord-Vietnamiens et les vietcongs de transférer armes et munitions vers les maquis communistes du Sud-Vietnam en empruntant le port cambodgien de Sihanoukville et les pistes frontalières du nord-est.

    Le 14 août 1969, sous la pression américaine, le prince appelle au poste de Premier ministre le général Lon Nol, favorable à la guerre contre les communistes… et sensible à la promesse d'une aide massive de Washington. Pressé d'en découdre, Lon Nol profite d'un déplacement de Sihanouk en Chine pour le déposer le 18 mars 1970. Il instaure la République et s'en proclame président.

    Faute de mieux, Norodom Sihanouk prend à Pékin la tête d'un gouvernement de coalition en exil, avec les Khmers rouges. Dans le même temps, les Américains entament le bombardement des zones frontalières du Cambodge avec l'aval de Lon Nol.

    De 1970 à 1973, sous la présidence de Richard Nixon, l'US Air Force va déverser sur le Cambodge plus de bombes que sur aucun autre pays au monde. Au total plusieurs centaines de milliers de tonnes. Les bombardements redoublent même d'intensité en février-avril 1973, alors que les Vietnamiens se sont retirés du jeu après les accords de Paris.

    Ces bombardements indiscriminés, comme plus tôt au Viêt-nam, comme aujourd'hui en Afghanistan, font d'innombrables victimes parmi les populations civiles. Celles-ci, remplies de haine pour l'agresseur, se détournent du camp gouvernemental et rallient les communistes.

    Très vite, les troupes gouvernementales, en dépit de leur armement sophistiqué, cèdent du terrain face aux Khmers rouges. Lon Nol n'attend pas le gong final pour s'enfuir et abandonner ses partisans. C'est ainsi que Phnom Penh tombe le 17 avril 1975, deux semaines avant Saigon.

    L'horreur

    Les dirigeants des Khmers rouges, au nombre de quelques dizaines seulement, n'ont connu pendant dix à quinze ans que les camps de la jungle. Ils ressentent aussi beaucoup de méfiance à l'égard des communistes vietnamiens qu'ils suspectent de vouloir annexer les provinces orientales du Cambodge, peuplées de colons vietnamiens.

    Ils ont pu constater aussi combien le pouvoir était fragile en 1965, lors du massacre par le général Suharto de plusieurs centaines de milliers de communistes indonésiens. Ils ressentent cette fragilité avec d'autant plus d'acuité qu'ils sont très peu nombreux et craignent d'être submergés par les cadres de l'ancien régime qui viendraient à se rallier à eux.

    C'est ainsi qu'ils prennent la décision folle de faire table rase. Opposant l'«ancien peuple» (les paysans khmers pauvres) au «nouveau peuple» (les habitants des villes et les cadres pro-occidentaux), ils décident de rééduquer ces derniers et si besoin de les exterminer.

    Dans les heures qui suivent leur entrée à Phnom Penh, la capitale est vidée de ses habitants et des innombrables réfugiés qui avaient fui les bombardements des années précédentes. Au total 2 millions de personnes de tous âges. Il en va de même des autres villes du pays.

    Les déportés sont dirigés vers des camps de travail et de rééducation et astreints à des tâches dures et humiliantes. La nourriture est souvent réduite à deux louches d'eau de cuisson de riz par personne et par jour. La mortalité dans les camps atteint très vite des sommets.

    Les rebelles et les suspects sont jetés en prison et contraints à des aveux qui leur valent une exécution rapide, généralement d'un coup de pioche sur le crâne, car il n'est pas question de gaspiller des balles.

    Dans son très remarquable ouvrage, Le siècle des génocides, l'historien Bernard Bruneteau souligne que les meurtres ciblent des catégories précises. Ainsi, 4 magistrats sur un total de 550 survivront au génocide. Sont anéantis les deux tiers des fonctionnaires et policiers, les quatre cinquièmes des officiers, la moitié des diplômés du supérieur etc. Globalement, les populations citadines sont exterminées à 40% et les populations des régions les plus rurales à 10 ou 15% «seulement»

    Le doute

    La plupart des Occidentaux observent le drame avec incompréhension et beaucoup d'intellectuels manifestent une jubilation dont ils se repentiront plus tard.

    Il est vrai qu'au même moment, la victoire des communistes au Sud-Vietnam entraîne un autre drame, moins meurtrier mais plus spectaculaire, celui des «boat-people», réfugiés sino-vietnamiens prêts à affronter les tempêtes et les pirates sur des bateaux de fortune pour échapper au nouveau régime…

    En 1978, les Vietnamiens invoquent des raisons humanitaires pour envahir le Cambodge. Le 7 janvier 1979, ils entrent à Phnom Penh cependant que Pol Pot et les Khmers rouges reprennent le chemin de la clandestinité et des maquis. Le nouveau gouvernement cambodgien, vassal du Viêt-nam, compte dans ses rangs de nombreux Khmers rouges qui ont su retourner leur veste à temps.

    Pour cette raison, les Vietnamiens n'ont pas envie d'en rajouter dans la dénonciation des horreurs commises par les Khmers rouges. Les Chinois, méfiants à l'égard du Viêt-nam réunifié, trop puissant à leur goût, veulent ménager les Khmers rouges qui continuent de se battre dans la jungle. Même chose pour les Occidentaux.

    Il faut attendre le retrait unilatéral des forces vietnamiennes en 1989 pour que s'amorce une prise de conscience du génocide. Le 12 décembre 1997, l'Assemblée générale des Nations Unies fait enfin explicitement référence à des «actes de génocide» dans une résolution sur le Cambodge. La décision est importante : pour l'historien Bernard Bruneteau, elle signifie clairement que le concept de génocide n'est pas limité à une approche raciale ou religieuse. Il peut inclure comme au Cambodge ou pourquoi pas ? L'URSS une approche sociale.

    André Larané http://www.herodote.net

  • Petite histoire des campagnes de diabolisation (arch 2010)

    La « diabolisation » est une technique de manipulation des esprits. Elle vise à interdire la description des faits ou l’expression de certaines idées en disqualifiant celui qui les rapporte, en l’accusant d’ « extrémisme », de « dérapage » ou de « provocation ». La diabolisation est l’arme majeure du terrorisme intellectuel. Arme régulièrement utilisée en France depuis quarante ans mais qui a aussi été employée avec succès ailleurs.

    Petit rappel historique en forme d’explications :

    1968 : Enoch Powell

    Helléniste, latiniste, poète anglais, ancien de Cambridge, le député conservateur Enoch Powell était promis aux plus hautes destinées britanniques. Mais, élu d’une banlieue de Birmingham, il jugea de son devoir de s’inquiéter de l’immigration massive qui affectait alors sa circonscription. Son discours du 20 avril 1968 reste prophétique. Mais une campagne de diabolisation s’abattit sur lui. Pour évoquer les risques des sociétés multiculturelles il avait cité un vers de Virgile : celui évoquant la vision de la sibylle décrivant le « Tibre tout écumant de sang ». Le peuple britannique apporta son soutien à Enoch Powell mais les médias ne retinrent de son discours qu’une expression, celle des « fleuves de sang ». Enoch Powell fut brisé par le Système qui lui préféra le pâle Edward Heath. Plus tard, la leçon fut retenue par Margaret Thatcher : pour conserver le pouvoir et imposer des réformes libérales, la « Dame de fer » sut mobiliser l’esprit national pour reconquérir les Malouines mais laissa des pans entiers du Royaume-Uni s’islamiser et s’africaniser.
    http://www.youtube.com/watch?v=7wGtcloE0i8&feature=related

    1979 : la campagne de presse contre la « Nouvelle Droite »

    Durant l’été 1979, les grands médias lancèrent une campagne de presse massive visant à disqualifier des clubs de réflexion (GRECE et Club de l’Horloge) et un journal en plein essor, le Figaro Magazine, tout en « compromettant » le RPR et l’UDF. Sans qu’il y ait eu une seule phrase à reprocher aux mis en cause, l’objectif était de frapper d’interdit certaines idées : celles qui valorisaient les origines européennes de la civilisation française, celles qui prenaient en compte la diversité et l’originalité des cultures, celles qui relativisaient le rôle de l’acquis par rapport à l’inné. Toutes idées jugées non « correctes » tant par les tenants d’un marxisme finissant que par les partisans de la nouvelle idéologie des droits de l’homme en train de se constituer autour de Bernard-Henri Lévy.
    http://www.polemia.com/article.php?id=2737

    1980 : l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic

    Le 3 octobre 1980, une bombe explosa devant la synagogue de la rue Copernic à Paris. Immédiatement « l’extrême droite » fut accusée. Et le président de la LICRA, Jean Pierre-Bloch affirma : « Les assassins, ce sont aussi ceux qui ont créé le climat » ; il visait là les journalistes du Figaro Magazine, ciblés aussi par BHL. Quant au pouvoir exécutif de Giscard, Barre et Bonnet (ministre de l’Intérieur), il fut accusé de complaisance avec l’ « extrême droite ». On sut très vite pourtant que l’attentat était d’origine proche-orientale mais l’effet politique des accusations mensongères fut redoutablement efficace : la direction du Figaro Magazine fut épurée et Valéry Giscard d’Estaing battu à l’élection présidentielle de mai 1981.
    http://www.polemia.com/article.php?id=2735

    1980 : le parti communiste et le bulldozer de Vitry

    Le 24 décembre 1980, la municipalité de Vitry, conduite par son maire, bloque au bulldozer la construction d'un foyer de travailleurs immigrés devant abriter 300 travailleurs maliens. Le maire Paul Mercieca est soutenu par Georges Marchais puis par une résolution du Comité central du parti. Georges Marchais affirme alors qu’ « il faut stopper l’immigration officielle et clandestine ».

    Une campagne médiatique se déclenche alors contre le parti communiste. Etre allié de l’Union soviétique et défendre le goulag ne l’empêchait pas du tout de disposer d’un accueil favorable dans les médias ; en revanche, refuser l’immigration l’expose à la diabolisation. Pour y échapper, et malgré le soutien des populations locales, le parti communiste plie et se soumet aux dogmes de « l’antiracisme ». Il y perdra progressivement la totalité de son électorat populaire aujourd’hui partiellement remplacé par l’électorat immigré.
    http://www.dailymotion.com/video/xctabd_le-communisme-a-la-papa_news

    1983 : Dreux et le Front national

    Aux élections municipales de 1983, le thème de l’immigration, abandonné par le parti communiste, revient sur le devant de la scène, notamment dans le XXe arrondissement de Paris où Jean-Marie Le Pen est candidat et à Dreux où Jean-Pierre Stirbois conduit la liste du Front national. La socialiste Françoise Gaspard ayant fraudé pour être réélue en mars 1983, les élections de Dreux sont annulées ; de nouvelles élections ont lieu en septembre : pour emporter la ville, la liste RPR/UDF fusionne au deuxième tour avec celle de Jean-Pierre Stirbois. La gauche lance alors une campagne de diabolisation du Front national et reçoit pour la circonstance le soutien de Simone Veil que ce choix isole au sein du RPR et de l’UDF.

    1986 : la mort de Malik Oussekine et le sida mental

    En 1986, le gouvernement Chirac cherche à réintroduire la sélection à l’université et à réformer le code de la nationalité. La gauche et les organisations antiracistes subventionnées organisent alors des manifestations violentes de protestation.

    Dans le Figaro Magazine du 6 décembre, Louis Pauwels dénonce « le monôme des zombies » : « Ce sont les enfants du rock débile, les écoliers de la vulgarité pédagogique, les béats nourris de soupe infra-idéologique cuite au show-biz, ahuris par les saturnales de “Touche pas à mon pote”. (…) L’ensemble des mesures que prend la société pour ne pas achever de se dissoudre : sélection, promotion de l’effort personnel et de la responsabilité individuelle, code de la nationalité, lutte contre la drogue, etc., les hérisse. (…) C’est une jeunesse atteinte d’un sida mental. »

    Le même 6 décembre, à l’issue de la destruction d’une barricade par la police, un immigré sous dialyse rénale, Malik Oussekine, trouve la mort. Une puissante campagne de sidération de l’opinion s’engage et débouche finalement sur le retrait des lois sur l’université et la nationalité. Formule choc qui illustre bien la baisse des capacités immunitaires et de défense de la société, le « sida mental » est au cœur du scandale médiatique. Mais l’enchaînement des événements montre sa réalité. Aujourd’hui encore c’est le « sida mental » qui rend impossible la répression des émeutes ethniques dans les banlieues de l’immigration.

    1987 : le « détail » de Jean-Marie Le Pen

    Le « détail » de Jean-Marie Le Pen est souvent considéré – par ses partisans comme par ses adversaires – comme l’explication majeure de la diabolisation du Front national (le mot « détail » a lui-même été diabolisé !). Ce point de vue mérite d’être fortement nuancé voire corrigé :

    • - d’abord, parce que l’affaire du « détail » ne fut qu’une opération de diabolisation parmi beaucoup d’autres ; il est d’ailleurs intéressant de constater que la campagne de presse contre le « détail » de Jean-Marie Le Pen ne se déclencha pas immédiatement après l’émission « RTL/Le Monde » mais… 48 heures plus tard ; émotion et indignation ne furent pas instantanées mais programmées ;
    • - ensuite, le « détail » survenu en septembre 1987 n’empêcha pas Jean-Marie Le Pen d’obtenir les 500 parrainages de maire nécessaires à sa candidature à l’élection présidentielle, ni de rassembler, au 1er tour, 14,5% des suffrages, doublant quasiment le nombre de ses voix par rapport aux élections législatives précédentes.

    1990 : la profanation de Carpentras

    Il y a chaque année – ce qui est déplorable – plusieurs centaines de profanations de cimetières. Dans plus de 90% des cas il s’agit de cimetières catholiques et cela n’émeut personne dans la classe politico-médiatique. Il n’en va pas de même lorsqu’il s’agit de profanations de sites musulmans ou juifs.

    A l’origine, la profanation du cimetière de Carpentras ne fit l’objet que d’une simple dépêche de quelques lignes sur l’AFP ; puis elle fut mise en scène par le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, et devint un événement national de première ampleur. L’ensemble fut couronné par une grande manifestation PS/RPR/PC/UDF/LCR/SOS-Racisme/LICRA conduite par François Mitterrand.

    L’ancien directeur des RG, Yves Bertrand, a décrit l’affaire dans un livre de mémoires, n’hésitant pas à la qualifier de manipulation médiatique, sans se prononcer sur l’origine de l’acte lui-même si ce n’est sur la parfaite innocence du Front national. Parfaite innocence qui n’empêcha pas que soit brisée l’ascension du Front national qui venait pourtant d’obtenir l’élection d’un député au scrutin majoritaire (Marie-France Stirbois).

    L’affaire de Carpentras reste dans les mémoires car c’est la plus forte opération de sidération des esprits des quarante dernières années. Sidération qui s’opéra donc sur la base, sinon d’un mensonge, du moins d’un fait fantasmé et qui permit, quelques semaines plus tard, le vote de la loi mémorielle qui porte le nom du député communiste Jean-Claude Gayssot : loi liberticide qui crée le délit d’opinion historique. http://www.polemia.com/article.php?id=1573

    2004 : l’affaire Vanneste, la diabolisation au nom de l’homophobie

    Le député UMP Christian Vanneste a déclaré, le 26 janvier 2005, dans des interviews à La Voix du Nord et à Nord Eclair : « L’homosexualité est une menace pour la survie de l’humanité […]. Je n’ai pas dit que l’homosexualité était dangereuse. J’ai dit qu’elle était inférieure à l’hétérosexualité. Si on la poussait à l’universel, ce serait dangereux pour l’humanité […]. Pour moi leur comportement est un comportement sectaire. Je critique les comportements, je dis qu’ils sont inférieurs moralement […]. »

    Propos normaux pour un député conservateur et un philosophe catholique mais qui valurent à Christian Vanneste une puissante campagne de diabolisation. Il fut d’ailleurs poursuivi devant les tribunaux pour « homophobie », un délit créé sur le modèle des précédentes lois liberticides à la suite d’un montage médiatique. Un homme agressé avait médiatisé les coups dont il avait été victime en prétendant que ses agresseurs l’avaient frappé en raison de son orientation sexuelle. En fait, son agression était le fait de son « compagnon ». Mais l’émotion suscitée par le montage médiatique permit la création par la loi du 31 décembre 2004 du délit d’ « homophobie ».
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Vanneste

    2006/2009 : la diabolisation de Benoît XVI

    Il n’y a pas que les hommes politiques ou les intellectuels qui soient exposés à la diabolisation. Les hommes de Dieu aussi. Lorsque Jean-Paul II mourut, les médias mondiaux dressèrent le portrait robot du futur pape idéal : un Sud-Américain ou un Africain, progressiste, tourné vers les médias et attaché à une expression émotionnelle de la foi. Le Sacré Collège élut un cardinal allemand, intellectuel et philosophe, attaché à la raison et à la tradition. A partir de là toutes les occasions furent bonnes pour diaboliser le « pape allemand » :

    • - son discours de Ratisbonne, où il s’interrogeait sur la religion et la raison (et soulignait les différences entre le catholicisme et l’islam) ;
    • - ses propos africains sur le préservatif dont l’Eglise catholique peut pourtant difficilement… recommander l’usage.

    Dans ces deux cas la technique de diabolisation fut la même : la mise en exergue d’une phrase sortie de son contexte. La même technique que celle utilisée en 1968 contre Enoch Powell.

    Enfin la reductio ad Hitlerum fut aussi utilisée lors du rapprochement de Rome avec les évêques traditionalistes, l’un d’entre eux, Monseigneur Williamson, ayant tenu des propos révisionnistes, propos, certes, condamnables au regard du droit français (mais non du droit britannique) mais propos ne relevant en rien du droit canon (à moins de changer les dogmes de l’Eglise catholique).

    Bien entendu ces campagnes médiatiques ne sont que des prétextes utilisés par l’oligarchie médiatique dominante pour s’opposer à toute forme de retour vers la tradition catholique dont l’Eglise s’est éloignée à la suite de Vatican II. http://www.polemia.com/article.php?id=2002

    Les diabolisés : les nouveaux dissidents

    Les diabolisateurs sont les hommes d’influence qui tiennent le « manche ». Ce sont des hommes de pouvoir médiatique, politique ou financier, souvent défenseurs de groupes de pression communautaristes.

    Les diabolisés sont, eux, très divers : on y trouve des intellectuels, des hommes politiques, des hommes d’Eglise. Par-delà leurs différences, on trouve quelques points communs : souvent une grande culture, un attachement à des traditions, toujours du courage et de la lucidité et des convictions fermes qui les amènent à s’opposer au « politiquement correct », au « moralement correct », à « l’historiquement correct ».

    Le club des « diabolisés » fait penser aux clubs des dissidents des régimes totalitaires, ces régimes si bien décrits par George Orwell dans 1984. Des dissidents que le pouvoir soviétique qualifiait de « hooligans » !

    Ce qui prouve qu’être diabolisé, c’est plus qu’honorable, même si cela peut coûter cher : Louis Pauwels n’entra pas à l’Académie française, Enoch Powell se vit barrer la route de Downing street, Christian Vanneste ne deviendra jamais ministre et Benoît XVI aura toujours du mal à être aimé des grands médias !

    Comment combattre la diabolisation ?

    Une précision d’abord : la diabolisation ne s’évite pas, sauf par le silence, la repentance et le reniement de convictions non conformes. Il ne sert à rien, non plus, de « hurler avec les loups » et de tenter de dénoncer ceux qui seraient encore plus diabolisables que soi. Là aussi c’est aller contre l’honneur et contre ses propres intérêts car cela revient à s’inscrire dans la logique des diabolisateurs.

    Alors, quand on refuse de suivre la pente dominante – à quelque niveau que l’on se trouve – il faut s’apprêter à faire face à la diabolisation.

    Avec lucidité et courage. Il n’est pas toutefois interdit d’être habile : défendre des idées non conformistes c’est comme une course d’arêtes, cela implique de ne tomber ni d’un côté ni de l’autre ; il ne faut céder ni à la facilité ni à l’excès.

    Mais il faut aussi faire face aux diabolisateurs : dévoiler leurs arrière-pensées et les intérêts qu’ils servent ; effectuer les rappels historiques nécessaires ; et se poser une bonne question : Qui dans l’histoire a laissé sa marque sans avoir, à un moment ou à un autre, été diabolisé par les intérêts du moment ?

    Polémia
    20/12/2010

  • « Le Pen, une histoire française » de Philippe Cohen et Pierre Péan : Réhabilitation ou réquisitoire ?

    Ni hagiographie, ni pamphlet, Le Pen, une histoire française a déclenché une belle polémique. Ses auteurs, Pierre Péan et Philippe Cohen, s’écartent de la doxa officielle. Pour eux, la diabolisation du Front national est moins due aux « dérapages » de son président qu’aux manœuvres machiavéliques de François Mitterrand créant SOS Racisme en même temps qu’il rétablissait la proportionnelle et se prêtait avec Pierre Joxe à la manipulation de Carpentras. Le Pen, une histoire française est un livre où les auteurs ne prennent pas vraiment parti mais accumulent des faits, des témoignages étayés, parfois des ragots, et exposent, sur chaque sujet, les différentes thèses en présence. Il leur arrive d’être sévères avec le président honoraire du Front national, notamment dans la description de ses rapports avec son parti et surtout avec l’argent, sans parler de leur hypothèse sensationnaliste sur une éventuelle expérience homosexuelle, bien dans l’air du temps il est vrai, qui a conduit Jean-Marie Le Pen à annoncer des poursuites en diffamation. Observatrice affutée de la scène nationale, Camille Galic présente pour nos lecteurs le livre de Péan et Cohen.
    Polémia

     

    Après celle qui suivit l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle 2002, la France a connu une nouvelle « quinzaine de la haine », celle qui, dès la mi-novembre, s’est déchaînée dans la presse française contre les auteurs de Le Pen, une histoire française. Mais cette cabale ne repose-t-elle pas sur un malentendu ? En dépit – ou en raison – de son objectivité affichée, ce livre ambigu, en rupture avec les thèses établies depuis des décennies, est aussi, en effet, un SCUD contre le président honoraire du Front national.

     

    Matraquage contre Cohen-Péan

     

    C’est Nicolas Poincaré qui attaqua le premier sur Europe 1 : comment Philippe Cohen et Pierre Péan ont-ils pu aborder « sans haine » (sic) le président honoraire du Front national ? Sur la même antenne, propriété d’Arnaud Lagardère et désormais aussi de l’émir du Katar Alexandre Kara, nouveau chef du service politique d’Europe 1, et Benjamin Bonneau renchérissent : « Le Pen doit attendre ce livre avec le sourire, [car] les deux journalistes d’investigation se livrent en effet à une véritable entreprise de dédiabolisation, voire de banalisation, de l’homme qui a réinventé l’extrême droite française. »

     

    Pensez donc (c’est toujours Alexandre Kara et Benjamin Bonneau qui parlent) : « Concernant la guerre d’Algérie, un pan obscur de la carrière de Jean-Marie Le Pen, les auteurs en arrivent en effet à cette conclusion : “Si Le Pen a sans doute brutalisé des Algériens, il n’a pas pratiqué la torture institutionnelle telle qu’elle a été employée pendant le conflit”… » et les auteurs osent le définir « non comme un Mussolini français mais plutôt comme le fils de Céline et de Séguéla ».

     

    L’offensive continue sur France Inter où, malgré sa répugnance à parler de « mauvais livres » (mais il faut en parler « justement par respect pour les bons »), Patrick Cohen éructe dans sa tranche matutinale contre son homonyme Philippe et contre Pierre Péan, qui « banalisent » Le Pen et, traitant de l’affaire du « détail » (1987), omettent d’y voir la preuve irréfutable que Le Pen, « ce jour-là patraque », est un antisémite invétéré.

     

    Si l’on ajoute à ces charges celles, tout aussi virulentes, de Maurice Szafran, directeur de Marianne (dont, pourtant, Philippe Cohen est toujours rédacteur après en avoir été l’un des cofondateurs), et de Serge Ulisky qui, sur le site Mediapart dirigé par Edwy Plenel, s’indigne de voir « un Le Pen réhabilité, sorti du purgatoire par la grande porte… celle qui mène au paradis, à la droite du Père », il faut bien admettre que l’on a assisté à une fameuse démonstration de « Cohen-Péan bashing ».

     

    Boulevard à ragots

     

    La chose est d’autant plus surprenante que le livre, d’ailleurs souvent fondé sur des sources anonymes et entaché d’erreurs (François Brigneau y est confondu sur une photo avec Hubert Massol, Jean Mabire assimilé page 156 à Bernard Antony comme chef des catho-tradis, etc. sans parler des confusions de prénoms), est sans doute le réquisitoire le plus dommageable – du point de vue, essentiel, celui du militant de base – jamais écrit sur l’homme Le Pen. Péan et Cohen le présentent comme un opportuniste politique, taxé d’homosexualité avec le feu député-maire de Pau André Labarrère, accusé d’avoir été un mauvais père et un président de parti peu scrupuleux. A l’évidence, ces auteurs ne ressentent visiblement aucune empathie pour lui, au contraire de leurs confrères de Libération Gilles Bresson et Christian Lionet, auteurs de la première biographie (1) consacrée au président du Front national car ces gauchistes ne pouvaient en effet se défendre d’une certaine fascination pour le turbulent et inclassable Le Pen. L’intéressé ne s’y est d’ailleurs pas trompé qui, qualifiant le livre de Cohen et Péan de « boulevard à ragots », s’estimait « calomnié » et annonçait le 29 novembre son intention de porter plainte.

     

    Malentendu

     

    Comment expliquer ce malentendu ? Sans doute, parmi les plumitifs qui ont dénigré Le Pen, une histoire française dès sa parution, bien peu en avaient lu chacune des 540 pages. Mais la principale raison de leur vindicte est celle avancée par Patrick Cohen sur France Inter : « Ce qu'il y a de plus insupportable dans [c]e Le Pen, c'est la façon dont les auteurs font la leçon à tous ceux qui les ont précédés », y compris lui-même, qui avait commis au printemps 2003 un livre à charge (2).

     

    En effet, si Péan et Cohen ne ménagent pas le Le Pen intime, caractérisé selon eux par « un narcissisme exacerbé et un égocentrisme de tous les instants » ainsi que par « une propension à tout détruire » et « une relation trouble à l’argent », ils font litière des accusations justifiant la « légende noire » entretenue à plaisir depuis près de trente ans par des journalistes aussi suivistes que négligents dans la recherche des preuves. Ils jugent ainsi, on l’a vu, invraisemblable que le jeune député engagé au 1er REP ait torturé en Algérie (qui imagine d’ailleurs l’armée confiant une pareille tâche à un civil, de surcroît député, fût-il provisoirement enrôlé dans la Légion ?). Ils reconnaissent aussi que les témoins FLN convoqués aux différents procès intentés par Le Pen à Michel Rocard et au Monde notamment (diffamateurs relaxés en raison de leur « bonne foi ») étaient de faux témoins et que la très tardive exhibition d’un « poignard SS » avec lequel le jeune député aurait soumis ses supposées victimes à la question relève du montage. De même, s’ils soulignent sa fidélité aux « vaincus de l’histoire », ils n’y voient pas la preuve d’un antisémitisme viscéral et primaire (qui, ainsi que son racisme tant de fois incriminé, « relève de la provocation plus que de l’intime conviction »). Enfin, ils exonèrent aussi celui qui était alors le président du Front national de toute responsabilité dans la profanation de Carpentras ainsi que dans la rixe qui se produisit en 1995 en marge d’un défilé du FN et à l’issue de laquelle le Marocain Bouarram, jeté, ou tombé, dans la Seine, s’y noya. En revanche, ils sont très sévères pour la gauche en général et François Mitterrand en particulier qui, tout en instituant la proportionnelle qui devait mécaniquement amener le Front national à la Chambre, instrumentalisait simultanément SOS Racisme pour sataniser Le Pen et interdire ainsi toute entente entre les « fascistes » et la « droite républicaine » dont François Léotard, l’une des têtes d’affiche, était l’un des parrains de SOS Racisme. Cette stratégie, ou plutôt cette tactique réussit parfaitement puisque ses effets perdurent aujourd’hui encore.

     

    Le boomerang de la diabolisation

     

    En somme, Péan et Cohen prennent sur les plans historique et politique l’exact contrepied des confrères qui ont si longtemps, et qui pour la plupart persévèrent, à colporter des contre-vérités, avec pour seul résultat de « congeler » autour de Jean-Marie Le Pen ceux de ses compatriotes qui refusent la bien-pensance, et donc de « faire de lui une sorte d’épicentre de la vie politique récente ».

     

    Ce cruel constat de son aveuglement sectaire et de son propre échec, c’est bien ce que notre moutonnière mais arrogante gent journalistique reproche le plus aux auteurs de Le Pen, une histoire française, même si leur livre est un mauvais coup porté au Front national et plus largement au mouvement national.

     

    Camille Galic http://www.polemia.com
    3/12/2012

     

    Philippe Cohen et Pierre Péan : Le Pen, une histoire française, éd. Robert Laffont 2012, 540 pages.

     

    Notes :

     

    (1) Patrick Cohen avec Jean-Marc Salmon, 21 avril 2002 : Contre-enquête sur le choc Le Pen, Denoël 2003, 356 p.
    (2) Gilles Bresson et Christian Lionet, Le Pen, biographie, Ed. du Seuil 1994.