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divers - Page 288

  • Conférence Dextra du 18/05 : L'école libre face à la faillite de l'Education nationale, par Viktor Ober

    Chers amis, chers camarades, 
    Pour cette nouvelle conférence Dextra, 
    Nous avons la joie et l'honneur de recevoir à nouveau Viktor Ober, sur un sujet très important et d'actualité, à savoir : 
    "L'école libre face à la faillite de l'Education nationale" 
    Nous vous attendons nombreux et ponctuels pour cette nouvelle conférence. 
    A vendredi !

  • L'émission Synthèse du jeudi 3 mai sur Radio Libertés avec Patrick Gofman

    Les émissions Synthèse sur Radio Libertés cliquez là

    http://synthesenationale.hautetfort.com/

  • Histoire : Mai 68 • Les meneurs de la « Commune étudiante » : un paradoxe français [1]

    Par Rémi Hugues 

    Dans le cadre de la sortie de son ouvrage Mai 68 contre lui-même, Rémi Hugues a rédigé pour Lafautearousseau une série dʼarticles qui seront publiés tout au long du mois de mai.

    Quelque chose de contradictoire animait les passions politiques des leaders de Mai, couramment désignés par l’expression de « révolutionnaires professionnels »[1]. Cette contradiction résidait dans l’opposition entre leurs origines et leurs orientations en matière géostratégique, ces dernières étant fondées, guerre du Vietnam oblige, sur un anti-impérialisme américain radical. Ce qui explique ce paradoxe est justement le caractère mondial de leur combat : comme le souligna le président de Gaulle lors du Conseil des ministres du 5 juillet 1967 : « La jeunesse devient internationale »[2]

    Une patrie : la terre 

    Ces jeunes meneurs de Mai 68 se dépouillaient de la culture qu’ils héritaient de leur milieu familial pour se consacrer entièrement à la lutte de libération internationale. « En tant que ʽʽcitoyens du mondeʼʼ, universalistes et cosmopolites, ils étaient en quête d’une ʽʽpatrieʼʼ, des ʽʽracinesʼʼ en des lieux différents, physiquement, idéologiquement et intellectuellement éloignés : en Chine, en Amérique latine, au Vietnam ou en Algérie. »[3]

    Le groupuscule maoïste dont faisait partie Alain Geismar, l’une des figures majeures de la révolte étudiante, « était violemment antisioniste. Ses deux chefs pourtant, l’officiel comme l’occulte, Geismar et Victor (Benny Lévy), étaient juifs. Mais, à l’époque, il n’y avait rien là de paradoxal. On était ʽʽinternationalisteʼʼ. »[4]

    Relativement à cette question, Maurice Szafran relate le fait suivant : « Dès 1967, au lendemain de la guerre des Six-Jours, Tony Lévy, le frère de Benny, avait fondé à la Cité universitaire un comité des étudiants juifs antisionistes. Le terreau idéologique était on ne peut plus simple. Il tournait autour d’une de ces ʽʽévidencesʼʼ qui fondent le gauchisme : Israël n’est qu’un instrument de l’impérialisme américain. […] Les frères Lévy comptent parmi les premiers responsables gauchistes à comprendre que la cause palestinienne peut leur être utile. Et sur deux plans : faire apparaître de nouveaux héros au firmament de la révolution, s’adresser, par ce biais, aux ouvriers immigrés d’origine arabe. Au fellagah du FLN et au vietcong du FNL doit succéder le fedayin du Fath. »[5] Méprisés par les ouvriers français, les militants de lʼUJC(ml) étaient contraints de se tourner vers les travailleurs immigrés, essentiellement d’origine maghrébine, afin de pouvoir espérer recruter de nouvelles ouailles. 

    Ce groupuscule prochinois fut dissous avec d’autres après les élections législatives de juin 1968 : il fut rebaptisé Gauche prolétarienne. Cette organisation s’attelait notamment à diriger son action militante autour du thème de la défense de la cause palestinienne. Par exemple avec la tenue d’un meeting en 1970 : « Hautparleurs, musique orientale, grands discours en arabe, en français. Drapeaux palestiniens déployés, vert, blanc avec croissant rouge. Portraits de Yasser Arafat. Banderoles... On distribue des tracts du Comité Palestine : En Palestine tout le monde se bat pour la liberté. Pas seulement les feddayin mais aussi les femmes et les enfants. Ils se battent pour reprendre la terre que l’occupant sioniste leur a volée. »[6]

    La même année la GP organisait une manifestation en faveur de la cause arabe en rendant hommage à son avocat le plus célèbre. « Le 28 septembre 1970 Nasser meurt. Ses funérailles auront lieu le 1er octobre. Les maos flairent là ʽʽun bon coupʼʼ. La mort du président égyptien, le Raïs, a déclenché en effet une émotion immense dans le monde arabe, et bien entendu chez les immigrés... Porte Zola, dès avant six heures du matin, on installe des panneaux : portraits du Raïs, d’Arafat, photos de feddayin, kalachnikov au poing. En célébrant Nasser, les chefs maos mettent de l’eau dans leur vin. Ils le méprisent en fait. C’est un larbin de Brejnev, se disent-ils en aparté. Il bouffe à la fois au râtelier du KGB et de la CIA ! Il trahit les Palestiniens... L’Egypte est soutenue par l’URSS. Et la Chine joue contre l’URSS au Moyen-Orient. Mais avec les immigrés arabes, qu’on veut séduire, on n’entre pas dans ces considérations...

    – Pour les funérailles de Nasser, on n’a été que deux cents, au départ, à débrayer dans lʼîle Seguin, raconte un mao maghrébin, surtout des Arabes. […] Régulièrement des camarades prenaient la parole. Et puis on est allé déjeuner à la cantine. Pendant le repas et après, on n’a pas arrêté de discuter. Porte Zola, à la sortie de l’usine, les discussions se poursuivent. […] On argumente, on sʼengueule :

    - Un État palestinien ? On n’en veut pas. Qu’est-ce que ça serait ? Un grand camp de réfugiés surveillé par des flics sionistes ! Non... Il faut poursuivre la révolution, renverser les sionistes et tous les États arabes réactionnaires !

    - On libérera aussi les Juifs de Palestine de la dictature sioniste !

    - Pour les immigrés, ici, en France, il est clair que la seule solution ce sont les armes !

    - Les Français ont trop tendance à vouloir régler les choses pacifiquement. Nous, les maoïstes arabes, quand nous luttons ici contre les patrons, nous luttons en même temps contre les réactionnaires arabes. Notre combat est mondial !...

    Un Maghrébin, portant un paquet de journaux, se glisse dans le groupe, criant :

    - Lisez Fedaï, journal antisémite.

    Un lieutenant de Victor le rabroue. Le vendeur corrige alors le tir :

    - Lisez Fedaï, journal antisioniste ! »[7] 

    Cette anecdote illustre bien les ambiguïtés auxquelles étaient confrontés les gauchistes, dont les maoïstes en particulier, dans leur combat antisioniste.  (Dossier à suivre)  •   

    [1]  Hervé Hamon, Patrick Rotman, Génération. Les années de rêve, Paris, Seuil, 1987, p. 313.

    [2]  Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, III, Paris, Fayard, 2000, p. 250.

    [3]  Yaël Auron, Les juifs d’extrême gauche en mai 68, Paris, Albin Michel, 1998, p. 278.

    [4]  Morgan Sportès, Ils ont tué Pierre Overney, Paris, Grasset, 2008, p. 121.

    [5]  Maurice Szafran, Les juifs dans la politique française de 1945 à nos jours, Paris, Flammarion, 1990, p. 188.

    [6]  Morgan Sportès, op. cit., p. 121.

    [7]  Ibid., p. 141-142.

    L'ouvrage de l'auteur ...

    (Cliquer sur l'image)

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    Retrouvez les articles de cette série en cliquant sur le lien suivant ... 

    Dossier spécial Mai 68

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/archive/2018/05/12/mai-68-les-meneurs-de-la-commune-etudiante-un-paradoxe-fra-6051067.html

  • Paris 15 mai, Gérard Leclerc parlera de Mai 68 aux Mardis de Politique magazine, une soirée à ne pas rater !

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    Rendez-vous à partir de 19 h 00 - Conférence à 19 h 30 précises
    Participation aux frais : 10 euros -  Etudiants et chômeurs : 5 euros

    Salle Messiaen, 3 rue de la Trinité  Paris 9° - Métro La Trinité, Saint-Lazare

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    Renseignements : Politique magazine, 1 rue de Courcelles Paris 8° - T. 01 42 57 43 22

  • Il y a 50 ans… Actualité révolutionnaire de la grève sauvage généralisée de Mai-Juin 1968 en France et ailleurs… par Francis COUSIN (3e partie)

    « La grande grève générale sauvage de plus de 10 millions de prolétaires en mouvement au printemps 1968 faillit (mais faillit seulement…) balayer tous les responsables de tous les camps de la marchandise en un temps où la crise de l’économie politique ne faisait alors que commencer le parcours de son impossible reproduction. En revanche, lorsque l’économie politique de la crise se reproduira comme impossibilité devenue de son parcours, la nouvelle grève générale, par la sauvagerie de sa grandeur et la grandeur de sa sauvagerie, anéantira tous les apologistes du Capital. »

    Commentaires sur l’extrême radicalité des temps derniers. Critique de la dictature démocratique du spectacle de la marchandise terminale…

    Mai 68 commémoré par le spectacle de la marchandise ou comment ensevelir la radicalité de la lutte des classes…

    Quand c’est la fin, c’est la fin… La communication critique sans aucune concession avec tout ce qui existe en tant que métastase de la merde de l’économie politique est la problématique centrale du mouvement du prolétariat s’auto-abolissant. Si ce dernier achoppe sur elle, il s’enlise et il perd sur tout. Le Capital en 1968 a utilisé la grève longue et dure pour assimiler la critique radicale du travail afin de contrecarrer cette contestation pour la recomposer en revendications permettant d’assurer la continuité dépoussiérante des amortissements du monde des affaires. Dans les assemblées générales, les ouvriers en voie de durcissement, sont finalement réduits au silence par le brouhaha des militants de la discipline. C’est la situation objective des déterminations historiques qui détermine l’histoire objective de la situation qui fait les forces et les faiblesses d’un mouvement social. Tant que le Capital n’a pas atteint le temps de sa crise terminale, toutes les crises qu’il rencontre sont des moments qui signalent qu’il doit encore poursuivre son chemin encore incomplètement réalisé vers le réel de sa complète complétude laquelle sera justement et là uniquement son auto-invalidation. La crise de 1968 en tant que crise de la domination réelle inférieure vers la domination réelle supérieure de la valeur est l’instant historique où la mondialisation cosmopolite de la marchandise se fait libre-échangisme absolu. La grève sauvage est donc d’emblée condamnée à échouer

    parce que le temps de sa généralisation universelle n’est pas encore arrivé. C’est la raison pour laquelle les publicitaires de la marchandise globale pourront facilement s’accaparer le « Il est interdit d’interdire » ou le « Jouissons sans entraves » en vue de les vider totalement de leur soulèvement ontologique contre la domination du système des objets et toutes ses censures pourries afin d’en faire de simples étiquettes commerciales pour le libre épanouissement machinique des mœurs égocentriques accaparés par la démocratie totalitaire de la valeur d’échange universelle, de son obscurantisme scientifique, de sa sexualité robotique, de son indigence affective, de ses punitions judiciaires et de son trans-humanisme thanatique.

    Quand le spectacle de la marchandise mondialisée sera devenu tout entier cadavre, là alors seulement la crise historique de la vente de la chose-force de travail sera assurée de pouvoir faire se lever la conscience vraie du tout puisque le tout de la conscience fausse sera rendu obsolète par la limite objective de l’objectivité réalisée de toutes ses limites.

    Le plan de sauvetage du capitalisme devait à tout prix casser la grève sauvage qui désordonnait dangereusement la production… Dès lors, la docilité la plus avachie devait redevenir la norme et ainsi remplacer la controverse dés-obéissante… L’heure n’était pas à la révolution sociale mais à la progression continuée et continue de la marchandise vers sa domination totale… Les dés étaient jetés… Les derniers épisodes violents de refus de la normalisation se dérouleront début juin avec les affrontements de Renault-Flins des 7 et 10 juin et à Peugeot Montbéliard-Sochaux le lendemain lesquels firent plusieurs morts. Alors, les grèves vont cesser progressivement quoique lentement et avec endurance, dans l’amertume, la douleur, la fatigue, le courroux et l’exaspération.

    Une dernière « nuit des barricades » au Quartier latin les 11 et 12 juin viendra signifier que le Capital a bien définitivement gagné et l’émeute ne sera plus là que le fait des derniers irréductibles de plus en plus seuls.

    Au lendemain de Mai 68, les gauchistes qui avaient fait vulgairement semblant de saisir l’importance du cri de ralliement « élections pièges à cons » se lanceront à corps perdus dans toutes les campagnes électorales de la fumisterie votarde pour très rapidement appeler à soutenir, en parfaits rabatteurs pestilentiels, les listes de la gauche du Capital au second tour de l’ensemble des bouffonneries municipales, législatives puis présidentielles. Depuis 50 ans, tous les gauchistes de la marchandise n’ont cessé de venir conforter la démocratie dictatoriale du syndicalisme et du parlementarisme pendant qu’ils appuyaient toutes les opérations de propagande qui soutenaient les luttes nationales de libération capitaliste et l’incarcération forcée des femmes dans les pénitenciers du travail. Il est donc normal que la plupart les leaders de la tartuferie gauchiste finissent insensiblement par se retrouver au cœur de tous les états-majors de la réévaluation commerciale et idéologique de la séduction la plus à la page des forfanteries étatiques de la mutilation appropriative.

    Il n’y a pas de rupture de continuité entre la lutte de classe telle qu’elle est le développement du Capital et la révolution telle qu’elle est la production du communisme, il ne s’agit que d’une transformation qualitative du rapport entre les classes à un moment donné de renversement dialectique. C’est lorsque le développement du Capital ne peut plus développer le Capital que se produit l’auto-mouvement communiste en tant que conclusion déterministe de l’impossible développement du Capital et donc comme trans-croissance du réformisme infaisable retourné alors en révolution faisable… La révolution est la seule action possible qui puisse se déclencher lorsque le Capital est parvenu à son terme historique objectif en tant que cette action exprime la dialectique de l’au-delà du Capital comme réalisation enfin nécessaire de l’auto-émancipation humaine et donc d’abord comme auto-abolition ad-venue du prolétariat. C’est là, la matérialisation historique d’une histoire pleinement mise à exécution qui met en évidence que la modalité révolutionnaire de l’être du prolétariat enfin accomplie permet à ce dernier de signaler que l’horizon qui va au-delà des classes est le véritable aboutissement déterministe du rapport contradictoire entre les classes dans le mode de production capitaliste enfin achevé par sa décadence totalement conclue.

    La contradiction entre le prolétariat et le Capital – en tant qu’elle est la dialectique de leur implication réciproque – qui fait à la fois, d’abord, le Capital possible puis, ensuite, le Capital impossible est simultanément la dynamique du développement du mode de production capitaliste qui peut se reproduire et celle de son dépassement quand il ne peut plus produire le reproduire de ce reproduire. Il en ressort qu’un cycle de luttes donné se définit en sa totalité comme le rapport déterministe entre, d’une part le cours quotidien de la lutte de classe réformiste encore envisageable et, d’autre part, la révolution communiste dans son contenu historique de cours désormais irréalisable de la lutte de classe du réformer quotidien.

    L’exploitation comme rapport entre le prolétariat et le Capital est une contradiction historique en ce qu’elle est un procès antinomique avec sa propre re-production (la baisse du taux de profit comme mesure du contradictoire de l’aliénation !), totalité dialectique dont chaque élément n’existe que dans sa relation à l’autre et se définissant dans cette relation comme contradiction à l’autre et par là à soi-même tel que le rapport déterministe de toutes les déterminations impliquées définit toutes les définitions voilées du mensonge capitaliste : travail productif et travail improductif, accumulation du capital et taux d’exploitation, conscience humaine en mutinerie et conscience captive du citoyennisme; surtravail et travail nécessaire; valorisation et travail immédiat… Le capital est une contradiction en procès, ce qui signifie que le mouvement qu’est l’exploitation est une contradiction pour les rapports sociaux de production dont elle est le contenu et le mouvement. En ce sens, c’est une articulation très spécifique qui peut amener (mais seulement à un moment donné vraiment incontestable !) à l’auto-négation de l’économie politique toute entière dès lors que cette entièreté est devenu le tout de son impossibilité totale. Le Capital comme contradiction en procès c’est la lutte de classe et quand la critique radicale fait connaître que l’exploitation est une contradiction en procès de mort, elle avertit que la révolution communiste se définit comme expérience qui fait état de cette situation où l’activité révolutionnaire du prolétariat témoigne du fait que le communisme réalisable est l’autre nom du capitalisme réalisé qui s’est rendu irréalisé, non pas parce que la mécanique bloquée de l’un entraînerait machinalement le déblocage de l’autre, mais en raison du fait que la passion du jouir radical ne peut aller au bout d’elle-même que si les forces productives de la résignation cessent de pouvoir se reproduire dans la matérialité reproduite des dialectiques d’apprivoisement du marché encore possible du renoncement dupliqué.

    Ce qui fut alors entrevu en 1968, c’est que le communisme ne peut pas être autre chose que le mode de production de la communauté humaine se produisant- elle – même et que l’abolition du Capital ne pouvait être que la négation des classes et du prolétariat lui-même au moment où le Capital produirait enfin le procès de son auto-liquidation. Le contenu critique essentiel de Mai 68 et de toute cette période fut de se heurter pratiquement au fait que la révolution n’est pas une question de gestion, d’établissement du prolétariat en classe dominante qui généralise sa situation, universalisant le travail comme rapport social et l’économie comme objectivité de la société en tant que ridicule rapport modifié entre les choses. En refusant de se faire broyer par la révolution du marché, les prolétaires ouvraient la perspective du dépassement de l’argent. Ils rêvaient, ils débattaient et ils aspiraient en une autre dimension… Ils avaient compris malgré toutes leurs entraves que la lutte

    contre le travail est une lutte anti-politique et anti-économique et que la lutte contre l’économie politique du dressage est une lutte qui doit impérativement anéantir le travail…

    Les ouvriers sont finalement sortis des usines occupées par les syndicats…Les plus radicaux ont compris que la vraie contradiction était ailleurs et hors les murs de l’usinisme aliénatoire, dans la confrontation ouverte des mille rencontres qui ne veulent pas gérer autrement le travail des villes et des campagnes mais liquider cette division aliénée pour supprimer le travail lui même et faire vivre la production humaine des seuls besoins nécessaires par l’extirpation de tous les artifices du totem solvable. La véritable contestation humaine de Mai 68 était la critique en actes de la révolution capitaliste du travail amendé comme simple montée en puissance d’une subversion étriquée et factice, en tant que la lutte qui se développait se voulait non point affirmation de la classe du travail mais manifestation de la classe qui détruit à la fois les classes et le travail. Les ouvriers n’ont finalement réinvesti les usines

    qu’au moment de la reprise, souvent pour s’y opposer violemment. Ce n’est qu’ainsi que devenait évident que la vraie révolution ne pouvait être l’aboutissement de la montée en puissance de la classe ouvrière à l’intérieur du mode de production capitaliste, montée en puissance s’achevant dans son affirmation en classe dominante, en pouvoir politique d’intendance et de management de la marchandise mais, a contrario, en puissance générique de la Gemeinwesen en tant que communauté de l’être de l’homme et destruction humainement vécue de tout ce qui fait l’impérialisme de l’échange, de l’argent, du travail et de l’État.

    Après l’échec des dernières convulsions de Mai, le carcan syndical et politique de la gauche du Capital escorté de ses laquais gauchistes, pu remettre progressivement en place dans toutes les entreprises les structures petites, grandes et moyennes qui faisaient correctement fonctionner tous les chenils des chiens de garde diversifiés du Capital. En même temps, l’expérience des commotions chiliennes permettait à l’« Unité populaire » d’Allende et de Corvalan et à tous leurs relais mondiaux de désarmer durablement le prolétariat pour le livrer à la répression de Pinochet, commandant en chef de l’armée chilienne, brave franc-maçon du Capital, nommé à ce poste par Allende lui-même, ceci tout en écrivant une histoire à l’envers qui voulait faire croire que le duel à mort du coup d’État de 1973 entre l’armée et les fractions capitalistes de gauche n’aurait pas été qu’une simple lutte interne à la mafia étatique quant aux options différentes pour écraser le prolétariat… Implication finale des défaites du mouvement de mai, le développement modernisateur de la marchandise poursuivit sa route d’accomplissement trompeur. Le P«C»F vira moins staliniste, le PS largua les vieux costumes usés de la SFIO et la mystification auto-gestionnaire qui à partir de la CFDT et de toute la gauche de la gauche du Capital enfermera la radicalité ouvrière subsistante dans le marigot des recompositions évolutionnaires qui, telle l’affaire Lip, vont aller enrégimenter le malaise prolétarien dans la nausée du produire le salariat autrement. L’arrivée de la gauche du Capital pour 1981 était ainsi totalement programmée pour que le mouvement le plus parfaitement progressiste de la contre-révolution du progrès devienne enfin le critère de toute chose et faire ainsi obstacle durable au mouvement de la révolution humaine contre la marchandise et mettre en scène la machinerie mondialiste des décennies à venir.

    Le fétichisme de la marchandise a ainsi pu s’exhiber aujourd’hui comme la puissance qui domine le monde et comme le monde qui domine toutes les puissances, réalité irréelle qui atomise les hommes, place toute l’existence en hors-sol du vivant, en générant une puissance d’intelligence artificielle et de technologie irrésistible par rapport à laquelle les États eux-mêmes n’ont plus aucune marge de manœuvre, tout entier aspirés par la géo-politique cosmopolite de l’argent illimité. L’avènement du marché mondial, après la victoire du 68 du gauchisme des affaires sur le 68 de la répugnance au travail n’est rien d’autre que la soumission de tous les hommes, de tous les désirs, de toutes les vies – extérieures et intérieures – et de la nature tout entière au règne autocratique de la valeur. La grandeur de valeur d’une marchandise est historiquement définie par le temps de travail moyen socialement nécessaire à sa production. Ce travail se définit comme du « travail abstrait » et en tant que résultat de la dialectique des nécessités de l’échange, c’est là justement comme valeurs que toutes les marchandises ne sont précisément que du travail humain cristallisé par le despotisme de l’exploitation et de l’abstraction.

    Donc, oui, il convient de dire que le capitalisme, grâce à la fonction éminente du spectacle qui à partir de 68 nous fait entrer dans la domination réelle supérieure de la valeur, est devenu un totalitarisme impeccable, et même qu’il est le fondement et la condition de possibilité de tous les apprivoisements et assujettissements du XXIe siècle car le régime de la démocratie absolue de la bien-pensance sans restriction et des lois mémorielles catégoriquement indispensables ne sont là que les expressions caricaturales et grossières du principe constitutif de la pleine modernité capitaliste, à savoir la massification totale de l’humanité par son arraisonnement à la puissance impersonnelle et sans réserve de l’abstraction abrutissante de l’équivalent-général.

    En 1968, le prolétariat était encore trop in-accompli historiquement en son devenir contradictoire à la marchandise non encore exhaustivement réalisée pour espérer abattre le vieux monde qu’il désignait pourtant déjà fort bien comme son ennemi. Aurait-il gagné du temps et de l’espace au-delà de juin et de juillet 68 qu’il se serait de toutes les façons trouvé confronté, d’une part à la contre-révolution dont le gauchisme de la marchandise n’était que l’avant-poste moderniste, d’autre part, et surtout, aux problèmes de la transformation communiste des rapports de production alors que le capitalisme n’avait fait que commencer à entrer dans sa phase de domination terminale laquelle implique d’aller au dé-nouer de son histoire longue pour que les conditions objectives du procès mondial de caducité de la valeur puissent mondialiser l’objectivité de leur histoire.

    La gauche et l’extrême gauche du Capital ont été en 1968 les centres actifs variés et complémentaires du développement social de la marchandisation la plus actuelle pour faire progresser le processus de valorisation au plus loin dans le sens de la domination réelle de la valeur réalisée. Ils ont ensemble constitué la force décisive d’encadrement et de discipline du prolétariat. Le gauchisme culturel, écologiste et féministe et toute la merde idéologique qu’il a su propager pour transmuter le désir en marchandise et la marchandise en désir a été l’organe le plus contre-révolutionnaire de l’époque. Tous les groupes qui s’en réclamaient pour pousser la gauche du Capital plus à gauche recréaient la société capitaliste en leur sein en ne pouvant donc que la perpétuer dans la médiocrité et la bassesse. L’humanisme de la marchandise qui a activé le libre-échangisme sexuel adéquatement à la libre circulation des marchandises humaines a été la musique épouvantable de cette symphonie qui avait pour but d’empêcher la révolution sociale contre l’argent et de promouvoir ainsi les trois mythes du moutonnisme contemporain dans l’argent égalitairement convoité : anti-racisme, modernisme, LGBTisme, et à ce titre il fut systématiquement critiqué par tous les révolutionnaires de l’époque qui simultanément savaient fort bien que les paradis artificiels hallucinogènes établissent bien le stade suprême de l’errance puante de la conscience aliénée.

    Tirer la leçon de la révolution défaite en 1968, c’est saisir ce fameux pourquoi les forces politiques et syndicales de la contre-révolution sont parvenus à entraîner le prolétariat alors hésitant à la reprise du travail… N’en déplaise au gauchisme du Capital, les prolétaires qui étaient les plus indomptables s’opposèrent alors aux briseurs de grève non pas parce que les revendications auraient été insatisfaites mais parce qu’ils ne voulaient plus travailler et avaient entrevu le concret d’un autre monde possible. Beaucoup d’ailleurs furent licenciés ou ne revinrent pas à l’usine pendant que d’autres s’enfoncèrent dans le désespoir et l’angoisse et que certains se suicidaient.

    Le prolétariat ne peut s’élever à la pratique humaine de son auto-dissolution communiste que lorsque se ferme irrémédiablement l’arc historique universel qui réalise historiquement le mouvement de l’aliénation des communes primordiales limitées à la commune planétaire qui découle de la fin de l’histoire du fétichisme de la marchandise spectaculaire. La limite du Capital qui butte sur le Capital en phase de domination réelle supérieure de la valeur, c’est le crédit qui butte sur le crédit en tant qu’il organise à la fois ce qui rend possible l’exploitation réalisée en argent et ce qui tend à la rendre impossible en argent inenvisageable. Avec la débauche de crédit de plus en plus chimérique qui reproduit la folle illusion du spectacle de la marchandise, le Capital se nourrit hallucinatoirement d’une activité future qui ne viendra pas… En 1968, la révolution sociale de l’anti-Capital n’a pu avoir lieu parce que c’était à l’inverse un lieu où la détermination en dernière instance était celle de la révolution sociale capitaliste en train de développer sa pleine maturité. Le mouvement de la grève sauvage y est donc exactement le reflet de l’activité historique du prolétariat d’alors. La parole ouvrière en mouvement d’émancipation est là à la

    fois porteuse de la perspective de l’anti-travail et en même temps contenue et tenue par les limites réelles du moment qui adapte et restructure le travail. L’activité extrémiste des grévistes ne fut pas engloutie immédiatement dans le jeu réformiste de la marchandise mais seulement après lors du rétablissement de l’ordre des choses qui sait, lui, que si le feu n’a pas tout embrasé, il devient imaginable de faire comme si rien n’avait eu lieu d’autre qu’une ordinaire réorganisation des rapports sociaux existants. Par delà la défaite, le mouvement prolétarien de 1968 apparaît au cours d’un processus dialectique dont le caractère contradictoire et hétérogène annonce les préfigurations des expressions historiques diverses du mouvement que montrera la révolution communiste future lorsque le mouvement du devenir du Capital n’aura justement plus d’avenir.

    Karl Marx est né en mai 1818, il y a 200 ans. Et en 1918, il y a un siècle, le prolétariat d’Europe déclenchait une vague révolutionnaire massive générée par l’accélération intensive des contradictions sociales qui firent l’économie politique du parcours de la Première Guerre mondiale et de ses répercussions. La défaite prolétarienne qui s’ensuivit partout et qui vit les conseils ouvriers d’Allemagne écrasés par la social-démocratie qui programma l’assassinat de Karl Liebknecht et de Rosa Luxemburg pendant que les soviets de Russie seraient, eux, anéantis par le lénino-trotskisme qui planifia le massacre des communards de Kronstadt, permit le surgissement radical de groupes maximalistes qui surent tirer, toujours de mieux en mieux, les conséquences logiques de la lutte des classes réellement existantes, à savoir que les fractions politiques de la gauche du Capital expriment toujours la pire réalité contre-révolutionnaire car elle transmettent effectivement le despotisme le plus moderne de la marchandise.

    L’insurrection du prolétariat espagnol contre le Capital et l’État permit en 1936 – 37 le jaillissement des communautés de l’anti-argent qui furent progressivement liquidées par toutes les cliques du progressisme stalino-démocratique secondées par les ministres anarchistes du grand mensonge anti-fasciste et quand Franco rentra à Barcelone, il n’y avait plus rien à socialement nettoyer, le front populaire de la marchandise avait correctement fait son travail, les ouvriers radicaux avaient été définitivement neutralisés… Puis, l’anti-fascisme permit la mobilisation industrielle du prolétariat à l’échelle mondiale pour que le repartage militaire des marchés autorisa la destruction de millions d’hommes excédentaires à mesure que la géo-politique de la guerre commerciale et militaire donnait lieu au renouvellement des forces productives du Capital et à la prééminence assurée de l’impérialisme américain et de toutes les mythologies nées de sa victoire. Et durant tout ce temps, les fumisteries du capitalisme d’État et des luttes nationalistes tiers-mondistes ne cessèrent de se disséminer pour mieux éduquer l’homme du travail au renoncement à la vie.

    Sur cette base, Mai 68 en France et la décennie d’indiscipline sociale qui a suivi, notamment en Italie, nous ont donc fourni la base théorico-pratique pour comprendre la dialectique historique du projet communiste dans son rapport avec l’évolution des cycles révolution/contre-révolution. Il y a des moments multiples où l’implication réciproque qui fonde le devenir du spectacle du marché craque pour permettre de passer à un moment d’oppression plus élaboré et c’est ce qui échafaude les temporalités de calme ou d’agitation en fonction du fait que la lutte des classes y est assimilée ou pas. Mais il n’y a qu’un seul instant historique où cette implication réciproque se tend au point de ne plus pouvoir élaborer que sa propre mort. C’est alors et là seulement où la réalité matérielle de la conscience fausse parce qu’elle s’auto-supprime permet l’auto-surgissement efficient de la conscience vraie.

    Cela nous ramène ainsi par delà 1918 à Marx qui avait exactement prévu le développement de l’histoire du Capital en tant que formalisation de l’aliénation

    automate du diktat de la valeur qui s’auto-valorise comme fétichisme de la marchandise illimitée et en tant qu’omniprésence en réalisation de son impossibilité historique. Et là, toute la réalité méthodologique tient en cette simple question : quand est ce que Marx se trompe historiquement et à quel moment ne se trompe-t-il pas ? La réponse est simple, lorsque Marx demeure prisonnier de l’échiquier politique de l’instant qui passe à partir du regard impatient de l’épidermie subjective, il oublie le mouvement réel des déterminations objectives et croit que les combinaisons organisationnelles peuvent précipiter le temps qui vient et là il peut s’égarer en imaginant qu’une simple crise de réaménagement de la domination formelle va peut-être faire surgir les prémisses du communisme. En revanche, lorsque Marx en pleine écoute dialectique des déterminations historiques du temps long, saisit la racine concrète du devenir anonyme des forces productives, il dé-chiffre incontestablement fort bien les véritables enjeux de cette dynamique essentielle qui veut que le communisme sera uniquement le produit de la crise de la maturité totale de la domination réelle totale. Bref, on en revient toujours à la postface de la seconde édition allemande du Capital et au retour à Hegel en dépassement de Hegel… C’est le déterminisme de l’histoire qui seul permet de comprendre l’histoire des déterminations qui déterminent l’histoire et le communisme ne deviendra possible que lorsque il sera nécessaire (en tant que ne pouvant pas ne pas être…).

    Tout le reste est sans intérêt car la véritable question qui répond à ce pourquoi les hommes peuvent se rassembler en assemblée humaine désigne du même coup la réponse; quand ils ne pourront plus s’assembler en rassemblement inhumain, autrement dit lorsque la nécessité historique de la valeur verra s’évanouir la valorisation historique de sa nécessité.

    Le Capital est un livre extrêmement dangereux pour autant qu’on le lise aux antipodes des lunettes débiles de l’outrecuidance universitaire… C’est à cela seul qu’il convient de s’employer pour faire lien critique entre les luttes du passé et celles qui vont revenir… Pour ne pas avoir voulu faire l’effort déterministe de méthode qu’il convient d’entreprendre afin de saisir ce qui fait les cycles alternatifs de révolution et de contre-révolution qui activent l’irruption du communisme comme réponse à la crise de la domination achevée de la loi de la valeurs, beaucoup n’ont rien appris de 1968. Soit ils se sont rigidifiés dans des postures substitutistes et partitistes qui croient religieusement qu’une bonne potion de savoir-faire avant-gardiste règlera tout administrativement, soit ils se sont liquéfiés dans un partir ailleurs férocement nombriliste vers le théâtre, la poésie, la peinture ou le fromage… Bref, ils s’en sont allés à l’inverse du mouvement réel qui nous commande de ne jamais oublier ce que dès 1846, le Marx déterministe avait lumineusement indiqué dans L’Idéologie allemande : « La suppression de l’appropriation privée […] implique un processus universel d’appropriation qui dépend nécessairement de l’union universelle du prolétariat […] et donc une révolution développant le caractère universel du prolétariat… » Ce qui nous renvoie bien entendu à la nécessité préalable de la crise universelle de la marchandise universelle qui est finalement la clef de voûte de la dynamique de conscience vers l’être générique de l’auto-production de la Gemeinwesen…

    En 2018 comme en 1968, la critique du travail et de l’argent doit être au centre de la pensée radicale et se placer radicalement au-delà de tous les mythes qui fondent la dictature démocratique de la valeur d’échange. La véritable théorie révolutionnaire sait aujourd’hui qu’il n’y a qu’un seul vrai sujet révolutionnaire : le prolétariat ne voulant plus être – à titre humain – du prolétariat. Ce mouvement universel du prolétariat universel qui s’auto-abolit universellement est en effet le seul sujet révolutionnaire en tant qu’il est la manifestation déterministe de la crise finale du Capital comme dynamique automate alénatoire de la domination terminée du fétichisme de la marchandise. C’est lorsque le monde de la valeur cesse objectivement de pouvoir s’auto-valoriser qu’il ne peut plus continuer à vivre de la vie vampirisée des humains réifiés. Alors, la tyrannie de l’économie devenue autonome, cesse là de pouvoir continuer à transformer l’humanité en simple ressource humaine de son auto-reproduction perpétuelle. Celui qui ne voit pas cela est condamné à ne rien distinguer de l’histoire réelle et à ne pas discerner en vertu de quelles déterminations logiques le Capital a jusqu’à présent toujours gagné et comment demain il est obligé, en dernier ressort, de perdre… et donc à sombrer dans tous les pièges de l’imaginaire et de l’onanisme pour s’inventer des catalyseurs qui expliqueraient qu’un jour peut-être la subjectivité des hommes s’inventera fortuitement le moyen de sortir de ce monde ou alors à s’abandonner à cette autre idée qu’au final, il n’y a rien à faire.

    Par là, il n’y a rien à dire de nouveau. Il y a simplement à toujours creuser la même et indispensable critique, celle qui faisait déjà dire à Marx en 1845 dans son retentissant texte « À propos de List et de l’économie politique » que puisque « le travail est par nature activité asservie… », l’objectif ne peut être que l’« abolition du travail »… Par suite, le prolétariat ne peut plus désormais accepter aucune médiation entre lui et la révolution de son auto-suppression, donc aucune réalité autre que le propre mouvement de sa rupture avec le Capital et de sa propre négation vers la communauté humaine sans argent ni État. Cette auto-suppression du prolétariat réalisera dans le même mouvement la destruction de tous les rackets politiques et syndicaux lesquels devront, face au prolétariat se reconstituant subversivement, s’unifier objectivement en un seul mouvement : celui de la contre-révolution démocratique universelle du fétichisme de la marchandise.

    Mai-juin 68 n’était qu’un combat, il convient de poursuivre ce début en dénonçant d’abord la copieuse misère de toutes les lamentables balades syndicales actuelles qui coordonnent, avec l’appui du minable gauchisme en décomposition, la dispersion et la division des luttes pour endiguer avant tout le retour dévastateur de l’esprit communard d’un mai 68 anti-politique et anti-syndical qui serait immanquablement beaucoup plus vaste et implacable

    Francis Cousin

    http://www.europemaxima.com/il-y-a-50-ans-actualite-revolutionnaire-de-la-greve-sauvage-generalisee-de-mai-juin-1968-en-france-et-ailleurs-par-francis-cousin-3e-partie/

  • Agriculture et écologie : cap vers la réconciliation !

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    3191941631.jpgL’écologie semble être devenue omniprésente. En fait, il faudrait plutôt parler d’environnementalisme et/ou de Shallow Ecology dans le pire des cas (c’est-à- dire en français « écologie superficielle », soit le contraire de la Deep Ecology – ou écologie profonde – popularisée par le penseur norvégien Arne Naess). Cette écologie-là, c’est celle du développement durable, de la COP 21, des bons sentiments bobos et de tous ceux qui croient que l’on peut concilier écologie et croissance. La question écologique entre en considération dans de nombreux domaines, comme c’est le cas pour la croissance économique. Sauf qu’il y a plus important que le PIB dans la vie ! Dans un soucis de santé et de respect de l’environnement, une remise en question sur les relations écologie/agriculture nous semble primordiale.

    Dès qu’on se penche sur la question agricole, celle-ci rentre a priori en collision avec l’impératif écologique. En effet, suite à la fameuse « Révolution verte », l’agriculture majoritaire en France et en Europe est devenue productiviste. Ses principes et ses méthodes répondent avant tout aux lois du marché, et ce, au détriment des agricultures. D’ailleurs il suffit de suivre l’actualité pour constater la détresse et le mécontentement du monde agricole. Rien de bien nouveau cependant. Les mouvements de contestations paysannes, des jacqueries aux « Chemises vertes » d’Henri Dorgères (1897 – 1985), parsèment l’histoire de France. L’épreuve annuelle du Salon de l’agriculture effraie plus d’un président de la République française. Le résultat final tient de la catastrophe : l’environnement est meurtri pour fabriquer en masse de la nourriture qui ne nourrit plus, au détriment de la santé des agriculteurs et de la nôtre.

    Agriculture et écologie sont-ils inconciliables ? Ou plutôt irréconciliables ? À lire le Manifeste pour une agriculture durable de Claude et Lydia Bourguignon, une solution réaliste redevient possible. Ce couple de microbiologistes qui a quitté l’INRA en 1989 a pour cheval de bataille la restauration des sols qui se trouvent selon eux dans un état calamiteux. Ils sont les auteurs d’un livre très complet sur le sujet (1); mais, conscients de l’aspect politique de la chose, l’écriture d’un opuscule direct et sans langue de bois devenait sans doute urgent.

    Dans l’introduction, le couple Bourguignon montre qu’il a compris d’où vient le problème. « Le modèle de la mondialisation a créé une inégalité insupportable entre les mégalopoles qui s’enrichissent et les campagnes qui se désertifient et s’appauvrissent (p. 11) », propos qui rejoint celui de Christophe Guilluy. Ils ajoutent qu’« il faut soumettre la mondialisation aux lois universelles qui gèrent l’environnement et donc l’agriculture (p. 15) » en plaidant notamment pour un programme agricole mondial, écueil typique d’une certaine écologie il est vrai. « L’agroécologie doit servir de socle à la politique mondiale agricole (p. 65). » Paradoxe des altermondialistes qui prônent le respect des particularismes mais ne peuvent s’empêcher de raisonner de manière unilatérale… Nous pourrions également nous interroger sur le sens du terme « mondialisation » employé par les auteurs. Entendent-ils par-là la somme des procédés techniques permettant des échanges de flux à travers le globe en un minimum de temps, ou alors, le mondialisme en tant qu’idéologie cosmopolite qui prône un village global peuplé de « citoyens du monde » ? Sûrement les deux en fait, car les deux concepts ne se contredisent nullement; mieux ils se complètent. Au final Claude et Lydia Bourguignon s’orientent plus vers un altermondialisme naïf et plein de bons sentiments qu’autre chose…

    Nous mentionnions plus haut la « Révolution verte », chamboulement de la conception d’agriculture qui résulta via une évolution technique – une involution serait un terme plus adéquat – à la possibilité productiviste. Qu’est-ce qu’en définitive que la « Révolution verte » ? Elle consiste en la reconversion en produits phytosanitaires principalement de produits destinés à l’armement et à la guerre. « À la sortie de la guerre, l’industrie militaire trouve dans l’agriculture le recyclage civil de ses produits. Les nitrates des bombes deviennent les engrais, les gaz de combat les pesticides, les barbelés remplacent les haies dont les arrachages sont subventionnés et les tanks sont transformés en tracteurs qui supplantent les attelages de chevaux. Ce processus se répète encore plus violemment après la Seconde Guerre mondiale, avec le plan Marshall qui déverse dans l’agriculture française le matériel recyclé des USA (p. 18 – 19). »

    L’usage d’engrais, mais aussi l’irrigation et le labour des sols vont se révéler catastrophiques pour ces derniers. La monoculture intensive épuise littéralement la terre qui, du coup, s’appauvrit au niveau de sa faune et des micro-organismes comme les champignons, dont la présence est capitale. Les auteurs constatent également un autre type de pollution des sols, à savoir « les fosses septiques, le tout-à-l’égout et la méthanisation (p. 23) ». En effet, autrefois les déchets organiques que nous produisions retournaient à la terre; dorénavant cette matière organique fait défaut aux sols.

    Autres phénomènes préoccupants : le bétonnage des terres agricoles et leurs achats par des pays et/ou firmes étrangères. « En France, nous bétonnons un département tous les sept ans. Pendant cette période, nous augmentons de 2 millions d’habitants et nous retirons à la France une surface agricole capable de nourrir 1,5 millions de citoyens. Cela nous éloigne chaque année de la possibilité d’assurer notre sécurité alimentaire […]. Sur l’ensemble de la planète, ce sont 5 millions d’hectares qui disparaissent tous les dix ans sous le bitume et le béton (soit la surface de la France) au nom du “ progrès ” (pp. 25 – 26). »

    Enfin, il faut noter les problèmes liés à la spéculation sur les denrées alimentaires (Henry Dorgères dénonçait déjà ces pratiques durant les années 30) mais aussi le pouvoir des semenciers.

    Claude et Lydia Bourguignon, dans la deuxième partie de leur manifeste, proposent donc des solutions, fruits de leur études de microbiologistes. Elles s’inscrivent bien entendu dans une logique écologique, mais laissent de côté ces tartes à la crème que l’on nomme « développement durable » ou « capitalisme vert ». L’idée que se font les auteurs de l’agriculture a de quoi nous plaire. « Nous proposons, pour tenir compte de tous ces aspects, de définir l’agriculture comme étant une gestion, présente et future, d’un écosystème naturel, en vue de produire des aliments sains qui sont le reflet qualitatif et gustatif du “ Terroir ” (p. 37). » Vue à long terme, respect de la dynamique de la biosphère, enracinement et qualité, soit le contraire des logiques agricoles actuelles. La santé des sols est la spécialité des auteurs; il est donc logique qu’une partie du manifeste y soit consacré. Cependant nous ne rentrerons pas dans les explications purement techniques dispensées par Claude et Lydia Bourguignon. Ces dernières, accessibles et bien expliquées, synthétisent les mesures à prendre pour régénérer nos sols. Ils sont réalisables pour le particulier qui cultive son potager. En revanche, l’agriculteur devra repenser intégralement ses méthodes à une échelle supérieure. Les époux Bourguignon ne sont pas sots et le savent bien. Une aide à la transition agro-écologique restera à être définie. Ils en appellent aux politiques qui gèrent l’Hexagone. Malheureusement nous ne croyons pas que cet appel soit entendu, exception faite de quelques « écotartuffes » d’Europe Écologie – Les Verts

    Nous ne pouvons que souscrire au bon sens des auteurs. Le respect des sols – donc de leurs particularités – au sein d’un terroir, d’un pays comme dirait Bernard Charbonneau, s’inscrit en définitif dans la logique de ce que l’on peut appeler le biorégionalisme. Alors certes, l’altermondialisme des auteurs nous laisse de marbre. Nous lui opposerions plutôt une logique de grand espace européen autarcique, bien qu’il s’agisse, nous le savons, d’un vœu pieux. Le ton de l’ouvrage est de facture scientifique, bien que le propos soit accessible aux incultes des sciences agronomiques (ce qui est notre cas). Bien que nous le conseillons aux lecteurs, nous lui préférons volontiers le livre de Masanobu Fukuoka (1913 – 2008), La révolte d’un seul brin de paille (2), ouvrage datant de 1975, à la teneur plus « traditionnelle » dont le « non-agir » extrême-orientale est le maître-mot.

    Thierry Durolle

    Notes

    1 : Claude et Lydia Bourguignon, Le sol, la terre et les champs, Éditions Sang de la Terre, 2008, 224 p.

    2 : Masanobu Fukuoka, La révolution d’un seul brin de paille. Une introduction à l’agriculture sauvage, préface de Wendell Berry, Guy Trédaniel Éditeur, 2005, 202 p.

    • Lydia et Claude Bourguignon, Manifeste pour une agriculture durable, Actes Sud, 2017, 80 p., 9 €.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/04/30/agriculture-et-ecologie-cap-vers-la-reconciliation-6047504.html

  • Il y a 50 ans… Actualité révolutionnaire de la grève sauvage généralisée de Mai-Juin 1968 en France et ailleurs… par Francis COUSIN (2e partie)

    « Les masses ont été à la hauteur de leur tâche. Elles ont fait de cette “ défaite ” un maillon dans la série des défaites historiques, qui constituent la fierté et la force du socialisme international. Et voilà pourquoi la victoire fleurira sur le sol de cette défaite. “ L’ordre règne à Berlin ! ” sbires stupides ! Votre “ ordre ” est bâti sur le sable. Dès demain la révolution “ se dressera de nouveau avec fracas ” proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi J’étais, je suis, je serai ! »

    Rosa Luxemburg, « L’ordre règne à Berlin », 1919

    Mai 68 commémoré par le spectacle de la marchandise ou comment ensevelir la radicalité de la lutte des classes…

    Dans ce champ de la crise de la domination réalisée de la valeur, la dématérialisation de la monnaie telle que Marx l’a fort bien anticipée singulièrement dans les Grundrisse et dans le Livre troisième duCapital vient dire que l’or ne pouvait servir de mesure des valeurs que parce qu’il est lui-même un produit du travail vivant. Le développement du Capital sur la base technicienne frénétique de la plus-value relative et sa crise remettent en cause la capacité du travail à valoriser le capital et donc à être la mesure de la production. La monnaie doit perdre son caractère de monnaie-marchandise mais cette perte est antagonique aux bases mêmes du Capital en tant que ce dernier est valeur en procès du procès de la valeur.

    L’abandon de l’étalon-or pendant la guerre vient signifier que l’entrée en domination réelle de la valeur en 1914 annonce la crise arrivée de la marchandise universelle en tant qu’équivalent général d’un monde d’automates sociaux sur-déterminés par le mouvement ascensionnel du travail mort, l’extension des marchés du crédit et le développement intensif du capital fictif. Les Accords de Bretton Woods qui dresseront les grandes lignes du système financier international mis en place après 1944 donneront alors à l’impérialisme américain le pouvoir reconnu de garantir la valeur du dollar mais sans être obligé d’avoir une contrepartie en or aux dollars émis. Les États-Unis, ne voulant pas voir disparaître leur encaisse-or, suspendront la convertibilité du dollar en août 1971. Le système des taux de change fixes s’écroulera définitivement en mars 1973 avec l’adoption du régime de changes flottants, c’est-à-dire qu’ils s’établiront dorénavant en fonction des seules déterminations générales du marché.

    La domination formelle se divise en deux phases, la première qui se termine au milieu du XIXe siècle et qui repose sur l’extraction exclusive de la plus-value absolue comme résultat du seul travail humain directement exploité. La seconde jusqu’en 1914 avec une première combinaison des deux formes de plus-value, mais avec prépondérance continuée de la plus-value absolue. Ainsi, si 1914 marque l’entrée dans la domination réelle du Capital qui se débarrasse de toutes ses antériorités pré-capitalistes en activant un procès de travail qui devient spécifiquement capitaliste, toute la période avant 1968 voit exister une combinaison des deux formes de plus-value, mais cette fois avec prédominance limitée de la forme relative comme résultat de la productivité du travail humain machinisé. À partir de 1968 et c’est là tout l’enjeu substantiel intense de ce moment dialectique, une seconde phase apparaît avec prépotence dorénavant absolue de la forme relative qui tend instrumentalement à tout digérer. Ce qui signale au niveau mondial que ce qui est posé fondamentalement par le fameux sixième chapitre du Capital à savoir que la production capitaliste devient là production et reproduction du rapport de production spécifiquement capitaliste s’auto-valide pratiquement en tant que le système de la réification des machines-outils automatiques est emblématique d’un univers à travers lequel l’usage intensif de la technoscience de l’aliénation se trouve en tout lieu diffusée. Autrement dit, 1968 ouvre la voie à l’entrée en domination réellesupérieure, c’est-à-dire à ce moment où commencent à travailler dans une nouvelle longue durée les conditions objectives de production du procès de caducité du fétichisme cybernétique de la marchandise lui-même.

    L’extraction de plus-value sous sa modalité relative, aussi bien au niveau du procès de production immédiat qu’à celui de la reproduction d’ensemble planétaire, est le principe de développement et de transformation de la domination réelle de la valeur. Tant au niveau de la production du procès de la valorisation qu’à celui de la valorisation du procès de la reproduction, se dessinent, au moment de la fin de la première phase de la domination réelle, des obstacles à la poursuite de l’accumulation telle que l’extraction de plus-value sous son mode relatif avait elle-même jusque là structuré le mouvement de l’accumulation. En cet instant où ce qui subsistait encore des restes de la domination formelle au sein même d’une domination réelle seulement formellement réelle était objectivement devenu une entrave intolérable à la fluidité démocratique de l’auto-présupposition dictatoriale du Capital, il était normal que toutes les vieilles contraintes de la circulation, de la rotation, de l’accumulation, de l’idéologie et de la domestication qui entravaient la transformation et l’accroissement du surproduit en plus-value et capital additionnel soient enfin supprimées. C’est là tout l’enjeu des contradictions de 68 qui dit tout à la fois ce que le Capital entend faire pour moderniser les conditions de subordination aux impératifs de la valorisation et la tendance historique à toujours voir renaître la radicalité qui refuse de jouer le jeu de la politique et de l’État. La France va là connaître, compte-tenu des spécificités de son long devenir historique de fièvre sociale vigoureuse, l’expression la plus exacerbée de toute une période de soubresauts internationaux, celle de la fin des années 60 en tant que fin de la domination réelle inférieure. La grève générale sauvage qui porte en elle l’émancipation du travail en tant que ce dés-enchaînement implique la disparition du travail et non son embellissement montre là que les pires ennemis du prolétariat parlent toujours la langue du travail émancipé donc maintenu et renforcé. Cette grève se singularise là autour de trois caractéristiques fondamentales nettement marquées :

    – Ce n’est pas un événement politico-social français accidentel mais une production internationale nécessaire qui témoigne crisiquement que le fétichisme de la marchandise est en train de devenir la seule unité réelle du monde.

    – C’est par delà le surgissement du mouvement étudiant contestataire issu d’ailleurs, lui-même, des contradictions sociales qui traversent la jeunesse ouvrière et paysanne, d’abord et avant tout un mouvement historique prolétarien en France puis en Italie, en Argentine comme en Pologne et partout ailleurs de par le monde des deux côtés du rideau de fer des complémentarités capitalistes de l’Est et de l’Ouest.

    – Cette lutte de classe tenace et étendue rend compte, d’une part, de la fin de la période de domination idéologique quasi sans partage du capitalisme d’État lénino-staliniste dans le contrôle politico-syndical du mouvement ouvrier notamment dans les pays du Sud de l’Europe et d’une remise en cause profonde des impostures de sa domination réalisée dans les pays de l’Est de cette même Europe et, d’autre part, le commencement marqué de perte d’influence des polices syndicales dans l’entreprise. Enfin, et c’est là que l’on va voir ressurgir des groupes maximalistes rappelant que le communisme est un monde sans argent ni État, ce qui avaient complètement disparu depuis des décennies de contre-révolution et la victoire complète du camp capitaliste démocratico-stalinien en 1945 qui écrase là tout à la fois ses frères ennemis de l’Axe mais qui élimine aussi et surtout tous les mouvements qui vont contre les intérêts des parcours de la nécessité marchande, des barricades de mai 37 à Barcelone aux conseils ouvriers de Budapest en octobre 56. C’est le retour de cetteradicalité pratique qui retrouve le sens théorique de ce qui permet d’entrevoir la communauté humaine anti-mercantile qui explique le foisonnement gauchiste, autrement dit le réformisme extrême de cette gauche de la gauche qui vient là dissimuler la véritable portée du réel pour amener les comités de grève et d’occupation à aller se perdre dans les mille fabulations de la gestion ouvrière de la prison salariale.

    Avec la gigantesque manifestation du 13 mai les syndicats voulaient en fait confectionner une grande déambulation étouffoir pour encadrer le mouvement et le canaliser vers les chemins de la mort lente. Sans mot d’ordre aucun, et à la surprise de tous les responsables de chaque camp capitaliste, la grève générale symbolique prévue pour le 13 mai ne s’arrête pas à ce jour-là. Le mouvement ne fait au contraire que s’étendre rapidement dans les jours qui suivent, c’est ainsi la première grève générale sauvage de l’Histoire contemporaine qui touche tous les secteurs : Michelin, Peugeot, Citroën, les ports, les transports, les banques et les mines jusqu’aux grands magasins (BHV, Samaritaine et Bon Marché…) en passant par l’ORTF et des milliers de petites et moyennes entreprises. Des grèves avec occupations d’usine spontanées se multiplient partout. La première a lieu à l’usine Sud-Aviation de Bouguenais le 14 mai. Ce sera à la fois le premier et le plus long des mouvements prolétaire de Mai 68, prenant difficilement fin le 14 juin. Le 22 mai, dix millions de salariés cessent de travailler. Les syndicats entièrement débordés par le déclenchement de cette grève spontanée reprennent petit à petit mais très laborieusement le contrôle du mouvement. Le refus par les grévistes sauvages de l’autorité de leurs syndicats de surveillance fixe la grève dans une situation de tensions contradictoires qui perdure jusqu’à la fin mai pendant qu’est ainsi finalement empêché, par l’enfermement usinier réformiste, que les ouvriers se reconnaissent ainsi des intérêts communs dans une lutte essentiellement humaine qui sans arrêt néanmoins avance et pose implicitement la question révolutionnaire de la récusation de la religion du travail.

    Dans tout le pays, la parole s’émancipe et devient aspiration vers le logos immanent de la radicalité humaine en repoussant à la fois le jargon politique et la parlerie aliénatoire de l’améliorantisme. La dynamique du dialogue critique se noue dans les rues, dans les campagnes, sur les barricades entre connus et inconnus et à travers toutes les générations, en permettant peu à peu le grand dé-voilement qui révèle que toutes les organisations bureaucratiques qui parlent de défendre les travailleurs s’opposent évidemment à toute action révolutionnaire puisqu’elles travaillent toutes exclusivement à la cohésion des forces de répression qui maintiennent le prolétariat dans la disposition de ne pouvoir précisément jamais s’auto-abolir.

    La situation étant visiblement de plus en plus dangereuse pour toutes les cliques de la Sainte-Alliance de la marchandise avec notamment la nuit marquante du 24 mai qui prit un tour franchementinsurrectionnel avec entre autres l’incendie de la Bourse, toute la gauche du Capital syndicale et politique va rapidement courir au chevet de l’État en soutenant l’idée d’un Grenelle social tel que proposé par Pompidou, le Premier ministre de l’époque. Puis, à partir du 27 mai, les dirigeants syndicaux en bons négociateurs du prix de la force de travail exploité, vont s’exténuer à faire la réclame du contrat de vente signé avec le gouvernement.

    C’est ici qu’intervient un des événements cruciaux pour le prolétariat et qui constitue du reste une leçon historique essentielle dont il doit toujours se souvenir. La CGT s’imagine pouvoir éteindre le feu social et présente aux grévistes les combinaisons de Grenelle comme une grande avancée. Elle se présente à Billancourt son fief de conditionnement préféré, « la forteresse ouvrière ». Or, à Renault Billancourt, Séguy, secrétaire général de la CGT, est massivement hué par les prolétaires en colère qui rejettent l’augmentation salariale de leur misère et les badigeonnages autour de la Sécurité Sociale et de l’âge de la retraite.

    Il faut là se rappeler que Renault Billancourt est la place forte la plus morbide de la CGT et qu’elle y fait régner son ordre manu militari. Il s’agit donc du dernier endroit où elle aurait pensé pouvoir être conspuée par des prolétaires intransigeants au regard de l’encadrement syndical énorme qu’elle y déploie. Et malgré tout cela c’est un accueil d’insubordination énorme qui lui est là réservé par une assemblée ouvrière résolument obstinée, indisciplinée et joyeuse.

    Cet événement a donc ici une énorme signification symbolique pour le mouvement du prolétariat en général.

    Partout ce fut la même histoire… Le fétichisme de la marchandise est un rapport social déterminé des hommes asservis par le marché des fétiches où la relation chosiste qui les lie prend la forme fantastique d’un rapport quantitatif de simples choses entre elles. Par la grève qui persiste et la réunion des hommes qui constamment dépassent ce qu’ils étaient avant pour donner naissance à une fermentation qui s’en va invariablement devant et sans cesse plus loin, cette évidence obligatoire cesse de l’être, excepté évidement pour les coteries et les gangs de la pensée cheffiste qui en tant qu’emplacement de production hiérarchiste de la pensée séparée, formeront bien logiquement le dernier territoire à vouloir défendre la réification. C’est pourquoi, la reprise ne se fait pas. Craignant des débordements encore plus acharnés, le 29 mai, le P«C»F et la CGT appellent une nouvelle fois à manifester pour mieux démoraliser la combativité persistante. 600 000 personnes descendent dans la rue, séquestrées dans le slogan faussaire de « gouvernement populaire ». La CGT s’ingénie par tous les moyens tordus à éteindre le mouvement et à le réduire progressivement à des rebondissements toujours plus modestes et inconsistants. Malgré tout, la grève perdure jusqu’au 4 juin à Renault Billancourt pendant que la veille une nouvelle occupation des gares s’est engagée à partir des cheminots à Strasbourg et à Mulhouse.

    Après de multiples manigances et combinaisons électorales arrangées dans le plus d’entreprises possibles et immanquablement truquées pour pousser, branche par branche, localité par localité, usine par usine, dans un isolationnisme savamment conduit, à accepter finalement le poids de la fatigue et de la résignation, le Diktat syndical de la reprise du travail va pouvoir s’imposer dans les méandres de la manipulation orchestrée par toutes les pègres de la responsabilité qui entendent sauver le système et donc leur propre existence. Alors que la base, depuis le 27 avait rejeté unanimement les accords de Grenelle, les syndicats – bloquant l’accès à toutes les discussions allant vers la vie anti-quantifiée – vont pouvoir laisser la place aux CRS afin de débusquer et repousser les ultimes séditions et indocilités de manière à éteindre ici et là les derniers brasiers du flamboiement de la Commune de 68.

    (à suivre…)

    Francis Cousin

    http://www.europemaxima.com/il-y-a-50-ans-actualite-revolutionnaire-de-la-greve-sauvage-generalisee-de-mai-juin-1968-en-france-et-ailleurs-par-francis-cousin-2e-partie/