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écologie et environnement - Page 151

  • Périco Légasse : « Notre pays importe les cordes avec lesquelles nos agriculteurs se pendent »

    En pleine crise agricole et à moins d'une semaine du Salon de l'Agriculture, Périco Légasse revient sur les dégâts causés par la Commission européenne, la FNSEA et la spéculation boursière à une filière jadis reine en France.  [Entretien dans Figarovox du 19.02]. Pour lui, cette crise est le résultat d'une dérive productiviste qui met en danger notre identité nationale. Ainsi, on commence à se rendre compte que le problème agricole français n'est pas seulement économique ou financier et ne se réduit pas à une affaire de management. Il est avant tout identitaire et civilisationnel. Périco Légasse apporte au moins ici sa pierre à un débat de fond qui concerne au sens plein notre nation. Sauvegarder l'identité française, ce n'est pas seulement la préserver, par exemple, des migrants, mais aussi des maladies de la postmodernité.  LFAR

    La crise agricole est en train de prendre une tournure inquiétante. Est-on arrivé à ce fameux point de rupture dont certains experts pensent qu'il pourrait générer des chaos encore plus tragiques ?

    Tout porte à le croire, car les mesures décidées par le gouvernement et présentées par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale prouvent qu'il y a, cette fois-ci, une grande inquiétude au sommet de l'Etat. Et s'il s'est décidé à passer à l'acte aussi rapidement, c'est qu'il y a urgence. Que faut-il, après les incidents de ces derniers mois, pour qu'enfin l'on comprenne à Paris comme à Bruxelles que cette crise-là n'est pas comme les précédentes ? Elle est celle de ceux qui n'ont plus rien à perdre. On sait depuis trop longtemps que certains secteurs au bord du désespoir vont basculer dans l'irréparable. Violences, suicides, affrontements.

    N'empêche, des situations aussi extrêmes auraient pu être évitées bien plus tôt puisque nos dirigeants trouvent soudain les moyens de prendre la crise par les cornes. N'empêche, la méthode reste la même : on continue, à coups de millions d'euros, trouvés dieu sait où, finalement payés par le contribuable, à colmater les brèches, à panser les plaies, à mettre des rustines sur les fuites, pour repousser le problème au prochain déluge. Cette stratégie est irresponsable car elle ne résout rien sur le fond. Elle est surtout l'aveu que le gouvernement français ne dispose plus des leviers nécessaires à une réforme structurelle du mode de fonctionnement de notre agriculture. Ces leviers, c'est la Commission européenne qui les détient et nous savons de quelle agriculture rêve la Commission. Son modèle ? Les usines à cochon allemandes, avec main d'œuvre bulgare payée à la roumaine, dont la viande de porc agglomérée a donné le coup de grâce aux éleveurs intensifs bretons auxquels on avait assuré que leurs tarifs étaient imbattables. C'est ça l'Europe libérale libre et non faussée ?

    Personne n'a donc vu venir le danger ? C'est étonnant...

    Nous avons accepté d'être dépossédés de prérogatives souveraines qui font défaut aujourd'hui à la République française pour sauver sa paysannerie. J'espère qu'il y aura un jour un tribunal de l'histoire pour juger les coupables qui ont accepté ces reniements successifs. L'éleveur laitier au bord du gouffre, qui voit son voisin revenir du super marché avec dix packs de lait UHT importés de Pologne, et auquel on demande son trentième certificat vétérinaire, a peut être des raisons de désespérer de cette Europe portée aux nues par son maire, son député, son sénateur, son président de chambre d'agriculture, son gouvernement, son chef d'Etat, souvent son journal, sa télé ou sa radio.

    La pression exercée par les services de l'Etat, la banque, l'Europe et les aléas du marché sur nos agriculteurs atteint-elle ses limites ?

    De normes sanitaires en règles communautaires, de contraintes financières en directives administratives, d'emprunts asphyxiants auxquels on les a poussés en leur tenant le stylo, aux pratiques commerciales imposées par le lobby agro industriel et par la grande distribution, les agriculteurs de France sont à bout. Pas les gros céréaliers nantis, liés à certaines coopératives et gavés de subsides européens, mais ceux qui nourrissent directement la population. Promenés et balancés de promesses électorales en programmes gouvernementaux jamais tenus, sous prétexte que nous sommes 12, puis 15, puis 18, puis 28 Etats à décider ensemble, ils ont contenu leur colère durant des décennies. « Mais rassurez vous, nous défendons bec et ongles vos intérêts à Bruxelles. Faites nous confiance, nous vous soutenons » … comme la corde soutient le pendu. Les chambres d'agriculture ont poussé les exploitants à devenir exploités, les incitant à s'agrandir en surface, à concentrer la ressource, à augmenter les rendements, à acheter des machines chaque fois plus grosses et coûteuses pour s'installer dans un productivisme global et compétitif. Ces paysans sont aujourd'hui floués, ruinés, abandonnés. On ne peut pas demander à un homme qui est à terre d'obtempérer sous peine de sanction, ni à un homme pris à la gorge, et qui ne sait plus comment nourrir sa famille, de s'acquitter des ses échéances bancaires ou sociales. Alors, épouvantable réalité, ceux qui sont acculés, à bouts de nerfs, sans lendemain, basculent parfois dans l'irréparable. La colère des agriculteurs est à l'image des désordres qui menacent la planète.

    L'importance du mouvement, la pugnacité des agriculteurs révoltés et l'extension du phénomène à toute la France révèlent-elles une souffrance plus profonde que ce que l'on peut imaginer ?

    Nous sommes au delà de la tragédie humaine. Le désespoir agricole nous conduit à une tragédie nationale de grande ampleur. Et les effets aggravants vont exacerber les exaspérations déjà explosives. Car ce ne sont plus seulement les éleveurs bovins et les producteurs laitiers qui durcissent leurs actions. A l'Assemblée Nationale, ce jeudi 17 février, Manuel Valls déclarait que le gouvernement et l'Europe ont pris leurs responsabilités (baisse de 7 points pour les cotisations sociales des agriculteurs en difficulté et année blanche fiscale pour ceux à faibles revenus), et qu'il a appartient désormais aux agriculteurs de prendre les leurs. C'est le comble.

    Qui a conduit l'agriculture française dans cette impasse, toutes majorités confondues, depuis trente ans, en partenariat politique étroit avec le syndicat majoritaire? Qui, jusqu'au vote de la loi d'avenir, et de son programme d'agro-écologie porté par Stéphane Le Foll, en septembre 2014, par le parlement, a validé toutes les dispositions inféodant davantage l'agriculture française aux desiderata des lobbies bruxellois ? Qui a validé la dérégulation du marché et la suppression des quotas laitiers sans contreparties ? Qui refuse d'imposer la traçabilité des viandes entrant dans la composition des produits transformés ? Qui laisse pénétrer chaque année sur notre territoire des millions de tonnes de tourteau de soja destinées à gaver nos élevages intensifs ? Qui favorise l'importation déloyale et faussée de millions de litres de lait en provenance d'autres continents pour satisfaire aux oukases tarifaires de la grande distribution ? Les cours mondiaux! Toujours les cours, mais alors qu'on le dise clairement, la France est soumise aux aléas d'une corbeille boursière qui décide de la survie ou non de nos exploitations agricoles. Quelle nation souveraine digne de ce nom peut accepter de sacrifier une partie de son peuple aux ambitions de patrons de casinos où le blé, la viande et le lait sont des jetons sur un tapis vert ? La seule vraie question qui vaille est: ça nous rapporte quoi? La mort de nos campagnes, de ceux qui les entretiennent et une dépendance accrue aux systèmes agro industriels qui abîment la Terre, l'homme et l'animal.

    Alors qu'on recense environ un suicide d'agriculteur tous les trois jours, les pouvoirs publics prennent-ils la mesure du drame ?

    Les agriculteurs étranglés, aux abois, meurtris, voient leur pays importer les cordes auxquelles ils se pendent. Un paysan qui se suicide n'est finalement que le dégât collatéral de la modernisation de l'agriculture et de l'adaptation au marché globalisé. Le bœuf que l'on jette aux piranhas pour que le reste du troupeau puisse passer. Le seul problème est que, finalement, tout le troupeau y passe. Qui sont ces agriculteurs qui se suicident ? Précisément ceux qui appliquent à la lettre depuis 10 ans, 20 ans, 30 ans pour certains, les instructions et les recommandations du syndicat majoritaire, cette FNSEA qui a beau jeu aujourd'hui de barrer les routes et de bloquer les villes après avoir encouragé et accompagné toutes les politiques ayant conduit à ce massacre. Précisément ceux qui ont cru, en toute bonne foi (on leur avait si bien expliqué qu'il n'y a pas d'autres solutions possibles) que les programmes officiels, de gestion des cultures et des élevages pour se conformer aux lois du marché, les conduiraient à la richesse. Ceux-là sont ceux qui se pendent les premiers sous le regard compassé de ceux qui ont tressé la corde fatidique. Certes, il y a bien eu la PAC, avec des centaines de milliards reversés aux agriculteurs les plus riches qui s'alignaient doctement sur les critères du productivisme alors que les autres étaient obligés de tendre la main à Bruxelles pour obtenir une obole. Comment une puissance au patrimoine agricole si glorieux et si performant a-t-elle pu laisser ce trésor se détériorer aussi vite et aussi tragiquement. Quelqu'un a forcément menti à un moment donné de l'histoire.

    Le Salon de l'Agriculture s'ouvre dans dix jours. Que faut-il en attendre ?

    On l'appelait autrefois la Foire agricole. C'était une fête. La vitrine des fiertés paysannes de la France. L'engagement fervent de ceux qui montaient à la capitale pour témoigner qu'une majeure partie du pays continuait à travailler la terre pour nourrir la nation. L'édition 2016 sera marquée par les drames et les détresses ayant marqué les douze derniers mois. Mais rien n'y fera. La Foire restera celle des grandes enseignes industrielles et commerciales dont les bénéfices se sont faits sur l'éradication d'une société qu'ils ont contribué à ruiner. Qu'un vainqueur vienne planter ses aigles sur le territoire du vaincu est une chose, mais qu'un marchand de produits toxiques vienne édifier un mausolée au milieu du cimetière de ses victimes en arborant un grand panneau sur lequel on peut lire « Voici mon œuvre » est pour le moins original. Car les grandes enseignes mercantiles qui fleurissent le long des allées du salon, entre les vaches et les cochons, les sacs de grain et les bidons de lait, les vergers reconstitués et les prairies artificielles, pour faire croire qu'elles sont les bienfaitrices de ce qui n'est plus qu'un musée de la honte agricole, n'auront pas le courage de financer un grand mur sur lequel on pourrait afficher les trois mille photos des paysans qui se sont suicidés depuis 2007. Et si l'on demandait aux grandes marques dont les panneaux colorent à perte de vue les halls de la porte de Versailles d'indiquer combien de tonnes de lait en poudre néo-zélandais, de fruits et légumes saturés de pesticides, de viandes infâmes, de produits cuisinés nocifs, etc, etc, elles ont importés, puis déversés, à prix écrasés, sur les rayons des grandes surfaces, tout en creusant la tombe des agriculteurs français n'ayant pu s'aligner sur les tarifs de cette merde… Que faut-il en attendre? Plus de larmes et plus de sang pour les agriculteurs pris au piège et plus de profits et de bonne conscience pour ceux qui les exploitent.

    Existe-t-il une perspective pour sortir de cette impasse ?

    Oui, et même plusieurs: un gouvernement de combat et non un casting pour meeting électoral du PS avec supplétifs d'occasion. Exemple, dans la configuration politique actuelle, c'est Stéphane Le Foll qu'il aurait fallu nommer Premier ministre, afin de faire du programme d'agro-écologie, tout juste initié mais bientôt amplifié, une priorité nationale qui soit l'objectif premier du gouvernement de la République. Face à la détresse agricole, ce grand projet couvre toutes les problématiques et ouvre des perspectives au-delà même des enjeux agricoles. Il s'agit d'une redéfinition des logiques ayant prévalu jusqu'à aujourd'hui afin que l'agriculteur ne soit plus tributaire des spéculations et des OPA que la finance internationale lance sur les ressources alimentaires. Une seule réalité s'impose à toutes les autres: l'agriculture n'est pas faite pour produire, elle est faite pour nourrir. Nous avons la formule, nous avons le processus, nous avons des expériences. Un tel défi ne peut que susciter un vaste consensus populaire. De toutes les façons, seule une baisse générale de la production compensée par une redistribution qualitative de notre agriculture vers des formes de cultures et d'élevages répondant à la fois aux besoins et aux attentes de la population et aux impératifs d'un monde durable permettront de sortir de cette impasse. L'exacte contraire de ce que prône la FNSEA, toujours persuadée que le salut ne peut venir que d'une augmentation ultra modernisée de la taille des exploitations et des volumes, c'est-à-dire l'aggravation de tout ce qui a conduit l'agriculture française dans le mur. Cette redéfinition est une question de survie. Et plus l'on attendra avant de la décider, moins nous aurons de chance de voir nos agriculteurs redevenir des paysans. La clé du problème est là: rendez nous nos paysans!

    Et en projetant un peu plus loin ?

    De même, il est fondamental de mettre en place un programme scolaire d'éducation citoyenne du consommateur concerté avec le ministère de l'Agriculture. Les bases existent sous le projet « classes du goût », créées par Jacques Puisais en 1975 puis expérimentées un temps dans certains collèges. Le client de demain doit apprendre à consommer pour se faire du bien, pour soutenir une agriculture qui le nourrisse sainement tout en préservant l'environnement, pour soutenir une industrie agroalimentaire créatrice de richesse et d'emploi dans le respect d'une agriculture porteuse d'avenir, pour soutenir un artisanat employeur garantissant la pérennité de savoirs faire et d'activités. Consommer moins mais mieux. Chaque année, chaque Français jette 7 kilos d'aliments frais emballés. Des millions de tonnes de nourriture à bas prix que l'on pourrait reconvertir en profit pour les agriculteurs qui produiraient donc un peu moins mais mieux payés. Sur le terrain de la compétitivité internationale, nous serons toujours battus par des systèmes qui peuvent produire encore plus infâme et moins cher. Cela passe par une émancipation des diktats bruxellois et le retour à la subsidiarité française en matière de normes agricoles. Enfin, repeupler nos campagnes et remettre en culture des terres abandonnées ou abîmées tout en créant une activité agricole conformes aux enjeux contemporains, non dans la surproduction surconsommée, mais dans une juste productivité qui permette de satisfaire 99% de la demande intérieure et d'en exporter l'excellence vers des marchés demandeurs. La France a besoin de ses paysans pour vivre, pour être, pour durer.  

    Périco Légasse est rédacteur en chef de la rubrique vin et gastronomie à l'hebdomadaire Marianne.

    picture-2540921-61yhv5dr.jpgEntretien par

    Journaliste au Figaro et responsable du FigaroVox. Twitter :@AlexDevecchio

    http://lafautearousseau.hautetfort.com/

  • La Lettre d’Allemagne – N°6

    Ce jeudi 18 février, NDR Info (chaîne d’information du Norddeutsche Rundfunk, la radio de l’Allemagne du Nord) fait part d’une nouvelle stupéfiante :

    Le gouvernement du Land de Basse-Saxe serait sur le point de prendre la décision d’abattre un loup, et c’est le ministre de l’Environnement du Land, un écologiste, qui l’annonce.

    Incroyable ! Inimaginable ! Dans ce pays où le retour d’Ysengrin est perçu comme le signe tangible que la Nature reprend peu à peu ses droits, lui conférant à nouveau le statut d’animal sacré, une telle décision devrait soulever les foules, révolter ses défenseurs. Le journaliste donne quelques détails, expose les motifs. L’animal est bien connu des services compétents : il exerce son activité sur le terrain de manœuvre de Munster, dans la lande de Lünebourg, avec d’autres de ses congénères. Il s’est montré, à plusieurs reprises, peu enclin à observer l’attitude toute de réserve et de timidité que lui prêtent les spécialistes, n’hésitant pas à accomplir quelques foulées avec un joggeur, à s’inviter à une promenade du lundi en famille, à escorter un landau. Peut-être était-il de ce groupe sympathique – sept individus – qui a raccompagné galamment à sa voiture une dame qui sortait ses chiens, il y a presque un an, peut-être était-ce lui, qui, il y a quelques mois, a rejoint pendant quelques minutes les rangs des rabatteurs, apportant une contribution incontestable à la battue.

    Ou bien était-ce lui qui, de concert avec un congénère, a revendiqué la dépouille d’un cerf fraîchement abattu, laissant à peine au chasseur, heureux puis dépité, le temps de descendre de l’Ansitz…

    Mais tout cela, d’autres l’ont fait avant lui, sans encourir les rigueurs d’une administration peu encline à contrevenir au tabou écologiste. De quoi Ysengrin s’est-il donc rendu coupable ? Quelques mots, une phrase, concluent le propos du journaliste : ce loup a pris un repos, certainement mérité, à proximité de la clôture de la caserne de Bad Fallingbostel, autrefois résidence des troupes de Sa Majesté britannique ; les nouveaux occupants ont également franchi la mer, mais ils venaient du sud.

    Une crise allemande

    Avant de se rendre, ce jeudi, à Bruxelles – certains ont évoqué Canossa – Frau Merkel a fait selon l’usage une déclaration devant le Bundestag. Elle a ainsi décliné les trois aspects, déjà bien connus, de sa politique des Réfugiés, afin de rassurer les parlementaires, et avec eux le « deutscher Michel ».

    Le premier aspect consiste à traiter la cause de l’exode, en Syrie : nul ne doute qu’avec la poignée d’avions de reconnaissance Tornado déployés en Turquie et la frégate intégrée au groupe aéronaval du Charles de Gaulle, on va contribuer puissamment à stabiliser la situation dans le pays, et à rendre aux camps de réfugiés de Jordanie ou d’ailleurs leur lustre d’antan, y fixant les candidats à l’exode ; quelques esprits chagrins noteront tout au plus que la Syrie n’est pas, tant s’en faut, la source unique du flot des migrants.

    Le deuxième aspect consiste à « protéger » les frontières extérieures de l’Union. Là encore, les solutions sont évidentes : « Dormez, braves gens, les courageux garde-frontière de FRONTEX veillent et traquent sans relâche les passeurs » ; et encore : « Nous allons convaincre la Sublime Porte, en bonne intelligence avec Athènes, de retenir les migrants sur ses côtes ». Ici, la voix des esprits chagrins se renforce, qui notent que le dernier – supposé – passeur dont la presse ait fait mention était le père du petit Aylan et que personne n’a évoqué à son encontre la moindre enquête… D’autres se grattent la tête, y cherchant désespérément le souvenir d’une action de police accomplie par FRONTEX : en vain, car s’il y a bien des témoignages, ils n’évoquent que la sombre besogne de ramasser et compter les cadavres des malheureux naufragés, ou le sourire qui éclaire le visage des sauvés, parfois aussi les menaces, les exigences des rescapés, et le sentiment confus des sauveteurs après les avoir amenés sur le sol européen, finissant ainsi le travail des passeurs. Quant à la Turquie, comme l’a fort justement noté madame Sahra Wagenknecht (Die Linke), lui demander de juguler le flot migratoire, c’est la transformer en gigantesque prison, une prison dont on glisserait la clef dans la poche de monsieur Erdogan, lui offrant un moyen de pression inestimable sur l’Union européenne : ce n’est pas une solution, mais une déclaration de faillite de la politique européenne.

    Le troisième aspect, enfin, consiste à répartir « justement » les migrants au sein de l’espace européen. Entre l’Alliance de Višegrad, rejoint par l’Autriche, qui s’oppose très officiellement à cette répartition qu’elle juge inique – « Nous n’avons invité personne » – et les « amis » d’Angela, au premier rang desquels le président français, qui désirent surtout ne s’engager sur rien, notre chancelière se préparait évidemment à des débats difficiles à Bruxelles.

    Finalement, l’attentat d’Ankara, mercredi soir, en retenant la délégation turque, lui a évité Canossa. Son plan n’est pas encore mort, puisqu’il n’a pas été débattu et réduit à néant. Début mars, un sommet EU-Turquie aura lieu, juste avant des élections, capitales, aux Landtage de Rhénanie-Palatinat, de Bade-Wurtemberg et de Saxe-Anhalt. Dans ce dernier Land, l’AfD ambitionne de passer la barre des 20%. Si elle y parvenait, le Land pourrait être quasi ingouvernable, avec une coalition à trois aux affaires… La crise est bien là, et elle est allemande.

    François Stecher 19/02/2016

    Revue de presse

    Crise des Réfugiés

    Die Welt – 10.02.16 – Saint-Sylvestre à Cologne
    Chronique d’une nuit qui a tout changé
    Pour la première fois, une liste des procédures de police montre l‘étendue des agressions commises lors de la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne. Dès le 1er janvier au matin, plus de 100 plaintes avaient été déposées, elles sont désormais plus de 1000.

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152018368/Chronik-einer-Nacht-die-alles-veraenderte.html

    FAZ – 16.02.16 – Crise des réfugiés
    Pourquoi nous ne pouvons nous en remettre à la France

    Avant le sommet européen, Paris s’oppose au souhait allemand de contingents de réfugiés. Berlin essaie en vain d’obtenir un accord de principe qui aille au-delà d’un agrément de façade.
    http://www.faz.net/aktuell/politik/fluechtlingskrise/fluechtlingskrise-deutsch-franzoesische-belastungsprobe-14071954.html

    FAZ – 17.02.16 – Politique des réfugiés en Europe
    Faymann : Berlin emboîtera bientôt le pas à Vienne
    Au contraire de l’Allemagne, l’Autriche applique une politique des réfugiés restrictive. Le chancelier autrichien Faymann prophétise que Berlin, « confronté à la réalité », changera de politique. Le président de la Commission, Juncker, prédit au contraire un avenir radieux à Merkel et à sa politique.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/fluechtlingskrise/laut-werner-faymann-strengere-fluechtlingspolitik-in-deutschland-14074484.html

    Die Welt – 17.02.16 – Crise des réfugiés
    La chancelière joue son va-tout au sommet européen
    Lors du sommet européen, Angela Merkel va s’opposer frontalement à ses contradicteurs. Pour l’instant, rien ne laisse prévoir un succès de la chancelière. Comment va-t-elle se sortir de ce mauvais pas ?

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152309016/Fuer-die-Kanzlerin-geht-es-auf-dem-EU-Gipfel-um-alles.html

    Die Welt – 17.02.16 – Rapport du Bundeskriminalamt (BKA)
    Les immigrés originaires de ces pays commettent de nombreux crimes et délits
    Syriens, Afghans et Irakiens constituent le groupe le plus important parmi les réfugiés, mais ils sont, en proportion, plus rarement auteurs d’actes répréhensibles. Dans un rapport, le BKA s’intéresse aux délits des migrants.

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152320433/Zuwanderer-aus-diesen-Laendern-begehen-viele-Straftaten.html

     FAZ – 17.02.16 – Crise des réfugiés
    L’Autriche n’accorde plus que 80 asiles par jour
    L’Autriche a fixé « jusqu’à nouvel ordre » une limite supérieure aux demandes d’asile. Le nombre de réfugiés simplement autorisés à traverser le pays sera également limité. La Slovénie annonce qu’elle va confier des tâches de police à ses soldats.

    http://www.faz.net/aktuell/wirtschaft/oesterreich-akzeptiert-nur-noch-80-asylantraege-pro-tag-14075431.html

    FAZ – 17.02.16 – Politique des réfugiés
    Merkel sur la défensive
    Avant le sommet européen, Angela Merkel est sur la défensive. Son « bilan intermédiaire » pourrait bien consister en une seule phrase, amèrew : encore heureux qu’il y ait l’Autriche.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/fluechtlingskrise/vor-dem-eu-gipfel-zur-fluechtlingspolitik-merkel-auf-dem-rueckzug-14075935.html

    Handelsblatt – 18.02.16 – Les contingents de réfugiés demeurent
    L’Autriche refuse de faire allégeance à Bruxelles
    L’Union européenne met un carton jaune à l’Autriche à cause du durcissement de sa politique des réfugiés. La république alpine garde néanmoins le cap, et renvoie à une pratique allemande qui, jusqu’ici, n’a fait l’objet d’aucune critique [ndT : selon la ministre de l’Intérieur autrichien Johanna Mikl-Leitner (ÖVP) l’Allemagne n’admettrait actuellement que 50 migrants par heure, avec une limite quotidienne à 6.000].

    http://www.handelsblatt.com/politik/international/kontingente-fuer-fluechtlinge-bleiben-oesterreich-verweigert-bruessel-den-gehorsam/12985470.html
    Handelsblatt – 18.02.16 – Sommet de l’Union européenne à Bruxelles
    La fin brutale du monde bien ordonné de Merkel
    L’annulation du mini-sommet des « volontaires » après l’attentat d’Ankara est pour Angela Merkel un revers amer. En effet, dans la crise des réfugiés, la chancelière a tout, sauf le temps. Une analyse.

    http://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/eu-gipfel-in-bruessel-das-jaehe-ende-von-merkels-geordneter-welt/12981542.html

    FAZ – 18.02.16 – Réfugiés
    Une crise allemande
    Dans quelle mesure la crise des réfugiés est-elle en réalité une crise allemande typique ? Torsten Albig y a répondu – involontairement.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/harte-bretter/harte-bretter-ueber-die-fluechtlingspolitik-eine-deutsche-krise-14077648.html

    Spiegel-Online – 19.02.16 – Sommet de l’Union européenne à Bruxelles
    Merkel insiste sur la nécessité d’une rencontre spécifique avec la Turquie début mars
    Avant les importantes élections aux Landtage du printemps, la chancelière veut présenter enfin des succès dans la crise des réfugiés. Elle place ses espoirs dans la Turquie, les bâtiments de guerre de l’OTAN et le ralliement tardif des partenaires européens.

    http://www.spiegel.de/politik/ausland/eu-gipfel-angela-merkel-besteht-auf-tuerkei-sondertreffen-anfang-maerz-a-1078206.html

    FAZ – 16.02.16 – Politique des réfugiés
    Une question de confiance
    Si la coalition continue comme cela, Merkel n’aura même pas besoin de se soumettre à la question de confiance. Elle aura la réponse le 13 mars.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/fluechtlingspolitik-der-koalition-eine-frage-des-vertrauens-14073801.html

    Handelsblatt – 17.02.16 – Election au parlement du Bade-Wurtemberg
    La défaite menace Kretschmann
    Selon les derniers sondages, le ministre-président Kretschmann doit se préparer à l’échec le 13 mars. Mais son concurrent de la CDU, Wolf, ne s’en tirera pas plus facilement. L’AfD devrait complètement chambouler les rapports de majorité.

    http://www.handelsblatt.com/politik/deutschland/landtagswahlen-2016/landtagswahl-in-baden-wuerttemberg-kretschmann-droht-die-niederlage-/12966234.html

    FAZ – 17.02.16 – SPD
    Gabriel qualifie l’AfD de raciste
    Le président du SPD, Gabriel, a entrepris d’attaquer l’AfD frontalement. Il a, dans une interview accordée à un journal, accusé le parti de droite conservatrice d’être ouvertement raciste.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/spd-chef-sigmar-gabriel-nennt-afd-offen-rassistisch-14074640.html

    Die Welt – 17.02.16 – Sondage de l’institut Forsa
    Pertes pour l’AfD – Le parti de Petry repasse derrière
    Pendant des semaines, l’AfD s’est située de manière stable à 10% dans les sondages de Forsa. Pour la première fois depuis longtemps, le parti de Frauke Petry perd un point – et se retrouve derrière les Verts et Die Linke.

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152318883/Verluste-fuer-die-AfD-Petry-Partei-wird-durchgereicht.html

    Kölnerstadt-Anzeiger – 18.02.16 – Soirée de campagne électorale à Zeitz
    L’AfD est-elle en train de devenir la deuxième force politique de Saxe-Anhalt ?
    L’AfD en Saxe-Anhalt et son chef André Poggenburg veulent devenir la deuxième force politique du Land. Pour cela, ils misent avant tout sur les déçus de la CDU. Selon un tout récent sondage, le parti se situerait déjà à 17%.

    http://www.ksta.de/politik/-wahlkampfabend-in-zeitz-sote-afd-auf-dem-weg,15187246,33814432.html

    Die Welt – 18.02.16 – Idéologie de droite
    L’endroit où l’AfD peut compter sur au moins 15%
    S’agit-il d’un mouvement de protestation « contre l’échec du gouvernement » ou bien d’une disposition générale favorable à l’idéologie de droite ? Dans une ville de Bade-Wurtemberg, l’AfD se dirige vers les 15% à l’occasion des élections au parlement du Land.

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152363069/Wo-die-AfD-locker-mit-15-Prozent-rechnen-kann.html?config=print

    Société

    FAZ – 10.02.16 – Ministre de l’Intérieur de la Sarre
    « Je vois la paix civile menacée dans notre pays »
    Le ministre sarrois de l’Intérieur et président de la conférence des ministres de l’Intérieur, Klaus Bouillon, s’exprime dans un entretien sur la migration de masse – et montre de la compréhension pour les garde-frontière grecs, qui laissent passer les réfugiés.

    http://www.faz.net/aktuell/politik/fluechtlingskrise/klaus-bouillon-cdu-wenn-noch-mehr-kommen-sehe-ich-den-inneren-frieden-in-unserem-land-in-gefahr-14060942.html

    Die Welt – 17.02.16 – Ghettos de réfugiés
    La CDU met en garde contre une situation « à la parisienne » dans les villes
    Le chargé de travail « Grandes Agglomérations » de l’Union voit le danger des ghettos de réfugiés. Il demande que les demandeurs d’asile soient plus massivement hébergés en zone rurale.

    http://www.welt.de/politik/deutschland/article152314435/CDU-warnt-vor-Pariser-Verhaeltnissen-in-Staedten.html

    Deutschlandfunk – 04.02.16 – Russes-Allemands
    Exploités politiquement par des groupuscules de droite extrême
    « Attention ! C’est la guerre ! »

    Une fille de 13 ans a été violée à Berlin. C’est ainsi que commençait, il y a presque deux semaines, un appel Whatsapp pour une manifestation à Berlin, auquel environ 500 Russes-Allemands ont répondu. L’organisateur de l’événement s’appelle Heinrich Groth, président du convent international des Russes-Allemands. Il veut saisir sa chance. [ndT : en réalité, il ne s’agissait ni de viol ni d‘enlèvement ; la fille était chez son ami et voulait masquer la chose à ses parents]
    http://www.deutschlandfunk.de/russlanddeutsche-von-rechten-gruppen-politisch-benutzt.862.de.html

    Badische Zeitung – 17.02.16
    Les Russes-Allemands ne se considèrent pas comme des réfugiés
    Le libéralisme occidental est étranger à de nombreux Russes-Allemands. Quelle est l’influence des médias étatiques russes ? D’où vient leur sentiment d’insécurité ? Un expert livre ses réponses dans un entretien.

    http://www.badische-zeitung.de/suedwest-1/russlanddeutsche-sehen-sich-nicht-als-fluechtlinge–117613358.html

    FAZ – 18.02.16 – Echec de la plainte
    Il reste interdit d’avoir des relations sexuelles avec des animaux
    Deux sodomites ont porté plainte devant le tribunal constitutionnel fédéral contre l’interdiction des relations sexuelles avec des animaux. Ils en appelaient à leur droit à l’autodétermination sexuelle. Pour leur répondre, les juges se sont appuyés sur la loi de protection des animaux.

    http://www.faz.net/aktuell/gesellschaft/tiere/bverfg-in-karlsruhe-bestaetigt-verbot-von-sex-mit-tieren-14077513.html

    NDR.de – 18.02.16 – Il va bien falloir le faire
    Le ministre Wenzel étudie le prélèvement d’un loup
    Pour la première fois depuis que le loup est revenu en Basse-Saxe, on envisage d’abattre l’un de ces prédateurs. Il s‘agit là d’un animal au comportement remarquable, de la meute du pays de Munster, a déclaré le ministre de l’Environnement Stefan Wenzel (Verts) à la commission de l’Environnement du parlement de Basse-Saxe ce jeudi. « Je fais prendre toutes les dispositions nécessaires pour procéder au prélèvement », a déclaré le ministre. Le transfert vers un enclos est également envisagé. En Allemagne, les loups sont strictement protégés et ne peuvent être chassés.

    https://www.ndr.de/nachrichten/niedersachsen/hannover_weser-leinegebiet/Wenzel-Munsteraner-Wolf-soll-entnommen-werden,wolf2290.html

    http://www.polemia.com/la-lettre-dallemagne-n6/

  • Ce drôle de référendum annoncé...

    Le projet d'aéroport sur les terres de Notre-Dame-des-Landes continue à animer le débat politique français et pas seulement autour de Nantes, et l'annonce étrange d'un référendum local pour trancher la question de sa construction ou du refus de celle-ci a ajouté à la confusion mais aussi à la colère des uns et des autres, pour des raisons diverses et parfois contradictoires. Dans la région parisienne, loin du bocage nantais, le débat semble un peu surréaliste : « un référendum pour un aéroport ? Alors qu'il n'y en a pas eu depuis 2005 au niveau national et que les derniers présidents de la République ne semblent guère apprécier cette procédure démocratique particulière et, souvent, périlleuse pour les gouvernements ? Comme c'est bizarre... »

    Effectivement, l'annonce de l'autre jeudi faite devant les caméras convoquées par la présidence de la République en a surpris plus d'un et énervé plus de trois : personne ne semble partisan, sorti de l’Élysée et de Matignon, de cette consultation (nom préférable à celui de référendum, et plus juste en définitive), et ni le département de Loire-Atlantique ni la région des Pays de la Loire ne veulent l'organiser, arguant de leur incompétence légale en ce domaine. D'ailleurs, ne faudrait-il pas faire voter tout le pays puisque c'est l’État qui détient la clé de cet aéroport, en attendant de la céder définitivement au groupe Vinci ? Cela ne serait pas illogique, en définitive, mais il ne semble pas, évidemment, que cela soit le souhait du gouvernement qui, par tous les moyens, cherche à se débarrasser du sparadrap « Notre-Dame-des-Landes »... La décision gouvernementale, évoquée ce mercredi 17 février, de ne faire voter que les électeurs du département apparaît comme une manœuvre supplémentaire de M. Valls mais elle ne règle rien et ne risque pas de mettre un terme au débat…

    Cette affaire de référendum n'est pas une mince affaire mais plutôt un guêpier, et il n'est pas certain que, une fois réglée « définitivement » (sic !), elle ne révèle d'autres problèmes, comme une poupée russe : recours juridiques, résistances diverses des perdants (qu'ils soient partisans ou adversaires du projet d'aéroport), etc. La démocratie majoritaire n'est plus, en ces temps incertains, aussi... certaine qu'auparavant... Sommes-nous revenus à cette époque où Wolinski faisait répondre par un de ses manifestants de dessin, à la remarque désolée d'un bon démocrate endimanché qui s'exclamait « Mais nous sommes la majorité ! », un péremptoire et provocateur « La majorité n'a pas le droit d'imposer sa connerie à la minorité ! » ? Ce n'est pas impossible, au regard du discrédit de la classe politique officielle (« républicaine », comme elle se définit dans un exercice d'autojustification assez pathétique et peu audible aujourd'hui) et des jeux électoraux qui inspirent plus le mépris que l'intérêt et la considération. Discrédit inquiétant pour qui aime la politique car il frappe indistinctement (et injustement) tous ceux qui font, pensent ou proposent en politique, et altère le sens même de la « polis » et de son service.

    Alors, que penser de tout cela ? D’abord, la consultation locale ne résoudra rien, quel que soit le résultat, et cela qu’on le regrette ou non ; ensuite, la République, par son projet mal ficelé de référendum, risque bien de décrédibiliser pour longtemps cette pratique de « démocratie directe locale » (pourtant intéressante si l’on n’en méconnaît pas, néanmoins, les limites) et peut-être est-ce, en définitive, voulu par ce gouvernement souvent jacobin dans ses démarches et sa pratique ; enfin, l’acharnement des responsables politiques des grands partis dits modérés à vouloir, coûte que coûte (c’est le cas de le dire…), la réalisation de cet aéroport dont les inconvénients apparaissent chaque jour plus visibles, ne cesse d’intriguer l’observateur, et devient même gênant, et peut-être demain motif de scandale… Il sera intéressant d’entendre les réactions des élus locaux pro-aéroport aux récentes révélations du Canard enchaîné sur ce fameux rapport (en fait, une note interne de deux pages, ce qui n’enlève rien de sa valeur) de 2014 commandé par le préfet de Région et qui remet en cause la légitimité « écologique » du transfert de l’actuel aéroport de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes… A moins qu’il faille attendre de nouvelles révélations du même journal sur les relations particulières de quelques édiles de Nantes et des communes limitrophes avec le groupe Vinci : qui sait ?

    Justement, on aimerait bien savoir !

    http://jean-philippechauvin.hautetfort.com/

  • Le vent s’essouffle dans l’emploi éolien

    La concentration des acteurs du marché de l’éolien offshore et la sortie d’Areva de ce secteur se confirme, comme le prédisaient les opposants et certains professionnels de la branche.

    Mauvaise nouvelle pour les emplois en France qui vont se concentrer en Allemagne.

    Quand des entreprises sont en avance sur un marché, comme Siemens (plus de 1.000 éoliennes offshore) et le géant danois Vestas, alors ceux qui sont partis trop tard, comme Areva ou Alstom, ne peuvent plus être compétitifs. Il était donc à prévoir que le marché s’adapterait aux règles économiques.

    Le rachat d’Adwen/Gamesa par Siemens n’est pas une bonne nouvelle pour les opposants à l’éolien. Siemens aura les moyens financiers de développer la turbine de 8 mégawatts (MW) de puissance promise dans les appels d’offre français. Le prototype Adwen était toujours à l’étude et Areva / Gamesa n’avait pas les moyens financiers de développer à la fois la turbine de 8 MW, dont le coût de développement est d’environ 100 millions d’euros (M€), et de mettre en place son seul projet éolien offshore « Vikinger ».

    Malheureusement, l’éolien offshore n’apportera presque pas d’emplois en France. Les habitants de la région qui escomptaient du travail peuvent se faire du souci. Il ne faudra pas compter sur les postes locaux de maintenance : c’est l’entreprise allemande Siemens qui en sera responsable. Les Allemands vont d’abord utiliser leurs effectifs, et ils ne formeront des « locaux » à la marge que pour des tâches subalternes. Il n’est en effet pas économiquement pertinent pour une entreprise de former quelques dizaines de personnes éparpillées ici et là. Le personnel doit être transférable, « mutualisable ».

    Par ailleurs, Siemens a déjà ses outils de production et ses fournisseurs pour construire les éoliennes, et ils ne se sentiront pas obligés d’embaucher des Français. Si l’État français demande des garanties d’emplois locaux dans les accords de rachat avec Gamesa / Adwen / Areva, ce sera juste une façade rutilante pour rassurer la population et calmer les esprits.

    C’est affligeant mais, en clair, il n’y a aura pas d’emplois locaux. Les élus avaient été prévenus il y a un an, mais ils ne savaient comment allait se dérouler le scénario. Maintenant, ils savent. L’éolien offshore en France sera allemand, danois, mais pas français.

    Alstom sortira de l’éolien quand cette entreprise aura mené à terme les trois projets offshore français promis, à contrecœur, au gouvernement français par General Electric lors du rachat d’Alstom Power, sauf s’ils trouvent une solution de sortie d’ici là

    Les turbines des six projets français d’éoliennes devaient être de fabrication française (trois projets avec Alstom et trois autres avec Areva). Mais maintenant, adieu la filière éolienne française et les emplois locaux avec la sortie de notre fleuron français Areva.

    En revanche, les nuisances visuelles, le tourisme sacrifié, les dégâts environnementaux, les prix d’électricité en hausse, les populations divisées, et les élus décrédibilisés sont une réalité.

    Et tout ça pour des projets inutiles, ruineux pour les contribuables, et… si peu d’emplois français.

    Michel Gay, 5/02/2016 0

    Source : Contrepoints, le nivellement par le haut

    http://www.polemia.com/le-vent-sessouffle-dans-lemploi-eolien/

  • Trente-cinq ans de destruction agricole

    Début des années 80, je travaillais à la Préfecture. Comme à chaque manifestation prévue, les cars de CRS étaient stationnés sur le parking intérieur. Les fenêtres de mon atelier étaient ouvertes et la discussion s’engagea avec un CRS :

    • « On attend qui, aujourd’hui ? »
    • « Les agriculteurs légumiers du nord du Département qui vont venir foutre le bordel »

    Et sans que je lui demande quoi que ce soit, ce policier me déballa tout le bien qu’il pensait de ce genre de manifestation et des méthodes de « maintien de l’ordre » auxquelles il était astreint, lui et ses collègues.

    • « On sait par où ils arrivent et ce qu’ils vont faire. Les renseignements généraux les suivent et nous informent de leur avancée, de leur dispositif et de leurs intentions. Ils ont monté leurs fourches sur leurs tracteurs et leurs remorques sont pleines de légumes qui baignent dans le lisier et ils vont en foutre partout, en attendant de s’en prendre aux bâtiments publics. On aura l’ordre de ne pas bouger jusqu’à ce soir et puis on nous demandera de charger pour dégager les accès et vous permettre de sortir. Voilà, c’est toujours comme ça que ça se passe avec les agriculteurs, alors qu’on pourrait facilement les arrêter en rase campagne. On n’a qu’à nous laisser faire un peu et croyez-moi, quelques phares ou rétroviseurs de tracteurs pêtés avec nos matraques, ça leur ferait réfléchir à deux fois avant de revenir ».

    Il parlait cash notre CRS et les choses se sont passées globalement comme il le disait et même en pire.

    Une fois arrivés, les agriculteurs ont commencé à vider leurs bennes sur la quatre voies qui jouxtait la Préfecture en écrasant et étalant bien les légumes souillés et ont commencé à labourer le terre-plein central dont le gazon commençait juste à pousser et ont arraché les arbres qui agrémentaient ce terre-plein.

    Après le casse-croûte, vint l’heure de la réunion avec le Préfet, rituel incontournable, duquel dépendait la suite des évènements et là il faut croire que les instructions données à ce fonctionnaire ne correspondaient pas aux attentes des manifestants puisque quelques instants plus tard, une cohorte de tracteurs entoura la Préfecture et commença à s’attaquer aux grilles avec leurs fourches.

    A notre grande stupéfaction, les grilles de cette Préfecture inaugurée l’année précédente qui n’avaient visiblement pas été conçues pour résister à un tracteur normal s’effondrèrent les unes après les autres provoquant la stupéfaction du personnel et l’agitation soudaine des forces de polices qui jusque-là étaient restées l’arme au pied. 

    Commença alors la riposte qui dura assez longtemps, les forces de l’ordre n’étant pas assez nombreuses. Leur faible équipement en grenades lacrymogènes nécessita même l’appel à un hélicoptère de la gendarmerie qui put atterrir sur la piste du parc de la Préfecture pour les ravitailler.

    La charge finale fut violente et ponctuée de jets de grenades offensives au bruit caractéristique et lorsque nous pûmes sortir de l’enceinte de la Préfecture, un spectacle de désolation s’offrit à notre vue et une réflexion nous vînt immédiatement à l’esprit : « Comment avait-on pu laisser faire ? »

    Aujourd’hui, rien n’a changé. Des recettes de impôts et des sièges de la MSA brûlent, des dégradations affectent les voiries, des tonnes de matériaux (plastiques, palettes, plaques d’amiantes, bidons,…) sont déversés dans les rues. Tout cela aux frais des contribuables.

    Trente-cinq ans après les faits que je relate, les agriculteurs, enfin ceux qui croient encore au modèle proposé par la FNSEA et les banques qui repose sur l’endettement et le productivisme (la France est en tête des utilisateurs de pesticides), continuent à chaque crise des cours à casser et à détruire le patrimoine commun et à pénaliser le citoyen lambda avec l’assentiment de fait des pouvoirs publics.

    Trente-cinq ans que les élus et les gouvernements successifs s’accusent mutuellement de n’avoir rien fait lorsqu’ils étaient au pouvoir, qui accusent « Bruxelles » ou qui somment aujourd’hui leurs concurrents politiques d’agir vite (point de vue de P. Méhaignerie dans Ouest France du 17/02) alors qu’ils ont toujours caressé dans le sens du poil cet électorat qui vote de moins en moins pour eux et part désormais en bataillons serrés vers le FN.

    Trente-cinq ans qu’on présente cette image d’Epinal d’une agriculture respectueuse et qui préserve la nature, immédiatement démentie pas les exactions de ceux qui, empêtrés dans le système syndical et bancaire, ne savent plus comment s’en sortir.

    Trente-cinq ans d’élevage intensif hors sol qui favorise la propagation des maladies et l’abattage de troupeaux l’appauvrissement des terres, la pollution de l’eau et la propagation des algues vertes.

    Trente-cinq ans de faillite politique. Lorsqu’on est confronté à une crise industrielle, on parle (un peu) accompagnement, reconversion, indemnisation et si des salariés, d’aventure, se montrent un peu violent ou retiennent un dirigeant d’entreprise pendant 24 heures, le bras armé du maintien de l’ordre et de la justice s’abat sur eux sans trembler : il n’est pas question de laisser faire, alors que pour les exactions de syndicalistes agricoles égarés, on fait preuve d’une grande tolérance pour ne pas dire de laxisme.

    Trente-cinq ans que ça dure. J’aimerais bien que chacun prenne enfin ses responsabilités, en particulier la FNSEA, qui sous couvert de protection des agriculteurs, les mène inexorablement à leur perte. 

    par Michel DROUET (son site)

    http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/trente-cinq-ans-de-destruction-177781

  • Brésil : le produit anti-moustique pulvérisé est plus toxique que le virus Zika

    La peur du virus Zika continue d’alimenter l’actualité. Au Brésil, l’armée a été mobilisée pour visiter plus de trois millions d’habitations. Le but officiel est d’y déceler tout lieu propice au développement des moustiques porteurs du virus.

    A la fin de ce reportage diffusé au journal télévisé belge, il est pourtant dit que seuls 41 cas d’encéphalites sont attribuées avec certitude au virus Zika. Par contre, selon certains chercheurs, les produits toxiques anti-moustiques pulvérisés abondamment pourraient être les vrais responsables de la majorité des encéphalites constatées au Brésil !


    Les militaires mobilisés pour éradiquer le virus Zika au Brésil avant les JO

    http://www.medias-presse.info/bresil-le-produit-anti-moustique-pulverise-est-plus-toxique-que-le-virus-zika/49184

  • Monsanto va être poursuivi pour crimes contre l’humanité à la Cour pénale internationale

    DE L’UNION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE NAÎT UN TRIBUNAL INTERNATIONAL CONTRE LE COLOSSE DES BIOTECHNOLOGIES.
    Après les maintes controverses autour de ses OGM et de sa stratégie impérialiste, la firme américaine Monsanto est encore une fois sous le feu des projecteurs !
    Elle est invitée du 12 au 16 octobre 2016 à La Haye (Pays-Bas) à venir se défendre devant un tribunal contre de multiples chefs d’accusation. En effet, un collectif international de juristes, d’ONG, de mouvements citoyens et de personnalités (constitué en un comité de 24 personnes et 21 associations) souhaite poursuivre en justice la multinationale, accusée
    « de polluer l’eau, les sols ou l’air, d’accélérer l’extinction de la biodiversité et la progression de ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle l’« épidémie de maladies chroniques évitables » (cancers, maladies d’Alzheimer ou de Parkinson…) ou encore de menacer la souveraineté alimentaire des peuples, par le jeu des brevets sur les semences et de la privatisation du vivant »(Libération).
    Voici ce qui a été annoncé lors d’une conférence de presse jeudi dernier, en pleine COP21. Mais est-ce possible en l’état actuel du droit ou ne s’agit-il que d’un énième coup médiatique ? En quoi ce tribunal est-il insolite et novateur ? Tour d’horizon des différents enjeux avec cette revue de presse de la Mission Agrobiosciences.
    Rien n’a été laissé au hasard…
    Le procès, tout d’abord.
    Même s’il est vrai que ce tribunal n’aura pas de reconnaissance institutionnelle, il se différencie des précédentes actions menées en ce sens car il se composera de véritables juges et avocats internationaux, à l’image de Corinne Lepage (avocate et femme politique française engagée fortement en faveur de l’écologie et spécialiste du droit de l’environnement). Il s’agira aussi de vrais chefs d’inculpation, établis à l’aide du droit international en vigueur, notamment les « Principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’homme »(approuvés en 2011 par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies) et les crimes de droit international tels que définis par la Cour Pénale Internationale (CPI).
    Marie-Monique Robin, réalisatrice entre autres du documentaire « Le Monde selon Monsanto » et « marraine » du Tribunal Monsanto, l’affirme clairement dans Le Monde : «  une vraie procédure judiciaire, de vrais juges, de vrais avocats, de vrais témoins ». L’entreprise Monsanto est d’ailleurs invitée à se présenter munie de son aréopage d’avocats pour tenter de contrer les arguments de l’accusation.
    Le choix du lieu.
    La Haye, ville où siège le gouvernement des Pays-Bas mais aussi la CPI et la Cour internationale de justice, ainsi que de nombreuses autres institutions européennes et internationales, notamment l’Office européen des brevets… Le Monde nous rappelle que la Haye a été en outre le théâtre d’un autre tribunal (un vrai, celui-ci) qui a condamné en juin 2015 l’Etat néerlandais à réduire ses émissions de GES (gaz à effet de serre) de 25 % d’ici à 2020 par rapport à 1990. Cette décision donnait alors raison à l’ONG Urgenda qui estimait que « l’effort actuel était insuffisant au regard de la contribution des Pays-Bas au réchauffement planétaire, et qu’il était du devoir du gouvernement de protéger sa population contre les impacts attendus du dérèglement climatique ».
    Des actions similaires ont depuis vu le jour en Belgique et en France, portées respectivement par les associations Klimaatzaak et « Notre affaire à tous ».
    Un pavé dans la mare pendant la COP21 ?
    Même si l’estimation du niveau d’émissions de GES provenant de l’ « agriculture industrielle » varient en fonction des sources (ONU, Inra, Greenpeace, etc.) et des variables prises en compte, tous semblent au moins s’accorder sur le fait qu’il s’agit d’un paramètre important ayant un impact non négligeable sur le changement climatique. C’est en fait « le symbole d’une agriculture industrielle et chimique qui pollue, accélère la perte de biodiversité, impacte la santé des peuples et contribue de manière massive au réchauffement climatique » explique Bio à la une, et ce, parce que les firmes comme Monsanto semblent courir uniquement après le profit. Elles menacent donc « la santé des humains et la sûreté de la planète ».
    Le cas Monsanto devrait servir d’exemple pour toutes les autres (sous-entendu, Syngenta, Bayer, BASF et compagnie) en situation oligopolistique sur les marchés des biotechnologies et des produits phytopharmaceutiques.
    Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
    Les faits ne datent pas d’hier. Plusieurs actions isolées ont déjà été menées contre Monsanto aux quatre coins du monde. Mais Libération pointe du doigt la façon habile dont les firmes « très bien outillées » de ce type contrent tout recours en justice en provisionnant chaque année des sommes astronomiques dédiées à cet enjeu et en rendant le parcours des victimes difficile. Enfin, en cas de défaut avéré, elles préfèrent toujours « conclure un règlement amiable, de manière à éviter qu’émerge une jurisprudence défavorable. » En outre, « pour l’heure, aucun outil juridique ne permet de poursuivre au pénal une entreprise ni ses dirigeants qui sont responsables d’un crime contre la santé humaine ou l’intégrité de l’environnement » explique Marie-Monique Robin.
    Ce tribunal se fait donc l’écho de toutes les victimes via une attaque, certes factice, mais groupée et d’ampleur inégalée.
    Et maintenant ?
    La mission est de taille. Le travail consiste désormais en l’établissement de « tous les faits reprochés au géant de l’industrie biochimique avant de le juger pour les dégâts directs et indirects causés par ses produits vendus dans le monde entier » (Bio à la une). Seront mis en exergue les exemples du glyphosate (molécule active du fameux herbicide de Monsanto, le Round up) et ses multiples conséquences potentielles ou avérées (autisme, cancer, intolérance au gluten et intoxication, selon Bio à la une), mais aussi les PCB (polychlorobiphényles, ou pyralènes, des polluants organiques persistants (Libération)) et la dioxine. Et la liste n’est pas exhaustive…
    Un an ! C’est à peu près le temps qu’il reste pour rassembler ces chefs d’inculpation, les participants issus des cinq continents mais aussi et surtout les fonds nécessaires estimés à 1 million d’euros (rien que ça !)
    « à travers la plus vaste plate-forme de crowdfunding international jamais réalisée à ce jour » (Libération). L’enjeu est de parvenir à faire évoluer un droit naissant, celui de l’environnement et d’impulser une dynamique de modification du droit international, notamment en amendant « le statut de Rome à l’origine de la Cour pénale internationale » (Le Monde) pour intégrer le crime d’ « écocide » (au sens général de destruction de l’écosystème, et donc de notre planète) dans les compétences de jugement de la CPI, au même titre que les « Les crimes :  de génocide, contre l’humanité,  de guerre et  d’agression ».
    Est-ce enfin l’heure de vérité de Monsanto ?
    Pas encore. La firme n’est plus à un scandale ou procès près. Dans l’immédiat, le message ne s’adresse de toute façon pas tant aux titans du secteur phytopharmaceutique qu’aux grandes instances juridiques et pénales qui auront sans doute les yeux rivés sur cet autre tribunal à la Haye en octobre prochain. S’il s’avère que ce projet rencontre bel et bien le succès attendu (en terme de modification du droit), il se pourrait alors que le géant Monsanto montre des premiers signes de faiblesse…
    Revue de presse de la Mission Agrobiosciences, 8 décembre 2015.
    Sources :
    Monsanto : pour que justice germe Coralie Schaub, Libération, 2 décembre 2015
    Justice environnementale : « Pour nous citoyens, le droit est une arme » Angela Bolis, Le Monde, 4 décembre 2015
    Des citoyens et des ONG s’unissent pour créer un tribunal international contre Monsanto Camille Anger, Bio à la une, 6 décembre 2015

  • Nous allons devoir réapprendre à vivre avec plus de simplicité et de frugalité

    Il n'y a pas que la haute technologique qui permette de changer les choses. Des techniques plus traditionnelles sont parfois bien plus indiquées pour réhabiliter des écosystèmes mourants ou endommagés, ou pour en améliorer la productivité.Cette agriculture de subsistance fondée sur la permaculture et la biodynamie est adaptée à une faible consommation d'eau, d'engrais et de pesticides. La permaculture, dont le concept a été rendu populaire par des chercheurs agronomes comme Bill Molison et David Holmgren, permet de créer des terres agricoles qui copient les types de relations qui existent dans la nature entre différentes plantes, tout en leur conférant une grande productivité. On a d'ailleurs pu constater qu'après l'effondrement de l'URSS, la Corée du Nord et Cuba se sont retrouvés sans pétrole et sans soutien agricole. La Corée du Nord, avec son organisation centralisée et dirigiste, a souffert d'une famine gigantesque qui a provoqué plusieurs millions de morts. Cuba, en libéralisant l'agriculture, en maximisant les surfaces agricoles (sur les toits des immeubles, dans les parcs et terrains vagues, etc.) et en utilisant des techniques de permaculture, a réussi non seulement à faire survivre sa population, mais aussi à augmenter la production et la qualité de la nourriture.
         Dans l'habitat, les constructions passives permettent d'utiliser la lumière et la chaleur du soleil, comme on le faisait déjà de manière traditionnelle. Ces techniques avaient été laissées pour compte à cause du chauffage et de la climatisation bon marché. L'architecture moderne, narcissique et indulgente, a longtemps fabriqué des bâtiments difficiles à chauffer, refroidir et à aérer.
          Nous sommes aujourd'hui familiarisés avec des ampoules plus économes, les éoliennes et les capteurs solaires, le tri des ordures et des déchets ménagers, le recyclage du papier et la suppression progressive des bouteilles et des sacs en plastique, des voitures hybrides ou électriques, le covoiturage, le slow food, la nourriture bio... Mais ces habitudes n'ont qu'un effet de marge si nous n'apprenons pas à vivre avec le moins de consommation d'énergie fossile possible. (Surtout, cette manière de vivre rentre tout à fait dans le cadre du capitalisme vert et met plus en évidence une vision alternative de la société de consommation qu'un changement en soi : note de l'équipe d'oragesdacier).
         Il faut être réaliste : les énergies renouvelables ne sont pas compatibles avec les échelles des systèmes développés en s'appuyant sur des énergies fossiles abondantes.
         Le système doit changer.  
         Au lieu de chercher à faire rouler une voiture avec autre chose que du pétrole, il serait temps de réfléchir à un mode de vie sans voitures. La structure sociale va devoir évoluer, perdre ses habitudes et accepter ses limites : on ne peut pas, par exemple, faire voler des avions commerciaux à l'électricité tout comme on ne fabrique pas des pièces en titane avec la seule électricité. C'est bien l'ensemble de nos habitudes et de notre culture qu'il faut changer. Sans nouvelles valeurs, nous n'y arriverons pas. 
         C'est ainsi que l'on voit se développer dans les milieux écologistes l'éloge de l'inefficience. Comme le dit avec humour l'écrivain américain James Howard Kunstler, critique du système urbain et financier moderne, "l'efficience est la route la plus rapide pour l'enfer". Une économie inefficace est plus chaotique, voire plus complexe sur certains aspects, qu'une économie efficace qui réduit la diversité des espèces cultivées, qui concentre les processus en augmentant leurs volumes et donc augmente sa propre dépendance envers ceux-ci. Ce que l'on conçoit comme une complexité technologique est en réalité une simplification des flux. Or, l'écologie d'une prairie n'est pas efficace. De nombreuses variétés de fleurs et d'herbes gardent le sol fertile et sain. Une seule espèce cultivée en monoculture est certes efficace mais va épuiser le sol de ses éléments nutritifs, faciliter l'érosion et finalement détruire rapidement ce sol, et pour longtemps. Toute la nature est un système inefficace ! 
         En plus de l'inefficience, il nous faut apprendre la suffisance. Être satisfait d'assez. Prendre soin des vrais besoins et non des fausses envies. C'est une des clés du bonheur que de mesurer sa propre vie non pas à la quantité mais à la qualité. Aux relations plutôt qu'aux choses. Ajoutons aussi l'imagination et le refus des carcans et des dogmes. Soyons créatifs pour trouver des solutions aux problèmes, pour découvrir une saine satisfaction dans des modes de vie plus positifs. Nous devons apprendre à devenir une culture qui soit comparable à celle à laquelle les Russes s'identifient et qu'ils surnomment Непобедимый -nepobedimyi, c'est-à-dire invincible. Nous devons apprendre à devenir invincibles
         Nous allons devoir réapprendre à vivre avec plus de simplicité et de frugalité, la simplicité ne voulant pas dire vivre pauvre et dans la misère. Il suffit d'avoir ce dont on a besoin et de ne pas vouloir ce dont on n'a pas besoin. Quant aux villes et à l'urbanisme, les Romains savaient construire en béton armé des immeubles de cinq étages leur empire était sillonné de routes. Les anciens Chinois avaient déjà, il y a 3 000 ans, un commerce florissant grâce à leur réseau de canaux et leur science. Une civilisation sans pétrole peut exister et peut être florissante. 
         Mais la population mondiale actuelle et son accroissement exponentiel programmé interdisent tout retour en arrière. les programmes d'aide aux populations dites sous-développées supposent une croissance massive du PNB mondial et des ressources alimentaires par habitant. La question n'est donc pas de réduire la croissance, mais de la réorienter vers des ressources sûres et renouvelables. La production agricole devra certainement doubler d'ici une trentaine d'années et cette production sans précédent devra être indéfiniment maintenue. Or, on ne sait comment réagir face à la perte programmée des sols et des ressources. L'enjeu sera de gérer la contraction. L'unique réponse possible à un tel défi passe par des investissements massifs dans la recherche, l'irrigation, l'entretien des sols, l'organisation de l'exploitation des ressources marines, etc. Ensuite, la question n'est pas de savoir si le changement est possible techniquement (il l'est sans doute), mais de savoir si nos gouvernements seront capables d'avoir la volonté, la vision, la compétence nécessaire pour coordonner un effort global, pour affronter rapidement tous ces problèmes, et si l'on disposera du temps nécessaire pour le faire, avant qu'une crise majeure n'arrive et que l'on converge allègrement, tous ensemble, vers un effondrement global de notre système économique et de notre civilisation. 
         L'expérience de ces dernières décennies permet d'en douter.
    Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique

    http://www.oragesdacier.info/2016/02/nous-allons-devoir-reapprendre-vivre.html