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écologie et environnement - Page 196

  • Les économistes et l’illusion d’un boom pétrolier

    Le mythe du boom pétrolier a la vie dure. Depuis le début de 2012, les économistes et les analystes financiers occupent l’espace média avec un discours triomphant : grâce à l’exploitation des schistes, nous allons nager dans le pétrole et les prix vont bientôt s’effondrer. La plus récente déclaration du genre : celle du président de Gulf Oil, Joe Petrowski, qui déclarait mardi avec une belle assurance que le baril de pétrole se négocierait à 50 $ le baril d’ici la fin de 2013.

    Une certitude d’autant plus étonnante que Gulf ne produit plus elle-même de pétrole – elle se contente maintenant de distribuer des produits pétroliers. Et Joe Petrowski ne peut pas ignorer que la production de sa société mère, Chevron, a atteint son sommet en 2000 et qu’elle a décliné de 7 % depuis, malgré un léger sursaut en 2010. Il sait très bien aussi que le prix du pétrole a augmenté – et non pas diminué – de 20 % depuis trois mois.

    Mettons les chiffres au clair : la production mondiale de pétrole est remarquablement stable depuis 2005, à environ 75 millions de barils par jour, alors qu’elle augmentait de 2 % par année auparavant.

    Depuis 2007, la production américaine, il est vrai, est passée de 5 à 7,5 millions de barils par jour (dont deux millions de barils de pétrole de schiste). Mais cette production dépassait déjà les 9,4 millions de barils en 1970 et quant aux besoins quotidiens des États-Unis, ils sont actuellement de l’ordre de 19 millions de barils. La « révolution » est donc bien limitée et l’indépendance énergétique des Américains reste une vue de l’esprit.

     

    Quand l’économie ignore la géologie

    Bien que les données brutes soient implacables, les économistes et les analystes financiers continuent à nous prédire des océans de pétrole, n’hésitant pas à citer les mises en garde des géologues pétroliers à l’appui de leurs belles projections. Le dernier épisode de ce petit jeu remonte à la parution, le 9 juillet, d’un article intitulé « Peak Oil and Energy Independance : Myth and Reality » dans EOS, le bulletin de l’Union géophysique américaine.

    Dans leur conclusion, les auteurs écrivent notamment : « Alors, l’idée d’un pic pétrolier est-elle un mythe? Si les lecteurs s’attendent à une chute abrupte de la production pétrolière, oui, elle l’est. » La presse économique s’est emparée de cet extrait pour claironner partout que le pic pétrolier n’était qu’un mythe, dans une unanimité dont s’inquiétait cette semaine le Journal britannique The Guardian.

    Fin de l’histoire? Pas du tout, car les auteurs de l’étude, plus nuancés, ajoutent que : « Dans la mesure où la production de pétrole conventionnel a atteint un plateau et où de coûteuses sources non conventionnelles demeurent le seul moyen d’augmenter la production à court terme, il est clair que nos sociétés font face à un dilemme. Le prix restera-t-il assez élevé pour développer les sources non conventionnelles et, du coup, limiter la croissance économique? Même si c’est le cas, le rythme de production du pétrole non conventionnel pourra-t-il un jour suffire à matérialiser le concept d’une révolution énergique, sans parler d’une quelconque indépendance pétrolière? »

    Les mises en garde des géologues

    En fait, l’article de trois pages multiplie les mises en garde. Il rappelle que la production pétrolière reste plafonnée et que la croissance du pétrole de schiste américain ne fait que compenser le déclin rapide (de 5 % par année environ) des puits conventionnels ailleurs dans le monde. Il souligne aussi que l’exploitation de ce pétrole n’est rentable qu’en raison des prix élevés et que malgré l’explosion du prix du pétrole depuis 15 ans, l’offre ne parvient pas à suivre la demande.

    De plus, l’exploitation du pétrole non conventionnel exige énormément de travail et d’argent. « Dans le secteur de Bakken dans le Dakota du Nord, écrivent les auteurs, il faut forer 100 nouveaux puits par mois seulement pour maintenir la production au niveau actuel. En mars 2013, 5 047 puits produisaient 705 000 barils par jour à Bakken, soit une production moyenne par puits de 140 barils par jour. Ces chiffres sont insignifiants quand on les rapproche de ceux des puits conventionnels, qui produisent habituellement au rythme de milliers de barils par jour. De plus, il s’agit d’un pétrole coûteux, dont on estime le seuil de rentabilité commerciale entre 80 et 90 $ par baril. »

    Débordant du cadre strict de la géologie, l’article souligne qu’à partir de 110 $ le baril, le prix du pétrole semble provoquer une forte baisse de la demande. Il est donc possible que la production chute un jour non pas en raison de l’épuisement des réserves, mais faute d’acheteurs solvables – un facteur dont les économistes ne tiennent jamais compte. Dans l’état actuel des choses, le plafonnement de la production mondiale entrave également le retour de la croissance économique.

    La société industrielle marche sur la corde raide. D’une part, il faut maintenant garantir des prix de 80 à 90 $ le baril pour que la production de pétrole soit rentable, un prix plancher qui augmentera au fur et à mesure que s’épuiseront les ressources les plus faciles d’accès. Mais d’autre part, la demande plonge sérieusement à partir de 110 $ le baril et en 2008, le pétrole à 150 $ a littéralement démoli l’économie mondiale. Diminuez les prix un peu et la production s’effondrera; augmentez-les un peu et c’est l’économie qui s’effondrera. Mais pour les économistes, tout va pour le mieux.

    voir.ca  

    http://fortune.fdesouche.com/316967-les-economistes-et-lillusion-dun-boom-petrolier#more-316967

  • La passoire infernale de Fukushima

    Par François Leclerc

     

    La saga de l’eau contaminée se poursuit en s’amplifiant à Fukushima. Longtemps niés, les rejets dans l’Océan Pacifique ne peuvent plus l’être et ont été finalement reconnus le 22 juillet dernier par l’opérateur de la centrale. Ils ne sont devenus un problème « urgent » pour Shinzo Abe, le premier ministre, qu’au lendemain des élections sénatoriales qui ont vu la victoire de sa formation, le parti Libéral-Démocrate.

     

     

    Les sous-sols et galeries souterraines inaccessibles des trois réacteurs en permanence aspergés pour être refroidis regorgent d’une eau hautement radioactive qui se déverse en continu dans la mer, probablement depuis longtemps. Cela arrangeait Tepco, l’opérateur de la centrale, qui préférait l’ignorer, déjà littéralement débordé par les quantités d’eau contaminée à stocker. Mais l’eau de refroidissement contaminée se mélange en effet à de l’eau provenant de la nappe phréatique, à son tour atteinte, accroissant son volume global estimé à 700 mètres cubes quotidiens. Au final, entre 20 et 40 mille milliards de becquerels ont selon Tepco fuit de mai 2011 (deux mois après la catastrophe) à juillet 2013, émanations d’un cocktail infernal de tritium, cesium et strontium.

     

    Aujourd’hui, sur injonction de l’autorité nucléaire japonaise (NRA), Tepco a commencé à pomper l’eau et prévoit de mettre en place dans les jours à venir une capacité quotidienne de pompage de 100 mètres cubes. Le ministre de l’industrie (METI) estime toutefois que 300 mètres cube atteindraient la mer chaque jour. Cherchez l’erreur. Endémique, le phénomène passoire ne fait pas que se confirmer, il s’accentue.

     

    Toutes les tentatives de créer un circuit fermé digne de ce nom de l’eau de refroidissement, en la décontaminant après son passage dans les réacteurs pour y être à nouveau injectée, ont jusqu’à maintenant failli, les installations de décontamination successives incapables d’accomplir les performances pour lesquelles elles ont été conçues.

    Une nouvelle station de décontamination présentée comme plus performante est toujours en attente de mise en service depuis septembre 2012, les retards s’accumulant. Le stockage de l’eau contaminée dans des réservoirs a pris des proportions démesurées, des fuites ont déjà été signalées dans trois des gigantesques cuves, qui ont du être vidées. L’avenir de ces installations provisoires (créées en 2011, les cuves sont prévues pour durer 5 ans) et par nature précaires n’est jamais évoqué. Mais une pollution majeure pourrait résulter d’un séisme aboutissant à la rupture de réservoirs alignés sur de vastes étendues. Les sous-sols représentaient donc ce point de vue une capacité de stockage inavouée mais bienvenue…

    Au 7 mai dernier, il y avait 290.000 m3 d’eau contaminée dans 940 cuves et environ 94.500 m3 dans les sous-sols. Tepco a pour objectif de mettre en place une capacité de stockage de 700.000 m3, pour laquelle l’emplacement reste à trouver, mais c’est sans fin… Ce volume donne aussi un avant-goût de la masse d’acier et de béton auquel il faudra trouver une destination pour l’entreposer, si d’aventure le démantèlement devait être effectivement entrepris comme il est toujours prévu.

     

    Afin de minorer l’importance de la contamination de la mer, il est fait état de l’existence de forts courants marins la diluant, mais en contre partie l’océan est contaminé sur des centaines de kilomètres. Les déversements de la centrale ne sont pas seuls en cause, la pluie lessivant les terrains contaminés, rejoignant la mer via les rivières. Comme sur terre, la contamination est en tache de léopard et des points chauds ont été découverts à l’embouchure des fleuves, ainsi que dans la baie de Tokyo. Les fonds à leur tour contaminés, la flore et la faune le sont également, pénétrant progressivement dans la chaîne alimentaire.

     

    Toutes les tentatives de l’opérateur de contenir aux abords immédiats de la centrale ce désastre ont échoué. Une barrière souterraine entre les réacteurs et la mer est en train d’être construite, mais elle sera inévitablement contournée par l’eau contaminée et il est impossible – faute de pouvoir y accéder – de stopper les fuites à la source, c’est à dire en obturant les cuves des réacteurs percés ou en scellant l’accès aux galeries souterraines. Aux dernières nouvelles, il est question de geler le sol avec une technologie utilisée par les tunneliers, tout autour des 4 réacteurs sur un périmètre de 1,4 km et selon une profondeur de 30 mètres.

     

    Présenté faussement comme étant en arrêt à froid, la centrale de Fukushima n’est toujours pas sous contrôle, comme revendiqué.

     

    Son démantèlement reste aujourd’hui une pétition de principe, destiné à effacer les traces d’une catastrophe qui va en réalité être très longtemps indélébile. Le ministère de l’industrie a annoncé le 1er août dernier la création d’une structure intitulée « Organisation internationale et de recherche et de développement pour le démantèlement », dont l’intitulé est en soi tout un programme. La venue de renforts étrangers est recherchée devant l’immensité de la tâche et ses inconnues, tandis que les entreprises internationales brûlent d’accéder à ce chantier afin d’acquérir des savoir-faire en vue de se positionner sur un marché mondial du démantèlement qui s’annonce très juteux. Les coûts réels de l’électronucléaire n’ont pas fini de grimper.

     

    Pauljorion.com   http://fortune.fdesouche.com

  • La production d’hydrogène abordable grâce à l’énergie solaire

    Des chercheurs allemands et hollandais viennent de mettre au point une cellule solaire capable de produire de l’hydrogène et de l’oxygène par électrolyse de l’eau, ou hydrolyse. De quoi stocker l’énergie solaire et envisager un mode de production durable pour l’hydrogène, un potentiel carburant d’avenir.

    Quand la lumière (flèche arc-en-ciel) atteint le système, un potentiel électrique est créé. La couche d’oxyde métallique (grad-doped BiVO4) capte une partie de la lumière et sert de photoanode. La couche est reliée à la cellule solaire (en noir) par l’intermédiaire d’un pont conducteur en graphite. La cellule reçoit également une partie de la lumière, augmentant le potentiel électrique. L’oxygène se forme alors au niveau de la photoanode, tandis que l’hydrogène est dégagé au niveau d’une spirale de platine plongée dans l’eau et qui fait office de cathode.
    Quand la lumière (flèche arc-en-ciel) atteint le système, un potentiel électrique est créé. La couche d’oxyde métallique (grad-doped BiVO4) capte une partie de la lumière et sert de photoanode. La couche est reliée à la cellule solaire (en noir) par l’intermédiaire d’un pont conducteur en graphite. La cellule reçoit également une partie de la lumière, augmentant le potentiel électrique. L’oxygène se forme alors au niveau de la photoanode, tandis que l’hydrogène est dégagé au niveau d’une spirale de platine plongée dans l’eau et qui fait office de cathode.

    Souvent évoqué comme le carburant du futur, l’hydrogène est un bon candidat pour alimenter les voitures dotées de piles à combustible. Mais il rencontre un plusieurs écueils : sa production avec les méthodes actuelles (comme l’électrolyse) reste chère, peu efficace, et impacte l’environnement.

    Aussi, la possibilité de produire de l’hydrogène à partir d’eau et de lumière du soleil est suivie avec sérieux, et plusieurs recherches récentes en témoignent. En 2008, des chercheurs russes avaient proposé une méthode de photosynthèse artificielle dans ce but.

     

    Une équipe suisse poursuit le même objectif, en tournant ses recherches vers l’eau et l’oxyde de fer, plus communément appelé rouille. L’an dernier, cette équipe courait toujours après un rendement de conversion de 10 % de l’énergie solaire en hydrogène.

    Conversion bon marché de l’énergie solaire en hydrogène

    Dans le même ordre d’esprit, des chercheurs de l’université de technologie de Delft (Pays-Bas) et du Helmholtz-Zentrum Berlin (HZB) ont couplé une cellule solaire simple et une photoanode en oxyde métallique, ont réussi à atteindre un taux de conversion de 5 % de l’énergie lumineuse en hydrogène.

    Selon les scientifiques, leur dispositif est nettement moins coûteux que des cellules de haut rendement à triple jonction en silicium amorphe ou d’autres semi-conducteurs utilisés pour ce type de réaction. Leurs résultats sont exposés dans la revue Nature Communications.

    Pour leur photoanode, le choix s’est porté sur le vanadate de bismuth (BiVO4), qui, à l’instar de la cellule solaire simple, a un coût modique : il est disponible en abondance, et est utilisé comme pigment jaune dans les peintures. Son usage permet en principe d’atteindre un taux de conversion de 9 % de l’énergie lumineuse en hydrogène dans le dispositif des chercheurs. Cet oxyde métallique a donc été déposé sur une surface de verre conducteur.

    Puis l’on a recouvert le tout d’un catalyseur bon marché, le phosphate de cobalt, en contact avec l’eau, et qui aide à accélérer notablement la formation de dioxygène. Le tout repose sur la cellule solaire, et celle-ci n’est donc pas en contact avec l’eau.

    Le plus grand défi, pour les chercheurs, résidait dans la séparation correcte des charges au sein de l’oxyde métallique. En d’autres termes, il s’agissait d’éviter leur recombinaison : si les charges se recombinent, elles ne sont plus disponibles pour la réaction d’électrolyse, le but premier du dispositif.

    L’ajout d’atomes de tungstène au sein de la couche d’oxyde métallique remplit ce rôle. « L’important était de distribuer ces atomes de manière à générer un champ électrique dans la couche, qui aide à empêcher les recombinaisons », explique Roel van de Krol, qui a dirigé ces travaux.

    En revanche, les chercheurs ne comprennent pas encore totalement pour quelle raison le vanadate de bismuth présente de meilleurs résultats que les autres oxydes métalliques. Cerise sur le gâteau, « plus de 80 % des photons incidents contribuent au courant, une valeur inattendue qui établit un nouveau record pour un oxyde métallique », poursuit Roel van de Krol.

     Vers une production significative d’hydrogène directement sur les toits ?

     Les scientifiques ont ainsi obtenu un moyen relativement simple et peu onéreux de convertir de l’énergie solaire en hydrogène grâce à un procédé de photosynthèse artificielle. Une fois l’hydrogène stocké, on peut s’en servir sous différentes formes : dans des piles à combustible ou encore sous forme de méthane, selon l’usage visé.

    Reste la question de la montée en échelle, et les chercheurs vont y consacrer leurs prochains efforts. Avec le rendement actuel de 5 % dans la conversion de la lumière solaire en hydrogène, et en prenant une performance solaire de l’ordre de 600 W/m2 en Allemagne, un peu plus d’une trentaine de mètres carrés suffiraient pour dépasser la barre du kilowattheure stocké chaque heure sous forme d’hydrogène.

    Futura Sciences    http://fortune.fdesouche.com

    [NB : L'article ci-dessous date de 2008]

    L’hydrogène bientôt utilisé pour stocker l’énergie solaire

    En s’inspirant de la photosynthèse, des chercheurs étudient le moyen de se servir de l’énergie solaire pour produire de l’hydrogène à partir de l’eau, lequel peut être stocké plus facilement que l’électricité avant d’être utilisé dans une pile à combustibles. Deux équipes viennent indépendamment de réaliser chacune une grande avancée.

    Au Massachusetts Institute of Technology (MIT), Daniel Nocera et ses collègues s’obstinent à réussir une réaction chimique que les plantes vertes effectuent tant qu’il y a du soleil : la cassure de la molécule d’eau en ses deux constituants, l’hydrogène et l’oxygène.

    Réalisée dans les feuilles grâce à la chlorophylle (ou à des pigments différents chez d’autres organismes photosynthétiques) et à l’énergie apportée par la lumière, elle constitue l’une des deux réactions de la photosynthèse, l’autre étant la transformation du gaz carbonique (CO2) en une molécule organique qui servira à fabriquer des sucres.

    On sait depuis longtemps la réaliser en apportant de l’énergie sous forme électrique. C’est l’électrolyse. En plongeant deux électrodes dans l’eau et en appliquant une tension suffisante, on obtient un dégagement d’oxygène à l’anode et d’hydrogène à la cathode. Mais l’idée d’effectuer la réaction sans autre apport d’énergie que celle du soleil hante les laboratoires depuis longtemps.

    L’hydrogène, que l’on commence à savoir enfermer dans des réservoirs, est bien plus commode à stocker que l’électricité. On peut ensuite récupérer l’énergie ainsi mise en réserve, par exemple dans une pile à combustibles où s’effectue la réaction inverse, produisant de l’eau et du courant électrique. L’hydrogène peut aussi être utilisée par d’autres moyens. L’énergie solaire pourrait alors être utilisée de manière plus souple qu’en produisant de l’électricité au gré de l’ensoleillement.

    A la recherche du catalyseur

    Mais il reste encore un long chemin à parcourir pour égaler l’efficacité des plantes vertes. L’électrolyse réclame énormément d’énergie alors que la photosynthèse se contente de peu. Si l’on parvient à trouver un moyen pour réaliser l’électrolyse avec une quantité d’électricité suffisamment faible, celle-ci pourrait être alors fournie par des cellules solaires. Les chercheurs sont persuadés que la solution se trouve dans le domaine de la chimie et en particulier des catalyseurs, ces molécules capables d’accélérer considérablement une réaction chimique sans être elles-mêmes altérées.

    L’équipe de Daniel Nocera vient de présenter une remarquable avancée dans ce domaine en mettant au point un catalyseur à la fois efficace et bon marché. Alors que les recherches précédentes suivaient la piste d’un matériau à la structure maîtrisée, celui des chercheurs du MIT est amorphe et se forme de lui-même en s’accumulant spontanément autour de l’électrode (l’anode, en l’occurrence).

    Cette dernière est constituée d’un oxyde d’étain et d’indium, plongée dans une solution contenant du phosphate de potassium et du cobalt. Sous l’action du champ électrique, ces éléments s’accumulent autour de l’anode où ils deviennent un catalyseur très efficace pour rompre la molécule d’eau et produire de l’oxygène gazeux, qui s’échappe, et des ions d’hydrogène, qui restent dans la solution.

    « Nocera a probablement retiré du travail à beaucoup de chercheurs » plaisante Karsten Meyer, chimiste à l’université Friedrich Alexander (Allemagne), qui s’exprime dans la revue du MIT et n’hésite à qualifier cette réalisation de « plus grande découverte du siècle » dans le domaine de l’énergie solaire.

    Une électrode en plastique

    Côté cathode, en revanche, là où doit être produit l’hydrogène gazeux (et les ions en oxygène qui restent en solution), le catalyseur utilisé par l’équipe est le platine, un élément rare dont il est inutile de rappeler le coût.

    Mais les laboratoires mondiaux ne chôment pas et, dans le même temps, à des milliers de kilomètres de là, une autre équipe, celle de Bjorn Wintehr-Jensen et ses collègues de l’université Monash, à Clayton (Australie), mettaient au point un catalyseur en plastique. Ces chercheurs ont en effet remplacé l’onéreux platine par un polymère, variante du polyéthylène, le poly(3,4-ethylenedioxythiophene), alias PEDOT, appliqué sur une membrane en Goretex.

    Elle fonctionne au contact de l’air (l’électrolyte étant de l’autre côté) et offre une surface considérable. Il ne faut plus de platine mais tout de même une très faible quantité d’or, qui vient recouvrir les fibres de Goretex.

    L’idée de l’électrolyse à faible consommation d’énergie avance donc à grand pas. La réalisation d’une production d’hydrogène à partir d’énergie solaire se rapproche assez nettement. Mais Daniel Nocera, et d’autres, ont toujours pour objectif d’imiter la photosynthèse et d’utiliser directement l’énergie des rayons solaires pour produire l’hydrogène. A regarder l’activisme des laboratoires du monde entier dans ce domaine, on peut conclure que cet objectif n’est ni utopique ni très éloigné…

    Futura Sciences (Article de 2008)

  • Éthanol : quand Lula rêve d'un « tsunami vert » (arch 2009)

    LE BRÉSIL a l'ambition d'approvisionner les automobilistes avec de l'éthanol, un carburant miracle : « non polluant et bon marché ». Depuis trente ans, le plus grand pays d'Amérique du Sud envisage de devenir le principal exportateur. En 2007, il consacrait à la production de l'« or vert » 6 millions d'hectares pour les plantations de la canne à sucre, 5 hectares pour la betterave à sucre, 3 hectares pour le maïs et 2,5 hectares pour le blé. Cette filière a attiré les plus grands investisseurs. En 2005, le groupe français Tereos (ex-Béghin-Say) fut la première société étrangère à acheter pour 170 millions d'euros une distillerie de canne à sucre. Bill Gates a investi 84 millions de dollars dans Pacific Ethanol. Le Britannique Richard Branson, patron de Virgin, se consacre au développement de carburants alternatifs par le biais de la société Virgin Fuels. Mais ce commerce est devenu l'enfer de plus de 500 000 Brésiliens, transformés en esclaves d'un nouvel enjeu mondialiste sur fond de propagande écologiste contre le supposé « réchauffement climatique ».

    L'ÉTHANOL EST PLUS DANGEREUX QUE L'ESSENCE
    Il fait nuit et les plantations de canne à sucre brûlent autour d'Araçoiaba dans le Nordeste. Quand, à l'aube, les nids de braise sont encore rougeoyants, les ouvriers avancent avec leur machette. On dirait qu'une guerre a ravagé les plantations. Derrière le reflet des flammes, le ciel s'est empourpré et le vent rabat encore une épaisse fumée mêlée d'une odeur putride. Dans la région de Sao Paulo, le fumage des cultures engendre un désastre écologique. Chaque année, il est aussi la cause de 750 000 tonnes de particules provoquant une augmentation de 20 % à 50 % des cas d'asthme, Le constat de Mark Jacobson, spécialiste en chimie atmosphérique à l'université de Stanford en Californie, va dans ce sens. Ayant étudié la dégradation de la qualité de l'air au Brésil dans les années 1970, il conclut que l'E85 - carburant composé de 85 % d'éthanol et de 15 % d'essence sans plomb - présenterait pour la santé publique un risque égal, voire supérieur à celui de l'essence seule. Selon lui, l'éthanol détruit la couche d'ozone. Dans certaines régions des États-Unis, il est la cause d'une augmentation des cancers de 4 % à 9 %. La combustion de l'E85 rejette dans l'atmosphère des composés extrêmement toxiques comme l'aldéhyde formique et l'acétaldéhyde (La Science du 18/4/07).
    L'université de Sao Paulo a observé que les coupeurs de canne à sucre travaillent en moyenne douze ans avant d'être remplacés ou renvoyés. Dans ces exploitations, on ne tolère ni les vieux, ni les malades. Jusqu'à la tombée du soleil, chaque homme doit couper 3,5 tonnes de canne à sucre qui produiront 300 litres d'essence biologique. Pour cela, l'ouvrier entre dans les cendres muni de sa facao, réalisant chaque jour plus de 3 000 coupes. De telles descriptions renvoient à l'univers, qu'on croyait disparu, de la révolution industrielle anglaise. Dans They Were White and They Were Slaves (Ils étaient blancs et ils étaient esclaves), Michael A. Hoffman mentionne que les entreprises employaient alors des ramoneurs de six ans. Dans une chaleur insoutenable, ils grimpaient avec agilité à l'intérieur d'immenses cheminées. Par souci de production, les fourneaux n'étaient jamais éteints. Sur les tombes, les épitaphes portaient le témoignage de nombreux accidents. Aujourd'hui, Silva, le premier président de gauche brésilien dont l'élection avait enthousiasmé tous les "humanistes", la fin justifie des moyens semblables : « Jusqu'en 2030, nous serons les plus importants fournisseurs de carburant au monde. »

    LES REVERS D'UN SUCCÈS MONDIAL
    L'éthanol promet d'importantes retombées financières, En 2008, le Brésil a produit 26 milliards de litres grâce à la canne à sucre. Dans les années à venir, cette production devrait doubler pour atteindre 53 milliards de litres. Les clients ne manquent pas. Plus de trente pays mélangent l'éthanol à l'essence. D'ici à 2012, les Etats-Unis veulent couvrir 15 % de leur besoin en carburant avec de l'essence biologique contre 10 % pour l'Union européenne. L'été dernier, la Suède a signé un accord avec des sociétés brésiliennes pour la livraison de 115 millions de litres d'éthanol. Sous prétexte d'améliorer la condition des ouvriers de canne à sucre, Stockholm paye 5 à 10 % au-dessus du prix facturé.
    Lula a des ambitions planétaires. Par souci d'optimisation, il rêve d'étirer cette ceinture verte sur toute la périphérie de l'équateur, relayant ainsi les pays du tiers-monde ensoleillés et particulièrement rentables. Car, dans le Nordeste, la saison de la canne à sucre ne dure que de cinq à sept mois. Les nations concernées travailleraient avec le Brésil et constitueraient une OPEC du carburant écologique. Elles approvisionneraient les pays riches pour profiter à leur tour d'une bonne croissance économique. D'après les projections des experts de Lula, si tous les véhicules roulaient à l'éthanol, le Brésil pourrait couvrir un quart des besoins mondiaux. Aussi le président ne recule-t-il devant aucun mensonge : « L'argent de l'éthanol permettra d'aider les pauvres » ou « Le monde doit être plus propre et doit créer de nouveaux emplois ». Seul hic, la monoculture de l'éthanol concurrence dangereusement l'agriculture plus traditionnelle destinée à l'alimentation. Cela conduira inéluctablement à une explosion de la famine dans les pays les plus démunis comme Petrus Agricola l'a si souvent exposé ici.
    Les « gros nez» des multinationales Cargill, Multis et Shell ou l"'humaniste-financier" George Soros n'en ont cure. Ils misent sur la réussite de leur projet. En arrière-plan, le terrain a été préparé à coup de désinformation écologiste: depuis 1992, 189 gouvernements ont ratifié le protocole de Kyoto, En mai 2008, Angela Merkel s'est rendue au Brésil et a convenu d'un partenariat avec ce pays pour équiper l'Allemagne de pompes à éthanol. Aux Pays-Bas, le ministre des Transports Camiel Eurlings a débloqué 1,8 million d'euros pour moderniser à cet effet les stations-service (Elsevier du 26/5/08), D'ici à 2030, le Japon a prévu d'équiper toutes ses voitures. Lula explique que les habitudes des pays occidentaux n'en seront pas changées. Comme pour les Volkswagen vendues au Brésil, les constructeurs automobiles devront simplement adapter les moteurs pour fonctionner avec de l'éthanol produit à 20 centimes le litre.

    LE SANG DES HOMMES
    Le prêtre écossais Tiago dénonce toutes ces billevesées : « La promesse d'un carburant biologique est un mensonge. Celui qui achète de l'éthanol remplit son réservoir de sang. Ce carburant est produit par des esclaves. » Le Père connaît le côté sombre des songes de Lula. Il explique que le bas prix de l'éthanol provient de l'exploitation inhumaine des ouvriers des plantations. L'Amérique du sud se prépare à un « Tsunami vert ». Le Brésil devrait bientôt étendre à 10 millions d'hectares les exploitations de canne à sucre, Les terrains du sud, plats, sont plus rentables car plus accessibles aux technologies de production. Le Père Tiago roule en direction du nord sur la route nationale 101, « la route de la canne à sucre ». La Zona da Mata est une bande forestière de plus de 700 km au bord de l'Océan atlantique. Les barons de la canne à sucre n'hésitent pas à dévier le cours des rivières et des fleuves. Des villages sont rayés des cartes. Rien ne résiste aux bulldozers à l'exception de quelques rares clochers, chapelles et églises.
    Le Père Tiago sait qu'il lui faut être prudent. Les Capangas, hommes de main des propriétaires ruraux, ont déjà tué des membres de la Commission pastorale. Munis de motos tout-terrain, de jeeps et bien sûr d'armes à feu, ils sillonnent les plantations. Officiellement engagés pour la sécurité, ils sont de véritables chiens de troupeau encadrant plus de 2 000 ouvriers. Il n'existe aucune règle. Les villages sont rongés par la famine et la prostitution. La nourriture se limite à de l'eau et à de la bouillie de maïs. Travaillant six jours par semaine, les coupeurs de canne sont des survivants et des martyrs de l'industrie moderne pour un salaire misérable - 400 réals soit 130 euros par mois. En dehors de la canne à sucre, il n'existe pas d'autre activité. Président du syndicat d'ouvriers agricoles STR à Aliança, une autre plantation dans le nord-est du pays, José Lourenço da Silva constate que depuis l'élection de Lula en 2002, la pauvreté a doublé dans sa région.
    Loin de la vision tronquée de l'Occident, l'écologie montre de plus en plus sa raison d'être. Ayant pris les contours d'un mythe, elle est un instrument concrétisant les exigences des multinationales et d'une économie où l'homme perdra toute dignité. Quant à l'éthanol, il est devenu un complément de l' « or noir » : un plan judicieux permettant aux émirs, aux Rockefeller et à ses sbires de faire durer le pétrole. L'«or vert» connaîtra une envolée des cours quand une majorité de constructeurs automobiles, des gouvernements l'auront adopté et en seront peu à peu dépendants,
    Laurent BLANCY, < Laurent-Blancy@neuf.fr > 
    Rivarol du 6 mars 2009

  • France : 93 % des cours d’eau sont empoisonnés par des pesticides

    Durant ses travaux, le CGDD a recherché dans ses points de mesure 550 pesticides et parmi ces produits, 377 – soit 68 % – ont été décelés au moins une fois.
    Pire, 19 % des points présentent plus de 20 pesticides différents (contre 15 % en 2010). Dans les départements d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe et La Réunion), cette statistique tombe à 5 %.

    Le rapport précise que les 15 substances pesticides les plus quantifiées dans les cours d’eau de France métropolitaine en 2011 sont en majorité des herbicides ou leurs dérivés.

    Autre constat de cette étude : certains pesticides interdits aujourd’hui ont été détectés alors qu’ils ne sont plus utilisés. C’est le cas de l’atrazine et du métolachlore, interdits en 2003, ou du diuron (fin 2008). Une présence persistante qui s’explique par la lente dégradation de ces produits chimiques : employés durant de longues années, ils persistent dans l’environnement et sont toujours une source de pollution.

    Source : France Info

    http://www.contre-info.com/

  • Japon : Les énormes mensonges de Tepco sur les conséquences de la catastrophe de Fukushima

    Plus de deux ans après la catastrophe de Fukushima, la multinationale Tepco, en charge de la centrale, est rattrapée par des révélations quant aux véritables effets des radiations sur les employés du site. Le moment est pour le moins mal choisi, alors que le Premier ministre japonais s’évertue à vanter les mérites du nucléaire pour l’avenir économique du Japon.

    La catastrophe nucléaire survenue en mars 2011 au Japon ne cesse depuis de provoquer des remous au sein l’industrie nucléaire autrefois omniprésente et omnipotente – mais également parmi les agences gouvernementales qui l’ont aidée et soutenue. Pourtant, ces dernières continuent à rester discrètes et à minimiser les conséquences de la triple explosion des réacteurs de la centrale de Fukushima Daiichi.

    Dernière révélation en date : le nombre d’ouvriers ayant développé des cancers – induits par l’inhalation de substances radioactives ayant affecté leur glande thyroïdienne dans les premiers temps survenus après la catastrophe – serait en fait onze fois supérieure à celui annoncé en décembre.

    Ce ne sont pas 178 employés, comme l’a affirmé la multinationale TEPCO, renflouée et contrôlée en partie par l’Etat, mais 1973 employés qui auraient déclaré un cancer, selon les informations apprises par l’Asahi Shimbun.

    En dépit de son prestige et de sa puissance d’autrefois, couacs et imprévus se sont accumulés pour TEPCO, laissant l’opérateur désœuvré. Par exemple, à la mi-mars, TEPCO a révélé qu’un mois plus tôt, un poisson avec un taux de 740 000 becquerels de césium radioactif par kilo a été retrouvé à proximité de la centrale. C’est 7 400 fois la limite officielle imposée par les règles gouvernementales en matière de sécurité alimentaire, un niveau jamais mesuré par TEPCO. Le précédent record enregistré par l’entreprise sur un poisson s’élevait à 510 000 becquerels. Et dire qu’ils font partie de la chaîne alimentaire…

    Plus tôt dans la semaine, des chercheurs ont établi que plusieurs loups de mer péchés au large des côtes d’Hitachi, une ville située à une centaine de kilomètres de la centrale – non loin de Tokyo – présentaient un niveau de césium de 1 037 becquerels par kilo, soit plus de 10 fois la limite officielle fixée par les autorités en charge de la sécurité alimentaire. C’est la première fois depuis avril 2011 que de tels niveaux de contamination ont été enregistrés dans la région. Les chercheurs ont reconnu n’avoir aucune idée de ce qui pourrait expliquer la hausse de ce niveau, plus de deux ans après l’accident.

    Hélas, le niveau de césium-134 et de césium-137 dans les nappes phréatiques sous la centrale a commencé à augmenter début juillet. Mesurés le 8 juillet, les niveaux de radioactivité étaient 90 fois supérieurs à ceux enregistrés trois jours auparavant et ont dépassé de 200 fois la limite autorisée pour ce qui est des nappes phréatiques. TEPCO a bien été embarrassé. « Nous ne savons pas si de l’eau radioactive se déverse la mer », a déclaré un membre de la compagnie.

    Le 19 juin, TEPCO avait déjà admis que la teneur en strontium-90 des nappes phréatiques avait augmenté de plus de 100 fois entre décembre et mai, le strontium était un dérivé très toxique issu de la fission de l’uranium et du plutonium ; et que le niveau de tritium, un agent radioactif moins dangereux, avait augmenté de 17 fois. Lorsque les niveaux de césium ont atteint leur pic au début du mois, TEPCO a admis du même coup que le niveau de tritium dans la mer avait atteint 2 300 becquerels par litre, le plus haut taux jamais détecté, soit le double de celui mesuré deux semaines auparavant.

    Tout ceci est survenu à un bien mauvais moment : TEPCO refroidit les réacteurs grâce à un flot continu d’eau – 400 tonnes de mètres cube d’eau par jour – et stocke ensuite l’eau contaminée dans des réservoirs installés sur le site. Mais certains d’entre eux présentant des fissures ont permis à une partie de l’eau de s’échapper, conséquence d’un travail bâclé. De plus, TEPCO ne peut pas construire de réservoirs à l’infini afin de stocker un flot sans fin d’eau. La multinationale cherche donc à obtenir l’autorisation de déverser l’eau contaminée dans le Pacifique. Du moins, tout ce qui ne s’est pas encore déversé dedans.

    Telle est ce qui sous-tend la révélation reconnaissant que l’affirmation de TEPCO en décembre dernier, selon laquelle l’entreprise affirmait que seulement 178 employés présentaient un taux de radioactivité supérieur au maximum autorisé de 100 millisieverts – leurs taux ayant grimpé jusqu’à 11 800 millisieverts – était un mensonge.

    TEPCO n’a même pas pris la peine d’étudier la question. En dépit des avertissements lancés par des experts internationaux sur les risques d’exposition aux radiations, l’entreprise n’a ouvert aucune enquête au sujet des doses radioactives contenues dans les glandes thyroïdiennes. Il a fallu attendre que s’exerce la pression internationale pour qu’une telle initiative soit enfin lancée. Après avoir finalement collecté les données sur 522 employés – sur les 19 592 ayant travaillé à la centrale depuis sa mise en service, parmi lesquels 16 302 ont souvent été embauchés par des employeurs et des sous-traitants peu scrupuleux. Les résultats ont été transmis à l’OMS l’année dernière, alors TEPCO refusait encore de les révéler publiquement, du moins pas avant que l’OMS ne déclare son intention de les publier. Ceci explique donc l’annonce faite en décembre dernier.

    Cependant, personne ne crut aux résultats. Le Comité scientifique de l’ONU sur les effets des radiations nucléaires a remis en cause la fiabilité des données ; et le ministre japonais de la Santé pressa TEPCO de revoir la présentation de ses données. Ce qu’elle fit au final. Selon l’Asahi Shimbun :

    « TEPCO et ses entreprises partenaires n’ont pas seulement réévalué les interprétations faites des tests sur les doses d’éléments radioactifs contenues dans les glandes thyroïdiennes, mais ont également mesuré ces doses alors que la quantité d’iode radioactive dans le corps était nulle. Ces estimations étaient basées sur les quantités de césium inhalées, le rapport entre iode et césium respirés dans l’air au cours de leurs journées de travail, et d’autres données. La dernière étude a révélé que ces doses dépassaient le seuil des 100 millisieverts chez 1973 employés. »

    Pendant combien de temps TEPCO a-t-il traîné des pieds ? Alors que la plupart des expositions ont eu lieu durant les premiers temps suivant la catastrophe, TEPCO a mis 28 mois pour admettre que près de 2 000 de ses employés ont développé un cancer en raison des doses radioactives contenues dans leur glandes thyroïdiennes. Les employés eux-mêmes ont déclaré à l’Asahi Shimbun que TEPCO « n’avait divulgué que peu, voire pas d’information du tout » sur le sujet.

    Quand le moment d’agir est venu, TEPCO fit tout son possible pour aider ces employés. « Nous aiderons financièrement et psychologiquement tous les travailleurs devant passer des tests annuels pour leurs glandes thyroïdiennes lorsqu’ils présentent des taux supérieurs à 100 millisieverts », a expliqué un responsable de la communication. « Nous avons déjà identifié ceux qui sont éligibles à ces contrôles ».

    Fidèle à sa réputation d’entreprise omnisciente, TEPCO n’a pas eu connaissance du nombre d’ouvriers ayant subi des examens. Et que serait-il passé si des anomalies avaient été détectées au cours des examens ? TEPCO n’a pas communiqué sur la question. De concert avec TEPCO, le ministre de la Santé lui-même n’a pas vérifié les doses radioactives contenues dans les glandes de la thyroïde des employés ; ce serait à TEPCO de le faire, sur « la base du volontariat ».

    Certains travailleurs se sont plaint que TEPCO ne leur ait pas expliqué précautionneusement les risques de radiation sur les glandes thyroïdiennes; et certains employés recrutés par des sous-traitants ont signalés ne jamais avoir été informés des doses de radiation, ni même de l’existence de tels tests.

    En juillet, Masao Yoshida, le directeur de la centrale, meurt d’un cancer de l’œsophage à 58 ans. Il est resté à la centrale pendant les neuf mois qui ont suivis l’accident, faisant tout son possible pour minimiser les risques et prévenir la surchauffe des réacteurs. Il réussit également à empêcher que ne se produise un désastre encore plus important. Il démissionna en décembre 2011, après avoir été hospitalisé en raison de son cancer déclaré.

    TEPCO, soudainement redevenu omniscient et fidèle aux pratiques de l’industrie atomique, annonça que sa mort n’était en rien liée aux radiations. Comme dans tous les cas similaires, personne ne peut prouver le contraire ; il est impossible de déterminer ce qui a provoqué exactement le cancer de chacun – un prétexte derrière lequel se cache l’industrie nucléaire.

    « Qui peut croire une telle entreprise ? », déclare Hirohiko Izumida, le gouverneur de la préfecture de Niigata, suite à la décision prise le 2 juillet par la direction de TEPCO de rouvrir deux réacteurs à la centrale de Kashiwazaki-Kariwa, située dans sa préfecture, et ce en dépit d’une enquête montrant que seulement 27% des habitants de la préfecture soutenaient cette décision. « Il n’y a pas pire mépris pour les habitants de la région que cela », se lamente le gouverneur.

    Le 17 juillet, des chercheurs de la Tokyo Woman’s Christian University ont présenté au bureau du cabinet de la Commission pour l’énergie atomique une nouvelle étude. Parmi tous les résultats, l’étude révèle que 87% des Japonais souhaitent que le Japon sorte du nucléaire, soit en l’abandonnant dès que possible (33%) ou de façon progressive (54%). Et un bon tiers pense que les informations communiquées par le gouvernement sur le nucléaire demeuraient les moins fiables.

    Mais le Premier ministre Shinzo Abe est un partisan coriace de l’industrie nucléaire (bien que son avis ne soit pas partagé par tous les membres de son foyer…). Rétablir la gloire de l’industrie nucléaire fait partie des priorités devant être rendues possibles grâce aux Abenomics – en dépit du fait que le véritable coût de l’énergie nucléaire pèsera lourdement sur l’avenir de l’économie japonaise, et donc sur les générations futures.

    On ne cesse de nous répéter que ce type de catastrophes nucléaires est très rare. Mais lorsqu’elles se produisent, leur coût est extrêmement élevé. Tellement élevé que le gouvernement français, alors que ces estimations commençaient à remonter, préféra les garder secrètes. Le rapport a néanmoins fuité : le coût total, à terme, d’une telle catastrophe survenue dans un environnement peu peuplé, pourrait coûter près de trois fois le PIB de la France.

    Atlantico.fr    http://fortune.fdesouche.com/

  • Monsanto se paye la plus grosse armée privée du monde

    Un cauchemar qui devient réalité… La multinationale en pointe dans la fabrication de pesticides et d’OGM s’offre la puissante société de mercenariat Academi (ex-Blackwater). Si vous ne connaissez pas Monsanto et son influence malfaisante sur les agricultures du monde entier, voyez ce reportage : « Le monde selon Monsanto »

    Lu sur le Réseau Voltaire :

    Academi (ex-Blackwater), la plus puissante armée privée du monde, indique avoir été cédé, sans indiquer ni le nom de l’acquéreur, ni le montant de la vente.

    Selon SouthWeb.org, c’est la multinationale de biotechnologies Monsanto qui est l’heureux acquéreur [1].

    Créé en 1901, Monsanto a débuté en fabriquant la saccharine utilisée par Coca-Cola. Durant la Seconde Guerre mondiale, il fournit l’uranium du projet Manhattan, puis durant la guerre du Vietnam, un puissant herbicide pour défolier la jungle, l’Agent orange. Depuis une trentaine d’années, Monsanto est devenu le leader mondial des organismes génétiquement modifiés. Avec un chiffre d’affaire annuel de 13,5 milliards de dollars, il est la 206e multinationale US.

    Academi été créé par Erik Prince en 1997 sous le nom Blackwater Worldwide. La société, dont certains dirigeants sont liés à des Églises évangéliques financées par le Pentagone, a joué en Afghanistan et en Irak un rôle comparable à celui de l’Ordre de Malte durant la guerre du Nicaragua. Elle est présidée par Billy Joe (Red) McCombs (347e fortune des USA), John Aschcroft (ancien Attorney general des États-Unis) et l’amiral Bobby R. Inman (ancien directeur de la National Security Agency et directeur adjoint de la CIA). Academi, qui travaille principalement pour le gouvernement US, a participé à la bataille de Tripoli (Libye) et recrute actuellement des combattants pour faire le jihad en Syrie.

    La croissance de Blackwater doit beaucoup au projet de privatisation des armées US défendu par l’ex-secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld. Cependant cette politique ayant été un échec et les restrictions budgétaires aidant, Academi ne se voit plus confier par Washington que des contrats de gardiennage ou d’escorte sur des théâtres d’opération et des opérations secrètes « non-revendiquées ». Sa réputation lui a également permis d’obtenir des contrats de mercenariat de petits États, notamment dans le Golfe persique.

    Selon SouthWeb, la vente d’Academi correspond à l’entrée de la Bill and Melinda Gates Foundation au capital de Monsanto. Créée par le fondateur de Microsoft et le spéculateur Warren Buffet (les deux premières fortunes des États-Unis), c’est la plus importante fondation « philanthropique » au monde. Elle a notamment lancé, avec la fondation Rockfeller, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) qui vise à étendre l’usage des semences Monsanto sur le continent noir.

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  • “La décroissance permet de s’affranchir de l’impérialisme économique”

    Entretien avec Serge Latouche, professeur émérite d’économie et un des principaux inspirateurs du mouvement de la décroissance. Il retrace ici les racines de la décroissance, entre Club de Rome, Yvan Illich et André Gorz.

    Quelle est votre définition de la décroissance ?

    C’est très difficile de définir la décroissance car je considère que ce n’est pas un concept, c’est une bannière, un drapeau. Pour moi, c’est un mot d’ordre qui permet de rallier les objecteurs de croissance. C’est aussi un horizon de sens vers lequel chacun chemine comme il l’entend.

    La décroissance permet surtout de s’affranchir de la chape de plomb de l’impérialisme économique pour recréer la diversité détruite par l’occidentalisation du monde. Elle n’est pas à proprement parler une alternative, mais plutôt une matrice d’alternatives: on ne va pas construire une société décroissance de la même façon au Chiapas et au Texas, en Amérique du Sud et en Afrique… Il y a des histoires et des valeurs différentes.

    Avec la décroissance, on n’est plus dans l’intérêt, l’égoïsme, le calcul, la destruction de la nature, dont l’homme serait maître et possesseur, ce qui définit le paradigme occidental. On veut vivre en harmonie avec elle et, par conséquent, retrouver beaucoup de valeurs des sociétés traditionnelles. On sort aussi de la vision « économiciste » de la richesse, de la pauvreté, de la rareté.
    D’où l’idée d’« abondance frugale », qui semble être un oxymore du fait de la colonisation de notre imaginaire, mais qui dit en réalité qu’il ne peut y avoir d’abondance sans frugalité et que notre société dite d’abondance est au fond une société de rareté, de frustration et de manque.

    La décroissance implique aussi évidemment une autre répartition des richesses, une autre redistribution, le changement des rapports de production, une démondialisation, pas seulement économique – à la Montebourg –, mais aussi culturelle. Il faut retrouver le sens du local et, naturellement, réduire notre empreinte écologique, réutiliser, recycler, etc., ce que l’on a définit par les « 8 R ».

    Quelle est l’histoire de la décroissance ?

    Serge Latouche - L’histoire de la décroissance, en tant qu’étiquette, est très brève. Cette appellation a été inventée dans les années 2000 par des « casseurs de pub ». Elle a pour fonction de casser la langue de bois. Comme le dit Paul Ariès, c’est un « mot-obus ». Mais derrière ce mot, il y a tout un projet d’objection de croissance. Et ce projet a une assez longue histoire.

    Elle débute en 1972 avec la publication du rapport au Club de Rome Les limites de la croissance. En tant que projet de société socialiste anti-productiviste et anti-industraliste, la décroissance est alors proche de l’écosocialisme qui apparaît dans les mêmes années avec André Gorz. Cette première phase de la décroissance est essentiellement une phase de critique de la croissance : on veut l’abandonner car elle n’est pas soutenable. C’est une phase « écologique ».

    Mais un second courant, porté par Ivan Illich – qui a d’ailleurs refusé de participer au Club de Rome –, est apparu en disant que ce n’est pas parce que la croissance est insoutenable qu’il faut en sortir, mais parce qu’elle n’est pas souhaitable !

    C’est la critique du développement – terme que l’on utilise dans les pays du Sud comme équivalent de la croissance au Nord –, c’est le mouvement post-développementiste.

    Personnellement, je me rattache à ce courant-là depuis que j’ai viré ma cuti au milieu des années 1960 alors que j’étais au Laos. La fusion de ces deux courants s’est opérée à l’occasion du colloque organisé en février-mars 2002 à l’Unesco « Défaire le développement, refaire le monde ».

    Pourquoi la croissance n’est-elle pas souhaitable ?

    Elle n’est pas souhaitable parce qu’elle est, comme le disait Illich, la destruction du vernaculaire. C’est la guerre aux pauvres. Une guerre qui transforme la pauvreté en misère. La croissance développe les inégalités, les injustices, elle détruit l’autonomie.

    Illich a développé cette thèse avec la critique des transports, de l’école, de la médecine, en analysant la façon dont les institutions engendrées par le développement et la croissance acquièrent un monopole radical sur la fourniture de ce qui permet aux gens de vivre et qu’ils se procuraient jusqu’alors par leurs propres savoir-faire traditionnels. Ayant travaillé sur le Tiers-Monde, j’ai effectivement vu, en Afrique, en Asie, comment le rouleau compresseur de l’occidentalisation détruisait les cultures.

    Quel regard portez-vous sur les économistes ?

    L’économie est une religion, et non pas une science. Par conséquent, on y croit ou on n’y croit pas. Les économistes sont des prêtres, des grands ou des petits, des orthodoxes ou des hétérodoxes. Même mes amis Bernard Maris ou Frédéric Lordon – les meilleurs d’entre eux.

    Les altermondialistes, par exemple, dont la plupart sont des économistes, ont tendance à réduire tous les malheurs du monde au triomphe du néo-libéralisme. Mais ils restent dans le productivisme et la croissance. Or le mal vient de plus loin. La décolonisation de l’imaginaire que je préconise vise précisément à extirper la racine du mal : l’économie. Il faut sortir de l’économie !

    Comment les idées décroissantes peuvent-elles avancer dans notre société ?

    Pour moi, même si on a en face de nous à une énorme machine médiatique qui matraque et qui manipule, tous les terrains sont bons. Comme le terrain politique, par exemple. Je crois beaucoup, non pas à la politique de participation, mais à la politique d’interpellation. On ne veut pas le pouvoir. Le pouvoir est toujours mauvais, mais c’est une triste nécessité. On veut seulement que le pouvoir respecte nos droits. La décroissance doit être un mouvement d’interpellation du pouvoir, qu’il soit de droite ou de gauche.

    A la différence de mes camarades du journal La Décroissance, qui passent leur temps à exclure, je pense que nous devons faire un bout de chemin avec des gens comme Pierre Rabhi, Nicolas Hulot, le mouvement Slow Food, etc. La décroissance, c’est comme une diligence. Même s’il y a un cheval qui tire à hue et l’autre à dia, l’important est que la diligence avance. Les initiatives des villes en transition et de simplicité volontaire – comme ce qu’Illich appelait le « techno-jeûne » – s’inscrivent aussi parfaitement dans la décroissance.

    La décroissance contient-elle en germe un « risque de pureté » ?

    Oui. Toute culture a un double mouvement, centrifuge et centripète. Et une culture n’existe que dans le dialogue avec les autres cultures. Par conséquent, soit elle est ouverte et accueillante, soit elle a tendance à se replier sur elle-même et à s’opposer, c’est l’intégrisme. On trouve cela dans les mouvements politiques et religieux. Même dans les sectes philosophiques.

    La décroissance est quelque fois dénoncée comme étant autoritaire. Les décroissants seraient des catastrophistes, des « prophètes de malheur ». Que répondez-vous à ce genre de critiques ?

    C’est n’importe quoi. Il est vrai aussi que les gens qui adhèrent à la décroissance ne sont pas très différents de ceux qui adhéraient autrefois au socialisme, au communisme, au mouvement Occident… Il y a de tout : le bon grain et l’ivraie ! Via leur histoire personnelle, certains sont intolérants, d’autres sectaires, d’autres encore ont une vision manichéiste des choses. Il ne faut pas pour autant accuser le projet de la décroissance des vices de ceux qui la diffusent.

    Au contraire, la décroissance nous permet de renouer avec ce qui était la base de toutes les philosophies de toutes les sociétés et cultures humaines : la sagesse. Comme dans le stoïcisme, l’épicurisme, le cynisme, le bouddhisme, etc. Le fondement de tout cela est ce que les Grecs appelaient la lutte contre l’hubris. L’homme doit discipliner sa démesure, s’auto-limiter. C’est seulement ainsi qu’il peut espérer mener une vie saine, heureuse, juste, équilibrée. Alors si c’est cela un projet autoritaire…

    Vous avez écrit un ouvrage intitulé “L’âge des limites”. Quelle pourrait être cette nouvelle ère ?

    Avec la modernité, les limites sont devenues bidon. Il faudrait s’en émanciper. Mais s’il n’y a plus de limites, il n’y a plus de société. Certes, certaines limites doivent être remises en cause, mais on s’en donne de nouvelles. On déplace les frontières, mais on ne les abolit pas. Je suis viscéralement attaché aux libertés individuelles, mais à l’intérieur de certaines limites. Est-ce qu’une société démocratique peut exister avec une absence totale de limites à l’enrichissement et à l’appauvrissement personnel ?

    Jean-Jacques Rousseau a écrit qu’une société démocratique est telle que personne ne doit être riche au point de pouvoir acheter l’un de ses concitoyens, et aucun ne doit être pauvre au point d’être obligé de se vendre. Dans notre société, on en est loin…

    L’idéologie moderne stipule qu’on ne doit subir aucune atteinte à notre liberté, jusqu’à pouvoir choisir son sexe, la couleur de sa peau, sa nationalité, etc. C’est donc refuser l’héritage. Tout cela nous mène au transhumanisme : on n’accepte plus la condition humaine, on s’imagine être des dieux. La liberté, au contraire, c’est d’abord accepter les limites de sa propre culture, en être conscient et agir en conséquence, quitte à les remettre en question.

    La décroissance est-elle de droite ou de gauche ?

    Pour moi, elle est à gauche. Mais le débat est biaisé. Comme le dit Jean-Claude Michéa, finalement, ne faut-il pas abandonner la dichotomie droite-gauche qui tient à notre histoire ? Par exemple, dois-je interdire à Alain de Benoist de se revendiquer de la décroissance sous prétexte qu’il est classé à droite ? Est-ce qu’il est condamné ad vitam aeternam à être enfermé dans cette catégorie ? Sa position pourrait être réévaluée, rediscutée.

    Reporterre   http://fortune.fdesouche.com/

  • Ecologie et politique

    [Voici un article tiré du numéro 109 de Défense de l'Occident, daté de février 1973 et donc paru il y a  40 ans. Il  n'a, dans ses développements comme dans sa conclusion, rien perdu de sa pertinence, ni de son actualité.]

    

L’hypothèse de la « croissance zéro »
       

    Depuis quelques temps déjà, existe un courant d’inquiétude quant à la finalité de la croissance sans précédent qui est devenue la caractéristique des économies occidentales. Ce courant, cependant, prenait davantage l’aspect d’une critique philosophique ou éthique que celui d’un mouvement scientifique. Certains travaux de « futurologues », comme Bertrand de Jouvenel, avaient un aspect trop partiel ou trop peu spectaculaire pour provoquer l’inquiétude du grand public. Les travaux effectués par la fameux club de Rome ont pris une toute autre dimension, en raison à la fois de la personnalité des chercheurs et de l’optique globale dans laquelle ils avaient abordé le problème. Il ne se passe désormais plus guère de mois sans que quelque publication ou quelque nouvelle autorité scientifique ne vienne confirmer la tragique plausibilité de l’hypothèse d’un arrêt de la croissance économique ou de la disparition de notre espèce.
       

    Excès de population, épuisement proche des sources, d’énergie, comme des ressources alimentaires, augmentation des pollutions au-delà du seuil de tolérance humain, accentuation des disparités économiques, sans parler des troubles psychiques et sociaux (criminalité, alcoolisme dépressions, etc. ...) dus aux conditions de vie dans les grandes concentrations urbaines et industrielles vont atteindre le stade où, nous dit-on, la production quantitative croissante de biens matériels mettra en péril notre survie même.
       

    Or, le contraste est grand entre la terrifiante gravité de cette éventualité et les réactions suscitées : Quelques controverses scientifiques, l’apparition de plusieurs mouvements et journaux plus ou moins sérieux, plus ou moins manipulés par des éléments marxistes, la création d’un ministère de l’environnement au budget grotesque, une mode déjà déclinante qui a rempli les colonnes des journaux et les colloques organisés par Giscard d’Estaing, la passivité du public qui compte sur la science et le gouvernement pour résoudre ces problèmes comme sur des divinités omnipotentes. Certes, on n’a pas toujours tort de dénoncer la collusion entre les milieux industriels pollueurs et ceux de la presse et de la politique. Il n’en reste pas moins que la faiblesse de ces réactions traduit davantage une inadaptation idéologique : l’incapacité des structures mentales capitalistes et marxistes à envisager l’éventualité d’un arrêt de la croissance économique.

    

Echec du mythe libéral
       

    Face à cette possibilité la pensée libérale hésite entre trois attitudes le rejet, l’utopisme et la récupération. Le compte-rendu des rencontres organisées par, le ministère de l’économie en juin dernier nous offre un assez bel échantillonnage.
       

    Certains technocrates, mystiques du développement économique à outrance, refusent cette problématique affirmant qu’il suffira de d’établir un contrôle des naissances efficaces. Une telle affirmation fait preuve pour le moins d’optimisme, dans la mesure où les politiques malthusiennes menées dans les pays sous-développés ont échoué jusqu’à présent. D’autre part c’est ignorer que dans un pays comme la France (dont le taux de fécondité est proche de celui de la stabilisation démographique, malgré une politique nataliste), chaque individu est 16 fois plus polluant qu’un habitant du tiers-monde.
       

    D’autres se réfugient dans une mentalité utopisante l’appel au mythe du progrès scientifique omnipotent, sous-jacent à l’idéologie démocratique, est évident : « on » trouvera de nouvelles sources d’énergie, « on » parviendra à éliminer les déchets, etc. … Au contraire, nous disent- ils, l’industrie antipollution sera source de nouveaux profits et quiconque ne pense pas que le bonheur humain est conditionne par la production d’un plus grand nombre de machines à laver et par leur répartition plus égale est un obscurantiste ennemi de la conscience universelle.
       

    Plus cohérente est l’attitude de certains libéraux, comme l’américain John Diebold, pour qui les mécanismes du marché restent aptes à intégrer ces données nouvelles. Il suffit de rétablir dans sa pureté le système libéral, en faisant payer à l’entrepreneur tous les coûts occasionnés par la production, y compris les coûts écologiques (destruction du milieu naturel épuisement de ressources rares). On voit cependant assez mal le système libéral s’imposer cette auto-discipline. Dans l’Etat démocratique, le pouvoir, trop dépendant des consultations électorales pour mener l’action à long terme, trop lié aux intérêts particuliers pour imposer des mesures restrictives nécessairement impopulaires semble mal adapté à ce combat pour la survie.
       

    Le régime des démocraties occidentales est peut-être le plus apte à réaliser l’optimum économique des profits maximum pour un maximum d’individus; mais il est sans doute inconciliable avec l’optimum social voire avec la perpétuation du corps social. Comment concilier cette affirmation avec celle selon laquelle, en cherchant à réaliser son intérêt égoïste, l’« homo economicus » réalisera en même temps celui de la collectivité (le même individu étant censé ne plus penser qu’à l’intérêt général dès qu’il a un bulletin de vote entre les mains). Il sera de plus en plus difficile de nous faire croire que le bonheur se mesure à la pente des courbes de Produit National Brut.
       

    Or, privé de toute justification métaphysique, le système démocratique n’a pu fonder sa légitimité sans un mythe : celui de l’augmentation sans fin des satisfactions matérielles. Ces dernières années la faiblesse de ce mythe, incapable d’entraîner le consensus d’une grande part de la jeunesse, est devenue évidente : nous n’en voulons pour preuve que la mollesse des réactions occidentales face à la subversion idéologique. C’est dès à présent son écroulement qui doit être envisagé, avec pour conséquence celui d’un ordre incapable de survivre faute d’un minimum d’images et croyances communes.

    

Marxisme et croissance
       

    Du côté marxiste l’incapacité à assimiler les données nouvelles de l’écologie est quasi totale. Certes il ne manque pas de groupes dits « gauchistes » (surtout aux Etats-Unis) pour vouloir faire déboucher la critique écologique sur celle du capitalisme et, il y a peu de temps, Roger Garaudy soutenait une thèse ingénieuse : le temps serait venu où la propriété privée des grandes industries serait inconciliable avec leur caractère dangereux. Mais il s’agit là de cas numériquement peu importants concernant des marginaux d’une orthodoxie douteuse. Pour les marxistes sérieux la « mode écologique » est « une drogue sociale, un nouvel opium du peuple » un hochet avec lequel la bourgeoisie essaie d’empêcher la prise de conscience du prolétariat et le détourne de la lutte des classes. (Urbaniser la lutte des classes, Paris, Utopie, 1970, p. 52).
       

    En effet l’idée d’un arrêt de la croissance est inconciliable avec le mythe de l’Histoire aboutissant à une société d’abondance, de bonheur, sans aliénation, etc. ... Si, pour Marx, il appartient au prolétariat, accomplissant sa mission messianique, d’établir cet Age d’Or, la lutte des classes n’est pas l’explication ultime de cette dynamique. En dernière analyse ce sont les forces productrices qui, se développant et entrant en contradiction avec les modes de production (division du travail et type propriété) sont à la base de toutes les autres contradictions, c’est-à-dire de toute l’histoire. Dans L’Idéologie allemande Marx déclare (Editions sociales, p. 52) : « Le développement des forces productrices… est une condition pratique préalable, absolument indispensable, car sans lui c’est la pénurie qui devient générale, et avec le besoin c’est la lutte pour le nécessaire qui recommencerait et l’on retomberait fatalement dans la même vieille gadoue ». Traduction française : pas de société communiste si les forces productrices ne peuvent atteindre un développement suffisant, pas de paradis sur terre si la croissance s’arrête.
       

    Sans aller jusqu’à cette hypothèse la seule affirmation de la rareté de certains biens naturels met en pièces la théorie économique marxiste. En effet, si dans la valeur d’un produit il faut tenir compte de la rareté de certains biens qui y sont incorporés (minerais, énergie) la théorie de la valeur travail, clef de voûte du socialisme « scientifique » perd toute crédibilité, la valeur d’un objet n’étant plus uniquement fonction du temps nécessaire à sa production.
       

    Si les thèses des écologues s’avèrent exactes, toute prétention du marxisme à être une science s’écroule pour révéler sa nature véritable de vieux mythe millénariste rhabillé avec les défroques prudhommesques du XIXe siècle.

    

Repenser nos taches politiques ?
       

    L’examen des réactions du capitalisme et du marxisme à l’hypothèse de la croissance zéro nous conduit donc à dénoncer à la fois leur sclérose idéologique et les valeurs qui leur sont communes : matérialisme, historicisme, croyance à la science et au progrès, optimisme, hédonisme, etc. ... Ce n’est pas une bien grande découverte pour ceux qui comme Drieu la Rochelle pensent que : « Ce n’est pas étonnant que de Petrograd à Shanghai on parle Marx et on pense Ford. Un amour profond pour les buts du capitalisme est inclus dans la furieuse critique de Marx » (Socialisme fasciste, p 110). Or, il se trouve encore un certain nombre d’esprits à qui ces buts font horreur, au nom d’une conception plus exigeante, plus militante et peut-être plus esthétique de la vie, parce que, selon le conseil de Julius Evola, ils refusent la démonie de l’économie et veulent lui rendre sa vraie place : celle de moyen du politique. Seuls de tels esprits, libres des dogmes du temps, pourront s’adapter à des données politiques fondamentalement nouvelles. Il faudra beaucoup de lucidité pour critiquer de nouvelles possibilités qui apparaissent dès à présent : Conflit entre le tiers-monde et les pays développés en raison de l’accroissement du fossé économique ? Evolution du conflit vers des formes raciales ? Resserrement de la solidarité occidentale ? Evolution de l’Etat gestionnaire chargé d’assurer la prospérité des citoyens vers un pouvoir de salut public ? Apparition d’une autorité internationale à l’échelle du combat pour la survie ? Formation d’une caste technocratique d’écologistes prenant une large influence politique ? etc. …
       

    Dans la mesure où la critique de ces éventualités, de la plus plausible à la plus fantaisiste, doit déboucher sur des contre-projets concrets, la tentation de l’utopie sera dangereuse. On assiste dès à présent à des réactions de fuite, à la création de pseudo abbayes de Thélème : par exemple le village communautaire de Pierre Fournier en Savoie. Celui-ci, il est vrai disait dans une lettre à Nouvelle Ecole :
    « Il s’agissait de recréer un clan et non de faire une communauté au sens gauchiste du terme. Si vous voulez, je considère le projet comme révolutionnaire, mais pas de gauche... Je suis, profondément, avec mon obsession de l’enracinement, de la fidélité, de la pérennité, un type de droite. J’ai vraiment très honte ».


    Venant d’un journaliste de Charlie Hebdo une telle déclaration devrait faire réfléchir ceux qui ne voient dans le mouvement écologique qu’un avatar de la contre-culture américaine ou la nostalgie gauchisto-hippie du bon sauvage. Quand bien même l’hypothèse envisagée plus haut ne se réaliserait pas, l’attitude de scepticisme devant les bienfaits de la croissance semble devoir à la fois se généraliser et prendre un visage plus précis (qui sera peut-être celui d’une contestation scientifique). Il importe de comprendre combien ces aspirations souvent confusément, parfois lucidement comme chez Fournier, sont celle d’une école de pensée qui se veut vouée à la défense de l’Occident. Pour le marxisme et le libéralisme l’être humain est réductible à un concept, celui d’individu à un bulletin de vote, à sa force productive, à son rôle de contractant économique, bref à une abstraction. A cette conception de l’esprit s’oppose celle de la personne membre d’une civilisation, d’une culture, d’une ethnie, d’une nation et tout naturellement de la nature. L’idée que notre liberté ne peut s’affirmer et notre être s’enrichir que de relations harmonieuses avec ces entités, cette revendication d’un enracinement qui soit aussi une identité, la volonté d’un accord avec un passé et un monde en qui nous découvrons notre propre visage, telles sont les caractéristiques d’une « droite » qui n’est ni celle des coffres-forts ni celle de l’ordre dans la rue. Pour lui ressembler il ne manque même pas au mouvement anti-pollution un aspect nostalgie de la vie rurale (pour ne pas dire retour à la terre) ni la haine du monde industriel considéré comme anonyme et antinaturel.
       

    Défendre l’Occident ne doit pas signifier subir les coups de l’adversaire et regarder mélancoliquement diminuer la peau de chagrin de ce qui peut encore être sauvé. Ceux qui sauront comprendre que le temps des nostalgies est révolu et que le mouvement écologique, s’il est dirigé, peut devenir une force politique de premier plan, y trouveront une arme exceptionnelle dans leur combat contre l’ordre ancien.