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économie et finance - Page 475

  • Près de 90% des Français estiment que le pays ne va pas mieux

    Selon un sondage Ifop pour Europe 1, seuls 14% des Français sont d'accord avec le président François Hollande.
    Est-ce que ça va mieux en France ? François Hollande a estimé que oui lors de l'émission "Dialogues citoyens" sur France 2, à la mi-avril. Les habitants sont toutefois loin d'être d'accord avec lui. Plus de quatre Français sur cinq (86%) estiment que la situation du pays ne s'est pas améliorée, selon un sondage Ifop pour Europe 1.
    51% notent une amélioration sur le plan personnel
    Seules 14% des personnes interrogées estiment que "ça va mieux pour les Français", selon cette enquête d'opinion. Un chiffre qui correspond à la cote de popularité actuelle du chef de l'Etat, note Europe 1.
    Si l'optimisme de François Hollande n'est pas communicatif sur la situation du pays, les Français semblent relativement satisfaits de leur situation personnelle. Ils sont en effet 51% à répondre "oui" à la question : "Diriez-vous que ça va mieux pour vous ?"

    Francetvinfo :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EuyFFAppAyhFbeQdhr.shtml

  • 1987-2016 : comment les Banques centrales nous ont conduit au bord du gouffre

    Aujourd’hui, les Banques centrales ne savent plus faire qu’une chose : alimenter des bulles spéculatives, les unes après les autres.

    Tout à démarré le lundi 19 octobre 1987, le jour où la Bourse de New York perdit 22,6 % en l’espace d’une séance, soit à peu près autant que le cumul des journées du 28 et 29 octobre 1929 (24,5 %). Le lendemain, Alan Greenspan, gouverneur de la Réserve Fédérale, fit une déclaration dont probablement il ne mesurait pas alors toutes les conséquences, déclaration destinée à entrer dans l’Histoire : dorénavant la FED injecterait autant de liquidités que nécessaire – sans limites — pour éviter une récession. 1987 ne fut pas le remake de 1929, mais la boîte de Pandore était ouverte, car de ce jour-là le marché ne cessa de tenir la FED et par la suite toutes les autres banques centrales comme des assureurs tous-risques.

    Ainsi, en septembre 1998, le fonds d’investissement géant LTCM (80 milliards d’actifs) accusait des pertes colossales et menaçait de faire faillite avec le risque d’un effet domino. En toute bonne logique capitaliste, certains investisseurs privés (Warren Buffet) firent une offre de reprise pour un dollar symbolique. LTCM s’en moqua, il attendait le dernier moment. Au final, c’est la FED qui viendra au secours du fonds avec un plan qui prévoyait le maintien en place de l’équipe dirigeante, celle-ci conservant une fraction non négligeable de sa fortune.

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  • L’Être des nations et l’Avoir des marchands par Lionel RONDOUIN

    Intervention de Lionel Rondouin, normalien, enseignant en classe préparatoire, lors du colloque de l’Institut Iliade « Face à l’assaut migratoire, le réveil de la conscience européenne » à Paris le 9 avril 2016.

    Chers amis,

    Je ne peux en vingt minutes que lancer des thèmes et suggérer des pistes. Excusez donc le caractère apparemment sommaire ou « graphique » de mes propos. 

    Le MIM, le Mondialisme Immigrationniste Marchand, est une idéologie à la fois politique et économique. 

    Car il y a une idéologie économique, travestie en science exacte.

    Les fondements de cette représentation du monde économique sont les mêmes que ceux de la prétendue science politique qui voudraient faire remonter la société politique à un contrat social. 

    On sait que, dans l’histoire de la philosophie politique, la notion de pacte social est théorisée par Thomas Hobbes au milieu du XVIIe siècle dans son Léviathan. L’Angleterre des années 1640 est ravagée par une guerre civile. C’est un accident de l’histoire, très similaire à ce qui se passe au même moment en France avec cette guerre civile qu’on appelle la Fronde. 

    En revanche, Hobbes y voit une réalité transcendante et permanente. L’homme est, par nature, égoïste, dirigé par ses seuls intérêts. Toute alliance entre les hommes de cet état « natif » imaginaire n’est que de circonstance. Ils ne connaissent aucun lien de solidarité. La nature humaine, c’est la guerre de tous contre tous. Pour Hobbes, l’homme n’est donc pas de naissance un animal social, le « zôon politicon » d’Aristote intégré à une société concrète, préexistante à lui, dotée d’une dimension traditionnelle, juridique, culturelle, linguistique (ce qu’on appelle aujourd’hui une identité), cette société qui constitue un ensemble de liens et qui, sous certains aspects, le détermine dans ses rapports aux autres individus et à la collectivité. Pour Hobbes donc, les hommes, lassés de cette anarchie sanglante et contre-productive, imaginèrent de passer entre eux un contrat de type commercial et de déléguer une partie de leur liberté à une entité nouvelle, l’État, maître et arbitre, qui ferait régner l’ordre nécessaire. 

    Les théories de Hobbes sont à l’origine de toutes les théories de la table rase qui, sous des formes diverses, se succèdent en Occident depuis trois cents ans. L’humanité, ses sociétés, ses générations successives sont des « tabulas rasas », des tablettes de cire sur lesquelles le temps a écrit des mots, des histoires, des conceptions du monde et des pratiques des rapports sociaux. On pourrait, en chauffant un peu la tablette, faire fondre la cire qui redeviendrait lisse, « rase » et donc vierge, et l’on pourrait donc écrire dessus, en toute liberté, de nouvelles aventures, un nouveau droit, de nouvelles sociétés, un homme nouveau. « Du passé faisons table rase », dit l’Internationale. Ces théories sont l’origine du constructivisme politique, de la théorie des constitutions et de la prétention à rompre avec une nature et des héritages, à « remettre les pendules à zéro » dans l’histoire. Cette problématique est d’actualité puisque rien dans cette logique n’empêche de voir des individus allogènes s’agréger au contrat social. 

    Dans le domaine de la théorie économique maintenant, qui ne voit la similitude entre la théorie politique de Hobbes et la théorie économique d’Adam Smith, le père et toujours pape de la « science économique » libérale ? 

    L’homme économique est réduit à sa double fonction de producteur et de consommateur, c’est un « agent économique ». Dans sa relation aux autres agents, l’homo œconomicus ne vise qu’à maximiser son utilité, c’est-à-dire son intérêt individuel en dehors de toute considération de solidarité. La relation économique est à la fois concurrentielle et contractuelle, que ce soit le contrat d’achat-vente ou le contrat de travail. La concurrence pure, parfaite et non faussée est garantie par l’État et les Codes, civil et de commerce, en sont les instruments de contrôle. 

    Les principes de ces deux idéologies sont communs : les individus sont de purs atomes, des monades leibnitziennes qui flottent quelque part dans le plasma inorganique de l’espace et du temps, des individus hors-sol, interchangeables et équivalents, sans aucune détermination culturelle ou historique. 

    Deux conceptions des sociétés s’opposent. 

    Soit les sociétés humaines sont des êtres collectifs dont la valeur est plus que la somme des parties qui les constituent. Ces sociétés sont inscrites dans un espace déterminé et dans une profondeur historique. Elles ont une culture qui peut évoluer dans le temps mais sur la base d’un héritage. Elles acceptent la nouveauté mais avec le regard critique de celui qui juge un arbre à ses fruits. Les activités culturelles, sociales, économiques, les rapports entre individus et les rapports collectifs entre groupes familiaux, sociaux et économiques sont régulés par des normes et – j’ose le dire – des interdits qui assurent le respect de la solidarité. Les sociétés, comme tous les êtres vivants, ont pour objectif de se reproduire, de transmettre. C’est le principe de pérennité et de tradition-transmission. 

    Soit à l’inverse les sociétés sont des agrégats modelables et remodelables ad libitum en fonction des situations et des intérêts du moment. Les individus maximisent leur intérêt individuel et tout peut librement être marchandisé, temps, travail, procréation. Rien ne s’oppose à ce que l’étranger participe librement à la concurrence locale sur le marché du travail si les élites économiques y trouvent un intérêt. Si le « premier capitalisme » conservait un grand nombre de valeurs patrimoniales et familiales traditionnelles, nous sommes aujourd’hui dans la phase trois du système, le capitalisme financiarisé régi par la loi du rendement immédiat et de l’économie hors-sol. Rien ne s’oppose non plus à ce que l’étranger vienne remplacer l’autochtone défaillant et stérile pour abonder les caisses de retraite, du moment que le retraité touche sa pension et puisse faire sa croisière annuelle. Le temps individuel et collectif est normé par le court-termisme. Après moi, le déluge. Enfin, dans cette société, toute « novation » est reçue comme bienvenue dans cet « hôtel de passage » qu’est la société selon Jacques Attali. 

    Tout repose donc sur la conception de l’individu. 

    Malheureusement pour nous, la dernière chose dont nos contemporains accepteront de faire leur deuil est le culte et le primat de l’individu, individu politique et social libre de toute détermination, individu libre de jouir sans entraves dans l’instantanéité du temps, « l’homo festivus » qu’a bien défini Muray. Le « vivre ensemble » de « l’homo festivus » est un mélange paradoxal de consommation matérialiste, de jouissances fugitives et de convivialité factice où des individus « font la teuf » en racontant leur « fun » sous forme de messages adressés à des inconnus autistes par des zombies autistes, tous rivés à leur écran. 

    Et c’est pourtant à cet individualisme qu’il faut renoncer pour revenir à une conception et une définition holiste et organique de la société. Notre tâche est donc rude. 

    Le débat n’est pas moral. C’est aujourd’hui une question de survie individuelle et collective.

    Nous vivons sur une confusion, qui date de l’époque où nous autres Européens avons constitué le concept d’individu, en mêlant un peu de philosophie grecque socratique et beaucoup de métaphysique chrétienne (c’est le Christ qui a inventé le rachat de l’individu par lui-même alors que le péché et la malédiction du peuple juif sont collectifs). 

    Cette illusion est de nature juridique.

    Le droit ne connaît de responsabilité qu’individuelle, alors que l’histoire connaît la responsabilité collective. Une nation (collectivité humaine, sociale, politique et culturelle) ou une génération (un tronçon temporel de la même collectivité) assument une responsabilité, et nous sommes tous – même les opposants et les dissidents – indéfiniment co-responsables des décisions et des options qui auront été prises de notre temps. 

    La sidération qui frappe nos contemporains devant les « attentats aveugles » (comme si des attentats étaient aveugles…) tient largement à une conception erronée de la responsabilité. « Je ne leur ai rien fait ». Or les terroristes ont raison. Il n’y a pas d’innocents. 

    Nous sommes responsables d’être ce que nous sommes, d’être les héritiers de notre civilisation et des décisions prises par nos prédécesseurs. Nous sommes déterminés par nos racines à être blancs, croisés, descendants des défricheurs de la Beauce et des constructeurs de Sainte-Sophie de Constantinople, paysans italiens devenus artisans français, etc… Les destins sont collectifs. 

    Cette illusion juridique individualiste – « je, en tant qu’individu, ne leur ai rien fait » – ne va pas sans paradoxe, puisqu’elle s’accompagne d’un ethno-masochisme, la haine de soi en tant qu’être collectif historique, dont les manifestations les plus visibles sont la repentance historique constante, la commémoration maladive des prétendus péchés de notre civilisation, et les lois xénophiles dans le domaine social et politique. 

    Le « vivre ensemble » qu’on nous propose repose sur le postulat de l’accueil et de la déclaration de paix. Or il ne sert à rien de dire « je t’aime » à celui qui répond « moi non plus ». « Faites l’amour, pas la guerre » est une proposition frappée d’une absurdité logique. De deux parties, une peut, toute seule, déclarer la guerre à l’autre, alors que pour faire l’amour, il faut être d’accord tous les deux. Ou alors, c’est un viol et c’est une autre histoire. 

    Quelles sont donc les voies qui nous sont ouvertes pour faire face au défi, au danger le plus grave qu’ait connu l’Europe depuis 1650 ans, c’est-à-dire depuis les dernières grandes invasions de peuplement ? 

    Que faire, donc ? 

    J’évoquerai plusieurs pistes, non exclusives les unes des autres, dans le domaine politique, éducatif, culturel, économique. 

    Les principes de ces différentes actions sont identiques : 

    • il faut répéter que nous sommes la majorité, mais agir comme si nous étions déjà une minorité. Rien n’est plus désastreux que le concept de « majorité silencieuse » qui a fait tant de mal à la droite, car la majorité a en permanence élu et laissé faire sans rien dire des élites qui l’ont trahie. Les minorités conscientes et actives mènent le monde, 

    • il faut alerter, dénoncer les contradictions du système, revendiquer et défendre la liberté d’expression, 

    • il faut éduquer, transmettre, former la génération montante, 

    • il faut mettre à profit les tendances actuelles et les initiatives qui vont dans le sens du localisme et d’une conception holiste de la société.

    Dans le domaine politique, nous avons un rôle de lanceurs d’alerte, de propagateurs d’information et de défenseurs d’internet contre le totalitarisme mou qui s’instaure. Actuellement, ce ne sont pas les sites djihadistes ou immigrationnistes que l’on ferme ou que l’on persécute, ce sont les lanceurs d’alerte qui sont persécutés par le prétendu état d’urgence. Le gouvernement français avait déjà refusé l’asile politique à Snowden, dénonciateur de l’espionnage généralisé par des intérêts étrangers. Aujourd’hui, les sites d’information sont surveillés. Le dimanche soir précédent les attentats de Bruxelles, Marion Maréchal-Le Pen s’est fait incriminer sur BFM-TV par la responsable des informations politiques du Parisien. Son crime était d’avoir twitté lors de l’arrestation de Salah Abdesselam : « Je me réjouis de cette arrestation, mais combien en reste-t-il dans la nature ? » La journaliste lui a demandé si elle n’avait pas honte de tenir des propos « anxiogènes »… Et 36 heures après, les complices d’Abdesselam encore dans la nature faisaient plus de 30 morts… Et bien, non, nous n’avons pas honte de tenir des propos anxiogènes ! Et je vous propose de réfléchir à la manière d’amplifier notre voix. 

    Dans le même domaine politique, nous devons nous attacher à expliquer et diffuser auprès du plus grand nombre, en tout temps et en tous lieux, où se situe l’escroquerie économique la plus flagrante du MIM. Non, les migrants n’assureront pas le financement de la retraite par des cotisations sociales ! Dans un contexte historique de vieillissement de la population européenne, il serait déjà hasardeux d’escompter que la solidarité trans-générationnelle fonctionne parfaitement, sans remise en cause de cette situation d’exploitation des classes jeunes par les baby-boomers qui ont refusé les contraintes de l’éducation d’une famille pour mieux profiter des plaisirs de la société de consommation. Peut-on donc penser que, quand bien même les nouveaux arrivants trouveraient leur place sur le marché du travail avec les normes de productivité que nous exigeons des salariés, ces salariés accepteraient de subvenir aux besoins de personnes avec lesquelles ils n’ont et ne se sentent aucun lien de solidarité ? Je pense que le message est rude à entendre pour nos concitoyens, mais il est nécessaire. Tant pis pour le niveau de vie des retraités, à titre individuel. C’est leur génération qui a collectivement pris les mauvaises décisions. C’est comme la dette, il faudra payer l’addition… 

    Nous devons aussi nous faire les pourfendeurs de toute forme de marchandisation du vivant. Non seulement contre la marchandisation du corps comme nous le faisons pour la GPA et ce message me semble porteur et efficace, mais aussi contre la brevetabilité du vivant sous toutes ces formes. Il y a là une synergie à trouver avec les opposants aux lobbies pharmaceutiques et aux Monsanto en tout genre, qui peut nous donner de la visibilité, en pleine cohérence avec notre vision du monde. 

    Il faut enfin dénoncer préventivement les naturalisations massives à venir. Le peuple votant et pensant mal, les élites n’ont d’autre voie que de diluer le peuple en procédant à ces naturalisations, si possible dès le prochain quinquennat en France. 

    En revanche, l’action politique ne peut pas être l’alpha et l’omega de notre action. En effet, comme l’a très bien vu Laurent Ozon par exemple, pour réussir en politique, il faut être élu et donc s’abstenir de discours excessivement traumatisants. L’inaudible – ce que l’on ne veut pas entendre – est donc indicible. À ce titre, nous savons tous ici que cela sera très dur dans l’avenir – troubles civils et sociaux, baisse générale du niveau de vie, etc… – mais on ne peut incriminer un parti politique lorsqu’il affirme détenir les moyens de contrôler la situation. Je dis cela pour les impatients et les radicaux…

    Il convient donc d’agir aussi hors de la sphère politique. 

    Un des axes prioritaires d’action est l’éducation, afin de former des élites capables d’assumer leur responsabilité à venir. 

    Le système, avec l’assentiment fataliste de nos contemporains, a fait s’effondrer l’enseignement de tous les savoirs et de toutes les méthodes qui permettent de comprendre et de juger le monde. Cette faillite profite bien entendu au projet du MIM car l’Éducation nationale (à laquelle j’inclus généralement l’enseignement confessionnel sous contrat) produit des individus hors-sol, hors-histoire, indifférenciés, interchangeables et disposés à accepter tout projet qui ferait table rase de notre identité. 

    Le niveau général est lamentable en capacité logique d’analyse et de déduction, en histoire, géographie physique et humaine, économie politique, philosophie, sociologie. Le français est lu et parlé avec un vocabulaire pauvre et approximatif, proche du niveau d’une langue étrangère moyennement maîtrisée plutôt que de celui d’une langue maternelle. Même l’apprentissage du calcul est rendu difficile du fait de la pauvreté du vocabulaire français, car les élèves ne peuvent pas comprendre les mots du problème posé. 

    Je vous propose donc de réfléchir à la création d’écoles hors contrat ou au renforcement d’écoles existantes. Ce projet supposerait la mobilisation de bonnes volontés, de compétences juridiques et de moyens financiers, mais cela me semble la suite logique de notre entrée en sécession. 

    Un autre volet de cette éducation est celui des valeurs. Nous pouvons transmettre les valeurs holistes et solidaires et former les élites qui nous seront nécessaires. 

    Une des faiblesses constitutives de la société marchande a bien été mise en lumière par François Perroux, dont je vous rappelle qu’il a été l’un des économistes français les plus brillants, professeur au Collège de France, grand mathématicien, avant d’être méprisé par l’Université de la pensée unique. Il avait en effet comme projet de constituer une économie politique globale permettant une compréhension des phénomènes économiques comme l’une des dimensions de la société, mais pas la seule et en tout cas pas autonome par rapport à ses autres dimensions. Il écrit, dès 1969 : 

    « Toute société capitaliste fonctionne régulièrement grâce à des secteurs sociaux qui ne sont ni imprégnés ni animés par l’esprit de gain et de la recherche du plus grand gain. Lorsque le haut fonctionnaire, le soldat, le magistrat, le prêtre, l’artiste, le savant sont dominés par cet esprit, la société croule, et toute forme d’économie est menacée. […] Un esprit antérieur et étranger au capitalisme soutient durant une durée variable les cadres dans lesquels l’économie capitaliste fonctionne. Mais celle-ci, par son expansion et sa réussite mêmes, dans la mesure où elle s’impose à l’estime et à la reconnaissance des masses, dans la mesure où elle y développe le goût du confort et du bien-être matériel, entame les institutions traditionnelles et les structures mentales sans lesquelles il n’est aucun ordre social. Le capitalisme use et corrompt. Il est un énorme consommateur de sève dont il ne commande pas la montée […]. » 

    Ce texte magnifique doit nous rappeler que, lorsque le MIM et le capitalisme de troisième type échoueront dans leur projet comme le parasite meurt de l’épuisement de son hôte, nous aurons plus que jamais besoin de ces élites animées de valeurs de service, ces valeurs « libérales » au sens grec du terme. C’est le rôle que nous devons assigner à nos activités communautaires et de scoutisme, qui seront une source de sève dans les périodes troublées à venir. 

    Passons maintenant à la manière dont nous pouvons nous appuyer sur des tendances existantes dans la société actuelle, sur d’autres écoles de pensée et d’action que nous avons souvent considérées comme éloignées de nos préoccupations, mais qui se sont insensiblement rapprochées de nous comme nous nous rapprochions d’elles. J’entends par là tous les mouvements qui se revendiquent de la notion de responsabilité collective. La responsabilité sociale et environnementale, la consommation responsable, la sobriété étaient des concepts plutôt universalistes. Mais la réalité des faits et l’influence de certaines personnalités comme Michéa ont amené les promoteurs de ces théories et de ces pratiques à comprendre enfin que le commerce équitable, ce n’est pas seulement pour les petits producteurs de café du Costa-Rica chers à Max Havelaar. C’est aussi pour nos frères agriculteurs et éleveurs gaulois qui se crèvent au travail, exploités par le système et la mondialisation, à 30 kilomètres du centre-ville de Paris. Commerce équitable de proximité, circuits courts, voilà qui nous convient parfaitement et où nous avons un rôle concret à jouer. J’y rajouterai une réflexion sur la manière d’organiser ou de relayer des campagnes de boycott à l’encontre d’enseignes ou de marques. 

    Dans le domaine économique, nous devons entreprendre et aider nos entrepreneurs, avec un esprit de communauté minoritaire. Financement, relations comme fournisseurs ou clients, qu’importe. Et, pour ce qui concerne l’entreprise, nous devons systématiquement nous constituer en forme juridique de sociétés de personnes, SCOP, SARL, etc., et non pas en sociétés de capitaux. Cela permet de coopter les personnes et, de surcroît, comme les associés ne relèvent pas du contrat salarial, cela nous permettra de contourner plus efficacement les contraintes xénophiles du droit du travail, qui ne feront que se renforcer. Tous les domaines sont ouverts : services dont l’éducation dont j’ai déjà parlé, mais aussi commerce, voire industrie dans une politique de relocalisation. 

    Voici, mes chers amis, les quelques pistes de réflexion et les quelques propositions que je souhaitais vous soumettre. 

    Je vous remercie de votre attention. 

    Lionel Rondouin 

    • D’abord mis en ligne sur Institut Iliade et repris par Cercle non conforme, le 18 avril 2016.

    http://www.europemaxima.com/

  • La pente despotique de l’économie mondiale (Hubert Rodarie)

    la-pente-despotique-de-léconomie-mondiale-200x300.jpgHubert Rodarie est directeur général délégué du groupe d’assurance SMABTP et auteur de plusieurs ouvrages traitant de la situation économique et financière.

    Et si le communisme soviétique et le capitalisme libéral partageaient plus de points communs qu’on ne le pense ? C’est ce que vient constater cet ouvrage écrit par un professionnel de l’assurance, des activités d’investissement et de gestion financière.

    Le monde financier veut maîtriser les activités financières en créant des organisations où chaque individu est asservi à un ensemble de règles techniques. Ce mouvement a été appelé la « robotisation des activités financières ».

    A travers ce livre, Hubert Rodarie montre qu’il existe une volonté d’installer les déséquilibres comme moteurs de croissance. Depuis la Deuxième Guerre mondiale, le système économique a organisé des déséquilibres structurels, générateurs continuels de dettes qui ne rencontrent aucune limite. Et cette croissance continuelle de l’endettement rend vaine toute recherche de maîtrise de la qualité des emprunteurs : inévitablement vient un jour où les bornes d’une « décence commune  » selon l’expression d’Orwell viennent à être franchies, en un endroit ou un autre de la planète, et nous pouvons alors égrener ainsi les crises financières au long des dernières décennies. 

    Au final, le monde occidental se retrouve dans une situation telle que la vivait et l’analysait Zinoviev à la fin des années 1970 en Union soviétique. Le citoyen est pris dans un système qui, tel un filet, contraint sa liberté d’action.

    La pente despotique de l’économie mondiale, Hubert Rodarie, éditions Salvator, 379 pages, 22 euros

    A commander en ligne sur le site de l’éditeur

    http://www.medias-presse.info/la-pente-despotique-de-leconomie-mondiale-hubert-rodarie/54462

  • Droite : une primaire à la sauce libérale

    Les favoris du scrutin sont sur le même créneau en économie. Pour eux, tout l'enjeu est d'arriver à se différencier.
    « Je suis libéral et je l'assume ! » C'est le credo de tous les candidats à la primaire de la droite. Même Alain Juppé, qui a dégainé cette semaine ses propositions économiques, s'est converti. Résultat, les programmes se ressemblent furieusement (voir infographie).
    « Il n'y a pas de schisme idéologique mais plutôt une différence de nuances », reconnaît le juppéiste Benoist Apparu. A charge pour les prétendants de faire entendre leurs différences.
    Juppé se découvre en « libéral réformateur »

    Certains lui reprochent son « flou » sur le terrain économique. Le maire de Bordeaux entend lever les ambiguïtés avec la sortie de son livre « Cinq Ans pour l'emploi » (Ed. Lattès) L'idée ? Créer une politique de l'offre pour restaurer la compétitivité des entreprises, plutôt qu'une politique de la relance par le pouvoir d'achat, comme le préconise Sarkozy. « C'est une vraie politique de droite », décrypte son entourage. Peu de mesures chocs, « mais un projet réaliste et applicable », assène Juppé, pour parvenir au plein-emploi en cinq ans. Durée légale du travail fixée à 39 heures, baisse des charges fiscales des entreprises et assouplissement des conditions de licenciement pour plus de flexibilité... L'entreprise est au cœur de son projet.
    Le gros cadeau fiscal de Sarkozy

    Un programme de baisse d'impôts et de charges sociales d'au moins 25 Mds€, voté dès l'été 2017, notamment 10 % de moins sur l'impôt sur le revenu. Rien que ça ! Voilà le « contre-choc fiscal » que promet l'ancien chef de l'Etat pour relancer l'économie... Sans préciser comment il le financerait. Nicolas Sarkozy veut sortir des 35 heures par des négociations au sein des entreprises, sans dire ce qu'il adviendra de la loi Aubry. Un piège pour celui qui avait déjà fait la promesse de s'attaquer aux 35 heures en 2007. Sur les retraites, le patron des Républicains est plus précis. « Dès l'été 2017, il y aura un projet de loi pour repousser l'âge légal à 63 ans dès 2020 et 64 ans dès 2025. Cela représente près de 20 Mds€ d'économies une fois la réforme montée en charge », a-t-il promis en février dans une interview aux « Echos », tout en précisant qu'elle s'appliquerait aussi aux régimes spéciaux.
    Fillon, le Thatcher de la bande
    En 2007, fraîchement nommé Premier ministre, il détonnait déjà avec son fameux « les caisses sont vides ». Candidat à la primaire, il est le premier à s'être positionné sur le terrain libéral. Depuis, tous les autres lui ont emboîté le pas. Mais Fillon reste celui qui va le plus loin. Réduire les dépenses publiques de 110 Mds€, développer le travail indépendant pour faire baisser le chômage ou encore court-circuiter les syndicats en instaurant des référendums en entreprise... le discours est résolument musclé. « Mais ce qui le différencie des autres, c'est son approche nationale économique. Il est en rupture avec la vision mondiale : il veut réorienter l'investissement des Français en France », résume le député filloniste Jérôme Chartier.
    Le Maire, la méthode dure
    Il ne veut pas imposer de « purge » aux Français. Contrairement à Fillon ou Juppé, qui prônent une hausse de la TVA pour baisser les charges des entreprises, il s'engage à ne pas augmenter les impôts des Français. Il leur propose même de petits cadeaux, tel un 13 e mois défiscalisé. Pas question pour autant, comme Sarkozy, de défendre une baisse de l'impôt sur le revenu. Mais le candidat du « renouveau » préconise aussi un traitement de choc. Il veut supprimer la fonction publique territoriale, revenir sur l'emploi « bureaucratique » à vie, privatiser Pôle emploi ou créer des « emplois rebonds », rémunérés en dessous du smic pour les allocataires du RSA très éloignés de l'emploi.

    Olivier Beaumont et Valérie Hacot : Le Parisien :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/dep_interieur/EuyFkkAFkuGEBzPJCi.shtml

  • Loi travail : les principales dispositions du texte soumis au "49-3"

    L'utilisation du vote bloqué 49-3 stoppe l'examen des amendements par l'Assemblée nationale. 5.000 étaient présentés par les députés. Voici les principales mesures du projet de loi finalement présenté par le gouvernement.
    Après des mois de négociations, de relectures, de réécriture, la mouture définitive du projet de Loi Travail ne tiendra donc compte de quasiment aucun des amendements parlementaires, en raison de l'utilisation du fameux "49-3" de la Constitution qui permet l'adoption d'un texte sans vote. Voici donc les grandes lignes du projet de loi porté par Myriam El Khomri... avant son passage au Sénat où il sera détricoté... avant que l'Assemblée nationale n'ait de toute façon le dernier mot.
    Le licenciement économique facilité?
    Les entreprises de moins de 11 salariés pourront "réajuster" leurs effectifs si elles justifient une baisse de leur chiffre d'affaires pendant un trimestre seulement. Entre 11 et 50 salariés, l'entreprise devra déplorer deux trimestres de baisse du chiffre d'affaires, trois trimestres consécutifs entre 50 et 300 salariés, et quatre trimestres au-delà de 300 salariés.
    Pour les filiales française des groupes internationaux, autre sujet épineux, le gouvernement a finalement accepté que ce soit le chiffre d'affaires mondial qui soit pris en compte pour apprécier la situation économique de la branche française, alors que le patronat réclamait que le périmètre soit réduit à la seule France.
    Sur les CDD, le gouvernement préserve le patronat
    Il n'y aura pas de surtaxation des CDD, comme l'avait pourtant annoncé le gouvernement. Ou du moins, celle-ci ne devient pas obligatoire. On en revient donc aux termes de la loi Emploi de 2013 qui autorise, s'ils le souhaitent, les partenaires sociaux à moduler le taux de cotisation à l'assurance chômage en fonction de la nature et de la durée des contrats. Cette modulation ne reste donc que facultative, elle relève de la négociation entre partenaires sociaux sur l'assurance chômage actuellement en cours.
    Le référendum d'initiative syndicale maintenu
    La CGT et FO étaient vent debout contre cette mesure. Mais le gouvernement n'a rien lâché sur la possibilité dans une entreprise de recourir à une consultation interne des salariés pour valider un accord d'entreprise.
    La règle est désormais la suivante. Un accord d'entreprise sera considéré comme valide dans deux cas. Soit l'accord est signé par des syndicats représentant au moins 50% des salariés, soit il est conclu par des syndicats ne représentant que 30% des salariés mais ces organisations ont alors le droit d'organiser un referendum auprès des salariés. Et si une majorité des salariés approuvent l'accord, alors celui-ci sera considéré comme valide... même si des syndicats représentant 50% des salariés ne l'ont pas conclu.
    Pour certains syndicats, cette mesure sera une façon de contourner la représentation syndicale majoritaire, tandis que le gouvernement argue qu'elle doit permettre de débloquer le dialogue social.
    L'accord offensif sur l'emploi
    Une entreprise pourra, en cas d'appel d'offres, imposer un temps de travail spécifique et une nouvelle organisation du travail. En revanche, elle ne pourra pas modifier le salaire mensuel. Les salariés récalcitrants pourront faire l'objet d'un licenciement individuel pour motif économique.
    Temps de travail : l'accord d'entreprise prime
    Le gouvernement renonce finalement à instaurer un "droit de véto" au profit des branches à l'encontre d'accords d'entreprise qui dérogeraient trop à une règle instituée par une branche. Il ne restera qu'un simple "droit de regard". Concrètement donc, notamment en matière de temps de travail, une entreprise pourra conclure un accord d'entreprise dérogatoire à un accord de branche et pas seulement dans un sens plus favorable aux salariés... Par exemple, si un accord de branche fixe le taux de bonification des heures supplémentaire à 20%, une entreprise pourra abaisser ce niveau sans pour autant aller en deçà de 10%. Le principe de "faveur" ne jouera pas. Autrement dit, le salarié ne pourra pas invoquer le fait que l'accord de branche lui soit plus favorable.

    La Tribune :: lien

    http://www.voxnr.com/cc/di_varia/EuyFpkyukZNmSMzyOg.shtml

  • Le Lundi de Pentecôte travaillé ne rapporte rien

    Selon la CFTC :

    "Sous l’affichage « journée de solidarité » a été instauré une taxe sur les salaires de 0,3%. C’est ce prélèvement mensuel dit-contribution solidarité autonomie- qui rapporte plus de 2 milliards par an.

    Quand un salarié se voit imposer de travailler une journée sans être rémunéré le calcul est simple : 0,3% de 0 égale 0.

    Au-delà du principe inacceptable, faire travailler des salariés sans les rémunérer, cette mesure arbitraire se traduit concrètement par nombres d’aberrations.

    Pour n’en citer que deux :

    • Est-il juste qu’un employé de supermarché puisse être obligé de travailler gratuitement un jour férié, alors qu’un agent de la SNCF est censé travailler 1 mn 52 de plus par jour pour s’acquitter de la journée dite « de solidarité » ?
    • Pour quelle raison, les professions libérales ne sont-elles pas assujetties à une journée « dite de solidarité » ?

    Pour la CFTC, il est indispensable qu’un effort financier important soit fait au profit des personnes dépendantes et handicapées, encore faut-il que cet effort soit justement réparti et organisé. Fondamentalement attachée au principe « tout travail mérite salaire », la CFTC couvre par un mot d’ordre de grève tout salarié du secteur privé que son employeur voudrait faire travailler gratuitement le lundi de Pentecôte ou tout autre jour qualifié de « journée de solidarité »."

    Bref : lundi venez à Chartres. La messe de clôture du pèlerinage de Chrétienté est à 15h00.

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Nouveau capitalisme criminel : le bonus des uns fait le malus des autres

    1263007951-1.jpgLe capitalisme financiarisé est-il criminogène ? La question a de quoi interpeller. Jean-François Gayraud, haut fonctionnaire de la Police nationale, la pose dans son dernier ouvrage, Le nouveau capitalisme criminel, une enquête troublante, à la croisée de la géopolitique, de la criminologie et de l’économie.
    Time is money 
    Derrière l’émergence du trading de haute fréquence, on retrouve les grands fonds spéculatifs et les grandes banques d’investissement, un lobby tout-puissant dont les pressions ont fini par être assimilées outre-Atlantique à de la « corruption légale ». Sans leur action, le high frequency trading n’aurait pu voir le jour. Ce sont eux qui ont aménagé un environnement juridique sur mesure. Une des pièces centrales du dispositif fut la décimalisation des ordres de Bourse, mesure en apparence anodine, mais qui allait modifier la taille des ordres en fractionnant quasi-indéfiniment leur valeur. L’autre grande nouveauté, c’est que les traders ont désormais la possibilité technique d’annuler plus de 90% des ordres qu’ils lancent. Il s’agit « d’ordres fantômes » (phantom orders) – des leurres – que Gayraud compare à des radars permettant de cartographier le marché en temps réel et donc de disposer de quelques millièmes de seconde d’avance sur lui. En 350 millisecondes (millième de seconde), un homme cligne des yeux ; c’est le temps nécessaire à un algorithme pour déclencher 7 000 transactions !
         Time is money, répétait Benjamin Franklin. C’était au XVIIIe siècle et l’Amérique était déjà pressée – mais elle était encore en basse fréquence. Avec la haute fréquence, perdre ou gagner une seconde peut rapporter ou coûter la bagatelle de 100 millions de dollars. Les logiciels approchent aujourd’hui de la microseconde (millionième de seconde), bientôt de la nanoseconde (milliardième de seconde). Ce faisant, le marché évolue dans des échelles de temps quantique – une « course vers le zéro ». Le devenir Dieu du trading et son fantasme d’ubiquité totale. Dieu, le Diable, Lloyd Blankfein, le DG de Goldman Sachs – autrement appelée la « Firme » ou « Government Sachs », tant on retrouve ses cadres au sein de toutes les administrations, indifféremment démocrate ou républicaine – est un peu les deux à la fois. Il se flattait en 2009 auprès de journalistes de « faire le travail de Dieu ». On a voulu voir une boutade dans cette réplique. C’est bien pourtant un pouvoir démiurgique que possèdent les « too big to fail ». Car qu’est-ce que présenter un risque systémique, sinon disposer d’une arme aussi dissuasive que la bombe atomique ?
         A ce stade, la question n’est plus de savoir si le trading de haute fréquence facilite ou non les comportements déviants : il est en lui-même déviant. Jean-François Gayraud n’est pas le seul à avancer cela. Une banque aussi peu suspecte d’anticapitalisme que le Crédit suisse a publié sur son site une étude (précipitamment retirée) soulignant son fort potentiel manipulateur et prédateur :High Frequency Trading. Measurement, Detection and Response. Les techniques de manipulation des cours sont légion. Il y a d’abord celle de la saturation, appelée le quote stuffing (« saturation, leurre, bourrage de cotations ») : on inonde le marché d’ordres fantômes. L’effet recherché ? On mystifie les autres donneurs d’ordres, on dissimule ses intentions et on congestionne le marché. En 2010, 75% des actions cotées aux Etats-Unis ont subi une attaque de ce type. Autre technique : le spoofing (« escroquerie, mystification ») et le layering (« superposition »), qui visent à déstabiliser les carnets d’ordres et à influencer provisoirement les cours par un afflux massif d’ordres trompeurs, l’objectif inavoué étant de réaliser une transaction en sens inverse.
    700 milliards de dollars en 10 minutes 
    Il y aussi les petits arrangements entre amis, ce que le procureur de l’Etat de New York, Eric Schneiderman, a appelé les « délits d’initiés2.0 ». Le FBI a pu apporter la preuve, mais sans qu’une instruction soit ouverte, que des agences de presse comme Bloomberg et Thomson Reuters donnaient à leurs clients les plus fortunés un accès privilégié à leurs données économiques. Pour l’anecdote, mais c’est une anecdote à plusieurs millions de dollars, l’agence Thomson Reuters, qui avait signé un contrat d’exclusivité avec l’Université du Michigan pour être la première à publier son indice de confiance du consommateur américain, négociait ensuite cette exclusivité au plus offrant. En pratique, Thomson Reuters rendait publiques les données sur son site le jour dit, soit 10 heures précises. Mais dans les faits, l’agence les diffusait en accès prioritaire auprès de ses clients premium à 9 heures 55. Quant à l’élite de l’élite, les fonds spéculatifs, ils recevaient l’information à 9 heures 54 minutes et 58 secondes. Dans ce minuscule intervalle, des dizaines de millions de dollars changeaient de mains. Thomson Reuters a dû mettre un terme à cette pratique en juillet 2013. Officiellement. En réalité, ces « fuites » sont si nombreuses que les administrations américaines sont contraintes de régler leurs communiqués de presse sur des horloges atomiques.
         « L’erreur est humaine, mais, pour vraiment se planter, il faut un ordinateur ». Le proverbe fait actuellement fureur à Wall Street, qui attend toujours aussi sereinement la prochaine apocalypse que son inconséquence aura déclenchée. La fin du monde a failli survenir le 6 mai 2010, à ce jour le seul krach majeur imputable au trading de haute fréquence. A 14 heures 32, un grand fonds d’investissement vend via son programme informatique 75 000 contrats pour une somme de 4,1 milliards de dollars. Dans la foulée, l’indice Dow Jones s’effondre de 1 000 points. En l’espace de 10 minutes, le marché perd, puis regagne 700 milliards de dollars. Du jamais vu de mémoire de trader ! Il faudra une suspension des cotations pour mettre un terme à l’emballement. « Le déclin, puis le rebond des prix sur un des principaux marchés, le 6 mai, fut sans précédent par sa vitesse et son ampleur », avouera la SEC, la Securities and Exchange Commission, le gendarme de la Bourse américain, qui concédera que cette journée ne fut pas perdue pour tout le monde.
         Les incidents de type minikrach (flash crash) sont quant à eux si nombreux et si fréquemment liés au trading de haute fréquence que ce dernier est systématiquement pointé du doigt, même quand sa responsabilité n’est pas engagée. Ils n’ont pour l’heure aucun effet systémique, mais qui se risquerait à écarter des scénarios du type « cygne noir », ces événements imprévisibles à faible probabilité, mais aux conséquences désastreuses ? L’un des meilleurs et plus lucides criminologues financiers américains, William K. Black, expert au FBI, envisage très sérieusement une « série de défaillances en cascade » : « le 11 septembre ou le Ground Zero » du trading de haute fréquence.
    « Moins de régulation qu’au temps du Far West » 
    Depuis l’affaire Madoff, les agences de régulation se montrent un tantinet plus regardantes, mais elles ne vont pas au-delà de rares sanctions administratives. Rien au pénal. Le too big to fail (trop grosses pour faire faillite) se redouble donc d’un too big to jail (trop grosses pour être poursuivies). Bref, l’impunité totale. Par la bouche de son ministre de la Justice, l’attorney general Eric Holder, le gouvernement américain en a lui-même fait l’aveu en mars 2013 devant une commission sénatoriale : « Je crains que la taille de certaines de ces institutions [Holder parle de HSBC] devienne si grande qu’il ne soit difficile pour nous de les poursuivre ». Et de mettre en avant les périls qu’une action en justice ferait peser« sur l’économie nationale, peut-être même sur l’économie mondiale ». Moralité :« C’est le gouvernement qui admet avoir peur de poursuivre les très puissants – quelque chose qui ne s’était jamais produit même à l’âge d’or d’Al Capone ou de Pablo Escobar », comme s’en désola Matt Taibbi, dont les articles ont fait la gloire du magazine Rolling Stone.
         « Vous êtes des bookmakers, et vous êtes soumis à moins de régulation qu’au temps du Far West », lança une sénatrice démocrate aux dirigeants de Goldman Sachs lors d’une audition de la banque devant une commission d’enquête au moment de l’affaire Abacus, du nom de ce fonds « exotique » (comprenez : toxique) commercialisé par Goldman Sachs et créé par l’inénarrable Fabrice Tourre, un employé français de la banque. Noté « AAA », ce produit n’en était pas moins un vrai shitty deal (une « affaire de merde »), selon les mots mêmes de Tourre. Comme Kerviel en France, le trader servit de fusible à la banque, qui échappa aux poursuites, moyennant un dédommagement financier. Brillant, drôle et cynique, aussi arrogant qu’insignifiant, le personnage vaut le détour. Il se surnommait lui-même « Fabulous Fab » et offrait maintes ressemblances avec Patrick Bateman, le héros d’American Psycho, le roman de Brett Easton Ellis, qui met en scène un golden boy, accessoirement psychopathe. Un mouton noir ?C’est ce que le système voudrait nous faire croire
    Le crime parfait 
    Les derniers rebondissements de l’affaire Kerviel vont peut-être changer la donne. En cassant l’arrêt de la Cour d’appel, qui imputait l’ensemble des fautes à Jérôme Kerviel, la Cour de cassation va-t-elle relancer la question de la responsabilité de la banque (et des banques) ? Qui le sait ? On restera cependant loin du compte. La justice cherche des coupables, alors que c’est tout un système qui a failli, un système à l’intérieur duquel la fraude est génétiquement inscrite. Elle en est pour ainsi dire la signature anonyme. C’est ce que signalait déjà Jean de Maillard, vice-président du tribunal de grande instance d’Orléans, dans L’Arnaque, La finance au-dessus des lois et des règles (Gallimard, 2010). Face aux tricheries généralisées, les agents du FBI, et à leur suite tous les analystes financiers, en arrivent à la même conclusion : c’est comme s’ils étaient confrontés au crime organisé... mais sans syndicat du crime. Le crime parfait
    Eléments n°151