Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

économie et finance - Page 839

  • La bulle des gaz et pétrole de schiste va bientôt éclater

    L’extraordinaire progression de la production de gaz et pétrole de schiste aux États-Unis génère un questionnement dans tous les pays qui disposent de grandes quantités de cet hydrocarbure : faut-il se lancer dans ce nouveau type de production pour réduire notre facture énergétique ?

    En 5 ans, la production d’hydrocarbures de schiste y a été multipliée par 14 pour le gaz et par 5 pour le pétrole. Cela représente une progression considérable qui ne manque pas d’attirer les regards et de provoquer une frénésie dans de nombreuses régions du monde.

    Mais l’expérience américaine offre de bonnes indications sur ce qu’implique une telle politique énergétique et sur sa durabilité. En effet, il est déjà question d’une «bulle» prête à éclater et nous allons voir pourquoi.

    Évolution de la production de “tight oil” aux États-Unis

    Il y a un an, j’écrivais un article donnant quelques éléments techniques pour comprendre les contraintes d’exploitation de ces hydrocarbures. Aucun des problèmes évoqués alors n’a été vraiment résolu. Bien au contraire, de nouveaux sont apparus, remettant en cause de manière quasi certaine les perspectives optimistes que l’on trouve dans les communications officielles sur le sujet.

    L’eau de fracturation

    J’avais déjà commenté le problème de l’eau en juillet 2012, pendant qu’une terrible sécheresse sévissait aux États Unis. En 2012, 150 millions de tonnes d’eau douce ont été utilisées pour la fracturation, soit la consommation annuelle de 3 millions de personnes (moyenne de consommation mondiale). Aujourd’hui, l’utilisation d’eaux toxiques, contaminées ou d’eau désalinisée est envisagée.

    Le sable

    C’est fin septembre 2012 qu’ont été réunis tous les acteurs impliqués dans la production, la logistique et la consommation du sable de fracturation pour tenter de répondre aux enjeux auxquels ils sont confrontés. La consommation de sable est passée de 6,5 à 30 millions de tonnes entre 2009 et 2011 et la demande pourrait atteindre 38 à 50 millions de tonnes en 2017 (voir graphique ci-dessous). Le défi est colossal et les infrastructures à mettre en place également. Près de 100 carrières ont été ouvertes à travers les États-Unis en deux ans. Le nombre important de convois routiers abîme les routes, augmente le nombre d’accidents et la pollution. Enfin, les investissements nécessaires pour un transport ferroviaire adéquat vont coûter 148 milliards de dollars avant 2028 pour remplir les objectifs.

    Évolution de la demande de sable de fracturation aux États-Unis

    L’amplification du phénomène «shale oil&gas» va coûter très cher en infrastructures, en coûts environnementaux et en nuisances diverses.

    Déclin imminent de la production

    Le boom des hydrocarbures de schiste commence à montrer ses premiers signes de faiblesses. Au-delà des différentes contraintes que nous venons d’évoquer, une autre semble encore plus importante et problématique : réussir à stabiliser la production nationale, alors que le taux de déclin ne cesse d’augmenter.

    Contrairement aux hydrocarbures conventionnels, les pétroles et gaz de schistes doivent être considérés comme non-conventionnels, car ils doivent être extraits grâce à la technique de fracturation hydraulique. Or, avec ce procédé, la production est maximale au moment de la fracturation puis elle diminue généralement de 70% à 80% la première année (voir graphique ci-dessous). Au bout de quatre années, elle ne représente plus que 5% à 15% de la production initiale. Autrement dit, le taux de déclin de chaque puits est extrêmement élevé.

    Évolution typique de la production d’un puits du Bakken

    A cause de la généralisation de ce type d’exploitation, le taux de déclin de la production américaine de gaz est passé de 23 % à 32 % par an, en 10 ans. Il faut donc forer davantage de puits chaque année, simplement pour compenser le déclin des puits qui produisent actuellement.

    Hausses des besoins en investissements

    La conséquence directe de ce phénomène, c’est une croissance exponentielle des investissements nécessaires pour simplement stabiliser la production et un risque accru de voir la production décliner rapidement en cas de diminution des forages par certains opérateurs. Or, c’est ce qui risque de se passer dans les mois qui viennent puisque, selon Arthur E. Berman, le prix actuel du gaz ne permet pas de supporter l’ensemble des coûts réels et certains opérateurs devront ralentir leur activité.

    Exagération des chiffres

    Berman, après avoir modélisé la production de milliers de puits dans les régions productrices, a également déterminé que les réserves exploitables ne représentaient en réalité que la moitié des chiffres annoncés par les opérateurs, car ceux-ci ont été gonflés par un taux de récupération bien supérieur à ce qui est constaté sur le terrain. D’après ses travaux, la durée de vie moyenne d’un puits dans le Barnett (Texas) est de 12 ans et non pas de 50 ans comme annoncé, là-encore, par les opérateurs.

    Limitation du nombre de forages

    A tout cela, s’ajoute la contrainte spatiale, puisque sur un territoire donné, il n’est pas possible de dépasser un certain nombre de forages. Une fois ce nombre atteint, le maximum de la production est atteint et celle-ci s’effondre. Pour le Bakken par exemple, qui représente la moitié de la production totale de pétrole de schiste aux US, le pic pourrait être atteint entre 2013 et 2017 (voir p. 45).

    Emplacement des forages dans le Bakken

    Comment aggraver une situation déjà catastrophique !

    Des centaines de milliards auront été investis dans cette aventure et comme le reste de la dette américaine, ils ne seront jamais remboursés. Les investissements sont réalisés sur la base d’une production qui va s’amplifier or, le prix de vente du gaz est inférieur au coût réel et la production va probablement décliner dans les mois qui viennent. Nous pouvons donc craindre l’éclatement de cette nouvelle bulle, basée sur une exagération de tous les paramètres et une sous-estimation des contraintes globales.

    Malheureusement, la perspective (mensongère) de 100 années d’approvisionnement en gaz provoque déjà une modification structurelle avec un renouvellement des véhicules pour des moteurs fonctionnant au gaz, l’équipement des stations services, le remplacement des chaudières etc.

    Cette situation présente un très fort risque pour les Étasuniens, car lorsque la bulle va éclater, la production va rapidement décliner, les prix du gaz vont augmenter très fortement et de nombreux investissements auront été effectués, principalement financés par l’endettement, pour s’adapter à une énergie qui ne sera plus disponible. Le fantasme d’une indépendance énergétique qui n’interviendra probablement pas, risque d’entraîner les citoyens américains dans une impasse et une situation encore plus grave qu’elle ne l’est actuellement.

    Cet article est adapté du rapport “l’Europe face au pic pétrolier“.

    Un avenir sans pétrole ?

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Olivier Delamarche : « Ce n’est pas une guerre des monnaies, ce sont les monnaies qui s’effondrent »

    Olivier Delamarche, du groupe Platinium Gestion, le 19 février 2013 sur BFM Radio, met les points sur les i, dans l’émission “Intégrale Placements“, face à Guillaume Sommerer et Cédric Decoeur.

    « Le Japon est en récession pour le troisième trimestre consécutif. Les États-Unis ont annoncé un PIB négatif alors que Mr Bernanke n’a pas freiné la planche à billets. Il n’est absolument rien sorti du G20. »

  • Allocs : et un coup de plus contre la famille !


    Moi qui commençais presque à m’inquiéter : petite forme, au gouvernement… Neuf mois qu’il est là et il n’a toujours pas touché aux allocations familiales !

    C’est simplement que la famille, ce n’est pas un chantier de démolition comme les autres, sur lequel on va avec une grosse pelleteuse. C’est un discret jeu de mikado. On enlève doucement, un par un, tous les éléments, et tant que tout ne s’est pas effondré, cela passe presque inaperçu.

    Après le mariage, voici donc venir le porte-monnaie. On nous l’explique doctement, la branche Famille de la Sécurité sociale est en déficit (2,5 milliards en 2012). En oubliant de préciser, comme le note Dominique Marcilhacy de l’Union des Familles en Europe, que si cette branche est en déficit c’est qu’on l’y a mise artificiellement pour pouvoir, ensuite, la prier vertement de se serrer la ceinture. Une technique bien pratique, éprouvée par tous les gouvernements depuis 20 ans, et qui a permis de priver les caisses d’allocations familiales de 16 milliards d’euros de recettes annuelles. La dernière fois, c’était en 2011, quand on lui a demandé de prendre à sa charge 4,8 milliards de dépenses jusque-là logiquement assumées par la branche vieillesse.

    Ce petit tour de passe-passe opéré, on se gratte la tête pour trouver des sous : bon sang mais c’est bien sûr ! Soumettons donc les prestations familiales à l’impôt sur le revenu ! L’imposition des prestations familiales rapporterait environ 800 millions à l’État. 2,6 millions de familles seraient touchées, dont plus de la moitié deviendrait ainsi imposable. Pour une famille de trois enfants, le surplus d’impôt serait ainsi de 540 € par an. Un procédé « redistributif » des familles nombreuses dites « aisées » vers les familles pauvres.

    Une autre solution « redistributive », évoquée elle aussi, serait de soumettre les allocations familiales à conditions de ressources, comme on le fait déjà pour nombre de prestations. En sautant à pieds joints, cela va sans dire, sur l’objet même des allocs qui n’est pas de faire de la redistribution mais de soutenir la natalité, et donc d’aider tous les parents, sans distinction, à maintenir leur niveau de vie à l’arrivée d’un nouvel enfant.

    Tout cela, à terme, permettrait donc de rééquilibrer le budget « famille » de la Sécurité sociale… et peut-être même, qui sait, quand les tensions se seront un peu apaisées de financer tranquillement PMA et GPA. Mieux que la redistribution des richesses, la redistribution des bébés !

    Naturellement, pour que cette réforme passe sans trop de grincements de dents, il va falloir faire un peu de pédagogie. Comme d’habitude. Via les médias, comme d’habitude. J’imagine par exemple un reportage au 20 heures dans un appartement cossu de l’ouest parisien. Ambiance commode Louis XVI dans le salon et Mercedes dans le garage. Les trois enfants sont bronzés, c’est normal, ils reviennent d’un safari en Tanzanie. Quand on évoque les allocations familiales, la mère, qui ressemble vaguement à Liliane Bettencourt, passe la main dans son brushing Dessange : ils seraient tout à fait prêts à y renoncer… Pour être francs, ils n’en ont pas vraiment besoin. Ce n’est pas beau ça ?

    Alors, bien sûr, il y aura toujours des ronchons. Les familles XXL par exemple, pour lesquelles les allocations familiales rentrent substantiellement et structurellement dans la composition des revenus. Enfin, ceux-là n’étaient pas forcés, avec tous les moyens modernes à leur disposition, de se reproduire comme des lapins. Il y a un moment où il faut être citoyen responsable, on ne va pas non plus assumer toutes leurs gaudrioles.

    Et puis surtout, les éternels « au-dessus-du-seuil » (l’allocation rentrée scolaire ? Ah non, vous êtes au-dessus du seuil ! L’allocation logement ? Pas de bol, au-dessus du seuil ! La prestation d’accueil jeune enfant ? Dommage… au-dessus du seuil !). Mais pour eux, je vous rassure, on ne se fait aucun souci. Ce qui est très confortable avec la classe moyenne, c’est qu’elle râle toujours un peu au début, mais finit toujours par encaisser.

    À moins que, cette fois, elle soit au-dessus du seuil… de tolérance ?

    Gabrielle Cluzel

    http://fr.altermedia.info

  • Jean Luc Mordoh sur la sortie de l’Union européenne

    Jean-Luc Mordoch, entrepreneur, a été reçu au Cercle Aristote, pour nous parler de sa pièce de théâtre : Comment sortir de l’Europe sans sortir de table"


    Jean Luc Mordoh sur la sortie de l'Union... par webtele-libre

    http://www.actionfrancaise.net

  • Les vraies raisons de la création de l'euro

    Hier considéré comme l'instrument de la puissance économique de l'Europe, l'euro menace de disparaître à grand fracas. Mais à qui devait profiter la monnaie unique ?
    Le 17 décembre 2004, Jean-François Copé, ministre délégué au Budget et à la Réforme budgétaire du gouvernement Raffarin publiait une « fiche n° 2 » intitulée « L'Europe à 25, une chance pour l'économie française », présentant les avantages de l'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale.
    On y lisait que « L'Europe à 25 suscite des craintes, instrumentalisées par certains responsables politiques : la crainte des délocalisations ; la crainte du coût engendré par l'adhésion des nouveaux États membres. L'Europe à 25 est en réalité une chance pour l'économie française, une formidable opportunité pour nos entreprises. »
    La France y était présentée comme « la 5e puissance industrielle du monde », avec une production industrielle augmentant en volume de 2,5 % par an depuis 1980. On y apprenait aussi que « L'Irlande, l'Espagne, le Portugal et la Grèce ont rattrapé leur retard grâce à leur adhésion et constituent aujourd'hui des débouchés importants pour les entreprises françaises. »
    Quant aux délocalisations, rien à craindre : le gouvernement avait « pris des mesures pour conforter notre industrie » avec le lancement des « pôles de compétitivité » et « par un financement ambitieux », notamment sous forme d'exonérations d'impôt sur les sociétés et d'allégements de charges sociales.
    « À vingt-cinq, concluait la fiche, la politique commerciale commune donnera à l'Union davantage de poids pour défendre ses intérêts dans les négociations multilatérales, notamment sur les sujets sensibles comme l'agriculture ou l'audiovisuel. »
    On a vu ce que valaient ces promesses et le projet qui les sous-tendait d'une société postmoderne, sans histoire, racines, peuples, ni frontières, où les capitaux, les hommes, les services et les biens pourraient circuler sans limite et sans entrave. En quelques années, la communauté (européenne, conçue à l'origine pour garantir à ses États membres une protection économique et douanière efficace face à la concurrence des autres grandes nations, se transforma en vaste champ dérégulé ouvert aux quatre vents de la mondialisation.
    Quelles furent les arguments mensongers avancés pour imposer la monnaie unique ? En premier lieu, la théorie des zones monétaires optimales, élaborée dans les années soixante par les économistes Robert Mundell, Ronald Me Kinnon et Peter Kenen. Comme l'explique l'économiste Jean-Jacques Rosa dans son livre L'euro, comment s'en débarrasser ? « L'idée est simple : puisque la monnaie est le support de la politique monétaire et que cette dernière est utile pour stabiliser la conjoncture, permettant ainsi d'augmenter le taux de croissance parce que, bien utilisée, elle réduit la gravité des récessions, une monnaie unique sera indiquée lorsque différentes économies nationales ont des conjonctures synchronisées, tant pour l'activité réelle que pour l'inflation ».
    « Si tel est bien le cas et seulement alors, une monnaie partagée présente l'avantage, par rapport à des monnaies indépendantes utilisées sur des espaces plus réduits, d'abaisser les coûts de transaction dans les échanges internationaux », ajoute Jean-Jacques Rosa.

    Une raison d'être avant tout politique

    Or, ces conditions ne furent jamais remplies par les pays candidats à l'intégration dans la zone euro, ni même par les pays du pacte fondateur de 1957, qui présentaient dès cette époque des structures économiques, sociales, culturelles et légales radicalement différentes. Et elles le furent encore moins à mesure que la zone euro s'étendit à de nouveaux pays.
    On s'entêta malgré tout à faire entrer ces pays dans cette tunique jamais ajustée aux besoins des États et des peuples qui s'y portaient candidats, en recourant aux sortilèges des grandes institutions financières internationales et des financiers mondiaux pour l'ajuster.
    C'est ainsi que l'État grec fit appel à la bonne fée Goldman Sachs, qui maquilla ses comptes pour lui permettre de prétendre à participer au bal costumé de la zone euro. Mais le pacte avait son revers : l'endettement et la remise des clés du coffre aux grands argentiers de Goldman Sachs. Le miracle ne dura qu'un temps. À mesure qu'elle dansait et que les liquidités étaient versées par les banques sous la houlette bienveillante de la Banque Centrale Européenne et de la Fed (réserve fédérale des États-Unis), le costume de la princesse grecque se déchirait. Car les grands argentiers ne manquèrent pas de lui rappeler les termes du pacte. La même banque d'affaires Goldman Sachs qui lui avait permis de déguiser frauduleusement ses comptes pour rentrer incognito dans l'euro, la dénonça auprès de ses partenaires européens comme vilaine tricheuse. Ayant participé directement au maquillage des comptes de la Grèce, la banque était bien placée pour en connaître la réalité. Elle anticipa donc. Après avoir aidé frauduleusement la Grèce à entrer dans la zone euro, elle aida légalement les marchés à l'en faire sortir, en dénonçant soudain son excessif endettement et sa réticence à se plier aux desiderata de ses nouveaux bailleurs de fonds.
    L'exemple grec met en lumière le mensonge énorme que fut l'euro, qui ne présenta d'avantages économiques ni pour les peuples, ni pour les entreprises, ni pour les Etats. Les Etats pauvres purent certes profiter un temps d'une monnaie forte et, à grand coup d'aides régionales européennes et de subventions publiques de l'UE, mener un train de vie qui ne correspondait pas à leurs moyens réels. Mais ce fut au prix d'une effroyable augmentation de la dette et d'un gigantesque mensonge collectif, que les Grecs commencent seulement à payer.
    Si l'euro n'eut jamais de vertu économique pour les peuples qui le subirent, c'est que sa raison d'être était avant tout politique : justifier la construction européenne et accélérer le processus d'intégration. « Il s'agit d'obliger les Européens réticents à construire finalement un super État, par l'artifice technique de l'union monétaire qui les contraindrait tôt ou tard à accepter aussi une union budgétaire et donc un État fédéral. Ce dernier serait la deuxième, ou peut-être même la première puissance mondiale, ce qui ne saurait déplaire fondamentalement à la classe politico-administrative de ses pays membres », écrit Jean-Jacques Rosa.

    Une confiscation subreptice du pouvoir

    Mais cette justification politique n'est elle-même que le paravent d'une motivation occulte, qui renvoie in fine à la structuration même du pouvoir au sein des sociétés capitalistes. La mise en place de l'euro a été le fruit de la coopération et de la convergence d'intérêts de trois catégories d'acteurs : les patrons des grands groupes industriels, les banquiers et les États.
    Les grands groupes industriels y voyaient l'occasion de se constituer en cartels puissants, capables d'imposer aux responsables de l'Union européenne des systèmes législatifs et des normes industrielles qui les protégeraient de la concurrence, tant des multinationales étrangères que des petites entreprises européennes, les garantiraient contre les risques de change toujours coûteux dans le cas d'économies tournées vers l'exportation, et leur permettraient d'accéder à des sources de crédit beaucoup plus importantes que celles qu'ils auraient trouvées dans le cadre de marchés bancaires et financiers centrés sur les seuls territoires nationaux. En outre, ils pourraient emprunter sans compter en s'adossant sur la solidité de l'État allemand.
    Les banquiers y trouvaient l'occasion d'accroître leurs volumes de prêts et de créer sans risque immédiat des montagnes de dettes toujours plus importantes. Et les États, un moyen d'accéder pour un montant d'intérêt plus faible - du moins au départ - à d'abondantes ressources de crédit et, par là, de se refinancer dans un contexte de faible croissance et de difficulté croissante à collecter l'impôt.
    La convergence objective de ces trois intérêts déboucha sur la mise en place d'une monnaie qui ne fut jamais conçue pour Servir les peuples ni soutenir le développement des économies nationales. Valéry Giscard d'Estaing devait lui-même déclarer en 1997 dans une interview au Herald Tribune : « Je ne vois pas à quoi l'euro va servir sinon à perturber gravement le monde des affaires. Chaque fois que je pose la question de savoir si c'est une bonne chose de réaliser la monnaie commune, j'entends toujours la même réponse : il faut le faire parce que nous ne pouvons pas nous permettre le luxe d'être laissés de côté. (...) Je n'ai jamais entendu sur ce problème que de mauvais arguments ».
    Mais la monnaie unique permettait, à la fois, de réaliser une fusion des marchés nationaux dans un vaste marché intérieur favorable aux grandes entreprises européennes et multilatérales ; d'octroyer du pouvoir à des banquiers dont les marges de manœuvre augmentaient à mesure que s'accélérait le processus d'intégration européenne, de perte de souveraineté des États et de création au niveau supranational de structures d'irresponsabilité collective ; et de créer des superstructures technocratiques européennes offrant aux hommes politiques européens en fin de parcours une sinécure à l'abri des regards indiscrets.
    Ainsi s'est opérée une translation subreptice du pouvoir dont quelques hommes politiques seulement ont perçu la gravité, tel Vaclav Klaus. L'ancien Premier ministre tchèque a déclaré : « L'Europe a eu des changements irrévocables pendant que la majorité des Européens, inconscients ou peu intéressés par l'enjeu, ne faisait pas suffisamment attention. La coopération intergouvernementale des différents pays, tendant à supprimer les barrières aux mouvements des hommes, biens, monnaie et idées, a été convertie, lentement mais sûrement, en la formation d'un État européen supranational visant à centraliser le pouvoir à Bruxelles, à l'élimination des états-nations européens et à la socialisation de l'Europe. Etant donné la douce négligence de la majorité des Européens, une minorité d'activistes pro-européens et une bureaucratie européenne possèdent les clefs du pouvoir. »      
    Daniel Aman monde & vie du 10 décembre 2011

  • La régulation bancaire au pistolet à bouchon

    Ce sera sans doute la perle de la crise. Karine Berger, députée socialiste, rapporteure du projet de loi dit de « séparation » et de « régulation » des activités bancaires, reprenant la parole en commission des finances après les exposés de MM. Chifflet, Bonnafé et Oudéa, respectivement président de la Fédération bancaire française, président de la Société Générale et directeur-général de BNP-Paribas : « Vos trois exposés laissent paraître que vous n’êtes pas réellement gênés par ce projet de loi ; j’en suis à la fois étonnée et ravie » [1]…

    Qu’elle en fût uniquement étonnée n’aurait trahi qu’une charmante simplicité d’esprit. Qu’elle en soit au surplus ravie ne laisse plus le moindre doute quant au côté où elle se tient. Pour notre part, plus rien ne nous étonne dans les rapports du socialisme de gouvernement et de la finance — quant au ravissement, évidemment… « I am not dangerous », s’était empressé de préciser François Hollande à l’adresse de la City qu’il était venu rassurer après l’avoir nommée « l’ennemi sans visage », sans doute dans un moment d’égarement, caractéristique du contact avec la foule des meetings. Heureusement vite rattrapé.

    La députée Berger et le ministre de l’économie et des finances Moscovici, eux aussi, poursuivent le minotaure au pistolet à bouchon — inutile de rentrer les enfants, on ne prévoit pas de bain de sang.

    Régulateur bancaire

    Ce sera donc du gâteau pour les historiens d’ici quelques décennies de se livrer à l’analyse comparée des réactions respectives à la crise financière des années trente et à celle de 2007, et l’on saura à quoi s’en tenir quant à la tenue des élites des deux époques, leur degré de compromission avec les forces de la finance et de servilité vis-à-vis des puissances d’argent. « La solution du rapport Liikanen est certes trop radicale… », déclare sur le ton de l’évidence Karine Berger, à propos d’une de ses dispositions (relative au traitement des opérations dites de « tenue de marché »). « Certes ». Fouetter les banquiers avec le plumeau du rapport de la Commission européenne, c’est en effet d’une insoutenable violence. Ne connaissant pas à Karine Berger de lien financier crasseux avec les institutions bancaires — à la manière de certains économistes en Cercle — nous savons donc maintenant qu’on peut être vendu(e) à la finance sans en toucher le moindre sou ! Ce qui est peut-être pire encore… Un article de Benjamin Masse-Stamberger sur l’art et la manière du lobbying bancaire de vider un projet de régulation de toute substance [2], nous apprend (entre autres) que la vice-présidente (socialiste) de la commission des finances, Valérie Rabault, est l’ancienne responsable Risk Strategy des activités dérivés-actions de BNP-Paribas. « Loi de régulation bancaire », « commission des finances », « vice-présidente socialiste », « BNP-Paribas dérivés-actions » : inutile de jouer à « cherchez l’intrus » dans cette liste, dans le monde où nous sommes, il n’y en a plus. Bien sûr, dans un geste altier et pour ne pas donner prise à l’accusation de « conflit d’intérêt », Valérie Rabault, vice-présidente (socialiste) de la commission dérivés-actions de l’Assemblée nationale, a décliné d’être rapporteure du texte de loi. Il faut bien admettre que le cran juste au-dessus aurait consisté à faire rédiger le texte directement par Michel Pébereau, et ça aurait fini par se voir.

    Mais au fond de quoi s’agit-il ? Trois fois rien : la race des seigneurs de la finance globalisée a perdu aux alentours de 2 000 milliards de dollars dans l’une des crises les plus retentissantes de l’histoire du capitalisme ; les banques françaises, pas feignantes, ont tenu à figurer dignement et à prendre toute leur part du bouillon. Car, pour toutes ses fanfaronnades, le système bancaire français aurait purement et simplement disparu sans les concours massifs de la Banque centrale européenne (BCE) et les aides d’Etat apportées par véhicules ad hoc interposés [3]. Sans doute les montants mobilisés en France sont-ils moindres qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni — il a fallu tout de même que ces véhicules lèvent 97 milliards d’euros [4] pour nos chères banques. Les banquiers se croient dégagés de tout arriéré au motif qu’ils ont remboursé les aides d’Etat. On leur rappellera donc d’abord que les contribuables français et belges plongent — pour l’heure — de 12 milliards pour le compte de Dexia. On leur rappellera surtout que le remboursement en question ne les exonère de rien du tout, et notamment pas de l’effondrement de croissance qu’ils ont laissé derrière eux, où nous sommes encore pour un moment, avec les dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires qui vont avec.

    Dans Le Monde diplomatique de février, en kiosques : « Notre solution pour l’Europe », d’Alexis Tsipras et « Comment contourner l’impôt sans s’exiler » d’Alexis Spire. Il était question d’historiens à l’instant, gageons qu’un de leurs motifs d’ébahissement tiendra à l’extravagante indulgence dont le groupe social de la finance aura pu jouir relativement à l’ampleur de son pouvoir de destruction avéré. Car cinq ans après le désastre : rien ! — et la « loi de séparation et de régulation bancaire » est à peine mieux que rien. L’idée de départ était pourtant simple : les marchés sont intrinsèquement instables, les activités de marché sont donc intrinsèquement déstabilisantes. Pas seulement pour elles-mêmes mais pour l’économie tout entière quand l’accident franchit des seuils critiques. Par conséquent, de deux choses l’une : ou bien l’on en prend son parti et l’on s’habitue par avance à devoir régulièrement repasser par des épisodes semblables, avec récession et mobilisation du corps social tout entier pour sauver la finance ; ou bien on choisit d’y mettre un terme, c’est-à-dire de cantonner la nuisance au cordon sanitaire. Dans un mélange de candeur et de parfaite sûreté de soi, Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale, en effet « pas gêné » (au sens de Karine Berger), a cependant fini par lâcher le morceau en avouant que la loi de « séparation » n’allait le séparer que de 1,5 % du total de ses activités…

    Pour avoir, donc, quelque chose qui ne soit pas rien, il aurait fallu au texte de loi, en dépit de toutes ses dénégations, ne pas se laisser complètement intoxiquer par les jérémiades de l’industrie financière qui jure que chacune de ses opérations, même des plus scabreuses, est une « contribution au financement de l’économie ». Mais les esprits socialistes ont été dévastés par l’idée que le financement par le marché est d’une incontestable modernité — « et donc » toutes les activités connexes qui vont avec : couverture, fourniture de liquidité, financement du shadow banking system etc. Reste 1,5 %.

    Tout au marché

    « Quand certaines entreprises comme Vinci, ont besoin, pour financer des projets à dix ou quinze ans, de plusieurs centaines de millions d’euros, elles se tournent non pas vers des banques commerciales mais vers des banques d’affaire, qui pratiquent là des activités de marché non pas spéculatives mais utiles à l’économie concrète », proteste Karine Berger pour rejeter un amendement qui demandait plus que la simple filialisation des activités de marché. Mais rien n’établit que le coût total du financement obligataire soit beaucoup plus compétitif que celui d’un crédit bancaire classique. En revanche, on sait avec quelle brutalité une entreprise en difficulté peut se voir refuser tout accès aux marchés — ironie du sort, elle n’a plus alors qu’à trouver une banque secourable qui acceptera de lui sauver la mise avec du bon vieux crédit à la papa. Les banquiers français glapissent que, empêchés de conduire ces opérations de marché, ils perdraient clients, chiffre d’affaire et profit. S’agissant de leur chiffre d’affaire, de leur place dans la hiérarchie mondiale des plus grandes banques, et de leur profit, la collectivité doit d’emblée affirmer clairement qu’elle s’en fout ! Le corps social n’a aucun intérêt à jouer au jeu infantile de la plus grosse qui passionne les capitalistes (plus encore les financiers), il aurait même l’intérêt exactement contraire. Il s’en aperçoit désagréablement au moment de ramasser les morceaux en prenant conscience qu’un secteur bancaire qui pèse (en actif total) jusqu’à quatre fois le produit intérieur brut (PIB), comme c’est le cas en France, lui laisse entrevoir l’ampleur possible de la facture — et que la « grosse » lui laisse le fondement un peu douloureux.

    Que les banques ne soient pas trop grandes, mais ternes et sans attrait, qu’elles fassent des profits modestes qui ne leur donnent pas le délire des grandeurs et n’engraissent pas les actionnaires (ou les traders), c’est exactement l’objectif à poursuivre. Quant à leurs grands clients, ces derniers comprendront assez vite que, supposé un coût supérieur du crédit bancaire (par rapport au financement de marché), celui-ci paiera bien la continuité d’une relation partenariale qui ne les abandonnera pas au premier tournant — là où les marchés les éjecteraient à la moindre difficulté sérieuse. Il y a donc peu de chance pour que Vinci ne confie plus ses destinées qu’à Goldman Sachs.

    Mais la manie des marchés qui habite les socialistes français va maintenant jusqu’à souhaiter d’y plonger les petites et moyennes entreprises (PME). On sait assez que les relations de ces dernières avec les banques ne sont pas une allée semée de pétales de rose… Mais l’idée de les rendre modernes en les envoyant se faire voir au marché est une trouvaille où l’ineptie le dispute à l’entêtement idéologique. Car de deux choses l’une : ou bien seule la crème des PME y aura accès et alors, par construction, la chose demeurera marginale ; ou bien l’on y envoie gaiement le gros de la troupe, soit des milliers d’entreprises, et l’on se demande bien comment les analystes financiers ou les agences de notation pourront avoir quelques suivis sérieux d’un nombre aussi élevé de débiteurs, là où les réseaux d’agences bancaires, au contraire, ont une connaissance locale et fine de leurs clients — attendons-nous donc aux ratings à la louche façon subprime.

    « Les activités de marché comme le cochon (tout est bon) »

    Bien sûr l’élite bancaire ne se reconnaît pas entièrement dans la métaphore charcutière, mais c’est quand même un peu l’idée. Ou plutôt le sophisme : si la forme supérieure du financement de l’économie est à trouver dans le marché, alors tout ce qui contribue à la belle activité du marché est peu ou prou désirable. Sous une forme un peu plus sophistiquée, l’argument se décline le plus souvent sous la thèse increvable de la liquidité : pour que des agents de l’économie réelle émettent avec succès des titres sur les marchés, il faut qu’ils trouvent preneurs, et pour que les preneurs acceptent de souscrire, il faut qu’ils soient certains de ne pas rester « collés » et de pouvoir sortir à tout instant du marché. Il importe alors que le segment de marché considéré connaisse une activité permanente suffisante pour que chaque vendeur soit assuré de trouver acheteur (et réciproquement). La liquidité, voilà donc la justification ultime de la spéculation qui en finirait presque par se présenter comme un service public : foin des appâts du profit — du tout, du tout — les spéculateurs, certes en première instance, étrangers à l’économie réelle, n’en sont pas moins ses fidèles desservants puisqu’ils s’offrent à être contreparties pour tous les autres agents qui ont besoin d’entrer ou sortir du marché, assurant finalement qu’il tourne bien rond, donc permettant qu’il finance efficacement… les agents de l’économie réelle, quod est demonstrandum.

    Dire « spéculateur » est par conséquent inutilement blessant : préférer « teneur de marché ». Certes la « tenue de marché » révèle de fortes accointances avec la recette du pâté d’alouette car — étonnamment — on observe en général dix fois plus d’opérations spéculatives que d’opérations à finalité « réelle » — pour sûr le marché est bien tenu… La plus charitable des interprétations conclurait que le « service public de la liquidité » est fâcheusement entropique — et en fait, pur prétexte à la pollution spéculative. La liquidité serait aussi bien assurée avec… neuf fois moins d’opérations de « teneur de marché », et encore par beau temps seulement. Car, en cas de coup de tabac, les « teneurs », pas fous, font comme tout le monde : ils fuient le marché à tire-d’aile, laissant la liquidité s’effondrer, au moment où on en aurait le plus besoin.

    Ce sont pourtant ces opérations de teneur de marché que la loi de « séparation » tient beaucoup à ne pas séparer — à l’inverse de la Commission européenne (rapport Liikanen), qui cède visiblement à tous les vents mauvais du populisme. Évidemment n’importe quelle opération spéculative pour compte propre peut, sur simple demande, être requalifiée de « tenue de marché » — c’est bien pratique. En résumé, tout et n’importe quoi sur les marchés est tenue de marché : toute offre puisqu’elle permet à un acheteur d’acheter, et toute demande puisqu’elle permet à un vendeur de vendre… Il suffisait d’y penser ! Puisque n’importe quoi contribue à tenir le marché et que le marché est ce-qu’il-nous-faut-pour-financer-l’économie, il faudrait être idiot, inconscient ou de mauvaise foi pour séparer quoi que ce soit — puisque tout sert. La commission des finances française s’est rendue sans hésitation à cet argument de simple bon sens — moyennant quoi, en effet, 1,5 % et Oudéa pas gêné.

     Ne pas rompre avec nos amis les « hedge funds »

    C’est une direction tout à fait semblable, et en fait identiquement argumentée, que prend le texte de loi en matière de relation des banques avec les hedge funds. Fléaux avérés, les hedge funds, dont c’est constitutivement le principe que de prendre des positions risquées et très leviérisées, devraient être isolés dans l’équivalent financier de léproseries, et en tous cas interdits de toute relation avec le système bancaire — après tout, que les héros du marché se débrouillent pour trouver leur financement sur les marchés. Mais, se dit le ministre Moscovici, les hedge funds sont des éléments de ce shadow banking system, dont nous savons qu’il détient maintenant quelques 20 % du total des actifs financiers — interprétés, toujours par le même contresens, comme « 20 % des contributions au financement de l’économie » —, c’est donc très important — parce-que très utile à l’économie. La conclusion s’ensuit, comme déroulé de papier à musique : il ne faut surtout pas empêcher les banques de financer les hedge funds qui financent l’économie. Bravo ministre ! Une objection élémentaire lui signalerait pourtant que les banques pourraient financer directement l’économie au lieu de passer par la case hedge funds… qui en fait Dieu sait quoi. L’objection pourrait d’ailleurs être généralisée à tout le shadow banking system, ce trou noir agglomérant les entités financières les plus obscures et les moins régulées, et qui a pris cette importance uniquement parce que le crédit bancaire s’est laissé évincer au nom de la modernité. Que les banques universelles cessent de financer par crédit ce système de l’ombre, et ce serait simultanément le meilleur moyen d’en piloter l’attrition relative, et pour elles-mêmes de se protéger de la vérole que ce système ne cesse de répandre — rappelons que la catastrophe Bear Stearns commence avec la fermeture de ses deux hedges funds les plus « sophistiqués », que BNP-Paribas avait dû fermer inopinément trois des siens à l’été 2007, et que la grosse catastrophe tourne vraiment au vilain avec la fermeture des money market funds à l’automne 2008. Personne ne pourra soutenir qu’un financement sain des entreprises et des ménages ne pourrait être pris en charge par le simple crédit bancaire et ne pourrait être assuré que par ces entités.

    Mais non ! Les banques universelles pourront continuer de prêter aux hedge funds et d’exposer à leur risque les dépôts du public. « Nous avons pris toutes les précautions », se défendent les promoteurs du texte, voyez seulement l’alinéa 10 de l’article premier : les banques ne pourront avoir d’exposition non sécurisée vis-à-vis des fonds à effet de levier. Et puisque ne seront autorisées que les transactions « sécurisées », n’est-ce pas que la sécurité règnera ? Mais en quoi ces sécurisations consistent-elles au juste ? En cette pratique extrêmement commune de la finance spéculative dite de la « collatéralisation » : une entité emprunte auprès d’une autre en déposant en gage un actif d’une valeur équivalente à celle du prêt contracté. Or rien n’est sûr dans cette affaire ! On notera pour commencer que toutes les opérations de prêt à des hedge funds sont déjà collatéralisées (« sécurisées » au sens Moscovici-Berger) — c’est simplement l’actuelle pratique ordinaire en cette matière ! Et l’on comprendra alors que le texte de loi ne produit rigoureusement aucun changement, donc aucune restriction sous ce rapport.

    Les illusions « collatérales »

    Mais surtout les actifs apportés en collatéral peuvent voir leur valeur s’effondrer, précisément à l’occasion d’une crise — les collatéraux sont supposément des papiers de « très bonne qualité », mais l’épisode de 2007-2008 a suffisamment montré que le réputé triple-A parfois ne valait pas tripette… Le débiteur est alors prié de compenser par de nouveaux apports, mais en une conjoncture de crise où très probablement ses positions sont en train de se détériorer à grande vitesse, et où sa liquidité se trouve mise sous haute tension. En d’autres termes, le fonds débiteur doit se procurer un supplément d’actif collatéralisant, et pour ce faire, d’abord de la liquidité, au moment précis où celle-ci lui manque le plus — parfois au point de voir tous ses accès aux financements de marché brutalement interrompus. Comme on sait, ce sont ces tensions ingérables sur la liquidité qui ont électrocuté tout le système financier par les circuits de la collatéralisation (et des appels de marge) en 2007-2008.

    Du côté des créanciers qui reçoivent ces collatéraux, les choses ne sont pas plus sûres. Compte non tenu des problèmes soulevés à l’instant, les opérations de collatéralisation ne rempliraient vraiment leur office de back-up que si les collatéraux étaient rigoureusement conservés dans des comptes sanctuarisés. Mais qui peut croire qu’une banque pourrait ainsi mettre soigneusement de côté, en s’abstenant d’y toucher, les actifs qu’elle reçoit en collatéralisation de ses crédits ? Lorsque ceux-ci sont de bonne qualité (ou supposés tels), ils constituent une ressource financière qu’aucune banque ne consent à laisser oisive. Aussi la banque va-t-elle se défaire sans tarder du collatéral qui normalement la couvre, soit pour à son tour collatéraliser une de ses propres opérations quand elle se trouve du côté débiteur, soit pour retourner au cash en le vendant dans le marché. Il est désormais toute une partie des marchés monétaires, dite « Repo » (pour Repurchasing), qui procure de la liquidité à court terme contre collatéraux — et où ceux-ci circulent hardiment. Et lorsque vient le coup de grisou, i. e. le défaut d’un débiteur, par exemple d’un hedge fund, où est le collatéral ? Parti depuis belle lurette pour servir à prendre d’autres positions, dont certaines seront très probablement devenues perdantes en temps de crise — évidemment, tout comme la liquidité, la collatéralisation fait partie de ces « sûretés » qui fonctionnent très bien… quand elles n’ont à protéger de rien.

    Comme souvent en matière de finance, le diable est dans les détails, ou plutôt dans d’obscurs recoins techniques, à l’image, par exemple, de la question des exigences de marges dans les transactions sur dérivés — dont on jugera a contrario du caractère stratégique à la manière dont les velléités du Dodd-Frank Act en cette matière ont été soigneusement annihilées par le lobbying bancaire nord-américain. La « gestion des collatéraux » en fait tout autant partie. C’est en effet par ce genre de canaux que se propagent les spasmes de la finance. Au lieu de se gargariser avec l’illusion des « transactions sécurisées », le législateur socialiste s’il avait deux sous de volonté régulatrice, réformerait drastiquement les dispositions relatives au traitement des collatéraux — ou plutôt en instituerait, puisque en ce domaine, les opérateurs financiers font exactement ce qu’ils veulent. On mesurera d’ailleurs l’inanité du socialisme de gouvernement à ce fait qu’il réussit même à être en retard sur l’autorégulation de la finance ! Car les banques elles-mêmes, pour le coup conscientes de ce qui a failli les tuer, commencent à se préoccuper sérieusement de modifier leurs pratiques en matière de collateral management [5] — jusqu’au point d’envisager de réserver les collatéraux pour leur faire jouer pleinement leur rôle de sécurité.

    Malheureusement, l’autorégulation bancaire est affligée d’une lamentable inconstance. Sous le coup d’une peur bleue, les banquiers jurent qu’ils ont retenu la leçon et qu’on ne les y prendra plus… L’expérience montre pourtant que leurs bonnes résolutions s’évanouissent avec le temps qui les éloigne du traumatisme, pour être complètement oubliées quand revient l’euphorie de la bulle d’après. Ce que le législateur socialiste n’a visiblement pas bien compris, c’est la force de la loi, ou du règlement, seuls à même de tenir des autorégulés dont la « constance » est entièrement gouvernée par leurs affects du moment. Parmi toutes les œuvres utiles que ce texte de loi aurait pu accomplir, il y avait donc l’institution d’une stricte obligation de mise sous séquestre des actifs reçus en collatéral — et déjà l’on aurait entendu Frédéric Oudéa commencer à couiner. Proposition tout à fait générale et qui n’excluait en fait nullement d’interdire purement et simplement toute transaction des banques avec les hedge funds et le shadow banking system — après tout, on verra bien comment ces jolis messieurs se débrouillent privés de crédit bancaire.

    Quelle séparation ?

    Non seulement la matière séparée, à force d’exemptions et de validation des pratiques ordinaires, est-elle tendanciellement inexistante (1,5 %), mais la forme même de la séparation a tout du concubinage prolongé. De ce point de vue, la « Volcker Rule », les rapports Vickers et Liikanen, ainsi que le projet Moscovici ont au moins en commun le même entêtement dans le contresens, et la même illusion de la « capitalisation séparée », alias : on range les activités « à problème » dans une filiale soumise à des ratios de capital (Tier-1) « plus exigeants », et nous voila parés contre tout inconvénient.

    C’est n’avoir toujours pas compris que les ratios de solvabilité sont parfaitement secondaires dans ces processus de crise financière qui n’explosent que par le retournement brutal des jugements sur une classe d’actifs et la constriction foudroyante qui s’ensuit de la liquidité du segment de marché correspondant, puis de tous les segments latéraux, atteints de proche en proche par les effets de report de la ruée vers le cash [6]. On rappellera donc pour la énième fois que Bear Stearns et Lehman Brothers se sont effondrés avec des Tier-1 très au-dessus des minima réglementaires les plus exigeants. Après cinq années laissées à la méditation soigneuse des mécanismes et des conséquences de la crise financière, on est un peu consternés que les apprentis régulateurs n’aient toujours pas saisi que les plus belles capitalisations séparées ne protègeront jamais une banque de marché du désastre.

    En réalité, la seule mesure faisant quelque peu sens en cette matière est celle proposée par Goodhart et Persaud de rendre les ratios de solvabilité contracycliques [7] : plutôt que d’être fixées une fois pour toutes, les exigences de fonds propres croîtraient proportionnellement aux prix de marché d’une certaine classe d’actif suspecte d’être en proie à une bulle, et des encours de crédit qui s’y déversent. Encore faut-il ne pas se méprendre sur l’effet véritable de cette mesure, qui a moins, comme on le répète à satiété, pour propriété principale d’épaissir le « coussin de capital permettant d’absorber les pertes », que de resserrer progressivement la capacité des banques à accorder des crédits dans le segment de marché considéré, donc de ralentir le développement de la bulle. En d’autres termes, les ratios de capital contracycliques ne participent pas tant, comme on le croit le plus souvent, d’une politique prudentielle que d’une politique monétaire (mais poursuivie par d’autres moyens), puisqu’il s’agit moins de renforcer la base de capital des banques que de réguler leur offre de crédit.

    Misère de la filialisation

    Les contresens de principe n’excluant pas ceux d’exécution, le recours à la filialisation, par opposition au bank split en bonne et due forme, vient porter la complaisance régulatrice à son comble. Karine Berger s’exclame en commission des finances qu’en cas de pépin, la filialisation laisserait intacte à coup sûr la maison-mère — dépositaire des encaisses monétaires de la clientèle des particuliers. Car le texte de loi stipule que la filiale de marché doit être traitée par sa holding comme une entité extérieure, en conséquence de quoi lui sera appliquée la directive « grands risques » qui interdit à une banque de concentrer plus de 10 % de ses fonds propres dans des engagements risqués sur une seule entité. La banque holding ne pourrait donc se livrer à un éventuel renflouement de sa filiale au-delà de cette limite, en foi de quoi Karine Berger croit pouvoir conclure qu’« à [son] sens c’est la garantie d’une étanchéité absolue en cas de faillite d’une filiale vis-à-vis de la maison-mère » [8]. Il est cependant possible que « son sens » ne soit pas celui auquel il faille se confier aveuglément, et pour de nombreuses raisons.

    En premier lieu, l’« étanchéité absolue » est tout de même autorisée à laisser passer 10 % des fonds propres… En second lieu, le règlement n°93-05 de la Banque de France, relatif au contrôle des « grands risques » [9], indique que le volume de risques sur une seule entité s’entend comme « risques nets pondérés », ce qui signifie que le volume brut de crédit de secours apporté par la holding à la filiale pourrait aller bien au-delà du seuil des 10 % de fonds propres. C’est bien ce volume brut qui importe en situation de crise, où comptent avant tout les ressources mobilisables pour faire face à une crise majeure de liquidité. On peut donc gager que la holding fournirait tout ce qu’elle peut à sa filiale pour la sauver, jusqu’au point où ses engagements bruts sur cette dernière excèderaient significativement 10 % de ses fonds propres — 10 % tout ronds, pour BNP-Paribas, ça fait tout de même déjà 7,5 milliards d’euros, une paille si la filiale venait en bout de course à faire défaut pour de bon. Mais comme toujours dans cette affaire, le danger n’est pas tant de manger les fonds propres que de se trouver face à des besoins urgents de liquidité impossibles à satisfaire. Or, précisément, en situation de crise, la liquidité est LE problème, et pour tout le monde. Qui peut imaginer que le spectacle d’une holding contrainte d’apporter dans la précipitation des concours à sa filiale, donc qui exprimerait des besoins de liquidité massifs, laisserait les opérateurs de marché indifférents, et qu’en serait-il alors de la possibilité effective pour cette holding de les financer ?

    C’est en général à ce moment que la question de la solvabilité, objectivement secondaire, n’en fait pas moins retour, mais sous la forme vicieuse d’un accélérateur de panique. Car, pour tous leurs défauts de pertinence, les ratios de solvabilité n’en sont pas moins scrutés par les opérateurs des marchés de gros du crédit [10], où ils sont interprétés comme un signal sur la qualité des débiteurs… même pour la fourniture de liquidités de court terme [11]. C’est tout le charme de la finance de marchés que la croyance y fait loi : il suffit donc que le jugement des opérateurs se cristallise sur un indicateur quelconque pour que celui-ci acquière une importance, et un pouvoir d’entraîner des effets, qu’il ne possède nullement par lui-même. Si les opérateurs se mettent — et c’est le cas en situation de crise ! — à considérer que les débiteurs doivent être jugés d’après leurs ratios Tier-1 et que seuls les meilleurs auront accès à la liquidité, malheur à celui qui vacillera en cette matière : ses sources de financement se fermeront les unes après les autres, jusqu’à l’apoplexie finale… semblant donner raison à la « théorie » qui se sera en effet révélée « vraie »… mais pas du tout pour les raisons qu’elle croit. En tout cas voilà aussi ce qui pendra au nez de la holding encombrée d’une filiale de marché en train de prendre l’eau : car la holding devra consolider les pertes de cette dernière… et voir ses propres ratios de solvabilité prendre sérieusement de la gîte. Avec menace subséquente sur sa propre capacité à maintenir la continuité de ses financements… au moment où ils devraient être le mieux garantis pour venir au secours de la filiale en perdition.

    Pour une loi d’apartheid bancaire

    A part ça, Karine Berger voit dans la (fausse) séparation par filialisation « une garantie d’étanchéité avec la maison-mère ». « A [son] sens ». Mais tout est faux, « au sens » de n’importe quel autre regard tant soit peu décidé à tirer les conséquences de ce qui s’est passé, dans les invraisemblables préventions dont ce texte de loi fait preuve à l’égard de ce qu’on présenterait sans exagération comme le plus grand pouvoir de destruction sociale — mais celui-ci est en costume trois pièces, en vertu de quoi il passe rigoureusement inaperçu… en tous cas aux yeux de ses semblables. Pour qui pourtant veut bien se donner la peine de simplement s’y pencher, l’histoire économique, et sur tous les continents ou presque, regorge d’épisodes attestant la nocivité des marchés de capitaux libéralisés. La moindre des réponses à la crise présente, sans doute l’une des plus graves de toute l’histoire du capitalisme, ne pourrait viser en dessous de la ségrégation complète des activités de marché, dont il faut redire, et là encore attestation historique en main, qu’elles ne rendent aucun service important, ou presque, que le simple crédit bancaire ne saurait rendre («  et la Bourse des actions ! », s’écrient alors éperdus les amis de la finance de marché, même sous le fordisme il y en avait une — c’est qu’il n’était pas allé assez loin et ne s’était pas aperçu qu’on peut carrément s’en passer [12]).

    Par une indulgence en fait coupable, on pourrait tolérer qu’il demeure des activités de marché. Mais sous l’interdiction formelle faite aux banques de dépôt d’avoir le moindre contact avec ceux qui s’y livrent. Comme on pouvait s’y attendre, la première protestation apeurée (bien à tort) des banquiers français est allée au rappel de ce que le modèle de banque n’était pour rien dans cette affaire, qu’on avait vu de pures banques de marché, comme Bear et Lehman, aller au tapis, et que les banques universelles « à la française » s’était très honorablement comportées. Sauf vaine discussion sur les points d’honneur de la profession bancaire, et le « comportement » réel des banques françaises à l’épreuve de la crise, on appréciera davantage le culot de ces messieurs. Qui sont touchants de candeur de nous enseigner que, oui, être assis sur le tas des dépôts aide bien à amortir les gamelles ! On en est donc arrivé au point où il faut leur rappeler que l’argent du public n’a pas exactement pour vocation de les aider à tenir plus confortablement le choc de leurs pertes spéculatives — on mesurera d’ailleurs l’arrogance innocente de la finance qui, pour se défendre, ne voit même plus le mal à consentir l’aveu qu’elle compte exposer les dépôts aux risques de ses turpitudes spéculatives, et qu’elle est même bien contente de les avoir sous la main !

    Même le banking split complet [13], en lieu et place de la filialisation et des conceptions passablement Titanic que Karine Berger se fait de « l’étanchéité », ne suffirait pas à apporter une réponse satisfaisante. Il faut couper absolument toute connexion entre les institutions de dépôts et les banques de marché, non seulement, évidemment, tout lien capitalistique du type holding-filiale, mais tout lien de crédit ou de contrepartie avec n’importe quel acteur spéculatif, puisque c’est aussi par ce genre de canaux que les dépôts finissent par se trouver exposés. Ceci signifie qu’une banque commerciale ne pourra en aucun cas être impliquée dans une relation de crédit avec une banque de marché — en tous cas du côté créancier. Laquelle clause suppose alors d’instituer deux marchés interbancaires séparés. Voilà ce qui suit de prendre au sérieux l’idée de séparation bancaire : séparation dans tous les domaines ! Séparation des institutions bancaires elles-mêmes ; séparation de leurs conditions réglementaires (ratios de capital, leviérisation, etc.) ; séparation des marchés interbancaires ; et comme on l’avait proposé il y a quelque temps déjà [14], séparation des taux d’intérêts de la banque centrale pour les refinancements respectifs des banques commerciales et des banques de marché [15].

    Si le socialisme de gouvernement n’était pas complètement colonisé de l’intérieur par la finance, s’il lui restait quelques audaces et s’il avait pris un tant soit peu la mesure des désastres que la finance de marché a infligés au corps social, ça n’est pas cette indigente loi de « séparation » qu’il lui imposerait. Mais une loi d’apartheid.

    Par Frédéric Lordon 
    Le Monde Diplomatique via  http://fortune.fdesouche.com/

    Notes

    [1] Compte-rendu n°60, commission des finances, séance du mercredi 30 janvier 2013, p. 7.

    [2] Benjamin Masse-Stamberger, « Réforme bancaire : des lobbys très investis », L’Expansion, 5 décembre 2012.

    [3] La SFEF (Société de financement de l’économie française) pour les crédits de secours et la SPPE (Société de prise de participation de l’État) pour les apports en (quasi) fonds propres.

    [4] Dont 77 milliards au titre des prêts de la SFEF et 20 milliards au titre des prises de participation de la SPPE.

    [5] Voir Anuj Gangahar, « Default protection : collateral management grows in strength », Financial Times, 19 septembre 2011.

    [6] Voir « L’effarante passivité de la “re-régulation financière” », in Les Economistes Atterrés, Changer d’économie, Les Liens qui Libèrent, 2012.

    [7] Charles Goodhart, Avinash Persaud, « How to avoid the next crash », Financial Times, 30 janvier 2008.

    [8] Compte-rendu n°63, commission des Finances, séance du mercredi 30 janvier 2013, p. 10.

    [9] Périodiquement sujet à révision, la dernière datant du 23 novembre 2011.

    [10] Pour éviter toute confusion, il est utile de préciser que, en dépit de leur appellation, les « marchés de gros du crédit » ne produisent pas stricto sensu du crédit, opération de création monétaire dont seules les institutions bancaires sont capables, mais offrent des financements obligataires.

    [11] Tandis que la solvabilité est typiquement un indicateur de robustesse financière de long terme.

    [12] Pour une exposition détaillée de cette proposition, voir « Et si on fermait la Bourse », Le Monde Diplomatique, février 2010.

    [13] C’est-à-dire l’extraction de toutes les activités de marché, placées dans une nouvelle entité n’ayant aucun lien capitalistique avec la banque d’où elles ont été sorties.

    [14] « Quatre principes et neuf propositions pour en finir avec les crises financières », 23 avril 2008.

    [15] L’idée étant de pouvoir tuer une bulle au début de sa formation en portant les refinancements des banques de marché à des taux d’intérêt meurtriers sans nuire par ailleurs au prix du crédit à l’économie réelle.

  • La Confédération suisse prend Piero San Gorgio au sérieux

    Contrairement a l’état Francais, qui s’obstine dans le déni, les autorités suisses prennent les réalités en compte et se préparent à affronter les défis immenses du XXIème siècle. Ainsi, Piero San Giorgio a pris la parole devant les officiers et sous-officiers supérieurs de la brigade d’infanterie 2, ce 15 février, pour le bilan de l’année 2012 et pour fixer les points forts de l’année 2013.

    La vision de l’essayiste Piero San Giorgio, qui prévoit un prochain effondrement social et économique dans les dix années à venir, se veut « réaliste » au vu des convergences qu’il observe. « Je ne prédis pas l’avenir », affirme-t-il. « J’observe des tendances lourdes et je tire les conséquences. »

    Pour l’assemblée réunie, il retrace alors, images à l’appui, certaines de ces tendances. Suite à la crise financière de 2008, le monde subit de rapides changements structurels au niveau économique. La plupart des États développés sont lourdement endettés et la croissance n’est plus au rendez-vous. L’orateur souligne que les États-Unis croulent sous une gigantesque dette de 16 000 milliards de dollars ; l’Europe connaît le chômage de masse avec 11 % de la population sans emploi ; quant au Japon, il est entré depuis plusieurs décennies maintenant dans la spirale de la déflation.

    Parallèlement à la stagnation de la croissance, la population de la planète est en train de croître à un rythme exponentiel. Cette hausse n’ira pas sans peser lourdement sur l’accès aux ressources vitales. Le pétrole, l’eau et la production agricole se raréfieront ainsi rapidement à l’avenir, ce qui contribuera à accélérer l’effondrement économique.

    Dans ce contexte, le rôle de notre armée qui est la garante de notre démocratie et de notre liberté devient dès lors primordial. Il faut se préparer au scénario du pire : « Nous allons redécouvrir un monde de manque et de pénurie. »

    Face à cela, l’orateur appelle les autorités à faire preuve de prévoyance, car selon lui « Il n’y a que les fous et les économistes pour croire que nous allons pouvoir croître à l’infini. »

    http://www.egaliteetreconciliation.fr

    Retrouvez Piero San Giorgio sur Kontre Kulture :

    Découvrir le site de notre partenaire :

  • USA / UE : ce que les médias n’ont jamais dit…

    L’annonce par le président Obama lors de son discours sur l’état de l’Union, le 12 février 2013, du lancement d’une zone de libre-échange transatlantique a déclenché une série d’articles et de commentaires dans les médias français.

    Ces derniers découvrent subitement l’existence d’un projet permettant l’émergence d’une zone représentant 40 % du PIB mondial et assurant environ 700 milliards de dollars d’échanges de biens et de services entre l’Ancien et le Nouveau Monde. Bien entendu, cette presse française est incapable de relever les acteurs véritables à l’origine de la déclaration du président américain. N’oublions pas que ces dirigeants politiques ne sont que les porte-voix plus ou moins efficaces de l’oligarchie. Le président Obama, dans sa course à l’investiture présidentielle, préparait déjà le terrain en appelant à « l’unité transatlantique » dans un discours à Berlin [lien en anglais] en juillet 2008.

    Outre le rôle de la Commission européenne, du Transatlantic Policy Network, des déclarations du Président Kennedy et de Richard de Coudenhove-Kalergi appelant à une « Union atlantique » évoqués dans notre article (« Vers le marché transatlantique »), il est utile de rappeler que l’accélération du processus s’est produite en 2002/2003 grâce à l’action de groupes de travail germano-anglo-américain, sous l’égide de la Fondation Bertelsmann. Notons qu’en dehors de ce milieu germano-anglo-saxon, nous trouvons quelques participants apatrides comme Mario Monti, Pascal Lamy, Jean-Claude Trichet ou encore Jean-Louis Gergorin. La parution de notre livre « La décomposition des nations européennes » avec le sous-titre « De l’union euro-atlantique à l’État mondial », en 2004, annonçait pour la première fois le processus d’unification euro-américain. Cet ouvrage n’a reçu aucun écho. [...]

    Pierre Hillard - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net

     
  • Une idée qu'elle est bonne !

    «Les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent», chantait Stephan Eicher. Croissance zéro, déficit agravé, taxes en hausse, peu d'emplois créés, beaucoup d'emplois détruits. Au milieu du marasme, Jean-Philippe Chauvin, qu'il est inutile de présenter [en photo], a lancé une idée de ruralisation pour combattre le chômage. Il est rare en pays cartésien que l'on s'attaque intelligemment aux symptômes sans vouloir régler d'abord la ou les causes du mal, ce qui aboutit le plus souvent à n'aboutir à rien car l'entreprise est colossale. L'idée pleine de bon sens est développée dans un billet du 8 janvier intitulé Une Piste contre le chômage. Prolongeons sa piste, nous en ferons un chemin. Lisez-le, ce n'est pas long, sachant qu'il n'est pas nécessaire non plus d'attendre l'établissement d'une monarchie fédérative.

    Rénover l'habitat rural n'est pas une idée folle si elle ne convoque pas de gros crédits budgétaires, parce que les territoires vont être essorés par l'Etat central à compter de demain matin, c'est dans le brouillon du projet de loi de finances 2014. Sans justifier une par une les composantes du projet ci-dessous par un chapitre critique complet, en voici l'épure :

    §.1- But à atteindre : rénover l'habitat ancien en groupant les interventions sur une, deux communes non encore mortes pour commencer, afin d'apporter une masse critique de population supplémentaire en termes de services publics de proximité et de chalandise.

    §.2- Cadre géographique : le département. S'il n'est pas sollicité de concours financiers importants du Conseil général, il apportera sa pierre à l'édifice en termes d'autorisations et règlements divers, urbanisme, adductions, voirie... Le conseiller général peut en tirer gloire, ce qui n'est jamais négligé.

    §.3- Population visée : familles nombreuses mal-logées dont un adulte travaille, afin d'atteindre plus facilement des chiffres dans un premier temps, de transférer des secours publics tant qu'il y en aura, parfois un savoir-faire ou un talent utilisable à destination, et pour parier sur l'avenir par les enfants.

    §.4- Biens visés : biens abandonnés, successions vacantes, biens délaissés pour cause de rénovation lourde. Le soutien d'agences immobilières locales peut être déterminant pour sélectionner les biens transformables et ceux qui sont des loups.

    §.5- Moyens d'acquisition : les hoiries vacantes pourraient être préemptées par le département qui les céderait à la structure d'aménagement privé du paragraphe 7. Les biens abandonnés devraient être déclarés tels et cédés par la même procédure. Les biens à céder contre numéraire pourraient être achetés par des SCI associant la structure du paragraphe 7 et la famille intéressée (les valeurs sont généralement faibles, voir plus bas des prix bretons affichés avant transaction).

    §.6- Moyens de rénovation : c'est peut-être en ce "détail" que gît le diable. Le bénévolat n'est pas la solution ; trop d'aléas, connotation "restos du coeur". Il n'y a pas d'autre voie que de passer par un SEL¹ ou un groupe Castor². Les Impôts locaux risquent fort d'entraver l'exécution des programmes de rénovation car ils ne captent rien sur un SEL bien mené. A creuser sans retard !

    (1) Système d'Echanges Locaux. L'esprit du SEL est par ici
    (2) Coopératives d'autoconstructeurs ayant des accès matériaux et conseils

    §.7- Structure d'accueil : une association loi de 1901 dédiée à la rénovation rurale, appelant à cotisations le plus largement possible et organisant des souscriptions village par village ou SEL par SEL.

    §.8- Travail : le programme de rénovation donne déjà des heures de travail rémunérées d'une façon ou d'une autre. Sans atteindre l'autarcie, potager et basse-cour contribuent à l'ordinaire de manière sûre. Mais tout emploi extérieur au système ou à sa plus proche périphérie soulage le projet, d'où l'intérêt d'une qualification marchande des candidats. Pour mémoire, un salarié au SMIC 2013 coûte 21330 euros par an TTC.

    Cet épure n'a que le mérite, s'il existe, de créer huit points de discussion et réflexion. Ce peut peut être le squelette d'un dossier qui développerait les huit points en huit chapitres constitués chacun d'une présentation, une critique franche, de tableaux et références qui vont bien (EHESS, CNRS...) ; à la réunion desquels on obtiendrait un modèle solide servant à la promotion du projet par divers canaux (recherche d'associés, soutiens départementaux, presse, réseau immobilier...). Après la confection du Plan de développement, il faudrait commencer par un canton dans un seul département. Peut-être à lancer après les cantonales mais à préparer dès maintenant pour le faire mousser pendant la campagne électorale de 2015.

    A vous les studios !

    90m2 sur 400m² à 22000€ à déb. au Morbihan

    130m² à cloisonner dans les Côtes d'Armor, 18000€ à déb.

    4 murs droits de pierres, charpente et volige sur place, 15000€ à déb. avec 400m² en Îlle & Vilaine

    http://royalartillerie.blogspot.fr/
  • Le rôle objectif de la Gauche selon Michéa

    Chez Michéa, l’économie est perçue comme la religion de substitution des sociétés modernes. Le Progrès apparaît donc comme un messianisme, à la seule différence qu’il est séculier et non pas divin. Supposé scientifiquement continu donc, puisque l’Histoire aurait un sens, il vise à atteindre la fin de l’histoire. Le Machinal, la mécanisation intégrale de la vie, serait une évolution positive vers cela. L’homme, vu comme une machine, obéirait de manière mécanique à son comportement « naturellement » égoïste. Michéa pousse l’analyse encore plus loin : le Progrès serait une vision ethno et chronocentrée. Ce que Lasch, nous rappelle-t-il, nomme l’« ethnocentrisme du présent ».(1)

    En somme, le libéralisme serait un suprématisme qui s’ignore. Il nierait les alternatives à la commercial society et universaliserait « l’imaginaire spécifique » de l’Occident – d’où sa facilité à invoquer le droit d’ingérence. En outre, il postulerait (la « théorie des stades » de Smith) que chaque développement capitaliste mènerait à une société plus juste par le jeu des améliorations matérielles. Qu’il soit de mauvaise foi ou tout simplement aliéné par les mythes libéraux, le Progressiste, ce nouveau croisé, est donc la meilleure caution d’un système qu’il prétend haïr et combattre.

    Le Progressiste, croisé de la modernité

    C’est par une foi religieuse dans le Progrès que réside l’impossibilité de toute critique, sous peine de revenir à la guerre de tous contre tous. Tel est l’argument avancé par l’intelligentsia, qui est la caution intellectuelle de la modernité libérale. En disciple d’Orwell, Michéa rappelle dans Orwell, anarchiste tory que ce dernier avait déjà analysé le socialisme de l’ancien courtisan, devenu intellectuel de la Gauche « constituée », faite d’un « monde d’idées et [de] peu de contact avec la réalité physique. » (2) Animé par le ressentiment, dénué de sensibilité morale, l’intellectuel du 20ème siècle serait prêt à rejoindre toute puissance dominante. Pour reprendre l’expression d’Orwell, il peut s’agir d’un « nationalisme par transfert » (3), à savoir l’admiration pour une puissance étrangère, totalitaire de préférence. Michéa, pour sa part, rajoute la participation au monde des associations, qui « peuvent tout aussi bien ne représenter qu’une simple démocratisation de la volonté de puissance et donc une possibilité supplémentaire de parler au nom du peuple et de décider à sa place. » (4) Par l’utilisation de la langue de bois, dénaturant la langue – dont la Novlangue de 1984 constitue l’aboutissement – l’intellectuel tronque le réel à des fins idéologiques. En résumé, l’intelligentsia est toujours à la recherche d’un maître. Aujourd’hui, les États-Unis jouent ce rôle. Dans un échange avec Bruckner et Finkielkraut, Michéa note ainsi que les élites ressemblent bien plus à leurs homologues étrangers qu’aux gens ordinaires de leur propre pays. (5)

    Pour légitimer son maintien, la « Gauche » doit faire croire que tout obstacle au Progrès réactive les archaïques et dangereuses forces du passé. Il s’agit, lit-on dans Impasse Adam Smith, de mener « une croisade au sens le plus traditionnel du terme. » (6) Mais d’autres mécanismes sont à l’œuvre. Le Progressiste, analyse Michéa dans Orwell éducateur, est certes un croyant qui se pense a-moral. Se réclamant de l’humanisme négatif et machiniste des Lumières, il est profondément inhumain. Mais il est aussi infantile et a peur de devenir adulte, « individu narcissique moderne » qui a peur de vieillir. (7) D’où la régression anthropologique qu’induit l’homme nouveau du libéralisme, dont la figure paradigmatique, outre la Caillera, est plus spécifiquement l’individu jouisseur resté au stade du Moi tyrannique, ce qui se traduit pragmatiquement par un besoin forcené de consommer toujours plus, faute d’un sens de la mesure et de la décence. Par cette anthropologie, le libéralisme détruirait donc ses propres murs porteurs. (8) Car pour qu’un système instable puisse s’instaurer, il lui est nécessaire de prendre appui sur une base – donc un précédent – stable. Puisque l’homme est supposé agir en égoïste, rien ne le pousse, explique Michéa, à respecter la parole donnée ni le contrat passé si cela peut lui être bénéfique. Si personne ne s’en aperçoit, il pourra tout aussi bien choisir d’être malhonnête s’il en tire davantage de profit – comme avec le dégazage en pleine mer, par exemple. Avec la généralisation de cette pratique, c’est le soupçon et la défiance qui remplaceraient alors la confiance. Dans L’empire du moindre mal, il citait à ce sujet l’économiste Ian O. Williamson, dont la formule résumait la situation : « Une confiance fondée sur le calcul est une contradiction dans les termes. » (9) De plus, les nouvelles classes moyennes, constate Michéa, se trouvent principalement dans le secteur tertiaire, ce qui explique plus aisément leur caution au système progressiste.

    La gauche comme caution intellectuelle du libéralisme

    En disposant du « monopole des définitions » (10) depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, la Gauche « contrôle l’industrie de la bonne conscience ». (11) Et par sa position privilégiée dans le monde du spectacle et de la communication – les NTIC (Nouvelles technologies d’information et de communication) –, la Gauche exerce l’influence la plus déterminante dans le formatage des esprits et le ralliement au libéralisme-libertaire. Elle en explique aussi plus aisément leur caution au système progressiste. Consciemment ou inconsciemment donc, la Gauche – et plus particulièrement l’Extrême-Gauche, « cette pointe la plus remuante du Spectacle moderne » (12), remarque Michéa – sont les principaux alliés objectifs du néolibéralisme qu’ils prétendent combattre. Ils pensent, par exemple, la soumission à l’industrialo-marchand comme un acte rebelle et anti-capitaliste. Par ailleurs, le marché mondial nécessite une atomisation complète des rapports sociaux ainsi qu’une aptitude au déracinement perpétuel. Pour que la commercial society puisse se pérenniser, l’homme doit être flexible, un « atome absolu ». L’erreur du militant de Gauche, relève Michéa, est donc de s’attaquer aux figures de l’Église et de l’Armée déjà détruites par le système. Conservées par la bourgeoisie, ces valeurs forment un obstacle au capitalisme, en promouvant la filiation, l’appartenance et l’enracinement. Voir dans la destruction de ces autorités traditionnelles et symboliques une victoire contre le système capitalisme est donc un non-sens. Quant au nomadisme promu par les élites, celui n’a rien à voir non plus avec ce qui s’entend traditionnellement sous ce vocable. Le « nomade Bouygues », cosmopolite, touriste, avec pour seul patrie « un ordinateur portable », n’a rien de commun avec les vraies tribus nomades. Car celles-ci, malgré leur absence de sédentarité, se sont toujours fondées, lit-on dans Orwell éducateur, sur des traditions enracinées.(13) Pourtant l’extrême-gauche libérale nie que l’universel ne s’appréhende qu’à partir du particulier. Apatride, elle craint les formes de socialité traditionnelles et ses lieux d’exercice – famille, quartier et voisins. Un amour du lointain qui cacherait en réalité un mépris des gens ordinaires de son propre pays. L’antifascisme de confort sert alors de posture rebelle qui, par une contre-culture faussement subversive, confère à ses tenants une aura de résistants. Le spectacle, devenu la meilleure des polices (14), selon Michéa, les dispense de s’interroger sur leur implication dans la collaboration de classe avec le système qu’ils prétendent combattre, mais dont ils sont dans les faits les plus zélés chiens de garde. (15)

    Les classes populaires, pour leur part, refusent ce mythe du Progrès. Instinctivement, elles sont réfractaires à toute fuite en avant et conservent donc une dimension morale conservatrice. Ceci permet de cerner, d’après Michéa, l’incapacité qu’ont les élites – tout comme l’extrême-gauche – de comprendre les gens ordinaires qui constituent leur peuple. Le football est ici encore un exemple illustratif pratique. L’esprit jouisseur de l’intellectuel coupé du réel le ferme par avance à toute compréhension de l’ascèse et des vertus de la dépense physique. Mais surtout, le fait que le football soit « le sport populaire par excellence » (16) en fait une activité forcément beauf, vulgaire, de masse, en rupture avec l’idéalisation mécaniste que l’intelligentsia se fait d’un peuple qu’elle fantasme. Objectivement, la gauche est donc, là encore, la caution intellectuelle de l’industrialisation du sport, puisqu’elle est inapte à le comprendre, donc à en appréhender les dérives. Mais cette haine du « beauf », en réalité le travailleur des classes populaires, s’est en outre traduite par un glissement progressif. Le prolétaire, « travailleur directement exploité par les puissances du Capital », fut remplacé par la figure de l’exclu, voire du Lumpen, puis par le travailleur immigré, qui devint ensuite le simple immigré, pour aboutir à l’immigré clandestin.

    (1) Culture de masse ou culture populaire ?, préface, p.15.
    (2) Orwell (G), Le Lion et la Licorne, cité in Orwell, anarchiste tory, p.29n.
    (3) Orwell (G.), Essais, articles, lettres volume III, 101, « Notes sur le nationalisme », pp.470-472.
    (4) Orwell, anarchiste tory, p.37.
    (5) La révolte des élites – et la trahison de la démocratie, préface, p.9.
    (6) Impasse Adam Smith, p.33.
    (7) La culture du narcissisme, préface, p.12.
    (8) La double pensée, p.233.
    (9) L’empire du moindre mal, p.132.
    (10) Impasse Adam, Smith, p.84.
    (11) Ibid., p.52.
    (12) L’empire du moindre mal, p.12.
    (13) Orwell éducateur, scolies IV, [K], pp.130-131.
    (14) La double pensée, p.121.
    (15) Ce qui résulta, pour Michéa, de la défaite de « la séquence Lukacs – Ecole de Francfort – Socialisme et Barbarie – Henri Lefebvre – Internationale situationniste (séquence qui était porteuse d’une critique intransigeante, et difficilement récupérable, du mode de vie capitaliste) […] au profit de la séquence Althusser – Bourdieu – Deleuze – Foucault – Derrida, dont les conceptualisations élégantes et byzantines offraient évidemment l’avantage d’être beaucoup plus solubles dans le nouvel esprit du capitalisme (…) », La double pensée, p.57. C’est Michéa qui souligne.
    (16) Les intellectuels, le peuple et le ballon rond.