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économie et finance - Page 838

  • Bougez votre argent !

    Fin 2010, le footballeur Eric Cantona, choqué par les pratiques irresponsables des banques, proposait que chaque citoyen retire son argent de celles-ci pour les punir de leur cupidité. Il aurait fallu, pour que son intuition aboutisse, qu’il s’appuie sur des compétences et une stratégie dont il ne disposait pas. Ailleurs, des citoyens, journalistes, entrepreneurs et investisseurs s’y sont attelés, lançant le mouvement “Move your Money” (“Bougez votre argent”). Avec des résultats impressionnants.

    Quelques jours avant Noël 2009, Arianna Huffington -propriétaire du journal internet éponyme-, écrit sur son blog « si suffisamment de gens qui ont mis de l’argent dans l’une des six grandes banques (Américaines ndlr) le déplacent dans les banques plus petites, plus locales, alors, nous, le peuple, aurons collectivement fait un grand pas vers le rétablissement du système financier, afin qu’il redevienne ce qu’il est censé être: le moteur productif et stable de la croissance».

    Réduire la puissance des banques multinationales

    La fondation Move Your Money est lancée, ainsi qu’un site et un blog. Le spot très efficace d’Eugene Jarecki fait un gros buzz.

    La principale motivation de ce grand ‘déménagement’ bancaire est de réduire la puissance des banques multinationales et leur rôle sur les marchés financiers. Aux états Unis quitter une grande banque pour une banque locale est avantageux pour le consommateur, car le coût des services y est plus faible (en 2009, les frais de découvert étaient de 35 $ en moyenne dans les grandes banques, et 25 $ dans les petites.

    Un écart semblable existe pour les frais de chèque sans provision [1]) et, depuis plusieurs années, la satisfaction des clients y est régulièrement mieux notée [2].

    Les petites banques en prêtant plus aux entreprises (34% des prêts consentis) que les grandes (28%) [3] favorisent davantage l’économie réelle. Étroitement insérées dans une communauté locale envers qui elles sont redevables ces banques sont également plus fiables.

    A l’été 2012, 10 millions de comptes [4] avaient déjà été transférés des ‘Six Grosses’ banques de Wall Street [5] vers une banque publique (appartenant à une ville, un comté ou un État), une banque locale ou une coopérative de crédit.

    Des entreprises, églises, syndicats, universités, municipalités (Los Angeles…) et des États (Massachusetts, Nouveau Mexique…) rejoignent aussi cette relocalisation financière.

    Les britanniques rejoignent le mouvement

    Au Royaume Uni, Move Your Money UK est apparu en janvier 2012, lors d’une assemblée de citoyens organisée par la New Economics Foundation, Compass et le South Bank Centre. La campagne invite les Britanniques à retirer leur argent des grandes banques -qui ont toutes, à un certain degré, été impliquées dans la crise et les scandales financiers et n’ont toujours pas changé de comportement- pour le confier à des entreprises plus honnêtes : coopératives de crédit, mutuelles, entreprises vertes, etc.

    En juillet 2012, la révélation du scandale LiborGate (manipulation des taux interbancaires par Barklays et d’autres banques) met le feu à la campagne. Les banques vertueuses en profitent : la Cooperative Bank voit le nombre de demandes d’ouverture de comptes croître de 25% en une semaine.

    Chez Nationwide, il grimpe de 85%. « Ce sont les gens qui ont le pouvoir de changer la banque, pas les politiciens et moins encore les régulateurs, dit Bruce Davis, cofondateur de Zopa, un site de prêt mutuel en ligne. Plus qu’une décision de consommateur, c’est un choix démocratique, celui de retirer le pouvoir de l’argent à ceux qui croient qu’il leur est acquis » [6].

    Allemagne : Micro-banque coopérative

    Loin des produits financiers complexes et des parachutes dorés, Peter Breiter, 41 ans, est le seul employé de sa banque, Raiffeisen Gammesfeld. Il écrit à la main des bordereaux pour les 500 habitants du petits village allemand de Gammesfeld. La banque coopérative Raiffeisen Gammesfeld en Allemagne du Sud est une des plus petites banques du pays en termes de dépôts. Elle est aussi la seule à être tenue par un seul et unique employé.

    Les petites banques de ce type dominent dans le paysage bancaire allemand. Enracinées dans les communautés, elles offrent un éventail limité de services, de comptes bancaires et de prêts aux clients locaux, qu’ils soient entrepreneurs ou particuliers. Elles constituent même de sérieuses rivales pour les deux plus grandes banques allemandes, Deutsche Bank et Commerzbank.

    Pourquoi utiliser un distributeur automatique ?“, demande Friedrich Feldmann, un client patientant dans la petite salle d’attente de la banque lors de sa visite hebdomadaire pour retirer de l’argent liquide. “Elle coûtent de l’argent de toute façon“. Peter Breiter fournit de l’argent liquide aux habitants pour leurs besoins quotidiens et négocie de petits prêts pour les entreprises locales.

    L’employé de banque n’a même pas besoin d’ordinateur : sa machine à écrire et sa calculatrice lui suffisent amplement. Il connait tous ses clients personnellement, et joue aussi un rôle de conseiller professionnel et personnel.

    La prospérité des coopérative est étroitement liée à l’existence du Mittelstand, ces petites et moyennes entreprises, souvent familiales, qui sont au cœur de l’économie allemande et représente la clé des succès allemands à l’exportation. “Le Mittelstand est la sève de l’Allemagne, et ces entreprises sont souvent nos clients“, explique Steffen Steudel, porte-parole de l’association des banques coopératives, BVR, interrogé par Reuters.

    Parmi les clients de Gammesfeld : des fermiers, une entreprise de construction de panneau solaires d’environ 100 employés, une entreprise de fenêtres, celle qui a fourni les fenêtres de la banque.

    Si de nombreuses banques coopératives ont souffert de la crise financière, elle sont mieux résisté que d’autres banques car elles ne sont pas tombées dans le piège de l’expansion trop rapide, et ne se sont pas engagées dans des opérations à risque.

    Face au choc de l’effondrement de nombreuses grandes banques, la population porte un intérêt renouvelé aux coopératives, perçues comme stables et fiables, selon BVR. “Tout comme les consommateurs veulent savoir d’où viennent leurs aliments, ils veulent aussi voir ce que leur banque fait de leur argent”, analyse Steffen Steudel.

    Raiffeisen Gammesfeld limite ses activités à la banque de détail classique- pas de cartes de crédit, pas d’actions, pas de fonds, ni même de services bancaires en ligne. Les profits annuels s’élèvent à 40.000 euros environ et le plus gros prêt jamais accordé a été de 650.000 euros.

    En France, pas de banques locales, mais des banques plus éthiques

    En France, les banques locales ont peu ou prou disparu, elles ont du s’adosser à de grands groupes pour survivre, et sont passées, petit à petit, dans le giron d’un des huit grands réseaux bancaires. Néanmoins le collectif Sauvons les riches à créé, après l’appel de Cantona, le site internet jechangedebanque.org dans l’esprit de Move Your Money.

    Pour Les Amis de la Terre et ATTAC, deux établissements bancaires se détachent quand il s’agit d’éthique de gestion des fonds : la NEF et le Crédit Coopératif.

    La Nef agit en toute transparence, elle publie chaque année la liste nominative des prêts consentis à ses sociétaires ; on y croise le développement d’un collectif d’habitat groupé dans la Drôme qui côtoie la création d’un salon de coiffure itinérant en zone rurale dans le Finistère et la reprise d’une activité de Reliure dans l’Ain.

    Le Crédit Coopératif ne présente pas le nom de tous les emprunteurs mais c’est la première banque française à proposer aux particuliers de choisir la destination des fonds déposés sur leur compte à vue. Les sociétaires peuvent, sur leur compte chèque Agir, choisir que leurs dépôts soient prêtés « pour la planète », « pour une société plus juste » et/ou « pour entreprendre autrement ».

    Grâce à ces dépôts, la Biocoop Scarabée de Cesson, l’usine de méthanisation Geotexia à Saint Gilles du Mené ou encore le centre d’accueil et de protection infantile Raymond Lerch au Harve on pu bénéficier de prêts pour développer leurs activités. Pour la partie des fonds investie sur les marchés, le Crédit Coopératif travaille avec ECOFI une société d’investissement qui affiche ses convictions et son action pour la « finance patiente et non spéculative ». Elle figure parmi les pionniers de la finance éthique et solidaire.

    Le Label Finansol est un autre moyen pour identifier les produits financiers qui œuvrent pour l’économie humaine. Décerné par un comité indépendant depuis 1997, il évalue les caractéristiques éthiques et solidaires des produits de placement. Actuellement, 119 produits de finance solidaire sont labellisés par Finansol.

    Mettre son argent au service de sa vision du monde devient plus facile. Investissons dans nos idées !

    Notes :

    [1] Source : Moebs Economic Services
    [2] Source : JD Power & Associates
    [3] Source : Federal Deposit Insurance Corporation
    [4] Source : projet Move your Money
    [5] Il s’agit de JP Morgan/Chase, Citibank, Bank of America, Wells Fargo, Goldman Sachs et Morgan Stanley
    [6] Cité par Zoé Williams, The Guardian, 4 juillet 2012

    REUTERS et Kaizen-Magazine Via l’excellent blog Au Bout De La Route

    http://fortune.fdesouche.com

  • Politique et management

    La politique contemporaine, du moins celle qui sert de règle de conduite aux partis dits « de gouvernement », s’inspire depuis le tournant des années 70 (avec quelque hésitation au début) du mode de gestion cultivé par la pratique de management. Les « effets d’annonce » apparemment stériles, les déclarations biaisés, la pratique du sondage comme appréhension marketing du corps électoral, les compressions de personnels de la fonction publique, les faux airs de convivialité avec le peuple, les plans com. sont l’attirail dont se servent les politiciens pour enfumer les électeurs potentiels vus comme autant de clients et des parts de marché.
    Si nous avions la patience de suivre à la trace le déferlement de mesures annoncées par Sarkozy et consort depuis 2007, le résultat serait édifiant. Les Français le savent, mais, chaque fois, le matraquage est tel que la sidération se perpétue. Ainsi, clopin-clopant, va-t-on jusqu’à la fin du mandat.
    Tout cela est de l’enfumage, certes, dans la logique des théories fomentées par la Trilatérale : pour faire oublier le désastre, l’impossibilité de faire vivre décemment 80% de la population, on les amuse avec des histoires, on joue le rôle du volontariste, et on tente d’endormir l’attention par une distribution de miettes et la pratique du tittytainement.
    La politique de Sarkozy, qui a été mis en place par les Américains avec la bienveillance active de l’ « élite » française et européenne (médias, monde économique, lobbies, etc.) tient finalement à peu de chose, si l’on se rappelle que sa véritable fonction a consisté à liquider la France comme Nation. En gros, il a libéralisé le travail, l’économie, arrosé les classes libérales, ouvert les frontières, réformé les retraites comme on sait, aligné diplomatiquement et militairement le pays sur l’Amérique. D’autre part, si l’on sait que les lois appliquées sont en grande majorité celles de la Commission européenne, et que la Cour européenne de justice prévaut sur le droit national, cela ne laisse pas beaucoup de marge de manœuvre.
    C’est pourquoi les déclarations de Laurent Wauquiez donnent une impression de déjà entendu. Encore un effet d’annonce, bien sûr, d’autant plus que les mesures qu’il préconise, sont soit difficilement applicables (l’imposition de 5 heures hebdomadaires de travail d’intérêt général pour les bénéficiaires du RSA coûterait bien trop cher et demanderait une organisation très compliquée), soit inconstitutionnelles, comme l’interdiction pour les immigrés présents depuis moins de cinq ans en France de toucher des prestations sociales, le droit actuel français prônant l’égalité en la matière.
    Quels sont les objectifs de Wauquier ? D’abord, marquer sa place, son territoire. Il est encore jeune, il veut qu’on parle de lui et prendre date pour l’avenir. Pour cela, rien de vaut la provoc.. D’autre part, caresser dans le sens du poil les petites professions libérales, commerçants, restaurateurs (à qui Sarkozy a fait de gros cadeaux), et tous les habitués du café du commerce, lesquels n’ont pas de mots assez tendres pour les fainéants, les tricheurs etc. (qui existent, bien sûr, mais pourquoi s’en prendre aux pauvres ? Par exemple, pourquoi Laurent Wauquiez n’a-t-il pas évoqué ces hauts administrateurs qui touchent une retraite de préfet, sans en avoir exercé la fonction ? Et d’autres cas semblables ?).
    Peut-être l’objectif le plus certain est-il au fond de rendre service à la gauche. Celle-ci se trouve dans un sale pétrin, avec ses luttes internes, certes, mais surtout parce qu’elle n’a rien à proposer pour résister au choc de la mondialisation et à la destruction des emplois que celle-ci induit. Au contraire même : elle est de plus en plus ouvertement libérale, et ce n’est pas Strauss Kahn qui va démentir cette tendance. Elle ne peut, pour soigner une image sérieusement abîmée, que proposer les sempiternels « emplois jeunes », oubliant du même coup les « vieux ». On connaît le résultat : ces lois ne durent qu’un quinquennat (c’est pratique), les bénéficiaires, une fois le contrat terminé, n’ont plus que les yeux pour pleurer, et ne trouvent pas forcément un travail qui n’existe de toute façon pas. Bref, un cautère sur une jambe de bois. Alors, vous pensez que les déclarations de Wauquier sont une aubaine : elles permettent de se faire passer pour ce qu’on n’est plus, en hurlant au loup galeux, de se refaire une virginité, à laquelle plus personne de croit. La rhétorique gauchère qui consiste à accuser Wauquiez de vouloir capter l’ « électorat d’extrême droite » est stupide, et ne tient pas compte du positionnement social de Marine Le Pen (qui constitue le vrai danger pour la gauche !).
    Tout cela relève donc d’un jeu de phrases assez puant et démagogique. Les rôles d’une mauvaise pièce de théâtre sont bien établis, pour abuser de la crédulité d’un public de plus en plus rétif, et tenté par le jet de tomates et autres navets. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise de constater la complicité de ces gens qui ont subi la même formation, se connaissent comme cochons en foire, et poursuivent les mêmes objectifs.
    Il est d’ailleurs intéressant d’en savoir davantage sur la formation politique d’un Lautrent Wauquiez, qui est passé par l’institut Aspen France (Aspen est une station de ski très chic du Colorado), institut dont le financement provient d’entreprises (BNP Paribas, Veolia), de fondations (Gabriel Peri – tiens, tiens, les communistes ! – Jean Jaurès – les socialistes ! – fondation pour l’innovation politique – Raffarin -), et qui a pour objet de former les politiciens à la pratique du management. Wauquiez a été lauréat en 2006. Pêle mêle, parmi les administrateurs et participants, on note aux USA Clinton, Madeleine Albright, et, en France, Simone Weil, Rocard, Messier, Notat (elle est partout !), Christian Blanc, …. Voynet et Duflot !
    Du beau linge !
    Claude Bourrinet    http://www.voxnr.com/

  • Marx on t'a eu Keynes on t'aura

     

    130220

    Les nouvelles générations l'ont presque oublié : un quart de siècle s'est écoulé depuis l'ère Gorbatchev. Entre 1985 et 1991, l'URSS et le bloc soviétique s'effondraient. Dans les dernières années du système certains cherchaient à sauver, en même temps que les privilèges des maîtres du régime, les lambeaux de la théorie marxiste. Aujourd'hui, globalement, s'il existe encore des adeptes des idées professées autrefois par le vieux révolutionnaire barbu du British Museum, on n'en rencontre plus guère, fort heureusement, parmi les gens qui se veulent économistes. Pratiquement aucun de ceux qui s'emploient encore, ou à nouveau, à réhabiliter l'idée communiste ne se réclament de cette discipline. Ils se veulent philosophes, sociologues, moralistes, voire fiscalistes, et nous ne leur dénierons surtout pas cette dernière qualité (1)⇓.

    Mais du point de vue de la théorie économique, Marx est mort.

    Or, le pendant de son magistère était exercé en France par John-Maynard Keynes. La faillite théorique de ses doctrines ne fait plus l'ombre d'un doute dans la plupart des pays occidentaux, mais elles semblent se porter comme un charme dans le nôtre. Leur rôle consistant à justifier systématiquement l'intervention de l'État, elles plaisent à la fois à la classe politique et à sa clientèle d'obligés.

    On serait aujourd'hui tenté de rire, à propos de la manière dont les médias de l'Hexagone relatent à cet égard les prétendus "débats globaux" sur la croissance, qu'il s'agisse du G20, du Forum de Davos ou, plus modestement quand on parle du Budget européen.

    Toujours Keynes et le keynésianisme : la dépense publique et les déficits sont présentés comme s'ils assuraient le dynamisme de l'économie et la prospérité. Cela convient très bien à nos dirigeants dont la devise consiste à dire "je dépense donc je suis".

    Leur conception de la solidarité s'exprime d'ailleurs de la même manière : "un pour tous, tous pour un et dix pour cent".

    On doit bien se persuader en effet que, 25 ans après la mort clinique de son homologue de l'Est, l'idéologie keynésienne reste encore, parallèlement aux petits arrangements politiciens, ce qui tient encore lieu de pensée à nos adeptes de ce qu'on appelait la technocratie. Ses partisans particulièrement puissants en France agitent toujours leurs concepts plus fumeux que trompeurs. Ils stigmatisent l'austérité. Ils parlent de la croissance comme s’il s'agissait d'un phénomène physique régi par certains mécanismes obscurs. Tels certains Papous de Nouvelle Guinée "espérant" le retour dans le ciel des avions cargos, ils attendent de la consommation insolvable et des gaspillages publics, financés à crédit, qu'ils "relancent" l'activité productrice.

    Les commentateurs agréés sur la place de Paris aiment à rajouter aujourd'hui encore une couche d'incompréhension à leur nébuleuse d'inconnaissance.

    Naguère en effet, autour du troisième quart du XXe siècle, on divisait la sphère idéologique autorisée en deux catégories : les uns, parlant d'économie, étaient en général supposés adeptes du matérialisme marxiste. On disait que, parmi eux, les optimistes apprenaient le russe et les pessimistes le chinois. Il fallait alors convenir, sous peine de passer pour un esprit rétrograde dangereux, réactionnaire, peut-être même fasciste, que le régime communiste de gestion industrielle manifestait la plus grande efficacité. La planification rationnelle des ressources permettait, croyait-on, de pourvoir à l'allocation la plus judicieuse du capital productif, une fois les propriétaires privés des moyens de production chassés de la gestion des entreprises. Ce système était supposé devoir l'emporter dans le monde entier car il investissait dans la recherche et les techniques d'avenir. À peine concédait-on aux États-Unis le droit de faire exception, l'hypothèse de demeurer "un cas à part" dans l'évolution humaine, inéluctablement collectiviste.

    Ceux qui, au contraire, s'opposaient à l'URSS ou à la révolution maoïste, invoquaient des raisons tout à fait différentes. Assez éloignées de l'économie, elles peuvent surprendre de nos jours. On préférait certes la démocratie libérale à la dictature stalinienne du Parti Unique, mais attention à ne pas aller trop loin sous peine de passer pour un dangereux extrémiste. Aujourd'hui encore il reste impardonnable d'avoir appartenu au Mouvement Occident. On admirait Tito pour avoir tenu tête au bloc soviétique mais surtout pour avoir développé un soi-disant modèle de socialisme autogestionnaire en Yougoslavie, mais personne ne voulait imaginer l'éclatement de ce pays lui-même après la mort du dictateur.

    Comme tout cela, de nos jours peut paraître dérisoire ! désuet ! à peine croyable pour les jeunes générations !

    Et pourtant on écoute encore comme un oracle un Michel Rocard, qui dirigeait le PSU, réceptacle de toutes ces fadaises. Ayant fait carrière depuis comme Premier ministre de Mitterrand (1988-1991) il n'a pas cessé de se tromper (2)⇓ et de contribuer à induire en erreur toute la classe politique qui l'admire, y compris à droite grâce au relais d'Alain Juppé.

    Encore et toujours le duopole de Marx et de Keynes. (3)⇓.

    Oui, décidément, Marx on t'a eu Keynes on t'aura !

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1. ... encore que le mot contienne une part d'ambiguïté selon qu'il désigne un partisan du plus d'impôt ou un conseiller spécialiste de l'optimisation fiscale.
    2. Sauf sur un point : celui des Retraites, mais en ce sens seulement qu'il comprit, en 1990-1991, au moment de sa démission et de la publication de son Livre Blanc que cette question demeurerait la plaie de la politique française. Il n'a évidemment jamais eu le courage de remettre en cause la retraite par répartition.
    3. Le maître des études d'Histoire de la pensée économique s'appelait Henri Denis. Professeur à la faculté de Droit et de Sciences économiques de Paris, il sévissait bien au-delà de son cours donné rue d'Assas en sa qualité d'auteur du manuel incontournable de la collection Thémis. On pouvait prétendre connaître la matière en ne connaissant guère que les familles marginalistes ou "classiques", certes, pour le passé, et pour le XXe siècle la descendance de Marx et celle de Keynes. À peine entendait-on prononcer les noms de l'école autrichienne après Böhm-Bawerk (supposé avoir tenté de réhabiliter le capital en tant que détour de production") : pas de Hayek par de Ludwig Von Mises, surtout pas de droit naturel et motus sur l'existence même de Frédéric Bastiat : pensez donc un théoricien non socialiste s'exprimant en français, et tournant le dos à la conception matérialiste de la production au point de prendre en compte les services. Chassez cet ultralibéral que je ne saurais voir. Un fantaisiste. Je suis donc assez heureux, quoique ce fût, comme pour Jules Monnerot, seulement Ad Majorem Dei Gloriam, d'avoir réédité une partie de l'œuvre de Bastiat.
  • Bulgarie : Le gouvernement démissionne suite aux manifestations contre la hausse de l’électricité

    Dans la nuit de mardi à mercredi huit personnes ont été blessées dans des heurts et 11 personnes dont 5 policiers il y a deux jours.

    French.ruvr

    Les Bulgares, qui manifestent à travers le pays depuis plusieurs jours, demandent la démission du gouvernement et la renationalisation des compagnies de distribution d’électricité. Le ministre des Finances a été limogé lundi, et mardi, a été annoncé une forte baisse des prix, ainsi que la volonté de sanctionner les compagnies d’électricité étrangères, au risque d’un incident diplomatique avec la République tchèque. La licence de la compagnie tchèque d’électricité CEZ a notamment été annulée.

    Le chef du gouvernement bulgare Boïko Borissov a annoncé mercredi 20 Février 2013, la démission de son gouvernement. “Je ne participerai pas à un gouvernement sous lequel la police frappe les gens“, a déclaré mercredi Boïko Borissov devant le parlement.

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  • Voyons comment la dette fonctionne et quel est son impact sur une économie

    Définissons tout d'abord l'inflation : l'inflation arrive lorsque la croissance monétaire est plus grande que la production de biens et services. La hausse des prix est la conséquence de l'inflation.
         Mettons-nous ensuite d'accord sur une définition simple et terre à terre de la dette : une dette est une créance sur de la richesse future. Or, toute richesse est le fruit d'un travail humain. La dette est donc une créance sur du travail humain futur
         Et comme la dette est fondée sur le principe du remboursement futur du principal et de l'intérêt, que celui-ci est général fixé, et que l'on paye des intérêts, puis des intérêts sur les intérêts non remboursés, ce service de la dette suit une fonction non linéaire qui est... exponentielle.
         Donc, si cette dette n'est pas remboursée ou n'est plus remboursable, il faut travailler pour toujours et, dans ce cas, la dette c'est l'esclavage.
         A chaque accroissement de la dette, on présume que, pour pouvoir payer la dette et ses intérêts, le futur sera plus grand que le présent. Et pas juste un peu plus grand, exponentiellement plus grand. Plus de voitures fabriquées et vendues, plus de maisons construites, plus de salaires payés, plus de taxes et d'impôts perçus, plus de pétrole consommé, exponentiellement plus. Toujours PLUS !
         Or, s'il faut plus et toujours plus et que l'on a la certitude que rien ne peut croître pour toujours, comment croyez-vous que cela va se terminer ?
         Le résultat inévitable est simple : une immense partie de ce que l'on considère comme richesse va devoir disparaître, se volatiliser, parce qu'il y a trop de créances pour un futur dont le potentiel de croissance est trop faible. Alors, comment sortir de la dette ? Il y a trois moyens :

    1. La payer.

    Pour cela, il faut plus de productivité et plus de croissance, ce sera difficile dans un monde aux ressources finies. En alternative, on peut augmenter les revenus de l’État en augmentant les impôts, ce qui est rarement populaire, surtout si ceux-ci sont utilisés pour rembourser les intérêts de la dette et non à un investissement qui bénéficierait directement aux électeurs. Un autre moyen est de réduire les dépenses de l’État en mettant en place une politique d'austérité, mesure qui ne sera pas non plus très populaire. 

    2. Ne pas la payer (faire défaut).

    Le défaut est facile : on ne rembourse plus les dettes. Simple. Redoutablement efficace. Prenons un exemple. Un fonds de pension possède pour 10 milliards de créances sur la dette d'entreprises comme Nestlé, l'Oréal ou Siemens. Si ces entreprises font faillite, leur dette est en défaut et, après liquidation des actifs, admettons qu'elle ne vaut plus rien. Dans ce cas, les retraités liés à ce fonds de pension ont 10 milliards de moins à se partager entre eux. Et hop ! Résultat : leur niveau de vie ou leurs revenus baissent. Pour un pays quel qu'il soit, c'est une politique très difficile à suivre sur la durée, car ce pays deviendrait immédiatement un paria. Personne ne lui prêterait plus d'argent, personne ne voudrait plus faire du commerce avec les entreprises de ce pays, sauf moyennant payement comptant et à l'avance. Avec un défaut sur la dette, il n'y aurait plus de refinancement des dettes publiques, il n'y aurait plus de liquidités monétaires, et le pays s'arrêterait net, il n'aurait plus d'autre choix que de recréer sa propre monnaie à un taux de change très faible. C'est politiquement vite sans issue car cela implique un risque de chômage de masse, de grande misère, et laisserait la voie ouverte aux politiques les plus extrêmes.

    3. Imprimer la monnaie.

    C'est la solution la plus facile à court terme. C'est aussi celle qui entraîne les pires conséquences. Parce que les effets destructifs de cette politique sont repoussés dans le temps (lorsqu'ils seront le problème de quelqu'un d'autre), c'est ce que l'immense majorité des nations qui ont eu une grande dette ont fait et feront toujours, tout en clamant que cette fois, ce sera différent ! Mais comme les lois de la physique et les lois de l'économie sont les mêmes où que l'on se trouve, au Zimbabwe ou à Washington, ce ne sera pas différent ! L'impression massive de monnaie crée toujours une vague d'inflation. C'est ce qui arrive encore lorsque les liquidités artificiellement créées se diffusent dans l'économie, lorsque les États sont obligés de monétiser leurs dettes publiques et privées alors que personne ne veut plus les financer. C'est aussi une forme subtile de substitut à l'impôt. Les premiers effets seront, contre-intuitivement, une baisse des prix de certains actifs. Ceci est dû à la concurrence sévère qui se met en place entre producteurs et distributeurs pour rester en vie. On bradera les actifs : voitures, équipements, stocks, etc. Ce sera les soldes toute l'année. Au début, l'effet sur le pouvoir d'achat sera positif, mais vite, la masse monétaire augmentant, l'inflation va galoper. Les produits alimentaires et de première nécessité seront surtout ceux qui vont augmenter de manière rapide. Comme c'est déjà arrivé entre 1930 et 1933, on bradera alors sa voiture contre un peu de nourriture. En général, cela risque de coïncider avec une phase de stagflation durant laquelle l'économie a une croissance faible ou négative alors que sévit également une forte inflation d'origine monétaire. En phase finale, c'est la dégringolade dans l'hyper-inflation - paroxysme de l'inflation - qui se caractérise par une perte totale de la valeur de la monnaie, laquelle finit par ne plus servir de moyen d'échange parce que ses utilisateurs n'acceptent plus de l'utiliser dans leurs transactions courantes ni de l'économiser. Dans cette situation, c'est le troc et le marché noir qui se substituent à l'échange monétaire, pendant que l'économie s'effondre. Pierre Leconte, président du Forum monétaire de Genève, déclare à ce sujet le 20 décembre 2010 : "Les banquiers centraux de ces dernières décennies sont les plus grands faux-monnayeurs de l'histoire, et les États n'ont plus aucun moyen pour éviter la dépression hyper-inflationniste et l'écroulement de toutes les monnaies fiduciaires de papier, les unes après les autres, qui précédera, coïncidera avec, ou suivra la chute des actifs de papier (actions et obligations), fondés sur une pyramide de dettes gagées sur le néant qui a commencé de s'écrouler en Occident. Écroulement qu'aucune mesure keynésienne ne pourra stopper mais seulement repousser pour quelque temps, tout en aggravant son issue finale du fait même des manipulations supplémentaires employées pour retarder l'inéluctable." Le résultat de l'expansion du crédit est toujours un appauvrissement général. La thérapie contre l'hyper-inflation est que l’État reprenne le contrôle de l'économie par la nationalisation de l'économie. Cette thérapie est souvent vouée à l'échec à cause de la bureaucratie et de l'inexpérience de l’État dans la gestion de ces entreprises. En attendant, la population s'appauvrira considérablement entre pénuries, économie parallèle et marché noir. Ludwig von Mises donne une bonne image de la situation : "Recourir à l'inflation pour surmonter les difficultés passagères équivaut à brûler ses meubles pour se chauffer."

    Piero San Giorgio, Survivre à l'effondrement économique

    http://www.oragesdacier.info/

  • Jean-Marc Jancovici sur le changement climatique

    La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, présidée par M. Jean-Paul Chanteguet (SRC, Indre), a procédé, le mercredi 6 février, à l’audition de M. Jean-Marc Jancovici sur le changement climatique.

    Outre le fait qu’il maîtrise parfaitement son sujet, Jean-Claude Jancovici met un terme brutal au mythe “croissantiste” et au progressisme qui l’accompagne inéluctablement en montrant pourquoi et comment la croissance colossale que nous avons connu depuis deux siècles fut liée à la seule énergie disponible.

    Cette énergie voyant son flux se tarir irrémédiablement depuis une vingtaine d’années tandis que la population mondiale augmente, le PIB per capita est inéluctablement appelé à s’abaisser quels que soient les prodiges de la volonté.

    À partir de la cinquantième minute, une fois son exposé terminé, la parole est aux députés, qui pour la plupart révèlent la médiocrité de leur préoccupations au regard des évolutions objectives qui viennent de leur être soumises…

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Bon pour la casse. Les déraisons de l’obsolescence programmée (Serge Latouche)

    Complément utile à l’excellent documentaire de Cosima Dannoritzer (1), le nouvel essai du non moins excellent Serge Latouche, théoricien de la décroissance, s’attaque à l’obsolescence programmée. Cette arnaque programme à l’avance la durée de vie des objets. La raison ? Simple, toujours la même : le pognon, faire un billet. Surtout dans les sociétés de croissance et son indicateur grotesque le PIB (plus il y a de catastrophes naturelles – HAARP inclus – et de soins liés à la violence, de pollution et de déchets, plus il y a de croissance et donc d’augmentation du même PIB). Dans Consciences sous influence, Stuart Ewen exposait la nécessité pour les industriels de trouver de nouveaux marchés afin de créer une demande à la hauteur de leur offre. L’obsolescence programmée (OP) répond à la même logique : si un objet est de bonne qualité, solide, bref durable, l’entreprise court à sa perte, crise et chômage s’y adjoignant. Il convient donc de s’organiser en cartels pour développer une industrie de la camelote dans une société de consommation pleine de sujets toxicos de ce système – ce qui n’empêche pas, pose Latouche, une crise industrielle de surproduction tous les dix ans environ (qui nécessite l’intervention des ordures du marketing). De préférence, de manière monopolistique pour que les concurrents n’aient pas la mauvaise idée de proposer des produits durables. Mais il importe quand même de maintenir la demande, en articulant l’escroquerie selon trois axes : la publicité, deuxième budget mondial (après l’armement) pour créer le désir de consommer, le crédit qui en donne les moyens, et l’OP qui renouvelle le besoin d’achat, surtout si réparer coûte plus cher que racheter.

    Latouche donne une définition triple de l’obsolescence : technique (dépassement par un produit de meilleure qualité), la seule à ne pas être fabriquée, psychologique (la « persuasion clandestine » via la pub et la mode), et planifiée / programmée (détérioration voulue dès la conception), spécifiquement états-unienne. Celle-ci ravivant la seconde et la frénésie ostentatoire. Et avec la manipulation de l’opinion, les trois formes d’obsolescence s’interpénètrent. La dimension psychologique est d’ailleurs prépondérante, car sans elle, l’opposition à l’OP serait probablement bien plus vivace. Autrefois, la consommation ostentatoire (type snob effect) était réservée à une élite (donc impactant peu sur la vie économique), comportement généralisé aujourd’hui avec le consommatisme. Les sociétés traditionnelles ont toujours fait obstacle à la dérive que nous connaissons. En outre, les objets manufacturés n’y étaient pas jetés mais réparés et transmis à travers les générations – ce que l’on ne fera pas avec la daube en bois aggloméré de chez Ikea. Jusqu’au milieu du 20ème siècle encore, cet esprit perdura : « Se perpétuait dans la vieille Europe une tradition de la qualité et du durable qui remontait aux corporations et aux guildes médiévales. Cette éthique survivait encore dans le premier capitalisme, celui des manufactures, qui précéda la révolution industrielle et se prolongea même au-delà. »

    Quand bien même l’Europe connut l’ancêtre de l’OP, on parlait alors d’adultération des produits, pour faire baisser les coûts et stimuler la demande. La défaillance volontaire des produits a toujours existé, explique Latouche, mais la rupture s’est produite au 19ème siècle, âge dit de l’ersatz (William Morris), pour connaître un véritable essor grâce aux découvertes scientifiques. La généralisation de l’esprit de commerce (ce fameux « doux commerce ») a entraîné une falsification massive des produits, notamment alimentaires, pour aboutir aujourd’hui à des dérives bien plus macabres : sang contaminé, prothèses mammaires défectueuses, armes foireuses, médicaments mortels.

    Mais l’OP sur les objets, telle que développée par Cosima Danoritzer, n’est pas l’achèvement de l’entourloupe. Latouche identifie cinq phases distinctes dans la poussée du jetable : « l’apparition du premier jetable dans le domaine des produits d’usage intime, la naissance du « modèle de Detroit » [le sloanisme de General Motors], le développement de l’obsolescence programmée proprement dite, l’avènement de la date de péremption ou le triomphe du nouveau jetable, et enfin l’obsolescence alimentaire. » Le nouveau jetable explose aujourd’hui, à l’heure de l’épuisement des ressources naturelles. Quant à l’obsolescence alimentaire, la surproduction de l’agriculture productiviste entraîne le gâchis d’un tiers à la moitié des denrées alimentaires, jetées avant même leur mise en rayon. Les responsables ? Industrie agro-alimentaire et chimique ainsi que les réglementations sanitaires bureaucratiques. Ceci, en dépit du fait que les produits périmés n’ont pas été démontrés comme toxiques ou nocifs, mais peu importe puisque le système des dates de péremption bénéficie avant tout au commerce. Peu importe que chaque jour en France, selon les chiffres avancés par Latouche, 50 000 tonnes de bouffe soient gâchées. Une fièvre du jetable qui ne s’arrêtera pas là, d’après le penseur de la décroissance, car après l’extension à des domaines comme les films et les livres, l’alimentaire, etc., c’est l’homme qui sera pensé comme jetable, ainsi que ses principes et institutions. Le tout-liquide.

    Cela n’empêche pas pour autant les collabos du turbocapitalisme de tapiner pour l’OP, présentée comme un moyen de réduire le chômage et donc d’assurer le bien-être social. L’OP est systémiquement cohérente avec la société consommatiste. Tout n’est certes pas à rejeter, nuance Latouche. En son avers, l’obsolescence programmée a permis des découvertes techniques et abaissé les coûts de production et facilité par là l’accès à de nombreux produits, mais en son envers elle a détruit de nombreux petits métiers. Par ailleurs, les nouveaux produits à racheter ne présentent pas toujours d’amélioration. Mais progressisme et fuite en avant obligent, la remise en cause, la proposition d’un autre paradigme n’ont pas droit de cité, bien au contraire au regard de domaines comme l’informatique : « Avec la loi de Moore, qui prévoit un doublement des capacités de traitement et de mémoire des ordinateurs tous les dix-huit mois et qui se vérifie depuis maintenant trente ans, l’obsolescence s’accélère. »

    Au bout du compte, nous sommes vraiment mal barrés, d’autant que l’OP est partie pour ne connaître de limites que celles de notre écosystème, tant pour les ressources naturelles que dans le recyclage des objets. Le constat résultant d’une économie de croissance, fondée sur la production-consommation, est accablant. Elle accélère l’épuisement de stocks de minerais non renouvelables et la quantité d’énergie supplémentaire utilisée. Nous n’arrivons plus à faire face à la quantité de déchets à traiter dans les décharges. Les portables sont jetés en moyenne tous les dix-huit mois et contiennent de fortes toxines biologiques permanentes rejetés dans l’atmosphère par leur combustion. En 2002 aux Etats-Unis, plus de 130 millions de portables ont été jetés. (2) Pourtant, de nombreuses possibilités alternatives existent. Par exemple, récupérer systématiquement les métaux précieux, privilégier la location de biens sur l’achat, penser les produits afin qu’au moment du recyclage, une grande partie de leurs composants puisse être à nouveau utilisée, etc.

    Dans d’autres secteurs, malgré l’échec du projet de maison jetable et la quenelle glissée aux Américains par les Soviétiques (du moins un temps), forte puissance sans OP, les résultats de la lutte contre l’obsolescence programmée restent faibles. Le consommateur qui veut faire l’OP buissonnière est victime du « colonialisme du pas de vis » : « la forme la plus banale et la plus fruste de la dépendance imposée étant l’incompatibilité d’une vis et d’un écrou de même calibre du fait d’une différence de pas… » Dans l’informatique par exemple, l’incompatibilité d’anciennes machines avec de nouveaux logiciels. Quant à une initiative comme la slow food, qui tente de sauver la production traditionnelle, elle subit l’hégémonie du lobby agroalimentaire qui utilise le codex alimentarius pour imposer ses normes. Enfin, en dernier lieu, lorsque la crise des ressources adviendra, Latouche prévoit que nous passerons sous contrôle ultra-étatisé, totalitaire.

    En conclusion, quel paradigme alternatif proposer ? Sans surprise (et tant mieux), Latouche préconise la décroissance. Il s’agit ici de revenir à un principe de bon sens tel qu’autrefois, avant le cancer sloaniste et l’OP : remplacer l’obsolescence par la durabilité, la réparabilité et le recyclage programmé des produits pour réduire notre empreinte écologique et revenir à un niveau raisonnable d’utilisation des ressources naturelles ; s’inspirer de la descente productive sur le modèle des villes en transition, à savoir autosuffisance énergétique et résilience. (3) Latouche précise, pour éviter toute caricature de sa position, que la décroissance n’implique pas de renoncer à des apports ou à la technologie. Il est question de redonner priorité aux besoins sur les désirs, ou encore d’opérer une gestion économe des biens non renouvelables. Un apport typique à conserver est pour lui la machine à laver. Mais il pourrait être judicieux, ajoute-t-il, de réfléchir sur son mode d’utilisation. Par exemple, des machines à laver à usage communautaire aux sous-sols des immeubles et sous surveillance, et plus largement partager l’usage des biens durables – ce qui permettrait de plus, complète Latouche, de renouer les liens collectifs. Et en dernier lieu, si l’on peut être plus que sceptique devant le souhait de Latouche de confier la gestion des ressources naturelles non renouvelables à une autorité planétaire (puis au FMI ou à la Banque mondiale tant qu’on y est), on pourra se montrer davantage enthousiaste à l’égard de son idée d’encoder une nouvelle « anthropo-cosmologie » : sortir de l’économie, réenchanter le monde, se réenraciner.

    http://www.scriptoblog.com

     

    Notes

    (1) Prêt à jeter, http://www.youtube.com/watch?v=J-XGn32vYQU .

    (2) Sur le sujet, voir l’essai Le téléphone portable, gadget de destruction massive, de l’excellent collectif anti-industriel grenoblois Pièces et main d’œuvre.

    (3) « Ce concept, emprunté à la physique en passant par l’écologie scientifique, peut être défini comme la permanence qualitative du réseau d’interactions d’un écosystème, ou plus généralement, comme la capacité d’un système à absorber les perturbations et à se réorganiser en conservant essentiellement ses fonctions, sa structure, son identité et ses rétroactions. »
  • Qui croit se payer l'Ours ?

    L'affaire GoodYear reprend des tours avec la lettre ironique du patron de Titan Int'l Inc. à M. Montebourg, que personne ne lit dans le texte. Si ce courrier dénonce l'extravagance des positions de la CGT d'Amiens Nord, débinée maintenant par la CFDT, il se paie carrément la tête du ministre français - et ça nul ne le souligne - en faisant exploser la contradiction d'un libre-échange sans frein opposé à la légitime conservation de l'emploi industriel. Il y dit avoir claqué des millions en lobbying pour faire passer des lois anti-dumping aux Etats-Unis contre les fabricants de pneus chinois et se rit de proclamer qu'ayant réussi, c'est l'Etat américain qui en retour encaisse les droits de douane.
    Quand il se dit prêt à acheter une usine indienne ou chinoise où les ouvriers sont payés un dollar de l'heure, c'est une boutade qui passe inaperçue pour les abrutis. Il veut souligner d'abord que la politique de l'OMC conduite par les occidentaux mène à ce genre de stupidité qui finira par crever les propres usines nationales du premier manufacturier mondial, Michelin. M. Montebourg est donc invité à faire des représentations auprès de la Commission européenne pour que soient dressées sans retard des barrières tarifaires à l'invasion de pneus chinois subventionnés, avant de songer à "discuter" avec un repreneur qui sera submergé par les produits asiatiques.

    Nul doute que sa lettre a circulé dans les milieux d'affaires. C'est envoyé. Par une grande gueule certes ; mais pas si faux ! TITAN c'est aussi 1.486.998.000 dollars de ventes 2011 en pneus agricoles, miniers et tout-terrain, et un résultat d'exploitation de 132.173.000 dollars pour la même année (cf. comptes annuels). Nous aimerions avoir quelques grandes gueules dans son genre par chez nous. Voici la lettre originale selon le fac-simile des Echos.



    February 8, 2013


    Mr Arnaud Montebourg
    Ministere du Redressement Productif
    139 rue de Bercy
    Teledoc 136
    75572 Paris Cedes 12


    Dear Mr. Montebourg:

    I have just returned to the United States from Australia where I have been on the past few weeks on business; therefore, my apologies for not answering your letter dated 31st January 2013.

    I appreciate your thinking that your Ministry is protecting industrial activities and jobs in France. I and Titan have a 40-year history in buying closed factories and companies, losing millions of dollars and turning them around to create a good business, paying good wages. Goodyear tried for over four years to save part of the Amiens jobs that are some of the highest paid, but the French unions and French government did nothing but talk.

    I have visited the factory a couple of times. The French workforce gets paid high wages but works only three hours. They get one hour for breaks and lunch, talk for three, and work for three. I told this to the French union workers to their faces. They told me that's the French way!

    You are a politician so you don't want to rock the boat. The Chinese are shipping tires into France - really all over Europe - and yet you do nothing. the Chinese government subsidized all the tire companies. In five years, Michelin won't be able to produce tires in France. France will lose its industrial business because its government is more government.

    Sir, your letter states you want Titan to start a discussion. How stupid do you think we are? Titan is the one with money and talent to produce tires. What does the crazy union have ? It has the French government. The French farmer wants cheap tire. He does not care if the tires are from China or India and governments are subsidizing them. Your government doesn't care either. "We're French !"

    The U.S. government is not much better than the French. Titan had to pay millions to Washington lawyers to sue the Chinese tire companies because of their subsidizing. Titan won. The government collects the duties. We don't get the duties, the government does.

    Titan is going to buy a Chinese tire company or an Indian one, pay less than one Euro per hour and ship all the tires France needs. You can keep the so-called workers. Titan has no interest in the Amien North factory.

    Best regards,

    (signé)
    Maurice M. Taylor, Jr.
    Chairman and CEO

    MMT/jb

    TITAN INTERNATIONAL INCORPORATED
    2701 SPRUCE STREET * QUINCY, ILLINOIS 62301
    (217) 228-6011 * FAX (217) 228-3166

    Pour mémoire, Titan annonçait en 2009 l'ouverture de négociations avec Goodyear pour le rachat du site d'Amiens, après avoir racheté l'usine GY de Freeport (Ill.) en 2005 :

    September 23, 2009 11:21 AM Eastern Time
    Titan International Inc. Signs Letter of Intent with Goodyear Tire & Rubber Co.
    QUINCY, Ill.--(BUSINESS WIRE)--Titan International Inc. announces today that it has signed a letter of intent with The Goodyear Tire & Rubber Company to purchase certain farm tire assets, including the Goodyear Dunlop Tires France (GDTF) Amiens North factory. This agreement is non-binding and will be subject to GDTF’s satisfactory completion of a social plan related to consumer tire activity at the Amiens North facility, along with completion of due diligence, a definitive acquisition agreement and other standard acquisition approval requirements.

    “Titan maintains its focus and specialty in the farm and off-the-road wheel and tire business,” said Titan Chairman and CEO Maurice M. Taylor Jr. “We hope GDTF can come to an expedient arrangement with the Central Works Council in France. If this can be done, the process will move forward.”

    Titan fabrique déjà pour la marque Goodyear aux Etats Unis. La CGT Amiens (Michael Wamen) veut attaquer en justice au niveau mondial les accords passés entre ces deux manufacturiers. Qui va payer les avocats ?
    Fermez le ban.

    http://royalartillerie.blogspot.fr/

  • La république va-t-elle asphyxier l’armée française ?

    Défense : le livre blanc prépare un tsunami pour les armées

    Nouveau retard de quelques semaines du livre blanc qui est désormais attendu vers la fin mars, début avril. C’est en ce moment que les décisions sont prises sur l’avenir des armées. Mais les dépenses de défense vont passer sous la barre des 1,3 % du PIB, selon nos informations.

    En sport, quand on dit qu’on est dans le "money time", il s’agit en général des dernières minutes de jeu où chaque possession de ballon devient cruciale et où les joueurs clés sont censés s’exprimer. Aujourd’hui, on est exactement là pour le nouveau livre blanc sur la défense, qui devrait avoir un nouveau (léger ?) retard et est attendu désormais fin mars, début avril, selon des sources concordantes, en dépit du récent coup de gueule de François Hollande qui attend le plus rapidement possible cet ouvrage censé décaper toute la doctrine française en matière de défense... sous la contrainte financière. Car c’est le paramètre central de ce nouvel ouvrage, n’en déplaise à ceux qui disent le contraire. "Nous avons un outil opérationnel performant et jalousé même si nos armées ont bien sûr des lacunes, une industrie de l’armement parmi les meilleures au monde, qui emploie des salariés non délocalisables et nous allons vraisemblablement tout casser", regrette un général interrogé par "La Tribune".

    Un tsunami pour les militaires

    Le diplomate Jean-Marie Guéhenno, spécialiste des opérations de maintien de la paix à l’ONU jusqu’en 2008, est en train de terminer une deuxième version du livre blanc. Le conseiller spécial du ministre de la Défense, Jean-Claude Mallet, le rival de Jean-Marie Guéheno depuis le lancement de la rénovation de la doctrine française en matière de défense par François Hollande, va de son côté compléter la partie de Jean-Marie Guéhenno, qui s’est principalement intéressé à la partie générale, notamment tout ce qui concerne la géopolitique, explique-t-on à La Tribune. Jean-Claude Mallet, qui lui connait toutes les arcanes et les ficelles de ce grand ministère, s’attaquera aux contrats des armées. Le coeur du sujet pour les militaires, très inquiets sur leur avenir et sur leurs futures missions.

    C’est ce tandem (Guéhenno-Mallet), qui a été vendu à François Hollande. En tant que chef des armées, le validera-t-il ? Lui qui a connu son heure de gloire dans les rues de Tombouctou acclamé par des milliers de Maliens libérés du joug des islamistes. Car ce qui se prépare est un tsunami grandeur nature pour l’armée et, par ricochet, pour les industriels de la défense. Pourtant, "là où il y a une volonté, il y a un chemin" avait expliqué Lénine. Car comme le rappelle très justement l’ancien chef d’état-major des armées (2006-2010), le général Jean-Louis Georgelin : "la dépense publique, en France, représente 56 % du PIB. Quand on enlève 1,5 % pour la défense, il reste 54,5 %. Sans doute y a-t-il, dans cette masse, des marges de manoeuvre à explorer". Mais l’armée "n’est pas un enjeu électoral et n’apporte aucune voix lors des élections", regrette un autre général.

    La trajectoire Y, l’arme fatale ?

    Selon la trajectoire Y (nom de code du futur montant global des crédits ventilés lors de la prochaine loi de programmation militaire, qui va mettre en musique les orientations du Livre blanc), les dépenses de défense vont passer sous la barre des 1,3 % du PIB, selon une source proche du dossier. A l’origine, il y avait trois hypothèses de trajectoire et deux d’entre elles ont fusionné. D’où la trajectoire Y. La Loi de programmation militaire (LPM) extrêmement dure est bien pire que ce qu’avait imaginé cet automne le chef des armées, l’amiral Edouard Guillaud. "En 2012, il est de 1,55 %. A l’horizon de 2015, il dépassera à peine 1,3 %". la direction générale de l’armement (DGA) travaille elle aussi sur une trajectoire permettant de ne pas casser l’outil, explique-t-on à La Tribune. En utilisant les méthodes très classiques plutôt qu’une rupture : étalements des programmes et réduction des cibles, notamment. Pour les militaires, cela va être cataclysmique, estime-t-on dans les armées, qui se réjouissent de la démonstration du succès opérationnel de l’opération Serval au Mali, qui a mis end éroute les terroristes islamistes.

    Le Mali aura-t-il un impact sur le Livre blanc ?

    Une telle opération aura-t-elle un impact sur la rédaction du Livre blanc ? A la marge oui. Elle a notamment permis de faire taire (une bonne fois pour toute ?) les partisans de la suppression de tout ou partie de l’armée de terre (remplacée par des forces spéciales) et des forces prépositionnées, qui ont été lors de cette opération cruciales pour la réussite de Serval basée sur la rapidité d’intervention. "La manoeuvre aéroterrestre, dans un cadre d’une opération interarmée, est au coeur de la victoire, rappelle un collectif d’officiers à La Tribune. Cette victoire mérite d’autant plus d’être soulignée qu’à l’annonce du retrait d’Aghanistan, d’aucuns - entonnant les couplets éculés de la guerre à distance ou de la guerre zéro mort - chantaient un peu rapidement la fin des interventions terrestres". Et de préciser que Serval "ce sont des Rafale et plusieurs milliers de soldats engagés à terre à bord de plus de 200 engins de combat, de l’hélicoptère Tigre au char AMX 10 RC, en passant par toute la gamme des équipements blindés à roues".

    Serval a également permis de rappeler à certains que "l’opération au Sahel nous rappelle - s’il fallait - que l’espace méditerranéen reste dangereux : les explosions de violence s’y multiplient sans que leur caractère contagieux soit aisément prévisible". Enfin, l’opération au Mali sera-t-elle la dernière fois que les militaires français entrent en premier sur un théâtre d’opération ? Certains le souhaitaient. "Si d’aucuns, à l’occasion des travaux de préparation du nouveau livre blanc, n’hésitaient pas à s’interroger sur la nécessité de cosnerver les capacités d’entrée en premier et d’être nation cadre, les événements ont répondu à leurs questions", estiment ces officiers. Et de préciser que "l’opération Serval a confirmé l’aptitude à ouvrir un nouveau théâtre, dans l’urgence, avec une entrée en premier et dans unc adre pour l’instant presque strictement national. Condition de l’excellence, l’entrée en premier est un gage de crédibilité vis-à-vis de nos alliés, la reconnaissance explicite qu’il faut toujours compter avec la puissance française".

    Et maintenant ?

    Les quatre chefs d’état-major vont maintenant rapidement négocier les futurs contrats des armées. Ces derniers préciseront les missions qui seront affectées aux trois armées. Que vont-ils faire ? Faire une coalition pour ensemble gagner des marges de manoeuvres, comme le souhaitent les militaires, ou continuer à jouer "perso" pour favoriser leur arme. Que va faire l’amiral Guillaud, très fragilisé par le pouvoir en place (Elysée et Hôtel de Brienne) ? Mis à l’écart des briefings tenus à haut niveau pour l’opération Serval et exclu des travaux du Livre blanc, va-t-il être tenté par une sortie par le haut en ne souhaitant pas assumer la responsabilité d’une paupérisation des armées ? On est en plein dans le "money time"...

    La Tribune   http://www.actionfrancaise.net

  • Exclues, les nouvelles classes populaires s'organisent en "contre-société"

    Le malaise français ne serait donc qu'un bégaiement de l'histoire, un processus connu qui, en temps de crise, conduit inexorablement les classes populaires vers le populisme, la xénophobie, le repli sur soi, la demande d'autorité. Cette analyse occulte l'essentiel, le durcissement de l'opinion est d'abord le fruit d'une mise à distance radicale des classes populaires. En effet, pour la première fois dans l'histoire, les classes populaires ne sont pas intégrées au projet économique et social des classes dirigeantes. La nouvelle géographie sociale permet de révéler ce bouleversement. Après trois décennies de recomposition économique et sociale du territoire, le constat est redoutable. Contrairement à ce qui a toujours prévalu, les classes populaires ne résident plus "là où se crée la richesse", mais dans une "France périphérique" où s'édifie, à bas bruit, une "contre-société".

    Des marges périurbaines des grandes villes jusqu'aux espaces ruraux en passant par les petites villes et villes moyennes, c'est désormais 60 % de la population qui vit à la périphérie des villes mondialisées et des marchés de l'emploi les plus dynamiques. Cette "France périphérique" représente désormais un continuum socioculturel où les nouvelles classes populaires sont surreprésentées. Sur les ruines de la classe moyenne, des catégories hier opposées, ouvriers, employés, chômeurs, jeunes et retraités issus de ces catégories, petits paysans, partagent non pas une "conscience de classe" mais une perception commune des effets de la mondialisation et des choix économiques et sociétaux de la classe dirigeante.

    Une vision commune renforcée par le sentiment d'avoir perdu la "lutte des places" en habitant dorénavant très loin des territoires qui "comptent" et qui produisent l'essentiel du PIB national. Deux siècles après avoir attiré les paysans dans les usines, les logiques économiques et foncières créent les conditions de l'éviction des nouvelles classes populaires des lieux de production ; comme un retour à la case départ. Si les ouvriers étaient hier au coeur du système productif et donc dans les villes, les nouvelles classes populaires sont désormais au coeur d'un système redistributif de moins en moins performant.

    MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT MÉTROPOLITAIN

    Pour produire les richesses, le marché s'appuie désormais sur des catégories beaucoup plus compatibles avec l'économie-monde. L'analyse de la recomposition socio-démographique des grandes métropoles, c'est-à-dire des lieux du pouvoir économique et culturel, nous renseigne sur le profil de ces populations.

    Depuis vingt ans, le renouvellement de ces territoires est en effet porté par une double dynamique : de "gentrification" et d'immigration. Dans toutes les grandes villes, les catégories supérieures et intellectuelles ont ainsi investi l'ensemble du parc privé, y compris populaire, tandis que les immigrés se sont concentrés dans le parc social ou privé dégradé. Economiquement performant, le modèle de développement métropolitain porte les germes d'une société inégalitaire puisqu'il n'intègre plus que les extrêmes de l'éventail social. Sans profiter autant que les couches supérieures de cette intégration aux territoires les plus dynamiques, les immigrés bénéficient aussi de ce précieux capital spatial.

    Habiter dans une métropole, y compris en banlieue, n'est pas une garantie de réussite, mais représente l'assurance de vivre à proximité d'un marché de l'emploi très actif et de l'offre sociale et scolaire la plus dense. Dans une période de récession économique et de panne de l'ascenseur social, l'atout est remarquable. Aveuglé par la thématique du ghetto et par les tensions inhérentes à la société multiculturelle, on ne voit d'ailleurs pas que les rares ascensions sociales en milieu populaire sont aujourd'hui le fait de jeunes issus de l'immigration. Cette bonne nouvelle a beaucoup à voir avec leur intégration métropolitaine.

    Inversement, sur les territoires de la France périphérique, les champs du possible se restreignent. Cette France des fragilités sociales, qui se confond avec celle des plans sociaux, cumule les effets de la récession économique mais aussi ceux de la raréfaction de l'argent public.

    L'augmentation récente du chômage dans des zones d'emploi jusqu'ici épargnées, notamment de l'Ouest, est le signe d'une précarisation durable. La faiblesse des mobilités résidentielles et sociales est un indicateur de cette incrustation. Dans ce contexte, la baisse programmée des dépenses publiques, sur des espaces pourtant moins bien pourvus en équipements publics, contribue non seulement à renforcer la précarisation sociale mais aussi à accélérer le processus de désaffiliation politique et culturelle.

    A ce titre, le renforcement de la fracture scolaire semble obérer l'avenir. L'accès à l'enseignement supérieur et plus généralement la formation des jeunes ruraux sont déjà inférieurs à ceux des jeunes urbains.

    Aujourd'hui, le risque est de voir cette fracture scolaire se creuser entre l'ensemble de la France populaire et périphérique et celui de la France métropolitaine. Le contexte social et culturel britannique est autre, mais on ne peut être indifférent au projet alarmant du ministre de l'éducation nationale anglais, David Willets, qui évoque dorénavant la nécessité de mettre en place une politique de discrimination positive en direction des jeunes Blancs de la working class, dont le taux d'accès à l'université est en chute libre.

    FORMATION DES JEUNES RURAUX

    Ces informations, qui sont autant d'indicateurs de la recomposition des classes populaires en France et en Europe, soulignent aussi l'impasse dans laquelle sont désormais bloquées ces catégories. Si les suicides récents de chômeurs en fin de droits permettent de mesurer l'intensité de la désespérance sociale, ils ne doivent pas nous faire conclure à la "fin de l'histoire" des classes populaires ; celle-ci se poursuit par des chemins détournés.

    Exclues du projet économique global, les classes populaires surinvestissent le territoire, le local, le quartier, le village, la maison. On se trompe en percevant cette réappropriation territoriale comme une volonté de repli, ce processus est une réponse, partielle mais concrète, aux nouvelles insécurités sociales et culturelles.

    Il est d'ailleurs frappant de constater que cette recherche de protection, de frontières visibles et invisibles est commune à l'ensemble des classes populaires d'origine française ou immigrée. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il faut lire le retour de la question identitaire dans la jeunesse populaire, aussi bien en banlieue que dans la France périphérique.

    Si ces évolutions contredisent le projet d'une société mondialisée et multiculturelle apaisée, elles révèlent aussi, en milieu populaire, et quelle que soit l'origine, la construction de nouvelles sociabilités. Loin du champ politique, c'est une contre-société qui s'organise, par le bas.

    Christophe Guilluy http://www.voxnr.com

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/02/19/exclues-les-nouvelles-classes-populaires-s-organisent-en-contre-societe_1835048_3232.html