économie et finance - Page 852
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Le cartel du pétrole, les Rockefeller et l'Iraq
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La monnaie et le social Clientélisme
Commençons par deux petits rappels dans les acquis :
Le Social Clientélisme est ce régime politique qui se maintient au pouvoir en achetant les voix des électeurs grâce à des emprunts qui seront remboursés par leurs enfants ou leurs petits- enfants. Il ne s’agit en aucune façon d’un régime démocratique puisque la Démocratie se définit par le vote des impôts et que nos enfants ou petits enfants qui ne sont pas encore nés et ne peuvent donc certainement pas voter sur des prélèvements dont ils ne sauraient être l’objet. (Pour de plus amples explications, voir « l’Etat est mort vive l’état » François Bourin éditeur Nov 2010). Rip Van Winkle , est cet homme qui partit un beau jour d’été 1810 de chez lui dans l’Etat de New-York, s’endormit à l’ombre d’un arbre et se réveilla… trente ans après pour trouver son épouse décédée, ce qui ne le chagrina guère car elle était fort désagréable, mais ce qui lui permit de finir ses jours tranquillement chez sa fille qui ne crut jamais trop à son histoire….Ex1=Imaginons que notre Rip Van Winkle se soit endormi en France en 1789 (et non pas aux USA en 1810) et qu’il se soit réveillé en 1820. Plus rien de ce qui faisait le Royaume de France n’existait, la Révolution Française étant passée par là. Et donc il aurait eu bien du mal à s’adapter
Ex2=Imaginons que notre Rip se soit endormi plutôt en 1889, quelque part en Europe. S’il se réveille en 1920, alors là, le monde a vraiment changé. L’Empire Austro Hongrois n’existe plus, la Russie s’est transformée en Union Soviétique, le Japon est la première puissance Asiatique, les USA sont en train de devenir la première puissance industrielle, l’Allemagne en pleine déconfiture est ruinée et est devenue une République, la Pologne est de retour…
Ex3=Enfin, supposons que notre héros se soit endormi cette fois en 1989.Nous ne sommes pas au bout de son sommeil, mais déjà l’Union Soviétique a disparu, la Chine est devenue capitaliste, l’Allemagne s’est réunifiée, la Tchequo-Slovaquie n’existe plus, la Lituanie est redevenue un pays indépendant avec les autres pays Baltes, le Moyen Orient est en plein bouleversement, les monnaies nationales ont disparu en Europe un peu partout et la moitié de l’Europe, celle du Sud, est en faillite .
En fait, il semble bien que la durée de vie de la plupart des institutions humaines depuis l’émergence du capitalisme et de la Révolution Industrielle soit d’environ 70 ans. Au bout de 70 ans, les Institutions deviennent tellement rigides et inflexibles qu’il n’y a pas d’autre solution que leurs disparitions, en général dans des convulsions extraordinaires. Et ici, je vais me livrer à une petite analyse sociologique, tout à fait Marxiste
Pour Marx, l’infrastructure économique détermine toujours la superstructure politique. Par la, il veut dire que le mode de production génère à terme une structure politique qui lui est favorable. Notre organisation politique actuelle vient de la Révolution Industrielle qui organisait les activités humaines en immenses rassemblements structurés en forme de « pyramides”. Au sommet « le chef » donnant des « ordres » à sa hiérarchie, laquelle les fait descendre vers le bas et rien ne remonte du bas vers le haut. C’est le mode organisationnel des « Konzerns » ou des puissants Trusts Américains ou Anglais et bien sur des Parti Communiste ou Nazi tant le modèle politique se mit à calquer cette forme d’organisation
Le modèle précédent (celui de la fin du XVIII) était fondé sur la possession de la terre par l’aristocratie menant à la domination de cette dernière dans l’appareil politique et il fut bien entendu détruit par la Révolution Industrielle, pour laisser la place au suivant, le modèle hiérarchique. Lorsque le système économique se « paye » un système politique devenu obsolescent, cela s’appelle une Révolution et de nombreuses structures que chacun croyait immortelles ( ie: la Royauté, l’Union Soviétique) disparaissent. Et bien, la même chose est en train de se passer.
Le capitalisme est en train de changer à toute allure.
La structure pyramidale d’autrefois, ou la valeur ajoutée était créée par la mise en face de capitaux et de populations immenses est en train d’être remplacée par un système ou la valeur ajoutée est créée par l’invention. L’inventeur remplace le manager, le commando, les lourds escadrons blindés, la Démocratie directe le Parti Unique.
Les nouvelles structures économiques sont « plates » très flexibles, mobiles géographiquement, et très, très difficiles à taxer, au contraire des grandes structures pyramidales d’autrefois. Et pourtant nous continuons à voir nos systèmes politiques organisés sous forme de pyramides gigantesques qui n’arrivent plus à se financer puisque la matière fiscale s’est organisée pour leur échapper. Il y a donc une contradiction gigantesque entre l’organisation de la Politique et les nouvelles structures économiques et nous allons donc avoir révolution politique sur révolution politique pour que la politique s’adapte à nouveau à l’économie. Et tout cela est déjà fort visible… (Voir Union Soviétique, Chine, et les déboires actuels de nos finances publiques)
La grande affaire des années qui viennent sera donc : comment allons nous nous débarrasser de ces dinosaures étatiques alors même qu’une majorité de la population vit à leurs crochets et continuent à voter pour le maintien de ces structures obsolètes puisque ces monstres ne peuvent plus imposer une valeur ajoutée qui est devenue complètement immatérielle et qui leur échappe?
Dans ma grande naïveté, il y a deux ou trois ans, quand j’ai écrit « l’Etat est mort, vive l’état, » je pensais que les contraintes liées à l’endettement allaient forcer ces pays à reformer leurs Etats, un peu comme la Suède depuis 1992.
Erreur funeste. Les politiques ont tout simplement pris le contrôle des banques centrales et ces banques centrales ont reçu l’ordre de financer les dettes étatiques en achetant directement les obligations émises par les gouvernements. Plus de différence entre les banques centrales et le Trésor Public, telle est la nouvelle donne. Les Etats ont nationalisé la monnaie.
Je n’ai aucune idée de ce que cela va nous amener à terme, inflation, déflation, protectionnisme, fin de la globalisation, appauvrissement général, ou que sais je d’autre ? De cela, personne n’a la moindre idée, et je préfère donc rentrer dans cette période en détenant des actifs émis par le futurs vainqueurs c’est à dire des actions des « sociétés de la connaissance » plutôt qu’en détenant des actifs qui n’ont aucune contre valeur dans une amélioration du système productif et donc ne « valent » rien, à terme.
Dans la Révolution précédente, il valait mieux être « long » les grands industriels et « short » l’aristocratie terrienne ».Aujourd’hui, à mon humble avis, il vaut mieux être « long » la connaissance et « short » le Social Clientélisme. Ou pour faire simple: Il faut vendre de la monnaie et acheter du capital (productif).
C.G. http://libeco.net -
Energie : dix solutions méconnues qui peuvent changer le futur
Le débat national sur la transition énergétique qui s’engage en ce début d’année est l’occasion d’agrandir son champ de vision sur les potentialités des énergies durables. Le futur offre un panel de ressources et de techniques d’énergies encore méconnues et néanmoins prometteuses.
Qui dit énergies durables dit le plus souvent éoliennes, photovoltaïque, hydraulique ou biomasse. Mais le panier de ces énergies est plus grand qu’on ne croit et plein de surprise. L’avenir énergétique de la planète est en effet bien plus riche qu’il n’y paraît.
Voici dix solutions encore peu exploitées, qui d’ici 10, 20 ou 50 ans viendront compléter notre mix énergétique. A condition que les recherches aboutissent, que les moyens financiers suivent et que l’éthique écologique soit associée au développement de certaines d’entre elles.
1. L’huile d’algue
D’aucuns l’affirment : la révolution de l’énergie se trouve dans les plantes. L’une d’elles est particulièrement intéressante, c’est l’huile d’algue. A l’instar des espèces oléagineuses, les algues ont la propriété de contenir jusqu’à 60% de leur masse en lipides. La force des algues : leur quantité. La productivité des végétaux marins est donc une carte maîtresse pour répondre à la menace que font peser les agrocarburants sur la biodiversité. Les algues sont capables de fournir de l’énergie sous 3 formes : biocarburant, biogaz et hydrogène. Leur exploitation est simple à mettre en œuvre. Il suffit, après collecte, de les concentrer et de les presser dans une centrifugeuse pour en extraire l’huile. Produire du carburant vert à partir d’algues microscopiques, tel est l’objectif du projet Shamash coordonné par l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique).
Sept équipes de recherche et un partenaire industriel travaillent sur le projet, dont Jean-Paul Cadoret, chef du laboratoire de physiologie et biotechnologie des algues de l’Ifremer. Pour ce dernier, ces microalgues qui, par photosynthèse, transforment l’énergie solaire en énergie chimique, offrent de gros avantages :
« Elles n’entrent pas en conflit avec l’approvisionnement alimentaire comme c’est le cas pour le blé, le maïs ou le colza. Elles se cultivent facilement en bassin ou dans les bioréacteurs avec de l’eau de mer. Cela évite de puiser dans les réserves d’eau douce. Elles prolifèrent rapidement et peuvent fournir une récolte en continu. Leur rendement de production d’huile à l’hectare est bien supérieur à celui de toutes les autres plantes. Ce sont des machines à avaler le CO2. Elles le captent pour restituer de l’oxygène ». Vingt fois plus abondantes que les plantes terrestres, les microalgues peuvent fournir 25 000 litres d’huile par hectare, quand le colza n’en produit que 1 500 litres, le tournesol, 950, et le soja, 446.
La consommation annuelle mondiale de carburant pourrait être assurée si les bassins d’algues étaient déployés sur 400 000 hectares (4000 km2), soit un tiers de l’Ile de France. Elles sont aujourd’hui présentées comme une alternative énergétique au pétrole, pouvant produire l’équivalent d’un quart des carburants fossiles. À l’heure actuelle, le litre de carburant d’algue coûte plus cher que le pétrole. Mais plusieurs éléments permettent d’espérer, à terme, une bien meilleure rentabilité.
2. Le pétrole à base d’air
Transformer l’air en pétrole , telle est la prouesse technologique réalisée par une société britannique qui a mis au point un procédé chimique complexe permettant d’obtenir un pétrole de synthèse à base d’air et d’électricité. Concrètement, « nous avons pris le dioxyde de carbone présent dans l’air et l’hydrogène présent dans l’eau, et nous les avons transformés en carburant, » explique Peter Harris, l’ingénieur responsable de l’innovation. Pour ce dernier, le carburant obtenu est beaucoup plus propre que celui obtenu à partir de pétrole fossile. De plus, il est compatible avec les moteurs existants, comme ceux des avions ou des navires. D’ici 15 ans, ce procédé encore récent et coûteux pourrait connaître un développement commercial.
3. L’énergie osmotique
L’énergie osmotique repose sur un phénomène physique : l’osmose. Le principe de l’osmose veut que, quand on met en présence deux liquides de concentrations en sel différentes, le liquide le moins salé va avoir tendance à se fondre dans le liquide le plus salé. La différence de salinité va donc créer un flux de l’eau douce vers l’eau salée. En faisant passer le flux du liquide concentré vers un liquide moins concentré à travers une membrane semi-perméable, cela provoque une surpression hydrostatique. Le volume d’eau contenu dans la membrane devient plus important. Cela accentue la pression sur les parois du contenant. Et cette pression peut être récupérée pour actionner une turbine qui va générer de l’électricité. Il existe un endroit où l’on trouve en permanence une ressource gratuite d’eau salée et d’eau douce : l’estuaire des fleuves. La question centrale de cette technologie, c’est la fabrication de membranes de grande taille, alliant des qualités de robustesse et de porosité. En dehors de ce problème technique, l’énergie osmotique représente une énergie renouvelable et permanente, ce qui est un avantage essentiel comparé au solaire ou à l’éolien. Les coûts d’exploitation seraient d’ailleurs minimes. Cette forme d’énergie offre de belles perspectives.
Une production de 4W/m2 est nécessaire pour viabiliser la construction de centrales électriques. Actuellement, les Norvégiens atteignent 1,5 W/m2, mais planifient les premières applications industrielles d’ici à 2015, avec en moyenne 8000h/an de fonctionnement, soit deux fois plus qu’une éolienne. Le potentiel technique mondial de l’énergie osmotique est estimé à 1600 TWh. En Europe, il est de l’ordre de 200 TW.
C’est la société norvégienne Statkraft, connue pour ses fermes éoliennes, qui a lancé la construction de la première centrale osmotique. 2.000 m2 de surface de membrane pourront générer environ 10 KW. Les ingénieurs de l’entreprise Statkraft, à l’origine du projet, travaillent actuellement sur une usine d’un à deux MW, ce qui nécessiterait une membrane de 200 000 m2. Si le procédé répond aux espérances des chercheurs, cette usine pourrait assurer 10% de la consommation énergétique norvégienne. Une autre centrale a été crée au Japon, et une troisième est en cours de construction aux Etats-Unis. Au plan mondial, le potentiel de l’énergie osmotique est estimé à 1 600 TWh par an, soit l’équivalent d’environ la moitié de la production électrique européenne en 2009. »
4. Le thorium ou l’atome vert
Le thorium est un métal, qui se trouve naturellement dans des minerais divers, dont la monazite, la bastnaésite et l’uranothorianite. Bien qu’il ne soit pas fissible lui-même, le thorium-232 est un isotope fertile comme l’uranium-238. Bombardé par les neutrons, il se transforme en uranium 233, matière fissile. Le thorium constitue une importante réserve d’énergie nucléaire, en raison de son abondance dans la croute terrestre ; il pourrait ainsi fournir trois à quatre fois plus d’énergie que l’uranium-238. Son utilisation nécessite la mise au point d’une nouvelle filière de réacteurs nucléaires surgénérateurs.
Les chercheurs qui défendent ce minerai aux qualités particulières estiment qu’il représente la possibilité d’un nucléaire propre. Bien plus abondant dans la nature que l’uranium, il est difficilement utilisable pour fabriquer des bombes atomiques. Il est aussi économe en déchets, la plupart d’entre eux pouvant être remis dans le circuit du réacteur.
Depuis plusieurs années déjà, des chercheurs du CNRS planchent théoriquement sur un réacteur sûr, très stable et facilement pilotable. Avec ce surgénérateur rapide à sels fondus (MSFR), qui utiliserait le thorium comme combustible liquide, 100% de la ressource utilisée comme combustible est consommée, Pour l’heure, il n’existe pas encore de prototype concret du MSFR en France.Cette solution se heurte à la réticence des industriels de la filière nucléaire. Mais les Chinois, eux, investissent massivement dans cette technologie nouvelle. Les Indiens qui disposent du quart des réserves mondiales de thorium l’utilisent déjà depuis quelques années, dans des réacteurs de troisième génération.
Le thorium se désintègre plus lentement que la plupart des autres matières radioactives mais sa radioactivité est de 14 milliards d’années. Les applications industrielles du thorium sont développées dans les alliages de magnésium utilisés pour les moteurs d’aéronefs.
5. L’énergie thermique des mers
L’idée de l’énergie thermique des océans est toute simple : tabler sur la différence de température entre les eaux chaudes de surface (+ 25° C dans les régions tropicales) et les eaux profondes (+5°C à 1000 mètres) pour produire de l’électricité et/ou de l’eau douce. Les océans représentent un gigantesque capteur d’énergie solaire contenue sous forme de chaleur dans la couche d’eau de surface. Ils reçoivent chaque année une quantité d’énergie équivalente à plus de mille fois la demande mondiale en énergie primaire. Un potentiel estimé à cent fois celui de la marée et cinq à dix fois celui du vent. L’exploitation de l’énergie thermique des mers (ETM) redevient d’actualité dans le contexte de la recherche d’énergies nouvelles, non polluantes, susceptibles de suppléer l’usage des combustibles fossiles qui renchérissent (pétrole, charbon, gaz,…). Bien que cela soit difficile, il est possible d’utiliser cet écart entre l’eau chaude et l’eau froide en installant des méga-pompes à chaleur capables de récupérer par « évapotranspiration » la vapeur qui va alimenter une turbine.
Les atouts d’une centrale reposant sur l’énergie thermique des océans sont non négligeables : énergie stable, peu de frais de fonctionnement, gratuité de l’eau de mer, exploitable gratuitement 24h sur 24 tous les jours de l’année, pas de confinement ou de stockage de l’eau.
6. Les bactéries carburants
Tout le monde connaît aujourd’hui les défauts des biocarburants : leur impact environnemental. Produits à partir de canne à sucre, de betterave ou de maïs, ils nécessitent l’utilisation d’importantes surfaces de terres arables et sont très forts consommateurs d’eau. En outre, ils nuisent à la biodiversité. Une entreprise Joule unlimited affirme avoir réussi à surmonter cette contrainte majeure en produisant un bio carburant inépuisable et abordable. Le e-éthanol qu’elle a mis au point est en effet issu de bactéries génétiquement modifiées.
Explication : les bactéries sont entreposées dans des tubes de trois centimètres de diamètre qui servent de réacteur, remplis d’eau non potable et de CO2 issu d’activités industrielles ; exposées au soleil, elles exploitent la photosynthèse pour produire de l’éthanol ou du gazole. Les rendements sont bien supérieurs aux biocarburants existants : 75 000 l/ha/an pour le e-éthanol, à comparer aux 7 000 l/ha/an de bioéthanol produit à partir de la betterave. Mais cela nécessiterait des installations énormes et l’efficacité de bactéries qui transforment le soleil en énergie, n’est pas aussi grande que celle des panneaux photovoltaïques.
7. Les bouées de récupération de l’énergie des vagues
L’énergie des vagues est liée au déplacement de la surface de la mer sous l’action de la houle. Le principe est simple. Lorsque les vagues arrivent sur un obstacle flottant ou côtier, elles cèdent une partie de leur énergie qui peut être convertie en courant électrique. L’intérêt de l’houlomotricité : les vagues se déploient de façon très économe. L’inconvénient : l’énergie perd en puissance lors de son acheminement vers les cotes. Pour que le dispositif soit rentable, il vaut mieux que les capteurs soient posés près du littoral, afin de récupérer le maximum d’énergie créée, soit 20 kW par mètre de côte. Selon la Commission Européenne, l’houlomotricité occuperait en 2020 la quatrième place des énergies renouvelables utilisées pour produire de l’électricité, derrière l’éolien on-shore et off-shore et l’hydraulique. Il existe aujourd’hui différentes technologies pour récupérer l’énergie des vagues : les bouées sous-marines en mouvement, les colonnes oscillantes, les débordements de chenal, les plates-formes à déferlement. Une cinquantaine de projets sont en cours dans le monde.
Parmi eux, le « Searev » ; il s’agit d’une sorte de ferme sur mer, conçue par Alain Clément, chercheur au Laboratoire de mécanique des fluides (LMF) : constituée d’une bouée, elle génère du courant électrique pour récupérer l’énergie de la houle. A l’intérieur de ce « système électrique autonome de récupération de l’énergie des vagues », un pendule de 400 tonnes, en oscillant sur les vagues, actionne tout un système de pistons et de pompes à huile. Le mécanisme fait tourner un arbre métallique entraînant vers un alternateur. Le tout est relié au continent par câble. L’objectif est de générer une puissance maximale comprise entre 500 et 700 kilowatts par bouée. De quoi alimenter jusqu’à 200 foyers en moyenne par an.
8. Les éoliennes entonnoirs
Même s’il fait partie des énergies renouvelables d’avenir, l’éolien, on le sait, présente bien des inconvénients : stockage, caprice du vent, raccordement au réseau… une petite entreprise américaine, Sheerwind, pense avoir trouvé la solution à ces difficultés : des éoliennes en forme d’entonnoir pour augmenter la vitesse du vent. D’où son nom Invelox (Increasing the velocity of the wind. Le principe est simple : l’air est aspiré dans un conduit où sa vitesse est multipliée par dix, avant de passer dans une turbine ou un générateur. Le rendement énergétique serait ainsi trois fois plus important qu’avec une éolienne classique, d’un coût 40% inférieur et d’une taille plus petite.
9. Les aérogénérateurs volants
De nombreux scientifiques ont les yeux rivés sur le « jet stream ». Pas le Gulf stream qui traverse l’océan. Non… le jet stream, juste à quelques 10 000 mètres au dessus de nos têtes, une source d’énergie qui souffle jour et nuit, 365 jours par an. A cette altitude, la force de ces vents représente une énergie pouvant produire cent fois plus d’énergie qu’une éolienne sur terre, capable de produire un kilowatt/heure pour deux centimes d’euros, soit la moitié du coût usuel d’énergie. Leur souffle est régulier et non capricieux comme sur terre. Ces puissants courants aériens qui ceinturent la planète sous la forme de deux anneaux atteignent parfois des vitesses surprenantes comprises entre 300 et 400 km par heure. Cette puissance résulte du contraste thermique existant à cette altitude entre la troposphère et la stratosphère. De l’air froid et de l’air chaud se rencontrent à des altitudes de 5 000 à 10 000 m, où les différences de température et de pression atmosphérique sont cependant beaucoup plus prononcées que dans les couches inférieures de l’atmosphère. Cette énergie des vents d’altitude suscite nombre de projets d’aérogénérateurs aussi originaux les uns que les autres.
Une nouvelle génération d’ingénieurs soucieux de l’environnement juge la technique des éoliennes déjà dépassée. Au lieu de gâcher les paysages en alignant des éoliennes terrestres, pourquoi ne pas installer des aérogénérateurs volants ? C’est fait avec le Sky WindPower. Plusieurs projets très imaginatifs de cerfs-volants, de ballons spatiaux ou de « kites » installés dans l’espace à dix mille mètres au dessus de nos têtes permettent de capter, au dessus des nuages, des vents puissants réguliers et non capricieux comme sur terre. Exemple : le prototype développé par Dave Sheppard, responsable d’une société établie à San Diego, Californie. Le prototype de Sky WindPower possède quatre rotors qui lui permettent de rester en suspension dans l’air et de faire tourner des dynamos générant de l’électricité. Dans son version commerciale, il serait relié à la terre par un long câble en aluminium conduisant l’énergie.
Un autre projet du même genre est mis au point par une entreprise italienne dans le cadre d’un partenariat européen. Le Manège KiWiGen, c’est son nom, est une sorte de manège de plusieurs centaines de mètres de diamètre, composé d’ un rotor et de bras pivotants sur lesquels sont tirés des câbles très résistants reliés à des cerfs-volants de quelques dizaines de mètres carrés, réalisées en polyéthylène alvéolaire. Disposés en batteries, ils peuvent atteindre 700 mètres de haut. Mis au point par une entreprise italienne et soutenu par des experts et des chercheurs européens, ce manège baptisé KiWiGen, (Kite Wind generator) produit des dizaines de mégawatts, via une turbine. Chaque cerf-volant est équipé de deux capteurs intelligents à même de détecter les accélérations du vent. Un programme électronique de contrôle calcule les variations d’orientation nécessaires pour lui faire suivre, toujours avec une portance maximale, un parcours circulaire. Les cerf-volants utilisés auront une envergure de quelques dizaines de mètres carrés.
10. Les films solaires de 3ème génération
Les cellules solaires organiques font actuellement l’objet d’une attention particulière. Très simples, elles sont compatibles avec des films et des textiles. Leur mise en forme, par exemple à partir d’encres ou de peintures, offre l’avantage de couvrir de grandes superficies. Cette flexibilité permet d’ouvrir à de nombreuses applications : emballages, vêtements, écrans, recharge de téléphones cellulaires ou d’ordinateurs portables.
Des chercheurs du CNRS et de l’Université d’Angers ont développé une approche avec des cellules solaires à base de molécules organiques et ont obtenu des rendements très élevés. Contrairement au silicium cristallin dont la production nécessite de très hautes températures, leur fabrication implique un faible coût énergétique et un faible impact environnemental.
A plus long terme, on peut imaginer une contribution décisive de leur potentiel à la conversion photovoltaïque de l’énergie solaire. Les tests montrent que les taux d’efficacité des molécules solaires organiques développées et synthétisés en laboratoire sont de 15% à 25% plus élevés que les cellules en silicium cristallin et les films solaires en couches minces, soulignent les ingénieurs de la société allemande Heliatek, la seule entreprise solaire au monde qui utilise le dépôt de molécules organiques à basse température. Ces dernières sont composées de fines couches nanométriques ultra-pures et d’une grande homogénéité. Cela permet de concevoir une architecture capable d’améliorer systématiquement l’efficacité et la durée de vie des cellules.
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« Qu’est-ce que le keynésianisme ? »
Répondre à cette question, c’est d’abord s’intéresser à John Maynard Keynes. Car Keynes est inséparable du keynésianisme. On ne peut pas comprendre ce qu’est réellement cet objet idéologico-politique mal identifié si on n’a pas remis son concepteur en contexte. C’est le parcours et la personnalité de John Maynard Keynes qui permet de comprendre la doctrine qui porte son nom.
Témoignage de première main : « Quand vous demandez leur avis à quatre économistes, vous recevez cinq avis dont deux de John Maynard Keynes. »
C’est ainsi que Winston Churchill décrivait Keynes : l’homme qui a deux avis à la fois. Et il est vrai que la particularité de Keynes, constamment, fut de ménager, à l’intérieur de sa pensée, une antithèse en forme de contrepoids. C’était pour ainsi dire dans sa nature, et y compris dans sa nature d’homme privé : homosexuel amoureux de sa femme, témoignant devant le grand public d’une confiance proche de l’arrogance, et pourtant d’une humilité remarquable en face de ses pairs, mathématicien de formation qui ne fit que de l’économie, théoricien de haut niveau qui ne rédigea que des ouvrages de vulgarisation, vulgarisateur qui parsemait ses livres de digressions théoriques pures, proche des milieux pacifistes mais deux fois coorganisateur de l’effort de guerre britannique, élève docile à Eton (le collège le plus huppé de la haute bourgeoisie britannique) mais plus tard souvent en décalage avec l’opinion bourgeoise, Lord Keynes fut un véritable paradoxe vivant, un tissu de contradictions internes parfaitement assumées.
Si l’on suit le parcours de Keynes chronologiquement, on s’apercevra en outre que cette dualité permanente s’accompagne de ruptures. Keynes est célèbre, entre autres choses, pour avoir fait cette confidence rare chez un économiste : « Quand les faits changent, je change d'avis. Et vous Monsieur, que faites-vous ? » - et cela décrit bien sa pensée : fluide, pragmatique, jamais doctrinaire. C’est pour cette raison, d’ailleurs, qu’il est détesté de tous côtés, et apprécié aussi de tous côtés : en fait, il y a un Keynes pour tout le monde, et un autre Keynes contre tout le monde. Cette conjonction des ruptures et des ambivalences fait partie de l’homme très profondément, et elle fait, aussi, partie de la doctrine qui porte son nom. Une doctrine fondée par un non doctrinaire ?
Keynes est au départ issu de l’orthodoxie économiste britannique, telle qu’elle est formulée au début du XX° siècle dans l’école d’Alfred Marshall. C’est là, remarquons-le d’emblée, une théorie qui ne « pense » l’économie que dans le cadre du capitalisme. Pour Alfred Marshall, et plus tard pour son héritier John Maynard Keynes, l’économie socialiste est hors sujet. Par hypothèse, on ne s’intéresse qu’à la correcte régulation du capitalisme. Un autre monde est impensable.
Cependant, cette théorie du capitalisme est aussi critique à son égard : à la différence de la tradition dans laquelle vont s’inscrire par exemple des hommes comme Hayek, Keynes admet que la transparence du marché n’est jamais parfaite, que les décisions des acteurs sont toujours prises sur la base d’informations lacunaires, et qu’en conséquence, la théorie d’une autorégulation pure et parfaite des marchés ne peut être qu’une vue de l’esprit. Donc, à la différence d’un Hayek, qui pense le capitalisme comme une abstraction, Keynes le perçoit dans sa réalité, en fonction de ce que sont « vraiment » ses acteurs, et de leur conduire « réelle ». Il en découle que Keynes, par fidélité avec l’école dont il est l’héritier principal, sera toujours un pragmatique résolu, observateur fin non des règles mathématiques abstraites et de leur application par des acteurs supposés mécanistes, mais bien des hommes, avec leur part d’irrationalité. En profondeur, il faut y voir un parti pris philosophique plus que mathématique, qui rattache Keynes à une filiation réaliste et pragmatique, contre le nominalisme rationaliste (l’œuvre de Keynes a d’ailleurs commencé par un traité de mathématiques, sur les probabilités, dans lequel il attaquait en substance une certaine tendance à « mathématiser » le réel indépendamment des conditions de l’observation). Le tout fait qu’on pourrait définir le « paysage idéologique » où évolue Keynes, dès l’origine, comme un « capitalisme à visage humain » : un système de mathématisation du monde d’où le facteur psychologique n’est pas évacué.
Cette inscription de Keynes dans la tradition de Marshall explique les ruptures qui ont jalonné son parcours : en réalité, John Maynard Keynes est toujours resté fidèle à l’esprit de l’école fondée par Alfred Marshall, et ses ruptures sont tout simplement la conséquence des faits, tels qu’il les a analysés selon la méthode de Marshall lui-même. Keynes est au « marshallisme » un peu ce que Lukacs, d’une autre manière et dans un autre monde, fut au marxisme : le disciple qui comprend que pour rester fidèle à l’esprit du maître, il faut s’éloigner de la lettre de son œuvre.
Dans le parcours de Keynes, il y a en effet deux grandes ruptures, deux moments-clefs, où le brillant professeur de Cambridge rompt symboliquement avec son milieu, pour proposer une voie révolutionnaire – au sens où une révolution peut sauver un système en le bouleversant de l’intérieur.
La première rupture survient après la Première Guerre Mondiale. Keynes, qui approche à l’époque des quarante ans, a été chargé de la gestion de la dette britannique. À ce titre, il est qualifié pour représenter le Trésor aux négociations de paix, en 1919. Il prend à cette occasion une position hétérodoxe : pas de réparations, annulation des dettes de guerre pour rendre possible une relance économique globale, et un plan de soutien à l’investissement en Europe. Il faut bien comprendre ici que Keynes parle d’un point de vue britannique : l’annulation des dettes, c’est le sauvetage d’une économie anglaise en passe d’être définitivement dépassée par son nouveau créancier, les USA ; mais il parle aussi, au-delà, d’un point de vue européen : pas de réparations, un plan de relance par l’investissement, c’est la possibilité de sortir le continent de ses déchirements, et d’ouvrir une nouvelle ère de prospérité. Les USA refusent l’annulation des dettes, la France exige les réparations allemandes : Keynes échoue, et le payera par une véritable dépression nerveuse. En l’occurrence, on peut considérer, au vu de la suite des évènements, que s’il avait été écouté, le monde aurait probablement fait l’économie du nazisme et de la Seconde Guerre Mondiale en Europe. Quant à la question de savoir si son échec provient de l’incapacité de la Grande-Bretagne à faire prévaloir ses visées, ou du peu d’enthousiasme que le point de vue de ce jeune haut fonctionnaire soulevait dans la City londonienne elle-même, cela reste en débat.
La deuxième rupture survient progressivement entre la fin des années 20 et le début des années 30, quand Keynes élabore progressivement une théorie de la monnaie en rupture avec le système classique de l’Empire Britannique, l’étalon-or. Pourquoi cette rupture ? Parce que Keynes a compris que l’Empire, pour se maintenir, allait avoir besoin de relancer une phase de croissance, puisque le système de répression des forces productives touchait au terme de sa logique. Il n’est pas absurde de voir dans Keynes un pragmatique, qui souhaite que l’on injecte, dans le capitalisme de l’étalon-or, une dose de monnaie de crédit juste suffisante, ni trop ni trop peu, pour relancer une machine constamment sur le point de se gripper. Si l’on veut bien considérer que la monnaie de crédit servant à l’économie physique de production constitue une force de socialisation de fait (l’inflation venant rogner la rente, donc redistribuer), on peut même admettre que Keynes, ce Keynes issu de la deuxième rupture et que l’on répute « keynésien », c’est : une pincée de socialisme dans le capitalisme, pour que le capitalisme surmonte ses contradictions internes. Sur le plan de la théorie pure, cet ajustement idéologique est justifié (habillé ?) par une nouvelle modélisation du processus de fixation des prix.
Il est à noter, à ce propos, que lors de cette deuxième rupture, Keynes, l’homme de Cambridge, directeur du très influent Journal de l’économie, obtint gain de cause contre Hayek, l’homme de la London School of Economics. Ce fut la première bataille entre ce que nous appelons aujourd’hui les néolibéraux et ce que nous appelons les keynésiens – bataille remportée par les disciples de John Maynard Keynes. Sans entrer dans des détails techniques complexes, cette victoire des keynésiens s’explique par la supériorité manifeste de la théorie de Keynes, quand il s’était agi d’expliquer la déflation des années 30 : Keynes, en montrant que l’investissement et l’épargne étaient déconnectés parce que venant d’acteurs différents, a fourni la clef pour comprendre selon quels mécanismes et à quel rythme un excès d’épargne pouvait entraîner un processus de contraction de l’activité. Ou si l’on préfère : en admettant, contre les postulats libéraux, la non-rationalité des acteurs au regard des enjeux globaux, Keynes est parvenu à expliquer comment la loi des rendements décroissants, constatée par Marx bien plus tôt et admise dans la théorie keynésienne, pouvait être contrebalancée par une politique monétaire adaptée, en « euthanasiant » la rente à travers un accroissement régulier de la masse monétaire, créateur d’activité réelle à hauteur de la compensation exigée par les rentiers. De l’inflation soigneusement mesurée, comme chimiothérapie du cancer représenté par le capital spéculatif, machine à phagocyter l’économie réelle – ou encore : comment l’on peut, en socialisant l’investissement via la création monétaire, faire fructifier le capital dans son ensemble, rémunérant ainsi y compris celui qu’on avait sur-accumulé (le socialisme sauvant le capitalisme). Le tout soigneusement empaqueté dans une théorie mathématique destinée à cautionner ce qu’il faut bien appeler un choix idéologique de pondération – théorie mathématique au demeurant fort intéressante.
La Grande-Bretagne dévalua la Livre Sterling en 1931, et s’en porta effectivement très bien. Ce fut le seul grand pays capitaliste pour lequel les années 30 furent, à tout prendre, plus prospères que les années 20. Keynes, en revanche, échoua à se faire entendre de Roosevelt. C’est par abus de langage qu’on répute « keynésienne » la politique de Roosevelt, sauf à considérer que quiconque injecte un peu de socialisme dans le capitalisme est automatiquement un keynésien. Roosevelt refusa toujours la théorie keynésienne stricto sensu : veillant à encadrer les déficits publics, il fut interventionniste par l’investissement direct, sans faire confiance à la politique monétaire comme instrument premier. En réalité, si l’on remonte à la racine du problème, on verra que Keynes, homme de l’Empire Britannique, a voulu utiliser la Banque comme vecteur de la « dose de socialisme à injecter dans le capitalisme », tandis que Roosevelt préférait utiliser l’Etat fédéral américain, directement. Les deux avaient bien compris qu’il fallait, pour sauver le capitalisme, lui faire intégrer un contrepoids socialiste ou pseudo-socialiste. Mais Keynes aurait voulu que cette intégration ne remît pas en cause le rôle central de la Banque, à travers la direction privée des entreprises, alors que Roosevelt, lui, voulait au contraire qu’elle fût l’occasion de mettre la Banque sous contrôle. Derrière la querelle des économistes, la lutte des pouvoirs. Le social-capitalisme de Keynes et de la haute finance londonienne n’était pas celui de Roosevelt, l’homme de Washington.
C’est bien ainsi qu’il faut comprendre la position historique de John Maynard Keynes, et la nature de ce qu’il est convenu d’appeler le « keynésianisme ». En réalité, si l’on définit le capitalisme comme un système de contrôle et de pouvoir indirect à travers l’outil monétaire, système qui permet de piloter les acteurs sans que ceux-ci sachent qu’ils sont contrôlés, en les plaçant dans une situation pré-cadrée où ils voudront agir conformément aux intérêts du système d’ensemble, le keynésianisme est la doctrine qui consiste à énoncer que le pilotage doit rester souple au niveau du centre, à travers une politique monétaire flexible, afin de compenser les rigidités que la somme des irrationalités chez les acteurs de base ne peut manquer de susciter. En ce sens, on pourrait dire, en guise de boutade peut-être, que si le néolibéralisme, c’est l’arbitraire bancaire le plus brutal, l’arbitraire des marchés soi-disant autorégulés, le keynésianisme, quant à lui, c’est le despotisme bancaire éclairé.
On comprend dès lors pourquoi, depuis quelques mois, des organes de presse jusque là frénétiquement néolibéraux semblent s’être convertis au keynésianisme bon teint : c’est qu’après des décennies d’arbitraire néolibéral, il va falloir, pour sauver un système de pouvoir miné par ses contradictions internes, réinventer une forme de despotisme éclairé, donc keynésien. Le fine tuning (ajustement précis) du policy mix (gestion combiné de la masse monétaire en expansion et des investissements publics d’infrastructure), dans le cadre d’un interventionnisme public assumé, semble sur le point de faire son grand retour, puisqu’une fois de plus les marchés attendent leur salut de l’Etat. Certes, on n’en est pas encore là (la politique Obama n’est pas keynésienne, ni même rooseveltienne au demeurant : c’est à peu près celle de Hoover en 1930-1931). On n’en est pas encore là, mais on y vient tout doucement…
Et plus profondément, c’est à l’échelle du système financier international que le keynésianisme, à nouveau, est convoqué au chevet d’un capitalisme presque tué par ses excès. En 1945, avant Breton Woods, Keynes, remarquable collaborateur du gouvernement Churchill, proposa la constitution d’une monnaie mondiale, appuyée sur un étalon-or mobile : le bancor. A Breton Woods, les USA se chargèrent de rappeler à la Grande-Bretagne qui était le vrai patron, et la proposition de Lord Keynes fut enterrée : Dollar as good as gold. Sept décennies plus tard, il se pourrait bien que le bancor ressorte du placard.
Michel Drac http://www.scriptoblog.com -
Une avancée du fiscalisme arbitraire en Europe
On fait grand bruit autour de la subtile proposition de David Cameron développée le 23 janvier. En fin diplomate le premier ministre de Sa Gracieuse Majesté n'a pas manqué d'assortir son propos de conditions suspensives et autres clauses qui rendent totalement hypothétique la sortie négociée du Royaume-Uni hors de l'Union européenne. Personne ne peut ignorer que cette démarche, toute virtuelle, tend à récupérer au profit des conservateurs les voix du parti "Ukip", de Nigel Farage pour les élections de 2015. Ceci n'empêchera pas de constater en 2016 ou 2017 que, décidément la majorité des Anglais et les Écossais préfèrent demeurer dans l'Europe. En attendant, en 2014, les Continentaux, pour éviter le pire, auront bien sûr consenti de nouvelles concessions aux revendications londoniennes. Bien joué David.
Le coq gaulois a réagi selon son habitude. On lui attribue pour cri national "cocorico" ; en vérité l'animal fait surtout "vroum-vroum", ce que confirment le petit sondage du Figaro et les 367 réactions de lecteurs. Nous le plaçons donc en médaillon de la présente chronique.
Plutôt que de persister à mesurer, pour la millième fois depuis mille ans, la portée du bras de mer séparant le comté d'Artois du duché de Kent, on gagnerait à observer le contexte, dans lequel se place cette déclaration.
Les institutions communautaires viennent en effet d'adopter le projet de TTF, taxe sur les transactions financières.
Cinq pays s'y opposaient, parmi lesquels la Suède et, bien sûr, l'Angleterre. Cependant, ce 22 janvier le conseil des ministres des Finances, dernière instance consultée, a entériné le principe de cette mise en place. À ce projet adhèrent les gouvernements de 11 États-Membres sur 27.
Les traités européens permettent de telles décisions fractionnelles. Il s'agira cependant de la première des "coopérations renforcées" dans le domaine névralgique de la fiscalité.
Soulignons d'abord que cet impôt, au départ tout petit, est appelé à grandir selon une règle bien connue. D'origine gauchiste, il était proposé par Paris depuis plusieurs années. Aujourd'hui il est applaudi par 70 associations. Le grand cerveau du parti socialiste Benoît Hamon, ministre de l'Économie solidaire, a le salue pompeusement comme "une taxe qui commence à dessiner ce qu'est le monde post-Lehman Brothers".
Remarquons à peine que les détails techniques de sa mise en œuvre restent problématiques. Un journal économique parisien habituellement sérieux, indiquait au gré du même petit article consacré à cette nouvelle, à deux endroits différents :
- "la taxe Tobin rapporterait 20 milliards par an"
- et plus loin : "la TTF, selon la façon dont elle est définie, pourrait rapporter plus de 10 milliards d'euros".(1)⇓Deux appellations, deux chiffrages en un seul texte. Ça promet.
Faut-il rappeler, une fois encore, que la novlangue fiscaliste envisage toujours ce qu'un impôt "rapporte" au Trésor Public, et non ce qu'il coûte aux contribuables et à l'économie ?
Au sein des institutions mesurons surtout que la synarchie européenne vient de franchir, assez discrètement, un pas considérable. Elle a obtenu, sur un point de détail, sur un projet soutenu par tous les utopistes de la Planète, sur un dossier encore très vague, une avancée majeure acceptée par les représentants des États.
On a liquidé sans trop de bruit, en effet, en ce début de semaine le principe d'unanimité en matière fiscale.
Les commentateurs agréés ne semblent s'intéresser en ce moment qu'aux relations personnelles entre M. Hollande et Mme Merkel. On nous les dit en voie d'amélioration, à en croire "Gala" et "Point de vue images du Monde". Pendant ce temps, comme dans le célèbre "Gilles" de Watteau, le fond de la scène se transforme. Les deux gros États désignés pour les pivots du système continuent leurs ébats d'hippopotames légers pour la joie des spectateurs, tandis que la réalité met en place tranquillement sa grosse machinerie.
Ainsi l'année 2012 a vu la prise d'une partie du pouvoir par Mario Draghi, forçant les statuts de la Banque centrale européenne.
L'année 2013 commence avec l'avènement du social démocrate néerlandais Dijsselbloem, peu connu dans son propre pays, à la tête d'une Eurozone en rupture désormais affirmée avec les principes constitutifs de l'Union monétaire.
Et tout le monde semble applaudir à l'avènement pratique de ces pouvoirs désormais arbitraires, sans que personne ne puisse nous dire où nous mènent tous ces habiles joueurs de flûte.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
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75 % des industriels français s’estiment compétitifs
D’après une étude réalisée par le cabinet RolandBerger en partenariat avec L’Usine Nouvelle, les trois quarts des industriels français considèrent leur usine comme compétitive. La question du coût du travail ne semble pas aussi critique que celles de la performance de la fonction achats et de l’organisation industrielle.
Estimez-vous que votre usine est compétitive ? C’est la question à laquelle ont répondu plus d’une centaine de directeurs de sites industriels, dans le cadre d’une étude menée par les consultants de RolandBerger en partenariat avec L’Usine Nouvelle. Menée fin 2012, en plein cœur du débat sur la compétitivité des usines françaises, cette étude dresse un état des lieux moins sombre que l’on pourrait penser. En effet, 63 % des patrons interrogés considèrent que leur site est compétitif, et 12 % le jugent même “très compétitif“.
Bien sûr, cela ne les empêche pas de nourrir des inquiétudes pour 2013. Seuls 4 % des patrons de sites “compétitifs” envisagent une hausse de leur performance économique l’an prochain.
Cette étude permet de dresser un portrait-robot de l’usine compétitive. “Il s’agit plutôt d’usines de taille moyenne à grande, de plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, commente Georges de Thieulloy, consultant au sein du centre de compétences Opérations chez RolandBerger. Parmi les usines les plus rentables, la majorité est intégrée à un groupe, et vend ses produits sur le marché français.” Un résultat qui peut s’expliquer par le fait que les entreprises confrontées à la concurrence internationale ont plus de mal à se considérer comme compétitives. L’usine compétitive “type” affiche également un engagement fort en matière d’innovation, et réalise plus de 10 % de son chiffre d’affaires sur des nouveaux produits lancés dans l’année.Le coût du travail n’est pas le critère le plus important
Les directeurs de sites ont dressé leur liste des critères les plus déterminants pour être compétitif. Contre toute attente, le coût du travail ne ressort pas comme étant le critère le plus important. Cité par 79 % des répondants, il arrive en quatrième position derrière les achats de matières premières (87 %), l’efficacité du système de production (80 %) et la maîtrise des processus industriels (79 %).
Les préoccupations des patrons français semblent donc plutôt tournées vers les achats. “Non seulement les achats ressortent comme le critère de compétitivité n°1, mais l’étude montre aussi que seulement 49 % des personnes interrogées se considèrent performantes sur ce critère“, commente Georges de Thieulloy. Ainsi donc, il reste beaucoup à faire en matière d’achats et, après les mesures prises fin 2012 pour réduire le coût du travail, il est probable que la question du coût des matières premières revienne rapidement sur le devant de la scène.
Pas de problème d’organisation, d’après les patrons
Le constat est assez différent pour tout ce qui touche à l’organisation industrielle. Interrogés au sujet de leur efficacité opérationnelle et de la maîtrise de leurs procédés (deux des trois critères-clés de compétitivité), les patrons s’estiment compétitifs à 64 % sur le premier critère et à 77 % sur le second. Pour Georges de Thieulloy, une telle autosatisfaction, c’est presque trop beau pour être vrai. “Il est plus facile d’identifier les problèmes chez les autres que chez soi, renchérit-il. Sur ces questions touchant à l’organisation, les résultats auraient été très différents si l’on avait interrogé les responsables de production plutôt que les patrons de site“.
En parlant d’organisation, justement, il ressort de l’étude que les équipes marketing et Supply Chain sont peu impliquées dans le renouvellement du portefeuille produits. 58 % des organisations n’impliquent pas les personnes chargées de la gestion de la Supply Chain (chaîne d’approvisionnement). Ces derniers souffrent encore aujourd’hui d’un manque de considération, alors que leur capacité à définir le coût global d’un produit devrait en faire des interlocuteurs de choix pour les dirigeants. “Avec un marché qui a tendance à se mondialiser et des clients qui demandent toujours plus de personnalisation, les fonctions Supply Chain et marketing vont forcément gagner en poids au sein des organisations dans les années à venir“, conclut Georges de Thieulloy.
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‘Le monde vient d’adopter un nouvel étalon-or dans la plus grande discrétion’
L’étude annuelle de la GFMS pour 2012, une société de recherches spécialisée sur les métaux précieux, avait déjà indiqué que les banques centrales à travers le monde avaient acheté plus d’or l’année dernière qu’elles ne l’avaient fait quasiment au cours des cinquante dernières années. Elles auraient ainsi acquis 536 tonnes d’or en 2012, qui ont été substituées aux réserves détenues dans les 4 devises les plus courantes : le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. Parallèlement, elles ont réduit de 26% leurs détentions en obligations souveraines européennes de la zone euro, leur faisant retrouver les niveaux qu’elles avaient atteints il y a une décennie.
C’est donc la perte de confiance dans les deux plus grandes devises de réserve du monde, le dollar et l’euro, qui suscite cette évolution. La crise de la dette a révélé les défauts de la monnaie unique, qui ne dispose pas d’une trésorerie capable d’intervenir pour la soutenir, tandis qu’elle est agitée de crises successives ; quant au dollar, c’est la dette abyssale des Etats Unis qui lézarde sa crédibilité.
Ce mouvement est bien sûr initié par les pays détenteurs de ces 4 monnaies, rejoints par de nouvelles puissances émergentes. A eux tous, ils détiennent les deux tiers des 11.000 milliards de dollars de réserves en devises du monde. La Chine se serait fixée d’accroître ses réserves d’or pour qu’elles dépassent 2% du total de ses réserves en devises. La Russie s’est même fixée un seuil de 10% de ses réserves en or. Le même mouvement s’observe de toutes les régions du monde, en Amérique Latine, au Moyen-Orient, ou dans le Pacifique. Et cette semaine, on a appris que la Bundesbank procédait au rapatriement de ses réserves d’or détenues à New York et Paris. Selon Mohammed El Erian, le CEO de Pimco, cet évènement pourrait déclencher un vaste mouvement d’imitation à travers le monde. « Aucun pays ne voudra se retrouver à être le dernier à sous-traiter toute cette activité à des banques centrales étrangères », a-t-il dit.
Pour Jim Sinclair, un expert dans le domaine de l’or surnommé « Mr Gold », la décision de l’Allemagne, qu’il compare à un séisme, est comparable en impact à la décision de Charles de Gaulle de rapatrier les réserves d’or de la France qui étaient conservées aux Etats-Unis à la fin des années 1960, qui avait été un signe avant-coureur de la suppression du système de Bretton Woods 3 ans plus tard. Il croit même que la décision de la Bundesbank pourrait sonner le glas du dollar comme monnaie de référence internationale.
Mais pour Evans-Pritchard, l’or devrait plutôt s’intercaler comme un troisième étalon de référence aux côtés du dollar et de l’euro, ce qu’il estime être une bonne chose. « Un étalon-or partiel, créé par le marché international, et n’appartenant à personne, est le meilleur des mondes. Il offre une valeur de conservation (quoique sans rendement). Il agit comme un contrepoids. Il n’est pas assez dominant pour nuire au système. Offrons-nous donc trois devises mondiales, un tripode avec une jambe d’or. Il pourrait même offrir le luxe d’être stable », conclut-il.
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Catholicisme et libéralisme économique
« Le très catholique Mario Monti [1]... ». C’est ainsi que France-Info (mercredi 2 janvier 2013) évoquait le professeur d’économie qui a été mis en place en Italie par le système oligarchique actuel. Pour corriger ce médiamensonge obscène, nous devons rappeler quelques repères à ce sujet.
Chacun reconnaîtra qu’au XXème siècle, les penseurs catholiques plutôt traditionnels se sont surtout focalisés sur des critiques du marxisme. Cette concentration du discernement s’est traduite par une certaine tolérance idéologique envers le libéralisme économique. C’est ainsi que la réalité sociologique du catholicisme pratiquant manifeste des personnes bien établies dans le monde, plutôt aisées. Le fait que ces catholiques bourgeois se sentent tout à leur aise dans une église trahit l’ignorance doctrinale et religieuse de ce temps.
Ce constat sociologique n’annule pas les déclarations du magistère dans le domaine. Notre vie quotidienne est formatée par le positivisme et tous ses corollaires (scientisme, relativisme, nihilisme…) dont le libéralisme économique est également un surgeon majeur. Mais l’enseignement de l’Église catholique sur le libéralisme économique est clair et précis.
Nous connaissons les travaux de Jean-Claude Michéa [2] sur les racines philosophiques [3] de ce libéralisme de marché. Or, il faut savoir que ce libéralisme des échanges a pu se développer sur les bases philosophiques du positivisme issu, d’une manière paradoxale pour certains, du protestantisme. Le fidéisme protestant, en effet, en niant à l’homme sa capacité à définir l’ordre naturel, favorise la réduction des biens humains aux biens utiles. Or, cette réduction du sens de la vie humaine à la gestion utile de ce qui est, de l’existant, est une violence réelle faite aux intelligences qui cherchent la vérité.
Le travailleur français, à l’origine majoritairement artisan, paysan ou ouvrier, s’est vu progressivement contraint à l’isolement face à la toute- puissance des structures étatiques. La Révolution a ainsi supprimé les anciennes Corporations (institutions de métiers qui protégeaient les affiliés à travers une législation reconnue) et les anciennes Mutuelles. En adoptant la loi « Le Chapelier » [4], cette Révolution a interdit au travailleur de s’associer en lui ouvrant une nouvelle ère : celle d’un esclavage de l’industrie naissante. La course à la productivité et au rendement allait ainsi servir l’éclosion et la pérennité de groupements économiques financièrement puissants et asservissants.
Le droit au travail consacré par la sainte Déclaration des Droits de l’Homme cachait surtout le nouveau devoir de se faire exploiter par les puissants de ce monde.
Le fruit de la libéralisation des esprits, dont Voltaire fut un travailleur acharné, a surtout été la légalisation de la loi de la jungle et le triomphe des appétits égoïstes, dans la droite ligne de l’anthropologie protestante [5]. Les hommes et les femmes, enfermés dans leurs appétits narcissiques, sont ainsi « naturellement » en concurrence et la réussite individuelle, l’arrogance, la superbe, la suffisance deviennent des vertus dans ce monde anglo-saxon. Il n’y a pas loin à voir dans la réussite matérielle le signe des vertus humaines les plus hautes… Ne voit-on pas ici l’arrière-plan protestant de la prédestination dont les signes sont la réussite sociale et les richesses matérielles ?
Il a existé des patrons catholiques [6] conscients de leurs responsabilités et qui humanisaient autant que possible la vie de leur entreprise. Il faut ici rappeler en toute justice que c’est l’Église catholique qui les rappelait à leur devoir. Si la séparation de la foi et de la raison, aujourd’hui majoritaire dans les cerveaux catholiques, est une catastrophe sociale et ecclésiale, la séparation des classes laborieuses et de l’Église catholique en est une autre.
Le catholicisme social en France : quelques exemples
Pourtant, et c’est ce que nous voulons rappeler ici, il n’a pas manqué de voix, même parmi les évêques (eh oui, tout arrive !), pour exposer ce qu’on appelle la doctrine sociale de l’Église [7], laquelle explique l’inhumanité de la doctrine libérale. Sans exposer le détail de l’argumentation, il convient de rappeler que la tradition de l’Église n’est pas de soutenir sans discernement les pouvoirs établis, même si certains hommes d’Église y ont succombé. Nous ne dresserons pas ici une liste dont les noms sont maintenant inconnus pour la plupart. Nous pourrions ici rappeler l’engagement des cardinaux Liénart [8] et Guerry [9] contre cette violence économique et sociale, Frédéric Ozanam [10] ou encore Léon Harmel [11]. Le rappel de cette doctrine sociale au regard du libéralisme économique est essentiel en un temps où le surnaturalisme imprègne le catholicisme, ce qui se traduit par la désertion du combat politique authentique.
Nous citerons le cardinal Richaud (1887-1968), archevêque de Bordeaux :
« Le travail de l’homme est une réalité voulue par Dieu et sanctifié par le Christ. Le chômage est donc un mal moral avant d’être un mal économique. Ses conséquences sur la valeur personnelle de l’ouvrier, sur la condition de la vie au foyer, sur l’ensemble de la vie sociale, sont à peser avant tout licenciement. Le chômage ne peut être que temporaire et “subi” par les responsables de la Cité, de la profession, de l’entreprise. Tous les moyens doivent être mis en œuvre pour l’éviter ou le réduire [12]. Jamais il ne saurait être envisagé comme un bien pour relancer une affaire ou équilibrer une situation. Même en face de difficultés économiques d’une entreprise ou d’un pays, les dirigeants doivent avoir le souci de sauvegarder une priorité absolue aux salaires vitaux. Un abandon momentané de la rémunération du Capital, une réduction par le haut de la hiérarchie des salaires et des traitements, un engagement des réserves de l’entreprise peuvent apparaître nécessaires dans une période particulièrement difficile. C’est ici que la morale évangélique du renoncement doit dicter à ceux qui sont avantagés ou qui jouissent d’une plus grande sécurité les gestes que les Chrétiens doivent faire et qui entraîneront leurs collègues et leurs compatriotes… Le dirigeant chrétien… évitera de transférer sur d’autres les difficultés qu’il rencontre. Il s’associera à eux pour les partager… Une conscience chrétienne ne peut supporter qu’une certaine catégorie de citoyens exploitent une période de crise pour s’y enrichir tandis que d’autres connaissent des moyens d’austérité [13]. »
La véritable Église du Christ a ainsi toujours combattu les abus de pouvoir en protégeant les humbles et les petits. Le catholicisme social n’est pas une vue de l’esprit. Ce christianisme authentique a en effet fourni de nombreux résistants.
Un certain abbé Busson écrivait ainsi en 1819 :
« Il est un autre socialisme que les peuples doivent accueillir sous peine de retomber, et bientôt, dans la barbarie : c’est le socialisme chrétien. Celui-ci se fonde sur la liberté, l’égalité et la fraternité, telles que la religion du Christ les révèle. Il ne crée pas une humanité fantastique, pour dicter des lois à l’humanité réelle. Il prend les hommes comme ils sont, avec leurs inégalités sans nombre, parce que ces différences dérivent naturellement de la différence même des individualités humaines. Et voilà pourquoi il cherche à faire servir, dans une juste mesure, la plénitude des uns de ressource à l’indigence des autres. »
Le catholicisme social en Allemagne
C’est pourtant au XIXème siècle en Allemagne que le catholicisme social va s’incarner de façon significative autour des « lois Ketteler » du nom de l’évêque de Mayence Wilhelm Emmanuel von Ketteler (1811-1877). Cet évêque ne s’est jamais prostitué aux autorités établies, ce qui lui a valu de nombreuses difficultés. Il est cité en exemple par Benoît XVI dans son encyclique sociale Dieu est amour (n° 27). Dans cet élan, Mgr Weis (1796-1869) écrivait : « Le sort des salariés des riches fabriques est plus oppressif que l’ancien esclavage. » Le fruit de ces réflexions est la création d’associations de protection ou encore la modification du droit du travail.
En 1864, trois ans, donc, avant la parution du Capital de Karl Marx, monseigneur von Ketteler publie La question ouvrière et le christianisme [14].
Il dénonce alors une oppression d’une grande actualité :
« Il n’y a plus de doute possible aujourd’hui : l’existence matérielle de la classe ouvrière presque tout entière, c’est-à-dire la grande masse des citoyens de tous les États modernes, celle de leur famille, le pain quotidien nécessaire à l’ouvrier, à sa femme et à ses enfants, est soumise à toutes les fluctuations du marché et du prix de la marchandise. Connaissez-vous quelque chose de plus déplorable qu’une telle situation ? Quels sentiments doit-elle éveiller dans le cœur de ces malheureux qui se voient, chaque jour, eux et ceux qui leur sont chers, exposés aux éventualités d’un marché ! C’est le marché aux esclaves de l’Europe libérale, taillé sur le modèle de notre libéralisme et de notre franc-maçonnerie philantropiques, éclairés et antichrétiens »
Léon XIII (1810-1903) reconnaîtra en von Ketteler son précurseur. Une de ses intuitions de résistance est la création d’associations ouvrières, sortes de syndicats, indépendantes de l’État bien entendu, mais également des réseaux capitalistes. Ce mouvement aboutira à la création d’un parti chrétien qui remportera plusieurs élections. Dans l’œuvre de Mgr von Ketteler se trouve également le projet de création d’un institut de crédit qui permet aux ouvriers de contrôler le capital de leur entreprise et la participation des travailleurs aux bénéfices.
À la même époque, de nombreuses initiatives fleurissent en Occident. En France particulièrement, Mgr Freppel (1827-1891) et Albert de Mun (1841-1914) vont proposer la création de caisses de sécurité sociale. Ces initiatives annoncent les grandes lignes des encycliques sociales de Léon XIII qui ordonnent en conscience la protection des ouvriers.
La doctrine sociale et les papes
Pie XI (1857-1922) dénonça en son temps « le libéralisme immoral » que Pie XII (1876-1958) condamnera de nouveau en 1944 « comme contraire au droit naturel ». Il va sans dire que ces hommes connaissaient les relations étroites entre ce libéralisme et la pratique de l’usure, dénoncée depuis les débuts de l’Église [15].
Cette doctrine sociale de l’Église se fonde sur ce qu’on appelle le droit naturel [16] et la Révélation : cette dernière n’annulant point le premier, dont les grandes lignes ont été définies par des philosophes grecs [17] et romains. Cette doctrine, issue d’une longue maturation, ne définit pas le travail comme une marchandise ou une simple force productrice dépersonnalisée. Cette doctrine sociale relativise donc le travail mais en lui redonnant ses lettres de noblesse : en l’humanisant.
Concernant la propriété privée, elle ne la définit pas comme un droit absolu de disposer de ses biens [18]. S’inspirant de saint Thomas, elle précise, ce qui ne va pas sans étonner nos oreilles formées au matérialisme égoïste, que la propriété privée, bien que nécessaire [19] à la satisfaction des besoins vitaux et pour d’autres raisons, est destinée en droit au bien commun. Quand j’use d’un bien matériel (maison, moyen de locomotion, outil, etc), je ne dois pas le faire comme s’il m’appartenait en propre mais comme s’il était à tous, si bien que si je rencontre quelque nécessiteux, je dois lui céder ce bien comme s’il s’agissait d’une restitution. Saint Thomas finit ainsi son argumentation en citant saint Paul (1 Tm 6, 17-18) : « Recommande aux riches de ce monde... de donner de bon cœur et de savoir partager. »
Cette communauté des biens ou destination universelle des biens [20] est traditionnelle dans l’Église, bien que les catholiques, travaillés par des décennies de bourgeoisie néo-protestante, l’aient oublié pour le plus grand bien de la marche libérale. L’Église parle ainsi de droit naturel, non qu’elle enseigne qu’on ne doit rien posséder en propre [21] mais que l’on ne doit pas oublier que, naturellement, nous naissons nus et sans possessions. Le riche qui, par exemple, s’empare en premier d‘une richesse (un puits d’eau par exemple) pour la partager avec le plus grand nombre agit bien et en justice : il faute par contre quand il empêche la redistribution selon un juste prix ou engrange des bénéfices démesurés. Saint Thomas cite dans cette question saint Ambroise : « Que personne n’appelle son bien propre ce qui est commun [22], car tout ce qui dépasse les besoins, on le détient par la violence. »
L’Église catholique, à travers tout l’argumentaire de sa doctrine sociale, rejette le libéralisme sauvage et le capitalisme démesuré qui lâchent la bride des prédateurs, ouvriers d’injustice. L’aveuglement de trop nombreux catholiques en ce domaine est le fruit du travail de sape d’idéologies déformantes et déshumanisantes. Cette ignorance [23] grave engendre dans leur mode de vie un contre-témoignage non moins grave et empêche leur entrée dans la résistance efficace au nouvel ordre mondial positiviste.
En 1937, Pie XI s’insurgeait :
« Que faut-il penser des manœuvres de quelques patrons catholiques, qui, en certains endroits, ont empêché la lecture de notre encyclique Quadragesimo anno dans leurs églises patronales ? Que dire de ces industriels catholiques qui n’ont cessé jusqu’à présent de se montrer hostiles à un mouvement ouvrier que nous avons-nous-mêmes recommandé ? On combattra cette incohérence, cette discontinuité dans la vie chrétienne, que nous avons déplorée tant de fois, et qui fait que certains hommes [24] , apparemment fidèles à remplir leurs devoirs religieux, mènent, avec cela, par un déplorable dédoublement de conscience, dans le domaine du travail, de l’industrie ou de la profession, dans leur commerce ou leur emploi, une vie trop peu conforme aux exigences de la justice et de la charité chrétienne ; d’où scandale pour les faibles et facile prétexte offert aux méchants de jeter sur l’Église elle-même le discrédit. »
Divini Redemptoris, 1937.
Quand une structure se corrompt, elle le fait toujours par le haut. L’Église authentique subsiste dans l’Église catholique. Car de nos jours, il est facile de se dire catholiques, du moins dans les réseaux ecclésiaux, d’aller à l’église, de participer à sa vie liturgique et communautaire, voire même d’accéder à certains « grades ». C’est ainsi que l’Église institutionnelle présente parfois, ponctuellement, le visage d’une auberge de prostituées. Ne voit-on pas certains encourager cette situation indigne en entretenant l’ignorance et le mépris de l’étude : c’est ainsi qu’on confisque les clés de la formation en empêchant le peuple d’y accéder. On le conforte ainsi dans ce dédoublement de conscience qui sert l’ordre établi. Au sein de ces zizanies subsiste un petit reste de fidèles qui résiste aux compromissions inacceptables et prend conscience, par l’étude et la lecture, de la nécessité de la dissidence.
« L’Église n’est ni à droite, ni à gauche mais au-dessus, non pour dominer mais pour servir. »
Pie XII
Nul ne peut juger la conscience d’un autre, mais Mario Monti n’est pas catholique : c’est objectivement un petit agent de groupes de domination privés protestants et juifs dont les buts exclusifs sont l’argent et le pouvoir. Entièrement soumis à ces intérêts au détriment du bien commun des personnes, il œuvre chaque jour contre cette doctrine sociale de l’Église qu’il devrait servir en cohérence. Son évêque devrait vigoureusement rappeler ces vérités au risque d’accentuer des contre-témoignages inadmissibles.
Conclusion
La société libérale-libertaire, qui est la finalité de l’idéologie mondialiste (à ne pas confondre avec la mondialisation), consacre le prêt à intérêt de l’individu égoïste, alors que la doctrine sociale de l’Église, tout en reconnaissant la propriété privée comme un bien objectif et humanisant, recommande le don gratuit pour l’autre.
Historiquement, nous sommes passés de la noblesse au calcul intéressé. Il ne faut pas oublier les intentions des pères du libéralisme économique dominant dont un représentant emblématique est Bernard Mandeville (1670-1733). Dans sa Fable des Abeilles (1714), il manifeste qu’une société fondée sur les vertus ne peut pas être prospère matériellement. Il faut donc libéraliser les vices. Le principe de cette nouvelle société libérale sera l’utilité sociale de l’égoïsme. Il ne s’agit plus ici de combattre les vices mais d’en accepter d’institutionnalisation.
C’est là un des fruits du protestantisme, tel que l’a manifesté Max Weber dans son Éthique protestante et l’esprit du capitalisme. L’Église reconnaît par ailleurs le rôle pertinent du profit comme le rappelle Jean-Paul II dans Centesimus Annus. La difficulté vient quand les âmes sont à ce point absorbées par la Cité temporelle que les soucis propres à cette Cité ont envahi l’esprit des citoyens. Peut-on encore combattre à la suite du Christ dans ces circonstances ? Le souci de la vérité apparaît alors comme une recherche désincarnée : mais dans cette logique, le plus désincarné se trouve être le Christ incarné…
Un autre sociologue, Werner Sombrart (1863-1941), plus connu en son temps que Max Weber, a fait le lien entre l’économie capitaliste sauvage et la religion juive. Aujourd’hui, deux principes bancaires coexistent dans le monde occidental : l’un, issu du monde protestant, de tendance ascétique ; l’autre provenant du monde juif, de tendance plus spéculative, (cf. Alain Soral, Comprendre l’Empire). Ces deux principes bancaires co-gèrent la capacité qu’ils se sont donnée de créer de l’argent à partir de rien et de tirer profit de l’emprunt. C’est là le mode de fonctionnement de la religion mamonnique. Il apparaît que le positivisme philosophique est un des piliers de l’esprit du monde : logique de domination temporelle.
Pour une analyse du prêt à intérêt chez saint Thomas : Somme Théologique, IIa-IIae, qu. 78.
En rappelant le passage du Livre de l’Exode (22, 25), saint Thomas se situe dans la lignée des Pères de l’Église en affirmant le caractère peccamineux de l’usure. On peut dire que jusqu’à la Renaissance, travailler pour accroître ses richesses étaient considéré comme un péché : la finance était immorale. Il fallait trouver le juste prix. L’authentique catholicisme recommandait le prêt gratuit. On sait par ailleurs que deux Conciles (Latran 1315 et Paris 1532) ont solennellement condamné le prêt à intérêt.
Pour une analyse globale de la question : Pamphile Akplogan, L’enseignement de l’Église catholique sur l’usure et le prêt à intérêt, L’Harmattan, 2010.
Keroas http://www.egaliteetreconciliation.fr
Notes
[1] Né en 1943, après avoir fait le va-et-vient entre la Commission Européenne et la banque Goldman Sachs, il est nommé en novembre 2011 Président du Conseil des Ministres italien et démissionne en décembre 2012. Le technocrate œuvre pour le racket légal des italiens au service des banques privées. Candidat aux prochaines élections, il annonce vouloir poursuivre sur la même voie : libéralisations, mesures de compétitivité, etc.
[2] Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche (Climats, 2002. Réédition Paris, Champs-Flammarion, 2006) et La double pensée. Retour sur la question libérale (Paris, Champs-Flammarion, 2008) dont Alain Soral nous a recommandé la lecture.
[3] Le raisonnement est toujours le même : notre connaissance ne touche jamais la vérité des choses mais son aspect sensible seulement. Et par conséquent comme l’appétit suit la connaissance, mon désir sera borné à un calcul d’intérêt singulier. Suivront les utilitaristes anglo-saxons : Adam Smith (1723-1790), Jeremy Bentham (1748-1832), Bernard Mandeville (1670-1733), son disciple Ricardo (1772-1823), John Stuart Mill (1806-1873), Malthus (1766-1834), et plus tard Keynes (1883-1946). Ces auteurs positivistes peuvent s’opposer ici ou là mais leurs points de départs sont les mêmes. Il est intéressant de noter que pour Keynes, influencé par Moore (1873-1958), le bien ne peut être défini adéquatement de façon universel et nécessaire. Il nous faut donc nous en tenir aux institutions établies qui ont fait leur preuve dans l’histoire des hommes pour guider nos actions. L’aboutissement contemporain de cette filiation est Milton Friedman (1912-2006), prix Nobel d’économie (1976), dont la doctrine économique est devenue dominante dans la marche vers le Nouvel Ordre Mondial.
[4] La Loi Le Chapelier (juin 1791, du nom de Isaac Le Chapelier, avocat au Parlement de Bretagne, et abrogée progressivement en 1864 et 1884) proscrit légalement : les organisations ouvrières, dont les corporations des métiers, mais aussi les rassemblements paysans et ouvriers et le compagnonnage. Étrangement, elle épargne les clubs patronaux, les trusts et ententes à caractère monopolistique.
« Enfin, à ceux qui verraient encore dans la Révolution la naissance de l’égalité et de la fraternité réelles, nous rappelons la loi “Le Chapelier”. Soit l’avènement aussi dans le dos des “droits de l’homme”, mais sur le dos du petit peuple du travail, du plus brutal libéralisme économique ! La loi Le Chapelier, promulguée en France deux ans seulement après la prise de la Bastille, proscrivant les organisations ouvrières et les rassemblements de paysans. Interdisant, de fait, les grèves et la constitution des syndicats, ainsi que les entreprises non lucrative comme les mutuelles. Ne visant ni les club patronaux, ni les trust, ni les ententes monopolistiques qui ne furent jamais inquiétés, elle provoque, dès 1800 chez les ouvriers charpentiers, la formation de ligues privées de défense et de grèves sauvages, qu’elle (la loi) permet de réprimer jusqu’à Napoléon III » (voir loi Ollivier).
Alain Soral, Comprendre l’Empire.
[5] Pour la théologie protestante, avec bien-sûr des nuances chez les auteurs et les filiations, le péché originel a détruit (complètement obscurci) la nature humaine si bien que non seulement l’intelligence ne peut plus connaître le vrai mais la volonté est incapable de bien objectif. On verra ainsi une certaine forme d’anti-intellectualisme chez Luther lorsqu’il refuse de donner à l’intelligence la capacité d’accéder à la vérité. Sa définition de la nature humaine est telle qu’il l’estime incapable de connaître naturellement des vérités premières et d’aimer objectivement un bien. Sa formation nominaliste occamiste a fondé ce postulat. Dés lors, l’usage de la raison dans les matières de la foi, et donc la prétention d’exposer une théologie scientifique du donné révélé, est non seulement invalidée par cette orientation protestante mais lui est insupportable. L’usage de la raison humaine, avec sa logique naturelle, dans les matières de la foi, est un abominable scandale. Nous rappelons ici le texte bien connu : "dans les choses spirituelles la raison est non seulement aveugle et ténèbres, elle est vraiment la putain du diable, elle ne peut que blasphémer, déshonorer tout ce que Dieu a dit ou fait". Notre intelligence totalement détruite ne peut plus définir des vérItés naturelles et les vérités révélées de la foi ne sont pas rationnelles mais s’adressent uniquement à notre cœur, compris comme siège des sentiments. Ce sera le Dieu sensible au cœur de Pascal. Luther repoussait ainsi toute philosophie, et invalidait toute logique en théologie. "La logique n’est nulle part nécessaire en théologie, dit-il, parce que le Christ n’a pas besoin des inventions humaines". Et par conséquent Aristote devient pour lui le rempart impie des papistes. Son éthique est la pire ennemie de la grâce. Saint Thomas est rejeté, la Sorbonne est la mère de toutes les erreurs et Jacques Maritain peut conclure :"Luther en somme apportait à l’humanité 230 ans avant J.J. Rousseau une délivrance, un immense soulagement : il délivrait l’homme de l’intelligence, de cette fatigante et obsédante contrainte de penser toujours et de penser logiquement. La grande oeuvre révolutionnaire, à partir du protestantisme en descendant jusqu’à nos jours, c’est de ne permettre de repos à la raison que dans la contradiction. Elle met en nous une guerre universelle." Luther et ses disciples protestants de tous les temps mettent en oeuvre le programme philosophie de Guillaume d’Occam (franciscain anglais mort en 1347) : abandon de la philosophie réaliste jugée inutile et incertaine, séparation de la philosophie et de la théologie, prédominance du sentiment au détriment de la raison. Plus tard, quand la foi disparaîtra : réduction des biens humains aux biens utiles. Et comme le souligne Jean-Paul II dans Fides et Ratio (n° 48) : « la foi, ainsi privée de la raison, a mis l’accent sur le sentiment et l’expérience, en courant le risque de ne plus être une proposition universelle. Il est illusoire de penser que la foi, face à une raison faible, puisse avoir une force plus grande ; au contraire, elle tombe dans le grand danger d’être réduite à un mythe ou à une superstition. De la même manière, une raison qui n’a plus une foi adulte en face d’elle n’est pas incitée à s’intéresser à la nouveauté et à la radicalité de l’être ».
[6] Voir plus bas, Léon Harmel.
[7] Une synthèse de cette doctrine a été publiée en 2006 aux éditions du Cerf.
[8] 1884-1973 : peu apprécié des traditionnalistes pour son progressisme, il développa cependant le syndicalisme chrétien.
[9] 1891-1969 : figure du catholicisme social en France après-guerre.
[10] 1813-1853 : professeur d’histoire de la littérature à la Sorbonne, béatifié en 1997.
[11] 1829-1915 : industriel français, tertiaire de saint François. Le patronat catholique l’appréciait peu. Harmel rappelait la nécessaire autonomie de l’organisation ouvrière face au patronat.
[12] L’indice N.A.I.R.U. est ainsi le taux de chômage nécessaire et suffisant pour limiter l’inflation. Équation économétrique essentielle dans le système libéral actuel et dénoncée par Etienne Chouard.
[13] Le Figaro, 13-02-1959.
[14] Disponible au téléchargement sur gallica.fr.
[15] Cf ; Pamphile Akplogan : L’enseignement de l’Église catholique sur l’usure et le prêt a intérêt. L’Harmattan, 2010. L’auteur béninois s’étonne par ailleurs que le nouveau Code de Droit Canonique (1983) ne parle plus de l’usure. Le Compendium de la Doctrine Sociale de de l’Église (Cerf, 2006) rappelle cependant cette condamnation dans son n° 341 : « Si dans l’activité économique et financière la recherche d’un profit équitable est acceptable, le recours à l’usure est moralement condamné : « Les trafiquants, dont les pratiques usurières et mercantiles provoquent la faim et la mort de leurs frères en humanité, commettent indirectement un homicide. Celui-ci leur est imputable » (Catéchisme Église Catholique, n° 2269). Cette condamnation s’étend aussi aux rapports économiques internationaux, en particulier en ce qui concerne la situation des pays moins avancés, auxquels ne peuvent pas être appliqués « des systèmes financiers abusifs sinon usuraires » (CEC, n° 2438). Le Magistère plus récent a eu des paroles fortes et claires contre une pratique dramatiquement répandue aujourd’hui encore : « Ne pas pratiquer l’usure, une plaie qui à notre époque également, constitue une réalité abjecte, capable de détruire la vie de nombreuses personnes » (Jean-Paul II : Discours à l’Audience générale du 4 février 2004).
[16] Pas celui de Hugo Grotius qui conserve l’expression mais en détourne le sens vers la subjectivité.
[17] Dont le principal est Aristote, auteur indépassable dans l’ordre naturel.
[18] Comme c’est le cas chez Grotius. Alors que chez Thomas d’Aquin, tout usage de la richesse doit avoir une destination communautaire (Somme Théologique, IIa-IIae, question 66, a.2).
[19] Saint Thomas donne trois raisons qui justifie cette nécessité : 1° on prend davantage soin de ce qui nous appartient, 2° l’efficacité dans la gestion est plus assurée quand chacun s’occupe de son office et non quand chacun veut s’occuper de tout, 3° la paix sociale est plus garantie quand chacun est relativement satisfait vis-à-vis des biens extérieurs. Dans le cas des biens partagés ou indivis, il se rencontre beaucoup de conflits.
[20] La destination universelle des biens de ce monde est rappelée dans le Compendium (Cerf, 2006) à partir du n° 171.
[21] Sauf dans le cas de vocation particulière, avec des degrés selon les constitutions religieuses.
[22] Ici, il parle de la propriété au point de vue de l’usage.
[23] La prise de conscience ne suffit pas : il faut y ajouter la réforme de vie, en un mot sortir de la prostitution à l’ordre établi bourgeois et mercantile avec ses corollaires de consommation continue et avilissante.
[24] La mixité récente a accentué cette dérive : l’accent mis en effet sur la communion relationnelle au détriment de la raison et de la vérité est une caractéristique de la vie ecclésiale catholique actuelle.
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Énergie en Méditerranée
L'approvisionnement en énergie de l'Europe est très dépendant du pétrole et du gaz russe. Cette situation ne serait pas étrangère au projet de couvrir de panneaux solaires toute l'Afrique du Nord et les pays du Proche-Orient.
Les relations euro-méditerranéennes ont pris un tour décisif avec le lancement de l'Union pour la Méditerranée sous l'égide de Nicolas Sarkozy en 2007. En réalité, le président de la République a connu une défaite. En effet, son projet reposait sur l'idée d'établir des liens privilégiés entre les pays européens riverains de la Méditerranée et la rive sud. L'objectif était d'établir une zone d'influence française qui aurait fait contrepoids aux relations privilégiées de l'Allemagne en Europe centrale et orientale.
Opposition allemande
L'opposition acharnée d'Angela Merkel fit capoter le projet. En effet, lors d'une rencontre entre les chefs d'État français et allemand en mars 2008 à Hanovre, le chancelier exigea que tous les pays de l'Union européenne, dont l'Allemagne, participent au projet de l'Union pour la Méditerranée. Face à l'insistance d'Angela Merkel, le président français céda sur toute la ligne. Vidé de sa substance d'origine, le projet politique de Sarkozy s'est européanisé au profit des lobbies de Bruxelles et de leurs alliés de Berlin. Comment peut-on expliquer une telle volonté d'abattre le projet français au profit des instances européennes ? La réponse est simple ; elle tient à l'énergie.
En effet, l'approvisionnement en énergie de l'Europe pose problème. Dépendant du pétrole et du gaz, les dirigeants bruxellois se sentent pieds et poings liés face au géant russe Gazprom. Afin de se dégager de cette emprise, des dirigeants d'instituts européens en liaison avec des pays sud-méditerranéens ont décidé de lancer en 2003 un projet misant sur l'énergie solaire. Il s'agit de couvrir de panneaux solaires toute l'Afrique du Nord et les pays du Proche-Orient afin d'irriguer l'Europe en énergie.
Inversement, les pays sud-méditerranéens seront en mesure de bénéficier de la technique nécessaire pour dessaler l'eau de mer. Ainsi, leur agriculture verrait les rendements augmentés pour le plus grand profit de leurs économies. Sous l'égide de la branche allemande du Club de Rome, de la Fondation hambourgeoise pour la protection du climat (la HKF) et du Centre national de la recherche énergétique de Jordanie, une "Coopération trans-méditerranéenne pour les énergies renouvelables" (TREC) a vu le jour.
Ces compléments venus des déserts
C'est un véritable réseau international réunissant l'Europe (EU, essentiellement allemand), le Moyen-Orient (Middle East, ME) et l'Afrique du Nord qui, sous le sigle EU-MENA, a décidé de se lancer dans une politique définie comme suit : « Fournir de l'énergie propre à bon marché pour l'EUMENA, aussi rapidement que possible en se basant sur une coopération entre les pays de ces régions. TREC voit l'électricité en provenance des déserts comme un complément aux ressources européennes en énergie renouvelable ainsi qu'un moyen d'accélérer le processus de réduction des émissions européennes de CO² et d'augmenter la sécurité d'approvisionnement énergétique européenne. Pour les populations du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord (MENA), ce projet apporterait une fourniture importante d'énergie propre, des emplois, des sources de revenus économiques, des infrastructures améliorées, des possibilités de dessalement d'eau de mer et de nombreux bénéfices potentiels (comme par exemple l'agriculture) apportés par l'ombre des collecteurs solaires. »
Projet titanesque
Afin de promouvoir cette coopération trans-méditerranéenne, TREC s'est doté d'un outil appelé Desertec. Lancé lors d'une réunion à Munich en juillet 2009, avec l'appui d'une multitude de groupes financiers essentiellement germaniques, il consiste à engager plus de 400 milliards d'euros jusqu'en 2050. Ce projet titanesque repose sur l'idée phare de resserrer les liens politiques et économiques entre les deux rives de la Méditerranée. Il préfigure cet idéal ancien d'unifier l'Occident et l'Orient en un seul et même bloc comme au plus beau temps de l'Empire romain. Toute la question est de savoir si les pays musulmans accepteront ce projet et sa finalité voulus par les financiers apatrides de Bruxelles, de Londres et de Berlin.
Pierre Hillard L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 1er au 14 avril 2010 -
Arnaud Guyot-Jeannin : « En finir avec l'utopie mortifère du toujours plus ... »
ET SI L'AVENIR ÉTAIT À LA « DÉCROISSANCE SOUTENABLE » ?
Notre temps de crise économique est plus que tout autre fécond en mauvaises bonnes idées.
Voir, par exemple, la « prime à la casse » destinée à soutenir le marché de l'automobile... sauf qu'elle a tué le marché de la voiture d'occasion, tué les revendeurs, tué les réparateurs... Et pire encore, embouteillé les casses avec des véhicules en parfait état de marche et qui, hier, auraient fait le bonheur de beaucoup d'entre nous. Cette course en avant commence à être remise en question. Notamment en raison des dégâts écologiques qu'elle engendre.
Entretien avec un écologiste penchant sérieusement à droite ...
La croissance économique peut-elle être infinie ?
Non, il ne saurait y avoir de croissance infinie dans un espace-monde fini. Nous avons perdu le sens des limites inhérentes à la vie des civilisations. Nos excès et notre irrespect envers nous-mêmes comme envers la nature détruisent la biosphère. Le capitalisme est fondé sur l'accumulation du capital et du profit. Il est indissociable de la démesure, laquelle entraîne logiquement le dépérissement de toute société.
À défaut d'une croissance infinie, pensez-vous qu'il soit préférable d'opter pour une croissance zéro, à la façon du Club de Rome, ou pour une décroissance, comme l'évoquent plusieurs penseurs de gauche actuellement ?
Je suis partisan d'une décroissance soutenable. Il faut distinguer une « croissance zéro » impossible (plus du tout de croissance) d'une croissance négative possible (moins de croissance). Bien vivre ne passe pas nécessairement par la loi du « toujours plus » ; toujours plus de travail, d'objets, de consommation, de rentabilité, etc, Au contraire, bien vivre renvoie à la fameuse « décence commune », chère à Orwell et à une décélération des modes de production, de consommation et a fortiori de spéculation. Cette dernière devant même cesser totalement. Cette décroissance soutenable commence à sensibiliser les réseaux de la droite anticonformiste qui cherche à sortir de l'ère du productivisme, du consumérisme, de l'industrialisme et d'un capitalisme financier de plus en plus immatériel. Le livre d'Alain de Benoist, Demain la décroissance, témoigne de cette volonté d'affranchissement du système rapace de la marchandise à l'heure de la globalisation néo-Iibérale et hyper-technicienne. D'autre part, il faut rappeler que la croissance se calcule d'après le PIB, qui intègre les richesses accumulées, mais jamais la pauvreté engendrée, ni même les dégâts enregistrés sur le plan environnemental. Il existe une règle entropique fatale à laquelle les Occidentaux vont devoir se plier ; on ne peut pas exploiter plus de ressources naturelles qu'on n'en possède.
La droite qui encourageait, au XIXe siècle, à réfréner l'appétit de consommation, semble aujourd'hui être du côté de la société de consommation, cela ou nom des libertés économiques. Comment comprenez-vous cette évolution ?
L'idéologie du désir sur le plan commercial et publicitaire produit naturellement une consommation de masse profitant au capitalisme de marché. La droite libérale a défendu ce consumérisme en évoquant des « libertés économiques » purement théoriques. En réalité, le jeu du marché libre a engendré de juteux profits pour de gros producteurs et de grands distributeurs, tous deux inféodés à l'actionnaire prédateur. Résultat des courses, inverse de celui attendu par les libéraux ; chacun se sent dépossédé de sa responsabilité et de sa liberté fonctionnelle propre. Il n'existe plus de libertés économiques dans un monde entreprenarial livré à la guerre de tous contre tous pour emporter un marché, la concurrence entre des partenaires de petite, moyenne et grande taille a laissé la place à la compétition entre les grosses multinationales de la planète qui monopolisent le marché. La grande distribution en témoigne. L'essayiste Flora Montcorbier a pu désigner justement le capitalisme occidental régnant comme un « communisme de marché ». (1)
L'un des aspects majeurs de la décroissance concerne l'écologie. La droite a eu longtemps une réflexion et une action dans ce domaine, mois semble aujourd'hui étrangement absente de ce débat. Comment l'expliquez-vous ?
En 1945, la droite a réfuté l'écologie qui était un de ses thèmes de prédilection par peur d'être assimilée à Vichy et à Pétain la terre, elle, ne ment pas. En 1968, la gauche a profité de l'enfermement de celle-ci dans le ghetto des réprouvés ou dans le camp de la gestion bourgeoise, le gaullisme immobilier et la société de consommation, pour reprendre l'offensive. Elle a monopolisé le thème de l'écologie, souvent en dévoyant son projet initial et en minimalisant ses revendications. Depuis quarante ans, la gauche politicienne s'est caractérisée par son ralliement à la société capitaliste en y mêlant son hédonisme festif. Syndrome bobo !
Priorité au cosmopolitisme nomade,si prisé par le capitalisme transnational ! Quant à la droite, elle a fait le jeu du marché économiquement et a suivi la gauche dans ses thèmes sociétaux. Seuls quelques penseurs inclassables, revendiqués de droite par liberté d'esprit, comme Paul Sérant, Gustave Thibon ou Georges Suffert ont reposé urgemment la question écologique dans un milieu et une société qui leur étaient hostiles.
Selon vous, le développement durable peut-il être obtenu par le jeu du marché ?
Le « développement durable » est une expression développant surtout un oximore (mots contradictoires). L'idéologie du développement s'accompagne toujours d'une courte durée, car elle corrobore toujours les desseins de la rentabilité immédiate. Ainsi, le développement durable appelé aussi « capitalisme vert », « croissance verte » ou encore l'expression plus perverse « croissance soutenable », est un instrument redoutable du marketing financier. Notamment par l'effet rebond ! Les voitures moins polluantes ne le seront pas, au bout du compte, puisqu'elles seront achetées en plus grand nombre. Moins de pollution aujourd'hui, pour en éprouver davantage demain ! La décroissance soutenable ne se confond donc pas avec le développement durable. René Riesel n'a pas tort d'insister sur le rôle primordial d'une écologie résidant en premier lieu dans l'éradication du capitalisme industriel. La destruction de la « Forme-Capital » complétée par celle de la « Forme-Parti » et de la « Forme-Média » sont nécessaires à l'éclosion d'une société organique où l'homme se réenracine dans ses communautés d'appartenance et renoue avec le lien cosmique qui unit la Terre au Ciel.
FLASH 18 juin 2009
(1) L'Âge d'homme éditeur www.lagedhomme.com
• Arnaud Guyot-Jeannin est journaliste et essayiste, il dirige la collection Vu autrement à L'Âge d'Homme. Il a notamment publié deux ouvrages collectifs qui traitent de l'écologie, Aux sources de l'erreur libérale 1999) et Aux sources de la droite (2000).
• Cet entretien est également disponible dans l'hebdomadaire Les 4 vérités - www.les4verites.com - et ici reproduit grâce à la courtoisie de Guillaume de Thieulloy, son directeur.