Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

économie et finance - Page 850

  • Le bankstérisme par Georges FELTIN-TRACOL

    Dans Le Monde diplomatique de mai 2012, on apprend que « l’emploi du téléphone portable comme moyen de paiement sécurisé est une innovation venue du Kenya, où le m-banking (banque mobile) a des années d’avance, permettant aux plus pauvres de transférer et d’obtenir de l’argent même sans compte bancaire (1) ». Serait-ce la parade idoine d’échapper au joug bancaire français et occidental ? Difficile de l’affirmer tant ces établissements exercent dans le soi-disant « monde libre » une influence rarement atteinte dans l’histoire. Cette domination indirecte repose sur la détention par les particuliers, les entreprises et les personnes morales d’un compte en banque.

    Or, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la possession d’un tel compte n’est pas obligatoire dans l’Hexagone, mais de nombreuses restrictions le rendent indispensables (encaissement des chèques, interdiction faite à l’employeur de payer ses salariés en liquide, seulement par chèque ou par virement, idem pour les allocations sociales…). En revanche, l’article 6 de la loi du 22 octobre 1940 (tiens ! une loi encore en vigueur des « années noires » et on affirmera après l’illégitimité de l’État français du Maréchal Pétain…) oblige tout commerçant inscrit au registre du commerce et des sociétés d’ouvrir un compte. Une amende fiscale est même prévue si cette procédure n’est pas effectuée. Ces contraintes légales peuvent devenir des instruments de contrôle social.

    La crise économique de 2008 a révélé aux plus lucides des observateurs que les gouvernements préfèrent sauver les groupes bancaires plutôt que leurs citoyens. Pourquoi ? Parce que les milieux financiers (banques et assurances), médiatiques et politicards constituent les facettes d’une même entité oligarchique. Le remplacement des convictions politiques par la communication politicienne et le coût croissant des campagnes électorales (malgré le plafonnement légal et une vigilance plus ou moins lâche des autorités) favorisent le financement massif des formations partisanes les plus aptes à conquérir le pouvoir. C’est ce qu’on appelle trivialement de la corruption et elle est très incrustée dans les mœurs de l’Amérique du Nord et de l’Europe de l’Ouest.

    « La séparation des pouvoirs est institutionnelle, notent Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, mais reste en grande partie théorique. Dans la pratique, la classe dominante cumule toutes les formes de pouvoir. Ses membres, au cœur de l’État, des grandes entreprises, des banques, de l’armée, des arts et des lettres, entretiennent des relations assez proches pour que chacun, dans sa sphère d’influence puisse décider dans le sens des intérêts de la classe (2). » On découvre donc à l’échelle de l’Occident « une nouvelle nomenklatura, qui doit une bonne part de sa fortune soudaine à la privatisation des biens publics, use ainsi de la libéralisation des marchés pour s’exonérer du financement des systèmes de solidarité nationaux (3) ».

    La tyrannie du credit score

    La présente crise a aussi eu le mérite de divulguer au public l’existence des agences de notation et de leur implacable Diktat, consubstantiel à la société de consommation de masse puisque la crainte de la surproduction et les frais d’un stockage important poussent les acteurs économiques à valoriser l’achat compulsif créé par la publicité et à recourir à l’endettement. « De toutes les entraves qui ligotent le citoyen/consommateur à la société marchande, la chaîne des remboursements (des “ chaînes de billets ” matérialisent les crédits commerciaux) constitue certainement la plus efficace (4). » Frédéric Julien parle même de « l’aliénation bancaire (5) ».

    La pire des situations demeure les États-Unis d’Amérique, ce pays de « cigales », car le système bancaire – bankstère – a besoin de ménages dépensiers qui se mettent sous la menace constante du crédit. Une famille étatsunienne, Deiedre et Willie Adams, fonctionnaire pour elle et employé chez Xerox pour lui, a longtemps refusé le moindre crédit jusqu’au jour où ils voulurent acheter une maison. Ils demandèrent alors un emprunt à leur banquier qui refusa et leur répondit que « pas de crédit courant, pas d’emprunt ! (6) ». Il leur conseilla « de commencer par prendre des cartes de crédit à la consommation, et de constituer [leur] historique (7) ». Les Adams acceptent d’entrer dans un cercle vicieux, car les Étatsuniens obéissent aux injonctions bancaires.

    Interrogé par Natacha Tatu, l’économiste Sheldon Garon estime que « chez nous, dépenser et vivre à crédit est culturel. C’est presque une forme de patriotisme ! (8) ». « Emprunter, rembourser : c’est le moteur à deux temps de l’économie américaine (9) », explique la journaliste qui y voit une manifestation de l’esprit étatsunien d’origine anglo-saxonne. « L’aversion américaine à l’impôt donne la dimension sociale du choix et dicte sa traduction financière, souligne Hervé Juvin : fonder le levier de la dette sur la liquidité. Il suffit, pour que le marché finance tout et n’importe quoi, que les liquidités soient si abondantes que les banques en oublient la notion de risque : il y aura toujours quelqu’un pour financer votre risque (10). » Pas étonnant dès lors que s’applique l’équivalent électronique et ultra-moderne du livret ouvrier napoléonien, la note de crédit ou credit score. Celle-ci est « calculée par des agences spécialisées et censées prédire votre solvabilité, en fonction de la régularité de vos remboursements. Elle détermine le taux auquel vous allez emprunter. […] Un mauvais credit score ne vous fermera pas forcément les portes du crédit… Mais il peut vous coûter 100 000 dollars dans une vie ! (11) ».

    Cette note de crédit place la vie privée sous l’attention continue des organismes financiers, voire d’autres institutions. En effet, « accolée au numéro de sécurité sociale, le credit score – consultable par le propriétaire de votre domicile, par votre opérateur de téléphonie et même par votre employeur – est un critère auquel il est impossible d’échapper. Pourtant, la manière, totalement opaque, dont cette note est calculée reste une énigme : elle peut évoluer alors que que le comportement du débiteur reste identique. Une même note vous qualifie pour un crédit une année, mais pas l’année suivante (12) ». Par ce jeu pervers, « l’avenir d’une génération d’Américains, d’Européens, de Japonais est écrit, avertit Hervé Juvin; c’est l’avenir de jeunes adultes qui s’endettent sur trente ans, sur cinquante ans au Japon, pour acquérir leur premier appartement, et qui, parvenus au seuil de la retraite, constatent qu’ils auront réussi une chose pendant toute une vie de travail : ils auront remboursé leur crédit. Et l’idéologie de l’avènement de l’individu, de sa liberté complète, de sa sortie de toutes les déterminations aboutit à cette réalité banale : le formatage le plus achevé des choix de vie et des comportements par la dette consentie à l’entrée dans la vie, et le crédit mensuel qui décide de l’emploi, de la dépendance au salaire, de la soumission à l’entreprise. La banque a remplacé l’usurier, l’esclavage de l’endettement à vie est le produit monstrueux de la réduction de l’individu au consommateur désirant (13) ». Aux États-Unis, le problème des prêts étudiants prend une ampleur considérable. On comprend mieux les étudiants québécois qui, français oblige, ont une tournure d’esprit différente des Anglo-Saxons et qui contestent la hausse des frais universitaires. Cette augmentation est-elle fortuite ? Certainement pas ! « Le Système trouve un avantage certain à entretenir la pente de facilité par le crédit, s’indigne Frédéric Julien. Il améliore ainsi son contrôle sur le citoyen/consommateur. En érigeant le crédit en supplétif du rêve publicitaire, la société de consommation forge, à partir de celui-là, la chaîne de la dépendance (14). » Pis, « une économie d’endettement change le rapport au futur, le lien intergénérationnel, s’inquiète Hervé Juvin, elle bouscule deux ou trois choses que nous croyions savoir de la politique (15) ». Celle-ci s’efface au profit de la stasis, de la discorde sociale, du conflit civil froid entre jeunes en minorité, actifs adultes fiscalement pressurés et retraités revendicatifs. Dans cette guerre des âges, l’État se plaît à jouer les arbitres alors qu’il attise sciemment les rivalités entre classes d’âge.

    Vers la banque totalitaire

    Tout ceci est inquiétant, mais concernerait en priorité le monde anglo-saxon. On objectera même que la note de crédit n’existe pas en France et que la crainte d’une telle surveillance bancaire des personnes s’apparente à de la paranoïa. Le système bancaire français tend pourtant à transformer ses clients en vaches à lait rentables. En 2009, l’Association française des usagers des banques (A.F.U.B.) avait enregistré cinq cents plaintes et témoignages. « Il y a eu une vague de clôtures autoritaires dans les années 1990 : les banques jetaient alors les personnes à risques, déclare Serge Maître, le secrétaire général de l’A.F.U.B. Désormais, elles sanctionnent les clients qui répondent pas à leurs sollicitations et refusent la vente forcenée de prestations bancaires. Il s’agit d’une nouvelle politique commerciale qui tourne le dos à l’engagement qu’elles ont pris en 1992 auprès des pouvoirs publics de ne plus procéder de manière brutale à des clôtures de comptes (16). »

    Si l’Hexagone méconnaît encore la situation outre-Atlantique, la Finance s’intéresse déjà à nos vies par le biais de la monnaie électronique, le système Moneo par exemple. Pour l’heure, Moneo ne s’est guère développé du fait de la défiance des Français qui ne veulent pas payer pour pouvoir ensuite utiliser leur propre argent. Ces réticences amènent le remplacement du portefeuille électronique Moneo par les téléphones de poche et autres smartphones. « Il suffira d’approcher son appareil d’une borne de paiement, au supermarché ou au restaurant… et la transaction s’effectuera en un quart de seconde. Une technologie basée sur des nouvelles puces appelées N.F.C. (“ near field communications ”, ou “ en champs proche ”) (17). » Mais, outre le risque accru de géolocalisation permanente, le suivi instantané des opérations monétaires permettra de savoir immédiatement que vous êtes lecteur à Salut public, abonné à Réfléchir et Agir, que vous avez assisté à la dernière table ronde de Terre et Peuple et que vous cotisez à Radio Courtoisie (ça, l’administration le sait déjà puisque votre cotisation est déductible à 66 % de l’impôt sur le revenu). Ce traçage facilite avantageusement le fichage sur les réseaux sociaux et, par recoupement, de tous ceux qui refusent de les rejoindre ! Les listes numériques de proscription seront vite prêtes…

    L’argument sécuritaire n’est toutefois pas le seul. Entrent aussi en ligne de compte des enjeux économiques au profit d’une infime minorité mondialisée. Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon remarquent très justement que « malgré la mondialisation, l’oligarchie continue à coopter des dynasties. Les familles de l’aristocratie de l’argent gèrent leurs dynasties dans une forme de collectivisme pratique qui met ensemble les ressources de chacun pour décupler une force commune qui permet de maintenir et de développer un libéralisme économique toujours plus déréglementé (18) ». L’hyperclasse souhaite disposer d’un moyen, à la fois coercitif, efficace et presque invisible et/ou indolore, de maîtrise des populations sans qu’elles s’en aperçoivent. « À sa manière, l’idéologie mondialiste qui caractérise le néo-libéralisme a engagé une guerre contre la diversité des sociétés humaines, une guerre dont l’individualisme est le drapeau et les produits culturels l’artillerie lourde, une guerre contre les écarts, les surprises du monde, qui est à la fin une guerre contre le monde, sa diversité irréductible, ses antagonismes vitaux, affirme Hervé Juvin (19). »

    Dans cette offensive contre les peuples, le crédit devient une arme redoutable, car « l’expérience enseigne que le citoyen endetté ne s’insurge plus; il revendique moins (cf. le repli du syndicalisme militant) et ses réclamations portent essentiellement sur des questions salariales et financières, dont certaines contribuent précisément à aggraver sa dépendance (20) ». Les Espagnols, les Étatsuniens, les Britanniques continuent à collaborer à une « démocratie falsifiée » avec des élections manipulées. Parce que l’Islande est une communauté politique insulaire où tout le monde est apparenté, ses habitants n’ont pas hésité à bouleverser leurs institutions et à contredire par référendum leur gouvernement. Malgré ce contre-exemple, les faits démontrent que « l’État au service du libéralisme financier est le plus farouche ennemi des peuples qui soit (21) ». Cependant, force est d’observer que la note de crédit, Moneo ou le téléphone – portefeuille n’assurent pas un contrôle total des individus et de leurs relations. Le Panopticon cybernétique nous prépare à la suppression de l’argent liquide !

    Vers l’interdiction prochaine des billets ?

    Un professeur en finance et assurance à l’École de management de Lyon, Olivier Le Courtois, estime que la résolution de la crise économique serait de supprimer « l’argent liquide, c’est-à-dire toutes les pièces de monnaie et les billets. Cela permettrait de débarrasser le pays de son économie noire, laquelle représente entre 3 et 3,3 % de notre P.I.B. selon l’I.N.S.E.E. […] À terme, on détruit une grande partie de la fraude, on économise des postes de fonctionnaires et on crée des emplois dans le privé (22) ». Le libéralisme le plus débridé rejoint l’hygiénisme sécuritaire… Il n’a pas compris que la pègre, la maffia, l’« économie criminelle » contribuent au fait humain sur un mode d’implication déviant. les éradiquer est une chimère, les contenir dans des limites définies est plus censé. La crise, insiste Hervé Juvin, « est née du dévoiement de systèmes fiscaux qui resserrent leur étreinte sur les contribuables ordinaires – personnes physiques, P.M.E. – au point de faire des banques des annexes du contrôleur d’impôts, en France comme aux États-Unis, mais tolèrent l’offshore comme le continent autonome de la grande entreprise (23) ». Plutôt que d’économiser sur les dépenses des élus et les subventions versées aux partis, aux syndicats et aux associations, notre docte enseignant lyonnais propose donc d’enchaîner ses concitoyens d’autant qu’il ajoute que cette mesure impliquerait « l’accès des services fiscaux aux comptes bancaires des particuliers et des entreprises (24) ». Un cauchemar total en partie réalisé ! « Qu’est-ce qui distingue une banque française d’une annexe des services fiscaux, et un employé de banque d’un contrôleur des impôts, s’interroge Hervé Juvin ? (25) »

    Se doutant que sa demande ne fasse pas l’unanimité, Olivier Le Courtois pense qu’« on peut […] débuter en refusant de payer tout paiement en cash au-delà d’une somme de 5 ou 10 euros (26) ». Il sous-entend aussi qu’à terme, détenir sur soi ou à son domicile 50, 100, voire 200 euros en liquide sera considéré comme un délit… Irréaliste ? Déjà « au nom des plus louables objectifs, de la lutte contre les discriminations à la protection de l’enfance, l’État dispose de tous les réseaux sociaux pour enquêter sur le plus intime, le plus privé, de la politique de recrutement des entreprises au choix d’un locataire ou d’un partenaire d’une nuit (27) ». Par la mesure d’Olivier Le Courtois, l’intrusion étatique serait ainsi achevée avec une connaissance parfaite des revenus et du train de vie de tout un chacun. En outre, la numérisation de l’argent aurait une répercussion fiscale bénéfique pour les États en déficit chronique qui généraliserait la taxe Tobin défendue par les altermondialistes à toutes les transferts financiers possibles.

    Ce processus a commencé depuis longtemps. En France, il est interdit d’effectuer des paiements supérieurs à 3 000 euros en liquide auprès des commerçants et d’autres organismes. Dans son excellente lettre confidentielle, Emmanuel Ratier signale qu’« en septembre 2009, dans l’indifférence totale des médias, la directive de L’Union européenne 2009/110/E.C. créait la “ monnaie électronique ”, une monnaie encore plus “ abstraite ” que les billets, puisqu’étant entièrement dématérialisée. L’objectif caché étant évidemment de renforcer le contrôle, pas seulement fiscal, des individus en limitant drastiquement la circulation de monnaie papier ou monnaie (au prétexte de supprimer l’« argent noir »). Le 4 décembre 2011, sous la pression du nouveau Premier ministre Mario Monti (Goldman Sachs + Bilderberg Group), l’Italie interdisait les paiements en espèces au-dessus de 1 000 euros. Dès le 1er août 2012, cette mesure sera appliquée par l’Allemagne (ce qui sera une vraie révolution, les cartes bancaires étant peu utilisées) et, sans doute, en 2013, par la Belgique (28) ». Le banquier social-démocrate-chrétien libéral Mario Monti, loué par Jacques Attali qui le plaça dans sa « Commission pour la croissance » voulue par Sarközy, veut maintenant empêcher « toute transaction en liquide d’un montant de plus de 50 euros. Au-delà, seul l’usage de la carte bancaire électronique serait accepté. Le gouvernement a annoncé qu’il souhaiterait que cette mesure soit appliquée dès 2013 (29) ». Faut-il en être surpris ? En effet, « pour certains observateurs, [cette mesure] représente également une étape vers la suppression pure et simple de l’argent liquide au profit des transactions uniquement électroniques (30) ». Il semble toutefois que ce projet de loi aurait finalement été retiré, car il contreviendrait à l’Union économique et monétaire et à la Zone euro. Rappelons que les commerçants qui acceptent les paiements par carte bancaire doivent accepter le prélèvement d’un certain pourcentage par leurs banques alors que la numérisation est promue au nom de la réduction des  coûts ! Il est évident que l’objectif n’est pas de faire des économies (31).

    On sait depuis la fin du XVIIIe siècle que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Sous couvert de satisfaire leurs clients, les banques inféodées à l’oligarchie mondialiste et à leurs larbins étatiques préparent le pire des mondes possibles d’ailleurs prévu par Jonathan Swift, Aldous Huxley et George Orwell. Guerre aux banques ! Et il importe dès à présent de s’extraire des rets du bankstérisme et de concevoir ce que ses oligarques craignent le plus : se détourner des réseaux financiers habituels et plutôt miser sur le développement, même informel, voire – le cas échéant – illégal, du troc, des S.E.L. (systèmes d’échanges locaux), de l’entr’aide mutuelle, créatrice de lien social proxémique, et de monnaies parallèles.

    Proposition utopique ? Nullement ! Depuis quelques temps, les « Européens d’en-bas », confrontés à la violente crise économique, redécouvrent les vertus de la sobriété, les joies des « jardins ouvriers » ou « familiaux », prélude à l’inévitable autarcie, et la nécessité de détenir une monnaie libérée du joug de la Finance mondialiste. Ce sont les « monnaies complémentaires ».

    Pour des monnaies libres !

    Par « monnaie complémentaire », il faut entendre des monnaies libérées de la finance et des taux de change. S’apparentent à cette logique les bons de réduction dans la grande distribution, les fameux « miles » des entreprises de transports et les chèques-déjeuner. « Partout dans le monde, des communautés créent de nouvelles monnaies : les S.E.L. (système d’échange local) permettent aux individus d’échanger leurs compétences, comptées en unités de temps. Le SOL (abréviation de solidaire), expérimentés en France par une dizaine de communes, fonctionnent sur carte à puce comme une carte de fidélité dans un magasin – sauf que c’est tout un réseau de magasins et d’institutions qui participent au système (32). » On pourrait objecter que cette mode ne touche que l’Hexagone. Erreur ! « En Allemagne, plus d’une trentaine de monnaies régionales (appelées regio) ont cours. L’Argentine a passé le pire moment de sa financière, entre 1998 et 2002, avec des systèmes privés d’échange qui ont impliqué jusqu’à six millions de personnes. Au Brésil, dans un bidonville de Fortaleza, la Banco Palmas délivre depuis dix ans des micro-crédits avec le palma, sa monnaie, qui présente un taux d’intérêt très faible. Elle a ainsi créé 3200 emplois. D’autres villes brésiliennes commencent à imiter cette démarche (33). » Au Venezuela bolivarien du Commandante Hugo Chavez, « la banque centrale a publié un texte encadrant la création de “ monnaies communales ” qui seraient distribuées aux populations selon des critères “ d’égalité sociale ” (34) ». Ne sont-ce que des particularités sud-américaines ? Pas du tout ! Le maire de Naples, Luigi de Magistris, vient de demander le lancement du napo, la monnaie municipale napolitaine (35). Mieux encore, en juin 2013, l’agglomération de Nantes, ville dont le premier magistrat a été le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, va mettre en circulation une monnaie locale virtuelle en parité avec l’euro et non convertible. Il s’agit « de favoriser et accélérer les échanges économiques, en aidant les entreprises à se financer à moindre coût. […] Les entreprises adhérentes qui choisiront ce moyen d’échange ne seront pas obligées de puiser dans leur trésorerie en euros et risqueront donc moins d’agios. [En revanche], accepter un paiement en monnaie locale ne sera intéressant pour une entreprise que si elle est sûre de pouvoir rapidement le dépenser (36) ».

    Ces exemples monétaires différenciés se réfèrent aux travaux de l’économiste Silvio Gesell qui théorisa l’obsolescence programmée de l’argent afin d’éviter la thésaurisation. Le Chiemgauer, une monnaie locale allemande, a des « billets (très colorés, de 1, 2, 5, 10, 20 et 30 Chiemgauer) [qui] ont une durée de vie de trois mois, au-delà desquels ils perdent 2 % de leur valeur par trimestre. Aucun billet ne dort au fond d’un tiroir (37) ».

    Au-delà du cas allemand et des exemples précédents, signalons aussi le boon kut chum, monnaie du district de Kut Chum en Thaïlande (38) ou le Brixton pound ou le Stroud pound en Grande-Bretagne pour le quartier de Brixton au Sud de Londres et pour la ville de Stroud dans le Gloucestershire (39). Hervé Kempf pense que ce « mouvement est stimulé par l’affaissement du système financier capitaliste et va prendre une autre ampleur grâce aux nouvelles technologies. Les téléphones portables deviennent un moyen de paiement électronique (40) ». Il faut néanmoins faire attention à ne pas verser dans une technophilie, parfois béate, potentiellement dangereuse pour les libertés concrètes.

    L’initiative de lancer une « devise alternative » est souvent prise parce que « le quartier entend ainsi se “ protéger ” de l’invasion des chaînes internationales (41) ». Ces monnaies locales non spéculatives, insiste la journaliste de Libération, « ont un objectif commun : soutenir l’économie régionale contre les méfaits de la globalisation (42) ». « On va déposséder les banques du pouvoir de faire la monnaie (43) », s’exclame Jean-François Noubel. Redoutons par conséquent la féroce réaction du Système. « Aux États-Unis, dans les années 1930, on comptait près de 5000 monnaies locales. Le président Roosevelt a fini par les interdire parce qu’il craignait qu’elles ne déstabilisent encore plus les banques (44). » Dans cette perspective probable de répression à venir, à nous de préparer les bases autonomes durables (B.A.D.) en Fort Chabrol offensifs !

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com

    Notes

    1 : Laurence Allard, « Une carte S.I.M. en guise de porte-monnaie », Le Monde diplomatique, mai 2012.

    2 : Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, « Nous vivons sous le régime de l’oligarchie financière », Le Monde, 18 juin 2011. Il est piquant que les auteurs dénoncent l’hyperclasse hexagonale dans l’un de ses organes de presse…

    3 : Alain Supiot, « Voilà “ l’économie communiste de marché ” », Le Monde, 25 janvier 2008.

    4 : Frédéric Julien, Pour une autre modernité. Relever le défi américain, Éditions du Trident, coll. « Études solidaristes – Cercles Louis-Rossel », Paris, 1985, p. 54.

    5 : Idem, p. 50.

    6 : Natacha Tatu, « États-Unis, vies à crédit », Le Nouvel Observateur, 5 janvier 2012, p. 66.

    7 : Id.

    8 : Id., p. 67.

    9 : Id.

    10 : Hervé Juvin, Le renversement du monde. Politique de la crise, Gallimard, coll. « Le débat », Paris, 2010, p. 15.

    11 : Natacha Tatu, art. cit., p. 68.

    12 : Id.

    13 : Hervé Juvin, op. cit., p. 62.

    14 : Frédéric Julien, op. cit., p. 63.

    15 : Hervé Juvin, op. cit., p. 83.

    16 : cité par Rafaële Rivais, « Ces bons clients remerciés par leur banque », Le Monde, 5 janvier 2010.

    17 : Édouard Ropiquet, « Les téléphones porte-monnaie trop faciles à pirater ? », Aujourd’hui en France, 30 juillet 2012.

    18 : Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, art. cit.

    19 : Hervé Juvin, op. cit., p. 8.

    20 : Frédéric Julien, op. cit., pp. 51 – 52, souligné par l’auteur.

    21 : Hervé Juvin, op. cit., p. 67.

    22 : Entretien avec Olivier Le Courtois, La Tribune – Le Progrès, 8 juin 2011.

    23 : Hervé Juvin, op. cit., pp. 16 – 17.

    24 : Entretien avec Olivier Le Courtois, art. cit.

    25 : Hervé Juvin, op. cit., p. 66.

    26 : Entretien avec Olivier Le Courtois, art. cit.

    27 : Hervé Juvin, op. cit., p. 75.

    28 : Emmanuel Ratier, Faits et Documents, n° 331, du 1er au 15 mars 2012, p. 8.

    29 : « Italie : vers l’interdiction des transactions en liquide de plus de 50 euros », mis en ligne sur Novopress, le 18 septembre 2012.

    30 : Id.

    31 : Dans le Nord de la France, des entreprises essaient un nouveau système de paiement avec une reconnaissance digitale ! On met sa main dans la machine et le compte est débité ! Bien entendu, on perd moins de temps à la caisse…

    32 : Hervé Kempf, « Et si on essayait ? Créer des monnaies par millions », Le Monde, 19 août 2009.

    33 : Id.

    34 : Patrick Bèle, Le Figaro, 9 octobre 2012.

    35 : cf. Libération, 26 septembre 2012.

    36 : « Une monnaie locale virtuelle à Nantes », Libération, 12 octobre 2012.

    37 : Nathalie Versieux, « Le Chiemgauer et autre Justus défient l’euro », Libération, 4 mars 2009.

    38 : cf. Courrier international, n° 853, du 8 au 14 mars 2007.

    39 : Virginie Malingre, « Mon quartier, ma monnaie », Le Monde, 18 septembre 2009.

    40 : Hervé Kempf, art. cit.

    41 : Nathalie Versieux, art. cit.

    42 : Id.

    43 : cité par Hervé Kempf, art. cit.

    44 : Virginie Malingre, « Des devises qui riment avec crises », Le Monde, 18 septembre 2009.

  • La crise, derrière nous ? Olivier Delamarche répond à François Hollande...

  • BCE : l'austérité pour les peuples

    En trois mois, la banque centrale européenne pilotée par Mario Draghi, ancien vice-président de Goldman Sachs pour l'Europe, a octroyé aux banques plus de 1000 milliards d'euros.
    Alors que les dirigeants européens ne parlent que de rigueur, le 29 février la Banque centrale européenne (BCE) a procédé pour la seconde fois en trois mois à des Opération de refinancement à long terme sur trois ans (LTRO). Un montant de 529,5 milliards d'euros sera distribué à 800 banques dont certaines étaient menacées d'une rétrogradation de leur note par l'agence financière internationale Fitch Ratings. Ainsi, Lloyds Banking Group, partiellement nationalisé par Londres en 2009, a emprunté 13,5 milliards d'euros. Une somme que la banque n'aurait pas pu amasser en se finançant sur les marchés. Cette injection monétaire est d'autant plus honteuse que les banques engrangent des gains considérables en empruntant à 1 % à la BCE et en prêtant aux États à 2, à 4 ou à 6%.
    Le 22 décembre, la BCE avait déjà octroyé un prêt de 489 milliards d'euros à 523 banques. Le montant total de ses largesses dépasse donc 1000 milliards d'euros, soit l'équivalent de 25 à 33 % du total du crédit interbancaire en Europe, estimé à 3 000 milliards d'euros. Aux États-Unis, la FED (banque centrale) a mis deux ans pour injecter 1000 milliards de dollars (soit 750 milliards d'euros) ; la BCE a fait plus en trois mois.
    La stabilité n'est pas garantie
    Ces décisions suscitant des inquiétudes en Allemagne, notamment au sein de la Bundesbank, Wolfgang Schäuble, ministre fédéral des Finances, insiste sur le bien fondé de l'action menée et affirme qu'elle ne crée pas de risques inflationnistes. Il explique que l'action de la BCE est comparable à la politique d'assouplissement monétaire de la FED, dont les résultats commencent à se faire sentir aux États-Unis : le même procédé serait aussi efficace en Europe. Mais ce coup de fouet de 1000 milliards d'euros pourrait s'avérer vain car l'économie européenne est en continuelle récession. Et les grandes entreprises disposant de leurs propres trésors de guerre rechignent à investir en cette période de conjoncture molle. De son côté, l'agence Fitch doute que la deuxième LTRO débouche sur une forte relance du crédit aux entreprises « étant donné l'absence de toute demande notable en Europe ». Et Standard & Poor's, autre agence de notation, estime que l'action de la BCE ne résout pas la question de la fragilité du système bancaire européen. Les investisseurs savent pertinemment que cette injection de 1000 milliards d'euros n'est qu'un moyen de retarder l'effondrement de l'euro : la dette publique de l'Italie est de 1800 milliards d'euros, celle de la France avoisine 1700 milliards. Si les problèmes s'amplifient, la banque centrale n'aura pas assez de ressources pour les affronter. La stabilité n'est donc pas garantie.
    Les banques prêtent de moins en moins a l'économie réelle
    Le comportement de la BCE montre l'intrication entre les Etats de la zone euro et les banques, arrosées à un coût quasi nul et sans condition. A contrario, les États sont aidés par le Fonds monétaire international ou la BCE, sous réserve d'adopter des mesures d'austérité. Les grandes gagnantes sont donc les banques, qui prêtent pourtant de moins en moins à l'économie réelle, comme l'atteste le rapport de la BCE de janvier 2012. Il est à craindre qu'à l'avenir, elles ne deviennent « accros » au crédit facile distillé par la banque centrale européenne, qui n'est astreinte à aucun contrôle démocratique.
    Les instituts financiers, quant à eux, se serviront de leurs emprunts pour spéculer sur les obligations aux taux attractifs dans les pays du sud de l'Europe, menacés par le spectre de la banqueroute. Aux dépens des peuples.
    Laurent Glauzy monde&vie du 24 mars 2012

  • Slovénie : La révolte d’un peuple si tranquille

    Début décembre, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Maribor pour chasser leur maire. Qu’est-ce qui a motivé les habitants de cette ville sans histoires ? La crise et le sentiment d’impunité des élites, explique un journaliste slovène. Extraits.

    Photo par Alain Bertho, professeur d’anthropologie à l’Université de Paris8-Saint-Denis.

    Maribor a toujours eu la réputation d’être une ville où il ne se passait rien.(…) Comment est-il possible qu’en une seule semaine 20 000 personnes aient défilé sur la place de la Liberté, brandissant des pancartes contre le maire de la ville, jetant des œufs, des chaises et des cocktails Molotov sur l’hôtel de ville ? (…) En vingt ans d’indépendance, c’est un fait sans précédent. On parle même de “l’insurrection de Maribor” comme d’un événement historique. Mais quelles en sont les causes ?

    La première est la décision du maire de Maribor, Franc Kangler, d’installer des radars fixes à tous les carrefours importants de la ville.

    En quelques jours seulement, ils ont enregistré 70.000 infractions – autant d’amendes à payer pour une population qui accuse déjà durement le coup de la crise économique.

    Le droit de concession des radars a été accordé à une entreprise privée. La majorité des amendes (environ 93 %) a été encaissée par cette entreprise, qui avait promis de renouveler le système des feux rouges.

    Ainsi, le maire a réussi une mission impossible, à savoir privatiser l’Etat. Les premiers signes de contestation n’ont pas tardé, et on a commencé à trouver des radars incendiés à Maribor.

    L’affaire de la privatisation des radars n’était que la dernière en date. Maribor a sauté à pieds joints dans le système du capitalisme néolibéral.

    Depuis 1997, on a privatisé à tour de bras : le système d’assainissement et celui de la distribution d’eau, les transports publics, le téléphérique, les pompes funèbres…

    Résultat, mourir à Maribor coûte deux fois plus cher que mourir à Ljubljana !

    Les Slovènes envient aujourd’hui la Croatie qui a condamné pour corruption son ex-Premier ministre, Ivo Sanader, à une lourde peine de prison (dix ans en première instance).

    En Slovénie, rien de tel.

    Si le Premier ministre, Janez Janša, accusé de corruption depuis plusieurs années, refuse d’abandonner son poste, pourquoi les autres le feraient-ils ? Plusieurs maires slovènes ont déjà été condamnés pour leur mauvaise gestion des finances publiques, mais ils ignorent la justice. Certains députés, eux aussi condamnés, refusent de démissionner.

    L’élite politique slovène se moque des décisions de justice, les présentant comme faisant partie d’un complot politique. Tout cela, les Slovènes ne le supportent plus et ce qui vient de se passer dans notre pays en est la preuve.

    Presseurop   http://fortune.fdesouche.com

  • Irak : Ces mercenaire francais, gardiens du pétrole

  • Réforme bancaire: des lobbys très investis

    Les banquiers français ont fait feu de tout bois pour empêcher une mise en cause de leur modèle économique. Les dispositions arrêtées par le gouvernement devraient leur donner satisfaction. C’est une régulation a minima des activités spéculatives qui se profile.

    Il est 15 h 43, au Bourget, en ce dimanche 22 janvier 2012. Devant un parterre conquis, François Hollande attaque le passage clef de son discours : “Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, pas de visage[...], il ne sera pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance.” Cet adversaire “a pris le contrôle de nos vies“, “emprise devenue un empire“, qu’il faut remettre au service de l’économie réelle. Un tournant, dans une bataille électorale qui mènera finalement le candidat socialiste à la victoire. 7 h 48, le lendemain : le téléphone de Karine Berger, économiste proche du candidat, identifiée comme partisane d’une ligne dure concernant la finance, se met à sonner. Au bout du fil, un représentant de la Fédération bancaire française (FBF), qui désire la rencontrer. La future députée des Hautes-Alpes est loin d’être la seule personne contactée dans l’entourage du candidat.

    Ce n’est que le début de presque un an de lobbying intense auprès de la gauche, puis du pouvoir, pour édulcorer la proposition socialiste de séparer, au sein des banques françaises, les activités spéculatives des activités “utiles à l’économie. Une contre-offensive couronnée de succès : l’ambition du projet de loi élaboré à Bercy, qui doit être présenté le 19 décembre, en Conseil des ministres, est bien moindre que celle de ses équivalents britannique, américain, ou même du rapport Liikanen, rédigé à la demande de la Commission européenne.

    “Après le 6 mai, les hiérarques du parti ont convaincu le président de la nécessité d’attendre pour légiférer”

    Le lobbying des banques françaises s’est en fait enclenché dès la fin de la primaire socialiste, à l’automne 2011. Le 29 novembre, les patrons de trois grandes banques françaises, Baudouin Prot (BNP Paribas), Frédéric Oudéa (Société générale) et François Pérol (BPCE), ont convié une bonne dizaine de parlementaires socialistes à leur table pour débattre de la crise européenne. Au menu : un discours martial contre le “complot anglo-saxon“, et l’”isolationnisme allemand“. “Nous avons été interloqués par la violence des propos tenus“, témoigne l’un d’eux. L’objectif est double : séduire par le biais d’un discours nettement plus à gauche qu’à l’accoutumée ; convaincre que les institutions financières françaises sont les victimes d’attaques venues de l’étranger. Et, surtout, que leur modèle économique, qui repose sur une complémentarité entre activités de dépôt (crédit aux particuliers, entreprises…), et de marché, est en revanche irréprochable. Forcément irréprochable…

    Cette ligne de conduite demeurera tout au long de cette lutte d’influences. Pour parvenir à imposer sa vérité, le lobby bancaire dispose d’un puissant arsenal. La FBF, bien sûr, son bras armé, dont la présidence est assurée à tour de rôle par les patrons de grandes banques. En coulisse, Pierre de Lauzun, directeur général délégué, dresse les plans et peaufine les argumentaires. Chaque établissement dispose également de “relais” plus ou moins officiels, qui ont généralement accompli un parcours au sein de l’appareil d’Etat – beaucoup sont inspecteurs des Finances, souvent passés par la direction du Trésor. La plus belle prise est Xavier Musca, ex-directeur du Trésor et secrétaire général de l’Elysée, recruté l’été dernier par le Crédit agricole en tant que directeur général délégué.

    A la Société générale, c’est Gilles Briatta qui officie : avant d’arriver dans la banque, en novembre 2011, cet ancien conseiller technique de Michel Barnier était le conseiller Europe de François Fillon à Matignon. Côté BNP Paribas, l’offre est démultipliée entre le directeur général délégué, François Villeroy de Galhau (ancien directeur du cabinet de Dominique Strauss-Kahn à Bercy), Baudouin Prot, président du groupe, et Jean-Laurent Bonnafé, son directeur général. Mais le véritable stratège en chef demeure Michel Pébereau : en première ligne pour concevoir le plan de sauvetage bancaire de 2008, l’homme a officiellement quitté la présidence de BNP Paribas le 1er décembre 2011. Mais il continue d’officier en coulisse.

    C’est cette armada qui est montée, depuis un an, à l’assaut du pouvoir. Durant la campagne, Jérôme Cahuzac, alors patron de la commission des Finances de l’Assemblée, rencontre la plupart des patrons de banque. Michel Sapin, chargé du projet, et Laurent Fabius s’entretiennent également avec les patrons de BNP Paribas et les dirigeants de la FBF. Pierre Moscovici, alors directeur de campagne, rencontre de son côté Frédéric Oudéa. “Dans l’après-6 mai, les hiérarques du parti ont rapidement convaincu le président de la nécessité d’attendre l’automne pour légiférer plus à froid“, témoigne un proche du pouvoir socialiste.

    Une consultation opaque

    A Bercy, une consultation est lancée par le biais du Conseil de régulation financière et du risque systémique (Corefris) – organisme créé à la fin de 2010, rapidement rebaptisé “commission Pébereau” par ses détracteurs. Il est en effet constitué, outre du ministre des Finances et des autorités de régulation et de supervision (gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité des marchés financiers [AMF], notamment), de trois membres “indépendants“, parmi lesquels Jean-François Lepetit, administrateur de BNP Paribas, et Jacques de Larosière, conseiller pendant plus de dix ans du président de BNP, un certain Michel Pébereau… Or ce conseil est voué, avec la réforme bancaire, à voir ses prérogatives s’étendre.

    Dans les faits, les consultations sont cependant surtout menées par le Trésor – son directeur est Ramon Fernandez, nommé en février 2009, sous Nicolas Sarkozy, à la place de Musca – véritable maître d’oeuvre du projet. “La consultation a impliqué des représentants d’entreprises non financières, des syndicats, des organisations de consommateurs“, indique-t-on à Bercy. Mais la demande de L’Express d’une liste exhaustive des personnes consultées est restée sans suite.

    Une oreille attentive auprès de Jean-Marc Ayrault

    Alors que les réflexions s’étaient faites dans la transparence dans le cadre du rapport Liikanen, on a le sentiment, cette fois, que tout se décide en catimini, dans l’entre-soi“, dénonce Aline Fares, membre de Finance Watch, association vouée à faire contrepoids au lobby bancaire. Des experts proches de Thomas Philippon, l’économiste du cabinet de “Mosco”, sont certes entendus, comme Augustin Landier, David Thesmar, Jean Tirole ou encore Hélène Rey. Mais l’avis de Laurence Scialom, professeur d’économie à l’Université Paris-Ouest et auteur d’un rapport du think tank Terra Nova plaidant en faveur d’une séparation des activités bancaires, n’a pas intéressé Bercy. Ce n’est qu’une fois la charpente du projet bien établie, à l’automne 2012, qu’elle a été reçue au ministère des Finances, pour une explication de texte. Une opération déminage, en somme…

    La suite ici

  • Aux sources du ... protectionnisme

    C'est l'économie qui, hélas, prime le politique et l'idéologie dans nos régimes fondés sur le capitalisme qui se nourrit de libéralisme économique. Souvent, les partis «identitaires», qui refusent la mondialisation et ses sous-divisions sur le chemin de la globalisation, synonyme de domination américaine et de paupérisation, sont accusés de « réflexe protectionniste » comme s'il s'agissait d'une aberration absolue, démontrée et reconnue.
    L'organisation de législatives anticipées est justifiée, en France, par les sacrifices à accomplir - qui seront terribles pour entrer dans un système d'économie globale de libre-échange et d'européanisation de notre monnaie. Le pouvoir admet qu'il va pratiquer une politique qui ne sera pas acceptée par le peuple et qui lui vaudrait, dans moins d'un an, un échec politique fondé sur un refus des recettes économiques imposées par une conception étrangère de notre avenir.
    Il faut donc tout faire pour éviter un sursaut qui serait qualifié de protectionniste et donc de rétrograde... sans que jamais cependant on ne daigne nous expliquer ce qu'est vraiment le protectionnisme et en quoi son application modérée et raisonnable serait une aberration économique.
    Le protectionnisme se définit comme le système économique qui entend protéger la production nationale contre la concurrence étrangère. On comprend donc qu'il ne soit absolument pas politiquement correct... mais pour le reste.
    Au départ, le principe est le suivant : plus un pays produit, moins il est amené à puiser dans son stock de métaux précieux. Le plus célèbre exemple de protectionnisme français est celui de Colbert, en 1667, dirigé contre le pays marchand par excellence : la Hollande.
    Le libéralisme est la politique vantée par les industriels en position dominante qui veulent exporter pour s'enrichir au détriment des autres. C'est pourquoi, après avoir pratiqué une politique protectionniste en faveur de ses grands propriétaires terriens, la Grande-Bretagne, première puissance industrielle du monde en 1850, devient le pays du libre-échangisme.
    Le courant protectionniste est alors représenté par des pays qui veulent se développer sans tomber sous la dépendance de Londres, comme l'Allemand Fichte, auteur de L’État commercial fermé, ou par des penseurs qui veulent préserver les vertus fondamentales des peuples d'un pouvoir industriel mondialiste non contrôlé par l'État représentant les intérêts de la nation.
    Une tradition française, appuyée par un déterminisme allemand, se heurte donc à une conception globale du monde déjà de source anglo-saxonne. La première vraie réaction protectionniste à l'offensive du libre-échangisme est située aux alentours de 1800. On peut noter que les USA sont en tête de ce mouvement qu'ils condamnent aujourd'hui bien sûr, avec McKinley en 1890.
    Le protectionnisme poussé à son extrême limite débouche sur le système dit de l'autarcie qui se révèle, comme l'Allemagne hitlérienne l'a démontré, être une économie d'autosuffisance prenant en compte la perspective d'une guerre et d'un isolement total.
    Dès 1945, les vainqueurs affirment leur volonté de construire un monde sans barrière, et ils bénéficient de l'explosion des échanges commerciaux internationaux qui débouchent sur toutes les organisations économiques internationales que l'on connaît aujourd'hui. En France, c'est la gauche qui, derrière Mendès France, est restée le plus longtemps au regard du socialisme étatique attaché au protectionnisme par hostilité également aux grands trusts internationaux rejoignant, curieusement mais à première vue seulement, les thèses des nationalistes.
    Aujourd'hui, les USA - protectionnistes quand ils sont gênés par les Japonais - sont les champions d'une globalisation de l'économie qui conforte leur primauté politique mondiale. L'Europe n'est, à cet égard, dans sa conception maastrichtienne, qu'un appendice de cette collaboration économique devenue, avec les médias audiovisuels capitalistiques, également culturelle.
    On entend dire que le retour au protectionnisme entraînerait l'effondrement du monde bâti depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais, mis à part le fait que l'utilité de la survie de ce monde mérite un autre débat, Il s'agit là d'un protectionnisme présenté par ses adversaires et caricaturé. Les échanges commerciaux internationaux sont un élément majeur de la vie des nattions - personne ne peut dire le contraire - mais quand on estime qu'il y a, dans ces nations, des choses primordiales à protéger, on peut légitimement se référer à un néo-protectionnisme de salut public qui est peut-être, d'ailleurs, urgent à réinventer.
    Les champions du capitalisme ultralibéral n'aiment pas les nations et veulent leur interdire les moyens de protéger leurs citoyens de la concurrence mondialiste, Le protectionnisme redevient à l'ordre du jour et une nouvelle réaction internationale devant les échecs du capitalisme libre-échangiste n'est plus à exclure... Nous ne sommes peut-être pas en 1789, mais nous sommes certainement en 1800.
    National Hebdo du 1er au 7 mai 1997

  • Le Mouvement Zéro débarque sur le web

    mouv_zero_tete

    Avez-vous entendu parler du Mouvement Zéro ?

    Non ?

    Eh bien, c'est le moment de combler cette lacune, parce que Scripto a conclu un partenariat avec !

    Son manifeste :

    NON à la globalisation des hommes, du capital des marchandises et des droits

    NON au capitalisme et au marxisme, les deux faces de la même pièce, à savoir, l’industrialisme

    NON au mythe du travail, dans sa déclinaison aussi bien marxiste que capitaliste

    NON à la démocratie représentative

    NON aux oligarchies politiques et économiques

    OUI à l’autodétermination des peuples

    OUI aux « petites patries »

    OUI au retour, graduel, limité et raisonné, à des formes d’auto-production et d’auto-consommation

    OUI à la démocratie directe dans des contextes limités et contrôlables

    OUI aux droits des peuples à déterminer eux-mêmes leur propre histoire, sans supervision soi-disant humanitaire

    OUI à la désobéissance civile globale. Si en haut on ne reconnait plus l’intangibilité de la souveraineté des États, alors il est légitime pour chacun de nous de ne plus se reconnaitre dans un État.

    Nous, ça nous va tout à fait.

    Le Mouvement Zéro a été lancé en Italie par le philosophe Massimo Fini, que les éditions du Retour aux Sources vont bientôt publier en français, et qu'on peut écouter par exemple ici :

    http://www.scriptoblog.com/

  • Au-delà de l’économisme par Jacques GEORGES

    « L’économie était censée nous affranchir de la nécessité.

    Qui nous affranchira de l’économie ? »

     

    Pascal Bruckner, Misère de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis,

    Le Livre de poche, 2004.

     

    « Le marché épouse toutes les mentalités, il ne les crée pas…

    La dimension économique est toujours dérivée. »

     

    Pascal Bruckner, ibidem.

     

    La crise a provoqué chez les plus rétifs à l’économie, qui sont nombreux à droite en France, une prise de conscience et un regain d’intérêt forts et rapides. Agences de notation, titrisation, C.D.S., défaut, déficit commercial, perte de compétitivité, création monétaire, rôle ou non de financeur en dernier ressort des États des banques centrales, avenir de l’euro, monnaie commune contre monnaie unique, séparation des banques de dépôt des banques de financement et tutti quanti font depuis 2008 partie de la panoplie conceptuelle de base de l’honnête homme. On peut s’en féliciter, dans la mesure où il s’agit d’un progrès de la démocratie et de l’appropriation par nos concitoyens de leur destin. Malheureusement, cette irruption soudaine d’informations et d’avis sur un sujet complexe ne va pas sans soubresauts, anomalies et contresens souvent attisés par l’idéologie. C’est aujourd’hui, très typiquement, le cas dans la Droite « de conviction » en France. Le présent article donne de ce phénomène quelques illustrations et esquisse une autre approche.

     

    Une certaine aversion aristocratique, augmentée par l’ignorance, pour la chose économique par les élites traditionnelles de ce pays est une donnée traditionnelle. Elle est loin d’avoir disparu malgré le boom économique des « Trente Glorieuses » (1950 – 1973), les difficultés vénielles des « Trente Piteuses » (1974 – 2008), et la course vers l’abîme des trois dernières années. Dans la Droite de conviction, peuplée surtout de philosophes, de littéraires romantiques, d’avocats ou de fonctionnaires, cette constatation vaut de manière renforcée : on y hésite perpétuellement entre évitement prudent ou dédaigneux, pragmatisme plus ou moins inspiré, et anti-capitalisme primaire prenant parfois un tour d’imprécations post-bibliques, néo-marxistes ou simplement démagogiques. Les sujets abordés sont divers et varient avec les modes : hier, l’incongruité de la Zone euro naissante eu égard à la théorie des « zones monétaires optimales », concept économique pour intellectuels jamais rencontré dans la vie réelle, d’origine américaine, inventé pour affaiblir l’Europe et saboter l’euro dans l’œuf. Aujourd’hui, dénonciation de la calamité qu’aurait été l’interdiction faite aux banques centrales de financer sans intérêts, sans bruit et sans douleurs leurs trésors publics respectifs, ou préconisation magique d’une séparation entre banques de dépôts et banques d’investissement qui nous sauverait de tous nos maux.

     

    Quelques exemples : Éléments pour la civilisation européenne, n° 141 d’octobre – décembre 2011 préconisait sous la signature d’Alain de Benoist le retour à la monnaie commune, sur les décombres bénis de la monnaie unique, une monstruosité bureaucratique inconnue intitulée dédoublement des taux d’intérêt, le retour à une banque centrale aux ordres manipulant discrètement la planche à billets (guillotine des retraités et des faibles), la nationalisation (comme dans l’éponyme Programme commun de la Gauche, mais sans indemnité, comme chez Lénine) des banques et d’autres secteurs-clés de l’économie, et même, couronnement suprême, la création de tribunaux pénaux anti-pillage, comme en 93, au bon temps du Père Duchesne. Bref, on glisse progressivement, presque caricaturalement, du registre de l’indignation, de la dénonciation, à celui de la récrimination, de l’agressivité gaucharde et jacobine, de la révolte des gogos suiveurs qui seraient les premiers arroseurs arrosés.

     

    Autre exemple : le programme du Front National admet comme une évidence que la suppression en 1973 en France, puis dans toute l’Europe par le traité de Maastricht, de l’accès direct des trésors nationaux aux largesses « gratuites » de la Banque centrale, non seulement a eu pour effet de, mais a été conçue pour, mettre les États entre les mains de la Banque Rothschild, de Goldman Sachs et des ignobles marchés et a in fine provoqué le désastre auquel nous sommes aujourd’hui confrontés. Une nouvelle causalité diabolique a surgi. Même si on peut admettre que débat il peut et doit y avoir sur ce point, on retiendra de cette attitude une appétence extraordinaire pour la théorie du complot et un simplisme ravageur, profondément négateur de l’intelligence et des valeurs de Droite.

     

    On pourrait multiplier les exemples. La Droite de conviction, souvent incompétente en économie, tend à s’aligner purement et simplement sur les passions basses et haineuses d’une extrême gauche qui n’est anticapitaliste que par surenchère matérialiste. Un homme de Droite ne saurait s’abaisser à cela.

     

    Je voudrais esquisser ici le tracé d’un chemin plus ambitieux : « Remettre l’économie à sa place ». Le point de départ est le suivant : l’économie est importante et ne saurait certes être ignorée, mais reste du domaine des moyens et non des fins ou du destin. Maximiser ses revenus ne suffit pas à rendre un individu ou un peuple heureux. La marque de l’homme de droite est de ne point chercher le salut dans les basses catégories de la politique ou de l’économie, de préférer la réforme intellectuelle et morale de monsieur Taine à la révolution communiste de monsieur Marx, de chercher à se réformer personnellement en profondeur avant de songer à réformer la société, et de faire revivre dans la société européenne d’aujourd’hui une certaine dose du vieil éloignement aristocratique envers l’argent. Ceci passe, on le voit, par un changement profond d’hommes et de mentalité.

     

    Le bon système n’existe pas dans l’absolu, mais se définit pragmatiquement comme celui qui, issu de l’histoire et de la culture du peuple, assure la dignité matérielle, la cohésion, la puissance et l’avenir à long terme de celui-ci, et accessoirement des individus le composant. Le capitalisme et le marché sont des outils neutres qu’il faut, non détruire, mais maîtriser et mettre au service d’une vision du monde, à condition bien sûr d’en avoir une. Là est la tâche de la Droite de conviction. Une base pragmatique raisonnable dans le cadre d’une telle approche est dans l’Europe d’aujourd’hui ce qu’on peut appeler l’ordo-libéralisme, ou l’économie rhénane des années 70, celle qui a disparu des écrans-radars sous l’offensive du capitalisme anglo-saxon. Dans le cadre d’une telle approche, il s’agit moins de détruire le système que de le réglementer sans démagogie et sans faiblesse, essentiellement à l’échelon européen. Cet effort est en cours : mise en place prudente des nouvelles règles prudentielles de « Bâle 3 » ou de « Solvency 2 », réglementation sévère des C.D.S. « en blanc » et des hedge funds, limitation des paradis fiscaux, séparation ou distinction plus nette des banques de dépôt et des banques d’investissement, étude et mise en place concertée d’une « taxe Tobin » sur les mouvements de capitaux, etc.

     

    Mais l’essentiel n’est pas là : il s’agit surtout d’instiller dans la société un petit nombre de valeurs, règles et attitudes individuelles et collectives qui dépassent, surplombent, conditionnent et si nécessaire limitent le champ économique.

     

    Exemple : l’introduction, contre toutes les règles de la bien-pensance droits-de-l’hommiste, d’une préférence européenne systématique en matière d’emploi, d’accès aux services publics et de prestations sociales aurait probablement des effets plus radicaux que bien des réformes « anti-capitalistes » pompeusement conçues dans les milieux intellectuels de gauche.

     

    Allons plus loin : l’introduction non de la morale, mais de l’honneur comme valeur et norme dans le champ économique et social serait une révolution autrement plus ambitieuse et profonde que toutes les révolutions néo-marxistes du monde, qui ne sont in fine que juridiques, toujours vaines et contre-productives. Vaste programme, direz-vous. Certes. Mais la crise qui ne fait que commencer peut provoquer à terme de très profonds changements, revirements et reclassements, elle peut remettre l’Europe sur les rails de sa très longue histoire. Une vision haute de la vie ne fut pas seulement l’apanage des sociétés holistes de l’Antiquité européenne, des Croisades et de l’Ancien Régime, mais aussi celle d’au moins une large fraction de l’Europe de la Guerre de Trente Ans (1914 – 1945), peuplée d’hommes volontaires, agissant en totale contradiction avec leurs intérêts et au péril de leur vie, mobilisés avec enthousiasme et force qui pour Dieu, qui pour la Patrie, qui pour le Peuple, qui pour le Destin. Cette mentalité héroïque reste en nous, même si elle est en dormition, selon le mot de Dominique Venner. Elle constitue un potentiel sacré pour l’avenir. C’est la mission de la Droite que de l’entretenir pour servir demain.

     

    Dans un autre article, nous développerons cette approche en nous aidant de trois livres importants publiés ces dernières années :

     

    • Le premier est un livre du professeur Paul H. Dembinski, animateur de l’« Observatoire de la Finance » de l’Université de Fribourg en Suisse, intitulé Finance servante ou finance trompeuse ?. Ce livre publié en 2008, au tout début de la crise des subprimes, fait une critique dépassionnée, profonde, impitoyable et documentée des dérives du capitalisme financier. Ce livre d’universitaire sans esbroufe vise non à dénoncer paresseusement le capitalisme, mais à remédier en profondeur aux défauts et tares du système, dans un esprit de réformisme inspiré et moral.

     

    • Le second est un petit livre essentiel de Pascal Bruckner, un homme réputé « de gauche » dont l’approche est décapante et haute. L’auteur est celui du Sanglot de l’homme blanc et du récent Fanatisme de l’Apocalypse – Sauver la Terre, punir l’Homme, qui est une charge brillante et pertinente contre une certaine pensée écologique. Le livre auquel je me réfère en l’espèce est intitulé Misère de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis (Livre de poche, 2004). Ce livre décapant ne propose aucune solution, mais appelle un chat un chat, dénonce les révolutionnaires de papier, et donc indirectement la « droite de gauche », et appelle à un dépassement par le haut de l’économisme.

     

    • Le troisième est le dernier livre d’Alain de Benoist intitulé Au bord du gouffre. La faillite annoncée du système de l’argent. Celui-ci replace le système dans la longue durée et nous réapprend les voies d’une distance aristocratique.

     

    Jacques Georges http://www.europemaxima.com

     

    • D’abord mis en ligne le 7 février 2012 sur Novopress – France.

  • Les intermittents, coûteuse exception

     

    Le régime des intermittents du spectacle coûte chaque année 1 milliard d'euros aux salariés du privé (et non aux fonctionnaires, professions libérales et retraités !), le tout étant prélevé sur les caisses d'assurance-chômage. Le prix payé pour "l'exception culturelle française". Depuis que l'audacieux Jean-Jacques Aillagon avait osé durcir les conditions d'accès au régime de l'intermittence, déclenchant une grève des festivals dévastatrice, l’État n'a cessé de reculer. Si bien que, depuis 2003, rien n'a changé. On comptait 103 308 allocataires l'année précédent la "réforme", ils sont aujourd'hui plus de 105 000. Les chiffres de l'intermittence sont repartis à la hausse et le déficit se creuse un peu plus chaque année au sein de l'Unedic. L’État s'est même déjugé en finançant aux frais du contribuable ceux que le durcissement des conditions du régime laissait sur le côté (l'enveloppe atteint près de 150 millions d'euros par an). 
         Le régime repose sur les déclarations conjointes des intermittents et de leurs employeurs, qui ont intérêt les uns et les autres à détourner le système. La règle : si l'intermittent travaille au moins 507 heures par an, il a droit au chômage. Après, employé et employeur se débrouillent. Au théâtre, le producteur du spectacle ne réglera ni les répétitions ni la générale. Au cinéma, combien de chefs décorateurs ont refait la cuisine du producteur aux frais de l'assurance-chômage ? Un chef monteur de talent gagnera 7 000 à 8 000 euros brut par mois en étant intermittent là où un collègue, moins brillant, en CDI, se fera 5 000 euros mensuels. Personne ne vérifiera si le "monteur intermittent" a enchaîné quinze jours de montage d'affilée. Résultat : les "bons" monteurs restent intermittents alors qu'ils n'ont aucun problème de chômage. Au contraire, un CDI les empêcherait de travailler plus...
         L'audiovisuel public s'était engagé à diminuer le recours aux intermittents. Il l'a fait. Sauf dans MFP, filiale de production de France Télévisions où le taux de personnel non permanent ne cesse d'augmenter.

    Le Point n°2014 http://www.oragesdacier.info/