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économie et finance - Page 854

  • Michel Guénaire : Un libéral en guerre contre le néo-liberalisme

    Avocat, spécialiste de droit public des affaires, ancien universitaire, Michel Guénaire est un libéral de l'ancien temps qui s'efforce de renouer avec les grands classiques de sa famille de pensée, loin des clichés néo-libéraux, tout en dénonçant la vacuité identitaire d'une Europe amnésique, confrontée à un monde multipolaire de plus en plus conscient de ses spécificités.

    Le Choc du mois : Comment l'avocat des affaires plutôt libéral que vous êtes en est-il venu à écrire des livres qui remettaient assez profondément en cause l'orthodoxie du néo-libéralisme ?
    Michel Guénaire : Mon point de départ est, en effet, un engagement libéral. À vingt ans, je lisais Benjamin Constant, quand mes condisciples vivaient encore dans la vénération du marxisme. Après avoir embrassé un temps la carrière universitaire, j'ai rejoint le barreau d'affaires en 1990, un an après la chute du mur de Berlin. J'ai alors assisté à l’éclosion d'un nouveau modèle économique mondial, qui prenait progressivement ses distances avec l'héritage du libéralisme classique. Je m'y suis intéressé. Mes essais ont ainsi recueilli les observations et les leçons que je tirais de la mondialisation. Ma formation de base étant celle d'un publiciste (c'est-à-dire un spécialiste de droit constitutionnel, de droit international public et de régulation des marchés), je me suis d'abord penché sur une notion de plus en plus discréditée dans la doxa de l'économie néo-libérale : le pouvoir. Quid du pouvoir et de ses enjeux dans une société exclusivement organisée autour de la seule loi du marché ? C'est nouveau. Car, sur ce point comme sur beaucoup d'autres, les libéraux de notre temps ont largement déformé la pensée et le combat de leurs devanciers, qui, au XIXe siècle, ne songeaient nullement à remettre en cause la légitimité du rôle de la puissance publique. Voyez l'inventaire qu'ont fait Charles Gide et Charles Rist des passages de La Richesse des Nations où Adam Smith évoque le rôle positif de l’État. D'autres que Smith, pareillement libéraux, n'ont pas manqué de souligner la part prépondérante que tient l’État dans l'organisation de la société. Si en réalité dans l'univers mental des néo-libéraux, on a pu à ce point associer libéralisme et anti-étatisme, c'est qu'on s'est focalisé sur le souvenir de la première lutte des libéraux contre la Monarchie, à l'exclusion des autres traditions libérales.

    La thèse très forte de votre livre, c'est que le libéralisme est d'abord le produit d'une culture historique particulière et bien précise, celle de l'Angleterre, pas une philosophie universelle. Qu'en déduisez-vous exactement ?
    C'est une thèse, ou une opinion, confortée par une observation attentive des cycles historiques : le libéralisme a été forgé au cours des siècles passés, principalement au long des trois grandes révolutions, anglaise, américaine et française, par des hommes qui avaient une préparation et une formation spécifiques. On les voit d'abord apparaître au sein de la société anglaise dans leur opposition à la monarchie absolue (songez à tous ces gentilshommes anglais des XVIIe et XVIIIe siècles, contemporains de John Locke). On retrouve les mêmes hommes en France à la même époque. Fénelon n’écrit-il pas, dans sa Lettre à Louis XIV, des pages que n'auraient pas reniées les libéraux anglais ? Montesquieu et Voltaire seront aussi des libéraux qui vont compter. À la différence du marxisme, le libéralisme n'est pas né de la pensée d'un seul homme, c'est une œuvre collective, tissée de génération en génération. Ce fil continu part, ou partait, de la notion de responsabilité individuelle. S'il posait en principe que tout individu peut commercer par-delà les frontières de sa nation, ce dernier devait néanmoins conserver une éthique civile et une responsabilité morale, à charge pour lui de partager en retour avec la collectivité le fruit de son travail. Or, le plus frappant aujourd'hui, c'est que le libéralisme s'est écarté de cet héritage historique. Il ne correspond plus qu'à des standards techniques, pas à une culture politique spécifique. Ces standards sont connus. C'est un schéma institutionnel théorique : la démocratie libérale, que l'on croit pouvoir faire advenir au travers d'élections libres, et le capitalisme libéral, synonyme de marché déréglementé. Ce libéralisme ne correspond à aucun cadre culturel dans la plupart des pays où il est appliqué. Ainsi, les États les plus durs sur le plan de la compétition économique, appliquant à la lettre les règles du libéralisme, sont précisément ceux qui, paradoxalement, sont, culturellement et historiquement, les plus étrangers à la formation de la pensée libérale. Citez-moi un Chinois qui ait écrit un livre ou une page d'inspiration libérale ayant contribué à la formation de cette famille de pensée ?

    À quoi est due selon vous la crise financière et économique qui touche de plein fouet ce modèle de l'économie néo-libérale ?
    Le modèle économique mondial actuel ne repose plus que sur la finance de marché. Une économie virtuelle a doublé l'économie réelle. Entre 1989, date de la chute du Mur de Berlin, et cette date très symbolique du 15 septembre 2008 - jour de la faillite de la banque d'affaires américaine Lehmann Brothers -, la finance fut le levier unique de l'investissement des entreprises, de la création des richesses des nations et du pouvoir d'achat. Ce levier était illusoire et dangereux. Il reposait sur un crédit facile et une ingénierie financière très complexe, née de l'outil de la titrisation, qui a créé un éloignement suicidaire entre le créancier et le débiteur. L'éclatement, à intervalles réguliers, des bulles boursières avait pourtant sonné autant d'avertissements, mais les grandes institutions financières, avec la complicité d’États qui les avaient considérablement aidées en œuvrant de leur propre chef à la déréglementation, n'ont jamais voulu renoncer à cette illusion de richesse. Ils y ont d'autant moins renoncé que personne ne les a proprement dissuadés de le faire. C'est un point très important à souligner, que de nombreux économistes ont gommé dans leur analyse de la crise : le modèle mondial néo-libéral n'a pas rencontré de contradiction, ni frein, ni limite d'aucune sorte, il s'est imposé sans résistance après la chute du Mur de Berlin.

    Quelle leçon les libéraux doivent-ils tirer de la crise ?
    La leçon à tirer, c'est qu'il leur faut au plus vite revenir aux origines de la pensée libérale, à savoir : sur le plan politique, retrouver les fondements de l'organisation de la cité ; et sur le plan économique, placer les acteurs devant les responsabilités qui sont les leurs. Mais par-dessus tout, dans des sociétés où tout va très vite et où apparaît une nouvelle donne géopolitique, les libéraux doivent repenser leur rapport avec le reste du monde.

    Qu'entendez-vous par là ?
    La crise financière a fait ressortir une certaine fatuité du modèle de développement économique né en Occident. Ce modèle a des racines anciennes. On peut les faire remonter à la première mondialisation, contemporaine de la révolution industrielle, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Pour ma part, je crois qu'elles sont antérieures. Le modèle occidental est né en réalité avec les grandes expéditions et découvertes de la Renaissance. Soit cinq siècles, qui correspondent à un cycle historique assez homogène : les expéditions ont permis à l'Occident d'asseoir sa domination sur le commerce mondial et de diffuser partout son modèle politico-économique. Mais aujourd'hui, les ressources morales de l'Occident, en tout cas de l'Europe, sont singulièrement asséchées. Le monde qui vient sera un monde multipolaire, découpé en grandes régions. L'urgence est donc, pour un libéral européen, de renouer avec les fondamentaux culturels qui sont les siens. Bref, de se réapproprier sa propre culture, ni plus ni moins que les autres régions du monde. Voyez les États-Unis et la Chine. Ces deux grandes régions du monde s'appuient, l'une et l'autre, sur des élites et une population fortement ancrées dans leur terreau culturel. Car, quoi qu'on dise, la vitalité américaine reste intacte - ce qui m'a toujours opposé à Emmanuel Todd et à nombre d'intellectuels français, très pessimistes à l'égard des États-Unis, peut-être parce qu'ils n'ont jamais voulu mesurer combien, outre-Atlantique, on avait le dynamisme économique dans le sang. Les Chinois, quant à eux, n'oublient jamais les leçons qu'ils peuvent tirer de leur propre histoire. Depuis le fameux discours de Deng Xiao Ping en 1978, qui a ouvert la Chine à la liberté des échanges commerciaux, ils sont dans le registre, non d'une conquête brutale du monde, mais d'une volonté de restauration de leur puissance. Face à ces deux modèles adossés à une identité culturelle clairement assumée, l'Europe fait figure de parent pauvre. On surprend chez elle le vertige d'une construction désincarnée. Amnésiques, les Européens nient leurs racines culturelles, croyant encore en un monde pacifié, sans adversité, où l'OMC et le FMI régleraient tous les différends, sans jamais tenir compte des spécificités - identités, cultures, projet de civilisation - de chacun.

    Quel regard portez-vous sur ce que l'on nous vend comme étant une « sortie de crise » ?
    Nous sommes toujours dans la crise, essentiellement parce qu'on n'a pas réglé tous les effets qui sont à l'origine de celle-ci, à commencer par la financiarisation de l'économie. La plupart des banques et des institutions financières d'Occident restent très exposées sur les subprimes et quantité d'autres produits dérivés sophistiqués. Nombreuses sont les banques vivant toujours dans l'illusion quelles seront finalement payées de leurs créances. Ajoutez à cela la dette des États et le transfert des réserves monétaires de l'Ouest vers l'Est, la Chine, la Russie et les États du Golfe détenant aujourd'hui beaucoup plus d'argent que l'Europe, les États-Unis et l'Australie. La sortie de la crise pâtit donc du rendez-vous perpétuellement ajourné d'un check-up définitif des risques financiers des institutions financières. Pour le dire autrement, il n'y a que deux voies possibles pour sortir de la crise. Celle, aujourd'hui privilégiée par l'Europe, d'une régulation plus forte des échanges entre les pays, les entreprises et les banques, telle qu'elle s'esquisse dans les sommets et autres réunions du multilatéralisme. C'est le monde comme il ne va pas depuis vingt ans, avec un peu plus de règles et un supplément de bonne conscience. L'autre voie considère que ce qui, dorénavant, va fixer la règle du jeu, ce sera davantage un équilibre entre des contraires qu'un ordre normatif exclusif et unique s'imposant uniformément à des nations différentes. Dans le monde qui vient, c'est l'équilibre qui devra donc être recherché, plutôt que l'ordre du monde.

    Votre critique du libéralisme moderne vise aussi le culte idolâtre de la norme juridique. N'est-ce pas singulier pour un juriste ?
    Il y a deux traditions juridiques : celle du Code et celle de la Common Law. J'appartiens à celle du Code, et considère que le droit doit être le tuteur des comportements individuels et des personnes morales dans une société. La culture de la Common Law, c'est celle de la règle de droit diffuse, et donc dispendieuse, puisqu'il faut nécessairement, pour l'interpréter, recourir à des hommes de droit. Outre cela, elle est conflictuelle. Le Code, lui, s'il est bien écrit, est pédagogiquement compréhensible par tous : ce sont des articles de morale au sens fort du terme, car ils permettent au plus grand nombre de se comporter de la même manière dans une société déterminée. L'Europe actuelle ne s'inscrit malheureusement pas dans la filiation disciplinaire du Code, mais dans celle de la Common Law. Elle est entièrement acquise à une culture juridique de la règle de droit explosée, difficile à interpréter et qui fait vite apparaître des rapports de force.

    L'une des originalités de votre livre, c'est la réhabilitation que vous y faites d'une œuvre très discréditée de Thomas Mann, les Considérations d'un apolitique. Pourquoi cette référence est-elle si importante à vos yeux ?
    Si j'ai souhaité mettre en avant cette œuvre de Thomas Mann, c'est quelle me paraissait exprimer avec le plus de clarté et de prescience, dans cette période incertaine, agitée et transitoire, que fut la fin du XIXe et le début du XXe siècle, l'une des interrogations les plus profondes qui pouvait alors se poser à un intellectuel européen : la quête d'identité. À l'approche de la Première Guerre mondiale, Thomas Mann, qui chérissait la liberté, s'est heurté à ce qu'on appellerait aujourd'hui une « pensée unique », aussi arrogante et aveugle que la nôtre, issue de la Révolution française et confortée par les certitudes propres à la bourgeoisie européenne, indifféremment anglaise ou française (il ne faisait d'ailleurs aucune distinction entre les Français et les Anglais). Une telle pensée unique se trouvait être au seul service de la civilisation libérale. Or, Thomas Mann considérait à raison que son pays, l'Allemagne, avait fait un autre choix culturel, fondé sur ses propres racines. À la civilisation franco-anglaise qui privilégiait l'écrit, la culture allemande avait choisi la musique ; et pendant que la première défendait une vision formelle et abstraite de la liberté, la seconde recherchait son identité réelle. Ce débat entre culture et civilisation, souvent caricaturé dans le paysage intellectuel français, est absolument fondamental. On devrait s'en souvenir pour appréhender d'au plus près les enjeux de la multipolarité. L'Allemagne qui, à la fin du XIXe siècle, défendait sa culture face à la civilisation libérale, ne peut-elle pas être comparée à la Chine qui, en ce début de XXI siècle, défend elle aussi sa spécificité culturelle face à la civilisation mondiale ? Thomas Mann s'est reproché par la suite ce livre parce que son combat pour la culture allemande allait être récupéré de la plus vilaine des façons, le livre disparaissant même de certaines de ses bibliographies, à l'inverse curieusement de La Montagne magique qui n'est pourtant rien moins que la traduction romanesque des Considérations d'un apolitique et a d'ailleurs valu à son auteur le prix Nobel de littérature.

    Thomas Mann aurait-il pressenti en 1918 le mal qui détruit l'Europe aujourd'hui ?
    Déracinée culturellement, l'Europe s'expose à un risque de déconstruction et de dépossession d'elle-même si elle s'obstine à ne pas renouer avec sa personnalité culturelle. À cet égard, le texte de Thomas Mann peut nous montrer la voie. Voyez la polémique autour des racines chrétiennes de l'Europe. Les rédacteurs de la Constitution européenne ont refusé que le préambule de la Constitution y fît référence explicitement, estimant que l'Union européenne ne devait pas offrir le flanc à des critiques. C'était une erreur. Plus un État se ment sur ses origines religieuses, plus il s'expose à des déchirements identitaires. Si l'Europe, et singulièrement un pays comme le nôtre, réaffirmait avec ambition ses racines et son identité chrétiennes, les autres religions y auraient tout à y gagner. Il n'y a rien de plus dangereux qu'une identité qui ne rencontre face à elle aucune autre identité pour s'éprouver.
    Propos recueillis par François-Laurent Baissa et Pierre-Paul Bartoli Le Choc du Mois mai 2011
    Michel Guénaire, les deux libéralismes, Perrin, 484 p., 25 €.
    Michel Guénaire, Il faut terminer la révolution libérale, Flammarion,
    200 p., 16 €.

  • Algérie : une bombe a fragmentation !

    Dans le cadre de son travail, Antoine Corcelles se rend régulièrement en Algérie. Il décrit pour Monde et Vie la situation de ce pays qu'il connaît bien.
    ☞ Monde et Vie : Vous vous rendez régulièrement en Algérie et connaissez bien ce pays. Se dirige-t-il vers un bouleversement comparable à ceux de Tunisie ou d'Egypte ?
    Antoine Corcelles : Pour l'instant, cela bouge fortement, mais il est difficile de discerner s'il s'agit d'un mouvement général ou d'émeutes de la faim locales et sporadiques. La société algérienne est plus diversifiée, géographiquement, que la société tunisienne. Les pôles urbains importants y sont beaucoup plus nombreux, et chacun reste un peu coupé des autres.
    ☞ N'y trouve-t-on pas aussi une plus grande diversité ethnique? Je pense par exemple aux Kabyles, aux Chaouias...
    Lorsqu'un système est contesté, il se crée d'abord une sorte d'union sacrée de ses opposants. Par la suite, si le système FLN venait à imploser, les disparités que vous évoquez pourraient ressurgir d'une manière virulente, que ce soit le problème kabyle, ou d'autres qui sont moins connus ou cités : le Mzab, autrement dit la région de Ghardaïa, par exemple, a déjà une autonomie de comportement. L'implosion ferait alors l'effet d'une bombe à fragmentation, avec des effets multiples, régionaux, ethniques, culturels... Des clivages sociaux « à l'occidental » se sont aussi développés dans la société algérienne, entre bourgeois, ouvriers, classes moyennes, patronat, etc. De tous les pays d'Afrique du nord, l'Algérie est sans doute le plus proche de l'Europe et de la France.
    ☞ Même par rapport au Maroc ?
    Oui, car aussi prégnante qu'y soit la religion et influent l'islamisme, la société reste assez « laïque » et les domaines politiques et religieux ne s'y confondent pas. Au Maroc, où le roi est le Commandeur des Croyants, islam, société et pouvoir politique sont liés - peut-être, d'ailleurs, pour le plus grand bien de la paix sociale. En Algérie, le distinguo est constant. Ce pays a beaucoup plus hérité de la période française qu'on ne le pense. On n'y invoquera pas, comme dans d'autres pays, une loi religieuse pour condamner un comportement civil ; pas officiellement, du moins. Un préfet me disait : « Nous avons dans les préfectures des directeurs des affaires religieuses, mais ceux qui administrent la religion ne sont pas ceux qui la pratiquent. »
    C'est une réflexion typiquement occidentale : il faisait bien le distinguo entre ces fonctionnaires chargés d'administrer la religion et les croyants. Ce n'est pas le même monde...
    ☞ La fracture est-elle nette entre le FLN et le peuple, existe-t-il un fossé entre une Algérie « d'en haut » et une Algérie d'« en bas » ?
    Oui. Il existe indiscutablement une bourgeoisie, culturellement forte et marquée par l'Amérique. J'ai constaté qu'alors que les enfants du peuple viennent étudier en France, ceux des dignitaires vont aux États-Unis. Le petit peuple, qui souffre et qui a faim, a peu d'estime pour ces dignitaires du régime et accuse les associations d'anciens combattants de regrouper des gens qui n'ont jamais combattu et restaient derrière les frontières pendant la guerre d'indépendance.
    ☞ Le peuple a faim et pourtant l'Algérie est assise sur des ressources d'or noir considérables. Où va l'argent ?
    Les gouvernants ne s'oublient pas, mais le gouvernement investit aussi beaucoup dans les infrastructures. L'argent qui rentre grâce au pétrole a permis par exemple de rénover l'aéroport d'Alger avec une débauche de luxe qu'un pays pauvre ne pourrait pas s'offrir; mais le peuple ne se rend pas à l'aéroport d'Alger. De même, l'autoroute Maroc-Tunisie est une belle réalisation, mais les gens ne l'utilisent pas. À côté de ces réalisations, on importe tout, notamment les produits agricoles, et les efforts réels consentis pour les infrastructures n'apportent de solution ni à la montée des prix, ni aux difficultés d'approvisionnement. On parle d'émeutes de la faim et le mot n'est pas trop fort. Ce sont en tout cas des émeutes de la misère. Les mouvements islamistes prospèrent sur cette pauvreté, en y remédiant et en aidant vraiment la population. Je pense toutefois qu'il n'y a pas de corrélation entre terrorisme et pratique religieuse, j'ai même remarqué le contraire. Dans le Mzab, par exemple, on n'a pas déploré un mort pendant les dix ans de ce qu'on appelle la guerre civile algérienne. Les habitants expliquent qu'ils sont suffisamment religieux pour ne pas avoir besoin d'être islamistes. Ce qui tend à montrer que les comportements politiques diffèrent au sein du monde islamique. Les gens n'aiment pas les barbus venus d'Arabie Saoudite, qu'ils appellent les « Afghans », parce qu'ils se sont battus en Afghanistan ou en Irak.
    ☞ L'Algérie importe les produits agricoles, alors qu'elle-même était jadis un grenier à blé...
    À cet égard, je me rappelle d'un article de L'Écho d'Oran dont l'auteur écrivait que du temps des Français, l'Algérie était auto-suffisante dans le domaine alimentaire. « Que penser, demandait-il, d'un régime qui n'aura su que fabriquer des assassins d'enfants ? » Comme je m'étonnais de cette audace auprès d'un collaborateur du même journal, celui-ci m'a répondu : ici on écrit tout ce qu'on veut, mais de temps en temps on peut avoir un « accident »... Quand j'étais en Algérie, une information a fait état d'un journaliste qui avait été tabassé dans un hôtel à Tunis. Les Algériens, scandalisés, disaient : « On ne verrait pas ça en Algérie ». J'ai en effet lu des articles terribles sur Bouteflika : il existe donc en Algérie une véritable liberté de la presse... tempérée par « l'accident ». C'est une dictature qui fonctionne avec un système qu'un Français comprend aisément. Il serait intéressant, s'il y avait demain des élections en Algérie, de voir le score que réaliseraient les partis occidentalisés, comme le FFS de Aît Ahmed.
    ☞ Quelles pourraient être les conséquences pour la France d'une révolution en Algérie ?
    L'affaissement de systèmes autoritaires favorise les exodes, parce que le départ devient soudain possible. En quelques jours, plusieurs milliers de Tunisiens ont débarqué à Lampedusa, certains poussés par le désir de quitter un pays misérable, d'autres, proches du régime déchu ou petit cadre locaux, par crainte d'un retour de bâton. Transposez cette situation et ces réflexes à l'Algérie : il est évident que l'effet d'attraction sera énorme, encore amplifié par les liens qui unissent la France et l'Algérie. Certes, la France conserverait la maîtrise des visas ; mais les visas sont une chose, et le transit une autre.
    Propos recueillis par Jean-Pierre Nomen monde & vie 19 février 2011

  • BUDGET EUROPEEN OU LA RUINE ANNONCEE

    Les chamailleries sur le projet de budget européen remplissent abondamment les journaux. Chacun des pays veut tirer la couverture à lui tout en accusant bruyamment les autres de faire de même. La Grande-Bretagne et la France se signalent particulièrement à cet égard. La première réclame le maintien du chèque obtenu de haute lutte il y a longtemps par la baronne Thatcher. La deuxième veut la poursuite de la politique agricole commune ou PAC, laquelle est un instrument précieux pour les gouvernements successifs puisqu'elle asservit le monde rural à leur bon plaisir.
    Le budget qu'il est si difficile de mettre sur pied a une particularité : c'est un budget pluriannuel allant de 2014 à 2020. On comprend que la mafia des Eurocrates qui est au centre du projet y trouve son intérêt. Refusant les économies absolument nécessaires, tout en les saluant distraitement, ils rêvent d'une autorisation de dépenser sur plusieurs années. De ce fait les eurosceptiques en Grande-Bretagne deviennent de plus en plus nombreux. David Cameron osera-t-il sauter le pas et sortir de la CEE ? Cela serait un coup de tonnerre et un bienfait pour tous les Européens étant donné que l'édifice de la CEE est carrément nocif comme nous allons le voir.
    Les faits sont brutaux. L'Europe est devenue de plus en plus une machine à fabriquer du cash au profit des Eurocrates. La fortune des Commissaires européens est célèbre dans le monde entier. Un seul exemple : quand un Commissaire quitte ses fonctions il touche son traitement pendant trois ans pour lui donner le temps de se recaser. Ils sont « combinards » et se recasent tous très vite et le masquent de diverses façons. Les chômeurs qui le sont à cause de l'Europe et ne reçoivent rien pour se recaser apprécieront. Le poste de député européen est un « fromage » dont les multiples saveurs se lisent dans tous les journaux. La richesse des dirigeants s'étend selon l'usage jusqu'aux échelons les plus bas.
    Cette richesse des eurocrates est un des moteurs de l'accroissement de la dictature européenne ; c'est un principe absolu que plus les unités publiques s'agrandissent, plus la richesse des acteurs s'accroît et moins il existe de contrôles !
    LA DICTATURE
    Sur le plan économique la CEE court vers la ruine qui s'inscrit dans les chiffres officiellement publiés. Le chômage atteint des niveaux insupportables dans la plupart des pays. La croissance est désespérément plate. Par ondes successives cette situation délétère se propage dans le monde entier et jusqu'en Chine.
    La raison principale de ces faits est que la CEE est une dictature à 27 têtes. Les 27 Commissaires, une fois nommés, exercent leur pouvoir pratiquement sans contrôle. Par ailleurs, le parlement théoriquement chargé d'un certain contrôle est lui-même élu d'une façon extrêmement douteuse. Les votes ont lieu à mains levées, leur convergence étant laissée au « jugement » du président de séance ! Les gouvernements exercent en principe une surveillance, par l'intermédiaire de fonctionnaires non élus, mais ce n'est qu'une gentille parodie de contrôle.
    POURQUOI ET COMMENT LA RUINE
    Au premier chef des explications, se trouve la gigantesque ponction fiscale nécessaire pour alimenter la fabuleuse machinerie. Une autre cause de ruine est le flot ininterrompu de directives et autres réglementations déversées par la CEE ; un Commissaire ne saurait exister sans créer des directives ; la dictature européenne s'occupe de tous les détails de la vie d'un immense continent : cela va de la pêche au thon rouge, aux ascenseurs, et jusqu'au choix des ampoules. Par cette vision socialiste de la politique, elle met le désordre dans une foule d'industries et de consommations.
    La Cour de justice aggrave l'effet du déluge : de son fait personne n'est vraiment sûr du droit et cette incertitude est meurtrière pour la richesse générale. La fraude généralisée s'ajoute : la très coûteuse Cour des comptes européenne refuse depuis plusieurs exercices de certifier les comptes de la CEE ; les dictateurs vivent sur des comptes pourris.
    L’égalitarisme mène également à la ruine. Pour mettre soi-disant à niveau les nouveaux membres, de l'argent est volé aux anciens pour investir chez ces nouveaux et il y a beaucoup de fuites. A cette fausse idéologie peuvent se rattacher des idées folles comme la convergence fiscale franco-allemande ; messieurs les Eurocrates il faut supprimer les impôts au lieu de chercher des convergences impossibles.
    Actuellement la seule prétendue riposte imaginée à la crise est de demander plus de gouvernance européenne c'est-à-dire d'accroissement de la dictature ! Pour leur défense, les Eurocrates prétendent que la construction européenne était nécessaire au marché commun : c'est une erreur. La libération des échanges, chemin nécessaire à l'accroissement de la richesse générale, pouvait se faire sans la création de la formidable et ruineuse bureaucratie européenne.
    La construction européenne s'est faite en partie contre la volonté affirmée des peuples. Le projet insensé de budget pluriannuel est un effort pour consolider, malgré les disputes, un édifice branlant. Ira-t-il jusqu'au bout ? Le proche avenir nous le dira.
    MICHEL de PONCINS http://libeco.net

  • BIODIVERSITE : LA CHIMERE EN CROISSANCE

    La chimère de la biodiversité est une petite sœur jumelle de celle du réchauffement et lui ressemble étrangement.
    Elle a rassemblé du 18 au 29 octobre 2010 pour une grande parlotte à Nagoya au Japon les plus hauts dirigeants de 193 pays s'y sont succédés avec des milliers d'experts venus à grand renfort de CO2 ! Un accord a été obtenu pour faire avancer la chimère. L'exemple plutôt douteux du GIEC était couramment invoqué afin d'essayer de consolider l'ensemble.
    L'arme de la terreur est manipulée sans vergogne. Les dauphins du Mékong meurent. En 2050 les requins auront disparu. Il s’ajoute que les albatros, splendides oiseaux océaniques dont l'envergure peut atteindre jusqu'à 3,5 mètres, sont très menacés. Tous les experts annoncent que la population mondiale du tigre a chuté de 95 %, seuls 4000 spécimens résistants encore dans la nature.
    Avec le réchauffement nous serons cuits selon les experts. Si nous ne portons pas remède à la supposée disparition des espèces, la vie sur terre deviendra impossible et si des mesures totalitaires au niveau des États ne sont pas prises, il faudra dans l'urgence chercher une planète de rechange (sic).
    Pour donner une apparence scientifique à tous ces cauchemars, le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), qui est au centre du dispositif, rêve de chiffrer la valeur des écosystèmes afin que les décisions étatiques les prennent en compte. La pyramide de l'édifice statistique nécessaire pour faire ces calculs sans fondement fait frémir. Sans attendre et sans rire, des experts arrivent d'ores et déjà à chiffrer à 23 500 milliards d'euros par an les services rendus par la nature, soit la moitié du PIB mondial.
    LA COMPLEXITE EFFROYABLE DU PROJET
    Une différence existe cependant avec la grande sœur du réchauffement, car les adorateurs de cette nouvelle religion sont arrivés à simplifier les objectifs : l'ennemi abattre est le CO2, devenu l'objet d'une haine universelle, légale et commerciale. Pour la biodiversité la complication est extrême ce qu'au Japon les fidèles ont du admettre.
    Des interrogations redoutables se présentent. Faut-il reconstituer les espèces telles qu'elles étaient en 1900, ceci au risque d'une histoire incertaine à explorer ? Faut-il protéger les espèces telles qu'elles sont en septembre 2009 ? Faut-il protéger la totalité des espèces ? Nous nous trouvons devant une tâche évidemment impossible car le Créateur a disposé des centaines de millions d'espèces dont une toute petite partie, simplement, est connue ; le début de l'exploration des abysses sous-marins nous découvre des horizons infinis.
    En outre, des découvertes permanentes dévastent les statistiques déjà fausses par nature. Il ne restait plus, parait-il, que 50 000 à 60 000 orangs-outangs vivant à l'état sauvage dont 80 % en Indonésie et 20 % en Malaisie. Or une colonie de plusieurs milliers d'individus fut découverte à l'est de Bornéo.
    LES INTERETS EMBUSQUES
    Comme dans toute chimère mondialiste, les intérêts qui poussent à l'extension sans limite du cauchemar sont considérables et étroitement soudés. La secte des écolos s'y prélasse avec délices. La France a une secrétaire d'État à l'écologie (sic), Madame Chantal Jouanno. Dans son sillage et jusqu'au niveau local ainsi que dans les ONG subventionnées se trouvent une foule de fonctionnaires, para-fonctionnaires ou experts s'enrichissant soit modestement soit grassement sur la bête si l'on ose dire. Des homologues existent partout dans le monde : cela fait éventuellement dix millions de fonctionnaires embarqués pour la magnifique croisière.
    Un seul exemple : en France il existe partout des personnes payées pour compter les oiseaux ( sicissime) ; au demeurant, c'est un travail fort sympathique qui se passe dans la nature et évite de s'ennuyer dans un bureau ; c'est moins dangereux que de compter les orangs-outangs. La complication est forte car quoi de plus fugace qu'un oiseau ? Mais justement d'autres intérêts arrivent pour faciliter la tâche ; pour compter ce qui est impossible à recenser il faut du matériel et d'autre part des consultants qui travaillent à la méthode ; une fois le matériel créé et la méthode bâtie, des formateurs surviennent : que de marché juteux !
    L'EFFET DE RUINE
    Ce dernier arrive comme toujours dans toute activité publique et par les mêmes canaux.
    D'abord les immenses sommes d'argent dérobées par la force fiscale aux peuples bien conditionnées en vue de financer ce cirque mondialiste génèrent de la pauvreté par une succession de mécanismes bien connus.
    Ensuite surviennent des dégâts collatéraux pour faire plaisir à des membres de la secte plus actifs que d'autres. Le coût du TGV pour Marseille a été majoré à l’époque pour protéger un unique couple d’aigles de Bonnelli, dont, au demeurant, il n’est pas sûr que la trace ait été retrouvée. A cette fin, le trajet a été modifié et le chantier fut interrompu à plusieurs reprises. Il a fallu aussi complaire aux castors et, notons bien la précision, aux plobates cultripèdes qui sont, comme tout le monde ne le sait sans doute pas, de rarissimes crapauds.
    Puis arrive l'effet habituellement destructeur des règlementations publiques, telle Natura 2000. C'est une directive européenne qui depuis 1992 établit partout des zones rurales où aucune activité n’est autorisée, sauf accord des bureaucrates de Bruxelles. Le prétexte est de défendre précisément cette biodiversité. La France a proposé 800 zones représentant 5 % du territoire. A ce titre des camarades des chauves-souris ont voulu sévir dans une commune parce qu’un quart des chauves-souris prétendues rares avaient élu domicile dans une caverne se trouvant sur son territoire. La directive a pour effet de paralyser ou de ralentir toute nouvelle activité, sauf accord du préfet, dans les territoires malheureusement visés. De ce fait, elle génère chômage et paupérisation.
    L'HOMME EST-IL DE TROP ?
    Voici une autre ressemblance avec la grande sœur jumelle . L'homme serait de trop dans la nature, idée voisine de la culture de mort et de la propagande pour l'adoration de la déesse terre-mère, dénommée Gaïa.
    Que faire dans tout ce tumulte ?
    Pour échapper à la ruine et aux tendances totalitaires des écolos, il faudrait reconnaître et diffuser sans cesse que l'homme n’est pas capable de diriger les espèces et qu'il doit simplement dans le cadre de sa raison voisiner avec ces espèces telles qu'elles sont, tout en en tirant d’ailleurs le meilleur parti.
    À cette fin, laissons jouer le droit de propriété et son corollaire la liberté des contrats. Ceux qui aiment particulièrement les chauves-souris ou les tigres, ou les vipères peuvent très bien s'organiser à leur propre échelle dans le cadre du droit naturel et sans nuire aux autres. De même les plus grands et plus beaux animaux peuvent être exploités librement avec parfois la création de fonds d'investissement. Si ces animaux risquent de disparaître, leur valeur augmentera et les propriétaires légitimes prendront les mesures adéquates.
    Il est important en terminant de constater que la quasi-totalité de la population aime la nature et peut fort bien s'en occuper dans la liberté et la variété des situations. Seuls les dirigeants écologistes peuvent être considérés comme des ennemis objectifs de la nature puisqu'ils veulent l'asservir à leur propre pouvoir ainsi qu’à leur richesse personnelle, tout en empêchant les autres de s’en occuper… .
    Michel de Poncins  http://www.libeco.net

  • Médicaments génériques : l’Etat a berné les Français

    PARIS (NOVOpress) – Entre les Français et les médicaments génériques, la pilule ne passe plus vraiment : 57 % d’entre eux seulement (contre 62 % il y a un an) acceptent systématiquement la substitution d’un médicament d’origine par un générique. Cette défiance a augmenté de cinq points en un an, selon un sondage IFOP publié lundi. Par ailleurs, les Français sont plus réservés quant à l’efficacité des  génériques, 72% la jugeant similaire à celle des médicaments d’origine contre 77 % en 2011. Quant à la perception de la sécurité des génériques, elle baisse de dix  points, avec 61 % se déclarant convaincus que ces médicaments sont  « aussi sûrs » que les médicaments d’origine, contre 71 % en 2011.

    Il y a quelques mois, l’Académie de médecine a reconnu en effet que les génériques pouvaient être moins efficaces que les médicaments originaux. La propagande orchestrée par l’Assurance maladie depuis des années a du plomb dans l’aile, bien qu’elle assure encore sur son site internet que « le médicament générique est tout aussi efficace » que le produit original. Ce défaut est lié à la qualité aléatoire des génériques, dont 80% des principes actifs sont maintenant fabriqués en Chine et en Inde, sur des sites de production douteux, peu contrôlés. Quand la mondialisation nuit gravement à la santé…

    http://fr.novopress.info/

  • Comprendre l'empire bancaire et militaire (extrait de l'entretien)

  • Comment les cartels imposent leur loi

    Qu’ils vendent du ciment, des téléviseurs, de l’électricité ou du café, les grands groupes préfèrent s’accorder entre eux pour gonfler les prix plutôt que de se risquer à faire jouer la concurrence. Et même si cette pratique est illégale, ils sont rarement inquiétés. Extraits.

    (…) Directeurs généraux et responsables des ventes se retrouvaient alors en “petit comité“, retracent les enquêteurs, pour des “échanges ciblés sur des projets précis“, dont les fruits étaient fort juteux.

    Ils concluaient des arrangements garantissant à de pseudo-concurrents des bénéfices supplémentaires qui se chiffraient en dizaines de millions d’euros. Les acteurs en présence convenaient dans le détail du partage des contrats et, surtout, des prix à pratiquer.

    (…) Les fonctionnaires de l’Office fédéral des ententes de Bonn ont découvert que, pendant au moins cinq ans, le groupe Siemens, la société Starkstrom-Gerätebau de Ratisbonne, le français Alstom et le géant suisse de l’électricité ABB se sont partagés le marché allemand des transformateurs,

    se privant ainsi de toute compétition, au détriment de consommateurs contraints de débourser nettement plus que si les fournisseurs avaient été en situation de concurrence.

    (…) les dirigeants impliqués ont dû payer 24,3 millions d’euros d’amende au Trésor public.

    Mais rien de plus. Personne n’a été tenu de répondre de ses actes devant une cour. Aucune des parties concernées n’a été nommément citée. Au-delà de quelques brèves, les médias ne se sont pas étendus sur l’affaire.

    Il en va presque toujours ainsi lorsque des cartels se font pincer en Europe.

    En réalité, le coût du fléau des ententes est bien plus élevé que l’on ne le croit généralement. A partir de leur expérience, les autorités de la concurrence ont pu établir que les cartels gonflaient les prix de leurs produits de 25% en moyenne et pouvaient ainsi, en l’espace de quatre ans, engranger un bonus équivalent à leur chiffre d’affaires annuel.

    (…) les pertes imputables aux ententes européennes à plus de 260 milliards d’euros par an, dans une étude commandée par la Commission européenne. Soit 2,3% du PIB annuel de l’Union ou le double du budget annuel de la Commission européenne.

    http://fortune.fdesouche.com   Lire la suite sur Presseurop.ue

  • FIN DE PARTIE POUR l’EURO... ou pour les Européens ?

    L’Euro a été mis en place dans une zone qui n’a jamais été optimale. Les têtes plates qui ont justifié sa création mentaient. Il s’agissait d’utiliser la monnaie pour détruire les Etats et asservir les populations.  
    Depuis qu’une nouvelle crise a démarré en 2008, les “piliers” de la monnaie unique européenne se sont effondrés les uns après les autres : interdiction de renflouer un pays ; indépendance de la Banque Centrale Européenne ; affirmation qu’il n’y aurait pas de restructuration des dettes publiques, ou pas de sorties de la zone. Maintenant, chacun voit que la finance pousse à accomplir l’union pour survivre. Elle affirme que le seul choix réside dans l’accomplissement d’une union budgétaire et politique et en conclue qu’il faut faire partager les dettes.  Mais pourquoi leur obéir? Car la dette n’est qu’un des problèmes de l’Europe. Il faut aussi tenir compte du vieillissement des populations, de la financiarisation, des inégalités, de la compétitivité, etc…. 
    Le Groupe de Francfort
    Lorsqu’un dirigeant grec a proposé, en novembre 2011, un référendum  sur le plan de “sauvetage” qui était imposé à son pays, la réaction des  "élites européennes" a consisté à créer un nouveau cabinet: Le Groupe de Francfort, qui réunit des représentants de la France, de l’Allemagne, de la BCE, du FMI et de la Commission Européenne.  Ce quintette a organisé les putsch en Italie et en Grèce, plaçant des petits fonctionnaires de l’imposture économique à la tête des Etats, afin que l’oligarchie continue à parasiter en toute quiétude. Car les politiques de création monétaire que la BCE a commencé, pour imiter la banque centrale américaine, vont déboucher sur l’inflation qui certes amortit les dettes mais détruira les retraites telles qu’elles existent ainsi que le niveau de vie des classes moyennes. 

    Le Groupe de Francfort                                           Un but contre son camp?
    Les parlements, en Grèce comme ailleurs - Bundestag, Paris -  votent tout ce que veut le pouvoir financier à condition d'échapper à de nouvelles élections et de profiter du système aussi longtemps que possible. Le parlement grec a donc fini par approuver le gouvernement qui va paralyser l'économie grecque. La Grèce ne peut vendre aux étrangers que du tourisme. Les Grecs ne peuvent importer que s'ils ont du crédit. S'ils n'en ont pas, ils ne peuvent plus rien importer et doivent produire eux-mêmes ce dont ils ont besoin. Mais pour cela aussi il faudrait du crédit afin de s'équiper en machines et de créer des entreprises. En conséquence, la misère va s'étendre, et cela est le sort de tous les pays européens si on ne change pas les gouvernants actuellement en possession d’Etat. Ce qui reste de richesse en Europe, va tomber entre les mains des nouveaux nababs issus du monde entier - Emirats arabes - Chine, etc. - avec la bénédiction des cuistres de l’Union Européenne. 
    L'Euro se maintient parce que l'on coule
    Alors que l’Europe a besoin de croissance, les plans d’austérité la font plonger dans un marasme permanent. Le bon maintien de l’Euro est justement la preuve que la volonté de détruire l’Europe est à l’œuvre. Qui peut croire que les mesures d’austérité vont maintenir la puissance du continent? Comment penser sérieusement que la Grèce peut s’en sortir en mettant à contribution les banques privées qui abandonnent une partie de la valeur de leurs créances? La BCE, qui achète des titres sans valeur, copie désormais la Fed en créant de la monnaie. Et cela sans fin prévisible….
    Partout il faut s’attendre à une baisse du niveau de vie, afin de s’ajuster aux conditions internationales, dumping légal provenant des produits  fabriqués dans des pays à bas salaire. Sans dévaluation de l’Euro, plusieurs pays, dont le Portugal et l’Espagne, n’ont pas d’avenir car leurs produits ne sont pas compétitifs. Seules les banques s’en sortent grâce aux prêts du FMI à l’Europe et grâce à la prise en charge par l’Europe des dettes de certains Etats. 

                                                                                            Jacques Sapir
    Comme toujours, on ne s'en prend qu'aux dépenses de l'Etat et absolument rien n’est prévu pour faire redémarrer l'économie. Dans toute la zone Euro les  gouvernements réduisent les dépenses publiques, rackettent fiscalement les classes moyennes en chute libre et les entreprises continuent de fermer car elles délocalisent leur production. On s’enfonce dans le néant, et les grands penseurs officiels ou officieux montrent leurs limites: tête vide de solutions alternatives mais poches pleines….
    Reconstruire
    Toutes les élites non stipendiées convergent vers la même solution : sortir de l’Euro, créer une monnaie commune, modifier les règles financières pour que la collectivité émette sa monnaie, que certaines techniques spéculatives soient interdites et, surtout, que l’on sorte du piège tendu par le fameux triangle de Mundell. Puisqu’il est impossible de mener une politique monétaire indépendante lorsque les mouvements de capitaux sont libres et les taux de change fixes, c’est le mouvement inutile de capitaux inutiles qu’il importe d’encadrer. De feu Maurice Allais à Jacques Sapir, des économistes libéraux allemands aux Espagnols, tous ceux qui pensent en faveur du bien commun se rejoignent dans cette gamme de solutions. On a sous nos yeux la preuve la plus flagrante de la tyrannie de la supra société globalitaire : comme les vieilles badernes, ses membres sont incapables de changer; comme les primates, ils se tapent sur la poitrine pour enseigner leur vanité creuse ; comme les cagots, ils s’accrochent à leurs superstitions monstrueuses. Périsse le peuple plutôt que d’accepter d’écorner leur cagnotte. Tout ce spectacle de la médiocrité serait divertissant s’il ne débouchait sur la mort de toute l’Europe. 
     
    On ne peut aider la Grèce ou quelqu’autre pays que ce soit, sans sortir de l’Euro. On peut aider les populations pour supporter la transition vers la sortie. Comme l’explique Jacques Sapir, il convient de mettre un point final à la crise actuelle en pratiquant ce que fait la Banque centrale américaine : acheter les obligations émises par les Etats. Cette politique, sur cinq ans, donnerait le temps nécessaire à la mise au point de la nouvelle solution: la monnaie commune. Cependant, il faut penser à remplacer le personnel, décidément trop répugnant, afin de donner une opportunité aux élites preoccupées par la construction d’une maison commune européenne.
    Auran Derien http://metamag.fr
    Pour aller plus loin:
    Jacques Sapir : Faut-il sortir de l’Euro? Le Seuil, 2011
    Jason Manolopoulos : La dette odieuse. Les leçons de la crise grecque. Ed. Les Echos/Pearson, 2011.

  • Marx et les crises

    Marx considérait que les crises sont l’expression des contradictions 
internes au capitalisme, et qu’elles doivent conduire à son effondrement. Mais il a laissé sa théorie des crises inachevée. 
Dans quelle mesure peut-il donc éclairer la crise d’aujourd’hui ?

    « Un spectre hante l’Europe – le spectre du communisme. » Ainsi commence le Manifeste du parti communiste. Curieuse formule ! Ne faut-il pas être mort pour revenir à l’état spectral, fantomatique ? À la manière de Jean Baudrillard, faut-il penser un retour spectral du communisme ? Ou ce revenant est-il enterré, un pieu enfoncé dans le cœur ? Dans Spectres de Marx, Jacques Derrida fait de Karl Marx lui-même un perpétuel revenant. Après sa mort, sa pensée est revenue hanter l’Europe et l’Amérique à la fin du XIXe siècle, lors de la grande dépression, et encore dans les premières années après la Première Guerre mondiale ; elle est revenue en force au cours des années 1930, pendant la grande crise. Il y aurait donc un lien entre les grandes crises qui, elles aussi, sont des « revenants », et les retours de Marx. Ce n’est pas si simple.

    À la fin des années 1960, le spectre de Marx revient nous visiter, pas seulement dans les rues de Paris et dans les campus du monde entier. Or le monde est en expansion, dans la phase active des trente glorieuses. Marx hante les esprits et pourtant « même les tables ne tournent pas », comme il l’analysait. Le capitalisme triomphe un siècle après ses prédictions apocalyptiques : mieux, il produit un énorme accroissement de richesses dont jouissent aussi les masses populaires, la société de consommation explose, les inégalités ont régressé, « l’armée de réserve industrielle » (Marx nomme ainsi les chômeurs) a disparu ainsi que les crises périodiques avec leur cortège de misère, de chômage. À l’époque, de doctes et pourtant jeunes experts en marxisme se posaient sérieusement la question de la paupérisation en Europe, aux États-Unis, l’une des grandes prédictions de Marx. Était-elle absolue, alors que les PIB croissaient à des taux records, ou seulement relative, alors que la hausse des revenus des salariés n’avait jamais été aussi forte, que les inégalités régressaient ?

    Chômage, paupérisation 
et inégalités

    Notre époque offre un exemple similaire. Marx est mort, enterré sous une lourde pierre tombale. Reprendre telle formule marxienne fait sourire ; elles sont usées d’avoir tant servi. Au mieux, on jette quelques roses (pas nécessairement rouges) sur sa tombe. Et pourtant, rarement dans l’histoire ses enseignements ont eu une telle pertinence. Nous vivons une crise massive, mondiale, une crise capitaliste qui est aussi une crise du capitalisme.

    Marx a observé des crises financières qui ressemblent comme des sœurs à celles que nous connaissons, a précisé le rôle du « capital financier ». Il a analysé les conséquences de la suraccumulation du capital, expliqué les difficultés de la « réalisation », c’est-à-dire de la vente des valeurs produites.

    L’exploitation des travailleurs se durcit, « l’armée de réserve industrielle  » a retrouvé ses effectifs, la paupérisation relative est devenue un phénomène massif avec la remontée des inégalités au niveau de 1929, la paupérisation absolue sévit en Grèce, dans toute l’Europe du Sud, en Irlande, elle est à l’ordre du jour en France, en Grande-Bretagne, des populations entières se prolétarisent. « Le grand capital » (l’une de ces expressions rebattues, ridicules aujourd’hui) se renforce au détriment de ce que l’on n’appelait pas encore les PME.

    Marx n’avait pas bâti une théorie unifiée des crises, même s’il en est l’un des principaux théoriciens, même s’il fut l’un des premiers penseurs du cycle. Il avait même projeté de terminer son grand œuvre, Le Capital, par un livre dont le titre est d’une grande actualité : Le Marché mondial et les Crises. Pour lui, les crises sont endogènes, inhérentes au fonctionnement du capitalisme, nullement des chocs exogènes dus à des phénomènes contingents. C’est là son enseignement principal, en opposition aux théories libérales contemporaines qui présupposent un fonctionnement harmonieux de l’économie de marché seulement perturbé par des chocs stochastiques.

    Pour appréhender la pensée marxienne des crises, on peut distinguer trois niveaux : les agitations conjoncturelles de surface, les lourds mouvements en profondeur, les phénomènes économiques intermédiaires. Cette présentation au parfum braudelien me semble fidèle à la pensée de Marx (Fernand Braudel était d’ailleurs influencé par Marx, mais sa conception du capitalisme, un capitalisme à domination financière, n’était pas celle plus industrialiste de Marx). Ces trois niveaux ne sont pas clairement présentés, encore moins articulés. Marx ne livre que des éléments dispersés, disjoints, manquant de cohérence, parfois contradictoires. Il serait naïf d’en faire l’alpha et l’oméga de l’explication de la crise actuelle : le monde a changé, ce n’est plus le capitalisme de Marx, et les théories ont progressé depuis les années 1848 ou 1860.

    Une révolte des forces productives

    En surface, mais non pas superficiellement, nous trouvons les manifestations des crises de surproduction et les crises financières. Friedrich Engels et Marx sont de bons observateurs des crises économiques de leur temps (en particulier dans Neue Rheinische Zeitung), en Angleterre, en France et plus généralement en Europe, aux États-Unis. Souvent, dans ces descriptions presque au jour le jour, se trouvent le mieux exposés la dimension financière et spéculative, les excès de confiance et les paniques.

    Marx fait de la monnaie une condition des crises et la spéculation financière, inhérente aux périodes de surproduction, fournit « un palliatif momentané » et « hâte l’irruption de la crise, en augmente la violence ». Après les périodes de surcrédit, d’overtrading et de spéculation vient forcément le retournement brutal, avec ses conséquences déflationnistes, la « course au cash » : «  C’est là la phase particulière des crises du marché mondial que l’on appelle crise monétaire. Le bien suprême que l’on réclame à cor et à cri dans ces moments comme l’unique richesse, c’est l’argent, l’argent comptant » (Critique de l’économie politique).

    Au niveau le plus profond, celui de l’histoire longue, Marx fait des crises « une révolte des forces productives ». Les crises, comme les révolutions sociales sont les douleurs de l’enfantement d’un mode de production nouveau. Les forces productives sont entravées par les rapports capitalistes, par la contradiction majeure entre une production qui devient chaque jour plus collective et des rapports de propriété qui sont restés privés. Ces rapports de propriété, comme les rapports sociaux qui les fondent, sont devenus des entraves, ils seront éliminés.

    Jusqu’ici le capitalisme a permis un développement des forces productives plus puissant qu’aucun autre mode de production (il faut lire l’hymne aux succès du capitalisme dans le Manifeste). Mais, souligne Marx, les crises économiques, de plus en plus fortes, mettent en lumière ce fait majeur : le salariat et les « rapports de propriété bourgeois » sont devenus des entraves. Être communiste, pour Marx, ce n’est pas chercher à obtenir la justice sociale (il y a autant de conceptions de la justice que de modes de production), mais connaître l’imminente advenue d’un nouveau mode de production et participer aux luttes collectives pour l’accoucher.

    Reste l’essentiel pour l’économiste, l’analyse des mécanismes qui, dans ce mode de production capitaliste, produisent les crises. Marx, même s’il nuance, reste déterministe et sa théorie des crises endogènes s’en ressent. Pour simplifier, on trouve deux grands pans explicatifs, l’un du côté de l’offre – il s’agit des crises de suraccumulation –, l’autre du côté de la demande – il s’agit des crises de réalisation. Ces deux pans se croisent pour former les crises de surproduction.

    La baisse tendancielle 
du taux de profit

    La théorie des crises de suraccumulation du capital est livrée dans le livre iii du Capital, dans les chapitres consacrés à « la baisse tendancielle du taux de profit  ». Elle pourrait être présentée dans la syntaxe de la théorie classique ou néoclassique. Marx, d’ailleurs, n’innove pas complètement puisque beaucoup d’éléments sont chez son maître, David Ricardo, et chez John Stuart Mill.

    Poussés par la concurrence qu’ils se font les uns les autres, les capitalistes sont obligés, sans cesse, de réduire les coûts de production pour que leurs entreprises survivent ou pour empiéter sur le voisin. À cette fin, ils doivent continuellement investir en machines, accroître ce que Marx nomme le capital constant. Sous la plume d’un économiste néoclassique, on pourrait écrire que plus le volume du capital augmente, plus le rendement d’un nouvel investissement se réduit. C’est la loi générale de la productivité marginale décroissante.

    Dès lors, la rétribution du capital, le taux de profit, se réduit puisqu’elle dépend, avec plus ou moins de précision, de cette productivité. Marx raisonne avec une théorie de la valeur radicalement différente. Il explique la baisse du taux de profit comme le résultat d’un accroissement relatif de la fraction du capital qui ne produit pas de plus-value (le capital constant) par rapport au capital qui achète la force de travail (le capital variable) et produit seul de la plus-value par l’exploitation des travailleurs, une plus-value qui est la source unique du profit et de l’accumulation du capital.

    À l’arrière-plan de la théorie de Marx, comme d’ailleurs dans la théorie contemporaine, on trouve le circuit qui va du capital à davantage de capital en passant par l’accumulation du profit (ou de la plus-value) : le capital produit du capital, mais à chaque tour de roue, le rendement est plus faible. « Accumulez, accumulez, c’est la loi et les prophètes », écrit ironiquement Marx, mais en accumulant, les capitalistes scient la branche sur laquelle ils sont perchés puisqu’ils réduisent le taux de profit et la source de l’accumulation. La loi de l’accumulation capitaliste sape ses propres bases, une dialectique qui aboutira finalement à l’effondrement du capitalisme.

    La baisse du taux de profit n’est que tendancielle. Les capitalistes réagissent à cette baisse de plusieurs manières. Ils peuvent allonger la durée du travail ou accroître sa productivité (plus d’intensité du travail et le recours à davantage de machines, mais cela renforce encore le processus) afin d’élever le taux d’exploitation, ils peuvent faire baisser le prix des biens de consommation consommés par les travailleurs (importations bon marché, productivité) ou abaisser les coûts de production du capital constant (à nouveau en élevant la productivité du travail et en recourant à des importations de matières premières moins chères). Le recours au marché mondial est l’un des moyens essentiels de contrecarrer l’effectivité de la loi. Mais le fait d’y recourir fait remonter le taux de profit, donc l’accumulation rebondit, ce qui relance la tendance à la baisse du taux de profit.

    Nous avons là l’amorce d’une théorie du cycle économique. Dans la phase d’expansion, l’accumulation du capital est vive, la tendance à la suraccumulation s’affirme, le taux de profit baisse (la part du capital constant s’accroît au détriment du capital variable) et donc le taux d’accumulation et le taux de croissance, l’expansion s’amortit, l’économie entre en récession.

    Dans la récession, les contre-tendan­ces sont mises en œuvre, le taux d’exploitation augmente, le recours au marché mondial se renforce. Surtout dans la crise elle-même, la valeur du capital se réduit fortement et donc le taux de profit augmente.

    Dans la crise… Le passage d’une phase à l’autre, en effet, ne se fait pas par une baisse continue, régulière du taux de profit. Les capitalistes, cherchant à éviter les conséquences d’une baisse du taux de profit, se lancent dans un recours aux crédits de plus en plus risqués, dans la spéculation, l’overtrading, « l’aventurisme  », concentrent le capital (au détriment des fractions les plus faibles). Ainsi, artificiellement, le capital réussit à maintenir ses profits, mais à la façon où, dans les cartoons, le héros dans sa course folle continue d’avancer au-delà de la falaise pour dégringoler brutalement quand il constate qu’il n’a plus d’assise réelle ! Alors « le retournement subi du système de crédit en système au comptant ajoute à la panique pratique l’effroi théorique » (Critique de l’économie politique). La crise est donc expliquée à la fois par la loi tendancielle et par la phase finale spéculative de l’expansion, le temps des excès du capital financier.

    La monnaie rend possibles 
les crises

    La crise du début du XXIe siècle peut s’inscrire dans cette analyse. Dans les années 2000, la suraccumulation du capital est mondiale, elle affecte surtout un secteur, l’immobilier, et une nation, la Chine. La suraccumulation du capital en Chine a été exportée vers l’Europe et les États-Unis essentiellement sous forme d’exportations de marchandises, d’où une crise de surproduction dans ces régions (en Occident), les délocalisations, la désindustrialisation. Longtemps la baisse du taux de profit a été compensée par le recours exagéré au crédit, à la spéculation et à l’aventurisme, par les fusions-acquisitions d’entreprises, jusqu’à l’éclatement des bulles financière et immobilière et l’effondrement du taux de profit dès lors qu’il n’était plus soutenu par l’aventurisme financier.

    La crise de réalisation est l’autre dimension de la théorie marxienne des crises, du côté de la demande. Marx est un critique virulent de la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say, qui nie la possibilité d’une crise générale en posant que « les marchandises s’échangent contre des marchandises » ou que la monnaie n’est qu’un voile. Marx comprend que c’est faux, que la monnaie joue un rôle essentiel, qu’elle rend possibles les crises.

    Pourtant Marx va montrer qu’il existe une solution de croissance équilibrée dans une économie plurisectorielle et sa démonstration sera admirée par les plus grands économistes du xxe siècle. Dans une économie avec un secteur produisant des biens de production (section 1) et un secteur produisant des biens de consommation (section 2), la croissance équilibrée est possible, l’une achetant à l’autre, pourvu qu’une certaine proportion soit respectée.

    Il montre également qu’une disproportion entre ces sections conduit à la crise de surproduction sectorielle, et comment cette crise se généralise. On pourrait penser que le théoricien de l’exploitation des travailleurs invoquerait une théorie de la crise du fait de la sous-consommation ouvrière (du type de celle que Jean de Sismondi avant lui, et John A. Hobson après lui, ont développée). Ce n’est pas le cas. Marx, en effet, comprend que la demande d’investissement (l’achat de machines) peut être un substitut à la demande de biens de consommation. La tendance à l’accumulation soutient la demande effective.

    Mais il comprend aussi que ce soutien n’est pas sans limite, que la demande d’investissement finira forcément par chuter si la base de consommation est bloquée. Les débouchés sont donc limités non seulement par un problème de proportionnalité (ce que nous venons de voir), mais aussi par le pouvoir de consommation de la société, celui-ci restant entravé, du fait des rapports antagoniques de répartition : 1) par des salaires fixés à un minimum socialement nécessaire et 2) par la tendance des capitalistes à épargner pour accumuler.

    La faiblesse de la consommation imposée par les rapports sociaux capitalistes ne peut expliquer directement les crises, mais elle reste leur fondement et en définitive, « plus les forces productives se développent, plus elles entrent en conflit avec les fondements étroits sur lesquels reposent les rapports de consommation ». Marx retrouve la révolte des forces productives.

    Trop d’inégalités

    On retrouve avec la crise contemporaine cette dimension de crise de réalisation. La vive montée des inégalités a eu comme résultat, et particulièrement aux États-Unis, ou au Royaume-Uni, de réduire fortement le pouvoir d’achat des travailleurs.

    Certes, dans la demande effective, il y eut aussi accroissement des dépenses de luxe des plus riches, mais ceci ne peut compenser cela, la tendance à la croissance de l’épargne l’emportant dans ces catégories sur la dépense de consommation. La demande globale a longtemps été soutenue par le recours aux emprunts. Ce que les revenus réels ne permettaient pas d’acheter, l’ouverture de crédit le rendait possible.

    La crise financière, l’insolvabilité de nombre de ménages surendettés, les restrictions de crédit, la course à la liquidité font qu’aujourd’hui, la mer de l’endettement s’étant retirée, la crise de réalisation due aux inégalités se révèle. Le diagnostic de Marx reste d’actualité : à l’échelle mondiale, les salaires sont trop faibles et l’épargne trop élevée.

    SCIENCES HUMAINES  via http://fortune.fdesouche.com

  • Europe : la tentation fédéraliste

    En dépit de l'échec du dernier sommet européen sur le budget, le mythe de la gouvernance européenne continue d'être présenté comme la panacée contre la crise. Et l'Allemagne, maîtresse du jeu, pousse au fédéralisme.
    Recevant Jean-Marc Ayrault à Berlin, Angela Merkel s'est prononcée en faveur d'une « France forte ». Cette expression, plus sarkozyste qu'hollandienne, est loin de signifier, comme a voulu le croire son homologue, que le chancelier allemand donnait son satisfecit aux positions françaises sur l'Europe. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire ce que, au même moment, Volker Kauder, président du groupe parlementaire et proche d'Angela Merkel, confiait à l'hebdomadaire Der Spiegel sur notre pays : « Ce serait bien si les socialistes engageaient maintenant vraiment des réformes structurelles. Cela ferait du bien au pays et à l'Europe. »
    Les Allemands ne feignent évidemment pas de croire que François Hollande ne fait rien. Non ! ils critiquent son action. Reprenant une idée gaullienne, Volker Kauder précise en effet que « l'Europe ne va pas avancer sans un axe franco-allemand qui fonctionne » ; ce qui signifie clairement pour lui « que le président François Hollande se rapproche du chancelier ». Pas l'inverse !
    Et Angela Merkel l'a clairement signifié, qui n'a de cesse de critiquer les positions affichées par le président de la République, à commencer par sa volonté d'obtenir de Bruxelles une mutualisation de la dette au sein de l'Europe.
    Cette idée, et sa détermination à maintenir, contre ses partenaires, le niveau actuel de la PAC, loin de le différencier des autres politiques européens, soulignent au contraire l'espèce de sauve-qui-peut généralisé qui prévaut aujourd'hui dans l'Union européenne : chacun essaye de sauvegarder pour lui ce qu'il dénonce chez le voisin comme un égoïsme national.
    Berlin a une position sensiblement différente. Elle pointe le manque de compétitivité de certains pays, et l'excès de dettes publiques. Et, pour y remédier, invite ses partenaires à entreprendre les réformes nécessaires, en renforçant en outre l'intégration européenne. Car si tous appellent de leurs vœux une gouvernance économique européenne, l'Allemagne est sans doute un des rares pays encore en mesure de s'y atteler. D'où son leitmotiv sur la discipline budgétaire, que ses partenaires feignent de ne point entendre.
    Parce que, ils le démontrent tous les jours, ils ne sont plus capables, pour la plupart, de contenir les effets catastrophiques de leur dette.
    Parce que, en conséquence, et sans se l'avouer, ils comptent aussi sur Berlin pour compenser leur faiblesse.
    Tutelle allemande
    De ce fait, et paradoxalement puisque ce n'est pas le but recherché, la mutualisation des dettes chère à François Hollande renforcerait la mise sous tutelle allemande de l'Europe, et singulièrement de la France. Car son adoption serait le signe que l'Allemagne est reconnue comme le dernier garant de cette dette. Notamment parce que chacun de ses partenaires demande à Berlin ce qu'il est incapable de faire, ni d'accepter. Mais ce jour-là, rien ni personne ne pourrait plus empêcher l'Allemagne d'imposer cette discipline budgétaire tant redoutée... Ce qui confirmerait la critique renouvelée de certains eurosceptiques, qui considèrent que la monnaie unique, conçue comme un outil idéologique censé, à lui tout seul, construire l'Europe, n'a, de fait, profité qu'à la seule Allemagne.
    Dès lors, Jean-Luc Mélenchon n'a pas tort d'évoquer une arrogance allemande. Mais celle-ci, aujourd'hui, n'est d'abord, pour les Allemands, qu'un moyen de se préserver, autant que faire se peut, de la contagion de la crise actuelle.
    Une crise qui, quoi qu'en disent nos dirigeants, frappe particulièrement notre pays. Au point que divers média allemands n'ont pas hésité à qualifier la France de nouvel « homme malade de l'Europe ». Et que l'hebdomadaire britannique The Economist qualifiait la France, le 17 novembre dernier, de « bombe à retardement au cœur de l'Europe ».
    Cette défiance universelle de tous envers chacun explique, partiellement, le raté du dernier sommet européen sur le budget, qui, après avoir commencé avec plusieurs heures de retard, s'est soldé, au bout de deux petites heures, par un constat d'échec - constat, malgré de nouvelles discussions, réitéré dès le lendemain.
    En cause, bien sûr, certaines « lignes rouges » nationales ; mais aussi l'horizon 2020 jusqu' auquel doit tenir le prochain budget, et qui, à l'heure de la crise, paraît bien lointain. Tout le monde admet qu'il faut faire des économies... mais, évidemment, dans la poche du voisin.
    Ce n'est d'ailleurs pas l'Allemande Angela Merkel qui a cristallisé le refus européen d'un accord, fût-il un compromis, mais le Britannique David Cameron, qui a défendu bec et ongles son rabais, faisant résonner, à plus de trente ans de distance, la formule thatchérienne : « I want my money back ! »(1)
    Herman Van Rompuy y aura pourtant mis toute sa force, manifestement insuffisante, de persuasion. Il ne suffit pas que le « dogme » impose l'Europe aux européens des pays qui la composent, pour que nos dirigeants, d'où qu'ils viennent, oublient qu'ils ne sauraient aller indéfiniment à rebours de leurs opinions publiques. Surtout pour défendre une Europe qui n'est, selon l'expression de François Hollande, qu'un compromis. Tu parles d'un idéal ! Un compromis qui fait d'ailleurs fi, aujourd'hui, des particularismes mis en place par chacun depuis la fin de la guerre. En bref, on en est arrivé au point où les nationalismes n'entrent plus dans le cadre européen...
    Prix Nobel de la paix, l'Europe paraît aujourd'hui incapable de la faire chez elle.
    On a donc suspendu la discussion, pour la remettre au mois de janvier prochain. Rompuy espère que les « replis nationaux » feront alors place à un esprit européen. Et peut-être même à l'Europe fédérale, que l'Allemagne appelle de ses vœux.
    Il faudra, pour y parvenir, supprimer les derniers pans de souveraineté qui restent en chaque État-membre. Et dans l'esprit de leurs habitants.
    Olivier Figueras monde & vie 4 décembre 2012
    1. Rendez-moi mon argent !