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économie et finance - Page 872

  • Le Père Noël et la croissance.

    121225Tout le monde, ces jours-ci a envoyé à tout le monde des vœux de Noël et de Nouvel An. Cette charmante habitude, à peine polluante de nos boîtes aux lettres amène le chroniqueur à surenchérir ce matin.

    Je souhaite donc sincèrement à tous mes lecteurs, mais aussi à tous nos concitoyens et à tous nos cocontribuables une meilleure prospérité, un plus grand bonheur et, pourquoi pas, deux doigts supplémentaires de spiritualité, dans ce monde matérialiste et consommatique.

     

    Certains de ces vœux peuvent prendre une dimension concrète. Je note par exemple que l'Église de Grèce, offre les terres cultivables dont elle dispose à tous les citoyens désireux de créer une entreprise agricole. Évidemment l’Église de France dont pratiquement tous les biens ont été volés en 1905 ne peut pas suivre cet exemple donné à l'occasion du message de Noël de son archevêque primat Mgr Iéronymos.

     

    Et ceci n'empêchera pas que les reliquats religieux demeureront, même le jour de Noël, systématiquement décriés par tous les anticléricaux que compte l'occident. En ce 25 décembre, tenté de pousser la porte d'un marchand de journaux j'y vois une grande affiche de réclame pour la revue "Ça m'intéresse Histoire" qui titre à propos du "Vatican : 1 500 ans de complots et de trahisons". Le mois précédent, c'était : "Les secrets de l'Inquisition". Sous-titre de la revue : "explorer le passé pour comprendre le présent". Dois-je préciser que je ne suis pas entré, que je n'ai rien acheté ?

     

    On peut quand même se féliciter d'avoir appris, le 24 décembre (1)⇓ que 136 parlementaires viennent de s’engager à défendre les chrétiens d’Orient. Je constate hélas que cette excellente initiative, venant de Madame Véronique Besse, députée de la Vendée, et Lionnel Luca, élu des Alpes-Maritimes, n'a guère encore prospéré dans les rangs de la majorité.

     

    La diplomatie française a renoncé à ce qui faisait autrefois sa spécificité, sa noblesse, et aussi, au bout du compte, sa force de rayonnement : la protection des minorités chrétiennes du proche orient. Laïcisme oblige désormais, y compris lorsque la menace vient des pires adversaires de la laïcité : les extrémistes se réclamant de la loi coranique. (2)⇓

     

    Les accapareurs de l'État central parisien, ou plus exactement la classe politique, ne savent se montrer généreux qu'aux frais et au détriment de la société civile. On menace par la voix de Mme Duflot de réquisitionner 44 locaux appartenant à 30 propriétaires privés. Ceci, d'ailleurs ne pourra prendre effet qu'à la fin des frimats quand cela se révélera par conséquent strictement inutile à ceux dont la détresse hivernale sert de prétexte.

     

    Nos souhaits de prospérité pour l'année à venir ne devraient pas s'appliquer seulement à quelques-uns : ils concernent tous les Français, et même soyons modernes, tous les ressortissants de la Zone Euro. La déprime généralisée de notre espace économique, qu'on nous annonce pour 2013 ne risque-t-elle pas en effet de rejaillir sur les performants sous-traitants chinois menacés de s'effondrer si occidentaux cessaient de les faire travailler.

     

    Toutefois un bémol s'impose, et même plusieurs, qui limitent les proclamations officielles si généreuses en matière de solidarité mondiale.

     

    Dans le réel, on peut le révéler : le Père Noël n'existe pas.

     

    Seul compte l'effort de chacun. Plein d'espoir dans le caractère rationnel de ses camarades de l'Hexagone : l'ancien chancelier social-démocrate allemand Gerhard Schrôder vient ainsi de déclarer : "À mon avis, la France va finir par se convaincre qu'on ne peut pas toujours faire de la politique en faisant fi des nécessités économiques". (3)⇓ Curieusement Le Figaro reprenait le jour même l'info en jugeant que "Schröder critique encore la France", à quoi un de ses lecteurs réplique que "M. Schröder ne critique pas La France, mais la politique irresponsable de Hollande et sa clique de bons à rien et mauvais en tout(4)⇓

     

    Ce qu'on appelle en termes macroéconomiques "la croissance", l'élévation de la richesse produite dans chaque pays, cela résulte des initiatives des individus, cela vient des entreprises c'est-à-dire aussi des contrats de travail fondés sur l'échange libre, d'une meilleure allocation de capital et au bout du compte des accroissements de productivité. L'État peut certes jouer aussi un rôle, notamment celui de frein, de prélèvement, de tout ce que Frédéric Bastiat appelle des "dissonances" (5)⇓.

     

    Dans un article récent fort éclairant Charles Gave, s'appuyant notamment sur l'exemple du Canada dans les années 1990 conclut par le schéma suivant : "– Oui, c’est bien la croissance du poids de l’État qui fait ralentir l’économie. – Oui, faire reculer l’État c’est organiser sous les deux années suivantes le retour de la croissance." (6)⇓

     

    Même en France par conséquent, l'État pourrait ainsi faire du bien en rendant le tribut national plus léger (7)⇓.

     

    Il ne saurait en revanche sans un tel effort, détourner sur le territoire qu'il administre les courants d'échanges bienfaisants qui se manifestent dans le reste du monde, encore moins en décréter l'accaparement.

     

    Ce dernier espoir, totalement naïf et illusoire, celui d'une reprise dans l'Hexagone, ou d'ailleurs dans l'Eurozone contaminée par des tares analogues aux nôtres, sans les mesures courageuses de diminution effective des dépenses démagogiques auxquelles s'accroche la classe politique, voilà ce qui explique les mensonges, errements, obstinations à propos des prévisions ministériels pour l'année 2013.

     

    Ces hyperlaïcistes qui affectent l'incroyance, mais croient secrètement à l'horoscope et aux chiromanciennes, ne maintiennent donc qu'un seul culte public : celui du Père Noël.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles :

    1. cf Pierre de Bellerive in "Nouvelles de France"
    2. On gagne sans doute à ne pas utiliser les mêmes mots pour désigner "l'islamisme" radical, voire terroriste, et la religion musulmane, le "laïcisme" et la laïcité. Reste quand même à définir les frontières respectives de ces concepts.
    3. Entretien publié par Burkhard Ewert"Neue Osnabrücker Zeitung" 24 décembre le sous le titre "Schröder : Vergebung ist nicht nur an Weihnachten nötig".
    4. cf ses "Harmonies Sociales", titre posthume donné aux chapitres qui complètent et explicitent ses "Harmonies Économiques".
    5. L'article était en ligne le 24 décembre à 12 h 54. Réaction du lecteur "Voyageur2" le 24 décembre à 17 h 55.
    6. publié dans "Contrepoint" le 23 décembre.
    7. Tel est le but que l'on doit assigner à la "Libération fiscale" dont je me suis permis d'esquisser une doctrine et un programme en fonction d'un étaut fiscal 2012 qui se vera encore aggravé en 2013.
  • Qui restera pour payer les fameux 75 % d’impôts?

    N’ayez plus peur, au 1er juin 2012 ils sont déjà partis !!
    La liste des 44 familles françaises les plus riches exilées en Suisse (avec estimation de leur fortune en euros, selon le mensuel suisse Bilan )

    - Famille Wertheimer (Chanel) : de 3,2 à 4 milliards
    - Famille Castel (vins et spiritueux) : de 3,2 à 4 milliards
    - Famille Primat (Schlumberger) : de 1,6 à 2,5 milliards
    - Benjamin de Rothschild (Groupe Rothschild) : de 1,6 à 2,5 milliards.
    - Famille Peugeot (PSA) : de 1,2 à 1,6 milliard
    - Famille Lescure (Seb, Tefal, Rowenta, Krups, Moulinex, Calor) : de 1,2 à 1,6 milliard
    - Famille Bich (Bic) : de 1,2 à 1,6 milliard
    - Famille Mimran (Compagnie sucrière sénégalaise) : de1,2 à 1,6 milliard
    - Héritiers Louis-Dreyfus (Groupe Louis-Dreyfus, OM) : de 815 millions à 1,2 milliard
    - Claude Berda (fondateur d’AB Prod) : de 815 millions à 1,2 milliard
    - Paul-Georges Despature (Damart) : de 815 millions à 1,2 milliard
    - Famille Murray : de 815 millions à 1,2 milliard
    - Nicolas Puech (Hermès) : de 815 millions à 1,2 milliard
    - Familles Defforey et Fournier (Carrefour) : de 650 à 730 millions
    - Famille Zorbibe (Lancel) : de 400 à 490 millions
    - Roger Zannier (Z, Kenzo, Kookaï, Oxbow, Chipie) : de 400 à 490 millions
    - Famille Lejeune (Seita) : de 325 à 400 millions
    - Philippe Jabre (Jabre Capital Partners) : de 325 à 400 millions
    - Famille Harari : de 325 à 400 millions
    - Famille Taittinger (champagne) : de 325 à 400 millions
    - Alexandra Pereyre de Nonancourt (champagne Laurent-Perrier) : de 245 à 325 millions
    - Denis Dumont (Grand Frais) : de 245 à 325 millions
    - Michel Lacoste (Lacoste) : de 245 à 325 millions
    - Georges Cohen (Groupe Sogeti) : de 245 à 325 millions
    - Nicole Bru-Magniez (laboratoires UPSA) : de 165 à 245 millions
    - Michel Reybier (Cochonou, Aoste, Justin Bridou) : de 165 à 245 millions
    - Alain Duménil (Acanthe Développement) : de 165 à 245 millions
    - Serge Kampf (Capgemini) : de 165 à 245 millions
    - Bruno Moineville (Réseaux câblés de France) : de 165 à 245 millions
    - Antoine Zacharias (Vinci) : de 165 à 245 millions
    - Hugues de Montfalcon de Flaxieu (Maxiris) : de 165 à 245 millions
    - Christian Picart (Buffalo Grill) : de 165 à 245 millions
    - Jean Pigozzi (Simca) : de 165 à 245 millions
    - Michèle Bleustein-Blanchet (Publicis) : de 165 à 245 millions
    - Thierry Roussel (?) : de 165 à 245 millions
    - Daniel Hechter (Hechter) : de 80 à 165 millions
    - Philippe Hersant (groupe Hersant Média) : de 80 à 165 millions
    - Paul Dubrule (Accor) : de 80 à 165 millions
    - Jean Louis David (Coiffure) : de 80 à 165 millions
    - Maurice et David Giraud (Pierre & Vacances) : de 80 à 165 millions
    - Eric Guerlain (Christian Dior) : de 80 à 165 millions
    - Famille Ducros (Ducros) : de 80 à 165 millions
    - Jérôme DeWitt (horlogerie) : de 80 à 165 millions
    - Dominique Frémont (Mauboussin) : de 80 à 165 millions …

    Les Sportifs

    Jean Alesi, réside en Suisse
    Marion Bartoli, réside en Suisse
    Julien Benneteau, réside en Suisse
    Arnaud Boetsch, réside en Suisse
    Arnaud Clement, réside en Suisse
    Nicolas Escudé, réside en Suisse
    Guy Forget, réside en Suisse
    Richard Gasquet, réside en Suisse
    Jean-Claude Killy, réside en Suisse
    Henri Leconte, réside en Suisse
    Sébastien Loeb, réside en Suisse
    Paul-Henri Mathieu, réside en Suisse
    Gaël Monfils, réside en Suisse
    Christophe Moreau, réside en Suisse
    Amélie Mauresmo, réside à Genêve en Suisse
    Stéphane Peterhansel, réside en Suisse
    Cédric Pioline, réside en Suisse
    Alain Prost, réside en Suisse
    Fabrice Santoro, réside en Suisse
    Florent Serra, réside en Suisse
    Gilles Simon, réside en Suisse
    Jo-Wilfried Tsonga, réside en Suisse
    Vincent Rives, réside en Irlande
    Jean-Philippe Gatien , réside au Delaware aux Etats Unis

    Artistes : Chanteurs

    Charles Aznavour, réside en Suisse
    David Hallyday, réside en Suisse
    Johnny Hallyday, réside en Suisse
    Patricia Kaas, réside en Suisse
    Florent Pagny, réside en Patagonie (Argentine)
    Michel Polnareff, réside aux Etats-Unis
    Marie Laforêt, résidente et citoyenne suisse

    Acteurs

    Daniel Auteuil, réside en Belgique
    Emmanuelle Béart réside en Belgique
    Laetitia Casta, réside au Royaume-Uni
    José Garcia, réside en Belgique
    David Habibi, réside au Canada
    Alain Delon, résident et citoyen Suisse

    Auteurs

    Christian Jacq, réside en Suisse
    Marc Levy, réside au Royaume-Uni
    Michel Houellebecq, réside en Espagne (en Irlande auparavant)

    Patrons & actionnaires

    Jacques Badin (Carrefour) réside à Bruxelles en Belgique
    Thomas Bata (marque de chaussures Bata) réside en Suisse
    famille Baud (dont Jean Baud), (marques Franprix et Leader Price, 2 à 3 milliards de CHF), résident en Suisse
    Lotfi Belhassine, président d’Air Liberté, réside en Belgique. Il a fui la France car l’ISF représentait 93% de ses revenus
    Claude Berda, AB Groupe, réside à Cologny en Suisse
    Des membres de la famille Bich (Groupe Bic) résident en Suisse
    Michêle Bleustein Blanchet, une des héritiêres de Publicis, réside à Cologny en Suisse
    Corinne Bouygues, réside à Genêve en Suisse
    Pierre Castel, PDG du groupe Castel Frêres propriétaire des eaux Cristalline, Vichy Célestins et Saint-Yorre, réside prês du Lac Léman en Suisse
    Des membres de la famille Mulliez (propriétaire de Auchan, Décathlon, Mondial Moquette, Norauto et Kiabi), résident en Belgique
    Georges Cohen, informatique et armement, réside en Suisse
    Bernard Darty, fondateur de Darty, réside en Belgique
    Jean-Louis David, fondateur des salons de coiffure éponyme, réside en Suisse
    Des membres de la famille Defforey, à l’origine de la société Carrefour, résident en Belgique
    Des membres de la famille Despature (dont Paul-Georges Despature), propriétaire des marques Damart et Somfy, résident en Suisse et en Belgique.
    Paul Dubrulle, co-créateur du Groupe Accor et ancien sénateur-maire de Fontainebleau, réside à cologny en Suisse
    Des membres de la famille Ducros résident à Cologny en Suisse
    Pierre-François Grimaldi (iBazar), réside en Belgique
    Eric Guerlain réside en Grande-Bretagne
    Daniel Hechter, créateur réside en Suisse
    Philippe Hersant, groupe Hersant réside en Belgique
    Philippe Jaffré, ancien président d’Elf
    Robert Louis-Dreyfus réside à Zurich en Suisse.
    Des membres de la famille Mimram (dontJean-Claude Mimram), résident à Gstaad en Suisse.
    Des membres de la famille Nonancourt, propriétaire des champagnes Laurent-Perrier, résident en Suisse.
    Denis Payre, fondateur de Business Objects, réside en Belgique ou il a démarré une nouvelle société, Kiala, qui a embauché 100 personnes
    Des membres de la famille Peugeot (entre 5 et 6 milliards de CHF), résident en Suisse.
    Jean Pigozzi, héritier des voitures Simca, réside en Suisse.
    Michel Reybier, ancien PDG de Justin Bridou, réside en Suisse
    Jacques Tajan, ancien premier commissaire-priseur de France, réside en Belgique
    Des membres de la famille Wertheimer, héritiers de Chanel, résident à Cologny en Suisse
    Antoine Zacharias, ancien PDG de Vinci, réside à Genêve en Suisse
    Roger Zannier, à la tête de Kookaï ou Absorba, réside à Cologny en Suisse
    Alain Ducasse, cuisinier, a troqué sa nationalité française pour rejoindre Monaco

    http://fr.altermedia.info

  • Pierre Jovanovic : “Nous avons pris le chemin de la Grèce”

    Pierre Jovanovic, de retour de reportage en Grèce (décembre 2012), partage avec Media-Investigation cette expérience qu’il compare avec la situation française.

     

    Il considère cette nation, que l’on détruit, comme un laboratoire pour le reste de l’Europe en tirant des conclusions dépassant le seul destin européen puisqu’elle sera, d’après lui, intégrée dans quelques années aux États-Unis avec une monnaie commune.

    Tout ceci va se terminer dans une guerre civile” s’exclame-t-il tout en proposant quelques conseils pour se prémunir.

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Ce que sont vraiment les agences de notation

    Les agences de notation occupent le devant de la scène médiatique depuis quelque temps et hantent les nuits des chefs de gouvernement. Il importe de savoir de qui il s'agit. Tel est l'objet des lignes qui vont suivre
    UNE HISTOIRE DÉJÀ ANCIENNE
    Disposer d'informations concernant la solvabilité d'un emprunteur constitue l'une des conditions principales de toute activité de prêt. Les établissements de crédit ont toujours cherché à connaître la capacité de remboursement d'un futur débiteur avant de lui accorder un crédit. Avec la révolution industrielle et le développement des affaires qui en résulta, la demande d'information s'accrut et suscita la création de sociétés renseignant les agents économiques sur la solidité des entreprises et des emprunteurs.
    Peu avant 1830, la banque britannique Barings, soucieuse de mieux connaître ses clients américains, sous-traita à Thomas Ward, commerçant de Boston, la charge de classer plusieurs milliers de sociétés nord-américaines en fonction de leur fiabilité financière. En France, le célèbre Vidocq créa en 1833 un « Bureau des renseignements universels pour le commerce et l'industrie » chargé de séparer les bons et les mauvais débiteurs. D'autres initiatives suivirent : en juillet 1841, Lewis Tappan constitua la Mercantile Agency, devenue la Dun Company en 1859, qui vendait les données qu'il avait réunies sur la qualité financière de milliers d'entreprises. Elle fusionna ensuite avec l'agence de John Bradstreet créée en 1849 pour constituer la RG Dun and Bradstreet en 1933 qui actuellement fournit des bases de données sur plus de 150 millions de sociétés.
    Mais parallèlement à ces activités de "crédit reporting" (évaluation des crédits), se sont développées des sociétés compilant des données économiques, financières et statistiques. En 1868, aux États-Unis, Henry Poor, profitant du développement des chemins de fer, lance une publication annuelle de statistiques qui fait vite référence. Il sera suivi vers 1900 par John Moody qui publiera ses propres manuels de notation avec les premières notations financières, les "ratings", c'est-à-dire en français "évaluations" : c'est l'innovation majeure. À la suite de la crise financière de 1907, il était apparu qu'il devenait nécessaire de classer le plus clairement possible les différentes dettes. Moody sera suivi par Poor en 1916 puis par deux autres agences : Standard statistics en 1922 et Fitch (fondée par John Knowles Fitch le 24 décembre 1913 à New York) en 1924. Poor et Standard fusionneront en 1941.
    UN OLIGOPOLE
    Depuis les années 1940, le "métier" de notation est resté entre les mains de l'oligopole des trois agences Moody's (Moody's Investors Service), Standard and Poor's (S&P), Fitch. En dépit de diverses tentatives, aucune autre agence n'est parvenue à s'imposer, dans la mesure où elles ont été rachetées, dès leurs premiers succès, par le trio précité : en 2008, ces trois agences représentaient 94 % du chiffre d'affaire mondial de l'activité de notation. Quant aux 6 % restants, il s'agit de petites agences spécialisées dans des secteurs bien particuliers ou d'agences étrangères, comme Dagong en Chine mais avec lesquelles les trois grandes agences ont multiplié les accords de partenariat.
    À l'exception de Fitch, propriété de la holding française Fimalac présidée par Marc Ladreit de Lacharrière, S&P et Moody's sont des sociétés états-uniennes.
    En 2008, Moddy's employait 3 400 salariés dans 27 États ; S&P, 6 300 salariés dans 23 États ; Fitch, en plein développement depuis vingt ans, plus de 2 300 salariés. Moody's note, outre les États, 140 000 entités dont 5 500 sociétés et 30 000 emprunteurs publics ; S&P 280 000 entités ; Fitch 155 000.
    À l'origine, les revenus des agences provenaient de la vente de leurs publications. Mais, depuis les années 1970, leur financement proviendra de la rémunération des services de notation rendus à ceux qui demandent à être notés. La raison est double : de plus en plus d'investisseurs pirataient les données fournies par les agences ; mais, depuis la faillite de la compagnie ferroviaire Penn Central en 1970, de plus en plus d'émetteurs de dette demandèrent à être notés afin de rassurer les prêteurs. Ce système, conjointement à la forte croissance des États émergents, du développement des "produits" financiers lié à la financiarisation de l'économie, a permis aux agences d'accroître substantiellement leurs revenus mais a fragilisé leur fiabilité. Cette situation crée des conflits d'intérêts qui ont conduit les autorités fédérales états-uniennes à intervenir.
    Jusqu'en 1975, le domaine de la notation n'avait jamais été réglementé. Mais cette année là, le "gendarme" des Bourses américaines, la SEC (Securities and Exchange Commission), instaura le statut NSRO (Nationally Recognized Statistical Rating organizations) afin de limiter le nombre d'agences de notation. De fait, seules les trois grandes agences l'obtinrent (en 2006, le secteur fut déréglementé, permettant à six petites agences d'obtenir le NSRO). Avec les crises spéculatives successives des années 2000 (« Bulle internet », crise des "subprime"), de nouvelles réglementations ont vu le jour. Nous les aborderons ultérieurement.
    COMMENT FONCTIONNENT-ELLES ?
    La base de la notation est celle de l'évaluation de la probabilité de défaut des entités notées ou, en sens contraire, une espérance de recouvrement des dettes qui leur sont accordées. Qu'est-ce à dire ? La probabilité de défaut s'apprécie relativement au retard ou à l'absence de paiement des intérêts d'une dette ou de son capital, en fonction des modifications du contrat d'emprunt conduisant à diminuer la qualité de celui-ci. Les données macro-économiques, les informations propres à l'émetteur d'un emprunt entrent en ligne de compte. Depuis 2005, les ratings de Fitch ne mesurent qu'une probabilité de défaut. On distingue aussi entre « risque de liquidité » qui dépend de la capacité de lever des fonds à court terme, et le « risque de solvabilité » qui se rapporte au degré de capacité de remboursement d'une dette. Mais, bien souvent, la crise de liquidité se transforme vite en crise de solvabilité.
    Pour établir leurs notes, les agences collectent de l'information auprès de l'émetteur et s'entretiennent avec sa direction. L'analyste chargé du dossier présente celui-ci à un comité, qui prend une décision dont l'émetteur peut faire appel. La décision finale revêt la forme d'un communiqué de presse.
    Les agences établissent trois catégories de notes : la « note d'émetteur » qui mesure la qualité globale d'un emprunteur ; la « note d'émission » propre à chaque titre obligataire émis sur le marché ; la « note de recouvrement » qui se rapporte au risque de non-recouvrement associé à chaque titre.
    Progressivement, les agences de notation ont uniformisé leurs échelles de notation d'un secteur à l'autre. La grande césure existant entre la qualité des titres ou entités notés, celle qui constitue un seuil psychologique pour les investisseurs, repose sur la distinction entre « investment grade » et « spéculative grade », c'est-à-dire entre les valeurs sûres et les valeurs ayant une grande probabilité de défaut. (1)
    Chaque rating se voit associer une perspective de notation, laissant présager, soit une stabilité, soit une élévation, soit un abaissement ; citons la « perspective évolutive », liée à un événement précis, la « mise sous surveillance » relative à une forte probabilité de changement.
    Quant aux États, leur note est déterminée sur quelques variables tels le PBB par habitant, le taux d'inflation, le précédent d'un défaut souverain intervenu au cours des dernières 25 années, le ratio dette étrangère / exportations, degré de développement.
    Des écarts de notes existent entre les agences, selon les pondérations de risques utilisées. Ainsi, les notes de Moody's sont souvent plus stables que celles de Fitch et S&P.
    LES NOTATIONS D'ETATS
    Mais pourquoi ces agences, travaillant originellement avec le secteur privé, en sont-elles venues à s'occuper des États ? Lors de la Grande Guerre, il apparut que la situation financière des États entrait en ligne de compte. Le Nyse (New York Stock Exchange), c'est-à-dire Wall Street, finança les belligérants, principalement la France et la Grande-Bretagne qui émettaient des titres d'emprunt outre-Atlantique, créant un marché de la « dette souveraine », à savoir la dette des États. Dès lors, il était nécessaire d'évaluer le risque souverain de ces États, d'autant plus que les années 1920 furent caractérisées par le développement incontrôlé de l'endettement, notamment celui des Etats. Le sommet des émissions d'emprunts d'Etat sera atteint en 1929-1930. La « Grande dépression », le vote du « Johnson Debt Default Act » de 1934 qui interdit la vente de titres obligataires émis par des gouvernements en faillite vis-à-vis de sociétés financières états-uniennes, mirent à mal le marché obligataire souverain new-yorkais, avant que les tensions internationales de la fin des années 1930 ne l'éteignent quasiment pour plusieurs décennies. Jusqu'aux années 1970, les notations des États disparurent donc quasiment.
    En effet, outre le conflit 1939-1945 qui vit les États maîtriser leur financement, les années d'après-guerre virent le redressement économique se faire à travers des prêts d'ordre public. Le FMI et la Banque mondiale, nés avec les accords de Bretton Woods, financèrent le développement des États en cours d'industrialisation, évitant de recourir aux prêts privés et aux marchés. En Europe, le Plan Marshall, des prêts bilatéraux firent que, là non plus, le recours aux marchés ne fut pas nécessaire. À cela il faut ajouter le frein que constitua l'IET (Inter-est Equalization Tax), taxe instaurée en 1963 aux États-Unis par Kennedy pour réduire le déficit de la balance des paiements états-unienne en frappant à 15 % les intérêts perçus par les financiers américains sur les emprunts accordés aux étrangers.
    Mais tout allait changer au cours des années 1970. Différentes lois, comme la loi Giscard-Pompidou de 1973, allaient interdire aux États de se refinancer eux-mêmes, les obligeant à se financer par l'emprunt privé. L'IET était abrogée en 1974. Il devenait à nouveau utile de noter les États emprunteurs, pourtant encore peu nombreux à l'époque. Toutefois, la "manie" de notation allait faire florès lorsqu'en 1986, Moody's décida de noter même les États qui n'avaient pas d'emprunts en dollars,
    telle la RFA. Tout se passait comme s'il fallait soumettre au contrôle tous les États. Puis vint le « Plan Brady », mis en place en 1989 par le secrétaire au Trésor américain Nicholas Brady afin de restructurer la dette du Mexique, en défaut depuis 1982, en émettant des obligations souveraines. D'autres suivirent ensuite, multipliant les titres obligataires souverains et développant ainsi le marché correspondant. Autant de nouvelles occasions de noter les dettes souveraines.
    Comme, semble-t-il, aucun État de la planète ne doit échapper au bulletin de notes, un accord fut passé en 2002 entre le Département d'État d'une part et Fitch et S&P d'autre part afin de noter les États d'Afrique noire qui ne l'étaient pas encore. En 2011, entre 110 et 120 États, selon les agences, sont notés.
    POURQUOI UNE TELLE PUISSANCE ?
    Il est clair que le rôle des agences de notation a cru en lien direct avec le développement de la finance sous toutes ses formes, tant avec les « produits structurés », nés de la libéralisation financière des années 1980 tels ceux relevant de la titrisation, qu'avec les emprunts de toutes sortes des acteurs privés et, bien sûr, des États, de plus en plus drogués à l'emprunt privé. Mais cela ne suffit pas à expliquer l'importance croissante de ces agences.
    Déjà, dans les années 1930, l'État américain avait instauré des réglementations intégrant les notations des agences pour déterminer officiellement la qualité des titres d'emprunt.
    C'est surtout à partir des années 1970 que les organes de contrôle américains, telle la SEC, vont multiplier les réglementations fondées sur les notations, imités par les États d'Europe, d'Asie et d'Amérique latine. Désormais, les emprunteurs devront être préalablement notés.
    Mais le renforcement du rôle des agences de notation vient des accords internationaux dits de Bâle II (nous en sommes à Bâle III) signés en 2004 sous l'égide de la BRI (Banque des Règlements Internationaux, sorte de « banque des banques centrales »). Ces accords visent à imposer des règles assurant la bonne gestion des banques, notamment en exigeant un minimum de fonds propres, (le « ratio Cooke », relevé, au grand dam des banques privées lors des récents accords de Bâle III en 2010, à 9 % de fonds propres), le calcul s'effectuant par une pondération fondée sur les notes fournies par les agences. La raison invoquée est l'amélioration de la transparence et de la sécurité des marchés.
    Le rôle des agences devient donc central avec toutefois une objection sérieuse : il leur est accordé une confiance totale alors qu'elles ne sont elles-mêmes soumises à aucun contrôle. Et cette confiance en quelque sorte légalisée fait que de plus en plus, les acteurs économiques se dispensent eux-mêmes de réfléchir sur leurs interlocuteurs, perdant ainsi leur libre arbitre, ce qui est à l'origine de bien des erreurs.
    Dès lors, il n'est pas surprenant que lorsque survient une crise - issue de la fragilisation inévitable d'un système par nature instable car fondé sur le jeu et la spéculation - les agences de notation deviennent des sortes déjuges suprêmes, d'oracles à la bouche desquels le monde de l'endettement, banques, entreprises et États, est suspendu ! Car la dégradation d'une note signifie des emprunts plus difficiles et plus onéreux : la spirale de la crise est enclenchée, sinon accélérée !
    LES FAILLES DES AGENCES DE NOTATION
    Le système des agences est donc loin d'être parfait. Pour rester dans une période récente, leurs errements sont patents lorsque l'on considère les surévaluations des notations durant l'euphorie boursière des années 1990.
    Entre 1997 et 2000, plus de 90 % des notes attribuées étaient positives et incitaient à l'achat. Jusqu'au premier trimestre 2000 les agences de notation ont affiché des notes positives, optimistes et rassurantes sur la santé des entreprises. Les agences n'ont pas vu venir la crise asiatique de 1997. Elles ont aggravé les difficultés d'États comme le Brésil en 1999 et l'Argentine en 2001 en modifiant de manière injustifiée et abrupte leurs ratings. De même, elles n'avaient pas anticipé la faillite d'Enron en 2001, de Worldcom en 2002, de l'Italien Parmalat en 2003 etc.. Elles n'avaient pas prévu le krach des "dot.com." à la suite d'une bulle dite « bulle internet ». Ce n'est qu'en juin 2002, alors que les indices boursiers avaient déjà baissé de 40 % en deux ans, qu'elles ont commencé à prendre conscience du danger que constituait l'endettement inconsidéré du secteur informatique. Ce n'est qu'à l'été 2002 qu'elles révisèrent à la baisse et en catastrophe leurs notes des entreprises cotées sur les grandes places boursières.
Il en est de même pour la crise des "subprime" de 2007-2008. De nombreux produits structurés bénéficiaient de notations élevées avant que leur valeur ne chute en bourse et que les agences ne baissent massivement et en urgence leurs évaluations. Des conflits d'intérêts ont été stigmatisés dans la mesure où les analystes, c'est-à-dire ceux qui évaluent les entreprises, sont aussi ceux qui négocient les contrats de notation. De plus, il y a toujours le risque de les voir jouer involontairement le rôle officieux de consultants.
La difficulté à évaluer la complexité des opérations et des produits structurés entre en ligne de compte mais n'est qu'un argument de défaut. La qualité, l'intégrité du processus de notation n'ont pas été irréprochables, renforcés par un manque de compétence, de pertinence et de moyens humains conjugués à un aveuglement certain.
    En outre, de nombreux émetteurs de dette se sont employés à se faire noter par l'agence qui semblait la mieux à même de leur donner une note satisfaisante, voire en sollicitant une note chez une deuxième ou troisième agence si la première notation ne leur convenait pas. Il se produit une inflation de notations et une certaine concurrence entre les agences qui a fait préconiser à certains commentateurs de mettre fin à cette concurrence ! Un comble dans un monde où l'on ne jure que par celle-ci ! Ce n'est pas tout : les banques et autres institutions financières émettrices de titres de dette ont aussi pu constituer leurs "produits" en fonction de critères considérés comme valorisant par les agences de notation, influençant celles-ci à leur corps défendant.
    Compte tenu de tous ces défauts, la SEC a établi une réglementation contraignante visant à éviter tout conflit d'intérêt entre l'agence de notation et le noté afin de ne pas affecter l'objectivité de la note, demandant entre autres de rendre publiques les méthodes de notation, le système de rémunération, les revenus des analystes.
    Mais il y a plus : les agences jugent selon des critères nécessairement subjectifs, non exempt des modes et des croyances économiques du moment, telle actuellement la vulgate néo-libérale. Et, jamais, elles ne remettront en cause un système qui les fait vivre et dont elles sont partie-prenante.
    LES AGENCES DE NOTATION, MIROIR DU MONDIALISME
    Ainsi, les réglementations publiques destinées à encadrer le système de notation ne feront qu'en ralentir la dérive, ou bien en modifier la forme. De même que les financiers ont toujours une longueur d'avance sur les autorités de régulation, aucune réglementation n'empêchera les erreurs de jugement, l'apparition de nouveaux dysfonctionnements dans la méthodologie, dans les relations entre agences et clients.
    Mais là n'est pas le problème fondamental. Les agences de notation peuvent être aveugles dans certaines situations, elles peuvent accentuer des cycles économiques en nourrissant l'euphorie ou la déprime, elles peuvent favoriser la mondialisation en encourageant les fusions-acquisitions d'entreprise dans la mesure où elles considèrent que la stabilité d'une société est fonction de sa taille (« to big to fail » c'est-à-dire : « trop gros pour chuter ») : mais elles ne font, globalement, que constater la santé ou la maladie des débiteurs. Elles ne sont pas la cause des crises.
    Le mal réside dans la financiarisation de l'économie et le fait que l'économie réelle n'est plus que le "sous-jacent" général d'un monde économique dominé par ce qu'on appelle « l'industrie bancaire » et qui asservit l'économie productive à sa course folle vers toujours plus de rentabilité et de profits. Rappelons que les échanges financiers relatifs à l'économie réelle, c'est-à-dire productive, ne concernent que 3 % des flux financiers mondiaux. Le mal réside en ce que les États ont abandonné, pour une large part, volontairement, leur souveraineté monétaire et financière et, par suite, leur indépendance politique.
    Actuellement, les États d'Europe, à commencer par la France, tremblent à l'idée de perdre leur « triple A », comme si leur sort dépendait d'un décret divin, le divin étant pour l'occasion les dieux de la finance dont le verbe, serait les agences de notation.
    Or le véritable problème réside dans leur capacité à retrouver leur souveraineté monétaire, à reconstituer une industrie détruite par la mondialisation néolibérale, à recouvrer leur richesse première, c'est-à-dire à assurer le renouvellement de leurs générations par natalité endogène et ainsi, à retrouver le chemin d'une puissance évanouie au fil des ans depuis le milieu du XXe siècle. Les crises à venir d'un système contre-nature fourniront des occasions qu'il faudra savoir ne pas manquer.
    André Gandillon rivarol du 23 décembre 2011 au 5 janvier 2012
    (1) Dans l'échelle des notations qui vont du AAA (valeurs les plus sûres) au D (défaut de paiement), en passant par BBB, BB+ (catégorie spéculative), C (risque de défaut de paiement réel), cette limite spéculative se situe entre BB- et BB+. Les notations AAA, AA. A. BBB, BB, B, CCC.CC, C, D correspondent à l'échelle de Fitch et S&P. Chez Moody's, les catégories sont Aaa, A, Baa, Ba, Caa, Ca, C (défaut), chaque catégorie connaissant plusieurs subdivision.

  • Arrêtons de banquer : la Grèce, la France, l’Allemagne, l’Europe n’ont pas besoin de l’euro !

    Un  drame du laxisme, un drame de l’immigration, un drame de la  récidive : sorti de prison en septembre dernier  après 6 ans d’incarcération,  Abdallah Boumezaar a reconnu être l’auteur des coups de feu qui ont tué à Collobrières (Var) à la suite d’un «banal» cambriolage,  deux gendarmes, Alicia Champlon, une adjudante de 29 ans, et Audrey Berthaut, maréchal des logis-chef de 35 ans, mère de deux filles de 5 et 13 ans. Laxisme et  récidive sont  aussi des mots qui viennent à l’esprit au vu de la dramatique situation vécue par la Grèce et qui plombe plus largement l’ensemble de la zone euro…avec la complicité des crânes d’œufs bruxellois. Selon les médias, il resterait dans les caisses d’Athènes que deux milliards d’euros, de quoi tenir jusqu’au 20 juillet, pour payer factures, fonctionnaires et pensions de retraites…

    Confrontés aux solutions prônées par  l’extrême gauche anti bruxelloise du parti Syriza  d’Alexis Tsipras, les Grecs ont voté le 17 juin, mais sans lui  donner la majorité absolue,  pour le parti de droite pro euro  Nouvelle démocratie (ND) de Antonis Samaras. ND l’a emporté avec 29,66% des voix, s’adjugeant 129 sièges sur 300 au parlement (plus les cinquante sièges de  bonus pour le parti arrivant en tête selon la constitution)  suivi par le Syriza, (26,89 % et 71 sièges), les socialistes  du Pasok (12,28% et 33 sièges) ; le très décrié parti  l ‘Aube dorée, Chryssi Avghi,   confirme sa percée enregistrée précédemment  avec 18 députés.

    Alors que la situation financière  de l’Espagne se dégrade de manière très problématique et  pose également de manière criante  l’hypothèse d’une implosion de la zone euro, le vote grec de dimanche n’a pas  créé une vague d’enthousiasme « des marchés. »

    C’est dans ce climat que ND, parti qui quand il était au pouvoir a largement contribué au marasme actuel,  tente actuellement  de former un nouveau  gouvernement de « salut national », avec l’appui du socialiste  Evangelos Vénizélos.

    En marge du sommet du G20, à Los Cabos, au Mexique rapporte l’AFP, les présidents de l’UE, Herman Van Rompuy, et de la Commission  européenne, José Manuel Barroso,  ont déclaré en commun que les instances bruxelloises « (continueront)  à soutenir la Grèce en tant que membre de la famille de l’UE et de la zone euro ». Derrière la formule convenue, on sent poindre la méthode Coué…

    Journaliste économique au Figaro, Guillaume Guichard  rappelait dernièrement que «seul un dixième environ des 125 milliards d’euros prêtés à la Grèce depuis mai 2010 ont fini dans les caisses de l’État. Le reste a servi à rembourser dans les temps une partie de la dette colossale du pays, », «  au paiement des intérêts sur la dette, au remboursement des échéances et au renforcement des banques grecques au bord de l’effondrement. »

    Dans les faits  les médecins-vampires de l’euromondialisme veillent au grain :  « comme la Banque centrale européenne (BCE) a racheté, en 2010, entre 47 et 55 milliards d’euros de dette grecque pour ralentir la progression de la crise, c’est à elle que revient, au final, la majeure partie de l’aide. Ainsi, 88% des remboursements d’emprunts que doit effectuer la Grèce d’ici fin 2012 concernent des titres détenus par la BCE. La troïka (Banque centrale européenne, Commission européenne et FMI) se paie essentiellement elle-même en octroyant l’aide à la Grèce, en concluent les économistes d’une grande banque américaine… ».

    Mais le dogme intangible du maintien de l’euro est remis chaque jour davantage en cause, et notamment encore dernièrement par Thilo Sarrazin. Ce socialiste alors membre du SPD,  avait déjà fait sensation en 2010 avec son pamphlet, LAllemagne court à sa perte (« Deutschland schäft sich ab »), un immense succès de librairie dénonçant l’immigration-invasion qui lui avait coûté son poste  au directoire de la Bundesbank.

    Cette fois avec « L’Europe n’a pas besoin de l’euro » (paru le 22 mai), de nouveau en tête des ventes Outre-Rhin,   le tollé des bien-pensants est aussi grand.  Il est certain que la remise en cause de  religion de la monnaie unique est la transgression d’un tabou quasiment aussi fort que le  refus du multiculturalisme obligatoire, les deux voguant d’ailleurs  souvent  de conserve…  

    Dans une (longue)  tribune libre publiée sur le site Nouvelles de France et reprise sur Polemia,  Philippe Simonnot s’interrogeait : « Que dit donc de tellement sot ou méprisable l’ancien banquier d’obédience socialiste ? Qu’Angela Merkel a tort de dire que  si l’euro échoue, l’Europe échoue . Thilo Sarrazin nous donne pourtant un message de raison et d’espoir en ne liant pas le sort du Vieux Monde à une monnaie condamnée. »

    « Quoi encore ? Que les pays qui violent continuellement le pacte de stabilité doivent quitter la zone euro. Logique ! Si l’on ne respecte pas les règles d’un club, ne doit-on pas le quitter ? »

    « Encore ceci : Thilo Sarrazin s’insurge contre les eurobonds (la création d’euro-obligations  appelés encore « eurobonds »,  qui remplaceraient les bons du Trésor émis par chaque Etat, NDLR) prônés par la France, mais aussi par une grande partie de l’opposition allemande de gauche et écologiste. Et il accuse cette dernière d’être motivée par ce réflexe  très allemand  de penser que  l’on aura définitivement expié l’Holocauste et la Guerre Mondiale quand nous aurons mis toutes nos affaires, et aussi notre argent, entre des mains européennes. Là, il est allé trop loin pour la bonne pensée des deux côtés du Rhin ou des Alpes. Halte-là ! »

    Et l’auteur de l’article de relever que « déjà, en 1969, Franz Joseph Strauss (décédé en 1988, il fut président du parti conservateur Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU), ministre-président de la Bavière, ministre fédéral des finances, NDLR)  avait déclaré : un peuple qui a engrangé de tels succès économiques a le droit de ne plus rien entendre à propos d’Auschwitz ».

    Sans rentrer dans ce débat là, saluons chez Thilo Sarrazin une exigence  d’honnêteté,  de cohérence pas si courante.  Et la classe politicienne eurolâtre et antinationale ferait bien pareillement  de méditer sur ce souhait formulé déjà par Cicéron en  55 avant Jésus-Christ,  douze  ans avant son assassinat,  et déjà cité par Bruno Gollnisch dans l’hémicycle du parlement européen :

    « Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée, et l’aide aux pays étrangers doit être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l’aide publique. » Tout est dit !

    http://www.gollnisch.com

  • Une économie de proximité, réplique à une mondialisation vouée à l'échec ?

    Le mode de développement actuel recherche l’amélioration du bien-être par l’augmentation des quantités produites, l’élargissement de marchés solvables, l’accroissement des échanges et des transports. L’extension sans limite des échanges marchands et monétaires entraîne l’augmentation de la consommation de biens non durables, l’énergie pétrolière au premier chef, et cela sans considération des effets négatifs provoqués dans le domaine social ou celui de l’environnement. C’est ce processus que l’on désigne aujourd’hui sous le vocable de mondialisation.
    La mondialisation repose sur les transports. Sans transports, pas de mondialisation. Or la mondialisation, comme on va le voir, s’engage dans une voie sans issue. Comment s’en sortir ? L’économie de proximité est-elle susceptible de fournir une réponse ? Voyons d’abord quelques chiffres.

    – I – La mondialisation dans l’impasse

    • A. Un modèle de croissance à caractère explosif
    – La méthode mise au point par le Suisse Mathis Wackermagel voici quelques années a l’avantage de permettre des comparaisons internationales, grâce à un étalon commun. La consommation de ressources par les hommes (chauffage, carburant, eau ou denrées alimentaires) n’est pas exprimée en kilos, litres ou kilowatts comme il est de tradition mais en mètres carrés : la surface nécessaire pour produire des ressources. La planète nous fournit une surface biologique productive (terres et espaces marins) de 1,9 ha par habitant. Or depuis les années 70, notre empreinte écologique, à savoir la pression que nous exerçons en consommant des ressources et en produisant des déchets, est aujourd’hui de 2,9 ha en moyenne. En d’autres termes, nous vivons sur les réserves de la planète que nous sommes en train d’épuiser.

    – Une autre façon d’illustrer ce problème consiste à évaluer, pour chaque pays, ce que la planète peut globalement offrir en termes de ressources non renouvelables. La moyenne mondiale est aujourd’hui d’environ 1,35 planète. En Chine, la moyenne est de 0,9 planète (0,3 au Bangladesh). Mais aux Etats-Unis, la consommation de ressources atteint 6 planètes ! Nous vivons manifestement au-dessus de nos moyens.

    – C’est à dessein que j’ai cité la Chine et les Etats-Unis. Car en 2050, selon les Nations unies, la population de la Chine et de l’Inde atteindra 3 milliards, le tiers de la population mondiale. Or depuis les années 80 la Chine se développe à un train d’enfer, 8 à 10 % l’an, et l’Inde n’est pas loin derrière, avec des taux de croissance 6 à 8 % l’an. A ce rythme-là, la consommation de ressources du monde pourrait atteindre, voire dépasser 6 à 10 planètes, une perspective clairement insoutenable.

    • B. Les transports, fondement de la mondialisation, sont clairement les principaux responsables (mais nullement les seuls, bien sûr).
    Sans transports, pas de mondialisation. Depuis le XVIe siècle, le libre-échangisme a encouragé, grâce à des coûts de transport constamment réduits, le développement des échanges commerciaux sur toute la surface de la planète. Au cours des 50 dernières années le commerce international a littéralement explosé. Il a certes été porteur de progrès, mais aussi d’innombrables « désaménités ».
    Les vecteurs techniques des transports sont naturellement les véhicules routiers et les transports aériens, à parts égales. On transporte aujourd’hui par avion non seulement les chevaux de course mais aussi les fraises du Chili. Ce qui est bien commode. Mais il faut savoir :

    1/ qu’à côté des coûts visibles, un coût monétaire, en carburant notamment, il faut tenir compte des coûts invisibles, bien plus importants, en termes de pollution et de consommation de ressources non renouvelables. Ainsi les transports aériens sont extraordinairement bon marché. Mais l’avion produit des émissions de dioxyde d’azote et consomme 30 à 40 fois plus d’oxygène que de kérosène. Sans parler du CO2 de nos chères voitures, de la destruction de la couche d’ozone, etc., etc. Tout cela est malheureusement bien connu ;

    2/ que les ressources fossiles sont en voie d’épuisement : l’on aurait entre 30 et 40 ans de réserves de pétrole ; 100 ans de charbon, mais au prix d’une pollution colossale. L’hydrogène n’est pas au point et nullement adapté aux transports ; pas plus que l’énergie nucléaire. La Chine et l’Inde importent d’ores et déjà autant de pétrole que les Etats-Unis. Elles représentent 20 % d’une demande mondiale de 83 millions de barils/jour et 35 % de la demande supplémentaire de pétrole en 2003. Or, en Inde, la consommation de pétrole par habitant n’est que de 0,7 baril/jour contre 26,6 aux Etats-Unis. Je me répète à dessein : nous sommes clairement engagés dans un modèle de croissance à caractère explosif ;

    3/ que, bien plus, la facture économique de la destruction des écosystèmes devient de plus en plus écrasante. Un récent rapport des Nations unies nous apprend qu’en 2003 les pertes économiques annuelles imputables à la pollution atteignaient 84 milliards de dollars. Pour la seule Chine, il faudrait dépenser 157 milliards de dollars pour lutter contre la pollution. Pour les 5 prochaines années ce pays devrait consacrer 3 % de son PIB pour mener une politique efficace dans ce domaine : il n’en consacrera au mieux que 1,5 %. Or d’ici 30 ans la production d’énergie augmentera de plus de 50 % et les émissions de gaz carbonique à peu près autant.

    La conclusion s’impose d’elle-même : puisque notre modèle de croissance fondé sur la mondialisation va « dans le mur », il faut changer de modèle. L’économie de proximité offre-t-elle une voie de sortie ?

    – II – L’économie de proximité

    Rappelons brièvement quelques notions bien connues.
    De quoi s’agit-il au juste ?
    Depuis le début des années 90, l’approche de proximité s’est affirmée avec force dans la réflexion économique en déclinant ses différentes catégories conceptuelles : proximité géographique, proximité organisationnelle, proximité conceptuelle.
    Elle a trouvé un champ d’application naturel dans le cadre du territoire considéré comme l’espace par excellence de mise en œuvre de localisations, de stratégies de coopération territoriale, de constitution de réseaux circonscrits dans le territoire, d’ancrages territoriaux et de déploiement d’innovation à dimension locale.
    L’économie de proximité s’est ainsi déployée à la confluence de trois préoccupations d’inégale importance :

    – le maintien ou le développement de l’emploi local ;
    – l’économie sociale ou solidaire du tiers secteur ;
    – le développement durable.

    • A. Sur le plan théorique, on soutiendra l’hypothèse qu’un territoire peut être source de développement selon la façon dont il fonctionne et il s’organise. Sous cette optique, l’approche du développement territorial va s’attacher à intégrer la dimension historique – le facteur temps – et la dimension spatiale – l’espace géographique – que la vision classique avait tendance à ignorer superbement ou à négliger. Elle va par ailleurs se préoccuper des caractéristiques territoriales spécifiques qui seraient susceptibles de dynamiser ou, à l’inverse, de contrarier le développement. On perçoit donc que la mise en évidence des facteurs qui peuvent être à l’origine d’un processus de développement ne se ramènent pas à la dotation initiale en facteurs de production mais à la capacité des territoires de s’inscrire dans un processus volontariste de valorisation ou de création de ressources.
    L’identification de ces facteurs spécifiques propres au territoire conduit dès lors à privilégier les dynamiques sociales comme vecteurs d’évolution des territoires, sans oublier de mentionner au passage l’importance des relations hors marché et des institutions.
    C’est donc la qualité des partenariats locaux, les interactions entre agents qui déterminent en premier lieu leur capacité de se concerter et de s’organiser en vue d’accéder à des objectifs de long terme déterminés en commun. Les travaux de Greffe, entre autres, ont ainsi permis de mettre l’accent sur l’importance des expériences d’apprentissage collectif et de coopération dans le cadre du territoire.
    Car c’est précisément l’existence de relations de solidarité, de confiance et de proximité entre les agents qui joue un rôle capital dans le processus de développement, comme le montrent bien d’autres travaux ; on pourrait citer ceux de Coleman et Putman sur le concept de capital social, cependant que les contributions de Bellet, Krisha, Zimmermann, parmi bien d’autres, ont permis de mieux cerner le jeu des dynamiques de proximité dans le développement local.
    Sur le plan opérationnel, cet effort conceptuel se traduira par des politiques visant à octroyer un appui renforcé aux stratégies de développement économique local, à la promotion du commerce interrégional entre entités économiques régionales, à encourager les partenariats économiques et à aider les micro-entreprises innovantes. Ce qui est un des thèmes porteurs du présent colloque.

    • B. Sur le plan de l’emploi, il y a, de mon point de vue, peu de choses à dire. Les emplois Verts de proximité ne vont guère, pour l’instant, au-delà d’occupations sans qualification et axées essentiellement sur des tâches de maintenance et d’entretien. Gestion des déchets, énergie, transport auraient ainsi un fort potentiel de création d’emplois locaux destinés à répondre à des besoins locaux. Mais tout cela ne va pas très loin. Dont acte.

    • C. Reste un troisième volet, guère plus prometteur à mes yeux, celui de l’économie sociale. Face à la montée continue de l’économie précaire, de l’exclusion et des inégalités sociales, l’imagination revient au galop et nous invite à dépasser la société salariale traditionnelle pour modifier les modes de distribution des biens et des services. Il s’agit donc de mettre en place, entre le marché et le secteur public, une économie solidaire relevant d’une logique économique fondamentalement différente ou, si l’on préfère, alternative. On évoquera ainsi pêle-mêle la mise en place d’un commerce équitable, d’une consommation responsable, de finances solidaires, de monnaies plurielles et, pourquoi pas, d’économie citoyenne, le tout enrobé dans l’invocation rituelle du non marchand, du non monétaire et la fabrication de biens relationnels comme le propose le sociologue Roger Sue. Ne manquent à l’appel ici que l’élevage des chèvres en Ariège et la fabrication de fromages bio. Tout cela ne dépasse guère la bonne vieille rhétorique écologique post-soixante-huitarde améliorée et mise au goût du jour.

    Que faut-il en penser ?

    – On peut parfois se demander si ce concept de proximité ne sert pas de gadget ou de mot valise où l’on s’efforce de loger tout et n’importe quoi. Cette notion est mise à toutes les sauces et à tous les usages : on parlera ainsi de banque de proximité, de commerce de proximité, de tourisme de proximité et Dieu sait quoi encore. Je ne peux m’empêcher de penser ici à Roger Nifle qui parle d’une économie de l’immatériel, ou résiduelle, laquelle vise à redonner aux territoires la possibilité d’un nouvel avenir par la mise en œuvre d’un patrimoine culturellement significatif autour d’une vocation originale. Comment ne pas évoquer ici le baron de Crac qui voulait s’envoler dans les airs en tirant sur ses lacets de chaussures ?

    – Mais au-delà de ce flou artistique conceptuel qui commence d’ailleurs à être déploré ici et là, une lacune autrement plus grave serait l’absence totale de référence à la dimension démographique dans les problématiques du territoire. On parle d’abondance de dynamiques, de redynamiser des projets territoriaux, d’entreprises territoriales innovantes, etc., etc. Tout cela est bel et bon. Mais comment faire redémarrer autrement que sur le papier un territoire, un pays, une région où il ne reste que des vieillards ? Au mieux, on ne pourrait faire mieux que les y enterrer.

    Ce foisonnement d’idées relève parfois de l’utopie créatrice comme on en a connu à toutes les époques. Mais s’il donne parfois l’impression de désordre ou de confusion, ce fourmillement intellectuel aura eu un mérite qui n’est pas mince : c’est de préparer le terrain à l’élargissement de la notion de territoire et de ce qui s’y rattache aux dimensions de la planète terre.
    Dès lors, est-on autorisé, comme le fait Serge Latouche, à dénoncer la raison économique, une rationalité économique mortifère, le délire de l’efficacité, jeter allégrement aux orties l’optimisation de Pareto, pour se réfugier commodément dans un obscurantisme digne du Moyen Age de la pensée économique ?

    C’est exactement l’inverse que je me propose de faire en faisant appel à une rationalité économique supérieure, un surplus de rationalité, pour parodier Bergson. Prôner la décroissance, comme veulent le faire aujourd’hui certains écologistes et naguère le Club de Rome avec les « zégistes » et le bon M. Mansholt, est une démarche stérile. Elle comporte un risque évident : celui de déboucher sur un néo-malthusianisme. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Il ne faut pas moins de croissance mais plus de croissance, d’une autre nature, en renouant ici avec les analyses néo-shumpeteriennes en termes d’innovation de Rosenberg et de Frichtak. Ma critique de la mondialisation tient essentiellement à ce qu’elle va dans le mur. Il faut donc trouver autre chose. Ce n’est pas avec de bonnes idées utopiques que l’on sauvera la planète mais avec de bons calculs. Et voici peut-être comment on pourrait s’y prendre.

    – III – Pour une nouvelle économie de la proximité

    Il s’agit de rendre la croissance dans le monde compatible avec les ressources disponibles de la planète qui sont en voie rapide d’épuisement. Ce n’est pas une mince affaire. Or il y a urgence : si aujourd’hui nous consommons un peu moins d’une planète et demie, dans 30 ans, avec l’Inde et la Chine proches du niveau de vie américain d’aujourd’hui, nous avons toutes les chances de consommer de 6 à 10 planètes. En d’autres termes, nous serons cuits et nos descendants aussi. Pour éviter cela, il est impératif de réduire les coûts de transport à un niveau compatible avec une sage gestion des ressources de la planète.
    Certes, cela ne sera pas suffisant. Il faudra aller au-delà et consentir à une modification des modes de production et de consommation, une inflexion plus marquée de la croissance démographique. Autrement dit, pas moins de croissance, mais une autre croissance. Au fond, ce dont il est question ici est tendre vers une nouvelle version de l’équilibre walrasien, au sens où l’entend Léon Dupriez, c’est-à-dire une situation tendancielle d’équilibre entre les forces naturelles qui s’exercent sur l’économie.
    Il n’est donc pas question de supprimer les coûts de transport mais de les minimiser, de les apprivoiser, de les rendre compatibles avec le développement d’une nouvelle économie fondée précisément sur la proximité. Il faut donc pour cela établir une nouvelle grille de lecture des coûts de production, des coûts de transport, des prix au consommateur qui fasse ressortir clairement les conditions de l’échange et de la concurrence. Il importe de mettre en place une véritable économie de substitution fondée sur la proximité dont le lointain ancêtre pourrait être recherché dans le structuralisme de Raoul Prebisch et Celso Furtado. Qu’ils reposent en paix : une idée ne naît jamais de père inconnu.

    On pourrait utilement s’inspirer dans cette démarche de la remarquable intervention d’Ismaël Serageldin à notre dernier colloque d’Alexandrie pour le calcul des Green Accounts, les comptes Verts. Vous vous souviendrez que l’épargne Verte, les Green Savings, était calculée, au niveau d’un pays ou d’une région, en déduisant du PIB, non seulement les consommations publiques et privées et les amortissements, mais aussi la consommation de ressources non reproductibles et la dégradation de l’environnement pour parvenir à l’épargne réelle, les Genuine Savings.

    Ici notre propos serait de réintégrer les coûts invisibles dans le calcul des coûts de transport pour arriver à une nouvelle notion que l’on pourrait appeler : les coûts réels ou les coûts écologiques de transport, qu’il serait ainsi possible de mettre en parallèle avec les coûts de proximité.
    Il deviendrait ainsi possible de reconstruire de fond en comble notre système de comptabilité. Au niveau de l’entreprise, celle-ci devrait prendre en compte pour le calcul du prix de revient les coûts écologiques de transport (additionnés des coûts invisibles). La comptabilisation des flux commerciaux et des échanges internationaux devrait faire l’objet d’un redressement identique. On devrait pouvoir ainsi faire apparaître au niveau du consommateur, à côté des prix marchands, ceux qui apparaissent sur le marché, que l’on connaît, des prix écologiques réels, incluant les coûts invisibles de transport. Le consommateur serait ainsi à même de savoir ce que coûte réellement un yogourt aux fraises produit à 4 500 km de son lieu de consommation ou le kilo de cerises cueilli au Chili et consommé à Londres. Cette comparaison ferait clairement apparaître l’avantage comparatif éclatant de la production de proximité, celle qui fait l’économie des frais invisibles de transport.

    Voilà ce que pourrait être le véritable enjeu de cette démarche destinée à établir des coûts Verts et des prix Verts tenant compte des coûts invisibles de transport. L’établissement d’une comptabilité de ce type aurait naturellement pour résultat de faire voler en éclats le système de prix relatif en usage sur nos marchés. Mais il aurait également pour conséquence de mettre en évidence les avantages comparatifs d’une nouvelle économie de proximité qui aurait pour objectif de rapprocher le producteur du consommateur pour faire l’économie des coûts invisibles de transport.
    Mais il faudra aller au-delà. Au niveau international, il faudra, en tenant compte de ce nouveau système de prix, envisager une réorganisation des courants d’échanges internationaux autour de quatre ou cinq régions ou pôles de proximité où les échanges commerciaux seraient ordonnés sur la base de coûts de transport analogues ou proches. Même si cela n’empêcherait nullement Shanghai de crouler sous la pollution et le barrage des Trois-Gorges de ravager la vallée du Yang Tsé Kiang, cela permettrait peut-être au textile européen de ne pas être écrasé sous l’avalanche des T-shirts chinois.
    En second lieu, il conviendrait de procéder au redécoupage de l’aire de compétence de l’OMC sur une base décentralisée correspondant à ces quatre ou cinq pôles de proximité. Une refonte de la doctrine du FMI et de la Banque mondiale enfin, excessivement axée sur le libre-échangisme et la promotion de l’exportation à tout prix devrait aussi être recherchée afin de réorienter l’action de ces deux institutions en faveur d’une nouvelle économie de la proximité fondée sur la doctrine des échanges écologiques à coûts de transport faibles ou réduits.

    Réintroduire là où il le faut et quand il le faut des barrières tarifaires pour prévenir le dumping écologique. Il faut faire rentrer dans la bouteille le Génie de la mondialisation qui risque de dévorer sa propre créature. Ce ne sera pas une mince affaire. Mais elle est clairement incontournable. Autant s’y attaquer dès maintenant

    Yves-Marie Laulan
    Président
    Institut de Géopolitique des Populations
    <http://www.laulan.org/economieproximitemondialisation.htm>
    Communication pour le colloque de Turin (Mai 2005)

    Polémia
    21/04/06

  • La folie des grandeurs des “euro-mandarins”

    On défilait hier dans l’Europe entière contre l’austérité, à l’appel de syndicats bien souvent complices  de l’idéologie l’euromondialiste . Celle là même qui broie littéralement actuellement la Grèce. Un peuple grec qui certes, n’est pas totalement pour rien dans ses malheurs en donnant les clés de sa destinée aux politiciens qu‘ils ont jusqu’alors constamment réélu. Mais ce constat s’applique aussi à notre pays et à bien d’autres au sein de l’Union européenne…Une austérité que les nababs de l’hyper-classe bruxelloise réservent aux autres, mais certainement pas à eux!

     Les projets architecturaux pharaoniques, -souvent propres aux Etats totalitaires soit dit en passant…- des institutions européennes en sont une nouvelle illustration, dans une course au gigantisme budgétivore particulièrement indécent.

    Du passé faisons table rase : pour l’édification du futur siège du Conseil européen et Centre de presse international, nos grands architectes ne vont pas hésiter à massacrer Le Résidence Palace, un joyau de l’Art déco. Tout en prenant bien soin de conserver la piscine existante pour leur propre confort. D’ores et déjà le devis initial a été dépassé de 40%. Pourquoi se gêner, ce sont les contribuables européens qui payent !

    Un constat clairement exposé dans l’article paru à ce sujet sur le site mailonline le 5 novembre et dans le Irish Daily Mail. Son auteur relève justement que « Les euro-mandarins veulent non seulement de l’argent pour leurs augmentations de salaire, leurs retraites mirobolantes, financés par le contribuable, et  pour l’éducation d’élite de leurs enfants, mais aussi pour leurs nouveaux projets (architecturaux) impériaux.»

    « Une frénésie de construction » qui est comparée ici  avec le goût du faste d’un « Louis XIV à Versailles », lequel à sa décharge,  était tout de même d’une toute autre envergure, sur le plan esthétique comme politique,  que les velléités  architecturales et les ambitions des  petits marquis qui président actuellement au fonctionnement des institutions de l’UE.

    Cet article cite pour décrire cette frénésie, « un ancien mandarin européen de premier plan, Derk-Jan Eppink. M. Eppink, un Néerlandais , est maintenant un membre du Parlement européen, mais avant cela, il a travaillé pendant sept ans comme haut fonctionnaire à la Commission européenne

    M. Eppink évoque cette fièvre ultra-dépensière dans une vidéo qu’il a posté sur YouTube (http://www.buildingsagency.be/realisatieberichten_fr.cfm?key=146). Ainsi il rapporte que 240 millions d’euros ont été dépensés afin que président de l’UE Herman Van Rompuy dispose « d’ un nouveau bureau pour accueillir les réunions du Conseil européen ». Un bâtiment boursouflé de « vanité », en forme d’œuf, vitré (photo), actuellement en cours de construction « juste à côté du siège du Conseil déjà vaste et moderne.»

    Mais ce n’est pas tout. M Eppink relève que «la construction la plus grotesque est en cours  à Francfort. Il s’agit de la construction de la Banque centrale européenne, la BCE.. (Son coût) a été estimé à 800 Millions d’euros ». Un budget lui aussi allégrement dépassé puisqu’il est maintenant de 1,2 Milliard d’euros ( !!!) et il reste encore deux ans de travaux. »

    Une BCE qui préche « l’austérité en Grèce, en Espagne, au Portugal , en Italie, en Irlande» et qui, pour elle-même,  jette l’argent par les fenêtres  (…). Le siège de la BCE reflète le pompeux, le goût  du  prestige et du pouvoir, comme l’aime les dirigeants européens»,  poursuit le parlementaire néerlandais.

    Et d’évoquer encore le projet de construction d’un « immeuble de prestige, la Maison de l’histoire européenne » pour un budget prévu d’environ 60 millions d’euros. Mais il ya un problème. Sous la fondation coule une rivière souterraine. Maintenant, les fondations doivent être renforcées, sinon, le bâtiment s’effondrerait». Selon un architecte, cette opération « doublerait le coût de construction qui s’élèverait finalement à plus de 120 Millions d’euros»!

    Une entité bruxelloise constate M. Eppink, comme avant lui Bruno Gollnisch qui l’a dénoncé dés ses premiers pas de parlementaire européen, totalement dominée par « l’hubris ». Cette démesure dans laquelle les Grecs anciens voyaient un des plus grands dangers pour l’individu comme pour la société.

    Oui, mille fois oui, il est vraiment temps de mettre au rencart cette Europe là, insulte vivante non seulement aux Européens frappés par la crise, mais au vrai génie de notre civilisation.

    http://www.gollnisch.com

  • Ce que Marx négligeait

    Quand Marx eut recueilli le peu qu’il était capable de comprendre du système de Hegel et de sa méthode d’analyse, il crut avoir fait la plus grande trouvaille de sa vie.
    Hegel avait fait de cette méthode un moyen de pénétrer plus avant dans le domaine des idées. Marx, fils de rabbin, ne pouvait en faire que le moyen de pénétrer plus avant dans le domaine matériel, une méthode d’analyse de l’économie et, peut-être, de l’histoire. Le manque d’imagination et d’esprit créateur contraignait Marx à demeurer dans le domaine de l’immédiat et lui interdisait toute incursion dans le domaine du raisonnement proprement dit.
    Voulant analyser avec une méthode qui n’était pas sienne le développement du capitalisme, il ne pouvait encore en analyser que la forme la plus immédiate, c’est-à-dire la forme anglaise, la seule qui fût alors accessible.
    C’est de cela qu’aucun marxiste ne s’est avisé, en exceptant Sorel qu’on peut à peine appeler marxiste.
    Enfin, voulant analyser, au moyen de cette même méthode, le développement de l’histoire, il ne le fit encore que comme le pouvait un homme de sa race, sans imagination. Ne pouvant admettre qu’il pût exister à un acte un mobile désintéressé, niant tout sursaut idéaliste ou religieux, il devait ne faire que ramener le développement de l’histoire à une série de luttes d’intérêts. Il franchit enfin le dernier pas. Considérant que tout n’est que lutte d’intérêts, il était prêt à admettre que les intérêts individuels se groupent pour aider au développement de l’histoire. Il appela classe ce groupement d’intérêts.
    Le but de Marx, en ce faisant, était de définir les lois fondamentales du devenir humain et, par leur examen scientifique, d’en définir, pour l’avenir, les constantes d’évolution.
    Or, après un examen que ses disciples considèrent comme minutieux de l’histoire et des doctrines économiques, il affirma que le facteur essentiel, sinon unique, de l’évolution humaine, est l’opposition constante des intérêts économiques.
    Si l’on veut schématiser au maximum son point de vue, l’humanité, hiérarchie de classes économiques, oscille éternellement entre un communisme pur et la dictature d’une minorité, allant en se rétrécissant, de riches sur les pauvres. C’est ainsi que, du communisme dans la misère de la tribu primitive, on est passé progressivement à l’appropriation des ‘‘moyens de production’’ par le chef de la tribu, puis à la redistribution des biens dans la cité, puis à une nouvelle prolétarisation et ainsi de suite.
    À travers de multiples convulsions, la société humaine parvient à un stade de développement où le pouvoir est à nouveau sur le point de changer de mains à une redistribution des biens est devenue inévitable. Nous allons tendre à nouveau vers une société communiste et il est nécessaire d’aider à cet ‘‘accouchement’’ pour hâter le progrès humain. Je veux comprimer encore plus son point de vue : La société humaine étant en perpétuel devenir, son évolution suit à peu près cette courbe : Une société communiste puis, partant de là, une différenciation de plus en plus poussée par appropriation des ‘‘moyens de production’’ entre groupes et classes : La domination progressive des classes riches sur les classes pauvres. Par contre, l’importance des classes riches en nombre est d’autant plus réduite que leur richesse s’accroît par, la centralisation. Il arrive, par suite, que la classe la plus pauvre représente à quelque moment un tel surnombre que l’équilibre est bientôt rompu. On retourne à une société où les biens sont redistribués. Ainsi règne une sorte de communisme, puis, tout recommence. Il s’agit, en somme, de quelque gigantesque sablier social se retournant dès que le haut, - à peu près vide d’hommes -, est plein de richesses.
    Comme, de plus, la minorité dirigeante doit, de plus en plus, pour ses propres besoins, faire appel à un grand nombre d’auxiliaires puisés dans les classes inférieures, elle constitue elle-même les cadres qui la renversent et le personnel qui la remplacera. Ainsi le cycle se trouve être complet.
    Il est certain que si l’homme n’est qu’un sac à besoins, une abstraction économique, le système est apparemment cohérent, et il est de plus terriblement séduisant. Qu’il est donc facile avec cela de se conduire, non seulement dans la politique mais encore dans tous les domaines de la vie. On analyse ‘‘le rapport des forces entre classes’’, pour employer la terminologie marxiste, puis, quel que soit le domaine en cause, on peut décréter que telle attitude est ou non progressive et que telle catégorie sociale l’est également ou non.
    On pourrait dire encore que ces culbutes successives du sablier social sont apparemment bien observées et que les causes qu’en donne Marx sont exactes. C’est ce qui fait d’ailleurs qu’un premier examen superficiel fait autant de victimes et tant d’adhérents au marxisme.
    Pourtant, si l’on reprend à la base même, l’étude du système, si l’on adopte aussi pour ce faire un point de vue matérialiste, si l’on utilise la méthode dialectique de Hegel, on peut arriver, et l’on arrive en effet, à des conclusions radicalement différentes. De plus, on explique dans ce cas, au passage, toute sorte de phénomènes historiques et sociaux que Marx et ses disciples ont laissés inexpliqués ou dans l’ombre. On constate enfin que ce ne sont pas vraiment des classes qui se sont succédé au pouvoir dans le cours de l’histoire, mais bien des races.
    Les différenciations sociales n’ont été que la conséquence de différences raciales et ce n’est que comme telles qu’elles ont pu paraître influencer le déroulement de l’histoire.
    La chute d’une minorité au pouvoir n’a été que le résultat de son affaiblissement racial et non la suite de la centralisation trop grande de la richesse en peu de mains.
    Gobineau a eu le mérite de mettre le premier en lumière, par une analyse matérialiste de l’histoire, le rôle des luttes raciales, au cours du développement de l’humanité. Cependant, son examen plus poétique que scientifique, en même temps qu’il fait état de faits soigneusement contrôlés, fait une place trop grande à l’intuition. Il paraît, dans ce cas, dépassé par l’ampleur du sujet et le manque de moyens scientifiques de son époque. Le mythe de l’aryen pur n’est qu’un mythe, puisque, dès l’époque préhistorique, on trouve trace de mélanges raciaux, et de tous les types intermédiaires d’une race à l’autre.
    Parler de race pure au sens primitif du mot serait donc un véritable non-sens. Houston Steward Chamberlain s’en est parfaitement rendu compte et, établissant qu’il n’existe pas de race pure au sens mythique du mot, il abandonna la conception gobinienne pour une notion déjà beaucoup plus scientifique : Il peut y avoir stabilisation et, dans ce cas, création véritable d’une ‘‘race’’ qui sera, par la suite, tenue pour pure. C’est là la race qu’on trouve chez le cheval, le chien, et chez beaucoup d’animaux sélectionnés. On peut naturellement arriver au même résultat pour la race humaine. Le produit trouvé le plus favorable et véritablement supérieur devant être sélectionné, puis stabilisé. Cela, naturellement, fit frémir les esprits religieux, chrétiens et autres.
    Sorel, dans ‘‘Les matériaux d’une théorie du prolétariat’’ a paru, à quelque moment, deviner le problème mais ne l’a pas résolu. Après l’avoir frôlé, il s’en détourne puis n’en parle plus. Il souligna à de certains moments le caractère ‘‘anglais’’ du capitalisme analysé par Marx, il insiste sur le fait que chaque pays a connu une forme qui lui est propre du capitalisme, puis du socialisme. Il pouvait alors pousser plus loin l’étude et constater que les différences notables qu’il découvrait avaient une cause précise. Chaque pays a un socialisme qui lui est particulier non par suite de différence ‘‘nationale’’ ou géographique mais bien ethnique. Il n’est pas allé jusque-là et l’illusion nationale anti-scientifique l’a sans doute égaré. Elle égara plus encore beaucoup de ses disciples, notamment Mussolini et Lagardelle. C’est celle qui trompa péguy, tant influencé par Sorel.
    Enfin, on peut ajouter que ce fut l’erreur du nazisme allemand et d’Hitler en particulier d’avoir fait aussi un racisme national au lieu de regrouper les quatre grandes races fondamentales de l’Europe sur une base nouvelle. Au moment où l’allemagne passagèrement victorieuse pouvait disposer de l’Europe, l’application de la discrimination raciale sur une base rigoureuse eût permis la création immédiate d’un équilibre, d’une série d’États racialement unis à travers le continent.
    Sans doute l’entité germanique aurait alors disparu en tant que telle mais tous les problèmes qui divisent à l’heure présente le continent n’auraient sans doute pas la même acuité. Ils eussent été résolus en grande partie et de la manière la plus scientifique qui fût. Le problème si ardu des minorités lui-même ne se poserait pas de la même façon car il eût été apaisé par l’établissement d’un ‘‘droit nouveau’’. La hantise de l’’’allemagne’’ eût disparu ou se fût atténuée car elle ne serait plus apparue comme devant ou voulant dominer l’Europe. Enfin, elle eût éveillé une meilleure conscience des impératifs de défense en face des deux impérialismes rivaux, celui de l’Est et celui de l’Ouest. La vie du ‘‘troisième bloc’’ était là.
    Le racisme allemand, pour n’avoir pas voulu se surmonter lui-même et se plier aux lois les plus naturelles des enseignements bio-raciaux, s’est trouvé vaincu. ainsi, de gobineau à Hitler, l’analyse historique en tenant compte des lois ethniques, n’a jamais été menée jusqu’au bout et de manière totalement scientifique. Personne n’en a tiré les conséquences utiles dans les domaines politiques et militaires.
    Mais, revenons à notre point de départ : Nous avons remarqué que Marx n’a jamais tenu compte des données bio-raciales et que, s’il en a tenu compte, ce ne fut qu’en raison du racisme hébreu.
    C’est pourquoi, dans l’application du système marxiste, ceux qui paraissaient le plus complètement l’accepter, s’en retournaient peu à peu quand ce ne fût qu’involontairement. Utilisant les bases du système qu’ils acceptaient, ils devaient bien vite s’opposer à Marx. Ils étaient amenés à faire intervenir des facteurs que ni Marx ni ceux qui lui étaient apparentés ne soupçonnaient.
    Dès le départ, le socialisme allemand s’opposa à Marx, puis le socialisme russe avec bakounine, enfin le socialisme ‘‘jurassien’’ puis l’espagnol, se dressèrent contre des méthodes qui leur paraissaient étrangères et qui étaient celles de l’Internationale. Pour finir, on peut, avec quelque raison, admettre que le léninisme est assez éloigné du marxisme initial pour représenter une forme sociale particulière. Mais ‘‘la gauche ouvrière’’ elle-même devait se dresser contre l’état-major marxiste de la révolution d’octobre. Telles sont les manifestations les plus visibles de l’opposition fondamentale du socialisme que nous pourrions appeler ‘‘européen’’ face au ‘‘socialisme’’ levantin de Marx.
    En étudiant l’homme non seulement comme valeur économique mais comme unité biologique, nous restons sur le terrain du fait concret, scientifiquement contrôlé et nous élargissons considérablement l’horizon de la recherche. Ainsi, on ne néglige naturellement aucune des données économiques qui appartiennent au développement biologique de l’homme et y contribuent, mais on commence de faire intervenir, en examinant le procès de son développement, les qualités intellectuelles et morales qui sont fournies par son origine ethnique et son hérédité.
    Le développement historique cesse d’être le résultat d’une lutte pour ses seuls besoins économiques, pour devenir le résultat de la lutte pour ces derniers et pour ses revendications morales intellectuelles et autres.
    Nous ne pouvons pas, pour nous, sous-estimer, dans l’analyse d’un fait historique donné, l’intervention d’un facteur moral ou religieux comme facteur secondaire et parfois comme facteur principal.
    Prenons l’exemple de la conquête des colonies, nous y verrons sans doute l’intervention d’un facteur économique comme mobile principal mais nous n’entendrons pas nier que les croisades, premières des entreprises coloniales par exemple, n’aient eu d’abord pour origine une réaction morale ou religieuse. Nous n’en sommes plus comme les marxistes à opposer des ‘‘causes réelles’’ et des ‘‘prétextes’’. Nous établissons au contraire, dans chaque cas, un rapport des causes principales et des causes secondaires, les causes morales pouvant, au contraire de ce que considèrent les marxistes, être déterminantes dans une action militaire ou politique.
    Enfin la lutte de classes elle-même cessera à nos yeux d’être seulement cela pour devenir un combat de sélection de deux groupes biologiques rivaux et de valeurs différentes.
    Nous avons parlé ailleurs de la révolte de Spartacus et de notre façon de la comprendre. Nous ne parlerons donc ici que de la révolution russe prise comme une manifestation de la lutte des races.
    Nous essaierons ainsi d’attaquer les marxistes sur leur propre terrain : Ils ont peint leur révolution russe comme une conséquence de la lutte des classes en Russie. Or, après que trente années sont passées depuis la révolution d’octobre, beaucoup de marxistes sont en peine d’expliquer comment le marxisme a pu conduire à une constitution nationaliste et impérialiste, au stalinisme pour tout dire, par le canal de la lutte de classes.
    Si les marxistes purs se perdent dans des subtilités dialectiques, les staliniens du moins ne se fatiguent pas à le démontrer.
    Staline a raison : Le génial Staline et c’est tout. Évitez seulement de le combattre et de le contredire. Admettez ou n’admettez pas l’infaillibilité de Staline, cela importe peu, eux l’ont admise et cela suffit largement.
    Les marxistes, au contraire, qui suivent ou tentent de suivre les directives d’un Trotzky ou de marxistes encore plus ‘‘purs’’, et qui, comme Spinoza, ne veulent ‘‘ni rire ni pleurer mais comprendre’’, ceux-là se torturent le cerveau mais n’expliquent ni ne comprennent rien.
    Ils ont trouvé un ‘‘Deus ex Machina’’ qui s’appelle ‘‘la bureaucratie’’ mais, selon eux, la bureaucratie n’est pas une classe. pourtant, comme depuis trente ans, elle se renouvelle ailleurs que dans le prolétariat ; Qu’elle établit ses privilèges qui deviennent pratiquement héréditaires, ils ne savent plus où donner de la tête. Les voilà devant un groupe social qui a tous les caractères d’une classe et qu’ils ne veulent pas considérer comme telle parce que le ‘‘système’’ ne la définit ni ne prévoit son avènement au pouvoir. Pauvres marxistes purs, pauvres trotzkystes réduits, au fond de leur impasse, à un onanisme politique, épuisant et stérile.
    Or, la révolution russe est à nos yeux une lutte raciale comme les autres. Le malheur des torturés du marxisme est de vouloir en faire autre chose que ce qu’elle est. Ils n’en font finalement qu’un phénomène isolé, se développant à un moment exceptionnel de l’histoire russe.
    Il faut, au contraire, comme nous le faisons nous-mêmes, la replacer dans le cadre de l’histoire des invasions qui, peu à peu, ont recouvert le territoire qu’on appelle aujourd’hui l’U R S S, encore que, dans les débuts de la révolution, il ne puisse être tenu compte que de la Russie d’Europe.
    Il n’entre pas dans nos intentions de détailler ce développements historique encore que, pour beaucoup, ce fût utile. Nous affirmons qu’il suffit toutefois de prendre en gros l’histoire des grandes migrations qui recouvrirent l’Europe et la Russie pour mieux comprendre la Révolution d’Octobre.
    Sur les quatre grands groupes raciaux qui, à l’époque historique, occupent l’Europe, ont déferlé une multitude de vagues d’invasions venues de l’Orient asiatique.
    Nous admettrons, sans peine aucune, que la race pure y soit introuvable. Pourtant, ce sont deux races fondamentales qui se sont installées dans la Russie : Les turco-mongols, les finno-ougriens. Que, là-dessus, aient déferlé ensuite tous les peuples, nordiques ou asiates, ne fait rien à la chose.
    Il reste que, dans un pays immense et sans communications, des couches multiples de peuples très différents, se sont superposées sans se mêler, empêchées qu’elles en étaient par le climat, et qu’une masse mongoloïde énorme a, peu à peu, recouvert le tout mais dans des proportions variables.
    Il y a donc, sur tout le territoire de la Russie d’Europe, des taches raciales qui sont peut-être unies depuis longtemps sous un seul pouvoir mais qui n’en sont pas moins différentes et opposées souvent. De même que les Soviets y ont découvert une foule de langues différentes, ils eussent pu y découvrir une multitude de groupes ethniques s’ils avaient voulu admettre ou accepter leur existence et comprendre leurs oppositions.
    La théorie marxiste, une fois de plus, s’opposait à la réalité vivante. Gogol eût compris la révolution russe mieux que les marxistes et que les Occidentaux. La révolution russe n’est que la continuation, de nos jours, de la lutte de Tarass-boulba contre l’Occident.
    ‘‘Le’’ socialisme russe n’existe pas. Les luttes sociales ne sont que des reflets de la lutte millénaire des races qui peuplent la Russie. Nous n’en voudrons pour preuve que ce fait : Chaque région, chaque tache raciale, y a eu ‘‘son’’ socialisme particulier : populisme communisant des peuples jaunes, socialisme anarchisant des Ukrainiens, marxisme des juifs, socialisme démocratique des Nordiques et des Occidentaux. Seule, la dictature brutale de la poignée de marxistes a pu maintenir jusqu’à ce jour une unité apparente, relative, du pays.
    Ce n’est pas sans révoltes d’une part, sans concessions et reculs profonds d’autre part. Depuis la révolte de Kronstadt, jusqu’à la dissolution récente de la République de Crimée qui collabora tout entière avec les allemands en 1942, en passant par les épurations massives en Ukraine et aux constitutions successives, il n’y a qu’une suite infinie de luttes particulières ethniquement caractérisées.
    Qu’on se rappelle encore quelques aveux de Lénine lui-même. Donnant les chiffres d’effectifs du parti en 1917, il reconnaissait qu’il n’y avait que 6.000 révolutionnaires ‘‘professionnels’’ en février. Plus tard, au moment de la NEp, il écrivait : ‘‘Nous disons toujours que nous nous engageons à toute vapeur sur la route du socialisme, mais nous oublions de dire qui est ce ‘‘nous’’. Nous, c’est la petite couche des révolutionnaires professionnels, et nous ne voyons pas que le gouffre est de plus en plus large qui se creuse entre nous et le peuple’’.
    Staline est revenu à une notion plus vivante et a fait corps avec son peuple. La vie a vaincu le marxiste et le marxisme lui-même.
    Staline a fait corps avec la plus large masse du peuple, c’est-à-dire que, se détachant du marxisme pur, il a fait siens les mots d’ordre et les attitudes du nationalisme conquérant de la masse mongoloïde qui l’entoure. Ceux qui n’étaient pas de même origine raciale ont été peu à peu éliminés dans les luttes ‘‘de fractions’’.
    Nous voulions seulement en retrouver le mécanisme réel et voilà qui est fait.
    René Binet Socialisme national contre marxisme

  • Inde : L’autre géant asiatique en devenir

    Si l’Inde a traversé une mauvaise passe en 2012 avec une croissance à 5,5% plus faible que les années précédentes, elle compte bien se reprendre, et très rapidement. Le Premier ministre indien Manmohan Singh a ainsi lancé un “processus de relance” de l’économie.

    C’est vrai, l’Inde vient de traverser une mauvaise passe en 2012. Complexité bureaucratique, hiérarchisation de la société, clientélisme et au final immobilisme du pouvoir… Tous ces maux se sont brutalement retrouvés en première page de nos journaux. Résultat, la croissance indienne devrait tomber à 5,5% cette année, contre 6,5% en 2011, et loin des 8-9% des années précédentes.

    Pourtant les pronostics sur la fin du “miracle” indien étaient prématurés. L’Inde a d’abord été victime de son modèle économique. Fournisseur de services informatiques pour les firmes occidentales, le ralentissement de ses clients a mécaniquement fait plonger les bénéfices. Or 56% du bénéfice indien provient des services.

    En Inde plus qu’ailleurs, c’est l’État qui tient entre ses mains le potentiel de croissance du pays. Or depuis quelques semaines, le gouvernement s’est saisi à nouveau des rennes de l’économie et a décidé de repartir au galop. Objectif : lancer une nouvelle phase de réforme.

    Manmohan Singh I, II, III, IV…

    Comme le rappellent les analystes de Gavekal, peu suspects de verser dans l’interventionnisme étatique, “la politique est cruciale en Inde, car toute les poussées de croissance ont été précédées d’un train de réformes”.

    Si Gavekal cite les réformes entreprises après la crise asiatique de 1997, on peut remonter jusqu’au début des années 1990 pour trouver le premier exemple de ce lien. Après une grave crise de paiement en 1991, l’Inde a décidé de se réformer en profondeur pour poser les jalons du pays libéral et innovant que nous connaissons aujourd’hui.

    Si le politique précède les réformes économiques, on peut même ajouter qu’un homme précède le politique, Manmohan Singh. Déjà à l’oeuvre en 1991 comme ministre des Finances, c’est en tant que Premier ministre qu’il vient de lancer un “processus de relance” de l’économie selon ses propres termes. Trois secteurs sont concernés.

    * La réforme fiscale

    L’État veut retrouver un équilibre budgétaire. Pour se faire, le Premier ministre a annoncé plusieurs changements fiscaux. Les subventions, par exemple au carburant diesel, seront abaissées, et les impôts seront probablement augmentés. Comme le résume le Premier ministre, “nous allons accélérer le processus de désinvestissement, ce qui ranimera également notre marché boursier“.

    * Une plus grande ouverture aux investissements

    La chambre basse indienne a voté en début de mois une loi relevant le plafond du droit de vote des actionnaires. Apparemment anodine, cette loi va pourtant avoir “un impact positif sur le drainage des fonds” pour SMC Global Securities.

    * La libéralisation de l’économie

    C’est peut-être le secteur le plus médiatisé. Les investisseurs avaient poussé des cris d’orfraie en début d’année lorsque le gouvernement n’avait pas réussi à ouvrir le marché de la distribution. C’est désormais chose faite. Dans les mois à venir, d’autres secteurs devraient être libéralisés, comme l’assurance ou l’aviation. L’État devrait également vendre ses participations dans plusieurs secteurs. Ce mois-ci, l’État a vendu 10% des parts du premier producteur de minerai de fer indien, NMDC. Ce type d’opération devrait se multiplier jusqu’en mars.

    Comme l’a annoncé Manmohan Singh, “les mesures que nous avons prises ne sont que le début d’un processus de relance de notre économie qui consiste à ramener le taux de croissance à 8 ou 9%“. Or tout porte à croire que ces mesures seront pérennisées dans le temps, pour deux raisons.

    La croissance, un objectif politique…

    On peut se demander si le Premier ministre indien n’a pas choisi le timing de la réforme en fonction de pures considérations politiques. Car les réformes votées actuellement ne commenceront à produire des effets que l’année prochaine, voire en 2014… l’année des élections nationales. En tout cas, il est clair que la croissance sera au coeur de l’élection, raison de croire à son redressement, au moins jusqu’à cette échéance.

    … menée avec une rigueur d’économiste allemand

    C’est peut-être le tournant le plus important au sein de l’économie indienne. La Banque centrale indienne a refusé d’abaisser ses taux directeurs ce mois-ci, arguant que l’inflation était encore trop haute. A l’heure où d’autres pays émergents, à l’instar du Brésil, ont choisi l’outil de la relance budgétaire pour faire repartir leur économie, l’Inde montre une étonnante rigueur. Cette orthodoxie est le gage d’une croissance de long terme.

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  • Capitalisme libéral et socialisme, les deux faces de Janus

    L'effondrement des régimes marxistes, en Union soviétique et en Europe orientale, et le triomphe du modèle capitaliste occidental sont généralement présentés comme l'issue d'un conflit qui opposait depuis des décennies 2 conceptions du monde fondamentalement antagonistes. Cette vision manichéenne, sur laquelle se fondent les démocraties occidentales pour réaffirmer leur légitimité, mérite néanmoins d'être mise en question. En effet, l'opposition entre les 2 systèmes qui se partageaient le monde sous la direction des États-Unis d'Amérique et de l'Union soviétique était-elle si essentielle, et ne masquait-elle pas d'étranges convergences, voire même d'inavouables connivences ?
    En 1952, dans son Introduction à la métaphysique, Heidegger écrivait : « L'Europe se trouve dans un étau entre la Russie et l'Amérique, qui reviennent métaphysiquement au même quant à leur appartenance au monde et à leur rapport à l'esprit » (1). Si, pour lui, notre époque se caractérisait par un « obscurcissement du monde » marqué par « la fuite des dieux, la destruction de la terre, la grégarisation de l'homme, la prépondérance du médiocre » (2), et si cet obscurcissement du monde provenait de l'Europe elle-même et avait commencé par « l'effondrement de l'idéalisme allemand », ce n'en est pas moins en Amérique et en Russie qu'il avait atteint son paroxysme.
    L'affirmation de Heidegger, qui pose comme équivalentes, au plan de leur rapport à l'être, 2 nations porteuses d'idéologies généralement pensées comme antinomiques peut paraître provocatrice. Elle ne fait pourtant que reconnaître, au plan métaphysique, la parenté certaine qui existe, au plan historique, entre capitalisme et socialisme (dont le marxisme n'est que la forme la plus élaborée et la plus absolue).
    Capitalisme et socialisme sont aussi intimement liés que les 2 faces de Janus. Tous 2 sont issus de la philosophie du XVIIIe siècle, marquée par la trilogie : raison, égalité, progrès, et de la Révolution industrielle du XIXe siècle, caractérisée par le culte de la technique, du productivisme et du profit, et s'ils s'opposent, c'est beaucoup plus sur les méthodes que sur les objectifs.

    Divergences de méthodes
    L'émergence du socialisme moderne tient au fait que non seulement la proclamation de l'égalité des droits par la Révolution de 1789 laissa subsister les inégalités sociales, mais que furent supprimées toutes les institutions communautaires (gérées par l'Église, les corporations, les communes) qui créaient un réseau de solidarité entre les différents ordres de la société, Quant à la Révolution industrielle, si elle marqua un prodigieux essor économique, elle provoqua également une détérioration considérable des conditions de vie des classes populaires, de sorte que ce qui avait été théoriquement gagné sur le plan politique fut perdu sur le plan social, La protestation socialiste tendit alors à démontrer qu'une centralisation et une planification de la production des richesses était tout-à-fait capable de remplacer la libre initiative des entrepreneurs et de parvenir, au plan économique, à l'égalité qui avait été conquise au plan juridique.
    Bien que divergeant sur les méthodes (économie de libre entreprise ou économie dirigée), libéraux et socialistes n'en continuaient pas moins à s'accorder sur la primauté des valeurs économiques, et partageaient la même foi dans le progrès technique, le développement industriel illimité, et l'avènement d'un homme nouveau, libéré du poids des traditions. En fait, tant les libéraux que les socialistes pouvaient se reconnaître dans les idées des Saints-Simoniens, qui ne voyaient dans la politique que la science de la production, et pour lesquels la société nouvelle n'aurait pas besoin d'être gouvernée, mais seulement d'être administrée.

    Négation de l'autonomie
    La même négation de l'autonomie du politique se retrouve ainsi chez les libéraux et les socialites de toute obédience. À l'anti-étatisme des libéraux, qui ne concèdent à l'État qu'un pouvoir de police propre à protéger leurs intérêts économiques, et la mission de créer les infrastructures nécessaires au développement de la libre entreprise, répond, chez les sociaux-démocrates, le rêve d'un État qui aurait abandonné toute prérogative régalienne et dont le rôle essentiel serait celui de dispensateur d'avantages sociaux. On trouve même chez les socialistes proudhoniens un attrait non dissimulé pour un certaine forme d'anarchie. Quant aux marxistes, bien qu'ils préconisent un renforcement du pouvoir étatique dans la phase de dictature du prolétariat, leur objectif final demeure, du moins en théorie, le dépérissement de l'État. Le totalitarisme vers lequel ont en fait évolué les régimes marxistes constitue d'ailleurs aussi, à sa manière, une négation de l'autonomie du politique.
    La pensée de Marx, nourrie de la doctrine des théoriciens de l'économie classique, Adam Smith, Ricardo, Stuart Mill et Jean-Baptiste Say, est toujours restée tributaire de l'idéologie qui domine depuis les débuts de l'ère industrielle (3). Le matérialisme bourgeois, l'économisme vulgaire se retrouvent ainsi dans le socialisme marxiste. Marx rêve en effet d'une société assurant l'abondance de biens matériels et, négligeant les autres facteurs socio-historiques, il voit dans l'économie le seul destin véritable de l'homme et l'unique possibilité de réalisation sociale.
    Mais ce qui crée les liens les plus forts est l'existence d'ennemis communs. Or, depuis l'origine, libéraux et marxistes partagent la même hostilité à l'égard des civilisations traditionnelles fondées sur des valeurs spirituelles, aristocratiques et communautaires.
    Le Manifeste communiste (1848) est à cet égard révélateur. Loin de stigmatiser l'œuvre de la bourgeoisie (c'est-à-dire, au sens marxiste du terme, le grand capital), il fait en quelque sorte l'éloge du rôle éminemment révolutionnaire qu'elle a joué.
        « Partout où elle (la bourgeoisie) est parvenue à dominer — écrit Marx —, elle a détruit toutes les conditions féodales, patriarcales, idylliques. Impitoyable, elle a déchiré les liens multicolores qui attachaient l'homme à son supérieur naturel, pour ne laisser subsister entre l'homme et l'homme que l'intérêt tout nu, le froid “paiement comptant”... Elle a dissous la dignité de la personne dans la valeur d'échange, et aux innombrables franchises garanties et bien acquises, elle a substitué une liberté unique et sans vergogne : le libre-échange » (4).
    Prenant acte de cette destruction des valeurs traditionnelles opérée par la bourgeoisie capitaliste, Marx se félicite que celle-ci ait « dépouillé de leur sainte auréole toutes les activités jusque là vénérables et considérées avec un pieux respect » et qu'elle ait « changé en salariés à ses gages le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, l'homme de science ».
    La haine du monde rural et l'apologie des mégapoles s'expriment également sans détours chez Marx, qui juge positifs les effets démographiques du développement capitaliste.
        « La bourgeoisie — écrit-il — a soumis la campagne à la domination de la ville. Elle a fait surgir d'immenses cités, elle a prodigieusement augmenté la population des villes aux dépens des campagnes, arrachant ainsi une importante partie de la population à l'abrutissement de l'existence campagnarde ».
    Il n'hésite pas non plus à faire l'éloge du colonialisme, se félicitant que « la bourgeoisie, de même qu'elle a subordonné la campagne à la ville (...) a assujetti les pays barbares et demi-barbares aux pays civilisés, les nations paysannes aux nations bourgeoises, l'Orient à l'Occident ». Cette domination sans partage de la fonction économique est magnifiée par Marx, de même que l'instabilité qui en résulte. C'est en effet avec satisfaction qu'il constate que « ce qui distingue l'époque bourgeoise de toutes les précédentes, c'est le bouleversement incessant de la production, l'ébranlement continuel de toutes les institutions sociales, bref la permanence de l'instabilité et du mouvement... Tout ce qui était établi se volatilise, tout ce qui était sacré se trouve profané » (5).

    Le faux débat
    Mais la bourgeoisie capitaliste n'en a pas moins souvent cherché à faire croire qu'elle défendait les valeurs traditionnelles contre les marxistes et autres socialistes, ce qui amène Marx à rappeler, non sans une certaine ironie, que les marxistes ne peuvent être accusés de détruire des valeurs que le capitalisme a déjà détruites ou est en voie de détruire. Vous nous reprochez, dit Marx, de détruire la propriété, la liberté, la culture, le droit, l'individualité, la famille, la patrie, la morale, la religion, comme si les développements du capitalisme ne l'avait pas déjà accompli.
        « Détruire la propriété ? Mais — dit Marx — s'il s'agit de la propriété du petit-bourgeois, du petit paysan, nous n'avons pas à l'abolir, le développement de l'industrie l'a abolie et l'abolit tous les jours. (...) Détruire la liberté, l'individualité ? Mais l'individu qui travaille dans la société bourgeoise n'a ni indépendance, ni personnalité. (...) Détruire la famille ? Mais par suite de la grande industrie, tous les liens de famille sont déchirés de plus en plus ».
    Tous ces arguments de Marx ne relèvent pas seulement de la polémique. En effet, les sociétés capitalistes présentent bien des traits conformes aux idéaux marxistes. Ainsi, à l'athéisme doctrinal professé par les marxistes répond le matérialisme de fait des sociétés capitalistes, où toute religion structurée a tendance à disparaître pour faire place à un athéisme pratique ou à une vague religiosité qui, sous l'influence du protestantisme, tend à se réduire à un simple moralisme aux contours indécis, dont tout aspect métaphysique, tout symbolisme, tout rite, toute autorité traditionnelle est banni.

    Résultat : le grégarisme
    De même, au collectivisme tant reproché à l'idéologie marxiste (collectivisme qui ne se réduit pas à l'appropriation par l'État des moyens de production, mais consiste également en une forme de vie sociale où la personne est soumise à la masse) répond le grégarisme des sociétés capitalistes. Comme le note André Siegfried, c'est aux États-Unis qu'est né le grégarisme qui tend aujourd'hui à gagner l'Europe.
        « L'être humain, devenu moyen plutôt que but accepte ce rôle de rouage dans l'immense machine, sans penser un instant qu'il puisse en être diminué (...) d'où un collectivisme de fait, voulu des élites et allègrement accepté de la masse, qui, subrepticement, mine la liberté de l'homme et canalise si étroitement son action que, sans en souffrir et sans même le savoir, il confirme lui-même son abdication » (6).
    Curieusement, marxisme et libéralisme produisent ainsi des phénomèmes sociaux de même nature, qui sont incompatibles avec toute conception organique et communautaire de la société.
    L'idéologie mondialiste est également commune au marxisme et au capitalisme libéral. Pour Lénine, qui soutient le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, la libération complète de toutes les nations opprimées n'est en effet qu'un instrument au service de la Révolution et ne peut constituer qu'une « phase de transition », la finalité étant « la fusion de toutes les nations » (7). Or, cette fusion de toutes les nations est également l'objectif du capitalisme libéral qui, tout en ayant utilisé les nationalismes des peuples de l'Est pour détruire l'Union soviétique, vise en fait à établir un marché mondial dans lequel toutes les nations sont appelées finalement à se dissoudre. Toutes les identités nationales sont ainsi destinées à disparaître pour être remplacées par un modèle uniforme, américanomorphe, au service duquel une intense propagande est organisée, modèle dont les traits caractéristiques sont le métissage, la culture rock, les jeans, le coca-cola, les chaînes de restaurant fast-food et le basic English, le tout étant couronné par l'idéologie des droits de l'homme dont les articles de foi sont dogmatiquement décrétés par les grands-prêtres d'une intelligentsia qui n'a d'autre légitimité que celle qu'elle s'est elle-même octroyée (8).
    En fait, tant le marxisme que le capitalisme libéral approuvent sans réserves toutes les conséquences économiques et sociales de la Révolution industrielle, qui se traduisent par la destruction de tous les liens communautaires, familiaux ou nationaux, le déracinement et la grégarisation. Une telle évolution est en effet nécessaire aussi bien à l'établissement d'un véritable marché mondial, rêve ultime du capitalisme libéral, qu'à l'avènement de l'homme nouveau, libéré de toute aliénation, qui constitue l'objectif du marxisme. Pour ce dernier, le prolétariat était d'ailleurs appelé à jouer un rôle messianique et à porter plus loin le flambeau de la Révolution, afin de mener à son terme la destruction de toutes les valeurs traditionnelles.

    Bourgeoisie et prolétariat chez Berdiaev
    Pour le philosophe chrétien et traditionnaliste Berdiaev, capitalisme libéral et marxisme ne sont pas seulement liés au plan des sources idéologiques, mais ils sont également les agents d'une véritable subversion. « Tant la bourgeoisie que le prolétariat — écrit Berdiaev — représentent une trahison et un rejet des fondements spirituels de la vie. La bourgeoisie a été la première à trahir et à abdiquer le sacré, le prolétariat lui a emboîté le pas » (9). Soulignant les affinités qui existent entre la mentalité du bourgeois et celle du prolétaire, il déclare :
        « Le socialisme est bourgeois jusque dans sa profondeur et il ne s'élève jamais au-dessus du sentiment des idéaux bourgeois de l'existence. Il veut seulement que l'esprit bourgeois soit étendu à tous, qu'il devienne universel, et fixé dans les siècles des siècles, définitivement rationalisé, stabilisé, guéri des maladies qui la minent » (10).
    Si, pour Berdiaev, l'avènement de la bourgeoisie en tant que classe dominante a correspondu à un rejet des fondements spirituels de la vie, Max Weber voit, pour sa part, une relation étroite entre l'éthique protestante et le développement du capitalisme moderne. Ces 2 points de vue ne sont pas aussi contradictoires qu'ils peuvent paraître de prime abord. En effet, outre que la spiritualité ne se réduit pas à l'éthique, l'éthique protestante a tendu à devenir une simple morale utilitariste qui s'apparente en fait à la morale laïque, et qui n'est plus sous-tendue par une vision spirituelle du monde. Max Weber relève d'ailleurs que « l'élimination radicale du problème de la théodicée et de toute espèce de questions sur le sens de l'univers et de l'existence, sur quoi tant d'hommes avaient peiné, cette élimination allait de soi pour les puritains... » (11).
    L'utilitarisme de l'éthique protestante apparaît d'ailleurs clairement dans sa conception de l'amour du prochain. En effet, selon celle-ci, comme le rappelle Max Weber, « Dieu veut l'efficacité sociale du chrétien » et « l'amour du prochain ... s'exprime en premier lieu dans l'accomplissement des tâches professionnelles données par la lex naturae revêtant ainsi l'aspect proprement objectif et impersonnel d'un service effectué dans l'organisation rationnelle de l'univers social qui nous entoure » (ibid.). C'est d'ailleurs par la promotion de cette conception éthique dans le monde chrétien que le protestantisme a pu créer un contexte favorable au développement du capitalisme moderne.
    Mais l'état d'esprit qui en est résulté, et qui s'est développé sans entraves aux États-Unis d'Amérique, paraît bien éloigné de toute sorte d'éthique. Comme l'a relevé Karl Marx à propos des « habitants religieux et politiquement libres de la Nouvelle Angleterre » : « Mammon est leur idole qu'ils adorent non seulement des lèvres, mais de toutes les forces de leur corps et de leur esprit. La terre n'est à leurs yeux qu'une Bourse, et ils sont persuadés qu'il n'est ici-bas d'autre destinée que de devenir plus riches que leurs voisins » (12).

    La bibliocratie du calvinisme
    Étudiant les liens qui existent entre l'esprit du capitalisme et l'éthique protestante, Max Weber avait souligné la “bibliocratie” du calvinisme, qui tenait les principes moraux de l'Ancien Testament dans la même estime que ceux du Nouveau, l'utilitarisme de l'éthique protestante rejoignant l'utilitarisme du judaïsme. Avant lui, Marx avait d'ailleurs déjà relevé les affinités qui existent entre l'esprit du capitalisme et le judaïsme même si cette analyse était peu conforme aux principes du matérialisme historique. Considérant que « le fond profane du judaïsme [c'est] le besoin pratique, l'utilité personnelle », Marx estimait ainsi que, grâce aux Juifs et par les Juifs, « l'argent est devenu une puissance mondiale et l'esprit pratique des Juifs, l'esprit pratique des peuples chrétiens », concluant que « les Juifs se sont émancipés dans la mesure même où les chrétiens sont devenus Juifs » (ibid.).
    Ignorant délibérément la complexité des origines de l'idéologie socialiste, Berdiaev privilégiait quant à lui les affinités entre socialisme et judaïsme. Selon Berdiaev, le socialisme constitue en effet une « manifestation du judaïsme en terreau chrétien », et « la confusion et l'identification du christianisme avec le socialisme, avec le royaume et le confort terrestre sont dues à une flambée d'apocalyptique hébraïque », au « chiliasme hébreu, qui espère le Royaume de Dieu ici-bas » et « il n'était pas fortuit que Marx fût juif » (ibid., p. 154). Cioran rejoint sur ce point Berdiaev lorsqu'il écrit : « Quand le Christ assurait que le “royaume de Dieu” n'était ni “ici” ni “là”, mais au-dedans de nous, il condamnait d'avance les constructions utopiques pour lesquelles tout “royaume” est nécessairement extérieur, sans rapport aucun avec notre moi profond ou notre salut individuel » (13).
    De différents points de vue, capitalisme libéral et socialisme moderne paraissent ainsi liés, non seulement au plan historique, mais également par leurs racines idéologiques, et ce n'est probablement pas un hasard si leur émergence a coïncidé avec l'effondrement du système de valeurs qui, pendant des siècles, avait prévalu en Europe, et qui affirmait, du moins dans son principe originel, la primauté de l'autorité spirituelle sur le pouvoir temporel, et la subordination de la fonction économique au pouvoir temporel.

    Conversion rapide des anciens marxistes au libéralisme
    L'écroulement des régimes marxistes, incapables d'atteindre leurs objectifs économiques et sociaux, n'aura donc pas changé fondamentalement le cours de l'Histoire, puisque la Weltanschauung commune au marxisme et au capitalisme continue toujours à constituer le point de référence de nos sociétés. Se trouvent en effet toujours mis au premier plan : le matérialisme philosophique et pratique, le règne sans partage de l'économie, l'égalitarisme idéologique (qui se conjugue curieusement avec l'extension des inégalités sociales), la destruction des valeurs familiales et communautaires, la collectivisation des modes de vie et le mondialisme. C'est peut-être d'ailleurs ce qui permet d'expliquer pourquoi les socialistes occidentaux et la majeure partie des marxistes de l'Est se sont aussi facilement convertis au capitalisme libéral, qui paraît aujourd'hui le mieux à même de réaliser leur idéal (14).
    Mais la chute des régimes marxistes a l'Est nombre de valeurs qui, bien qu'ayant été niées pendant des décennies, n'avaient pu être détruites. On voit ainsi, dans des sociétés en pleine décomposition qui redécouvrent les réalités d'un capitalisme sauvage, s'affirmer à nouveau religions, nations et traditions. Toutes ces valeurs qui refont surface, et dont l'affirmation avait été jugée utile par les États occidentaux, dans la mesure où elle pouvait contribuer au renversement des régimes marxistes, sont toutefois loin d'être vues avec la même complaisance dès lors que cet objectif a été atteint.
    L'idéologie matérialiste des sociétés occidentales s'accommode en effet assez mal de tout système de valeurs qui met en question sa prétention à l'universalité et qui n'est pas inconditionnellement soumis aux impératifs du marché mondial. Tout véritable réveil religieux, toute affirmation nationale ou communautaire, ou toute revendication écologiste ne peuvent ainsi être perçus que comme autant d'obstacles à la domination sans partage des valeurs marchandes, obstacles qu'il s'agit d'abattre ou de contourner.

    Objectif : le marché mondial
    Ainsi, l'établissement d'un véritable marché mondial qui puisse permettre aux stratégies des multinationales de se développer sans entraves étant devenu l'objectif prioritaire, des pressions sont exercées au sein du GATT — par le lobby américain — pour que les pays d'Europe acceptent le démantèlement de leur agriculture, quelles que puissent en être les conséquences sur l'équilibre démographique et social de ces pays, sur l'enracinement de leur identité nationale et sur leur équilibre écologique.
    De même, les cultures et les langues nationales doivent de plus en plus se plier aux lois du marché mondial et céder le pas à des “produits culturels” standardisés de niveau médiocre, utilisant le basic English comme langue véhiculaire, et aptes ainsi à satisfaire le plus grand nombre de consommateurs du plus grand nombre de pays. Quant aux religions, elles ne sont tolérées que dans la mesure où elles délivrent un message compatible avec l'idéologie du capitalisme libéral, et si elles s'accommodent avec les orientations fondamentales de la société permissive, qui ne sont en fait que l'application, au domaine des moeurs, des principes du libre-échange.

    L'écologie dans le collimateur
    L'écologie, enfin, n'est prise en compte que si elle ne s'affirme pas comme une idéologie ayant la prétention d'imposer des limites à la libre entreprise. Les valeurs néo-païennes qu'elle véhicule (que le veuillent ou non ses adeptes) sont par ailleurs vivement dénoncées. Ainsi, Alfred Grosser se plaît à relever que « ce n'est pas un hasard si l'écologie a démarré si fort en Allemagne où la nature (die Natur) tient une place tout autre qu'en France. La forêt (der Wald) y est fortement chargée de symbole. La tradition allemande ... c'est l'homme mêlé, confondu à la nature ». Ne reculant pas devant les amalgames les plus grossiers, il n'hésite pas à écrire : « La liaison entre les hommes et la nature, le sol et le sang, cette solide tradition conservatrice allemande a été reprise récemment par Valéry Giscard d'Estaing à propos des immigrés. C'était la théorie d'Hitler ». Et Grosser de conclure avec autant de naïveté que de grandiloquence : « La grandeur de la civilisation judéo-chrétienne est d'avoir forgé un homme non soumis à la nature » (15).
    L'idéologie capitaliste libérale, actuellement dominante, entre ainsi en conflit avec d'autres ordres de valeur, et ces nouveaux conflits, dont nous ne voyons que les prémisses, pourraient bien reléguer au rang des utopies la croyance en une “fin de l'histoire”. En effet, ces conflits n'opposent plus, comme c'était le cas depuis 2 siècles, 2 idéologies jumelles qui, tout en se combattant, partaqeaient pour l'essentiel les mêmes idéaux fondamentaux et ne s'opposaient que sur les moyens de les réaliser. Les sociétés fondées sur le capitalisme libéral vont en effet avoir désormais à affronter des adversaires dont l'idéologie est irréductible à une vision purement économiste du monde. L'antithèse fondamentale ne se situe pas en effet entre capitalisme et marxisme, mais entre un système où l'économie est souveraine, quelle que soit sa forme, et un système où elle se trouve subordonnée à des facteurs extra-économiques.
    On voit ainsi reparaître l'idée d'une hiérarchie des valeurs qui n'est pas sans analogies avec l'idéologie des peuples indo-européens et celle de l'Europe médiévale, où la fonction économique, et notamment les valeurs marchandes, occupait un rang subordonné aux valeurs spirituelles et au pouvoir politique (au sens originel de pouvoir régulateur de la vie sociale et des fonctions économiques). Bien que, dans cet ordre ancien, la dignité de la fonction de production des biens matériels fût généralement reconnue (16), il était toutefois exclu que les détenteurs de cette fonction puissent usurper des compétences pour l'exercice desquelles ils n'avaient aucune qualification. L'économie se trouvait ainsi incorporée dans un système qui ne considérait pas l'homme uniquement comme producteur ou consommateur, et l'organisation corporative des professions mettait beaucoup plus l'accent sur l'aspect qualitatif du travail que sur l'aspect quantitatif de la production, donnant une dimension spirituelle à l'accomplissement de toutes les tâches, même des plus humbles. Quant à la spéculation, au profit détaché de tout travail productif, ils n'étaient non seulement pas valorisés, comme c'est le cas aujourd'hui, mais ils étaient profondément méprisés, tant par la noblesse que par le peuple, et ceux qui s'y adonnaient étaient généralement considérés comme des parias.

    Le monothéisme du marché et de l'argent
    Ce n'est en fait que depuis 2 siècles que les valeurs marchandes ont pris une place prépondérante dans la société occidentale, et que s'est instituée cette véritable subversion que Roger Garaudy qualifie de « monothéisme du marché, c'est-à-dire de l'argent, inhérent à toute société dont le seul régulateur est la concurrence, une guerre de tous contre tous » (17). Un champion de l'ultra-libéralisme, comme Hayek, reconnaît d'ailleurs lui-même que « le concept de justice sociale est totalement vide de sens dans une économie de marché ».
    Cette subversion des valeurs est particulièrement sensible dans le capitalisme de type anglo-saxon que Michel Albert oppose au capitalisme de type rhénan ou nippon : le premier pariant sur le profit à court terme, négligeant outrancièrement les secteurs non-marchands de la société, l'éducation et la formation des hommes, et préférant les spéculations en bourse à la patience du capitaine d'industrie ou de l'ingénieur qui construisent et consolident jour après jour une structure industrielle ; le second planifiant à long terme, respectant davantage les secteurs non-marchands, accordant de l'importance à l'éducation et à la formation et se fondant sur le développement des structures industrielles plutôt que sur les spéculations boursières (18).
    Il est d'ailleurs intéressant de relever que c'est le capitalisme de type rhénan ou nippon, qui conserve un certain nombre de valeurs des sociétés pré-industrielles et s'enracine dans une communauté ethno-culturelle, qui se révèle être plus performant que le capitalisme de type anglo-saxon, qui ne reconnaît pas d'autres valeurs que les valeurs marchandes, même s'il aime souvent se draper dans les plis de la morale et de la religion.
    Mais le meileur équilibre auquel sont parvenues les sociétés où règne un capitalisme de type rhénan ou nippon n'en demeure pas moins fragile, et ces sociétés sont loin d'être exemptes des tares inhérentes à toutes les formes de capitalisme libéral. On peut d'ailleurs se demander si le capitalisme de type rhénan ou nippon, qui s'appuie sur les restes de structures traditionnelles, n'est pas condamné à disparaître par la logique même du capitalisme libéral qui finira par en détruire les fondements dans le cadre d'un marché mondial.
    Par delà ces oppositions de nature éphémère qui existent au sein du capitalisme libéral, la question est finalement de savoir si celui-ci parviendra à établir de manière durable son pouvoir absolu et universel, marquant ainsi en quelque sorte la fin de l'histoire, ou s'il subira, à plus ou moins longue échéance, un sort analogue à celui de marxisme. En d'autres termes, une société ne se rattachant plus à aucun principe d'ordre supérieur et dénuée de tout lien communautaire est-elle viable, ou cette tentative de réduire l'homme aux simples fonctions de producteur et de consommateur, sans dimension spirituelle et sans racines, est-elle condamnée à l'échec, disqualifiant par là-même l'idéologie (ou plutôt l'anti-idéologie) sur laquelle elle était fondée ?
    ► Pierre Maugué, Vouloir n°97/100, 1993. http://vouloir.hautetfort.com/
    • Notes :
    1) Martin Heidegger, Introduction à la métaphysique, p. 56, Gal., 1967.
    2) Acheminement vers la parole, p. 56.
    3) Werner Sombart, Le Socialisme allemand, 1938.
    4) Karl Marx, Le Manifeste communiste, in Œuvres complètes, La Pléiade, Gal., 1963.
    5) René Guénon fait la même constatation que K. Marx, mais, loin d'y voir l'annonce d'un monde nouveau, supérieur à l'ancien, il y voit au contraire une déchéance, la fin d'un cycle. Il relève ainsi que « partout dans le monde occidental, la bourgeoisie est parvenue à s'emparer du pouvoir », que le résultat en est « le triomphe de l'économique, sa suprématie proclamée ouvertement » et qu'« à mesure qu'on s'enfonce dans la matérialité, l'instabilité s'accroît, les changements se produisent de plus en plus rapidement » (Autorité spirituelle et pouvoir temporel, p. 91, Véga, 1964).
    6) André Siegfried, Les États-Unis d'aujourd'hui, pp. 346, 349 et 350, A. Colin, 1927.
    7) Lénine, Œuvres, t. 22, p. 159, Éd. sociales, 1960.
    8) Comme le relève Régis Debray, « Nous avions eu Dieu, la Raison, la Nation, le Progrès, le Prolétariat. Il fallait aux sauveteurs un radeau de sauvetage. Voilà donc pour les aventuriers de l'Arche Perdue, les Droits de l'Homme comme progressisme de substitution » (Que vive la République, Odile Jacob, 1989).
    9) Nicolas Berdiaev, De l'inégalité, pp. 150 et 152, Âge d'Homme, 1976.
    10) N. Berdiaev, op. cité, p. 150. Dans le style qui lui est propre, Louis-Ferdinand Céline avait relevé la même analogie entre esprit bourgeois et esprit prolétaire. « Vous ne rêvez que d'être lui, à sa place, rien d'autre, être lui, le Bourgeois ! encore plus que lui, toujours plus bourgeois ! C'est tout. L'idéal ouvrier c'est deux fois plus de jouissances bourgeoises pur lui tout seul. Une super bourgeoisie encore plus tripailleuse, plus motorisée, beaucoup plus avantageuse, plus dédaigneuse, plus conservatrice, plus idiote, plus hypocrite, plus stérile que l'espèce actuelle » (L'École des cadavres, Denoël, 1938).
    11) Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, p. 129, Plon, 1964.
    12) Karl Marx, La question juive, pp. 50 et 55, coll. 10/18, UGE, 1968.
    13) Cioran, Histoire et Utopie, Gal., 1960.
    14) C'est ainsi que le modèle de la société libérale avancée, qui s'est imposé en Occident, correspond parfaitement à certains objectifs qu'Engels avait fixés au 21e point de son avant-projet pour le Manifeste du Parti communiste. Il écrivait ainsi : « (L'avènement du communisme) transformera les rapports entre les sexes en rapport purement privés, ne concernant que les personnes qui y participent et où la société n'aura pas à intervenir. Cette transformation sera possible du moment que ... les enfants seront élevés en commun, et que seront détruites les deux bases principales du mariage actuel, à savoir la dépendance de la femme vis-à-vis de l'homme, et celle des enfants vis-à-vis des parents ».
    15) Alfred Grosser, interview paru dans Le Nouveau Quotidien (Lausanne) du vendredi 24 janvier 1992 sous le titre : « Après le dieu Lénine des communistes, voici la déesse Gaïa des écologistes ».
    16) Dans l'Inde traditionnelle, les vaishya, représentants de la troisième fonction, ont la qualité d'arya [noble]. Toutefois, dans le monde méditerranéen, chez les Romains et les Grecs de l'époque classique, on constate une dépréciation du travail manuel, qui n'existe pas en revanche dans les sociétés celtiques et germaniques, où l'esclavage tenait une place beaucoup moins importante.
    17) Roger Garaudy, « Algérie, un nouvel avertissement pour l'Europe », in Nationalisme et République °7.