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Europe et Union européenne - Page 1046

  • Entretien avec Jean-François Mayer « Les minarets de la discorde »

    Spécialiste des religions à la bibliographie abondante, directeur de l'Institut Religioscope et du site www.religion.info, Jean-François Mayer était tout désigné pour nous éclairer sur la dernière votation helvétique, d'autant qu'il est lui-même suisse. Décryptage.

    Le Choc du mois : L'ampleur du « non aux minarets » a surpris tout le monde, à commencer par ceux qui ont été à l'initiative de cette votation. Comment expliquez-vous cela ?
    Jean-François Mayer: J'ai été surpris moi aussi, même le gouvernement l'a été! Seuls quelques partisans chrétiens évangéliques de l'initiative semblaient y croire vraiment. Invité ces derniers mois à donner des conférences sur l'islam en Suisse, j'avais certes rencontré beaucoup de gens favorables à l'interdiction des minarets. Mais les sondages semblaient presque sans appel. Je ne crois pas à un retournement de dernière minute : la plupart des Suisses votent d'avance, par correspondance. Seule explication: les sondés n'avouaient pas leurs intentions de vote. Vote honteux ? Plus maintenant : depuis le vote, bien des gens ne font plus mystère de leur choix, même face aux médias.

    Quels sont les partis qui en ont été à l'initiative ?
    Au départ, pas des partis, mais quelques hommes politiques de deux partis : l'Union démocratique du centre (UDC), le plus grand parti de Suisse avec 64 députés (les socialistes suivent avec 50), et l'Union démocratique fédérale, un parti chrétien (évangélique) conservateur. L'initiative a eu pour source des tensions locales autour de projets de minarets. Des politiciens ont réfléchi ensemble et ont décidé de lancer cette campagne. Très habile du point de vue de la propagande : autour d'un symbole, le minaret, se sont cristallisées toutes les critiques, interrogations ou craintes face à l'islam. Il suffisait d'assister à des réunions organisées par les deux formations pour noter les différences de style. Du côté de la petite mais active UDF, la dimension religieuse transparaissait fortement : l'opposition à l'islam est liée à des convictions bibliques, et pour beaucoup d'entre eux à des croyances « chrétiennes sionistes ». L'existence de l’État d'Israël est interprétée comme la réalisation de prophéties bibliques. Mais cette motivation reste celle d'un petit milieu, pas de la population en général.

    Comment expliquez-vous ce décalage entre le discours des élites (y compris les Églises) et le peuple, entre cette Suisse d'en haut et la Suisse d'en bas ?
    Même si le taux de soutien semble avoir été plus élevé dans les milieux populaires, ils n'ont de loin pas été les seuls à voter pour l'initiative: cette vague traverse les classes sociales et les camps politiques, avec des nuances. L'analyse la plus pertinente est celle du journaliste Michel Audétat dans L'Hebdo (3 décembre) : on a trop fait peser sur les débats liés à l'islam une pression moraliste, écrit-il, avec « un puissant effet d'intimidation ». La notion d'islamophobie jouerait ici le même rôle que le mot de racisme pour jeter un discrédit sans appel sur des opinions ou des préoccupations. Celles-ci s'expriment avec d'autant plus de force dans le secret des urnes. Ce phénomène se manifeste ailleurs en Europe, mais sans exutoire de vote.
    D'un côté, des milieux, très relayés par les médias, qui chantent les vertus du multiculturalisme; d'autre part, des préoccupations qui montent sans trouver beaucoup d'occasions de s'exprimer de façon articulée dans le débat public, et dont les tenants ont l'impression d'être incompris et stigmatisés.
    Des mesures comme l'interdiction de l'affiche anti-minarets dans certaines villes ont probablement conforté plus d'un votant dans sa décision. Et assuré à l'affiche une publicité inespérée : il en a été question dans toute la presse, elle a été montrée de façon répétée dans les journaux télévisés.

    Cette affiche justement, qui a fait scandale, présente les minarets comme des symboles de conquête. Est-ce cela que les électeurs suisses ont sanctionné, la visibilité d'un islam envahissant dans le paysage suisse ?
    Pour l'instant, le paysage suisse n'est guère envahi, l'islam y reste quasiment invisible. Derrière la crainte symbolique de la transformation du paysage, c'est bien celle de toute la société qui est en jeu. Pour autant, d'autres tensions, non seulement dans l'affaire suisse, mais en Europe, sont en effet liées au développement de sa visibilité.

    C'est donc quelque chose de plus profond, non pas le minaret, mais la communauté qu'il abrite ?
    Les partisans de l'initiative ont pris soin de dire qu'ils n'avaient rien contre les musulmans eux-mêmes : leur problème est celui de l'islam, présenté comme idéologie de domination, avec le minaret transformé en symbole de pouvoir politico-religieux pour marquer l'occupation progressive et irréversible d'un territoire. (En réalité, les significations d'un minaret peuvent être multiples : pour ceux autour desquels la controverse a commencé, il s'agissait de donner une allure de mosquée à d'anciens locaux industriels ou commerciaux reconvertis.)
    L'opposition à la présence musulmane elle-même a joué un rôle. Nombre de gens s'inquiètent de la croissance de la population musulmane: 16000 musulmans en Suisse en 1970, environ 400000 aujourd'hui - un islam d'origine d'abord balkanique, puis turque, donc très différent de celui présent en France. Depuis des années, circule l'argument que, si rien n'est fait, l'Europe sera islamisée dans quelques décennies: des publicités de l'UDC avaient déjà utilisé ce thème dans le passé.

    Si l'on s'en tient aux forums, commentaires et autres sondages à chaud sur le Net, en France ou en Allemagne, on retrouve la même réaction de rejet. Un sondage réalisé par l'IFOP pour Le Figaro vient de montrer que 41 % des Français se prononcent, non pas contre l'édification de minarets, mais de mosquées (et seulement 19 % pour). Cela vous surprend-il ?
    Oui, parce que l'interdiction de la mosquée est quelque chose de bien plus sérieux : elle implique de dire aux musulmans qu'ils n'ont tout simplement pas de place en France. Peu de monde en Suisse, même parmi les partisans de l'initiative, ne proposerait d'interdire les mosquées - ce qui n'empêche pas qu'un projet de construction soulèverait des vagues d'opposition locale, comme autour de mosquées en Allemagne.

    Peut-on comparer le non suisse aux polémiques récurrentes sur le voile en France ?
    En partie. Plusieurs politiciens suisses (y compris socialistes) voudraient d'ailleurs surfer sur la vague de l'initiative pour proposer localement des mesures sur le voile dans les écoles, ou sur la burqa, décalque des débats français. Avec des accents locaux qui varient, les controverses suivent des arguments qui se retrouvent d'un pays à l'autre : d'autant plus que, à travers Internet, des réseaux internationaux de critiques de l'islam se constituent et s'épaulent.

    Jamais la crispation autour de l'islam n'a semblé aussi forte ? Y aurait-il un « problème musulman » en Europe ?
    Difficile de ne pas le penser après le vote du dimanche 29 novembre... Mais un « problème » ne se joue pas seulement autour d'éléments objectifs, factuels : les perceptions, exactes ou erronées, sont cruciales. Je voyage à travers le monde pour mes recherches: je constate que, partout ou presque, les mouvements migratoires suscitent des réactions. Mais les questions autour de l'islam vont plus loin que les débats autour des flux migratoires. Ils sont liés à une image de l'islam et des musulmans. Impossible de ne pas mentionner l'impact du 11-Septembre et de ce qui l'entoure: le vote suisse n'aurait pas été le même avant 2001. Toute analyse de la question devrait, pour aller au fond des choses, examiner aussi les motivations et le rôle des réseaux de critiques de l'islam, qui peuvent se trouver liés à des intérêts politiques ou géopolitiques variés.

    Concrètement, comment les choses vont se passer dans les mois et les années qui viennent ?
    Une intensification des controverses et débats autour de la présence musulmane, mais peut-être aussi des réponses plus articulées de celle-ci face au choc du vote. En Suisse, dans l'immédiat, presque tous les partis s'empressaient dès le soir du vote de vouloir récupérer une partie de cette vague : le président du Parti démocrate chrétien reprenait ses idées d'interdiction de la burqa (le niqab, en fait, guère porté en Suisse que par les riches touristes saoudiennes qui viennent dépenser leur fortune dans des palaces et magasins genevois), le président du Parti socialiste insistait sur la nécessité de s'affirmer plus sur les droits des femmes musulmanes...
    Pas sûr que l'UDC ou des formations proches engrangeront un nombre beaucoup plus élevé de voix lors de prochaines élections : le vote anti-minarets ne représentait pas un simple vote UDC.
    Quant aux musulmans, dans la pratique, le vote ne change rien pour eux. Les quatre minarets existants resteront en place, la pratique du culte musulman ne connaîtra aucune entrave. Et le gouvernement encouragera sans doute plusieurs projets dirigés vers les communautés musulmanes, en pensant à la fois aux répercussions internationales et aux préoccupations que le vote a exprimées.
    Propos recueillis par François-Laurent Baissa LECHOCDU MOIS janvier 2010
    À lire : Les minarets de la discorde. Éclairages sur un débat suisse et européen, sous la direction de Patrick Haenni et Stéphane Lathion, éditions Infolio-Religioscope, 2009,112 p., 8 euros.
    À consulter : www.religion.info

  • Gollnisch à Verhofstadt "Et vous osez parler de démocratie !"

  • Deux ouvrages récents sur les origines indo-européennes

     

    Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

    Linguiste, M. G. Devoto s’est très tôt intéressé aux réalités historiques, psychologiques, esthétiques qu’expriment et reflètent les faits de langue. En particulier, il n’a pas cessé, depuis ses débuts, de préconiser une collaboration étroite entre grammaire comparée et disciplines historiques. Dès 1931, l’essai Gli antichi Italici montrait l’efficacité de la méthode appliquée à l’Italie pré romaine, et deux éditions n’en ont pas épuisé le succès. Son commentaire des Tables eugubines (1940) est tout nourri d’histoire. Depuis lors, il n’est pas d’année qui n’ait apporté (notamment dans la revue Studi etruschi) le témoignage de la réflexion à laquelle M. Devoto soumettait les résultats conjoints de la linguistique, de l’archéologie, des sciences du droit et des institutions. Dans ces travaux, l’auteur confère à la préhistoire indo-européenne une dynamique, une historicité qu’elle n’avait pas avant lui. Les Scritti minori, recueillis en 1958, sont ainsi comme la préfiguration du grand oeuvre qu’il restait à construire: le livre de doctrine sur les origines indo-européennes.

    Giacomo Devoto, Origini indeuropee

    Giacomo Devoto, Origini indeuropee

    Un grand oeuvre dont, après vingt-cinq années de recherches, l’auteur considère sans illusion l’inévitable caractère d’inachèvement: «un chantier», écrit-il ; et d’en «prendre congé», comme ferait l’artiste d’un chef-d’oeuvre ambitieux, si longtemps médité, si longuement accru et travaillé qu’à la fin il dépasse son auteur et ne lui appartient plus. Mais il y a là un excès de mod estie, et l’on devine que le livre de M. Devoto est plus qu’un recueil de données. Il comporte une doctrine, à la fois souple et originale, tout en restant, de propos délibéré, ouvert à la critique et à la révision. Comparé au livre récent de M. P. Bosch-Gimpera, analysé ici même en 1963 (1), il en diffère et par la méthode et par les dimensions.

    Fondé presque entièrement sur l’archéologie préhistorique, l’exposé de M. Bosch-Gimpera, quoique fortement personnel, laisse assez loin l’aspect proprement linguistique de la recherche, et seules quelques données très générales y demeurent sous-jacentes; mais le problème crucial, qui est de retrouver le processus historique de la diffusion des dialectes indo-européens, demeure en quelque sorte dilué dans l’extrême foisonnement des faits archéologiques. En somme, M. Bosch-Gimpera n’imposait pas au comparatiste des vues nouvelles. Au contraire, M. Devoto a résolu — et c’est là son grand mérite — d’affronter successivement tous les aspects du problème, d’en réunir et d’en organiser toutes les données, sans jamais négliger l’historique de la recherche. M. Devoto est convaincu, évidemment avec raison, que la diffusion de l’indo-européen ne saurait, dans la plupart des cas, s’être accomplie sans un déplacement notable de groupes de colonisateurs ou de conquérants; qu’en outre, ces groupes d’hommes ne peuvent avoir imposé leur langue à l’exclusion de tous les autres éléments culturels, qu’ils soient de nature intellectuelle (faits sociaux, religieux, psychologiques) ou matérielle (outillage, céramique, armement, usages domestiques et funéraires). Des premiers, l’archéologie ne livre que des traces très indirectes; mais ils ont dû conditionner l’histoire du vocabulaire. Des autres, les témoignages livrés par le lexique sont plus fuyants; mais l’archéologie, là du moins où elle est suffisamment avancée, permet d’en restituer les modalités et les variantes avec une fidélité souvent surprenante. Le problème revient à déterminer dans quelle mesure, dans le cas des Indo-Européenes, vicissitudes de la civilisation, que révèle l’archéologie, peuvent correspondre avec les faits qui ont conditionné l’histoire linguistique.

    Se situant au point de convergence de plusieurs disciplines qui relèvent de méthodes très différentes, pareille tâche présuppose un aménagement multilatérale des données retenues comme pertinentes. Mais M. Devoto a bien vu que le problème indo-européen étant un problème linguistique, l’enquête doit être orientée dans le sens qu’indiquent les faits de langue. Reste à savoir si l’auteur a opéré avec les faits linguistiques et avec les faits historico-culturels de façon à satisfaire à la fois les comparatistes et les archéologues, et s’il n’est pas inévitable que des faits aient été choisis et traités de manière un peu intentionnelle pour leur capacité de s’accorder les uns avec les autres. Il va de soi qu’en pareille matière, une tentative de solution ne va pas sans une forte part d’hypothèse, sans une sorte de démiurgie. On ne peut qu’admirer en tout cas l’étendue de l’effort déployé pour ordonner une matière aussi vaste et pour dominer un problème d’une complexité aussi décourageante.

    Il n’y aurait pas proprement de «problème indo-européen» si l’on n’était à même d’établir l’existence d’une unité linguistique indo-européenne. Aussi est-ce à réexaminer la légitimité du problème, maintes fois mise en doute en ce dernier quart de siècle, que M. Devoto consacre son premier chapitre: reconstruction «structurale», esquissée dans ses grands traits, de l’indo-européen commun; rappel succinct des quelques faits relevant d’un état plus ancien, le «proto-indo-européen» (2); examen rapide du problème des rapports entre indo-européen et d’autres familles linguistiques — on sait qu’outre le sémitique et le finno-ougrien, on a noté des concordances lexicales jusqu’en chinois et en coréen: certaines ne sont peut-être pas fortuites, comme pour le nom du «miel» (chin. arch. *myet: i.-e. *medhu-) ou du «chien» (chin. arch. *k’iwen: i.-e. *k’won-), et posent la question d’antiques relations transasiatiquee et transsibériennes.

    Le chap. II examine les données géographiques, anthropologiques et ethnologiques et fait l’historique des nombreuses controverses qu’elles ont soulevées. M. Devoto procède par éliminations successives, en ‘en tenant fermement à un principe simple mais rigoureux: sont à exclure a priori toutes les régions où des témoignages historiques ou linguistiques attestent ou font en trevoir que les populations de langue indo-européenne s’y sont progressivemeént établies à la suite de migrations, et où l’archéologie et l’épigraphie garantissent l’existence, jusqu’à des époques relativement récentes, de civilisations et de langues de substrat (Inde, y compris le bassin de l’Indus, Iran méridional, Caucase, Grèce, Italie, pays celtiques). L’aire qui demeure possible est limitée en gros par le Rhin, les Alpes, le bassin du Danube, les mers Noire et Caspienne; mais les confins orientaux, en direction des steppes, sont fuyants. Quant aux limites chronologiques, M. Devoto, avec raison, considère comme de date trop basse l’âge du Bronze de l’Europe centrale (débuts du IIe millénaire), mais le Mésolithique, qui a pourtant été proposé (avant le Ve millénaire), est visiblement trop haut (3).

    M. Devoto estime le volume démographique des migrations comme étant en raison inverse de la supériorité technique ou politico-sociale des colonisateurs sur les colonisés. C’est dire qu’on ne doit pas s’attendre à en retrouver des traces archéologiques à la fois massives et très spécifiques. Aussi une grande partie du livre — et la plus personnelle — est-elle consacrée aux aspects techniques, idéologiques et sociologiques du monde indo-européen. L’auteur ne se fait guère d’illusion sur la vertu de la comparaison en ethnologie et en histoire du droit, et l’on ne peut qu’approuver sa prudence: la probabilité mathématique d’un morphème ou d’un sémantème n’a rien de commun avec celle d’un genre de vie ou d’une institution sociale ou religieuse, où la part de contingence est évidemment beaucoup plus grande.

    En revanche, si faible que soit, par définition, la réductibilité de ses résultats à des faits d’ordre ethnique ou linguistique, l’archéologie est devenue au jourd’hui une science trop rigoureuse, trop objective pour n’être pas interrogé: c’est l’objet du chap. III. Selon M. Devoto, les éléments du décor d’une poterie peuvent être considérés comme des critères suffisants, car ils sont par nature non fonctionnels et reposent sur une tradition désintéressée, donc non contingente. Mais l’auteur ne marque pas assez nettement, peut-être, que si les groupements céramologiques n’ont guère de chance a priori de recouvrir des groupements linguistiques, c’est en vertu du fait d’expérience, méthodologiquement fondamental, que les conditions dans lesquelles se transmettent langues et éléments de civilisation sont radicalement différentes. Aussi M. Devoto ne renouvelle-t-il pas les imprudences des «lois» céramologico-linguistiques d’un O. Montelius ou d’un G. Kossinna, qui postulaient un parallélisme entre continuité culturelle (temps ou espace) et continuité ethnique, discontinuité culturelle et discontinuité ethnique. Et il ne cherche pas à identifier les expansions indo-européennes antérieures au IIIe millénaire, c’est-à-dire les expansions qui n’ont pas abouti à la formation des communautés historiques et qui n’offrent pas à l’historien un point d’arrivée où langue et culture soient indiscutablement associées. Ce que cherche avant tout à définir l’auteur, ce n’est donc pas la toute première communauté «proto-indo-européenne», insaisissable, mais plutôt un jeu de forces en mouvement, en partie antagonistes, propre à justifier l’éclatement culturel et linguistique postulé par l’histoire. De même que certains astres ont pu être identifiés par l’incidence de leurs mouvements sur l’ensemble d’un système, c’est par la dialectique des rapports entre traditions linguistiques et culturelles différentes que M. Devoto arrive à saisir l’existence d’une communauté indo-européenne. Ce jeu de forces, il en trouve le cadre, après bien des éliminations, et d’accord avec plusieurs préhistoriens (tels M. Bosch-Gimpera et Mme M. Gimbutas), dans le monde néolithique de la céramique rubanée. Celui-ci, on le sait, présente une relative uniformité entre le Rhin et l’Oder et entre la ligne Cologne-Magdebourg-Francfort-sur-Oder et le bassin de la Drave en Hongrie.

    L’aire ainsi définie est vaste, notamment en direction de l’Ouest; et il s’agit d’une époque que les récentes datations au radio-carbone tendent à reporter au-delà du IVe millénaire. G. von Kaschnitz-Weinberg écartait la civilisation de la céramique rubanée, M. H. Hencken la restreint à l’une de ses composantes orientales. On pourrait craindre aussi que le caractère si particulier de la morphologie indo-européenne s’accorde mal avec l’hypothèse de populations nombreuses et dispersées, chez qui toute unité linguistique paraît vouée à une fragmentation dont il semble malaisé de placer les débuts vers le Ve ou même le IVe millénaire. Il est vrai que, d’une part, il ne s’agit pas, dans l’esprit de M. Devoto, d’identifier simplement les porteurs de la civilisation «rubanée» avec les porteurs de l’indo-européen, ni d’assimiler une certaine technique décorative — d’ailleurs dépourvue d’unité organique — à une tradition linguistique donnée. Et ce n’est que plus tard qu’apparaissent la plupart des phénomènes d’attraction, de résistance et d’expansion capables d’éclairer le problème des rapports entre le monde indo-européen et sa périphérie: pressions de l’extérieur et notamment du monde asianique et méditerranéen (spondylus gaederopus, céramique peinte, idoles anthropomorphes) mais aussi du monde nordique (civilisation de Rossen) ou occidental (civilisation du vase campaniforme); attractions et résistances exercées par des foyers extérieurs (Balkans, Thrace, Thessalie, Italie du Nord et du Sud); facteurs internes, foyers d’expansions futures (Hongrie et Silésie avec les civilisations de Jordansmühl, des amphores globulaires, de la céramique cordée; Bohême avec la civilisation d’Unëtice; de nouveau Hongrie et Silésie avec la civilisation de Lusace et l’expansion des Champs d’urnes). On le voit, ces phénomèn esse pour suivent jusqu’à l’âge du Bronze final. Après d’autres, M. Devoto attache une grande importance au dynamisme de la civilisation d’Unëtice, dont des éléments se retrouvent de la Pologne à la Roumanie, mais aussi, mêlés à des traits apenniniens, dans la culture lombardo-émilienne des «terramares». En réaction contre l’«anti-décorativisme» radical d’Unëtice, la civilisation des tumulus s’affirme surtout en direction de l’Occident où elle prépare l’expansion future de la civilisation de Lusace et des Champs d’urnes.

    Or, on sait que ces dernières inaugurent en Europe le rite funéraire de l’incinération. Pour M. Devoto cet avènement marque un changement profond des conceptions eschatologiques: cette opinion ancienne paraît devoir être retenue dans certaines limites, en dépit des résistances qu’elle a rencontrées; mais souvent, et parfois très rapidement, les formes extérieures de l’inhumation et les croyances qui y sont attachées ont réagi sur l’incinération et ont tendu à la supplanter. L’auteur marque bien, en tout cas, que l’incinération n’implique, dans les lieux mêmes où s’élabore la culture de Lusace, ni une mutation ethnique ni de changements profonds de la civilisation: ainsi à Knoviz, en Bohême, on peut observer stratigraphiquement le passage graduel de la culture inhumante d’Unëtice à celle, incinérante, de Lusace. Il n’en reste pas moins vrai qu’ailleurs que dans ses foyers d’élaboration, l’incinération introduite par les porteurs des «Champs d’urnes» s’insère brutalement et globalement dans un horizon inhumant, et constitue dès lors le signe probable d’une immigration, peut-être numériquement faible, mais idéologiquement puissante. Ainsi, en Italie, le contraste entre Subapenniniens inhumants et Protovillanoviens incinérants est net à tous égards, quelque interprétation qu’on soit amené à donner de ce contraste.

    Le chap. IV étudie la problématique des données linguistiques. La doctrine de M. Devoto est, on le sait, résolument progressiste: critique des conceptions généalogiques abstraites, exclusivement centrifuges, de la linguistique traditionnelle; vision très souple des relations entre mondes indo-européen et non-indo-européens; large utilisation des principes de la linguistique «spatiale». M. Devoto distingue ainsi des courants anti-indo-européens parallèles aux pressions extérieures reconnues par l’archéologie; les noms du «minerai de cuivre» (i.-e. *raud(h)o-) et du «bovin domestique» (*gwôu~), le système de numération duodécimal peuvent avoir été apportés par les mêmes courants de provenance anatolienne et mésopotamienne (cf. resp. sum. urud «cuivre» et gu «boeuf») qui ont introduit en Roumanie, en Thessalie, en Italie du Sud la céramique peinte; de même, le système vigésimal qui apparaît dans le monde celtique pourrait être mis en rapport avec le courant d’origine sud-occidentale représenté archéologiquement par la céramique campaniforme. Là où l’expansion indo-européenne rencontrait ces mêmes courants anti-indo-européens, il est arrivé que l’indo-européen, du moins en un premier temps, ne se soit pas imposé, et n’ait laissé à la langue de substrat que des traces isolées, lexicales ou morphologiques; il en est résulté, spécialement dans l’Europe méditerranéenne et en Anatolie, une frange de neutralisation que M. Devoto appelle péri-indo-européenne: il s’agirait en somme d’un processus amorcé mais non achevé d’indo-européisation. Cette notion permettrait d’expliquer la présence d’éléments indo-européens en étrusque, dans des parlers préhelléniques et asianiques, ainsi que des contaminations de traditions indo-européennes et «méditerranéennes»: des faits tels que gr. πννδαξ «fond de vase» à côté de πνθμήν, πύργος à côté de got. baùrgs «ville» mais aussi de médit. *parga-/*perga-, trouveraient ainsi leur explication.

    Le chap. V dégage, par une étude exhaustive du lexique, les traits du patrimoine spirituel, institutionnel et technique. Un effort pour relier ce patrimoine notionnel aux réalités que fait connaître l’archéologie aboutit à de nombreuses explications de détail tantôt convaincantes, tantôt, il faut le dire, simplement ingénieuses. Si, par exemple, il existe un adjectif commun pour «mou, tendre» *mldu-) sans complémentaire pour «dur», c’est, enseigne l’auteur, que le premier avait dans cette communauté néolithique une valeur technique, et se référait à une certaine qualité de la pierre ou du bois les rendant propres à être façonnés: mais la non-aptitude n’est-elle pas aussi une valeur technique? De même, le rapport de lat. color avec celô «recouvrir» — on pourrait y ajouter celui, parallèle, de skr. varnah avec vrnóti — s’expliquer aipart la technique de la céramique peinte introduite dès une phase ancienne du Néolithique; mais l’indo-européen n’a de nom commun ni pour «couleur», ni pour« substance colorante»: M. Devoto ne craint-il pas que cette date soit beaucoup trop haute pour des faits suspects d’être des créations propres à chaque langue? V. h. all. hulsa, p. ex., ne signifie que «gousse».

    C’est essentiellement dans les oppositions de nature sociale ou chronologico-spatiale des éléments du lexique que M. Devoto reconnaît le jeu des forces antagonistes qui exprime et explique tout à la fois les mouvements d’expansion indo-européens (chap. VI-VII). D’une part, le fait que les langues occidentales ont en commun un ancien vocabulaire agricole (dit «du Nord-Ouest») dont certains éléments se retrouvent dans les langues orientales (ainsi lat. arô: tokh. A âre «charrue») paraît confirmer l’antiquité de l’agriculture; mais celle-ci ne paraît pas avoir eu le caractère aristocratique de l’élevage. Sans doute, il est normal — et l’opinion avait été émise par A. Meillet — que les expéditions en direction de l’Orient, ayant traversé de vastes régions steppiques qui se prêtaient mal à une économie agraire, aient à la longue perdu une partie notable de ce vocabulaire; en revanche un semi-nomadisme a introduit des termes nouveaux liés de près ou de loin à l’activité pastorale (comme le numéral pour «mille» inconnu en Occident). On peut pourtant se demander si, dans certains cas, M. Devoto ne tend pas à s’exagérer l’antiquité du vocabulaire du Nord-Ouest, où il entre des mots isolés et de caractère anomal comme le nom de la «pomme» (osq. Abella, v. h. a. apful, etc.) ou de la «fève» (lat. faba, ν. h. a. bôna, etc.) et d’autres indiquant des traditions techniques acquises en commun, à une date qui peut être post-néolithique, comme le nom du «timon» (lat. têmô, etc.). Il demeure probable que certains éléments de ce vocabulaire sont de date plus récente et résultent d’une expansion dans des régions encore non ou imparfaitement indo-européisées: ne pourrait-on songer par exemple à la civilisation des tumulus, au Bronze moyen?

    M. Devoto, dans plusieurs travaux antérieurs, a développé une théorie opposant un monde indo-européen «central», générateur d’innovations religieuses, économiques et sociales, à une périphérie vers laquelle seraient repoussés des éléments plus archaïques. Cette théorie, amplifiée, occupe le chap. VII. M. Devoto voit dans ces tendances révolutionnaires, de caractère essentiellement démocratique et collectiviste, l’une des causes profondes de la dislocation. Ce n’est pas à dire — le chap. VIII le montre abondamment — que des groupes archaïques déjà éloignés n’aient pu être rejoints plus tard par des groupes innovateurs, voire par des innovations lexicales isolées. M. Devoto pousse jusqu’au bout le principe de l’indépendance des isoglosses: les expéditions n’ont pas perdu tout contact avec la communauté restée sur place, non plus qu’avec d’autres groupes emigrants; et les communautés historiques représentent des synthèses, élaborées parfois tardivement, d’éléments porteurs de traditions non contemporaines. On reconnaît ici la fluidité des conceptions de l’école linguistique italienne, caractéristique notamment de M. V. Pisani. Mais si le principe est juste, et si cet assouplissement de la doctrine paraît historiquement nécessaire, l’application en est très délicate; il est à craindre que, sur ce point, la démonstration de M. Devoto ne suscite des résistances de la part des linguistes. On pourra trouver par exemple qu’il est accordé, d’une manière générale, trop d’importance aux isoglosses phonétiques, les faits de prononciation ayant une probabilité statistique beaucoup plus grande que les faits morphologiques. Et là même où l’idée générale paraît juste, il y aurait, dans le détail, des réserves à faire : ainsi, pp. 296 et 307, M. Devoto oppose à un nom animé *egni- du «feu», conçu comme une force agissante susceptible d’être personnalisée (cf. véd. Agnih), et maintenu dans les langues marginales, le nom inanimé, selon lui nouveau, *pür-, rattaché au verbe «purifier» (skr. punâti), conçu comme instrument de purification, et propre à l’aire centrale. Mais d’abord, on croira difficilement qu’un mot comme *pé∂2ur- n’appartient pas à la couche la plus ancienne du lexique, quand on considère qu’il apparaît en hittite avec une forme qui exclut un apport récent; car la conservation de la laryngale intérieure (pahkur, gén. pahhuenaš) semble exclure tout à fait qu’il n’ait pas été apporté en Anatolie par les premiers colons, autour de 2200/2000 av. J.-C. L’alternance r/n apparaît d’ailleurs dans des langues où l’analogie ne peut avoir joué aucun rôle, comme en germanique ou en arménien (hur «feu»: hn-oc «fourneau»). En outre, la forme *pe∂2- de la racine écarte tout rapprochement avec le groupe de skr. punâti où la racine a la forme *pew- (E. Benveniste, Orig. de la form des noms, p. 169).

    Le chap. VIII, par lequel se clôt le volume, en constitue en même temps la conclusion et l’aboutissement. L’histoire de chaque grande communauté de langue indo-européenne s’y trouve reconstruite à la fois sur le plan archéologique et sur le plan linguistique, et la synthèse originale que constitue chacune d’elles, étudiée dans ses diverses composantes: superstrats indo-européens, adstrats anti-indo-européens, substrat indigène. Le courage et la loyauté scientifiques de M. Devoto se révèlent ici pleinement; M. Devoto ne s’est pas dérobé à l’obligation de reconstruire la préhistoire de chaque nation, et d’affronter le jugement d’une multitude de spécialistes. Il tire ainsi les conséquences extrêmes de sa doctrine, il en éprouve le bien-fondé. Le chapitre tout entier est d’un très vif intérêt. Aussi sera-t-on tenté de discuter çà et là avec l’auteur. P. 373, hitt. tuzziaš «armée» est donné comme équivalent à got. þiuda, ombr. tota «cité, peuple», etc., à l’appui du caractère «central» du hittite: mais, dans un livre que M. Devoto ne pouvait connaître (Hitt. et i.-e., pp. 123-124), M. Benveniste a montré que le mot hittite ne signifie à l’origine que «camp», ce qui écarte le rapprochement; le même ouvrage comporte en revanche bien des connexions nouvelles avec l’indo-européen «marginal»: hitt. â- «être chaud», skr. anti-, antikä «foyer, four», ν. irl. áith «id.»; hitt. allaniya- «suer», v. irl. allas «sueur»; hitt. - «accepter pour véridique», lat. ô-men; h tt. hašša «foyer», osq. aasa, lat. âra, etc. Si les parlers anatoliens représentent avec le grec une tradition «centrale», la date très haute (avant 2.000 probablement) des migrations semble du moins exclure que les tendances innovatrices du monde central encore indivis aient eu le temps d’arriver à leur terme, et, tout en ne participant pas entièrement à l’archaïsme marginal, lexical et idéologique, de l’indo-iranien et de l’ensemble italique et celtique, le hittite et le mycénien demeurent archaïques de par leur date. J’hésiterais donc à mettre au compte d’innovations des termes comme hitt. watar (cf. myc. udo), myc. werege « Fέργει», etc.

    Ce qu’on sait de la société mycénienne cadre d’ailleurs mal avec un aménagement démocratique des institutions; comme semble le reconnaître implicitement M. Devoto p. 382, si l’ancien *rëg- y a disparu au profit de Fάναξ, ce n’est pas parce que, dans le monde central, le « roi » avait déjà perdu son caractère aristocratique, mais parce que les rois minoens avaient un tout autre caractère que les chefs de tribus des sociétés néo-chalcolithiques de l’Europe centrale. Ce qui est vrai du monde slave, baltique, germanique ou illyrien vers 1500, 1000 ou même 500 av. J.-C. et plus tard encore ne l’était pas nécessairement autour de 2500-2000 av. J.-C.

    Pp. 386-387 est à nouveau affirmée la théorie, due à M. Devoto et défendue du point de vue archéologique par M. M. Pallottino, d’une triple tradition à l’origine des peuples italiques. Sans engager ici une discussion approfondie de ces vues, archéologiquement défendables en effet, qu’il soit permis de présenter quelques remarques. Se baser sur le traitement des sonores aspirées pour établir une tripartition en «Protolatins» (cuit, des tombes à fosses), «Proto-Italiques» (Protovillanoviens, Vénètes) et Ombro-Sabelliens, c’est supposer que les traitements de l’époque historique étaient déjà ceux d’une protohistoire lointaine. Or, les traitements «protolatin» et sicule (Aetna), latin et vénète (aedês) et ombro-sabellique (Aefulae) peuvent présenter des stades divers d’une même évolution. Le fait que le vénète n’a pas participé au passage de la dentale à la labiale au voisinage de u, r, passage qui se conçoit mieux au stade spirant (cf. mon c. r. de G. Giacomelli, La lingua falisca, Latomus, XXIV [1965], p. 696), suffit à faire soupçonner que Latins et Vénètes étaient déjà séparés au moment où apparaissent les sonores. Et comment écarter ce stade spirant devant des faits comme wehô en face de uêxi , fingô ? Un mot comme figulus (de *ρίχ-εΙο-) ne montre-t-il pas que le -χ- avait encore une consistance au moment du passage de *-e- à -u- et que, par suite, la sonore intérieure du latin — et du vénète — est chose récente et résulte de répartitions délicates, propres à chaque dialecte? Le -t- de sicule Aίτνα, λίτρα ne peut-il vraiment être le témoin d’un très ancien *-th- «proto-italique» (ou, si l’on préfère, protovillanovien, cf. les découvertes récentes de Milazzo et de Lipari) qui tendait vers -t- au moment où les Grecs, vers le VIII-VIIe siècle, ont rendu ce phonème par -τ- et non par -Θ-?

    Ce très bel ouvrage, dont la correction typographique n’est pas loin d’être parfaite, est pourvu d’une illustration archéologique de haute qualité, et d’autant plus précieuse qu’il s’agit le plus souvent de documents rares, qu’il faudrait aller chercher dans des recueils spéciaux. Le linguiste aura par là, pour la première fois peut-être, une vision concrète des groupements culturels que reconstitue l’archéologie dans les aires intéressées par le problème indo-européen. Des cartes très précises permettent d’ailleurs leur constante mise en place. On ne négligera pas, enfin, l’important lexique, qui groupe par catégories concrètes (termes généraux, activités mentales, familles, techniques, etc.) près de 1000 racines ou lexemes, et dont l’heureuse disposition permet d’apprécier du premier coup d’oeil l’extension de chaque élément dans les diverses parties du domaine.

    * * *

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    Dans la vaste et longue enquête qu’il a menée à travers le monde indo-européen, il est un dossier, et l’un des plus volumineux, dont M. Devoto a confié l’étude à une élève: celui de l’histoire de l’habitat. M.lle Gianna Buti a courageusement entrepris ce sujet difficile et elle a tiré, de l’étude parallèle des textes, des faits linguistiques et archéologiques une monographie originale, dont il n’existait aucun équivalent, et qui complète opportunément les Origini indeuropee. On peut d’ores et déjà affirmer qu’avec ce très heureux essai l’autrice se place parmi les spécialistes d’un ordre d’études qui a jusqu’ici été l’apanage des archéologues: l’architecture comparée des peuples indo-européens.

    Une amicale préface de M. Devoto indique que, si le livre de M. S. M. Puglisi sur la civilisation apenninienne de l’Italie (paru dans cette même collection en 1959) marque, de la part d’un archéologue, une ouverture vers un échange fécond entre archéologie et linguistique, celui de M.lle Buti se veut une réponse du linguiste, aussi ouverte à cette même collaboration. L’ouvrage est richement illustré, et de belles planches, très originales, constituent un véritable album qui fait revivre l’histoire de l’habitat en Europe à travers l’espace et le temps.

    Quelques pages liminaires examinent des points de terminologie et de méthode, et témoignent d’une vision très claire des difficultés du problème. A cet égard, il est intéressant de voir la pensée d’un maître revue et exposée par un disciple. Bien entendu, Mlle Buti réaffirme qu’il n’existe pas proprement de «maison indo-européenne», mais qu’il n’y a que «des manières indo-européennes d’appeler les maisons communes à tout un milieu naturel et culturel», chaque manière de dénommer la «maison», soit comme construction, soit comme lieu d’habitation, soit comme siège de la famille, dénote en face du concept «maison» une attitude psychologique différente et révélatrice. Une première partie est consacrée à cette étude de sémantique historique, et examin successivement l’habitation en cavités rocheuses — qui n’a guère laissé de traces lexicales, sauf peut-être dans le groupe de v. isl. kot, kytia, etc. —; l’habitation à demi creusée dans le sol, typique des communautés du Néolithique et du Bronze — qui s’exprime par la racine *(s)keu- de germ, hûs, serbo-cr. kùca, etc., et dont des témoignages classiques (Virgile, Strabon, Vitruve) ont gardé le souvenir —; l’habitation construite (en bois) au niveau du sol — qu’exprimerait la rac. *dem- «construire», cf. v. isl. timbr «bois de construction» comparé à all. Zimmer.

    La seconde partie, fondée plus particulièrement sur les textes, étudie les problèmes de l’interprétation des faits: l’habitation dans la préhistoire indo-européenne, l’habitation dans la protohistoire de chaque peuple indo-européen en particulier (mondes indo-iranien, grec, etc.). On trouvera, p. 163, une curieuse carte donnant la distribution de la maison à atrium dans l’Europe centro-septentrionale.

    Une bibliographie soignée et des index linguistiques et archéologiques rendront les plus grands services.

    Les circonstances font que cette notice paraît au moment où M. Devoto vient de célébrer son soixante-dixième anniversaire et où, par suite, s’achève à Florence une carrière universitaire d’un éclat singulier. Les deux très beaux livres qui en sont le couronnement auraient sans doute mérité un recenseur moins pressé; du moins a-t-on essayé ici d’en faire saisir l’esprit, de mettre en lumière leur exceptionnelle puissance de reconstruction. Convaincants dans leurs démarches et séduisants dans la plupart de leur résultats, ils font grand honneur au talent et au dynamisme de M. G. Devoto et de son école.
    Jean Loicq http://euro-synergies.hautetfort.com/

    Notes

    (*) Giacomo Devoto, Origini indeuropee («Origines». Studi e materiali pubblicati a cura dell’Istituto Italiano di Preistoria e Protostoria), Florence, Sansoni, 1962, in-4°, xii-428 pp.; 74 figg. et XX pli. hors texte; à part, un fasc. in-4° paginé 425-521, 18.000 lires.
    Gianna Buti, La casa degli Indeuropei. Tradizione e archeologia (même collection), Florence, Sansoni, 1962, in-4°, 207 pp., 37 figg. et XVI pli. hors texte, 10.000 lires.

    (1) P. Bosch-Gimpera, Les Indo- Européens. Problèmes archéologiques. Préface et trad. de R. Lantier (Paris, 1961). Cf. J. Loicq dans R.B.PLH., XLI (1963), pp. 112 et suiv.

    (2) Les comparatistes parlent d’habitude de «pré-indo-européen»; mais ce terme n’est pas conforme aux emplois actuels du préfixe pré- chez les historiens, et évoque des réalités antérieures à l’indo-européisation. Le terme «proto-indo-européen», sans équivoque, paraît donc préférable.

    (3) Ceci n’implique pas, bien entendu, que l’on ne puisse supposer théoriquement l’existence, dès le Mésolithique ou le Pré-Néolithique de l’Europe orientale, par exemple, ou de régions encore situées plus à l’Est, de groupes d’hommes porteurs de dialectes se situant au début du continuum dont l’indo-européen conventionnel représente le dernier état avant le départ des premières expéditions «historiques»: une langue a toujours une histoire. Mais toute tentative de définition ou de localisation serait vaine, car il peut s’agir, à cette époque lointaine, de quelques tribus infimes possédant une culture matérielle identique à celle des tribus avoisinantes.

    * * *

    [Jean Loicq, Archéologie et linguistique historique. Deux ouvrages récents sur les origines indo-européennes. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 45 fasc. 1, 1967. Antiquité - Oudheid. pp. 86-96; de http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1967_num_45_1_2671].

  • Chypre : les épargnants paient à la place des spéculateurs

    Une des choses les plus mal comprises, dans la crise chypriote, est sans doute l’essentiel : à savoir sa cause principale, qui n’est autre que la spéculation contre la zone euro.

    Ce phénomène est si mal identifié, qu’on arrive aujourd’hui à faire passer l’idée qu’il serait légitime d’aller chercher dans les poches des épargnants ce qui a été pris aux banques par la spéculation massive contre la dette souveraine de la zone euro. Or les épargnants locaux n’ont aucune responsabilité dans cette affaire, et un transfert de richesses s’opère des populations vers l’élite sophistiquée, non régulée et non sanctionnée de la finance, en dehors de tout contrôle démocratique.

    Les épargnants chypriotes, dont les comptes de plus de 100.000 euros seront potentiellement taxés jusqu’à 50% ou 80%, vont en réalité payer pour compenser ce que des hedge funds ont pillé à la zone euro, trois ans durant. La crise trouve ses origines fin 2009, dans les attaques spéculatives anglo-saxonnes qui ont ciblé de manière concertée la zone euro, et qui ont coulé le pays voisin de Chypre, la Grèce, alors que les banques chypriotes détenaient de grandes quantités de dette grecque, comme l’explique clairement l’agence Standard & Poor’s.

    L’effondrement de valeur des obligations grecques détenues au bilan des banques de Chypre est bien la cause principale de la crise de solvabilité de ces banques. Ces obligations grecques s’étaient effondrées suite aux paris baissiers virulents des hedge funds, paris directement responsables de la hausse des taux d’intérêt grecs qui a provoqué la strangulation financière d’Athènes. En 2010, sur les 300 milliards de dollars que représentait la dette grecque, on recensait un volume disproportionné de 85 milliards de paris baissiers de hedge funds utilisant des Credit Default Swaps (CDS).

    Les porteurs d’obligations grecques, observant ce signal alarmant du marché des CDS, ont à leur tour vendu massivement, provoquant l’effondrement que l’on sait. La détérioration des dettes attaquées des petits pays a ensuite fragilisé les bilans des banques de la zone euro, y compris celles de Chypre.

    Entre 2009 et début 2012, des fonds comme Brevan Howard, Caxton Associates et GLG Partners ont gagné des sommes colossales sur ces paris contre la dette en euros. Fin 2011, trois de ces fonds ont généré 3 milliards de dollars en 2 mois seulement, en coulant par exemple la dette portugaise, et leurs gains représentaient la moitié de l’austérité que devra consentir le Portugal en 2013, ou de la somme que doit à présent trouver Chypre pour accéder à l’aide de l’UE.

    Pour avoir une idée de tout le pillage qui a eu lieu, il faudrait additionner tout ce qu’ont gagné, en pariant contre l’Europe, les fonds de Paul Tudor Jones, Soros Fund Management, Brigade Capital, Greenlight Capital et SAC Capital Management, mais aussi John Paulson, ainsi que les principales banques intermédiaires sur ces stratégies que sont Goldman Sachs, Bank of America et Barclays. Mais seuls quelques-uns de ces fonds dévoilent leurs stratégies et les profits qu’ils en tirent.

    En lisant la presse spécialisée financière, on comprenait tout de suite que les mêmes 5 milliards d’euros que le Portugal demandait aux Portugais d’économiser en 2013 étaient ceux que les fonds spéculatifs avaient raflés en 2011 en dégradant la dette du Portugal et de ses voisins. La totalité des gains arrachés sur le dos des Etats de la zone euro par ces raids baissiers dépasse l’entendement.

    Privés de dizaines de milliards par la spéculation qui a fait rage jusqu’à mi-2012 (quand la BCE l’a stoppée par sa politique « bazooka »), les gouvernements ruinés ne peuvent aujourd’hui que se tourner vers leurs populations, non coupables mais captives : les contribuables, les salariés, les retraités et à présent, les épargnants. Et l’ignorance au sujet du mécanisme (certes complexes) d’aspiration des richesses de la zone euro fait le reste…

    Bilan  http://fortune.fdesouche.com

  • Un siècle d'immigration galopante : Les "vrais" chiffres de l'invasion

    DANS son dernier livre Les Yeux grands fermés, l'immigration en France (1), Michèle Tribalat, directrice de recherche à l'Institut national d'études démographiques (lned), alerte le public contre le mépris des faits au nom de l'idéologie dont elle a été elle-même victime, cible d'une attaque d'Hervé Le Bras, chercheur également attaché à l'lned. Il accusait Mme Tribalat de conduire à la notion de « Français de souche » et, par conséquent, à la "xénophobie". « La démographie française est en passe de devenir un moyen d'expression du racisme » écrivait-il dans Le Démon des origines. Les mots qui tuent sont lâchés : "racisme", "xénophobie".
    Michèle Tribalat réunit dans ce livre des chiffres et des faits qu'il serait difficile de trouver ailleurs. Sa lecture devrait permettre à un citoyen de bonne foi de prendre ses distances vis-à-vis des inconditionnels d'une immigration réputée indispensable et bénéfique. Mais elle permettra également de faire mieux comprendre les mises en garde exprimées avec persévérance par le mouvement national, Front national en tête, sur les conséquences induites par l'installation de millions d'immigrés sur notre territoire. Et plus particulièrement sur les illusions du bilan positif de leurs apports.
    Michèle Tribalat n'hésite pas à affirmer que « l'immigration est sacralisée au point que le désaccord ne peut exister (...) les politiques eux-mêmes peuvent s'abstenir de révéler ou contrefaire certaines réalités, pratiquer la restriction mentale, plaider pour des politiques auxquelles ils ne croient pas, par crainte d'être suspectés de racisme et donc marginalisés, mais aussi par crainte de la réaction de la société ». On imagine les conséquences de la peur qui frappe les gouvernements, et leur soumission à la pression des associations spécialisées et des campagnes médiatiques qui les incite à dépenser des milliards en politique de la ville, en zones d'éducation prioritaire, par exemple, et à nier des évidences comme l'impact négatif de l'immigration sur les salaires dans certaines activités, sur l'économie, sur les budgets.
    UNE IMMIGRATION DE PEUPLEMENT
    Le titre de son livre est très explicite, l'immigration est abordée en France Les Yeux grands (sic) fermés. Notre pays, contrairement à ceux du Nord, ne connaît qu'approximativement le nombre des étrangers qui entrent ou sortent de France. Pourtant les sources ne manquent pas ; les rapports non plus. Un règlement européen relatif aux statistiques communautaire sur la migration a été adopté le 11 juillet 2007 : la durée de séjour d'un an et plus définit l'immigrant. L'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), fichier le plus fiable selon l'auteur, qui enregistrait la délivrance d'un premier titre de séjour en préfecture, ne connaît plus désormais l'immigrant que lors du renouvellement du titre. L'Insee, pour "estimer", au vrai sens du mot, les soldes migratoires annuels, introduit des « personnes fictives qui équilibrent l'équation comptable permettant de retomber sur la population attendue à partir d'un recensement et de dégager un solde migratoire ». Voilà pour la vérité des chiffres. Les soldes migratoires donnés par l'Insee sont en fait reconduits d'une année sur l'autre, avec une inflexion dans un sens ou dans l'autre. Prudemment, l'Insee utilise désormais le conditionnel... Aussi l'auteur conseille-t-il ironiquement à l'Insee d'inclure « dans ses publications un avertissement au lecteur : le solde migratoire publié n'a aucun caractère informatif. »
    Le nombre d'entrées au titre de travailleurs est dérisoire : en 2007, 7 500 personnes, soit 5 % de l'ensemble des flux. Ce qui ne signifie pas que les autres ne se présenteront pas sur le marché du travail. Ces chiffres confirment qu'il s'agit bien d'une immigration de peuplement. Toujours en 2007, le nombre d'étrangers ayant bénéficié de la protection humanitaire, qui va des réfugiés, statutaires ou non, aux étrangers malades représente 15 % (22 000). Ils étaient 36 000 en 2005.
    Enfin, et pour faire court, la majorité des personnes entrées comme conjoints de Français rejoignent une personne d'origine étrangère (Tunisiens, 63 %, Marocains, 66 %, Algériens, 81 %, comme les Turcs, 80 %). Autrement dit, ces mariages dits mixtes d'après la nationalité des époux sont la porte d'entrée de nouveaux étrangers et de futurs regroupements de « familles de Français ». Facteurs d'intégration, sûrement pas, de ralentissement de l'immigration, encore moins !
    LES ÉTATS-NATIONS ET LES POLITIQUES MIGRATOIRES
    Jusqu'aux années 1970, les étrangers venaient en France pour améliorer leur sort, la principale justification à leur installation était le travail, même si le regroupement familial a toujours existé. Depuis la fin de la guerre, les États ont été soumis à l'impératif des droits de l'homme en matière de politique migratoire. La Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950, ratifiée par la France le 3 mai 1974, interdit depuis 1963 les expulsions collectives ; depuis 1984, elle offre des garanties procédurales à l'expulsion et dispose dans son article 8 que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale », c'est-à-dire au regroupement familial. Dès lors, la France ne maîtrisait plus, comme par le passé, l'immigration au gré de ses besoins économiques. Les liens familiaux sont donc devenus le principal vecteur de l'immigration légale.
    En 1974, le président Giscard d'Estaing avait pourtant décidé de suspendre l'immigration. Le Conseil d'État annula l'interdiction portant sur le regroupement familial, ce qui poussa le gouvernement non pas à l'autoriser mais à le réglementer. L'arrêt du 8 décembre 1978 du Conseil d'État institua un « droit à mener une vie familiale normale » qui allait au-delà du simple fait d'être rejoint par un conjoint et des enfants. Il faudra attendre un arrêt du 19 avril 1991 pour que le Conseil d'État intègre explicitement dans sa jurisprudence l'article 8 de la Convention. La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'a pas reconnu de droit au regroupement familial au motif, de bon sens, qu'une vie familiale normale était également possible dans le pays d'origine. Et la Cour de justice européenne, dans les motifs de son rejet du recours du Parlement européen contre la directive 2003/86/ CE réglementant le droit au regroupement familial, a considéré que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant et la Charte des droits fondamentaux de l'UE « ne créent pas un droit subjectif pour les membres d'une famille à être admis sur le territoire d'un État et ne sauraient être interprétées en ce sens qu'elles priveraient les États d'une certaine marge d'appréciation lorsqu'ils examinent les demandes de regroupement familial ». Mais la gauche française, voulant plus, intégra dans la loi Chevènement du 11 mai 1998 un article 12 bis 70 visant à respecter l'esprit de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. L'article attribuait de plein droit un titre de séjour à l'étranger ne pouvant bénéficier d'un regroupement familial, mais « dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale disproportionnée au regard des motifs du refus ». Cela reste vrai dans la loi française actuelle (article 313-11-7), mais ces liens sont « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française, ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ». Conséquence de cette irresponsable générosité : « un nouveau régime migratoire qui se mettait en place, dans lequel les flux familiaux allaient s'auto-engendrer », regrette l'auteur.
    En France, l'étranger de 16 à 65 ans qui dépose un dossier de regroupement familial ou de conjoint de Français verra ses compétences en français et sa connaissance des valeurs républicaines évaluées. En cas d'insuffisance, il bénéficiera de cours gratuits. À l'issue de ces cours, quel que soit le niveau constaté, la délivrance  d'une attestation de suivi de cours lui permettra d'obtenir le visa souhaité. Difficile d'être plus laxiste ! 
    Les droits de l'homme surpassant le droit français, l'État est devenu impuissant à contrôler les flux migratoires. « L'État, régulateur des droits des citoyens, est devenu l'obligé d'étrangers revendiquant eux aussi des droits sur le sol français, indépendamment de la législation sur l'asile (...) Le pouvoir politique français a déjà perdu l'essentiel de la maîtrise de la politique migratoire, à la fois par l'intrusion croissante du contrôle judiciaire, national ou supranational, et par la délégation progressive de ses prérogatives à l'échelon européen. La régulation de l'immigration échappe donc au principe de responsabilité politique qui veut que les citoyens exercent un contrôle des décisions politiques par l'élection et déterminent, par là même, le destin de leur pays ».
    En outre, la gouvernance mondiale vise à enserrer l'action des États dans un ensemble de lois, règlements et normes internationaux. Cette gouvernance mondiale postule que les États d'origine, les États d'accueil et les migrants seront les triples bénéficiaires. « Le migrant devient ainsi la fée du logis mondial, susceptible de tout arranger, les comptes sociaux, la production de richesse, de savoir et de bien-être ».
    En 2006, la Banque mondiale évaluait à 160 milliards de $ la part apportée par la main-d'œuvre totale des pays industrialisés due à l'immigration. C'est bien peu, puisque cela correspond à seulement 1,2 % du PIB des États-Unis. L'ouverture à un monde plus grand est à la fois inévitable et désirable, persistent toutefois à penser les partisans d'une immigration planétaire.
    UNE PANACÉE OU UN BOULET ?
    Avec lucidité, Michèle Tribalat conclut : « On nous propose d'échanger un système démocratique cadré par les États-nations et les relations internationales, certes imparfait. contre l'utopie de la gouvernance mondiale émancipée du principe démocratique qui, comme toutes les utopies, fait chanter les lendemains (...) C'est la fin de la démocratie, telle que nous l'avons connue, qui suppose que les élus défendent les intérêts des citoyens (...) Ceux qui appellent au dépassement de l'égoïsme national ne se privent pas, dès qu'ils en ont l'occasion, de faire état des intérêts supposés des pays d'immigration à libéraliser leur politique migratoire (...) les mêmes qui n'hésitent pas à fustiger l'attitude égoïste des patrons jugés trop centrés sur leurs intérêts ne voient aucun inconvénient à les convoquer pour justifier un recours accru à l'immigration clandestine, qui permettrait d'éviter une inflation salariale (joli nom pour désigner la hausse des salaires) et maintenir ainsi des activités ,qui soit disparaîtraient, soit seraient délocalisées. L'argument démographique-vieillissement, langueur démographique dans les pays développés - est lui aussi régulièrement invoqué pour justifier l'intérêt de ces derniers à recourir plus massivement à l'immigration. »
    Mais ces arguments sont-ils pertinents ?
    En 2000 les Nations unies publièrent une étude prétendant définir le nombre de migrants nécessaires au maintien de trois indicateurs : la population, la population d'âge actif (15-64 ans), le ratio rapportant les 15-64 ans aux 65 ans et plus. La migration n'étant censée intervenir que pour éviter une diminution de ces trois indicateurs au cours de la période 1998-2050. Rien que pour le troisième objectif, pour le stabiliser à son niveau de 1995 (4,4), il fallait accepter une immigration annuelle de 1,3 million entre 2010 et 2025, puis de 2,4 millions entre 2025 et 2050, soit prés de 80 millions de migrants, et au total pour les trois indicateurs près de 87 millions de migrants ! Ainsi, les calculs de ces organismes supranationaux donnent aux inconditionnels de l'immigration des arguments pour affirmer que notre salut passe par l'arrivée de migrants toujours plus nombreux.
    Un chiffre intéressant tiré d'une étude réalisée par Mme Tribalat en 2005 : en France métropolitaine en 1998, l'immigration intervenue depuis 1960, toutes origines confondues, comptait déjà pour 18 % de naissance. Si les migrants participent à la croissance démographique, participent-ils à la croissance économique, et quel est leur taux d'emploi ? L'enquête Emploi de l'Insee de 2007 fournit les chiffres suivants : hommes immigrés de 15 à 64 ans, 67,7 % contre 69,1 % les natifs ; femmes immigrées, 46,9 % contre 61 % les natives. Selon les données du recensement de 2006, entre 25 et 54 ans, le taux d'emploi des hommes et des femmes immigrés est respectivement de 75 % et 53 %, contre 88 % pour les natifs, 77 % pour les natives. Si les taux d'emploi des enfants d'immigrés âgés de 15-64 ans ne sont pas connus, l'on sait que le chômage de certaines personnes d'origine étrangère est extrêmement élevé. « Toute perspective visant à faire de l'immigration un contrepoids aux effets du vieillissement devrait donc en tenir compte. Enfin, ces taux d'emploi moyens des immigrés font la balance entre certaines populations immigrées très bien insérées sur le marché du travail, qui ne seront pas à l'origine des flux d'immigration futurs (immigrés du Portugal, par exemple), et d'autres qui le sont beaucoup moins et qui proviennent de régions du monde qui continueront d'apporter des immigrants en France (Maghreb et Afrique noire par exemple) ». Au moins c'est clair.
    Les immigrés contribuent-ils, même marginalement, aux finances publiques ? La réponse de Mme Tribalat est sans ambiguïté : « Ce n'est pas dans l'amplification des flux migratoires qu'il faut chercher l'instrument de lutte contre le vieillissement démographique. (...) C'est plus la qualification que la quantité d'immigrants qui serait susceptible d'alléger les ajustements budgétaires rendus nécessaires par le vieillissement. » Ce ne sont donc pas les regroupements familiaux, qui iront en s'accélérant avec les mariages de Néo-Français avec des étrangères de même origine, qui augmenteront la contribution des étrangers aux finances publiques. L'argument, « ils paient des impôts » ressassé avec insistance par les immigrationnistes pour exiger la régularisation des clandestins n'est pas pertinent.
    Quelles sont les conclusions de Mme Tribalat ? « Le refrain sur la nécessité de l'immigration devrait avoir un peu moins de succès. il devrait devenir un peu plus difficile d'invoquer l'immigration pour payer les retraites de demain tout en s'offusquant de tout effort politique visant à sélectionner l'immigration en fonction de critères utiles à cet effet. (...) Mais, après tout, l'impact économique ne se réduit pas à son effet sur les finances publiques. »
    QUEL APPORT ÉCONOMIQUE ?
    L'immigration de masse ne sauvera donc pas le système des retraites français, surtout si elle est peu qualifiée, ce qui est le cas. Mais alors, pourquoi le gouvernement ne modifie-t-il pas sa politique migratoire? Eric Besson, qu'il est inutile de présenter, se félicitait récemment que la France soit « une terre d'accueil de l'immigration, avec 170 000 entrées légales d'étrangers chaque année. Mais elle doit rester une terre d'intégration ». Si elle « doit rester », c'est donc qu'elle ne l'est plus ! Néanmoins, la politique migratoire ne saurait changer que dans un sens, celui de l'histoire et donc dans le sens d'une plus grande ouverture. C'est ce qu'affirment les ONG spécialisées tels la Cimade protestante ou le Gisti et les partis d'extrême gauche. Mme Tribalat considère à l'inverse qu'il est déraisonnable de vouloir à la fois plus de migrants et une protection sociale accrue tant pour les natifs que les migrants. Elle remarque également que le Gisti se contredit en regrettant que l'ouverture des frontières aux migrants se fasse au profit de l'économie, alors que le libéralisme économique plaide en faveur de la libre circulation vantée pour son effet désinflationniste et de modération salariale. L'extrême gauche luttant alors contre les prolétaires. Est-ce inconscient ? Pas certain ! On comprend mieux pourquoi ces ONG favorables à l'immigration et les partis d'extrême gauche n'ont qu'un ennemi, le mouvement national et identitaire, seul réel défenseur du monde ouvrier, et de l'emploi.
    Quel est l'apport des immigrés à la richesse nationale produite ? Mme Tribalat met les pieds dans le plat : « Si, par exemple, les salaires sont rigides, il se peut que le marché du travail s'ajuste par les quantités et, donc, que le chômage augmente. Le gain net peut alors être "mangé" par les indemnités de chômage et se transformer en perte nette. » Pour le patronat évidemment, si les salaires n'étaient pas "rigides", tout irait mieux !
    En mai 2009, un rapport remis au ministre de l'Immigration par Gilles Saint-Paul critique la nouvelle politique axée sur les besoins économiques car elle aboutit à neutraliser les mécanismes de hausse naturelle des salaires « Ce mécanisme ne fonctionne plus, dès lors qu'une politique migratoire empêche le marché du travail de se tendre en augmentant le nombre de participants, dès que l'indicateur passe au-dessus d'un certain seuil. » Qui dira aux ouvriers et employés français que, sous des prétextes humanistes, des associations, les syndicats, les partis de gauche et d'extrême gauche, tous favorables à l'immigration, leur tirent dans le dos et servent objectivement le patronat et, au mieux, la stagnation des salaires, surtout pour « les segments les plus fragiles de la société » ?
    EN 1999 DÉJÀ, 14 MILLIONS D'ALLOGÈNES
    Ne souhaitant pas connaître les transformations démographiques engendrées par la présence de familles immigrées, souvent plus nombreuses que celles des natifs, les gouvernants français n'ont pas favorisé le développement d'outils statistiques au contraire de l'Allemagne, de l'Autriche, des pays scandinaves, des Pays-Bas. Et la Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) est vigilante quant à la divulgation de données relatives aux origines raciales et ethniques, ce qui la conduit à limiter les études sur les flux migratoires et l'origine de ceux-ci. « Il se trouve donc des statisticiens pour penser que compter peut être dangereux », ironise Michèle Tribalat qui fournit des chiffres relatifs à l'évolution de l'immigration en France métropolitaine.
    En 1999, immigrés, enfants d'immigrés (dont au moins un parent est immigré ou première génération née en France), petits-enfants d'immigrés (dont les deux parents sont nés en France et dont au moins un grand-parent est immigré) sont près de 14 millions, soit 24 % de la population recensée. De 1968 à 2005, la proportion de jeunes d'origine étrangère (au moins un parent immigré) est passée de 11,5 % à 18,1 %. La composition par origine a elle aussi beaucoup changé. En 1968, les jeunes originaires d'Europe du Sud représentaient 6,3 % contre 2,4 % d'origine maghrébine ; en 2005, les proportions sont inversées : 6,9 % sont d'origine maghrébine, 3% d'origine subsaharienne, 1,4 % turque et 2,6 % seulement originaires d'Europe du Sud.
    À la fin des années 1960, les plus fortes concentrations se trouvaient dans le sud et le nord-est de la France. En 2005, les plus fortes concentrations sont en Ile-de-France, Seine-Saint-Denis (57 %), Paris (41 %), Val-de-Marne (40 %), Val-d'Oise (38 %). Les jeunes originaires d'Europe du Sud ne dépassent pas 5 %. Plus d'un jeune sur dix est d'origine maghrébine, un sur cinq en Seine-Saint-Denis, une multiplication par près de trois en un peu moins de quarante ans. Quasi inexistante à la fin des années 1960 - moins de 0,5 % -, les Noirs africains constituent le sixième des 18-25 ans en Seine-Saint-Denis.
    On constate en outre un déplacement de l'immigration vers les départements de l'Ouest. En Maine-et-Loire, en 1968, un jeune sur cent était d'origine étrangère, un sur quatorze en 2005 ; à Angers la proportion est passée de 3 % à 16 %. En Loir-et-Cher, aux mêmes dates, la proportion passe de 4 % à 13 % ; à Blois de 5 % au tiers dont 80 % sont d'origine maghrébine, subsaharienne ou turque. À Blois, toute proportion gardée, il y a autant de Maghrébins qu'à Lyon (13 % environ), autant de Subsahariens qu'à Courbevoie ou dans le 12e arrondissement de Paris (autour de 8 %), presque autant de Turcs qu'à Mantes-la-Jolie (6 % et 6,7 %). Les trois origines réunies placent Blois à hauteur de Marseille et de Villeurbanne !
    Vingt communes dépassent une concentration de 60 % de jeunes d'origine étrangère, toutes en Ile-de-France, sauf Vaulx-en-Velin. À Grigny, en Essonne, 31 % des jeunes sont d'origine subsaharienne, trois fois plus qu'en 1990. Ce pourcentage avoisine ou dépasse 20 % à Evry, Les Mureaux, Stains, etc. En 2005, les jeunes allogènes sont respectivement dans les 10e, 18e, 19e et 20e arrondissements de Paris, 48 %, 55 %, 58 % et 49 %, ce qui les incite à se regrouper, sans contacts avec leurs contemporains "souchiens".
    À la ségrégation ethnique de fait, s'ajoute la ségrégation sociale. « Il n'est pas nécessaire de convoquer des sentiments xénophobes ou la discrimination, même si ceux-ci existent, pour expliquer les effets ségrégatifs, la seule addition de calculs individuels rationnels y contribue fortement », considère Michèle Tribalat. Ce sont par exemple le pourcentage d'élèves d'origine étrangère dans l'école, le collège ou le lycée, la valeur des biens immobiliers ou des loyers en relation directe avec le taux de pauvreté atteint dans un quartier, le taux de criminalité, ou plus simplement le désir partagé par chaque communauté de vivre avec des membres de sa communauté. « La "prime" accordée à la migration familiale, telle qu'elle existe aujourd'hui, favorise les courants migratoires déjà implantés et accumule les populations immigrées, et plus largement d'origine étrangère, dans les mêmes lieux. »
    LA TRAQUE DES PENSÉES DITES RACISTES ET XÉNOPHOBES
    Depuis le vote en juillet 1990 de la loi Gayssot réprimant le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a été chargée de la rédaction d'un rapport annuel sur le sujet. Conformément à la loi du 5 mars 2007 et au décret du 26 juillet 2007, la compétence de la Commission s'étend à la totalité des droits de l'homme : libertés individuelles, civiles et politiques ; droits économiques, sociaux et culturels ; domaines nouveaux ouverts par les progrès sociaux, scientifiques et techniques, ainsi qu'à l'action et au droit humanitaires. La commission, en plus de la présentation de son rapport, fait réaliser chaque année également un sondage par un institut privé, le CSA.
    Mais c'est quoi être raciste ? Les sondages de 2002, 2003, 2004, une véritable obsession, ont tenté de répondre à cette question, sauf que sondeurs et sondés ne répondent sans doute pas à la même interrogation, ce qui n'empêche pas la commission de tirer des conclusions pour coller une étiquette infamante à un certain pourcentage de la population.
    D'autre part, insinuer que « mieux connaître les apports sociaux, économiques et culturels de l'immigration » ferait reculer le racisme et les discriminations, c'est sous-entendre que ces apports sont forcément positifs et que le seul problème est la méconnaissance de cette vérité incontestable, alors que c'est faux.
    Comment justifier une question sur les races alors que l'on s'échine à nier leur existence et à disqualifier l'usage du terme ? En 2007, à la satisfaction probable des sondeurs, les Français l'ignoraient majoritairement : 60 % déclaraient que toutes les races humaines se valent ; 12 % que certaines races sont supérieures à d'autres (mais on ignore qui a osé formuler une telle affirmation - s'agit-il d'Européens ou non) ; 23 % que les races n'existent pas, apparemment 5 % n'avaient pas d'opinion !
    Ces sondages ne sont que manipulation de l'opinion. « L'acharnement mis à traquer les pensées racistes, xénophobes ou ethnocentristes joue aussi le rôle de caisse de résonance, maintenant le racisme au cœur de l'actualité, ce qui joue en faveur de l'activité des ONG subventionnées qui participent aux travaux de la commission. Après tout, tant que 80 % des personnes vivant en France estiment que le racisme est répandu, une lutte "vigoureuse", comme il est dit dans le sondage, reste un impératif », accuse Mme Tribalat qui souligne la volonté de I'Insee et de la Cnil d'ignorer la réalité en matière d'immigration.
    Ce sont pourtant les 14,5 % de croissance de la population étrangère qui expliquent presque en totalité l'augmentation de la population parisienne entre 1999 et 2006. En Seine-Saint-Denis, la population immigrée s'est accrue de 31 % quand celle des natifs ne progressait que de 1,4 % !
    Si les pages de la conclusion du livre ne constatent que l'aspect négatif de l'immigration sur l'économie et les budgets de la protection sociale en particulier, nous savons que son impact négatif est bien plus vaste, ne serait-ce qu'en matière d'enseignement, de délinquance, de culture et de mœurs, pour ne pas parler du métissage, élevé au titre de grande cause nationale.
    « Elles (les ONG favorables à l'immigration) doivent assumer que leur idéal passe avant le bien-être des Français et plus largement avec celui des habitants de la France. Que la détresse qu'elles veulent secourir nécessite la mise de côté des intérêts de ces derniers, lesquels se trouveraient ainsi dessaisis de leur pouvoir d'influer et de décider de l'avenir de leur pays. Dans une telle utopie, l'État est supposé mettre sur un pied d'égalité ses propres citoyens et les étrangers auxquels il a apporté sa protection d'une part et tout candidat à l'immigration d'autre part. En somme, devenir un gestionnaire parmi d'autres de la planète entière. On ne voit pas bien sur quelle base politique il pourrait s'asseoir et ce qu'il aurait encore à offrir. Une telle vision conduit à une dépolitisation absolue, l'État étant normalement censé gouverner au profit de ses citoyens, ces derniers disposant de la possibilité de congédier les gouvernants pour les remplacer par d'autres mieux à même de défendre leurs intérêts s'ils sont insatisfaits. (...) Le pire serait sans doute une absence de différenciation des partis sur la politique migratoire, laissant dans l'ombre des options partagées par un grand nombre de citoyens, dont le premier démagogue de talent venu pourrait s'emparer », conclut Michèle Tribalat. Or, justement, de l'UMP à l'extrême gauche il n'y a pas de différenciation. Et le démagogue de talent n'existe pas.
    Pierre DERPLAY. Écrits de Paris octobre 2010
    (1) Editions Denoèl, 300 pages, 20 €.

  • UNION EUROPÉENNE Fatalisme immigrationniste

    Un rapport du Comité économique et social européen vient de le confirmer : en réponse au vieillissement de la population, les élites en sont réduites à promouvoir une immigration accrue.
    C'est un rapport assez hallucinant qui a été adopté par le Comité économique et social européen (CESE) les 15 et 16 septembre 2010 et publié au Journal officiel de l'Union européenne du 15 février 2011, sur le thème du « rôle de l'immigration légale dans un contexte de défi démographique ». Le seul titre du document est édifiant !
    Jargon technocratique
    Cet « avis exploratoire » est révélateur de l'état d'esprit des élites européennes ainsi que de la coupure entre elles et les peuples d'Europe. On peut notamment y lire « qu'il est nécessaire d'adopter une approche holistique pour faire face au défi démographique, en agissant sur de nombreux aspects économiques, sociaux et politiques ». On appréciera l'emploi du terme « holistique », à rattacher au procédé technocratique de tournures jargonneuses qui rend la compréhension par le profane plus complexe. « Approche globale » eût été sans doute plus approprié si ce rapport avait été adressé aux principaux intéressés (les peuples d'Europe.)
    Et de continuer : « L'immigration légale fait partie de la réponse de l'UE à cette situation démographique. [...] En dépit de quelques différences nationales, l'UE et les États membres doivent disposer d'une législation ouverte qui permette une immigration pour raisons de travail au travers de canaux légaux et transparents, tant pour les travailleurs hautement qualifiés que pour les activités moins qualifiées. Compte tenu du défi démographique, le CESE est d'avis qu'il faut modifier les directives en vigueur et élaborer de nouveaux instruments législatifs. » On en revient au raisonnement assez calamiteux et faux selon lequel face au vieillissement de la population européenne, la seule solution serait l'augmentation de l'immigration.
    Approche partielle
    Peu importe, donc, que les immigrés, qui arrivent déjà en nombre sur notre continent, ne constituent pas une « force d'appoint » ayant pour finalité de « rajeunir » la population, mais, au contraire, en forment une nouvelle qui s'y substituera. Les Européens ne sauraient se définir uniquement en termes de retraités ou d'actifs : l'Europe est une civilisation, une mosaïque de cultures, une identité, une spiritualité... Les immigrés y arrivent en masses telles que, loin de s'y intégrer, ils importent avec eux leur modèle de vie et leur culture, bien éloignés du modèle européen. Or, concevoir les Européens en simple force de travail dont on peut palier le vieillissement par une simple substitution d'individus venus d'autres continents, c'est bien là une approche purement matérialiste et économique des choses, une conception abjecte de l'homme réduit au simple état de "ressource humaine".
    Il existe d'autres solutions face au déficit démocratique : politique nataliste, mécanisation de l'industrie, recul équitable de l'âge de la retraite, rationalisation et amélioration des formations professionnelles... À croire que, pour les auteurs de ce rapport, l'immigration en Europe n'est pas source de déracinement, de crise identitaire profonde, d'insécurité, de frictions communautaires... Deux récents sondages, plaçant le candidat d'extrême droite, Marine Le Pen, en tête du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, auraient peut-être dû alerter les technocrates européens. Il n'en est rien puisque ce rapport, prenant les devants, évacue la question d'un simple revers : « L'intolérance, le racisme et la xénophobie contre les immigrants et les minorités prennent de l'ampleur en Europe. Il faut que les responsables politiques, les dirigeants sociaux et les médias fassent preuve d'un sens élevé des responsabilités et d'une grande pédagogie politique et sociale pour prévenir ces attitudes. Il faut aussi que les institutions de l'UE agissent de manière décidée et que les organisations de la société civile soient très actives dans la lutte contre ces idéologies et ces comportements. » Tout un programme dont la nature authentiquement orwellienne peut faire frémir ! Non seulement les inquiétudes, bien légitimes, des citoyens européens face à l'immigration sont réduites à de simples manifestations « d'intolérance » et de « racisme », mais ce rapport appelle les politiques et les institutions à un travail de « pédagogie », doux euphémisme signifiant "propagande", quand il ne s'agit pas d'un arsenal législatif répressif et liberticide.
    Populisme
    Un tel rapport ne peut que susciter l'indignation. Pas de surprise ainsi à constater jour après jour ce que Éric Zemmour appelait « la montée tranquille des droites populistes en Europe » dont l'Histoire nous a pourtant si souvent montré qu'elles n'apportaient aucun remède aux maux qu'elles prétendaient combattre. Elles s'incarnent aujourd'hui dans l'imaginaire de nombre de gens, comme le dernier bastion. Un bastion plein de promesses vengeresses des damnés du rêve européen qui aura tout raté. Un gâchis dont l'oligarchie républicaine est pleinement complice... mais dont le contrecoup – insécurité, terrorisme, repli communautaire, destruction du tissu social, islamisation – sera intégralement subi par les jeunes générations d'Européens et par leurs enfants.
    Stéphane Piolenc L’ACTION FRANÇAISE 2000  Du 17 mars au 6 avril 2011

  • Étienne Chouard : “Nous sommes impuissants à régler nos problèmes”

  • Olivier Delamarche : « Il faut que le mouton se tienne tranquille »

    Olivier Delamarche, du groupe Platinium Gestion, le 02 avril 2013 sur BFM Radio, met les points sur les i, dans l’émission “Intégrale Placements“, face à Guillaume Sommerer et Cédric Decoeur.

    « C’est beaucoup plus facile de tondre quelqu’un qui ne bouge pas, que quelqu’un qui est en pleine panique – Restez tranquilles le temps qu’on aiguise les couteaux et qu’on vous tonde – Suicidons-nous très vite, ça règlera les problèmes. »

    http://fortune.fdesouche.com/