Europe et Union européenne - Page 906
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La Grèce en crise : relocalisation et nouvelles solidarités
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Ukraine: le texte de la Déclaration de Genève (jeudi 17 Avril 2014)
Ci-joint, une traduction de la Déclaration de Genève (1), adoptée, le jeudi 17 Avril 2014, par les États-Unis, la Russie, l’Union européenne et l’Ukraine.
« La réunion de Genève sur la situation en Ukraine a convenu d’étapes initiales concrètes pour désamorcer les tensions et rétablir la sécurité pour tous les citoyens .
Toutes les parties doivent s’abstenir de toute violence, intimidation ou provocation. Les participants ont fermement condamné et rejeté toutes les expressions d’extrémisme, de racisme et d’intolérance religieuse, y compris l’antisémitisme .
Tous les groupes armés illégaux doivent être désarmés; tous les bâtiments occupés illégalement doivent être restitués à leurs propriétaires légitimes; toutes les rues, places et autres lieux publics occupés illégalement dans les villes ukrainiennes doivent être évacués.
Une amnistie sera accordée aux manifestants et à ceux qui ont quitté les bâtiments et autres lieux publics et remis les armes, à l’exception des personnes reconnues coupables de crimes capitaux.
Il a été convenu que la mission spéciale de surveillance de l’OSCE devrait jouer un rôle de premier plan en aidant les autorités ukrainiennes et les collectivités locales dans la mise en œuvre immédiate de ces mesures de désescalade partout où elles sont le plus nécessaires, à commencer dans les prochains jours. Les États-Unis, l’Union européenne et la Russie s’engagent à soutenir cette mission, y compris en fournissant des observateurs.
Le processus constitutionnel annoncé sera inclusif, transparent et responsable. Il comprendra l’établissement immédiat d’un large dialogue national, ouvert à toutes les régions de l’Ukraine et groupes politiques, et permettra la prise en compte des commentaires du public et des amendements proposés.
Les participants ont souligné l’ importance de la stabilité économique et financière en Ukraine et serait prêts à discuter d’un appui supplémentaire lorsque les étapes ci-dessus sont mises en œuvre. »François d'Alançon
(1) http://eeas.europa.eu/statements/docs/2014/140417_01_en.pdf
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Il est demandé aux candidats aux élections européennes de prendre position
Entre le 22 et le 25 mai 2014 les européens sont appelés à élire leurs députés.
Or l’année 2013 a révélé l’émergence d’une génération active qui a pris conscience des régressions induites, en ce qui concerne les droits fondamentaux de la personne humaine, par la prédominance culturelle et politique d’une idéologie libérale/libertaire.
La société civile a décidé de se réapproprier le champ du politique et d’agir directement à travers les outils de démocratie participative rendus possibles par les avancées technologiques.
C’est ainsi que CitizenGO relaie l’initiative lancée par la fondation Novae Terrae, aux côtés de plus de 30 ONG européennes (parmi lesquelles La Manif Pour tous Italie, La Fondation Lejeune , Cercle Montalembert, Femina Europa, European Center for Law and Justice, Collectif Pour l’Enfant, Printemps Français), par laquelle il est demandé aux candidats aux élections européennes de prendre position, en toute clarté, sur ces droits fondamentaux que sont :
- Le droit à la vie, sans restriction liée à l’âge, au stade de développement ou à l’état de santé,
- Le droit de l’enfant à connaître son père et sa mère et à être élevé par eux
- Le droit à l’exercice libre de sa conscience, le droit à l’objection de conscience, le respect de la liberté religieuse, d’où découle le droit pour les parents d’élever leurs enfants conformément à leurs convictions
Tous ces droits ne peuvent être exercés si par ailleurs ne se développe pas une politique de justice sociale, de lutte contre la précarité et l’exclusion, de soutien effectif aux populations les plus fragiles.
C’est pourquoi il est demandé aux candidats aux élections européennes de signer le manifeste Novae Terrae et de s’engager, dans le cadre de leur mandat, à agir en faveur de ces droits fondamentaux. Le nom des candidats ayant signé le manifeste sera publié sur le site de la fondation Novae Terrae, ce qui vise à restaurer le sens de la responsabilité politique et à permettre aux électeurs de voter en toute connaissance de cause.
CitizenGO a lancé lundi une campagne de promotion de cette initiative en 7 langues. Forte de sa base de données de près d’ 1 000 000 de citoyens à travers le monde, CitizenGO est capable de mobiliser en quelques heures des centaines de milliers de citoyens européens. Ces derniers mois CitizenGO a contribué au succès des grandes mobilisations citoyennes ayant permis le rejet des rapportsEstrela, Zuber et Bauer, dont l’esprit et la lettre violaient gravement plusieurs de ces droits fondamentaux.
Les électeurs informés et vigilants veulent des élus aux convictions affirmées.CitizenGO travaille ainsi à la promotion des grands principes de notre civilisation européenne et au renforcement de la démocratie.
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Les conditions de l'autonomie des citoyens dans les communautés d'autodéfense
La nébuleuse citoyenne apparaît largement désarmée. Par conséquent, comment faire face aux autres archétypes qui représentent des formes de pouvoir oligarchique ? C’est ici qu’il faut traiter de cet élément clef de la liberté d’action qu’est la capacité de décision. La référence faite précédemment à la notion d’autonomie ainsi qu’à la démocratie comme société secrète nous ouvrent la voie et fournissent un début de réponse : compte tenu du besoin d’échapper au diktat des contre-pouvoirs, on retrouve en effet l’idée première « prendre son destin en main », en l’espèce la capacité de garantir soi-même ses propres conditions d’existence et de décisions. De tout temps, les groupes humains confrontés à des situations semblables ont eu recours à des formes de solidarités de base : nous parlons ici de coopérative (sans nécessairement faire référence au concept juridique) et à son idée directrice, c’est-à-dire la mise en commun de certaines ressources indispensables à la survie desdits groupes.
Le cas des Acadiens au Canada, est un exemple particulièrement éclairant à ce propos. Il s’agit d’une population qui, d’abord, est chassée de ses terres et victime d’une déportation au 18ème siècle, suite à la perte par la France de ses possessions canadiennes. Au prix d’énormes sacrifices, cette population parvient à se reconstituer au cours du 19ème siècle, à s’établir sur de nouvelles terres où elle tente de reprendre une vie normale. Ayant alors comme activité principale la pêche, elle tombe cependant rapidement sous la coupe des entreprises anglaises à qui les pêcheurs acadiens sont tenus de remettre le fruit de leur pêche, en échange de bons d’achat dans les magasins desdites entreprises. Evidemment, les bons s’avèrent insuffisants pour couvrir les besoins vitaux de la population et celle-ci s’endette rapidement. C’est dans ces circonstances particulièrement difficiles que le mouvement coopératif va jouer pour les Acadiens le rôle d’un véritable projet de société à la fois fédérateur et identitaire. La population acadienne parvient en effet non seulement à se maintenir, mais à reconquérir son autonomie grâce au système des coopératives. A travers le mouvement coopératif – développé sous la houlette de l’Eglise catholique et de son clergé – les Acadiens réussissent à secouer cette tutelle économique et à reprendre leur destin en main, la création de petites entreprises autogérées et autofinancées (alimentation, machines, outils, épargne) permettant d’assurer les besoins de base de la population et de ne plus dépendre du monopole des grandes entreprises anglaises.
Plus récemment au Mexique, dans un pays ravagé par la corruption et la guerre que se livrent les gangs de narco-trafiquants, certaines communautés redécouvrent les vertus d’une solidarité de « type acadien ». Dans certaines bourgades en effet, les citoyens se sont réunis en groupe d’autodéfense afin de garantir la sécurité locale. Equipés de radios et de jumelles, ils observent les allers et venues et signalent immédiatement tout événement suspect, contraignant de ce fait la police (souvent corrompue) à faire son travail : « En cas de mouvement suspect, ses 200 membres se disent capables de bloquer les quatre issues [du bourg] en moins de cinq minutes ; à la moindre alerte, reliés en permanence par talkie-walkie, les voici qui interrompent leur travail ou sautent du lit dans l’instant, puis se ruent en direction du supposé criminel, un voleur de poule, un cambrioleur, un bandit de grand chemin, un ravisseur... » En surveillant ainsi leurs localités, ces citoyens évitent que les gangs ne viennent s’y installer, rétablissant de la sorte la paix et la tranquillité dans les rues. Il est évidemment encore trop tôt pour pouvoir juger de la validité et de la durabilité de ces expériences mexicaines. Mais, d’ores et déjà, certains aspects sont frappants et renvoient aux considérations précédentes sur l’autonomie et la démocratie comme société secrète en réponse à la voyoucratie. Les groupes d’autodéfense pratiquent en effet la culture du secret, ne communiquant par exemple entre eux qu’à travers des noms de code : « Nous fonctionnons comme une société secrète, la moindre indiscrétion peut nous être fatale. » Et leur motivation est précisément celle d’une réponse à l’Etat-voyou : « On s’est mobilisés car nos institutions, pourries de l’intérieur, ne peuvent nous protéger... »
« Prendre en main sa propre sécurité » représente un levier intéressant pour « prendre son destin en main » et retrouver, de ce fait, une première forme de res publica (au sens développé dans le livre de Bernard Wicht, en particulier au moment où le déclin de l’Etat-nation met fin à la citoyenneté). Or, on constate précisément que les exemples susmentionnés présentent le modèle d’une sécurité re-pensée à l’échelon local, à savoir au niveau communal, au niveau du quartier urbain ou de la petite communauté politique. Avec une telle conception de la sécurité, le groupe d’individus concernés – le sujet collectif – peut à cette échelle reprendre influence sur la réalité, sur les facteurs qui déterminent son environnement – autrement dit, l’autonomie telle qu’envisagée plus haut. On peut considérer ainsi la renaissance d’une forme de démocratie de base par laquelle une communauté commence à prendre en charge la gestion de ses propres affaires, cette communauté retrouvant par là même l’esprit d’entreprise, voire l’esprit des pionniers. C’est pourquoi on parle ici de levier au sens où l’entendait Max Weber à propos des groupes en armes à l’origine du capitalisme en Europe. En ce sens, l’exemple acadien tend à montrer que la dimension économique est une composante déterminante de l’autonomie et que couplée à un système d’arme adapté, elle débouche sur une réelle liberté d’action. L’articulation des nouvelles formes d’organisation militaire (outil militaire + puissance financière) vient confirmer cette analyse. En conséquence, la formule définissant la liberté d’action de nos jours pourrait bel et bien être :
CAPACITE ECONOMIQUE + SYSTEME D’ARME = LIBERTE D’ACTION
La capacité économique se comprenant soit du point de vue financier comme l’indique la révolution militaire en sous-sol, soit sous forme d’une coopérative garantissant une indépendance économique minimale. Constatons au passage combien on s’éloigne ainsi du modèle occidental de la guerre et du paradigme étatique moderne considérant les armées comme de simples instruments que l’on entretient et utilise au gré des circonstances. Au contraire, dans la perspective présentée ici, l’outil militaire n’est pas une simple forme d’organisation ; il tend vers un projet de société associant les individus et leur mode de vie.
Bernard Wicht, Europe Mad Max demain ? Retour à la defense citoyenne
http://www.oragesdacier.info/2014/05/les-conditions-de-lautonomie-des.html
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UE : qui parlera des institutions ?
A l'approche des élections européennes, le débat (et c'est un bien grand mot) sur l'Union européenne demeure d'une pauvreté angoissante. Et ce n'est pas la tribune de François Hollande dans Le Monde qui viendra le rehausser. Il faut dire que même les européistes convaincus ignorent à peu près tout du fonctionnement complexe (et le terme est faible) de l'Union européenne (mais qui peut vraiment s'y retrouver ?), entre le rôle de la Commission, du Conseil européen (regroupant les chefs d'Etats), celui du Conseil des ministres de l'UE, du Parlement européen, de la Banque centrale européenne, de la présidence tournante de l'UE, du président du Conseil, et de toutes une pléthore d'institutions à commencer par la Cour de justice, le Comité des régions, la Cour des comptes, etc. etc.
Et François Hollande, qui a approuvé tous les traités créant cette institution pléthorique, diluant les responsabilités, confisquant la souveraineté des Etats, empiètant sur nos libertés, bafouant le principe de subisdiarité, ose écrire :
"Il y a en effet une vision minimale, commerciale, « apolitique » de l'Europe, qui ne voit en elle qu'un marché, qu'un espace monétaire sans gouvernance, qu'une somme de règles et fait de l'Union une entité sans âme et sans autre projet que celui d'accueillir les candidats qui frappent à sa porte. Ses promoteurs veulent bien de l'Europe à condition qu'elle rase les murs, réduise son budget, abaisse ses ambitions politiques. Compliquant ses institutions à force de les brider, ils rendent l'Union illisible et lointaine. Pour eux, l'abstention des citoyens n'est pas un problème, ce sera même une solution pour ne rien changer !
A cette Europe de la dilution, j'oppose l'Europe de la volonté. Celle qui agit là où on l'attend, qui clarifie ses modes de décision, allège ses procédures, avance plus vite avec les pays qui le veulent, se concentre sur les défis à venir."
François Hollande joue du pipo : clarifier les modes de décisions et alléger les procédures de l'UE, c'est remettre en cause les traités de l'UE. Il n'y a pas d'autre solution.
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L'Union européenne, une "machine à punir" qui ne fait plus rêver :
Dans Le Monde Diplomatique du mois de mai, Serge Halimi n'y va pas avec le dos de la cuillère et assène quelques vérités embarrassantes pour les croyants en l'Union européenne, en particulier ceux qui se veulent de gauche : « Qu'est devenu le rêve européen ? Une machine à punir. A mesure que le fonctionnement de celle-ci se perfectionne, le sentiment s'installe que des élites interchangeables profitent de chaque crise pour durcir leurs politiques d'austérité et imposer leur chimère fédérale. (…) L'Union ne cesse de rabrouer les Etats qui n'ont pas pour souci prioritaire de réduire leur déficit budgétaire, y compris quand le chômage s'envole. (…) En revanche, quand un nombre croissant de patients européens doivent renoncer à se faire soigner faute de ressources, quand la mortalité infantile progresse et que le paludisme réapparaît, comme en Grèce, les gouvernements nationaux n'ont jamais à redouter les foudres de la Commission de Bruxelles. Inflexibles lorsqu'il s'agit de déficits et d'endettement, les « critères de convergence » n'existent pas en matière d'emploi, d'éducation et de santé. »
Effectivement, on ne peut lui donner tort, car les réalités sociales de plus en plus dures des pays de l'Union sont désormais devenues un motif d'angoisse pour nombre de nos compatriotes : il y a quelques mois, l'hebdomadaire Marianne titrait sur « cette France qui se tiers-mondise ! », et demandait instamment au président Hollande : « Regardez autour de vous », en espérant une hypothétique réaction... qui n'est pas venue !
Bien sûr, la construction européenne n'est pas coupable de tout, et l'appauvrissement des pays d'Europe s'inscrit dans le processus plus large d'une mondialisation qui, depuis quelques années déjà, prend les formes inquiétantes d'une crise économique pour nous quand les puissances émergentes (déjà émergées pour certaines d'entre elles), les multinationales de plus en plus globales et de moins en moins « nationales », les actionnaires des précédentes en sont les principaux bénéficiaires. Mais cette construction européenne qui se vantait d'être la condition de la prospérité maintenue et à venir encore pour les populations européennes n'a pas préservé celles-ci des vents mauvais de la cupidité et de l'égoïsme des Puissants et des Très-Riches : délocalisations, désindustrialisation, déshérence sociale... sont le lot de la France comme de ses partenaires européens, de manière néanmoins différente selon les potentialités mais aussi (et surtout, sans doute) selon les stratégies des Etats face à cette nouvelle donne internationale qui privilégie la gouvernance économique aux gouvernements du Politique, malheureusement.
En tant que puissance fondatrice de l'Union européenne (née sous d'autres noms et d'autres aspects dans les années 50), la France aurait pu (et pourrait encore...) jouer un rôle beaucoup plus social et protecteur des populations, des communautés et des entreprises en Europe : mais, si cela a pu être le cas à certains moments de la construction européenne, il faut bien reconnaître que cela ne l'est plus, comme si notre pays avait reculé devant la difficulté d'affirmer une autre voie que celle du renoncement politique et de sa soumission aux seules lois du libre-échange et du Marché...
Lorsque le général de Gaulle claironnait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille» (la Bourse, qu'il n'aimait guère parce qu'il se méfiait du pouvoir de l'Argent), il reprenait la vieille politique capétienne d'indépendance à l'égard des financiers et il montrait une voie que l'Europe aurait pu suivre si elle n'avait été pensée et, en fait, cornaquée par des hommes d'affaires et des technocrates plutôt que par des penseurs politiques ou des hommes d'Etat au double sens du terme... Un Jean Monnet ou un Johan willem Beyen préféraient les salons et les dîners d'affaires plus que les rigueurs de l'action politique ouverte et parfois ingrate, mais surtout dangereuse pour les intérêts qu'ils défendaient : leur conception d'une « Europe d'abord économique » et d'un libre-échangisme sans frontières a ouvert la voie à ces puissances d'argent qui s'y sont engouffrée sans bouder leur plaisir ! Se plaindre ensuite, comme le font certains socialistes, de l'impuissance de l'Union européenne face aux multinationales ou aux banques quand on se réfère à ces « Pères de l'Europe » et quand on a renoncé au moyen du Politique pour dominer l'Economique n'est guère crédible …
Ainsi, « la machine à punir » que dénonce Serge Halimi avec grande raison doit être déconstruite, non pour faire place au vide, mais pour rendre aux Européens et aux Français les moyens de reprendre leur destin en mains, à travers les Etats qui restent, à ce jour, « le Politique en actes » et la meilleure protection, s'ils sont libres, déterminés et justes, pour les citoyens. Et là aussi, il y faudra une refondation éminemment politique de l'Etat, refondation qui passe, en France, par la décision et la continuité monarchiques...
Jean-Philippe Chauvin
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Françoise Bonardel au colloque d'Éléments : La crise de l'identité culturelle européenne
La philosophe Françoise Bonardel nous fait l'honneur de nous confier le très beau texte de sa conférence «La crise de l'identité culturelle européenne» donnée le 26 avril 2014, lors du colloque organisé par la revue Éléments. Élève de Gilbert Durand, agrégée et docteur d'Etat, Françoise Bonardel est professeur de philosophie des religions à la Sorbonne. Rédactrice en chef de la revue Connaissance des religions (2002-2006), elle vient de faire paraître Antonin Artaud ou la fidélité à l'infini (éditions Pierre-Guillaume de Roux).
De gauche à droite, lors du colloque de la revue Éléments : Magali Pernin, Éric Maulin, Patrick Péhèle, Françoise Bonardel. ©Photo-Revue-Éléments.La notion d’«identité culturelle européenne», déjà en soi difficile à définir, est aujourd’hui mise à mal tant par les faits eux-mêmes (déculturation massive, multiculturalisme) que par l’idéologie du mainstream imposant à l’échelle planétaire la domination d’un unique courant, fabriqué pour être influent mais sans plus aucun rapport avec la formation (Bildung) de l’être humain, nommée en Europe « culture ». Aussi vais-je probablement soulever nombre de questions qui risquent de rester sans réponses claires et précises, rassurantes au regard de l’inquiétude légitime que peut susciter l’état actuel de l’Europe, durablement marquée par les deux guerres mondiales dont elle a été l’épicentre, et depuis lors minée par une défiance envers soi-même allant parfois jusqu’au reniement. On a le sentiment qu’à force de s’entendre dire qu’elle est « vieille », l’Europe a fini par y croire et par se comporter comme telle : « C’est une absence de sol abyssale [...] qui a pris possession des Européens, une absence qui s’exprime dans l’obsession de faire bonne figure en chute libre et de maintenir, avant une fin que l’on ressent comme imminente, l’apparence de la belle vie », constate Peter Sloterdijk1.
Mais peut-on véritablement parler de « culture européenne » comme si cela allait de soi alors qu’indépendamment du multiculturalisme, de confection récente, l’Europe est de fait composée d’une mosaïque de cultures en qui s’expriment l’histoire, la sensibilité et la créativité propres à chacun des pays européens ? Quelles sont par ailleurs aujourd’hui les limites – géographiques, politiques, culturelles – d’une Europe dont la physionomie semble à la fois de plus en plus rigide, si l’on se réfère aux dictats de Bruxelles, et de plus en plus floue, indécise, incertaine dès qu’on tente de saisir quelle « identité » est encore ou sera dans le futur la sienne face aux autres continents et puissances ? C’est donc à mon sens en-deçà de ces différences qu’il faut tenter de restituer à l’Europe ce qu’elle possède en fait déjà mais dont elle semble avoir perdu la mémoire : une unité fondée non pas sur des intérêts économiques communs ou des peurs partagées, mais sur une certaine idée de la culture et surtout des comportements qu’elle implique dans l’espace public et privé ; espaces qui, pour être distincts, n’en étaient pas moins jusqu’à ces dernières décennies reliés par une exigence de cohérence et de continuité propre à l’homme cultivé. Or, un des traits de la crise actuelle est justement de brouiller les limites entre ces deux sphères.
Certaines identités seraient-elles donc plus respectables que d’autres ?
De plus, toute réflexion sur l’identité est aujourd’hui suspectée non seulement de figer une réalité éminemment malléable, et donc évolutive, mais plus encore de favoriser le rejet de l’Autre, devenu une sorte de sur-moi rappelant en permanence à l’homme européen ses devoirs en matière d’altérité, au cas où il serait tenté de les oublier. Telle est en effet devenue, depuis la fin de la dernière guerre et la liquidation des possessions coloniales, la hantise des Européens traumatisés par l’impuissance d’une culture, parmi les plus évoluées du monde, à repousser la barbarie nazie. Un raisonnement simpliste voudrait alors qu’en débarrassant la culture européenne de toute référence identitaire et de toute attache ressemblant de près ou de loin à un enracinement; en la simplifiant à l’extrême et la rendant consommable par n’importe quel être humain, on se prémunisse contre une possible rechute de la civilisation dans l’inhumain ; personne ne sachant pour autant comment ce double déficit, en matière d’identité et de culture, pourrait se transformer en garde-fou. Je rejoins donc sur ce point Jean-François Mattéi, dont je salue ici la mémoire : « Il faut bien qu’il y ait dans la vie des cultures comme dans la vie des hommes, sauf à se perdre dans une totale confusion, des identités vécues qui prennent conscience de ce qu’elles sont et par rapport auxquelles des altérités se définissent. [...] On aura beau exalter l’Altérité aux dépens de l’Identité, on ne réussira qu’à renforcer, en inversant les rôles, l’identité de la première au détriment de l’altérité de la seconde. »2
On ne se prive pas, par contre, d’attirer l’attention des peuples européens sur leur identité économique de consommateurs, ou sur leur identité d’éco-citoyens appelés, pour un oui ou pour un non, à prendre conscience de leurs responsabilités à l’égard de la planète à l’heure même où ce sont des pays entiers qui la mettent impunément en danger. Certaines identités seraient-elles donc plus respectables que d’autres ? Parler d’identité culturelle ne serait-il qu’un dangereux archaïsme, ou l’expression d’une incurable nostalgie risquant à tout moment de réveiller le spectre du nationalisme ? Je n’en crois rien, évidemment, sauf si l’on dévalue la culture au point de n’y voir qu’une forme de conditionnement servile, mais je constate qu’il y a bel et bien là un blocage et un clivage des esprits, entretenus par les médias et face auxquels nombre d’intellectuels se montrent finalement très consensuels. À qui fera-t-on pourtant croire qu’en perdant son identité culturelle l’Europe ne perdra pas aussi son immunité et ses réflexes de survie face aux formes nouvelles de barbarie qui pourraient se manifester, et qui remettraient radicalement en cause l’idée qu’elle s’est jusqu’alors faite de l’homme et des rapports humains ?
Les Européens tiraillés entre sentiment d’usure et de fatalité
À supposer que nous surmontions ce blocage, et parvenions à mettre en évidence l’existence d’une sorte d’invariant culturel plus ou moins commun à la plupart des pays européens – une attitude commune face à la « formation » de l’homme nommée culture, dirais-je plutôt – en quoi la crise affectant depuis quelques décennies cette identité diffère-t-elle de celle d’hier ou d’avant-hier ? Car enfin, Nietzsche parlait déjà de crise dans le dernier quart du XIXe siècle, puis d’autres illustres penseurs après lui : Paul Valéry, Thomas Mann, José Ortega Y Gasset, Julien Benda, Georges Bernanos... Est-ce donc la même crise qui se poursuit – celle du nihilisme européen selon Nietzsche – ou en est-ce une autre qui lui succède ? Qu’est-ce d’ailleurs au juste qu’une crise ? Unesituation critique, à n’en pas douter, comme on le dit couramment de l’état d’un malade entre la vie et la mort. Mais si la crise où nous sommes englués paraît si difficile à juguler, c’est qu’elle présente un double visage, particulièrement déroutant pour les Européens qui y sont confrontés : une lente érosion, un épuisement sans réel espoir de guérison – une décadence, en somme – et dans le même temps la menace d’un effondrement, dramatique mais conjoncturel, comparable au fameux crack boursier de 1929 qui hante d’ailleurs les esprits. Aussi les Européens se sentent-ils tiraillés entre un sentiment d’usure et de fatalité lié à leur déjà longue histoire, et un constat d’impuissance face à un cataclysme probable qui n’atteindra certes pas qu’eux mais conforte d’ores et déjà leur résignation : si la crise est mondiale, comment une culture aussi fatiguée que la nôtre n’en ressortirait-elle pas encore plus amoindrie, encore plus ébranlée dans ses fondements déjà bien vacillants ?
Les Européens que nous sommes tendent donc à oublier qu’une crise (krisis) – du verbe grec krino signifiant juger, comparer, choisir – est une suspension temporaire d’activité permettant un discernement plus aiguisé, plus avisé. N’est-ce pas parce que les Européens manquent aujourd’hui cruellement de discernement quant à leur propre destinée que l’idée même d’Europe est en crise ? S’il est bien une crise de l’identité culturelle européenne, c’est me semble-t-il d’abord une crise du jugement, de la faculté de juger pour parler comme Kant. Je n’en veux pour preuve que la surenchère médiatique associant désormais communément jugement et discrimination, au sens le plus injurieux du terme ; et glissant ensuite directement de la discrimination à la « stigmatisation » : un terme si fort, si chargé de réminiscences religieuses aussi, qu’il bloque immédiatement toute tentative pour tenter de juger, aussi sainement que possible il va sans dire, certaines attitudes individuelles ou situations collectives auxquelles personne ne trouve au demeurant de solution.
S’enraciner dans autre chose qu’un idéal consumériste désormais mondialisé
Ces questions préliminaires une fois posées, sans doute faut-il tenter de leur découvrir un premier dénominateur commun qui nous serve de repère : quand nous parlons de l’Europe et quand nous évoquons les dangers qui la menacent, de l’intérieur comme de l’extérieur, à quoi refusons-nous implicitement de renoncer ? Qu’est-ce qui, dans la vision que nous nous faisons de d’Europe, est pour nous de l’ordre de l’irrenonçable ? J’emprunte ce mot peu usité à la philosophe espagnole Maria Zambrano, auteur d’un bel essai intituléAgonie de l’Europe écrit en 1945 lors de son exil à La Havane où elle trouva refuge après avoir fui la dictature franquiste. Il est d’ailleurs probable que toute situation d’exil, surtout si elle est déterminée par le refus de l’intolérable, offre l’occasion de mieux percevoir cet « irrenonçable », et de circonscrire par là même le noyau identitaire auquel on s’est identifié de manière consciente ou inconsciente, et qui finit par devenir un point aveugle lorsqu’on vit au quotidien dans sa proximité.
C’est en revenant en Europe après son exil américain que le héros du film de Lars von Trier (Europa, 1991) mesure l’ampleur de la confusion qui s’est emparée des esprits durant la période nazie, et qui s’est semble-t-il perpétuée depuis lors indépendamment du rejet du nazisme en tant qu’idéologie. C’est également lors de son exil, en Suisse où il a trouvé refuge après avoir été déchu de la nationalité allemande, que Thomas Mann rédige en 1936 son Avertissement à l’Europe : « La crise qui menace de nous faire retourner à la barbarie a ses racines dans la générosité aveugle de ce siècle » écrit-il, parlant du XIXesiècle3. Prononcé par un ardent défenseur de la culture, et de l’humanité partout où elle est menacée, ce constat vaut d’être médité. C’est à Londres enfin, où elle a rejoint la France Libre, que la philosophe Simone Weil écrit en 1943 ce livre inclassable qu’estL’enracinement – sous-titré « Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain – dont Albert Camus dira : « Il me paraît impossible en tout cas d’imaginer pour l’Europe une renaissance qui ne tienne pas compte des exigences que Simone Weil a définies dans L’enracinement.»4
Osons donc poser la question: Où en sommes-nous aujourd’hui quant au droit imprescriptible des Européens à s’enraciner dans autre chose qu’un idéal consumériste désormais mondialisé, ou qu’un humanitarisme de bon ton mais déconnecté de la réalité ? Si tout penseur digne de ce nom doit être prêt à endurer l’expatriation, comme le montrent les exemples précités, cet exil semble en train de devenir intérieur pour nombre d’Européens en perte de repères, vacillant entre une « identité nationale » frappée de suspicion, et une identité supranationale qui n’est pour l’heure qu’un cache-misère abstrait puisque c’est sous la bannière de la société marchande que s’étend à l’échelle planétaire un déracinement humain généralisé, abusivement nommé « cosmopolitisme » au regard de ce que ce terme signifiait pour les Grecs : être le citoyen d’un monde qui soit à la fois un cosmos et une polis ! Jamais autant qu’aujourd’hui ne s’est donc imposée la nécessité de dépasser, par la culture justement, l’alternative stérile entre cosmopolitisme et enracinement dont les peuples sentent d’ailleurs d’instinct qu’en la leur imposant sur de telles bases, on leur ment.
L’Europe, une catégorie de notre sensibilité
Car avant d’être l’entité géographique, politique et économique qui a tant de mal à se construire aujourd’hui, l’Europe me semble être devenue, grâce à la culture qu’elle nous a transmise justement, une catégorie de notre sensibilité ; autant dire qu’elle induit, par son existence dans nos esprits, un type de rapport à l’espace et au temps dont nous n’avons plus conscience, sauf en nous exilant, mais qui structure implicitement notre vision du monde, oriente nos activités et nous donne, ou du moins nous donnait jusqu’alors un horizon commun : une manière particulière de percevoir la relation du proche et du lointain, de l’intimité et de l’étrangeté, de l’intelligence et de la sensibilité. Et si nous savons bien que cette manière est elle-même très diversifiée selon les contrées pouvant toutes se dire « européennes », nous en connaissons les modulations principales et sommes capables de les décliner comme autant de tonalités restituant toutes leurs nuances à l’âme et à l’esprit européens. C’est d’ailleurs ainsi que les visiteurs étrangers perçoivent spontanément l’Europe, que ses proportions géographiques leur permettent d’entrevoir comme un tout magnifiquement proportionné, équilibré jusque dans ses contrastes les plus marqués.Ce regard porté sur l’Europe ne pourrait être aussi englobant s’il ne renvoyait à la source d’où il tire son unité, en dépit des diversités mentionnées ; et je me demande si on ne pourrait pas appliquer à l’Europe ce qu’Oswald Spengler disait du « symbole primaire » par quoi chaque culture éveille l’homme à lui-même à travers la conscience de son environnement spatial : « La première intuition de la profondeur est un acte de naissance psychique à côté de la naissance corporelle » affirmait-il en effet, qualifiant l’homme européen de « faustien » en raison de sa tension d’esprit « vers le lointain, vers l’au-delà, vers l’avenir »5, et pour tout dire vers l’infini. L’invention de la perspective géométrique aurait-elle revêtu en Europe une telle importance si l’esprit européen ne s’était reconnu, à partir du XVIe siècle tout au moins, dans cette reconfiguration du proche et du lointain ? Cela dit, je reste persuadée qu’une part non moins importante de l’héritage culturel européen n’a cessé de se démarquer de ce regard « faustien », aujourd’hui assumé par une hyper modernité devenue cosmopolite mais en décalage de plus en plus flagrant avec les préoccupations « de terrain » qui sont celles de la plupart des Européens. Comment construire l’Europe, ou au moins ne pas la détruire, sans devoir reconnaître dans cette tension entre deux types de regards le moteur même du génie créateur européen ?
Encore faut-il accepter l’idée qu’il n’y a pas d’homme-en-soi, hormis dans le cerveau surmené des idéologues, mais un façonnage culturel de l’humain ; et j’ai montré dans Des héritiers sans passé6 combien le génie européen semble avoir justement trouvé là une mesure à nulle autre pareille entre formation de la personnalité individuelle et ouverture à l’universel. Je pense même pouvoir dire, sans rien concéder à un déterminisme réducteur, qu’un tel sens de la mesure n’aurait probablement pu exister sous d’autres cieux, d’autres lumières, d’autres espaces que ceux du « petit cap du continent asiatique » (Valéry) nommé Europe. D’où ma question : L’Europe est-elle en train de perdre la mesure qui lui était propre, et avec elle l’équilibre que nous enviaient jusqu’alors les habitants des autres continents ? La perdre du fait du nivellement culturel imposé par la mondialisation d’une part, et de la saturation de ses capacités d’adaptation, d’assimilation, d’intégration. C’est donc bien le rapport du Même et de l’Autre qui est en train de se jouer en Europe, mais qu’adviendra-t-il de l’altérité si elle ne trouve plus aucun pôle de référence à peu près stable par rapport à quoi se situer ?
Personne ne songerait cependant à contester que l’Europe, telle que nous la connaissons aujourd’hui, s’est pour une part au moins façonnée à partir d’éléments étrangers qu’elle a su assimiler, transformer, incorporer à une réalité culturelle nouvelle en constante évolution.
Paul Valéry en dénombrait trois principaux –grec, romain et chrétien– et voyait en eux les repères permettant de distinguer ce qui est européen et ce qui ne l’est pas : « Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne », disait-il 7. Partageons-nous encore une telle certitude, par ailleurs fondée sur la souveraineté reconnue à l’esprit ? Une souveraineté faite d’indépendance, d’insoumission mais aussi d’inquiétude ; d’une insatisfaction permanente et d’une volonté de puissance pouvant aller jusqu’à la violence : un « idéalisme héroïque », disait Maria Zambrano. Quoi qu’il en soit, les critères selon lesquels définir l’esprit en ce qu’il a d’européen paraissaient relativement précis à Paul Valéry et à nombre de ses contemporains, car indéniables historiquement et culturellement parlant. C’est aussi pourquoi son analyse de la « crise de l’esprit » pouvait s’adosser à ces certitudes, et nous paraît rétrospectivement d’une lumineuse clarté au regard des verdicts hasardeux et souvent résignés qu’on nous impose aujourd’hui quant au destin européen : l’Europe aurait fait son temps, et serait de surcroît responsable de son propre déclin.
Loin de moi la pensée de classer dans cette catégorie l’ouvrage de Rémi BragueEurope, la voie romaine (1992), qui toutefois ne me convainc pas en tous points. Reprenant à son compte la triple origine de la culture européenne énoncée par Valéry, Brague tend en effet à privilégier la « romanité » comme si c’était elle qui avait couronné les deux autres influences et véritablement unifié ce que nous appelons aujourd’hui l’Europe. Mais il est un autre aspect de son analyse qui concerne encore davantage les Européens d’aujourd’hui en ce qu’il les dépossède de toute identité autre que celle, paradoxale, de tenir d’ailleurs ce qui leur semble à tort le plus propre; comme si l’Europe n’était finalement et n’avait jamais été qu’un laboratoire de transformation des particularités en universalité, à quoi tout être humain pourrait dès lors prétendre accéder. Ce qui est vrai pour les sciences ou le droit – pensons aux fameux Droits de l’Homme ! – l’est-il pour cette réalité infiniment plus large et complexe qu’on nomme « culture » ?
Reconnaître à tout individu et à tout peuple le droit légitime de s’identifier
Si l’Europe a fait montre au cours de son histoire de ses exceptionnelles capacités d’assimilation, et si elle a incontestablement fabriqué, à partir d’apports étrangers, une universalité offerte en modèle à l’humanité, elle a aussi façonné, en travaillant la terre, des paysages d’une extrême diversité, construit des édifices d’une stupéfiante beauté, et su se donner un art de vivre qui n’appartient qu’à elle même s’il n’a aucun titre à se dire supérieur aux modes de vie pratiqués ailleurs : « Le nom d’Europe désigne une région du monde dans laquelle, d’une manière indiscutablement singulière, on s’est interrogé sur la vérité et la qualité de la vie », écrit Peter Sloterdijk8. Je rejoins donc sur ce point Valéry s’interrogeant : « Mais l’Esprit européen, – ou du moins ce qu’il contient de plus précieux, – est-il totalement diffusible ? »9
À cela je réponds non, car c’est aussi ce quelque chose d’irréductible que viennent chercher en Europe ceux qui, n’étant pas Européens, se comportent en amis sincères de l’européanité. Je refuse donc l’idée, devenue suicidaire dans le contexte actuel, selon laquelle l’Europe ne pourrait être définie que par l’extériorité qui l’aurait constituée, et vers laquelle elle devrait indéfiniment se tourner afin de restituer ce qui lui a été donné : « La culture européenne ne peut en effet jamais être « la mienne », puisqu’elle n’est rien d’autre que le chemin qui mène à une source étrangère », conclut Rémi Brague10. L’Europe est-elle d’ailleurs la seule, parmi d’autres confédérations, à s’être à ce point endettée culturellement qu’elle ne puisse prétendre faire « siens » ces apports étrangers ? C’est tout le processus de culture qui risque d’être frappé de stérilité si l’on ne reconnaît pas à tout individu et à tout peuple le droit légitime de s’identifier, grâce à l’effort des générations successives, à ce qu’il est parvenu à « s’approprier », sans que ce terme soit forcément assorti de connotations péjoratives ou dangereusement possessives. C’est peut-être même dans ce tour de force que s’est le mieux exprimé, aux moments les plus féconds de son histoire, le génie européen : faire de la culture des spécificités – locales, territoriales, climatiques, psychologiques – le tremplin d’une formidable réflexion sur l’homme, qui n’accède jamais à l’universel sans d’être auparavant affiné, cultivé, dans les limites de ce que le destin lui a donné en partage mais à quoi la culture lui permettra aussi de ne pas rester inféodé.
S’il est néanmoins si difficile de définir ce qu’est au juste l’identité culturelle européenne autrement qu’en référence à ce double vecteur extériorité / universalité, c’est aussi que l’Europe a été le fer de lance de la rupture avec le passé effectuée au nom de cet idéal aux arêtes vives mais aux contours incertains nommé « modernité ». C’est en effet au « monde moderne » que l’on est tenté d’identifier l’Europe, exportant aux quatre coins de la planète cet idéal de vie et de pensée que rejettent aujourd’hui nombre de peuples non-européens soucieux, justement, de préserver leur identité et prêts, pour cela, à jouer la carte de la tradition contre celle de la modernité. Aussi faudrait-il se demander jusqu’à quel point l’Europe actuelle s’identifie encore avec la modernité qu’elle a inventée et largement exportée. Un décalage se fait à mon sens d’ores et déjà sentir entre l’image qu’on lui renvoie à ce propos d’elle-même et l’état présent de sa réflexion, pour une part au moins engagée au nom du vieil idéal de lucidité et de culture qui fait tout autant partie de son patrimoine que l’exportation de l’universel. C’est à ce que cet idéal ne s’étiole pas que les derniers Européens cultivés devraient veiller.
Se défaire de la rengaine fataliste qu’on nous assène quotidiennement
Être Européen n’est en tout cas plus la manière exemplaire d’être moderne, postmoderne ou hypermoderne comme on voudra. D’autres contrées ont pris le relais, et la cote des œuvres d’art contemporain se décide désormais à New York ou à Shanghai plutôt qu’à Paris. Mais au lieu de déplorer que l’Europe soit désormais « dépassée » par le mouvement novateur qu’elle a elle-même initié, mieux vaudrait se demander si, méditant comme elle le fait depuis plus d’un siècle sur sa « décadence » réelle ou supposée, elle n’a pas pris une longueur d’avance en terme non plus de modernité, mais de maturité. Qui sait si le dernier défi en date qu’elle est capable de se lancer à elle-même – et le dernier avatar de la « crise de l’esprit » analysée par Valéry – se sera pas de profiter de la crise qui la met apparemment sur la touche pour repenser les fondements de la posture à laquelle on l’a identifiée: qu’on la nomme «regard transcendantal » comme Jean-François Mattéi, ou « mytho-motricité » comme Peter Sloterdijk.
J’en reviens donc à la question : y a-t-il ou non continuité entre la crise d’hier, telle qu’elle a été décrite avec une belle unanimité par la plupart des grands penseurs européens dans l’entre-deux-Guerres, et celle d’aujourd’hui dont on nous dit qu’elle confirme le déclin inéluctable de l’Europe ? La réponse ne peut qu’être nuancée, vous vous en doutez. La continuité est frappante dès qu’on s’intéresse de plus près à certaines des manifestations de la « crise de l’esprit » si remarquablement décrite par Valéry, qui tend d’ailleurs à y voir l’expression même de la modernité : « L’homme moderne s’enivre de dissipation » écrivait-il en 1932, rendant d’ores et déjà perceptible ce qui saute aujourd’hui aux yeux : que l’homme moderne voue en effet un culte idolâtre à « l’énergie », quitte à en être intoxiqué et à bientôt ressentir la très paradoxale « monotonie de la nouveauté »11. Entrons plus avant dans les détails, et la continuité devient encore plus parlante : détérioration du rapport au langage, dispersion, désordre mental, futilité des préoccupations... Quand Jan Huizinga forge dans les années 1930, pour décrire cette situation nouvelle, le terme de « puérilisme »12, on croit déjà entendre Philippe Murray décrivant Festivus Festivus au cours de ses entretiens avec Élisabeth Lévy. Lorsque Maria Zambrano constate l’émergence d’une nouvelle attitude de l’Européen et parle à ce propos de « servilité devant les faits, les faits atomisés », l’écho est immédiat dans la rengaine fataliste qu’on nous assène quotidiennement : Que faire ? On n’y peut rien... et d’ailleurs il en a toujours été ainsi, etc.
Quand Valéry déplore que l’école soit concurrencée par trop de sources de savoir pour conserver son autorité, c’est la situation catastrophique des établissements scolaires français qui nous semble décrite et c’est, plus largement, la débâcle culturelle actuelle qui déjà se profile dans certaines de ses prémisses, énoncées par Thomas Mann : « Les jeunes ignorent la culture dans son sens le plus élevé, le plus profond. Ils ignorent ce qu’est travailler à soi- même. Ils ne savent plus rien de la responsabilité individuelle, et trouvent toutes leurs commodités dans la vie collective. La vie collective, comparée à la vie individuelle, est la sphère de la facilité. Facilité qui va jusqu’aux pires abandons. Cette génération ne désire que prendre congé à jamais de son propre moi. Ce qu’elle veut, ce qu’elle aime, c’est l’ivresse »13. Tout semble donc prêt, dès les années 1930, pour accueillir les « réseaux sociaux » dans les mailles desquels des millions d’adolescents dilapident aujourd’hui leur temps, leur concentration d’esprit, leur santé et leur réputation parfois.
Que de différences pourtant sous d’indéniables continuités entre hier et aujourd’hui ! On pensait en effet dans l’entre-deux-Guerres pouvoir imputer la crise de la conscience et de la culture européennes à la montée en puissance des masses, animées par une aspiration légitime à la culture ne pouvant que fragiliser l’image élitiste qu’on s’en était jusqu’alors faite. On aimerait donc savoir si l’inquiétude des grands penseurs européens face à ce phénomène n’était qu’un préjugé de classe, fort heureusement surmonté par la démocratisation de la culture ; et surtout ce qu’il est advenu des masses, passées semble-t-il à la trappe en même temps que d’autres réalités jugées depuis lors inexistantes ou infâmantes. Le terme lui-même ne faisait-il donc qu’exprimer le désarroi éprouvé par les élites face à cette onde de choc qu’est la « révolte des masses » (Ortega Y Gasset) ? En bref, s’agit-il là d’une défaite définitive de la culture dont les aspirations les plus hautes seraient devenues inaccessibles au plus grand nombre, ou tout au contraire d’une élévation si incontestable du niveau général des esprits que la référence aux masses deviendrait quasiment injurieuse ?
Que les Européens retrouvent confiance en leur destin commun
Mais il y a plus grave, plus décisif aussi quant à une éventuelle sortie de crise. Il y a la confiance que l’on mettait encore, au début du XXe siècle, dans les ressources inépuisables de l’esprit alors même qu’on le savait en crise, en Europe tout au moins. Ce qui est manifeste dans les proclamations de Valéry est tout aussi présent, ou au moins sous-jacent, chez les penseurs qui lui sont contemporains : l’esprit ne saurait vraiment décliner, et encore moins mourir. Les convulsions qui sont présentement les siennes attestent d’une vie qui lui est propre et qui inclut cette lutte intestine, ces contradictions intimes, cette mésentente de soi à soi dont le Journal de Gide est l’éclatant témoignage, parmi d’autres documents d’époque. Ni le « désordre de notre époque mentale » sur quoi insiste tant Valéry, ni la confusion et la démoralisation qui s’ensuivent ne sauraient entamer la certitude que l’esprit régénère et finalement guérit ce qu’il a détruit. C’est donc l’époque tout entière qui, dira Thomas Mann, se trouve « prise dans les douleurs de la transition »14. Une époque en train d’accoucher du futur, en somme, mais d’un futur qui, étant radicalement nouveau suppose-t-on, aggrave les douleurs ordinaires de l’enfantement.
D’où le recours à des métaphores à première vue surprenantes, et qu’on croyait d’un autre âge : celle du phénix renaissant de ses cendres par exemple, par quoi Husserl clôt sa méditation sur « La crise des sciences européennes et la philosophie » (1936) ; ou celle, plus parlante encore, utilisée par Valéry à propos des pouvoirs quasi miraculeux de l’esprit : « Il est une véritable pierre philosophale, un agent de transmutation de toutes choses matérielles et spirituelles. »15 Qui oserait encore parler ainsi ? On mesure alors tout ce qui sépare l’Europe actuelle de cette vision à la fois très lucide et très créatrice de la vie de l’esprit, sous-tendant toutes les autres opérations par quoi se régénère au jour le jour une culture : le travail, les liens sociaux, l’idée qu’une collectivité se fait de son avenir commun, etc. Pour avoir été le « continent-mère de la modernité », comme dit Sloterdijk ; et pour avoir été le laboratoire où la vie de l’esprit a connu ses tourments les plus sombres, l’Europe ne pourrait-elle se montrer capable de vivre son apparent déclin comme le signe avant-coureur d’une nouvelle métamorphose ? En quoi cette vérité d’hier se pourrait-elle être celle de demain, si tant est que les Européens retrouvent confiance en leur destin commun ?
Toute situation de crise a il est vrai ceci de dangereux, surtout si elle s’éternise, qu’elle anesthésie, émousse jour après jour le désir d’en sortir. Si la crise actuelle est aussi grave – je ne parle pas seulement de sa dimension économique, mais de la passivité désenchantée qu’elle suscite dans les esprits – c’est qu’elle ne peut plus être perçue comme une difficile mais prometteuse transition car personne n’est capable d’indiquer vers quoi pourrait avoir lieu ce transit. En bref, quand c’est l’idéologie moderniste du progrès qui fait faillite, à qui fera-t-on croire qu’on ne s’achemine pas, de crise en crise, vers une inéluctable régression ? La plus grosse difficulté est pourtant là : dans la capacité des Européens à reconvertir cette relative faillite en transition, non pas vers le même projet, retrouvant comme par miracle un second souffle, mais vers une réappropriation de ce qui, dans l’héritage culturel européen, permettrait la métamorphose envisagée par Nietzsche : « L’Europe est une malade qui doit une suprême reconnaissance à son incurabilité et à l’éternelle métamorphose de sa souffrance: ces situations, ces dangers, ces douleurs et ces expédients par leur renouvellement incessant ont fini par provoquer cette irascibilité intellectuelle qui est presque autant que du génie, et en tout cas la mère de tout génie. »16
Schiller ou le bréviaire de l’Européen cultivé de demain
Il ne s’agirait plus en tout cas pour l’Europe d’être à tout prix « moderne » puisque d’autres pays ont pris le relais et vivent à leur tour cette crise d’adolescence de l’esprit, de plus en plus risquée d’ailleurs puisqu’on sait moins que jamais jusqu’où l’appétit de nouveauté propre aux Temps modernes va conduire l’humanité enrôlée sous sa bannière. S’agit-il même encore, pour l’Europe actuelle, d’exporter l’universel? Des instances internationales sont désormais là pour ça, du moins en principe, qui auront tôt ou tard à s’interroger sur la meilleure manière de gérer, à l’échelle planétaire, la remontée des particularismes culturels et le refus, clairement affiché par certains peuples, de vivre sous la loi d’une universalité qui ferait implicitement d’eux des « Européens ». Peut-être le temps est- il donc venu pour l’Europe de prendre au mot ou au moins à demi-mot ceux qui la disent « vieille », et d’assumer la vertu de sagesse reconnue par la vox populi à la vieillesse.
Disant cela, je ne pense pas seulement au rôle d’arbitre, de conseillère avisée qu’on pourrait être tenté de lui faire jouer tant en raison de sa vieillesse présumée que du sens de la mesure caractérisant les périodes les plus florissantes de sa culture. Je pense à une attitude plus exemplaire encore qui concerne son rapport au passé et à ce patrimoine d’une exceptionnelle diversité, et qualité, que tout être humain sur cette terre aurait désormais le droit de s’approprier sauf...les Européens eux-mêmes, tout juste promus au rang de gardiens de musée, voire de guides touristiques pour clients étrangers fortunés. C’est le rapport des Européens à leur propre culture qui est en crise puisque, tandis qu’on « muséifie » de manière extrêmement professionnelle le patrimoine, le rendant ainsi accessible à tout un chacun, on s’emploie à en relativiser à tout prix la portée culturelle et plus encore spirituelle susceptible de toucher un public plus spécifiquement européen.
Cherchant à définir l’esprit européen, Paul Claudel disait qu’il se caractérise par « un état général d’alerte et de mobilisation des cœurs et des esprits » 17. Une telle mobilisation a longtemps répondu à l’appel de la surenchère progressiste – toujours au-delà, encore davantage – exaltant cette vertu moderne par excellence qu’est la curiosité s’esprit. Il est donc grand temps – et ce sera ma conclusion – que les Européens réapprennent, sans mauvaise conscience, à se réapproprier leur propre culture qui n’inclut pas seulement, vous l’aurez compris, les œuvres de grande valeur conservées dans les musées d’Europe mais un savoir-faire et un savoir-être au quotidien dont la perte ferait de nous à la fois des sauvages et des barbares, pour reprendre une distinction de Schiller dont les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme (1785) mériteraient à cet égard de redevenir le bréviaire de l’Européen cultivé de demain.
Françoise Bonardel
Colloque Europe-marché ou Europe-Puissance 26 avril 20141. Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille, trad. O. Mannoni, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 31.
2. Jean-François Mattéi, Le regard vide, Paris, Fayard, 2007, p. 262.
3. Thomas Mann, Avertissement à l’Europe, op. cit., p. 33.
4. Albert Camus dans Simone Weil, Œuvres, Paris, Gallimard (« Quarto »), 1999, p. 1264.
5. Oswald Spengler, Le Déclin de l’Occident, trad. M. Tazerout, Paris, Gallimard, 1948, t.1, p. 172, 174.
6. Paru aux Éditions de la Transparence en mars 2010.
7. Paul Valéry, « La crise de l’esprit », Variété I et II, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1998, p. 50.
8. Peter Sloterdijk, Si l’Europe s’éveille, op. cit., p. 88-89.
9. Paul Valéry, op. cit, p. 30.
10. Rémi Brague, Europe, la voie romaine, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1999, p. 173.
11. Paul Valéry, « Le bilan de l’intelligence », Variété III, Paris, Gallimard (« Folio essais »), 1963, p. 282, 302.
12. Johan Huizinga, Incertitudes, trad. J. Roebroek, Paris, Librairie de Médicis, 1939, p. 168-180.
13. Thomas Mann, Avertissement à l’Europe, op. cit., p. 30.
14. Thomas Mann, Être écrivain allemand à notre époque, trad. D. Daun, Paris, Gallimard (« Arcades »), 1996, p. 225.
15. Paul Valéry, « La politique de l’esprit », Variété III, op. cit., p. 218.
16. Friedrich Nietzsche, Œuvres philosophiques complètes t. V, Le Gai Savoir, trad. P. Klossowski, Paris, Gallimard, 1982, p. 75 (§ 24).
17. Paul Claudel, « L’esprit européen », Œuvres en prose, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1965, p. 1310.
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Premier congrès de la dissidence à Bruxelles.
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Valls, l’Europe et le nationalisme
Devant les Jeunes socialistes – il y en aurait donc ! –, samedi 3 mai, Manuel Valls a célébré l’Union européenne à laquelle nous devrions la paix. Le premier ministre a assené l’antienne lancée par Mitterrand, « le nationalisme c’est la guerre ». Le sujet est intéressant à l’heure où l’Ukraine, sous les provocations du gouvernement insurrectionnel de Kiev, connaît des désordres préoccupants.
Mais où sont donc passés les marxistes ?
L’arme psychologique géniale de l’antifascisme, adoptée par le Komintern en 1935 sur la suggestion de Willy Muentzenberg (1889-1940), a survécu à la chute des fascismes et a survécu à l’URSS. Le produit est d’excellente qualité, d’ailleurs il a crétinisé chez nous les adeptes du matérialisme dialectique, devenus adeptes du moralisme manichéen. Nos gens de gauche se croient toujours plus ou moins marxistes, ce qui fait de la France probablement l’ultime conservatoire en Europe du mythe de la lutte des classes.
La source des deux guerres mondiales serait les nationalismes, selon le schéma antifasciste dont la dialectique se réduit à l’opposition entre le bien – pardon : le Bien – et le Mal. Ainsi la défunte internationale communiste a exhumé avec succès ce vieil épouvantail levantin de Satan. Et ça marche toujours. Oui, le produit, binaire et simple, est d’excellente qualité…
Le marxisme a essentiellement tort, mais la grille d’analyse marxiste n’a pas toujours tort. Les soi-disant marxistes auraient certainement raison de considérer que les deux guerres mondiales ont été provoquées par les contradictions du capitalisme. A chaque fois, ce sont les ploutocraties anglo-saxonnes – si on me pardonne le pléonasme – qui ont voulu abattre la puissance continentale montante qu’était l’Allemagne (remember Napoléon…). Tout le reste n’est qu’épiphénomène et littérature à faire pleurer dans les HLM.
La Ploutocratie veut-elle la Troisième Guerre mondiale ?
Depuis 2004 au moins, les Américains cherchent à déstabiliser l’Ukraine, berceau et marches de la Russie, en application de leur politique d’endiguement (containment) de ce pays. Cette politique ne vise pas au développement harmonieux et pacifique du monde, mais à la supériorité capitaliste mondiale des Etats-Unis, praedator mundi. Sinon, que feraient les Américains sur le pas de la porte de la Russie, à 8.000 kilomètres de chez-eux ?
Ne faisons pas comme les soi-disant marxistes et autres lutteurs de classe, ne prenons pas les apparences susceptibles de nous donner des satisfactions morales pour une grille de lecture politique pertinente.
Ils sont parfois sympathiques, ces Ukrainiens, quand ils abattent la statue de Lénine qui trônait encore à Kiev et se réclament de Stepan Bandera (1909-1959), mais ils sont provoqués dans leur ingénuité par des forces qui se moquent bien d’eux. D’ailleurs, s’ils savaient qui est leur « ami » BHL, avec ses phantasmes de lynchages antifascistes (cf. Kadhafi), ils seraient plus circonspects.
A l’inverse, les Russes de l’est et du sud de l’Ukraine ont des façons parfois désagréables, en sauvegardant les statues de Vladimir Ilitch, en ressortant quelques drapeaux rouges de la naphtaline, et avec leur slogans… antifascistes ! Mais, sur le terrain de l’antifascisme, ils seront perdants : il y a belle lurette qu’ils en ont perdu la maîtrise et le copyright…
En définitive, la Ploutocratie traite Poutine comme elle a traité Hitler, en refusant aux peuples continentaux, quand ils gagnent en puissance, leur aire ethnique naturelle. C’était ça, l’affaire des Sudètes ! Au fond, le président Poutine l’a compris, mais sans avoir pris toute la mesure de la perte du copyright. C’est pourquoi je pense qu’il a tort de célébrer en grande pompe, le 9 mai, la fête de la victoire sur le Fascisme, lui qui est devenu pour l’Occident le nouveau fasciste. C’est plutôt une fête pour les Français (8 mai, question de décalage horaire) de l’OTAN !
Ne laissons pas faire les Etats-Unis et leurs laquais de l’OTAN : il y a danger. Ne devrions-nous pas réclamer un nouveau Munich, cet accord historique si sottement décrié aujourd’hui ? BHL sera contre, mais ce n’est pas ce général germanopratin qui ira à la boucherie de la Troisième Guerre…
Eric Delcroix, 4/05/2014
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Mensonges de l’AFP …
Une image vaut souvent plus qu’un discours : voilà la preuve en une courte vidéo des mensonges orduriers disséminés dans les esprits mal informés par la presse alignée !
En effet, loin d’être un congrès anti-sémite, le Congrès de la Dissidence avait pour invité vedette le sympathique et sémillant Jacob Cohen, une personnalité importante du Mouvement pour la Vérité francophone, issue d’une famille juive et pied noire, qui a reçu une véritable ovation à son arrivée au Congrès de la Dissidence de la part des nombreux manifestants qui scandent : « Jacob ! Jacob ! Jacob ! »
Rappelons que de nombreuses personnalités juives sont présentes parmi les principaux animateurs du Mouvement pour la Vérité, telles que Jacob Cohen, Ginette Hess-Skandrani, Gilad Atzmon ou encore Wbester Tarpley pour ne citer que les plus célèbres d’entre elles !
Contrairement aux racontars officiels propagés de manière éhontée par les médias-mensonges, le Mouvement pour la Vérité est un Mouvement qui réunit en son sein des personnalités de toute confession et de toutes couleurs de peau, et il suffit de voir les rassemblements organisés ici ou là pour s’en rendre compte au premier coup d’oeil !
Le Mouvement pour la Vérité est à des années lumières d’un Mouvement raciste ou anti-sémite : c’est un Mouvement actuel, bigaré, multi-culturel et multi-confessionnel, à des années lumières de l’image colportée par les relais illuminatis, et en aucun cas il ne s’agit d’un Mouvement anti-sémite, comme la vidéo ci-dessus le démontre, bien évidemment.
Il faut noter que l’AFP a pris soin systématiquement de gommer le nom de Jacob Cohen dans ses conte-rendus pitoyables.
Source: Mouvida.com