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géopolitique - Page 751

  • La Crise ukrainienne et la troisième voie géopolitique

    «L’Eurasisme russe aurait tout intérêt à ménager les nationalismes européens de cet espace centre-européen et de l’espace pontique de la mer Noire y compris l’Ukraine, plutôt que de nier leurs identités nationales et d’attiser leurs positions russophobes.»

    ♦ Polémia a reçu de son contributeur franco-croate, Jure Georges Vujic, une analyse géopolitique de la crise ukrainienne. Donner accès à la diversité des points de vue fait partie de notre ligne éditoriale. Nous la soumettons donc à la réflexion de nos lecteurs.
    Polémia


    Il semblerait que la crise ukrainienne divise la mouvance nationale et eurasiste en deux camps, le premier soutenant l’opposition nationaliste ukrainienne en tant que vivier identitaire et vecteur national-révolutionnaire, le second, le camp des «eurasistes» russophiles, qui, pour des raisons géopolitiques anti-atlantistes, soutiennent l’intervention russe en Crimée. Pourtant, cette vision binaire  demeure quelque peu simplificatrice. C’est pourquoi je réitère « qu’il faut savoir raison garder » et que la démesure dans l’analyse géopolitique, le jusqu’au-boutisme et l’engouement belliciste ne font que conforter une fois de plus l‘hybris  et le conflit entre des peuples européens et, une fois n’est pas coutume, sur la terre européenne.

    Bien sûr, il faut rappeler que  suite à la décision du gouvernement élu de ne pas signer d’accords commerciaux avec l’Union européenne, le camp atlantiste et américain a tenté d’orchestrer une seconde « Révolution orange » cette fois-ci en s’appuyant et en manipulant des groupes ultranationalistes ukrainiens aux fins  d’installer un pouvoir pro-occidental à Kiev. Le nationalisme ukrainien extrêmement dynamique est autant antirusse qu’antioccidental alors que les arguments de l’adhésion à l’UE servent uniquement de levier d’émancipation de la tutelle russe. Par ailleurs, l’expérience de la Hongrie de Orban démontre très bien que l’on peut être dans l’UE et mener une politique nationale et souverainiste.

    D’une part, je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’une confrontation entre une vision eurasiste pro-russe et un nationalisme ukrainien pro-atlantiste. Il faut  avoir à l’esprit la question de la légitimité des manifestations du peuple ukrainien systématiquement spolié et paupérisé par des régimes corrompus et oligarchiques successifs, tour à tour pro-occidentaux et pro-russes (la famille du présidentViktor Ianoukovitch s’est enrichie de près de 8 milliards d’euros par an). D’autre part, l’opposition entre le sud-est russophone de l’Ukraine et l’EuroMaidan s’est cristallisée en raison du ressentiment antirusse qui s’est développé dans la partie occidentale de l’Ukraine. Si une partie des habitants s’est organisée en formations paramilitaires et a manifesté contre le nouveau gouvernement de Kiev, c’est parce que la révolution a gagné à ses yeux une connotation antirusse plutôt que pro-européenne.

    Il est en effet déplorable que l’Ukraine soit entre le marteau et l’enclume, et  n’ait finalement que le choix entre l’intégration européenne pro-atlantiste et la soumission au voisin russe. C’est dans les leçons de l’histoire européenne qu’il faut peut-être chercher la solution. « L’Ukraine a toujours aspiré à être libre » a écrit Voltaire dans son Histoire de Charles XII, à propos de l’hetman Mazeppa. L’identité ukrainienne s’est cimentée il y a une dizaine de siècles et n’est pas près d’être russifiée, quand bien même son histoire reste étroitement liée à la Russie. L’Ukraine est et restera un pays écartelé entre le géant eurasiatique qu’est la Russie à l’est, et l’Europe centrale beaucoup plus proche de l’Occident. Etymologiquement le nom d’’Ukraine est associé à celui de « marche », et c’est ainsi qu’il faut la traiter en tant qu’espace géopolitique pontique et médian. C’est pourquoi la Russie aurait tout intérêt à traiter le peuple ukrainien et l’identité ukrainienne sur un pied d’égalité et de réciprocité plutôt qu’obstinément nier leur existence nationale, les associer à des «petits Russes», ce qui ne fera qu’exacerber le sentiment ukrainien antieurasiste et antirusse.

    La Crimée se prononce pour son rattachement à la Russie

    La Crimée se prononce pour son rattachement à la Russie

    L’identité ukrainienne tout comme l’histoire des peuples cavaliers, de souche européenne, fait partie intégrante de notre héritage indo-européen le plus ancien tout comme le constitue l’héritage slavo-russe et orthodoxe. Il faut rappeler que c’est un chercheur ukrainien Iaroslav Lebedynsky, qui enseigne à l’Institut national des langues et civilisations orientales, qui nous a livré de remarquables  récits historiques sur les Scythes, les Sarmates, les Saces, les Cimmériens, les Iazyges et les Roxolans, les Alains, etc. qui témoignent de l’identité pluriséculaire de ces peuples de souche européenne sur cet espace eurasiatique qui va de l’Europe centrale jusqu’aux confins de la Sibérie orientale, espace qui ne possède pas de frontières naturelles comme l’expliquait le général Heinrich Jordis von Lohausen dans son traité de géopolitique. En effet, l’importance géostratégique pontique de l’Ukraine, bordée par la mer Noire et la mer d’Azov au sud et située entre l’Europe occidentale et la masse continentale eurasiatique, dépend en majeure partie de sa configuration frontalière. Les régions historiques ukrainiennes, comme la Volhynie et la Galicie (jadis polono-lituaniennes), la Bukovine (jadis moldave) ou la Méotide (jadis tatare criméenne), s’étendent  également sur les pays voisins, ouvrant ainsi une profondeur stratégique à la Russie au nord et à l’est, à la Biélorussie au nord, à la Pologne, à la Slovaquie et la Hongrie à l’ouest et à la Roumanie et la Moldavie au sud-ouest.

    Bien sûr, il convient d’un point de vue géopolitique de soutenir le projet eurasiste russe comme facteur de rééquilibrage multipolaire face aux menées néo-impériales atlantistes, mais ce projet géopolitique grand-européen eurasiste doit être avant tout un projet fédérateur, de coopération géopolitique, fondé sur le respect de tous les peuples européens, sur le respect des souverainetés nationales et sur le principe de subsidiarité. L’affirmation agressive et exclusiviste de la composante slavo-orthodoxe et « grand-russe » dans le projet eurasiste, surtout dans les territoires centre-européens et du sud-est européen catholiques qui gardent un mauvais souvenir de l’expérience soviétique, ne fera au contraire que raviver les tensions entre les peuples européens, ce qui fait le jeu de la stratégie atlantiste qui divise pour régner. Par ailleurs, tout comme il convient de dénoncer la fragmentation ethno-confessionnelle qui est à l’œuvre au Moyen-Orient en tant qu’instrument de domination atlantiste, il convient aussi de se méfier des constructions annexionnistes ou irrédentistes linguistiques « grand-russes » sous prétexte d’unification « des terres russophones » qui peuvent à long terme avoir les mêmes effets dissolvants en Eurasie dans le Caucase et en  Europe centrale, car le même argument linguistique pourrait justifier la revendication séparatiste d’ethnies ou de populations non-européennes sur le sol européen. En effet, le déchaînement du nationalisme ethno-confessionnel à l’ouest de l’Ukraine inquiète les minorités ethniques et notamment les Polonais, les Hongrois et les Roumains. Les Tatares de Crimée qui semblent avoir déjà choisi leur rattachement à la Russie ne peuvent pas rester à l’écart de la recomposition en cours à l’ouest et au sud-ouest d’Ukraine. Ainsi le groupe  ethnique des Gagaouzes qui forment une communauté homogène en Moldavie s’est déjà prononcé par référendum pour l’intégration eurasienne. On assiste également à une montée en puissance du facteur turcophone dans la région du Caucase et dans les Balkans (en Bosnie Herzégovine), plus particulièrement dans le contexte des processus d’intégration dans l’espace eurasien.

    Il faut rappeler que l’Ukraine, au-delà du contexte très particulier de ce pays (en réalité constitué de deux ensembles historiquement antagonistes, l’un catholique-uniate, tourné vers l’ouest et l’autre orthodoxe proche de la Russie), constitue un exemple des possibilités de manipulation d’un sentiment national. Pourtant je ne suis pas certain qu’un recentrage « grand-russe » de l’Ukraine constitue un pôle de stabilité géopolitique eurasiatique à long terme dans la mesure où le sentiment antirusse en Ukraine est fortement enraciné et cela depuis plusieurs siècles. La perception du projet eurasiste vu de Paris, Moscou, Vienne, Berlin, Zagreb, Kiev est très différente et variable. Dans les ex-pays du bloc soviétique, l’eurasisme est souvent perçu comme une idéologie néocoloniale «  grande russe  » et post-soviétique, car ces pays ont retrouvé leur indépendance nationale et étatique dans les années 1990 après la chute du Mur de Berlin (et non au XVIIIe ou XIXe siècle), et il est compréhensible qu’ils restent récalcitrants à tout projet fédérateur, multinational et/ou néo-impérial, alors que d’autres pays européens qui ont vécu « leur printemps des peuples » en 1848 ou avant, sont plus ouverts au discours eurasiste grand-continental. Il faut alors tenir compte de ces variables pondérables de psychologie collective (au même titre que les fameuses guerres de représentation) lorsqu’on adopte une position géopolitique  pan-européenne. L’eurasisme ne devrait pas évoluer vers un projet néocolonial et impérialiste (L’idée d’empire n’est pas réductible à l’impérialisme) mais rester fidèle à l’idéal de l’empire en tant qu’unité organique et œcuménique dans la diversité. Cet eurasisme géopolitique n’a jamais été aussi cohérent et  stable que lorsqu’il a été respectueux des idendités, et des diverses composantes impériales comme cela a été le cas lors de l’alliance austro-franco-russe du XVIIIe siècle, de la Sainte-Alliance et de l’Union des Trois Empereurs, voire en tant que projets d’alliance franco-germano-austro-russe de Gabriel Hanotaux (1853-1944), avant 1914.

    Il convient également de constater que le projet eurasiste « grand-européen » ne peut reposer uniquement sur un pôle russo-centré, et que si l’on raisonne en termes de continent (de l’Atlantique à la Sibérie), il semblerait que ce projet soit à double vitesse, l’un russo-centré autour de l’union eurasiatique qui s’articule autour de la composante russo-slavo-orthodoxe et l’autre que l’on peut qualifier d’eurasiste-médian ou centre-européen (voire germano-slave mitteleuropéen) qui s’étend de l’Europe occidentale héritière de l’empire Carolingien (héritière de l’Empire romain) et l’eurasisme central-danubien qui s’étend le long de l’ancien limes danubien, à son embouchure dans la mer Noire, jusqu’à l’espace scythien de la Dobroudja, à la charnière de la Roumanie et de la Bulgarie actuelles. Le point de jonction de l’Eurasie russo-centré et de cette Eurasie centre–européenne est l’Ukraine qui de par sa position pontique relie et verrouille ainsi l’espace centre-européen pannonien et la profondeur eurasiatique vers l’est. Pourtant ce qui différencie àl’heure actuelle ces deux projets eurasiens complémentaires, c’est l’héritage historique de l’Union soviétique. En effet l’ensemble des peuples rattachés à la couronne austro-hongroise (Croates, Slovaques, Hongrois, Tchèques) gardent un mauvais souvenir de la férule communiste et des Etats multinationaux fantoches tels que la Yougoslavie titiste et la Tchécoslovaquie en tant que zones tampons et cordons sanitaires créés par la politique britannique dans les Balkans. C’est la raison pour laquelle l’Eurasisme russe aurait tout intérêt à ménager les nationalismes européens de cet espace centre-européen et de l’espace pontique de la mer Noire y compris l’Ukraine, plutȏt que de nier leurs identités nationales et d’attiser leurs positions russophobes.

    Ainsi la crise ukrainienne peut être l’occasion ou jamais de réfléchir et de peut-être redéfinir les axes géopolitiques d’une Eurasie triarchique reposant sur la triplice géopolitique carolingienne-occidentale/catholique autro-hongroise et centre-européenne/slavo-orthodoxe eurasiatique.

     Jure Georges Vujic, 11/03/2014

    http://www.polemia.com/la-crise-ukrainienne-et-la-troisieme-voie-geopolitique/

  • Syrie : 3 ans de guerre et de mensonge, et dire que Hollande voulait faire la guerre ! Par Jean Bonnevey

    Le régime Assad résiste et même gagne du terrain. Cela veut bien dire que le mécontentement populaire du début s’est transformé en une insurrection financée par l’étranger. Cela veut dire aussi que ce régime totalitaire et laïc fondé sur une ethnie religieuse bénéficie d’un large soutien dans une partie de la population.

    Nous sommes de toute évidence face à une guerre d’Espagne musulmane opposant les chiites aidés par l’Iran, aux islamistes sunnites financés par le Qatar et bénéficiant des combattants de la nébuleuse Al Qaida.

    3 ans après où en est-on ?

    Agences de l’ONU et ONG ont lancé un cri d’alarme face au conflit dévastateur en Syrie, entré samedi dans sa quatrième année, avec 146 000 morts et le plus grand nombre de déplacés au monde, dans une crise sans issue en vue.

    La situation sur le terrain reste bel et bien catastrophique, bombardements incessants, civils pris en otages au milieu des combattants, viol comme arme de guerre. Les rapports successifs des ONG de défense des droits de l’homme n’y changent rien. La violence perdure dans le pays où 146.000 personnes sont officiellement décédées depuis le début du conflit et des centaines de milliers blessées.

    Depuis l’attaque chimique de la Ghouta, le 21 août 2013, qui a causé 1500 morts, la perspective d’une intervention militaire occidentale est définitivement enterrée, Barack Obama ayant renoncé à une telle option – malgré le “franchissement”, par le régime de Bachar Al-Assad, de la « ligne rouge » fixée par le président américain – au profit d’un accord sur le démantèlement de l’arsenal chimique syrien, parrainé par Moscou et Washington.

    Dégagé de toute pression diplomatique, grâce à la protection acharnée de la Russie, le régime syrien n’a désormais plus que deux choses en tête : la reconquête militaire et la réélection de Bachar Al-Assad, probablement en juin, pour un nouveau mandat de sept ans.

    Que ce serait-il passé si la France était intervenue militairement ?  On aurait permis l’instauration d’une dictature islamique ou on se serait enlisé. Quand on voit la situation dangereuse pour le moins au Mali et  catastrophique en Centrafrique, on ne peut qu’être consterné par l’aventurisme militaire démocratique de François Hollande.

    Il ne reste plus qu’à proposer aux USA de déclarer la guerre à la Russie pour une Crimée ukrainienne. Patience, ça viendra peut être.

    Jean Bonnevey

    Source : Metamag.

    http://fr.novopress.info/159770/syrie-3-ans-guerre-mensonge-dire-hollande-voulait-faire-guerre-jean-bonnevey/#more-159770

  • L’Union Européenne et l’Ukraine : une diplomatie à la BHL !

    Dans la crise ukrainienne, il est désolant de constater l’inefficacité crasse de la diplomatie de l’Union européenne, qui préfère mettre la pression sur la Russie plutôt que d’apaiser les tensions. Tout ça parce que l’UE, à l’instar des États-Unis, a développé une vision manichéenne des relations internationales : en Ukraine, ce sont les « gentils » Ukrainiens défenseurs de la démocratie contre les « méchants » Russes qui veulent récupérer la Crimée. Cette diplomatie qui caricature la réalité est une diplomatie à la BHL (1)!
    Samedi 1er Mars 2014 : la Chambre haute du parlement russe, le Conseil de la Fédération, à la demande du Président Vladimir Poutine, vote à une très large majorité la décision de recourir aux "forces armées de la Fédération de Russie sur le territoire de l'Ukraine jusqu'à la normalisation de la situation sociopolitique dans ce pays".
    Face à cette situation, que font les occidentaux ? Plutôt que de se mettre autour d’une table avec la Russie, ils la menacent de sanctions ! Nous allons suspendre le G8 de Sotchi ! Nous allons limiter les importations de gaz russe ! Nous allons bloquer les avoirs des oligarques ! Le 11 mars sur France Inter, Laurent Fabius déclarait que « les Russes n’ont pas encore répondu à notre proposition de désescalade ». Mais quelle proposition ? Les décisions prises par les occidentaux, en mettant la pression sur la Russie, ne sont pas des propositions de désescalade, plutôt que d’apaiser les tensions, elles contribuent à les favoriser !
    Et maintenant, dans la perspective du référendum de dimanche sur le rattachement de la Crimée à la Russie, tous crient que ce référendum est illégal ! Que la Russie ne peut pas bafouer la « légalité internationale » en menaçant l’intégrité du territoire ukrainien ! Oui, tout cela est vrai, mais à quoi ces cris d’orfraie vont-ils servir ? En quoi cela va-t-il changer quelque chose à la situation ? Que peuvent les Nations Unies, quand la Russie fait partie du Conseil de Sécurité ?
    Non, tout cela est totalement inefficace et nous mène droit à la guerre ! La méthode la plus efficace serait la négociation gagnant-gagnant : dans le business comme en diplomatie, l’objectif de cette méthode est que toutes les parties aient l’impression d’avoir gagné quelque chose. Pour cela, il convient d’étudier à tête reposée les intérêts de chacun, et les « lignes rouges » à ne pas franchir. Or, cela n’a pas été fait dans la crise ukrainienne. Pour revenir à des bases de négociation saines, il faudrait accorder deux choses à la Russie : le retour en arrière du Parlement ukrainien de transition sur sa décision de supprimer l’enseignement obligatoire du russe, et un moratoire sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Voici les deux « lignes rouges » pour la Russie.
    Il y a 3 éléments essentiels constitutifs d’une nation : des frontières communes bien sûr, mais aussi une culture commune, et une langue commune (ou plusieurs langues reconnues à égalité sur l’ensemble du territoire). Les occidentaux accusent les Russes de vouloir remettre en cause les frontières de la nation ukrainienne, mais le Parlement ukrainien de transition, lui, s’en est pris à la langue ! En remettant en cause l’enseignement obligatoire du russe, il a remis en cause la langue russe elle-même comme langue officielle, à parité avec l’ukrainien. Inacceptable pour les ukrainiens russophones qui se sentent ainsi exclus de la nation ukrainienne, et donc pour la Russie qui est naturellement solidaire de cette population qui partage avec elle une langue, une histoire et donc une culture commune. Imaginons qu’un jour les Flamands se révoltent et prennent le pouvoir au Parlement belge. Que dirait la France si le Parlement belge remettait en cause l’enseignement obligatoire du français pour les Wallons ?
    La perspective de voir renaître les velléités d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est également inacceptable pour la Russie, qui se retrouverait ainsi complètement entourée par une coalition militaire largement au service des intérêts US, jusqu’au cœur-même de sa sphère d’influence naturelle. A mon sens, l’occupation de la Crimée par l’armée russe est une réaction de la Russie pour signifier tout simplement qu’elle ne se laissera pas faire. Comment en effet envisager que la Crimée, où la Russie possède une base navale d’intérêt stratégique crucial, se retrouve un jour dans l’OTAN !
    Certes, Vladimir Poutine est un président autoritaire, qui utilise des méthodes dignes du KGB (à ce propos, voir le livre d’Alexandre Litvinenko, Le Temps des Assassins (2), mais il faut tenir compte des réalités géostratégiques. Et plutôt que de se positionner par rapport à la réalité, les occidentaux campent sur des positions de morale ! Des positions binaires, manichéennes, réductrices, alors que la réalité est plus complexe… Soulignons au passage que parmi les « défenseurs de la Russie », certains tiennent également des positions binaires : la crise ukrainienne, si on les écoute, serait une lutte entre les « gentils » Russes et les « méchants Ukrainiens fascistes », ce qui est tout aussi ridicule ! Bien sûr, il y a avait des fascistes dans le mouvement de révolte, mais les fascistes étaient une minorité, une minorité bien visible certes, mais une minorité quand même. Le mouvement de la place Maïdan était hétéroclite, comme le soulignait la rédaction du Monde diplomatique dans l’émission Là-bas si j’y suis du 6 Mars 2014 (3). Il n’y a pas eu de Coup d’État en Ukraine, juste une révolution comme toutes les autres, qui ne peut pas aboutir du jour au lendemain au régime idéal.
    Mais revenons à des considérations diplomatiques. Dans la situation actuelle, nous voyons les États-Unis « négocier » avec la Russie, alors que les 2 parties ont des intérêts totalement contradictoires : les États-Unis veulent étendre leur sphère d’influence à l’Ukraine par l’intermédiaire de l’OTAN et la Russie ne le veut pas. On ne doit pas s’étonner, dans ces conditions, que ces « négociations » s’apparentent à un dialogue de sourds. L’Allemagne ou la France auraient pu se positionner comme arbitre, pour favoriser la recherche d’un compromis acceptable, mais non, comme pendant la Guerre froide, l’UE se soumet à la diplomatie US, alors que s’il y a une guerre en Ukraine, c’est l’UE qui sera en première ligne et subira les dégâts. Les États-Unis, géographiquement isolés, ne craignent rien. Rappelons que pendant la Guerre froide, l’OTAN était un système permettant aux États-Unis de créer un tampon avec l’URSS : en installant des missiles en Europe, les États-Unis avaient l’assurance qu’en cas de déflagration nucléaire, ce sont leurs alliés européens qui prendraient en premier ! Aujourd’hui, on dirait que rien n’a changé !
    Et après le « référendum » de dimanche en Crimée, c’est la guerre qui se profile ! Si la Crimée se détache de l’Ukraine, qui empêchera les autres russophones ukrainiens de demander la même chose ? Le rattachement de la Crimée à la Russie, ou la reconnaissance de son indépendance, risque d’avoir les mêmes effets qu’en ex-Yougoslavie, où la reconnaissance de l’indépendance de la Croatie par l’Allemagne en 1992 a déclenché la guerre. Alors que la crise ukrainienne aurait pu être l’occasion de rapprocher diplomatiquement l’UE et la Russie, toute cette histoire vire au gâchis ! Pour moi, la meilleure option pour l’Ukraine serait d’en faire une confédération à la suisse, un état tampon neutre, comme un pont entre l’UE et la Russie. Car c’est la neutralité de la Suisse qui a garanti sa stabilité pendant les deux guerres mondiales. Si la Suisse n’avait pas été neutre, imaginez ce que cela aurait donné entre les parties francophone, germanophone et italophone !
    Si la guerre éclate la semaine prochaine, nous constaterons une fois de plus qu’on ne fait pas de diplomatie avec de la morale, mais avec des principes. Le premier d’entre eux étant le principe de réalité !
    Frédéric Dalmas  http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFAuAkuZklbYpidgHk.shtml
    notes
    1 Et oui, je veux bien sûr parler de Bernard-Henry Lévy, le grand « philosophe » germanopratin qui a courageusement lutté les armes à la main contre l’infâme Kadhafi en Lybie, et le cruel Milosevic en Yougoslavie.
    2 Alexandre Litvinenko. Le Temps des Assassins, Éditions Calmann-Lévy.
    3 http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2014-03-06-La-bas

  • La Crimée vote son rattachement à la Russie

    Comme on pouvait s’y attendre, la Crimée vote son rattachement à la Russie avec une large majorité de oui:96,6% selon des chiffres officiels pour un taux de participation de 70%. Les autorités de Crimée n’ont pas tardé à déclarer leur indépendance, demandant dans la foulée son rattachement à la Fédération de la Russie. On sait que la Douma s’est déjà penchée sur les conditions de ce rattachement. Les biens de l’État ukrainien ont été nationalisés tandis que le gouvernement ukrainien a appelé à une mobilisation partielle. Les prochains jours vont être cruciaux.

    http://medias-presse.info/la-crimee-vote-son-rattachement-a-la-russie/7596

  • Trois ans de guerre en Syrie… Quel bilan ?

    Aujourd’hui, le régime est conscient qu’il ne pourra plus rétablir son autorité sur tout le territoire syrien.
    Voilà trois ans que la guerre civile en Syrie a commencé.
    Ce qui semblait être une révolution, similaire à celle d’Égypte et de Tunisie, n’en était pas une, même si les débuts y ressemblaient beaucoup. Il était évident qu’un soulèvement de mécontents allait vite se transformer en guerre civile pour une raison très simple : ces derniers étaient d’une communauté différente de ceux qu’ils accusaient de les oppresser.

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  • En Libye il est temps d’en finir avec les billevesées démocratiques pour en venir enfin à la realpolitik

    Le jeudi 6 mars, à Rome, lors de la Conférence internationale sur la Libye, le ministre italien des Affaires étrangères a considéré que le principal problème qui se pose dans ce pays meurtri est la « surimposition de légitimités ». Cet euphémisme archétypique du vocabulaire « politiquement correct » sert à cacher la vérité de la situation libyenne qui est tout simplement l’anarchie.

    Cette manipulation sémantique illustre le désarroi de cette prétendue « communauté internationale » qui, au nom des « droits de l’homme » et de la démocratie postulée universelle, a déstabilisé un pays fragile. Aujourd’hui, elle n’ose même pas employer les mots justes pour décrire les résultats de la calamiteuse guerre qu’elle déclencha sans raison avouable contre le colonel Kadhafi.

    Cessons de nous boucher les yeux en rêvant d’élections qui ne régleront pas les problèmes de fond pour regarder la réalité en face : en Libye, la situation devient de plus en plus confuse, de plus en plus anarchique et de moins en moins lisible. Le pays est livré à la loi des milices et les « autorités » ne font même plus de la figuration. Le 10 octobre 2013, le Premier ministre Ali Zeidan au pouvoir depuis novembre 2012, a ainsi été enlevé par des hommes armés. Tout récemment, le dimanche 2 mars 2014, à Tripoli, le Parlement (le CNG : Congrès national général), institution issue des élections de juillet 2012, a été pris d’assaut, en partie incendié et plusieurs députés blessés.

    La « démocratisation » de la Libye est donc un tragique échec et la « croisade humanitaire » décidée par la France de Nicolas Sarkozy a débouché sur un désastre. D’autant plus que le rêve démocratique qui fit se pâmer BHL n’est même pas celui des Libyens puisque le 20 février dernier, les élections destinées à élire les 60 membres du conseil chargé de rédiger la nouvelle Constitution n’ont attiré que moins de 15% des électeurs… [...]

    Bernard Lugan - La suite sur Afrique Réelle

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?En-Libye-il-est-temps-d-en-finir

  • C’est une Crimée, qui fait oui, oui, oui, oui, oui, oui…

    N’est-ce pas seulement parce que la réponse des Criméens au referendum de ce dimanche nous est connue d’avance que l’Occident s’indigne qu’on ait osé leur poser la question ?
    On vote donc aujourd’hui en Crimée. Les conditions dans lesquelles a été décidé et se déroule ce referendum sont il est vrai assez particulières. Justifient-elles pour autant les cris d’orfraie que pousse et les menaces de sanctions que brandit l’Occident au nom de principes qu’il ne respecte pas toujours lui-même et en feignant d’ignorer que les pressions de tout ordre qu’il reproche à la Russie vont au-devant plutôt qu’à l’encontre des vœux de la population concernée ?
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  • Entretien avec Hongbing Song, auteur de «La guerre des monnaies»

    Hongbing Song pense que la Chine devrait pousser l’intégration de la monnaie à travers l’Asie, prenant exemple sur l’Allemagne, qui a abandonné le deutsche Mark, mais a pris le contrôle de l’Europe et de l’euro. Bien que n’étant pas reconnue comme une source universitaire, la série La guerre des monnaies de Hongbing Song est très populaire parmi les lecteurs. Song se considère comme un « spécialiste de la finance internationale  », qui envisage l’économie en termes de « guerres ». Il croit que l’économie n’est qu’une pièce du jeu politique plutôt qu’une théorie ou une science.

     monnaie_0png3b6c-9c71b.pngIl explique son impopularité parmi les économistes du courant dominant en disant qu’il est compréhensible que « les économistes rejettent un nouveau système qui remet en question leur système de connaissances monopolistique ».

    Dans ses livres, Song tente d’expliquer l’histoire et le développement du monde à travers la perspective des monnaies et de la finance. Il pense que « bien que l’histoire ne se répète tout simplement pas, l’humanité reflétée dans des périodes différentes est étonnamment semblable. » Song espère trouver une solution pour le développement du monde.

    Lors de son entretien, Song mentionne que dans le passé, les Chinois ne se sont pas préoccupés des devises. L’argent, le commerce et les relations financières et commerciales ont été négligés pendant des milliers d’années en Chine.

    The Economic observer  : Que-ce qui vous a poussé à écrire la série La Guerre des monnaies ?

    hbs.jpgHongbing Song : J’habite aux États-Unis depuis 14 ans et j’ai passé plus de 20 ans en Chine. Si la Chine veut devenir une puissance mondiale comme les États-Unis, elle doit se concentrer sur plus de choses que sa simple puissance militaire. La principale concurrence entre les deux pays sera l’économie et les finances, plutôt que l’armée traditionnelle ou la guerre. Plus j’y réfléchissais, plus je réalisais que la puissance financière des États-Unis a été sous-estimée par la plupart des gens.

     Tous mes livres tentent d’expliquer l’histoire et le développement du monde dans la perspective de la monnaie et de la finance. Les chinois ne sont pas très préoccupés par l’argent, et nous avons négligé l’argent, les échanges et l’influence de la finance sur le commerce pendant des milliers d’années.

    Voulez-vous dire que nous n’avons pas conscience de l’importance de l’argent ?

    Depuis les années 1940, il y a eu quelques occasions pour les Chinois d’acquérir de l’expérience dans la finance. En tant que puissance économique montante, la Chine pourrait subir des pertes dans la concurrence internationale, si nous ne possédons pas de solides connaissances sur la finance. C’est pourquoi j’ai combiné les deux notions de « monnaie » et « guerre ». Lorsque j’ai d’abord proposé ce concept, les gens étaient confus et ont demandé : « Comment une guerre pourrait éclater entre les monnaies ? » Cependant, lorsque les gens sont devenus plus conscients de l’environnement économique du monde, ils ont commencé à en accepter la possibilité.

    Il n’y a pas de recherche systématique sur la concurrence des monnaies et de l’argent en Chine. Seuls les théories monétaires ou l’économie sont étudiées. La Chine a négligé l’importance de la finance comme un outil, une mesure et une arme, qui pourrait être vital pour son développement, son économie et sa sécurité nationale à l’avenir. Par conséquent, mon point central dans les quatre livres est en fait l’influence que l’argent a sur le sort d’un pays et du monde.

    Qu’avez-vous trouvé ?

    Basé sur un récent sondage que j’ai effectué à l’université ETH de Zurich, nous avons analysé la structure des capitaux propres de 37 millions d’entreprises transnationales et constaté que 147 des plus grands instituts financiers exercent un contrôle sur ces 37 millions d’entreprises. En outre, il y a 20 ou 30 grands groupes de sociétés de portefeuilles derrière ces 147 institutions. Cela montre comment les sociétés de portefeuilles financières minoritaires au sommet de la pyramide contrôlent effectivement la plupart des groupes transnationaux de matériaux de base et de d’énergie.

    L’enquête a démontré mon hypothèse dans La guerre des monnaies 2. Il y avait 60 familles qui contrôlaient plus de 60 % des industries aux États-Unis, en dépit de leur récente disparition du classement des plus grandes fortunes du monde depuis 1940. Pourquoi ont-elles disparu, vous demandez-vous ? Est-ce à cause de la guerre ? Cependant, gardez à l’esprit qu’il n’y a pas eu depuis de guerre sur le sol américain. J’ai le sentiment qu’à cette époque, les grandes et indispensables entreprises dans le monde étaient encore contrôlées par une minorité de familles. Les grandes banques et les entreprises sont en fait très centralisées. Beaucoup de grandes familles financières ont mis en place des fonds et fait don de leurs fortunes, surtout après 1930. Ce qu’ils veulent, c’est le contrôle plutôt que la propriété. Bien qu’il y ait peut-être des philanthropes, la pratique courante de mise en place des fondations de charité ne me semble pas logique.

    Le monde est vraiment en désordre maintenant. Votre quatrième livre est « La période des États en guerre ». Qui selon vous en sortira « gagnant » ?

    D’après la situation actuelle, les États-Unis et l’Europe sont les régions qui sont les plus susceptibles de réussir. En comparaison, la Chine n’est pas encore au même niveau. La compétition pour le leadership de l’économie mondiale se fait donc principalement entre les États-Unis et l’Europe. Bien que la Chine soit également prête, le pays n’est pas encore aussi compétent.

    Votre réponse est très différente des autres. Pouvez-vous nous l’expliquer ?

    Pour moi, la Chine est encore très fragile, non seulement au sens économique, mais en général aussi. L’énorme édifice économique que nous avons construit a une base très fragile. Comment pouvons-nous prétendre être une puissance mondiale si l’énergie et les matériaux ne sont pas suffisants au niveau national et que le commerce dépend principalement du marché étranger. Pour une véritable montée en puissance, son économie doit être beaucoup plus grande que sa dépendance aux marchés étrangers, comme l’expansion de l’Amérique l’a démontré. Avant son entrée dans la Seconde Guerre mondiale dans les années 1930, seulement 2 % à 3 % de sa croissance économique était attribuée aux marchés étrangers. En d’autres termes, les États-Unis n’avaient pas besoin d’un marché extérieur, et au contraire, les marchés étrangers avaient besoin des États-Unis. Même aujourd’hui, alors que cet État est devenu un immense empire dans le monde, son commerce extérieur ne représente que 8 % de son PIB, alors que le chiffre pour la Chine est de 30 %. Ce n’est que lorsque le pays n’est pas dépendant des autres qu’il peut mener sa propre voie.

    Dans votre ère d’États supposés en guerre, est-ce que la Chine a un rôle décisif ?

    Je ne suis pas pessimiste à ce sujet. L’idée de base est qu’un grand marché intérieur est la base pour l’ascension d’un pays. Certains ont mentionné l’internationalisation du yuan, mais il est évident que le yuan ne peut pas devenir la monnaie de réserve du monde si le marché intérieur de la Chine n’est pas le plus important du monde. L’économie chinoise est dépendante des exportations, ce qui signifie que la monnaie va refluer lorsque les marchandises seront exportées. Le Japon et l’Allemagne ont tous deux essayé l’internationalisation du mark et du yen. Toutefois, leur part dans la monnaie internationale n’a jamais dépassé 7 %, aussi à cause de leurs économies orientées vers l’exportation.

    Cela pourrait servir de leçon à la Chine. Un tiers du PIB de la Chine vient de son marché intérieur, qui représente seulement un neuvième de la taille du marché américain. Le meilleur résultat pour les pays tournés vers l’exportation ne peut pas être mieux que ce qui était le cas pour le deutsche Mark ou le yen.

    Quel est l’objectif stratégique de promotion de l’internationalisation du yuan ?À mon avis, la réponse est de remplacer le dollar. Cependant, est-il possible de garantir un encadrement efficace de la négociation des yuans à l’étranger maintenant ? Plus les yuans s’écoulent à l’étranger, plus cela sera dangereux. Il en va de même pour l’évaluation du yuan. Si l’administration d’État du marché des changes et de la Banque populaire de Chine met en place le taux de change à 6,36, alors que l’accord est de 5 à New York, quelle norme le marché va-t-il suivre ? Comme il y a beaucoup de dérivés financiers à l’étranger, le nombre d’accords là-bas peut dépasser celui de Pékin. Dans ce cas, la Chine pourrait perdre le droit d’établissement des prix.

    C’est précisément pourquoi je regarde vers le passé. En regardant en arrière, nous pouvons observer comment la livre et le dollar ont augmenté. Lorsque l’on compare le marché intérieur des États-Unis et de la Grande-Bretagne à celui de la Chine, il est impossible de prétendre que le yuan pourrait remplacer le dollar américain d’ici les 30 prochaines années. Il serait préférable de promouvoir une monnaie asiatique et bénéficier de l’internationalisation indirecte des yuans. Cependant, il y a aussi des problèmes, tels que la façon dont l’Asie devrait être intégrée.

    Voulez-vous dire la liaison de toute l’Asie ?

    Oui. En fait, les Chinois pensent rarement à la raison pour laquelle l’économie asiatique est toujours distraite et contenue par les États-Unis et l’Europe alors que leur économie totale est déjà l’égal des deux puissances. Ils considèrent aussi rarement pourquoi tous les pays asiatiques se tournent vers les États-Unis à la place d’autres pays asiatiques en cas de problème. Si la Chine veut devenir une puissance mondiale, il est essentiel que celle-ci s’intègre à d’autres pays d’Asie.

    L’intégration de l’Asie n’est elle pas difficile pour des raisons géographiques, historiques et de relations politiques ?

    La racine des problèmes des pays asiatiques ne sont pas les malentendus et les obstacles historiques. Par rapport à ces problèmes secondaires, le principal facteur est externe – le fait que les États-Unis ne veulent pas que l’Asie s’unisse. Il n’y a pas eu autant de guerres en Asie, qu’il y en a eu en Europe, pourtant les pays sont encore très aliénés. Si l’Asie est intégrée en tant que communauté d’intérêt, les États-Unis n’auront aucune chance de rester une superpuissance.

    C’est pourquoi j’ai décrit la réconciliation de l’Allemagne et de la France dans le livre. L’Allemagne et la France ont été réunies par la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Les deux pays étaient en guerre, lorsque la France a pris les régions de la Ruhr et de la Sarre après la Seconde Guerre mondiale et l’Allemagne a trouvé que leur développement était limité par la France après la guerre. La guerre potentielle dans les années 1950 entre les deux pays a été plus tard éliminée par l’articulation de leurs industries sidérurgiques. L’union est supra-souveraine et ouverte, appelant aussi d’autres pays à s’y joindre. C’est l’origine de la Communauté européenne et de l’Union européenne. Si les pays asiatiques ont des conflits sur la mer à l’est et au sud, pourquoi ne pas prendre l’exemple et intégrer les sources de pétrole là-bas avec une Union supra-souveraine, qui peut lier ensemble les intérêts de la Chine, du Japon et la Corée. D’ici là, aucun de ces pays ne commenceraient une guerre et un nouveau marché asiatique uni sera également créé. Quand une monnaie asiatique pourra enfin être promue, l’influence des États-Unis et de l’Europe sur la région diminuera.

    Votre réflexion est typiquement américaine. Accepteriez-vous que les Chinois ne pensent pas normalement de la même manière ?

    Oui. Après avoir vécu aux États-Unis, j’ai constaté que la pensée américaine et britannique est la clé de leur succès dans la conduite du monde, car elle se concentre sur l’intérêt national rationnel. Plutôt que de se concentrer sur le « visage » du pays, ils poursuivent les entreprises les plus rationnelles et les plus utiles. Le nationalisme en Chine est trop irrationnel. Ça ne fait pas de différence si nous nous plaignons des autres tout le temps. Cependant, si nous coopérons avec le Japon et unissons les pays asiatiques pour faire une organisation d’intérêt mutuel, la Chine en bénéficiera le plus. Comme dit le proverbe, même les mendiants doivent surveiller leur dos quand ils battent les chiens, comment la Chine pourrait s’opposer à l’Europe et aux États-Unis sans le secours de l’Asie ? La Chine devrait rivaliser avec l’Europe et les États-Unis pour le rôle de premier plan dans le monde. La « diplomatie de grande puissance » que nous avons trop soulignée dans le passé devrait être remplacée par une « diplomatie de voisin ». Même si nous pouvions maintenir une bonne relation avec l’Europe et les États-Unis, comment pouvons-nous attendre d’eux de nous aider sincèrement quand tout le monde est en concurrence avec l’autre pour être le leader du monde ? C’est comme essayer de trouver un poisson dans un arbre. Nous devrions nous tourner vers nos voisins asiatiques pour de l’aide en changeant notre mentalité au sujet de comment devenir le chef de file mondial.

    Je ne veux pas dire que nous devrions vivre dans l’histoire, mais je veux montrer que nous ne devrions pas répéter l’histoire non plus – nous ne devons pas être divisés et gouvernés par des puissances étrangères. La Chine devrait intégrer les puissances asiatiques dans un marché commun ainsi qu’une monnaie commune. L’Allemagne a renoncé à son marché intérieur et son deutsche Mark, mais a gagné l’ensemble du marché ainsi que le contrôle de l’Union européenne. Il s’agit de la relation dialectique du « donner » et « gagner ». Comment pouvons-nous obtenir quelque chose sans donner ?

    Traduction E&R

    Source : The Economic Observer

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Quand la Chine dénonce la situation des droits de l’homme aux États-Unis…

    Régulièrement accusées par les États-Unis d’être irrespectueuses des droits de l’homme, les autorités chinoises ont décidé de contre-attaquer.
    Depuis plusieurs années, la Chine publie tous les ans un rapport officiel dénonçant les « problèmes concernant les droits de l’homme » aux États-Unis. Paru il y a quelques jours, le rapport 2013 souligne notamment, et à juste titre, que le programme de surveillance PRISM est une « violation flagrante du droit international » et « porte gravement atteinte aux droits de l’homme ». Il est aussi reproché aux Américains de ne pas avoir fermé la prison de Guantánamo, ainsi que d’utiliser des drones militaires au Yémen et au Pakistan, causant ainsi la mort de nombreux civils.
    Régulièrement accusées par les États-Unis d’être irrespectueuses des droits de l’homme, les autorités chinoises ont ainsi décidé de contre-attaquer. Au-delà du côté piquant de voir les Chinois se muer en donneur de leçons en la matière, cette initiative est l’expression du profond refus de toute ingérence étrangère. À l’instar de beaucoup d’autres pays émergents, la Chine est très attachée à sa souveraineté et n’accepte donc plus d’être déconsidérée par les Américains sous prétexte que son organisation politique ne correspond pas au modèle occidental en termes d’État de droit ou de démocratie.
    Lire la suite