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lobby - Page 2465

  • 2013 : Comment l’Union européenne espionnera ses citoyens

    Biométrie, vidéosurveillance, drones, détection des comportements anormaux, modèles mathématiques pour identifier des suspects… L’Union européenne finance plus de 190 programmes de recherche sur la sécurité et la surveillance. Au grand bénéfice des industriels, qui recyclent les technologies militaires pour surveiller les populations. Alors qu’un nouveau programme de recherche est en cours de discussion à Bruxelles, l’Europe continuera-t-elle à céder aux lobbys industriels et à investir des milliards dans le marché de la sécurité ?

    Ils portent des noms étranges : Tiramisu, Pandora, Lotus, Emphasis, Fidelity, Virtuoso… En apparence, ce sont d’inoffensifs acronymes. En réalité, ils cachent 195 projets européens de recherche dans le domaine de la sécurité et de la surveillance. Des projets relativement inquiétants pour nos libertés. Et financés par l’Europe dans le cadre de partenariats public-privé.

    Tout est bon pour combattre « le terrorisme et d’autres activités criminelles comme le trafic d’êtres humains ou la pornographie pédophile ». Et assurer la sécurité des citoyens… Sauf qu’il s’agit aussi avec Indect de détecter « automatiquement » (sic) les comportements suspects, à partir d’images de vidéosurveillance, de données audio ou échangées sur le net. Bienvenue dans Minority Report !

    Exemple le plus emblématique : le projet Indect (« Système d’information intelligent soutenant l’observation, la recherche et la détection pour la sécurité des citoyens en milieu urbain »), lancé il y a quatre ans, dénoncé fin octobre par des manifestations dans toute l’Europe. Indect vise à permettre une « détection automatique » des menaces et des situations dangereuses – comme les cambriolages – ou « l’usage d’objets dangereux » – couteaux ou armes à feu.

    Détecter les comportements « anormaux »

    Concrètement, Indect est un système de surveillance, qui, à partir d’images et de sons captés dans l’espace public et d’informations glanées sur Internet, alerterait les services de police en cas de situation jugée dangereuse : des personnes immobiles dans une rue passante, un mouvement de foule, des véhicules qui roulent au ralenti, un appel louche sur un réseau social. Ces critères « d’anormalité » seront définis par les forces de sécurité…

    Le tout alimentera un moteur de recherche. En plus d’espionner l’espace public, Indect assurera « la surveillance automatique et en continu de ressources publiques, comme les sites web, forums de discussion, réseaux P2P ou systèmes informatiques individuels ». Mais rassurez-vous : des outils pour masquer certaines données privées, comme les visages ou les plaques d’immatriculation sur les images vidéos, sont prévus. Les informations doivent être cryptées avant leur transmission aux services autorisés. Ouf !

    Parmi les instituts de recherche qui participent au projet, aux côtés de plusieurs polices et entreprises [1], celui de l’université de Wuppertal en Allemagne est spécialisé en sécurité des transports et en protection civile contre les catastrophes. L’université vante les effets positifs que pourraient avoir ces techniques pour prévenir une situation comme celle de la Love Parade de Duisbourg, en 2010, où 21 personnes sont mortes dans un mouvement de foule.

    Dans le cadre d’Indect, il développe des modèles mathématiques pour évaluer, à partir d’images de vidéosurveillance, la vitesse des objets, ou « pour détecter le mouvement dans un domaine dangereux, comme les voies dans une gare », explique le porte-parole de l’université, Johannes Bunsch – le seul officiellement autorisé à parler du projet. Courir pour attraper un train, réagir avec un geste brusque, et vous voilà dans le moteur de recherche auquel se connectent les services de police.

    « Le système peut très bien détecter une personne nouant ses lacets dans un magasin ou prenant des photos dans un hall d’aéroport, et considérer cela comme un comportement “anormal”. En réalité, le système ne sait pas s’il s’agit d’un comportement indésirable. Il détecte simplement un comportement qui s’écarte des comportements normaux que nous lui avons appris », illustre le professeur Dariu Gavrila (cité par le site Owni) qui, au sein de l’université d’Amsterdam, travaille sur des algorithmes pour détecter les comportements agressifs.

    Car le but affirmé d’Indect est bien de lutter contre la criminalité et le terrorisme, non pas d’éviter les carambolages sur les autoroutes ou les mouvements de panique tragiques. Et ce, grâce à l’Union européenne qui finance 75% du projet (15 millions d’euros au total). « Nous ne développons que des procédés techniques, se défend prudemment le porte-parole. La compétence de décider comment utiliser la technologie revient aux politiques ». C’est bien là le problème : qui contrôle ces programmes de recherche et à qui bénéficieront-ils ?

    Police et entreprises dans le comité d’éthique

    Pour répondre aux critiques, Indect s’est doté d’un comité d’éthique. Sa composition laisse songeur : parmi les neuf membres, on retrouve deux chefs des services de police impliqués et un industriel d’une des entreprises participantes… Son principe semble pour le moins ambigu : « La maxime “si vous n’avez rien fait de mal, alors vous n’avez rien à craindre” n’est valable que si tous les aspects de la justice criminelle fonctionnent parfaitement, dans toutes les occasions. » [2]

    Faut-il comprendre qu’un citoyen qui tombe par erreur dans les mailles sécuritaires d’Indect n’aura que peu de chance de s’en sortir !? « Les comités d’éthique qui accompagnent les projets comme celui d’Indect sont plutôt des alibis, estime l’eurodéputé allemand Jan Phillip Albrecht (Vert), qui a fait partie du comité d’éthique du projet Addpriv, qui vise à créer des outils pour limiter le stockage de données jugées inutiles et rendre les systèmes de vidéosurveillance « plus compatibles » avec le droit à la vie privée des citoyens.

    Indect est loin d’être le seul programme espion généreusement financé par l’UE. Arena [3] vise à créer un système mobile de surveillance, et est subventionné à hauteur de 3 millions d’euros. Subito repère les propriétaires de bagages non identifiés. Samurai signifie « surveillance des comportements suspects et anormaux à l’aide d’un réseau de caméras et de capteurs pour une meilleure connaissance des situations » [4], dans les aéroports et les espaces publics.

    Il s’agit d’un système de vidéosurveillance avec caméras fixes et mobiles – sur des agents de police en patrouille par exemple –, équipées de capteurs permettant de suivre une personne, de retrouver le propriétaire d’un bagage abandonné ou celui d’un véhicule garé dans un lieu public. Des essais se sont déroulés en 2009 dans l’aéroport londonien d’Heathrow. Bruxelles lui a accordé 2,5 millions d’euros.

    L’enveloppe européenne pour ces dispositifs s’élève à 1,4 milliards d’euros sur cinq ans [5]. Cette future surveillance généralisée se décline dans les transports ferroviaires, les aéroports, et sur les mers, avec des projets notamment conçus pour refouler les migrants.

    Ce programme soulève de nombreuses questions, d’autant qu’il échappe à tout contrôle démocratique et toute objection de la société civile. « Les représentants de la société civile, les parlementaires, tout comme les organisations en charge des libertés civiles et des libertés fondamentales, dont les autorités de protection des données, ont largement été mis de côté », alerte un rapport commandé par le Parlement européen en 2010 [6]. Vive l’Europe des citoyens !

    Une politique de surveillance façonnée par les industriels

    Pas d’élus ni d’organisations non gouvernementales, mais une omniprésence des grandes entreprises du secteur de la sécurité et de la défense ! En particulier les Français : le groupe aéronautique franco-allemand EADS, et ses filiales Cassidian et Astrium, participent à près de 20 projets différents. Thales France en suit 22 projets et en coordonne cinq. Sagem et Morpho, deux filiales du groupe français Safran, participent à 17 projets, qui incluent la mise au point de drones de surveillance, ou la conception de passeports et de fichiers biométriques.

    Chacun avec des millions d’euros de subventions. Des recherches qui assureront sans nul doute de nombreux débouchés pour ces technologies sécuritaires, en Europe et au-delà.

    Pourquoi une telle présence ? « Ce sont en majorité de grandes sociétés de défense, les mêmes qui ont participé à la définition du Programme de recherche européen en matière de sécurité, qui sont les principaux bénéficiaires des fonds », pointe l’étude du Parlement européen.

    Plusieurs multinationales – dont, côté français EADS, Thales, ou Sagem [7] – ont étroitement participé à la définition du programme de recherche lui-même. Depuis 2003, leurs représentants et PDG conseillent la Commission européenne sur le sujet, via différents groupes de travail et comités, qui ont pour mission d’établir les priorités de la politique européenne de recherche en sécurité [8]. A se demander qui, des multinationales ou des institutions élues, définit la politique de sécurité européenne ! « Ce qui intéresse les entreprises du secteur, ce n’est pas tant de surveiller les populations que de faire de l’argent », analyse Jean-Claude Vitran, de la Ligue des droits de l’homme.

    Recycler les technologies militaires

    C’est que le marché européen de la sécurité vaut de l’or. Entre 26 et 36 milliards d’euros. Et 180 000 emplois, selon la Commission européenne, qui estime qu’au cours des dix dernières années, la taille du marché mondial de la sécurité « a quasiment décuplé, passant de quelque 10 milliards d’euros à environ 100 milliards d’euros en 2011. » [9] Mais Bruxelles craint pour la compétitivité des firmes européennes. La solution ? Développer « un véritable marché intérieur des technologies de la sécurité », explique Antonio Tajani, vice-président de la Commission en charge des entreprises. Un marché essentiel pour consolider la position des entreprises du secteur.

    Pour y parvenir, Bruxelles veut exploiter les synergies « entre la recherche en matière de sécurité (civile) et la recherche dans le domaine de la défense ». Une stratégie duale : les technologies développées à des fins militaires peuvent aussi se vendre sur le marché intérieur de la sécurité civile, pour la surveillance des migrants, des citoyens, des transports et des espaces publics.

    « Les industriels de la défense sont conscients que le marché militaire peut s’appliquer à la sécurité civile. Et qu’ils peuvent en faire leurs choux gras », ajoute Jean-Claude Vitran. Les entreprises du secteur profitent des fonds de soutien à la recherche, à tous les niveaux. En plus du volet sécurité du programme de recherche européen, au moins sept pays européens ont lancé depuis des programmes nationaux, dont la France, avec le programme « Concepts, systèmes et outils pour la sécurité globale » de l’Agence nationale de la recherche. Le secteur n’est visiblement pas soumis à l’austérité.

    Vers un contrôle plus grand du Parlement ?

    Et ce n’est pas terminé ! Ce septième programme-cadre européen prendra fin en 2013. Mais l’industrie de la sécurité n’a pas de souci à se faire. Le budget du prochain programme, Horizon 2020, valable pour la période 2014-2020, devrait augmenter. La commission de la recherche et de l’industrie du Parlement européen a adopté le 28 novembre une première proposition [10]. Le montant global alloué à la recherche dépendra des discussions entre chefs de gouvernement des pays membres.

    Une chose est sûre : un volet entier sera de nouveau dédié à la sécurité civile, qui devrait recevoir 2,1% du montant global du programme-cadre. Soit 1,6 milliard d’euros. L’industrie de la sécurité dispose d’un allié au cœur du processus législatif européen. L’un des rapporteurs du texte Horizon 2020, le député conservateur allemand Christian Ehler, est président du conseil d’administration de la German european security association (GESA), une organisation lobbyiste qui regroupe des représentants de l’industrie allemande de la sécurité, de la recherche et des politiques.

    « 2 % du paquet recherche, c’est beaucoup trop. Si ça n’avait tenu qu’à nous, il n’y aurait pas eu de chapitre « sécurité » dans ce programme, souligne Philippe Lamberts, eurodéputé belge (Vert), autre rapporteur du projet Horizon 2020. Le budget européen de recherche n’est pas énorme. Il faut choisir ses priorités. Il y a d’autres domaines de recherche qui sont plus brûlants pour la sécurité européenne, comme l’indépendance en énergie ou en ressources. »

    Les élus verts du Parlement européen ont réussi à introduire des critères d’impact social dans le programme. Tous les appels à projets dans le domaine de la sécurité devront être soumis à une évaluation préalable de leurs conséquences, sur les droits fondamentaux par exemple. « Auparavant, le facteur principal pour choisir les projets, c’était la croissance potentielle de la branche, rappelle le député vert Jan Philipp Albrecht. Il faut des lignes directrices, liées au respect des libertés. Nous avons des restrictions éthiques similaires dans le domaine de la recherche sur les cellules souches. Il faut que soit clairement établi dans quel cadre on a le droit de chercher pour recevoir les fonds européens, et dans quelle limite. »

    Et surtout permettre aux citoyens de garder le contrôle sur un ensemble de projets qui peuvent remettre sérieusement en cause les libertés publiques. A moins que la « compétitivité » des grands groupes du secteur de la sécurité ne prenne, une fois de plus, le dessus.

    Notes

    [1] Douze instituts de recherche, dont l’école d’ingénieur INP de Grenoble – qui n’a pas répondu à notre demande d’informations –, quatre entreprises allemandes et autrichiennes et la police de Pologne et d’Irlande du Nord.

    [2] Lire ici.

    [3] Architecture for the Recognition of threats to mobile assets using Networks of multiple Affordable sensors, Arena.

    [4] Suspicious and abnormal behaviour monitoring using a network of cameras and sensors for situation awareness enhancement

    [5] Le programme cadre européen dispose d’un budget de 51 milliards d’euros attribués à la recherche pour la période 2007-2013, dont 1,4 milliards pour le volet « Sécurité ».

    [6] A télécharger ici.

    [7] Mais aussi BAE Systems, Ericsson, Saab, Siemens…

    [8] Le « Groupe de personnalités » (GoP) en 2003, puis le Comité de conseil de la recherche européenne en sécurité (European Security Research Advisory Board, Esrab) en 2005. En 2007, un troisième comité est créé pour accompagner cette fois le 7ème programme cadre de recherche – le Forum européen pour la recherche et l’innovation en sécurité (Esrif).

    [9] Lire leur communiqué.

    [10] Sur la base d’un premier projet de la Commission. Le texte sera voté en plénière au Parlement européen dans le courant de l’année 2013.

    Basta Mag  http://fortune.fdesouche.com

  • Terrorisme stalinien d’outre-tombe – Par Flavien Blanchon

    LONDRES (NOVOpress) – Croulant sous les années, les titres et la vénération générale, enrichi par ses droits d’auteur sur ses livres imposés à tous les étudiants d’Angleterre et d’ailleurs, avant même de devenir, en 2003, l’heureux lauréat du Prix Balzan d’un million de francs suisses pour l’histoire européenne, couvert de doctorats honoris causa, membre de la British Academy, promu par Tony Blair compagnon d’honneur du Commonwealth – distinction réservée à quarante-cinq Britanniques pour leurs « services exceptionnels » à la culture –, le stalinien Eric Hobsbawm (photo) était le bouddha vivant de la gauche européenne. Lorsqu’il se montrait dans une réunion, selon un témoin oculaire, « l’atmosphère ressemblait à celle d’une audience pontificale ou d’une apparition publique du dalaï-lama ».

     

    Aussi sa mort cet automne, à quatre-vingt-quinze ans, fut-elle immédiatement suivie de son apothéose. Tout l’establishment médiatique britannique, de la BBC au Guardian, fit le panégyrique du « plus grand historien anglais », « un géant des Lumières dont le décès nous laisse tous plus pauvres ». Notre Monde national célébra sans rire son « impeccable lucidité », qui l’avait « préservé de toutes les dérives totalitaires, protégé par sa conscience d’être un “aristocrate communiste” ». Le président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz y alla de son communiqué pour saluer « un homme exceptionnel doté d’une extraordinaire lucidité », « une référence pour notre époque ».

    Le Guardian, fidèlement transcrit par Le Monde, ne craignit pas même de s’apitoyer sur le « maccarthysme universitaire » qui, pendant la guerre froide, aurait, paraît-il, empêché Hobsbawm d’obtenir « le poste à Cambridge qu’il avait toujours convoité », et l’aurait contraint à se rabattre sur l’université de Londres : quasiment la Sibérie !

    Bien rares furent ceux – dans le Telegraph, un peu le Spectator, surtout le Daily Mail, journal populaire tellement haï et méprisé par l’intelligentsia qu’il n’a plus rien à perdre –, qui osèrent troubler le chœur des pleureuses. Osèrent rappeler que Hobsbawm, ayant adhéré au Parti communiste britannique dans les années 1930, en resta membre sans discontinuer, malgré Budapest et Prague et tout le reste, jusqu’en 1991, quand ce qui restait du Parti finit par se dissoudre après l’effondrement de l’Union Soviétique.

    Osèrent noter que Hobsbawm commença sa carrière en publiant au début de 1940, sur instructions directes du Komintern, une grossière apologie de l’invasion soviétique de la Finlande, présentée comme un acte d’autodéfense contre « l’agression capitaliste » : « Nous devons rassembler les étudiants et les travailleurs de Grande-Bretagne derrière le slogan : PAS DE VOLONTAIRES POUR LA FINLANDE – NE TOUCHEZ PAS À LA RUSSIE ! » Et que cinquante ans plus tard, dans L’Âge des extrêmes, le plus impudemment partisan et le plus grotesquement surfait de ses livres, Hobsbawm resta fidèle à lui-même en faisant en sorte de ne pas même nommer le pacte germano-soviétique. Tout au plus, au détour d’une page, peut-on lire que, « après presque une décennie d’échec flagrant de la ligne d’unité antifasciste du Komintern, Staline la raya de son ordre du jour, tout au moins momentanément ».

    Osèrent relever la complaisance narcissique avec laquelle, dans ses mémoires, Interesting Times, Eric Hobsbawm évoque son militantisme communiste, en même temps que l’extraordinaire complexe de supériorité, à la fois intellectuel et social, qu’il y affiche à l’encontre de « la petite bourgeoisie thatchérienne ». Dans un compte rendu pénétrant de la New York Review of Books, Tony Judt avait parfaitement résumé les choses : « Eric Hobsbawm est un mandarin – un mandarin communiste – avec toute l’assurance et tous les préjugés de sa caste ».

    Osèrent citer ce dialogue tranquille en 1994, dans une émission culturelle de la BBC tout entière consacrée, grâce à la redevance audiovisuelle, à la promotion du livre d’Hobsbawm, Age of Extremes. L’animateur (l’historien Michael Ignatieff) :

    « En 1934, des millions de gens sont en train de mourir dans l’expérience soviétique. Si vous aviez su cela, est-ce que cela aurait fait une différence pour vous à l’époque ? Est-ce que cela aurait changé votre engagement ? Votre adhésion au Parti communiste ?

    – Hobsbawm (après un peu d’hésitation) : Probablement non.

    – Ignatieff : Pourquoi ?

    – Hobsbawm (emberlificoté) : Parce que, dans une période dans laquelle, comme vous pouvez l’imaginer, le meurtre de masse et la souffrance de masse sont absolument universels, la possibilité qu’un nouveau monde soit en train de naître dans une grande souffrance aurait toujours mérité d’être soutenue […].

    Ignatieff : Ce que cela revient à dire, c’est que, si les lendemains qui chantent avaient effectivement été créés, la perte de quinze ou vingt millions de personnes aurait pu être justifiée ?

    – Hobsbawm : Oui ».

    Hobsbawm n’était certainement pas un grand historien. Mais le dossier de la vie, de la mort et de la canonisation du stalinien Hobsbawm sera, pour les historiens de l’avenir, un document du plus haut intérêt. Peu de pages illustrent aussi bien le dérèglement mental et moral de la gauche intellectuelle européenne, sa bonne conscience que rien ne saurait entamer, sa prodigieuse impudence. « Tu t’es fait un front de prostituée, tu n’as pas voulu rougir ».

    Il manquait au tableau une dernière touche, que The Observer, le supplément dominical du Guardian, a finalement ajoutée pour Noël, sous la plume du journaliste Neal Ascherson, ancien étudiant de Hobsbawm, au début des années 1950, au très sélect King’s College de Cambridge – où Hobsbawm, comme on sait, aurait voulu faire toute sa carrière. Ascherson avait auparavant accompli son service militaire, dans les Royal Marines, et s’était battu en Malaisie contre la guérilla communiste – lancée par le Parti communiste malais, essentiellement composé de Chinois, pour introduire en Malaisie, par le sabotage, l’intimidation et l’assassinat, un régime aussi riant que celui du président Mao. Lors d’un dîner officiel au Collège, il mit sa médaille de campagne. Hobsbawm l’examine et lui demande : « Qu’est-ce que c’est que cette médaille que vous portez ?

    – C’est ma médaille de campagne. Pour service actif dans l’urgence malaise [the Malayan emergency, nom officiel de la guérilla] ».

    Réplique cinglante de Hobsbawm : « La Malaisie ? Vous devriez avoir honte de porter ça ».

    Ascherson en est visiblement resté traumatisé. « Je ne pense pas avoir rien répondu. Je me souviens avoir remarqué les étudiants autour de nous, les yeux écarquillés de stupeur. J’ai alors quitté la salle, en dégringolant dans l’escalier obscur, pour déboucher dans la vaste cour où il commençait à pleuvoir. Pendant quelque temps, j’ai fait le tour de la cour dans l’obscurité en pleurant. Après un certain temps, j’ai cherché à tâtons ma médaille, je l’ai détachée et mise dans la poche de ma veste. Je ne l’ai plus jamais portée ».

    Comme on aurait voulu qu’Ascherson ou l’un des étudiants qui assistaient à la scène osât dire à Hobsbawm que, non seulement, en tant que stalinien, il était mal placé pour donner des leçons de morale, mais que, Juif ayant fui l’Allemagne en 1933 puis ayant passé toute la Seconde Guerre mondiale, de son propre aveu, planqué à l’arrière sans jamais voir le feu, il devait au moins être reconnaissant à l’armée britannique ! Personne n’osa.

    Pis, Ascherson a subi une telle rééducation que, soixante ans après, à quatre-vingt piges, le malheureux en est encore à ramper dans la boue pour demander pardon aux lecteurs du Guardian. « J’avais déjà honte de porter cette médaille, et c’est pourquoi je la portais. J’avais besoin de quelqu’un pour me dire que j’avais honte, afin que je puisse affronter mon propre passé et essayer sérieusement de réconcilier ses contradictions. Eric Hobsbawm m’a appris beaucoup de bonnes choses, mais celle-là est la plus importante de toutes ».

    E morto anco minaccia, comme dit le Tasse du Sarrasin Argant. « Mort, il menace encore ». Hobsbawm a rejoint Staline, mais ses sectateurs et ses dévots demeurent, toujours aussi puissants à l’université et dans les médias. Toute dégoulinante du sang des charniers, hideuse de la lèpre morale de son négationnisme, aveugle à force de se boucher les yeux, sourde à force de se masturber, la gauche intellectuelle continue à porter beau, parler haut et faire la leçon : « Vous devriez avoir honte ». Il est des gens à qui elle fait encore peur.

    Flavien Blanchon pour Novopress

  • Dehors les indépendants :

     

    La politique actuelle et cela depuis deux cents ans, consiste et Napoléon lui-même le disait du code civil, à détruire tout ce qui de près ou de loin ne dépend pas de l'Etat. Toute la politique étatique est fondée sur la destruction des corps intermédiaires(entre l'Etat et l'individu), ainsi que les métiers pouvant avoir une certaine indépendance.

    L’individu s'est ainsi retrouvé complètement déraciné,"hachélémisé" dans un conformisme puant, dans un mal-vivre où le taux de suicide le plus fort se retrouve dans la jeunesse et certains métiers, en quête d'un absolu inexistant.
    C’est ainsi qu'aucune politique familiale ne sera, à terme, préservée, voire même qu'elle sera livrée par divers moyens à l'anéantissement, par anti-natalisme, pressions fiscales, aides réduites obligeant la mère au travail, logements difficiles créant la promiscuité et la séparation entre les générations. La justice condamnera plus durement une mère de famille n'ayant pas réglé sa redevance de télévision qu'un malfrat quelconque, voire même les responsables assassins du sang contaminé.

    D’autre part, aucun avantage pour l'accession à la propriété permettant aux parents d'assurer l'avenir de leurs enfants, voilà le triste lot d'aujourd’hui. La jeunesse déracinée, vit dans un monde virtuel admirablement orchestré. Du « pain béni » pour le pouvoir désirant l'effacement d'une jeunesse qui, dans d'autres temps, aurait balayé l'univers du tout pourri politique et médiatique. Son conditionnement, par des désirs dirigés et contrôlés médiatiquement, en font des jeunes-vieux dépourvus de toute volonté sombrant dans un monde chimérique de non-existence... Ce monde virtuel et perpétuel de la toile et des jeux vidéos !

    Nous voici donc livrés à la loi de la jungle... Une dure loi que le législateur individualiste des Républiques successives a voulu installer jusque dans la famille en détruisant l'autorité paternelle, en la livrant - à son niveau - aux mêmes divisions, aux mêmes rivalités qui affectent toute notre société... Ainsi comme dans les conflits syndicaux, comme dans les conflits communaux ou régionaux, les conflits familiaux se régleront sous les auspices d'un fonctionnaire, d'un juge...

    Néanmoins, la famille résiste aux ébranlements. Encore faut-il ne pas la dissoudre ; et nous aurions préféré aux déclarations de principe de certains responsables politiques ou religieux une opposition déterminée à l'oeuvre dissolvante des idéologues libéraux (libéraux-libertaires même...), cette oeuvre imperturbablement poursuivie malgré le démenti des faits et le simple bon sens. En Droit voici chacun de nous seul désormais devant un monde hostile où cent obstacles administratifs à notre sens de la famille vont se dresser...

    Mais le respect de "ce qui naturellement est" doit continuer à guider notre attitude, profondément humaniste et politique tout à la fois...

    http://www.actionroyaliste.com

  • Communautarisme contre République : une menace en trois dimensions

    Un spectre hante la République : le communautarisme a fait son apparition comme catégorie répulsive du discours politique et du champ intellectuel depuis le début des années 80. Se réclamer du communautarisme, c’est, pour un politique ou un intellectuel, la certitude d’un isolement rapide (« Qui est communautariste ? »). Le consensus dominant estime le communautarisme en expansion dans la société et prétend construire des digues contre lui, en même temps que les « valeurs républicaines », ringardisées il y a peu encore, reviennent à la mode (« Nous sommes tous des républicains », pourrait-on paraphraser). D’où vient alors le paradoxe selon lequel le communautarisme, prétendument combattu par tous, serait irrésistiblement en ascension ? Pour répondre à cette interrogation, un essai de définition s’impose. Celle que je proposerai s’articulera autour de trois dimensions.
    « Envie du pénal » et « Reductio ad Hitlerum »
    Le communautarisme est d’abord un réflexe idéologique, inséparable de l’extension du politiquement correct dans les pays d’Europe et les Etats-Unis. Certains sujets y sont désormais retranchés des règles du débat public en raison de l’implication de « minorités » plus ou moins bien définies, dont le respect inconditionnel est tenu pour acquis. Citons en vrac : la demande d’accroissement sans limite des droits associés à l’« homoparentalité », la demande de « reconnaissance » et de « dignité » des « descendants » de l’esclavage ou de la décolonisation par le vote de lois spécifiques (dites « lois mémorielles »), la revendication de places réservées dans les domaines les plus prestigieux de la politique, de la communication ou de l’entreprise privée pour les femmes et les minorités ethniques (par des politiques dites de « discrimination positive » ou favorisant la « diversité ») ou encore la demande d’intégration des pratiques culturelles et religieuses dans les cahiers des charges du Service public (quasi-disparition de certains plats dans les cantines scolaires, par exemple).
    On assiste ainsi, dans les vieilles démocraties libérales, à un rétrécissement stupéfiant de la liberté d’expression, pourchassée jusque devant les tribunaux par des associations groupusculaires, parlant le langage de l’humanisme et de la tolérance, mais d’abord mues par le souci de la censure et réclamant peines de prison et interdits professionnels pour les « mal-pensants ». L’« envie du pénal », selon l’expression de Philippe Muray, semble désormais la passion dominante de la nouvelle ploutocratie du monde associatif et militant, intégrée à la société du spectacle dans ce qu’elle a de plus méprisable et médiocre, usant de la « reductio ad hitlerum » comme d’autres, en leur temps, de l’accusation de « fascisme ».
    « Victimes » d'hier, « victimes » d'aujourd'hui
    Dans ce contexte idéologique délétère, on reconnaît bien entendu la vieille fascination de la gauche pour la culture de la marge ou de la minorité (avatar du léninisme ?), réflexe qui n’a fait que s’exacerber avec le mépris grandissant de l’intelligentsia de gauche pour les classes populaires autochtones, désormais assimilées à la « majorité »... dominante. Par un étonnant renversement, la cause du communautarisme remplace ainsi les « victimes » d’antan (les travailleurs, dont les caractéristiques ethniques, religieuses ou sexuelles étaient tenues pour négligeables) par les « victimes » d’aujourd’hui (immigrés, femmes, membres de minorités ethniques, religieuses ou sexuelles), au moment même où le système économique mondial relègue effectivement le monde ouvrier dans les marges (du moins en Europe et aux Etats-Unis), rompant ainsi avec la centralité de la figure ouvrière dans le système capitaliste. Cette inversion s’établit en même temps que la question sociale disparaît des écrans radar au profit de questions sociétales plus ou moins légitimes mais qui, sans conteste, ont pour effet d’éjecter la première nommée de l’agenda politique.
    La carte qui gagne à tous les coups
    Le communautarisme est aussi une stratégie opportuniste, pour le Narcisse en mal de reconnaissance comme pour le filou sans morale. En France, vieille nation politique individualiste, l’apparition d’entrepreneurs communautaires prétendant parler au nom de leur « communauté » d’origine peut s’expliquer aisément. Carte médiatique à coup sûr gagnante (surtout depuis que les entrepreneurs communautaires - tout en réclamant des mesures d’inspiration communautariste - parlent la langue de la République), arme de pression sur des responsables politiques mal conseillés ou simplement couards, le choix d’un positionnement communautaire permet l’acquisition de rentes de situation dans l’appareil médiatique et politique et une exposition sans commune mesure avec l’influence réelle ou la représentativité desdites associations ou des individus. Après tout, Tariq Ramadan, citoyen suisse d’origine égyptienne, n’était-il pas tenu pour un spécialiste des banlieues françaises au seul motif qu’il est musulman ? Jean-Guy Talamoni, l’un des chefs de file du nationalisme corse, n’a-t-il pas été « poussé » par le quotidien Le Monde pendant des années avant que les citoyens français de Corse ne mettent un coup d’arrêt, en juillet 2003, à la logique de séparation institutionnelle proposée alors par les autorités de la République ? Le CRAN (« Conseil Représentatif des Associations Noires » de France) ne bénéficie-t-il pas d’une médiatisation sans rapport avec ses maigres effectifs (une centaine de personnes, selon des sources internes) ? Et, suprême injure faite à la philosophie républicaine, la quasi-totalité des membres du gouvernement et de l’opposition ne prend-elle pas soin, tous les ans, de se rendre au dîner annuel du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF), craignant de subir les foudres de responsables ne faisant pourtant guère dans la nuance dès qu’il s’agit de « repentance » ou de défense des intérêts israéliens ?
    A l'école du CRIF
    Il faut ici se rendre à l’évidence : c’est bien la relation institutionnelle incestueuse entre le CRIF et le monde politique français qui fournit tout à la fois la matrice que les nouvelles organisations communautaires (CRAN, CFCM - Conseil Français du Culte Musulman - oscillant perpétuellement entre son rôle cultuel et une ambition politico-communautaire, etc.) cherchent à imiter et la jurisprudence qui justifie toutes leurs audaces. Constat tragique au pays de Stanislas de Clermont-Tonnerre...
    Ce sens de l’opportunité des entrepreneurs communautaires s’allie parfaitement à la première dimension de la dynamique communautariste et fournit à bon compte des solutions faciles et « médiatisables » à des élus ou responsables politiques éprouvant des difficultés réelles à proposer des politiques publiques qui emporteraient l’adhésion collective, dans une société marquée par l’anomie et l’individualisation.
    Une séparation destructrice
    Le communautarisme est, enfin, une réalité démographique dont il est difficile de mesurer la dangerosité. La séparation de fait des catégories populaires (Français de longue date désormais relégués dans les zones périurbaines et rurales ; immigrés récents vivant dans les banlieues intégrées aux villes-centres) introduit une nouveauté dans la France post-révolutionnaire. Elle porte en effet en germe la destruction de la pratique républicaine à la française, qui réussissait à fusionner un idéal politique élevé (la philosophie républicaine, d’inspiration libérale mais fortement teintée d’égalitarisme ; autrement dit : la tension féconde entre les principes d’inégalité et d’égalité) et une pratique anthropologique culturellement violente mais symétriquement antiraciste : l’assimilation.
    On a longtemps constaté l’indifférence des Français à la race, sur une longue durée - en particulier par l’importance des mariages mixtes exogamiques, qui séparaient radicalement l’univers culturel français de l’univers culturel anglo-saxon ou allemand - mais cette particularité française se déployait à des époques d’immigration plus faible, où l’assimilation allait de soi sur le plan anthropologique (elle n’était alors pas perçue par la société française comme une violence insupportable, ou par les nouveaux venus comme un choix parmi d’autres) et où l’immigration était essentiellement masculine.
    Laïcité molle
    L’immigration familiale, depuis les années 1970-80, a bouleversé cet équilibre en changeant radicalement les conditions de l’immigration, déracinement désormais relatif sur les plans affectif et culturel. De plus, le rétrécissement des distances provoqué par les nouvelles technologies entraîne toute une série de conséquences sur les plans culturel et intime, qui se mesurent par exemple par l’importance des mariages conclus avec des hommes ou des femmes du village d’origine. L’affaissement des normes du pays d’accueil - induit mécaniquement par la concentration des populations immigrées et leur constitution en majorités relatives dans leurs quartiers d’habitation - implique la prise en compte, par un Etat républicain mal préparé, de multiples aménagements à caractère ethnique ou religieux, en contradiction avec le principe de laïcité d’une part, mais aussi avec le réflexe national de mise à l’écart de la religion dès lors qu’il s’agit de la sphère publique (réflexe touchant indistinctement les religions catholique, protestante et juive).
    Une insécurité devenue culturelle
    Cela fournit l’une des dimensions d’une insécurité culturelle ressentie de manière particulièrement violente par les catégories populaires des Français de longue date, dominées sur le plan économique, méprisées par la culture des classes dominantes et, désormais, parfois soumises sur le plan culturel, au sein même des catégories populaires, en voie de communautarisation accélérée. A terme se pose la question de la réalité d’une culture commune, dans un pays où les classes populaires vivent désormais « ensemble mais séparées », selon l’expression lucide de Christophe Guilluy (*).
    Julien Landfried 
secrétaire national du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC)
Journal Après-demain n°17 
(« La République en danger », janvier 2011)
    Observatoire du communautarisme
    Julien Landfried est l’auteur de Contre le communautarisme (Editions Armand Colin, 2007)
    (*) Fractures françaises, Christophe Guilluy, Bourin éditeur, 2010
    Correspondance Polémia – 04/02/2011

  • Les tièdes :

    Je reçois un courriel d'une connaissance apparemment très fière et bienheureuse d'avoir participé à une manifestation en faveur de la « famille pour tous » (sic) au sein d'un cortège « sans étiquette confessionnelle ni politique » (re-sic) affirmant le droit fondamental d'avoir un papa et une maman mais « dénonçant aussi vigoureusement l'homophobie » (re-re-sic).
    Il y a, me semble-t-il, dans ces quelques mots, toute la frilosité, toute l'extrême prudence flirtant avec la lâcheté, toute la démagogie infantile qui caractérise les cathos de France et la posture timorée et tremblotante qui les condamnent à l'impuissance et à des actions purement symboliques dénuées de toute influence réelle. Les cathos ont perdu absolument toutes les batailles depuis 40 ans mais continuent à s'en tenir aussi joyeusement que rigoureusement aux même méthodes et aux mêmes mots d'ordre :
    « surtout pas de politique! », « de la nuance et de la mesure! », « pas de radicalité! »!
    A force de ne « pas vouloir être récupérés », ils sont en effet devenus « irrécupérables » pour la politique (c'est à dire l'action sur la vie de la cité) et purement ornementaux. Ainsi, dans vingt ou trente ans, ils pourront encore être 50 000 à manifester « pour la vie » et même 300 000 à défiler... sans jamais rien empêcher, jamais rien obtenir. J'aimerai pouvoir dire cela à ce sympathique catholique « de droite », sans aspérité et plein de bonne conscience et de volontarisme mou, mais tenant à m'épargner une réponse aussi imbécile que prévisible du type « Ha oui, parce que c'est peut-être mieux de péter la gueule à des femmes et de passer pour des fachos? », je préfère me borner à le féliciter pour le courage de son annuel acte de résistance, bien convaincu qu'il ne trouvera pas là la moindre trace d'ironie.

    A moy que chault

    http://www.actionroyaliste.com

  • Une taxe perdue...

     

    Il y a beaucoup de choses à reprocher à la République et à ses dirigeants, et tout particulièrement l’hypocrisie, qui est sans doute la pire des choses en politique, au même titre que le manque de courage et l’indécision. Ainsi, le rejet par le Conseil constitutionnel de la fameuse taxe à 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros : qui peut croire que M. Hollande ne savait pas qu’elle serait annulée par ce Conseil, alors même que son principal conseiller, le secrétaire général de l’Elysée Emmanuel Macron, évoquait cette taxe provisoire comme celle d’un Etat comparable à un « Cuba sans le soleil » ? Qui peut croire qu’un Président de la République est un « amateur » en matière fiscale ou qu’il n’a pas des spécialistes sur la question capables de lui dire que sa proposition serait, au regard du Droit français, invalidée ? En fait, et sans doute dès le début, M. Hollande savait que cette taxe était condamnée, et cela avant même d’arriver au faîte de l’Etat, mais il s’agissait pour lui de mordre sur l’électorat d’une Gauche qui semblait, au printemps 2012, sensible aux sirènes mélenchonistes, et, pour cela, toutes les démagogies étaient autorisées, la fin présidentielle justifiant tous les moyens électoraux puisque la France a le malheur d’être en République… 

    Sinistre farce mais à laquelle, d’ailleurs, peu de gens ont cru : je me souviens d’une conversation entendue dans un café de Saint-Briac en pleine effervescence électorale, conversation durant laquelle une jeune femme visiblement issue des classes aisées et attachée, selon ses termes, à la « mondialisation obligatoire et forcément bénéfique (sic !) », expliquait qu’elle voterait « évidemment » pour François Hollande mais tout en affirmant à son interlocuteur encore hésitant que le candidat socialiste serait, de toute façon, « raisonnable » et que cette taxe, pourtant présentée comme fondamentale dans sa stratégie de candidat (mais qui dit stratégie ne dit pas forcément « mise en pratique »…), ne serait pas vraiment « utile » ni même « souhaitable », et qu’il y renoncerait sans doute après quelques mois et quelques conseils… Cette même jeune femme arguait de la nécessité pour François Hollande de « convaincre le peuple » qui « malheureusement » votait… Je n’invente rien, j’ai bien entendu cela ! 

    Et ce qui devait être, est effectivement ! Cette fameuse taxe symbolique a joué son rôle dans l’élection, même si elle ne devait, disait-on dans les milieux économiques, rapporter que des sommes relativement dérisoires (quoique, au point où en sont les caisses de l’Etat…) : elle est désormais invalidée et disparaît des dispositions du budget 2013 en attendant de disparaître définitivement dans les placards des promesses électorales, comme tant d’autres après chaque élection… Avant cette taxe à 75 %, il y a eu la fameuse « taxe carbone », censurée par ce même Conseil constitutionnel en 2009 et, malgré les promesses du lendemain de la reformater, totalement enterrée ensuite, dans une indifférence générale…

    Ce gouvernement est d’une hypocrisie totale quand il essaye de faire croire qu’il va chercher à relancer cette taxe en la formulant différemment ou en l’amendant « légèrement (sic !) » ! Les beaux discours de M. Hollande lorsqu’il était candidat sont, les uns après les autres, défaits par les réalités ou, bien plutôt, par cette sorte de fatalisme qui aujourd’hui gangrène le monde politique et le persuade qu’il ne peut, en définitive, rien faire si ce n’est suivre le cours de la mondialisation économique : cette morale impolitique de « la feuille morte au fil de l’eau » m’agace au plus haut point, et je refuse cette désertion de l’Etat face aux difficultés, cette propension à rendre les armes avant même d’avoir combattu, que cela soit à Florange face au prédateur Mittal ou à Bruxelles face à la chancelière allemande !

    Après tout, cette affaire de taxe refusée n’est pas la plus grave, même si elle est hautement révélatrice (et que cette taxe, personnellement, ne me choquait pas outre mesure, bien au contraire, comme je l’ai déjà écrit ici) : ce qui est inquiétant, c’est cette impression donnée par la République et son gouvernement actuel, certes forcément « provisoire », que l’Etat a renoncé à réfléchir et à agir, à décider et à s’imposer ! A contrario, donc, voici encore quelques raisons supplémentaires d’être royaliste !

    http://jpchauvin.typepad.fr/

  • COMMENT L'OCCIDENT MANIPULE LES CONSCIENCES

    Longtemps on a cru que la désinformation était l'apanage de l'Est et qu'avec la chute de l'Empire soviétique, enfin la vérité serait plus facile à traquer. Faux, bien entendu. Si elle est une invention communiste, la « desinformatiya » sert aujourd'hui plusieurs maîtres et un totalitarisme mou en apparence qui a nom « pensée unique ». Vladimir VoIkoff, qu'on ne peut suspecter de sympathie pour l'URSS, nous livre post-mortem dans son excellente collection sur la désinformation fondée aux éditions du Rocher un opuscule qui paraîtra peut-être incongru aux vétérans de la guerre froide. Il s'agit d'un commentaire d'un ouvrage à ce jour non traduit en français, une analyse critique de la manipulation de la conscience (2000) du politologue marxiste Sergueï Kara-Mourza.
    Né à Moscou en 1939, scientifique de formation, épistémologue ayant consacré sa thèse à L'Histoire et la Méthodologie de la science et de la technologie, celui-ci a été professeur avant de publier des ouvrages consacrés à la politologie. Bien qu'il s'oppose à sa thèse selon laquelle c'est l'URRS qui a créé la désinformation, Volkoff constate qu'il le rejoint sur les conclusions et les méthodes employées, ainsi que sur les moyens d'en libérer les esprits.
    Selon Kara-Mourza, cependant, la désinformation étant « l'adaptation à la politique des techniques publicitaires » la Russie soviétique n'a pu en être la conceptrice mais bien les Etats-Unis. Mieux que « désinformation », ce dernier emploie d'ailleurs plus volontiers l'expression plus forte et significative de « manipulation de la conscience » qui en définit beaucoup mieux l'objectif : « un moyen d'imposer sa volonté en agissant spirituellement sur les gens par la programmation de leur comportement ».
    L'utilisation des sondages, par exemple, dont on n'a pas - et pour cause - vu l'usage en Union soviétique, participe de cette manipulation quoique Kara-Mourza ne le mentionne pas dans son ouvrage. Mais le fait que les programmes politiques et l'exposition d'alternatives soit, remplacé par la concurrence des images des politiciens, images créées  selon les lois du bizness publicitaire » nous rappelle étrangement notre dernière campagne électorale. Et notre analyse marxiste de conclure avec une lucidité qu'on aimerait voir à nos politologues de comptoir : « Dès que la manipulation de la conscience s'est transformée en une technologie de la maîtrise, le concept même de démocratie est devenu purement conventionnel et ne peut plus s'utiliser que comme un cliché idéologique. » Selon lui, ce sont les médias qui sont devenus les meilleurs vecteurs de désinformation, clone de manipulation, que ce soit à leur insu ou non.
    Pour s'en convaincre, il n'est que de poursuivre par la lecture d'un autre ouvrage de la même collection, Désinformation et Services spéciaux, dans lequel Sophie Merveilleux du Vignaux, chercheur spécialiste du renseignement, analyse l'enjeu que constitue le contrôle de l'opinion à travers la maîtrise des média et le rôle joué par les services spéciaux clans ce triangle qu'on osera qualifier d'infernal. Loin de tout le « romantisme » qui accompagne les histoires d'agents secrets, son étude d'un cas d'école, l'affaire du Rainbow Warrior, est à cet égard édifiante. On y découvre toutes les facettes et tous les acteurs de la désinformation à l'œuvre du début à la fin. Très instructif, et pas seulement pour les élèves d'école militaire...
    Michel Arbier le Choc du Mois  Juin 2007 -

    La Désinformation vue de l'Est, par Vladimir Volkoff, éditions du Rocher, 136 pages, 17 euros. Désinformation et Services spéciaux, par Sophie Merveilleux du Vignaux, éditions du Rocher, 240 pages, 18 euros.

  • Marche forcée vers l’éducation numérique

    Pour l’ancien PDG de Microsoft France Éric Boustouller, l’avenir de l’école se situe dans la numérisation de l’apprentissage [1]. L’idée étant d’avoir les mêmes processus partout dans le monde dans toutes les écoles. Bien entendu, Microsoft réfléchit là-dessus mais seulement de manière philanthropique. Informatique et humanitaire sont pratiquement synonymes, cela va de soi.

    « C’est l’enseignant qui est la star », nous lançait cet honnête homme en 2007. Microsoft sera le facilitateur. La société américaine va en effet faciliter l’ouverture du tiroir-caisse.

    Plus récemment, parallèlement à ces déclarations inquiétantes pour l’avenir de nos enfants, le frère Peillon, ministre de l’Inéducation nationale, vient de proposer son plan pour « faire entrer l’école dans l’ère du numérique » [2].

    Il n’hésite d’ailleurs pas à reprendre la terminologie kantienne d’impératif en y ajoutant l’épithète pédagogique. Comme s’il était indispensable d’apprendre à lire et à compter à l’aide d’un ordinateur. Les vieux réacs que nous sommes ont bien fait l’apprentissage de ces disciplines avec nos gommes et nos stylos.

    Première priorité : l’achat du matériel informatique. Non, non, on vous le dit, Microsoft ne va pas s’enrichir. Ensuite, il faudra former les profs. En dépit de toutes les formations imaginables, on voit mal comment ils pourraient concurrencer les nabots qui sont nés avec un ordinateur dans les mains.

    Tout ce cirque a pour vocation de mieux transmettre le savoir. Encore une fois, en se pliant aux exigences des élèves, faisant par là même le jeu du marché [3], les autorités publiques s’inscrivent dans la continuité de Mai 68, qui a placé au même niveau l’élève et le professeur, supprimant ainsi toute idée d’autorité. L’élève devient alors un consommateur et le professeur un gentil organisateur, censé apporter un aspect ludique aux enseignements.

    Par ailleurs, le numérique risque aussi de permettre à l’État d’exercer un contrôle approfondi sur le contenu des enseignements, laissant alors peu de marge de manœuvre à l’enseignant qui souhaite un peu s’écarter du matraquage idéologique distillé dès le primaire dans les écoles de la République.

    Antoine S.  http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • Manuel Valls, nouveau Sarkozy au ministère de l’esbroufe

    Tribune libre de Paysan Savoyard

    Comme le notent la plupart des observateurs, M. Valls a adopté une stratégie proche de celle qu’avait choisie M. Sarkozy dans sa marche au pouvoir : il a décidé d’occuper à son tour le ministère de la parole martiale. Les actes sont inexistants ou dérisoires, comme c’était déjà le cas avec M. Sarkozy. Mais, instruit par le succès de son devancier, M. Valls sait qu’il n’est nullement besoin d’agir et d’obtenir des résultats pour séduire une majorité d’électeurs.

    • La posture de la fermeté théâtrale

    M. Valls a choisi, à la suite de son modèle, de devenir ministre de l’intérieur, reprenant à son compte la même stratégie : ce poste de ministre lui permet d’adopter la posture de la fermeté, en phase avec les souhaits d’une opinion majoritairement avide d’ordre et de sécurité. M. Valls sert ainsi ses intérêts personnels de carrière. Mais il occupe en même temps une fonction indispensable pour le système.

    Il est en effet vital pour le système UMP-PS de donner l’impression qu’une opposition vigoureuse existe au sein de la classe dirigeante sur les questions de sécurité et d’immigration : opposition entre la gauche et la droite ainsi qu’au sein de chacun des deux camps. L’objectif de l’oligarchie est simple : il faut donner aux électeurs qui souhaitent une plus grande détermination en matière de sécurité et d’immigration le sentiment que cette aspiration à la fermeté est bien présente au sein de la droite comme au sein de la gauche et qu’ils peuvent donc continuer à faire confiance aux grands partis, sans se laisser tenter par le vote extrémiste pour le FN.

    C’est avec cet objectif que M. Sarkozy occupait le terrain de la « droite ferme » face au laxisme de la gauche et de la partie molle de l’UMP et du centre. M. Valls joue ce même rôle au sein de la gauche et du PS, dont il incarne l’aile droite.

    Dans cette perspective M. Valls forme avec Mme Taubira un binôme très utile, les deux acteurs se répartissant les rôles. Les positions laxistes du ministre de la justice permettent à son collègue d’apparaître par contraste comme une personnalité ferme et réaliste. « Il est quand même moins pire que Taubira » estime le militant ingénu de l’UMP. « Heureusement tout de même qu’il est là », pense l’électeur socialiste ou centriste (qui préfère tout de même in petto que les cambrioleurs soient en prison plutôt qu’ils viennent s’en prendre à son pavillon).

    Ces électeurs candides ne voient pas qu’ils sont en présence d’un arrangement tout à fait étudié entre les deux duettistes : tandis que l’un fait les gros yeux, l’autre insiste sur les injustices dont seraient victimes ceux qui se laissent aller à des actes violents. Ce partage des rôles permet au gouvernement de conserver la sympathie des différents courants qui composent la gauche.

    Il s’agit là d’un grand classique de la politique de ces dernières décennies : le ministre de l’intérieur et celui de la justice font traditionnellement mine de s’opposer et de se critiquer, ce jeu-de-rôle abusant les naïfs à tout coup. Au sommet de l’État, M. Sarkozy et M. Fillon s’étaient de la même manière distribués les rôles avec un objectif similaire : le cogneur volontariste et énergique d’un côté, le responsable prudent et bien élevé de l’autre.

    D’autres ministres du gouvernement actuel ont chacun leur partition dans ce théâtre. Les gauchistes, comme Mme Duflot, prennent des positions en pointe, souhaitant par exemple que les communes soient contraintes d’accueillir un nombre croissant de logements sociaux, ou sommant l’Église de prendre en charge les mal-logés (les bénéficiaires potentiels des projets de ce ministre étant en pratique le plus souvent des immigrés).

    Ces positions de boutefeu sont utiles pour M. Hollande qui pourra apparaître le moment venu dans une position d’arbitre au dessus de la mêlée. Elles sont également profitables à M. Valls, dont elles mettent en évidence par différence la posture de fermeté. 

    • La vigueur des paroles, la vacuité des actes

    Il va sans dire que cette position de fermeté relève du marketing politique : elle ne correspond à aucune conviction et ne traduit aucune volonté d’agir. M. Valls, et M. Sarkozy avant lui, ont choisi le positionnement qui leur paraît électoralement le plus efficace : ils seraient tout à fait à même de tenir le discours inverse si cela leur était profitable.

    C’est ainsi que l’action de M. Valls, comme c’était le cas pour son prédécesseur, repose sur la parole, la gesticulation, la mise en scène. Les actes ne tiennent dans cette stratégie marketing qu’une place accessoire. M. Valls multiplie les déclarations de fermeté : « Je ne laisserai pas faire ceux qui… » ; « Les délinquants doivent savoir que… » ; « Le gouvernement mettra tout en œuvre pour… » ; « L’État ne tolèrera pas que… », etc. Tous les ministres de l’intérieur se coulent d’ailleurs dans ce rôle de composition. On se souvient de M. Pasqua assurant qu’il allait « terroriser les terroristes », ou de M. Sarkozy promettant de « nettoyer les quartiers au Karcher ».

    M. Valls comme M. Sarkozy savent qu’à l’ère médiatique, seules comptent la parole et l’apparence, les actes étant de peu d’importance. Les mots en effet sont prononcés en prime time devant les caméras dûment convoquées, dans le cadre d’une mise en scène étudiée. Tandis que les actes, ou plutôt l’absence d’actes, restent tout à fait inaperçus.

    Pour s’apercevoir que les rodomontades de M. Sarkozy ne se traduisaient pas aucun acte sérieux, voire même qu’elles s’accompagnaient de décisions exactement contraires aux proclamations martiales, il fallait suivre attentivement l’actualité, faire le tri entre les annonces, les projets et les textes effectivement votés, consulter les statistiques rendant compte des résultats, détailler les rapports, les tableaux, les sites spécialisés. Le nombre d’électeurs qui se livrent à ce travail est évidemment infime.

    Aucun électeur UMP ou presque n’a vraiment pris conscience, entre autres nombreux exemples, de ce que M. Sarkozy avait supprimé de fait la « double peine » (en rendant inexpulsables les étrangers délinquants se trouvant dans l’une des situation suivantes : nés ou arrivés en France avant l’âge de 13 ans ; conjoints de Français ou de résident régulier ; parents d’enfants Français ; résidant en France depuis 20 ans ; loi du 26 novembre 2003) ; ou qu’il avait fait passer de un à deux ans la durée en deçà de laquelle les condamnations à la prison ferme ne donnent pas lieu à un emprisonnement effectif (article 132-25 du code pénal modifié par la loi du 24 novembre 2009).

    Quoique de grande portée, de telles mesures techniques ne peuvent que rester inaperçues. De même que sont passées « comme lettre à la poste » les 200 000 entrées légales d’immigrés intervenues chaque année pendant son mandat. Marine Le Pen les a seule dénoncées : elle a fait dix points de moins que M. Sarkozy, lequel n’a raté la réélection qu’à un peu plus d’un point.

    Seules, donc, importent les paroles. La raison de cet état de fait est facile à saisir. Abreuvé d’informations superficielles, l’électorat ne retient que très peu de choses de ce qu’il entend, voit et lit : il capte des impressions. Il retient le ton de voix, le style et la posture politique d’ensemble. C’est ainsi qu’avec un costume seyant, un titre de ministre, le prestige qui s’attache à la fonction, les gardes du corps qui vous entourent, les gendarmes qui vous saluent, les portes qui claquent, les motos qui démarrent, il n’est pas difficile d’être perçu comme quelqu’un d’important, qui dit des choses importantes, qui fait des choses importantes ; il n’est pas difficile de donner l’image d’un chef.

    M. Valls a bien compris la leçon de M. Sarkozy. Dès qu’un acte délinquant grave est commis quelque part, il se précipite, et prononce face aux caméras, entouré de policiers, le regard sombre, la mâchoire serrée, le ton étudié, des paroles martiales qui conduisent le spectateur à penser que l’État est tout de même tenu : « Nous ne laisserons pas… Les délinquants doivent savoir… Il n’est pas acceptable… ». Avec des ministres prestidigitateurs comme MM. Sarkozy et Valls, les évènements délinquants n’apparaissent nullement comme des preuves de leur inefficacité : par la gesticulation ils parviennent au contraire à les transformer en manifestation de fermeté et en occasion de se faire valoir.

    Quant aux actes, rien de sérieux n’est entrepris. Et ce pour une raison simple. Non que MM. Sarkozy, Valls ou Hollande aient nécessairement plaisir à ce que s’installe le désordre et s’étende la délinquance. Peut-être préfèreraient-ils à titre personnel mener s’ils le pouvaient une politique d’ordre. Mais ils savent bien qu’une telle politique leur est de toute façon interdite.

    Une politique de remise en ordre nécessiterait en effet des actes de rupture (tels que l’arrêt de l’immigration légale, l’interruption du regroupement familial, l’arrêt de la délivrance de visas dans les pays d’immigration, la réservation des prestations sociales aux seuls nationaux, le renvoi des clandestins et des délinquants étrangers ou encore la mise à l’écart des récidivistes par un fort durcissement des règles pénales à leur égard).

    La classe politique ne peut se permettre de telles mesures : elles seraient en effet en contravention avec les analyses qu’elle met en avant depuis quarante ans ; et surtout elles seraient contraires à ce que souhaitent les véritables maîtres du système d’ensemble (propriétaires et dirigeants des multinationales et des groupes financiers, membres des lobbys, réseaux et sociétés secrètes).

    Les actes pris par des ministres de l’intérieur comme MM. Sarkozy ou Valls se limitent dès lors au registre de la mise en scène. C’est ainsi que M. Valls a fait procéder au cours de l’été à de nombreux démantèlements de camps de Roms, devant les caméras. Ces scènes de cinéma sont évidemment sans efficacité, les camps étant immédiatement reconstitués un peu plus loin (à moins que les Roms en question ne soient séance tenante hébergés à l’hôtel aux frais du contribuable). 

    • La stratégie des deux bords : un pied à gauche, un pied à droite

    M. Valls affiche bruyamment sa fermeté contre la délinquance et contre le terrorisme. Dans le même temps, sur les questions les plus sensibles, celles de l’immigration et de l’intégration, il prend, plus discrètement, des positions ouvertes, les mêmes que celles de M. Sarkozy.

    Il distingue ainsi soigneusement les islamistes, qu’il entend combattre, et « l’immense majorité des musulmans » désireux, selon lui, de s’intégrer et qu’il faudrait accompagner dans cette démarche en s’appuyant sur le concept de laïcité : la république étant censée être neutre vis-à-vis des religions, elle permet selon M. Valls aux adeptes des différents cultes de s’y agréger.

    C’est ainsi que M. Valls est favorable à la construction d’un islam de France et à l’édification de mosquées. « Notre responsabilité, c’est de progressivement construire un islam de France, un islam qui trouve pleinement ses racines dans notre pays » (Inauguration de la mosquée de Cergy, 06/07/12).  « L’islam a toute sa place en France car l’islam de France c’est aussi la France »« Soyez fiers de l’islam que vous bâtissez »« La République tend la main. C’est à l’islam d’aller avec confiance vers la République. » (Inauguration de la mosquée de Strasbourg, 27/09/12).

    Notons au passage que les deux mosquées inaugurées récemment par M. Valls ont l’une et l’autre bénéficié de financements publics, en violation de la loi de 1905 (la ville de Cergy a garanti à hauteur de 50% l’emprunt de 2,2 millions d’euros souscrit par la fédération musulmane maître d’ouvrage et a consenti un bail emphytéotique de 99 ans sur le terrain qui accueille l’édifice ; la grande mosquée de Strasbourg a été financée à 22% par les collectivités et pour le reste par le Maroc, l’Arabie Saoudite, le Koweït et les fidèles ; sources : AFP).

    De même M. Valls s’est déclaré en faveur d’une augmentation des naturalisations. Dénonçant la baisse enregistrée ces dernières années, il déclare : « Nous voulons revenir aux chiffres d’il y a deux, trois ans » et ajoute « Il ne faut pas avoir peur de ces nouveaux Français qui sont une force pour la République ». (28/09/12) Dans cette perspective il a fait paraître le 28/09/12 une circulaire assouplissant les critères de la naturalisation (suppression du QCM de culture générale, suppression de l’obligation de détenir un CDI).

    De même encore il se déclare en faveur du vote des étrangers. « J’ai suffisamment défendu le droit de vote des résidents étrangers à la tribune de l’Assemblée pour dire qu’il faut y arriver « , mais « il ne faut pas se précipiter si on veut réussir et tenir cet engagement » (20/09/12)

    Ce positionnement était très précisément celui de M. Sarkozy : à la fois ferme (en paroles…) contre la délinquance et l’intégrisme ; et favorable à l’intégration des immigrés au nom des valeurs républicaines. Cette posture habile, alliant la rigueur et l’esprit progressiste, le place à la fois à droite et à gauche. Elle a plusieurs avantages :

    A court terme, M. Valls réduit les angles d’attaque et désarme une partie des opposants. Même si elle réprouve son orientation droitière, l’aile gauche de la majorité modère ses critiques envers un ministre qui donne régulièrement des gages de conformité progressiste et républicaine. La droite le ménage également dans la mesure où il apparaît pour elle « moins pire » que les autres socialistes. A plus long terme cette méthode permettra à M. Valls de se trouver dans une position centrale lorsqu’il se présentera à une future élection présidentielle, pouvant ainsi espérer recueillir les voix des centristes et de la droite modérée.

    Ce positionnement quelque peu ambigu démontre la bonne connaissance qu’ont des gens comme MM. Sarkozy et Valls de la façon dont fonctionnent la plupart des électeurs.

    Un premier élément joue en faveur de M. Valls. Beaucoup sont tout prêts à penser que M. Valls ne va pas aussi loin qu’il le souhaiterait parce qu’il n’est « que ministre ». De nombreux électeurs de droite avaient ainsi exonéré M. Sarkozy de tous les échecs de son passage au ministère de l’intérieur : « Il n’a pas les mains libres : ce sera différent lorsqu’il sera président ». M. Valls bénéficiera probablement à son tour de la même bienveillance des électeurs crédules.

    Plus généralement, on sait que les électeurs retiennent des déclarations des politiciens ce qu’ils ont envie d’entendre. Il s’agit là d’un mécanisme classique : désireux de conserver une espérance, la plupart des gens sont naturellement enclins, lorsqu’ils écoutent un leader en qui ils ont mis leurs espoirs, à percevoir ce qui les arrange et à occulter le reste. C’est ainsi qu’un électeur inquiet de l’évolution du pays vers la violence et le communautarisme se souviendra des déclarations martiales de M. Valls, mais aura tendance à oublier les moments où le même M. Valls se prononce par exemple pour la poursuite de la construction de mosquées.

    Mais il y a plus. Paradoxalement l’ambiguïté apparaît souvent profitable et contribue à forger une posture de présidentiable. Même lorsqu’ils s’aperçoivent des non-dits et des contradictions, les électeurs les portent au crédit des leaders à qui ils attribuent un « destin national ».

    L’ambiguïté en effet crée une distance avec les gens ordinaires, qui alimente par elle-même l’aura du leader. Elle laisse penser que celui-ci dispose d’informations et subit des contraintes qui restent ignorées de l’électeur moyen. Lorsqu’un leader pratique le double langage, l’opinion ne réagit pas en l’accusant d’hypocrisie : elle considère au contraire, dans le droit fil des analyses de Machiavel, que les dirigeants sont contraints d’appliquer les règles propres à l’univers du pouvoir, l’ambiguïté, la duplicité et le mensonge d’État  apparaissant comme la marque du monde des gouvernants.

    C’est ainsi que plusieurs dirigeants importants ont cultivé avec profit l’art de l’ambiguïté et du double langage. Le « Je vous ai compris » gaullien relève évidemment de ce registre. De Gaulle est aussi celui qui déclarait que la France devait rester un pays « de race blanche et de culture chrétienne… », tout en engageant la politique d’immigration de travail.

    M. Mitterrand était orfèvre dans ce domaine de l’hypocrisie et du double langage. Parmi les exemples fameux on se rappelle qu’il se faisait applaudir en dénonçant « ceux qui gagnent de l’argent en dormant », tout en laissant son gouvernement prendre d’énergiques mesures de libéralisation économique favorables au développement de la spéculation et de la sphère financière (libération des mouvements internationaux de capitaux, dérégulation …).

    Revenons à M. Valls. On se souvient de cet épisode enregistré à son insu au cours duquel, parcourant les allées d’un marché de la ville d’Evry dont il est maire, il demanda à son directeur de cabinet de prévoir davantage de stands tenus par « des Blancsdes White, des Blancos ». Il y avait là un modèle de déclaration ambiguë. Révélait-elle l’exaspération d’un maire constatant que sa ville est envahie par des immigrés ? Nous pensons plutôt qu’elle illustrait la volonté cynique de M. Valls de cacher la réalité.

    Il reste que cet épisode a contribué à installer l’image d’un personnage réaliste et en phase avec l’opinion, mais également d’une personnalité difficile à cerner et offrant une part de mystère : le profil du présidentiable se construit. 

    • Un personnage arriviste et cynique

    Comme celui de M. Sarkozy, le parcours personnel de M. Valls est entièrement dédié à la politique professionnelle. M. Valls est un militant actif du Parti socialiste depuis les années de lycée et n’a jamais eu d’activité professionnelle en dehors de la sphère politique. Élu pendant plusieurs années dans le Val d’Oise, il s’est transporté dans l’Essonne où l’ampleur des scores de la gauche lui permettait sans difficulté de devenir maire d’une grande ville (il va sans dire que, comme tous les politiciens, M. Valls ne réside pas dans la ville de banlieue dont il est maire).

    Comme M. Sarkozy, M. Valls a nourri probablement très tôt une ambition présidentielle. Son accession à un poste de ministre important à seulement cinquante ans est un facteur favorable : c’est à peu près au même âge que M. Sarkozy était devenu ministre de l’intérieur.

    L’abondance des points communs avec M. Sarkozy ne peut que frapper. Notons par exemple que, comme lui, M. Valls s’est remarié avec une artiste. Surtout M. Valls se révèle aussi cynique que son devancier : selon le Canard Enchaîné (17/10/12), M. Valls a usé de sa position pour faire évacuer, à la demande de sa femme, les SDF et les Roms du quartier parisien du 11earrondissement où il réside.

    • Une personnalité antifrançaise

    Tout montre que, comme M. Sarkozy avant lui, M. Valls n’aime pas les Français, du moins les Français de souche, et encore moins la France française.

    Comme on l’a vu plus haut, M. Valls est favorable à la construction de mosquées, à l’augmentation des naturalisations, au vote des étrangers et à la poursuite de l’immigration (« Notre pays est en capacité d’accueillir les étrangers à condition que cette immigration soit maîtrisée. » 06/12/12).

    Sur le plan économique, il a les mêmes positions libérales que M. Sarkozy, qui débouchent sur la mondialisation, les délocalisations et le chômage des Français. Membre dans sa jeunesse au sein du PS du courant Rocard favorable à l’économie de marché mondialisée, il a depuis maintes fois confirmé ces options.

    Comme M. Sarkozy, il entretient différents liens avec des pays étrangers. On sait que M. Sarkozy admire les États-Unis. M. Valls a lui fait partie, comme plusieurs autres oligarques français, des bénéficiaires du programme « Young leaders » de la French American Fondation. De même il a admis avoir participé en 2009 au séminaire du groupe Bilderberg, qui réunit des personnalités américaines et européennes favorables aux thèses atlantistes.

    Par ailleurs M. Valls est proche des différents réseaux qui ont pour objectif de promouvoir le mondialisme et les valeurs universalistes. Il est membre du club le Siècle, qui réunit le cœur de l’élite française, gauche et droite confondues. Franc-maçon, il a appartenu au Grand Orient de France (il indique l’avoir quitté depuis). Un ancien grand maître du GO, M. Bauer, est l’un de ses plus proches amis depuis les années d’université. M. Bauer est actuellement son conseiller officieux… après avoir été celui de M. Sarkozy. Au ministère de l’intérieur M. Valls retrouve de nombreux frères en maçonnerie, la hiérarchie de ce ministère étant traditionnellement, et ce depuis deux cents ans, fortement infiltrée.

    C’est donc en toute logique que M. Valls a repris la même posture que celle de M. Sarkozy vis à vis des mouvements nationalistes. En réponse à l’occupation de la mosquée en construction de Poitiers par le mouvement « Génération identitaire », M. Valls a ainsi dénoncé « la provocation haineuse et inadmissible », garantissant « que l’État fera preuve de la plus grande fermeté face aux manifestations d’intolérance qui déchirent le pacte social« .

    Il désigne de même le Front national comme un ennemi privilégié. « Marine Le Pen fait mal à la France ». (27/09/12 inauguration de la mosquée de Strasbourg). « Le discours de haine, de rejet ne peut pas être accepté, et renvoie à ce que sont Mme Le Pen et le Front national, un parti qui est très loin, tellement loin, des valeurs de la République » (23/09/2012). Lors d’une récente émission télévisée (06/12/12) il déclare que la laïcité « c’est la meilleure réponse contre le communautarisme mais aussi contre le FN ».

    Ajoutons que M. Valls vient d’annoncer le durcissement de la politique de sécurité routière, comme M. Sarkozy l’avait fait avant lui (nous avons essayé de montrer dans un article précédent que cette politique de diversion était de fait dirigée contre les Français moyens, que l’on essaie de faire taire et d’intimider en les assimilant à des délinquants).

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    A l’instar de son modèle M. Sarkozy, M. Valls apparaît comme un cynique avant tout préoccupé de lui même et de son ambition personnelle. Il est également un idéologue : ce point le distingue peut-être de M. Sarkozy, qui lui est manifestement dénué de toute conviction.

    M. Valls peut espérer réussir à tromper de nombreux électeurs, aussi efficacement que l’avait fait M. Sarkozy. Déjà l’on voit les électeurs de droite le considérer de façon assez favorable. Même des électeurs nationalistes se laissent aller à le juger « moins pire » que les autres.

    Il est pire pourtant, bien sûr, plus hypocrite donc plus dangereux. Il a manifestement l’étoffe pour rivaliser en matière de cynisme, dans la lignée des Mitterrand et des Sarkozy. Pour l’heure, Manuel Valls occupe à son tour avec talent le ministère de l’esbroufe.

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