Les conversions à l'islam sont en forte hausse en janvier 2015 par rapport à Tan dernier. Un inattendu effet Charlie, qui soulève bien des questions sur les motivations de ces nouveaux convertis. Syndrome de Stockholm, vide existentiel, sombre goût pour la puissance? Coup de projecteur sur un inquiétant phénomène.
Pour une fois, c'est un grand média qui révèle l'affaire: selon RTL, le nombre de conversions enregistrées dans les grandes mosquées de Paris, Lyon et Strasbourg est en forte hausse en janvier 2015 par rapport à janvier 2014 : +100 %, 20 % et 30 % respectivement. Pas d'affolement, nous parlons de 40 conversions le mois dernier au lieu de 22 en janvier 2014 pour la grande Mosquée de Paris. Un chiffre qui s'inscrit pourtant dans un double contexte qui le rend passablement inquiétant. La toile de fond, c'est le nombre de conversions qui croît de 20 % par an depuis 2010, le Ministère de l'Intérieur évaluant pour sa part les conversions à 4000 par an. Bref, les nouveaux convertis se comptent par dizaines de milliers. Une faible part se radicalise, parfois jusqu'à prendre les armes : ils représentent tout de même 20 à 25 % des quelque 1200 combattants français de Daesh. Mais c'est bien sûr le rapprochement avec les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et l'hyper-casher qui rend le chiffre choquant par l'effet repoussoir que l'on associerait plutôt à de tels actes.
Qu'est-ce qui motive ces nouveaux convertis ? RTL nous offre dans son journal du 10 février un témoignage idyllique : Eloïse, 18 ans, qui vient un mois jour pour jour après l'attentat faire sa profession de foi comme réponse à l'attentat. Elle souhaite témoigner que l'islam, cette religion de paix et d'amour, est bien loin de tous les amalgames faits avec les terroristes.
Néoromantisme mortifère
La jeune fille qui pose un geste plein de bons sentiments, opportunément placée sur le chemin des journalistes pour dire exactement ce qu'ils souhaitent entendre... Bonne opération de communication en mode bisounours? Probable. Il faut d'ailleurs se souvenir que les jeunes femmes constituent des proies de choix pour les conversions... et la radicalisation. Leur « imaginaire [...]se nourrit de l'idée qu'un homme capable de mourir pour ses convictions est forcément sincère et fidèle », explique le sociologue Farhad Khosrokhavar, directeur d'études à l'Ehess (Ecole des Hautes Études en Sciences Sociales) évoquant un « néoromantisme mortifère ».
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si une recherche Google avec les termes « témoignage conversion islam », donne en première page 9 témoignages féminins, tous très favorables, pour une seule occurrence de témoignage masculin. Ils concourent aux conversions dites « relationnelles » : des convertis souvent jeunes et modestes, qui découvrent l'islam au contact d'amis, « séduits par l'Islam égalitariste [...]. mais aussi par l'appartenance au groupe solidaire et protecteur que représente l'Oumma. » détaille Franck Frégosi, chercheur au CNRS. La seconde grande catégorie de conversion, selon ce spécialiste de l'islam, est dite « rationnelle » et concerne plutôt, dans les catégories sociales favorisées, les personnes en quête de spiritualité.
Soumission contre tranquillité
Notre chercheur oublie juste de parler du vide spirituel et existentiel qui est caractéristique de nos sociétés « développées » et qui pousse de plus en plus de nos concitoyens à trouver un sens à leur existence dans des religions plus ou moins exotiques. Si les bobos s'intéressent encore un peu au bouddhisme façon Dalaï-Lama, les jeunes de banlieue seront plus tentés par l'Islam, par conformité avec leur environnement, mais aussi parce qu'il offre le sombre attrait de la puissance et de la force, dont les attentats récents sont une illustration. Ces attaques diffusent en outre un climat de violence et d'inquiétude qui pousserait certains à chercher la protection et la sympathie des plus forts en se convertissant, à l'instar du syndrome de Stockholm. La conversion en échange de la tranquillité, c'est non seulement la thèse de Houellebecq dans Soumission (dont on vient à prier qu'il ne soit qu'un best-seller et non un ouvrage prophétique...), mais aussi celle de nombreux activistes musulmans, les plus fondamentalistes nous rappelant même que les otages de Daesh qui s'étaient convertis en espérant être épargnés furent tout de même exécutés...
Richard Dallaux monde & vie 25 février 2015