Les Echos a organisé un débat entre le futurologue Laurent Alexandre et le paléoanthropologue Pascal Picq. Pascal Picq est paléoanthropologue au Collège de France et chroniqueur aux « Echos ». Darwiniste convaincu, il s’intéresse de près aux questions de société les plus actuelles et donne des conférences auprès de cadres d’entreprise. Laurent Alexandre, chirurgien-urologue, est président de la société de séquençage de l’ADN DNAVision. Chroniqueur au « Monde » et au « Huffington Post », invité des Conférences TEDx, cet entrepreneur-intellectuel passé par HEC et l’ENA a publié en 2011 chez Lattès « La mort de la mort : comment la technomédecine va bouleverser l’humanité », et, plus récemment, « La Défaite du cancer ».
Ce dernier déclare :
"Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous sommes capables de changer notre nature biologique et génétique par la technologie. Jusqu’à présent, c’étaient les événements extérieurs qui sélectionnaient certains variants génétiques par le biais de la mortalité infantile. Cette sélection-là aujourd’hui s’est beaucoup réduite et, parallèlement, nous avons désormais les moyens technologiques de changer notre génome. Je signale qu’une pétition a d’ailleurs été lancée le mois dernier par des spécialistes de la génétique, disant qu’il faut faire un moratoire sur les modifications génétiques germinales, c’est-à-dire celles qui touchent la lignée, qui se transmettent d’une génération à l’autre.Est-il licite de faire des modifications génétiques sur l’homme qui se transmettent de génération en génération ? Cette question commence à faire débat.
Croyez-vous que le débat politique va de plus en plus se polariser autour des questions transhumanistes, au point d’abolir les clivages traditionnels ?
C’est déjà le cas. A l’extrême gauche, quelqu’un comme José Bové est beaucoup plus conservateur en matière biologique que Ludovine de La Rochère, présidente de la Manif pour tous. Il est opposé à la fécondation in vitro chez les homosexuels comme chez les hétérosexuels et il est opposé aux thérapies géniques pour les malades. Il pense donc que les couples stériles doivent rester stériles et que les myopathes doivent rester myopathes, au nom d’une non-utilisation de la technologie. En cela, il est encore plus bio-conservateur que les gens traditionnellement très à droite."
Etre opposé à la PMA ce n'est pas vouloir que les gens stériles restent stériles : la médecine devrait plutôt se pencher sur les raisons de cette stérilité plutôt que de fabriquer des enfants dans des éprouvettes.
Plus loin, Laurent Alexandre avoue :
La sélection génétique des bébés, on y est déjà. Vingt-neuf trisomiques dépistés sur trente sont avortés en France. Cela montre que la puissance publique a déjà engagé un grand programme eugéniste. Ce n’est pas un eugénisme d’Etat obligatoire comme sous le IIIe Reich, mais un eugénisme libéral, que les parents peuvent refuser [malgré les pressions, NDMJ]. Le fait nouveau, c’est qu’alors que la technologie ne permettait jusqu’à présent de repérer que la trisomie 21 et quelques rares autres pathologies, et ce en milieu de grossesse, la puissance informatique dont nous disposons désormais permet de lire la totalité des 3 milliards de bases ADN du bébé par simple prise de sang de la maman, sans amniocentèse, en tout début de grossesse, c’est-à-dire à un moment où l’avortement est totalement libre. Toutes les conditions sont réunies pour nous placer sur un toboggan eugéniste. Et l’étape d’après sera de sélectionner les variants génétiques favorisant un QI élevé, que les Chinois sont en train d’identifier dans le cadre de leur programme de séquençage des surdoués. Demain les Chinois fabriqueront plusieurs embryons et choisiront celui qui a la meilleure espérance de QI élevé. [...]"
Bienvenue dans le meilleur des mondes.
Michel Janva