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tradition - Page 268

  • Les Veilleurs en nombre hier soir à Montpellier

    Ils étaient plus de 75 Veilleurs hier soir à Montpellier, place de la Préfecture, sous la vigilance de deux camions de CRS et sans aucun Antifa pourtant coutumier des réactions haineuses contre les Veilleurs.

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    http://www.lesalonbeige.blogs.com/

  • Russie : Le forum Valdaï et la question de l’identité nationale

    Par Alexandre Latsa

    La semaine dernière j’ai eu le plaisir de participer à un débat télévisé, c’était une table ronde sur la question de l’image de la Russie à l’étranger. La question était de savoir si les russes méritaient leur mauvaise image à l’étranger ou s’ils étaient victimes d’une image négative fabriquée et véhiculée par les médias notamment.

    Ruben Safronov – “Monastère dans les collines de Valdaï” (1993)

    Le débat a très rapidement dévié sur le fait de savoir s’il fallait ou non se préoccuper de l’image de la Russie et des Russes à l’étranger et surtout sur ce que sont les russes et la Russie. La question de l’identité nationale reste, dans la Russie de 2013, une question essentielle et les nombreuses discussions du club Valdaï à ce sujet viennent de le prouver.

    La Russie est un pays dans lequel se côtoient énormément de peuples et de religions et des cultures totalement différentes. La Russie est européenne, slave et orthodoxe mais également asiatique, touranienne et musulmane. Elle est un pays tout à la fois nordique et méridional, et de l’Ouest comme de l’Est de l’Eurasie.

    A cette immense variété culturelle et géographique, il faut ajouter qu’en Russie se côtoient tant le XIXième, que le XXième ou le XXIième siècle. Il est donc bien difficile de définir ce qu’est aujourd’hui un russe moyen et le regard que l’étranger porte sur un Russe ou un Russien, ou peut être sur les Russes et les Russiens.

    La Russie sort de trois épreuves historiques fort différentes n’ayant en commun que leur violence et la destruction de la morale et de l’identité qu’elles ont généré: la période monarchiste autoritaire (le tsarisme qui toléra l’esclavage jusqu’au début du siècle dernier), la période soviétique qui contribua a la création d’un homme nouveau (l’homo soviéticus) au prix de la destruction de l’identité religieuse et nationale et enfin la période post-soviétique et libérale, qui en une grosse décennie seulement, est arrivée à  détruire la Russie sur le plan moral, sanitaire et démographique.

    Le réveil russe auquel nous assistons depuis 2000 sur le plan économique et politique pose deux questions essentielles: qu’est-ce qu’être Russe aujourd’hui, et comment fonder une identité russe saine pour le siècle. La Russie Tsariste ne différenciait les citoyens que selon leurs rangs, pendant que l’Union Soviétique jouait la carte transnationale et citoyenne.

    Dans les années 90, la Russie faisait face à une situation complexe: assurer une pacifique transition du modèle politique (de l’URSS à la fédération de Russie) tout en évitant que l’éclatement territorial ne crée des conflits sur des bases territoriales, ethniques, religieuses ou simplement identitaires.

    Les stratèges de l’époque ont alors conçu un terme lexical pour définir les habitants de la Russie: le terme Rossianin, que l’on pourrait traduire par Russien en français. Utilisé par Boris Eltsine lorsqu’il s’adressait au peuple, ce terme était censé regrouper et mettre sur un pied d’égalité tous sous ensembles de la fédération de Russie. Mais en réalité, il contribua à créer une différence fondamentale entre les Russes ethniques, les Russkie, et les autres.

    Une décennie plus tard, le retour en force de l’identité religieuse au sein de tous les peuples de la fédération se retrouve sans doute troublé par cette distinction de fait et qui dans l’inconscient collectif est la suivante: le russe est orthodoxe pendant que le rossianin serait autre et plutôt musulman ou bouddhiste.

    Cette distinction s’accentue dans un climat ou la tendance profonde en Russie est une tendance au renforcement des identités, puisque le très sérieux Kommersant constatait il y a quelques jours que “La Russie connaît une montée de sentiments nationalistes, tandis que certaines républiques du pays peuvent déjà être qualifiées d’islamiques (…) Pour certains experts la Russie se trouve au seuil d’une grave crise nationale“.

    Cette crise potentielle pourrait menacer la stabilité voire l’intégrité territoriale du pays et le président russe s’est montré très offensif à ce sujet lors du discours de clôture du forum Valdaï qui s’est tenu comme chaque année. Le chef de l’État russe a en effet appelé à ouvrir un débat sur la question de l’identité nationale et à la définition d’une identité culturelle et spirituelle. Pour lui, les frontières à ne pas franchir pendant ce débat sont tout ce qui pourrait porter atteinte à la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité du pays.

    Le président russe a rappelé que “l’idée nationale ne pouvait apparaître par des règles mondiales et communes et qu’était révolu le temps ou l’on pouvait copier et appliquer une identité dans un pays comme on installe un logiciel dans un ordinateur“. Il a martelé que la Russie était un: “État-civilisation fondé sur la langue russe, la culture russe, l’Église orthodoxe russe et les autres religions traditionnelles de la Russie” ou encore que: “ce modèle avait toujours fait preuve d’une certaine flexibilité face aux spécificités locales, permettant l’unité dans la diversité“.

    En 2007 à Munich, lors d’un discours qui a fait date (en version française ici), Vladimir Poutine avait clairement prévenu que la Russie ne tolérerait plus le modèle mondial unipolaire qui était en fin de cycle et que la Russie allait affirmer sa condition d’état souverain et de puissance avec laquelle il allait falloir compter. Les cinq années qui suivirent lui donnèrent raison. L’épisode de la guerre en Géorgie en 2008 puis celui de la situation actuelle en Syrie prouvent que la Russie est inexorablement passée du statut de puissance régionale à celui de puissance mondiale.

    A la différence du discours de Munich en 2007, ou le président russe avait fait clairement apparaître la volonté russe d’activement participer à l’élaboration d’un monde multipolaire, le discours de Valdaï 2013 est apparu comme une critique beaucoup plus précise et affirmée des modèles de développements “euro-occidentaux” au sens large. Le président russe a par exemple vanté le traditionalisme comme étant le cœur de l’identité de la Russie, tout en déplorant les menaces telles que la “mondialisation, le multiculturalisme et l’érosion des valeurs chrétiennes – via notamment une focalisation exagérée sur les droits des minorités sexuelles“.

    Ce faisant il a clairement opposé le modèle russe en gestation fondé sur la tradition au modèle euro-atlantique incapable d’influer sur la Russie et en perdition selon lui notamment car, par exemple, “il rejette les identités et met sur un pied d’égalité les familles traditionnelles avec beaucoup d’enfants et les familles de même sexe (homoparentales), soit la foi en dieu ou en Satan“. Vladimir Poutine a énormément insisté sur le point démographique et la disparition en cours des peuples européens du continent.

    La Russie semble avoir clairement décidé de ne pas sacrifier son modèle civilisationnel pour rejoindre la communauté-atlantique, affirmant au contraire désormais que c’est “l’Europe qui n’avait pas d’avenir sans la Russie” mais rappelant qu’elle était bien évidemment prête à collaborer avec tout pays européen ne souhaitant pas imposer ses valeurs a la Russie.

    Comme les lecteurs de RIA-Novosti le savent, le dialogue entre Russie et Occident bute en effet sur un malentendu profond qui est celui de la morale et des valeurs et il semble que sur ce point on s’approche d’un nouveau rideau de fer.

    Le président russe a aussi réaffirmé que l’objectif prioritaire de la Russie était l’intégration avec ses voisins proches et le développement de l’Union Eurasiatique pour permettre à la Russie d’occuper une place stratégique centrale et ne pas se retrouver en périphérie de blocs européens ou asiatiques.

    Cette nette réorientation stratégique et eurasiatique de la Russie ne concerne pas que la politique extérieure mais visiblement aussi et bien plus largement l’esprit des réformes en cours et du devenir de la Russie. Vladimir Poutine a dans cet esprit redéfini l’Union Eurasiatique non comme une simple coopération entre pays mais comme le seul “projet viable de préservation de l’identité et la diversité des peuples de l’espace eurasiatique dans le nouveau siècle et le nouveau monde“.

    Parlant de la nature de l’État civilisation russe, Vladimir Poutine l’a qualifié de “complexité florissante” (цветущая сложность), une expression particulière créée par l’un des pères de l’Eurasisme politique et philosophique, Constantin Leontiev.

    Constantin Leontiev avait en effet déjà développé ces conceptions eurasiatiques qui définissaient l’Eurasisme comme la “multiplicité florissante du monde”, et comme l’essence du monde multiple et multipolaire face à l’unilatéralisme occidental et ce… Au milieu du XIXième siècle.

    http://fortune.fdesouche.com/324657-russie-le-forum-valdai-et-la-question-de-lidentite-nationale#more-324657

  • Le CSA met en demeure Radio Courtoisie

    Le CSA met en demeure Radio Courtoisie

    Qui a dit que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne servait à rien ?

    Il est vrai qu’au regard de la vulgarité et de la bêtise des émissions de téléréalité, du développement exponentiel des programmes pornographiques et para-pornographiques, de la partialité permanente de l’information et des disproportions de temps de parole accordé aux différents courants politiques, on pouvait légitimement s’interroger sur l’efficience du contrôle effectué par cette institution dirigée par Olivier Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin.


    On est aujourd’hui rassuré, en apprenant qu’à la suite de son Assemblée plénière du 24 juillet dernier, le CSA a, le 11 septembre, mis en demeure Radio Courtoisie pour « manquement aux obligations déontologiques » et encouragement à des « comportements discriminatoires à l’égard de personnes à raison de leur appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

    La raison de cette procédure ? Les propos jugés excessifs tenus sur le mariage gay et l’islam au cours de l’émission Le Libre Journal d’Henry de Lesquen diffusée par Radio Courtoisie le 27 mai 2013, « sans qu’aucun des invités en plateau n’exprime d’opinion contraire ou nuancée », comme l’indique le CSA. Dans cette émission, le directeur d’antenne et président de Radio Courtoisie avait notamment qualifié le mariage homosexuel « d’abject et contre-nature » et comparé l’islam à une « menace pour l’identité nationale française ».

    Ce noble souci de mesure et d’impartialité exprimé par le CSA surprendra toutefois ceux des auditeurs et téléspectateurs des grands médias nationaux qui ont eu l’impression d’assister durant plusieurs mois à une intense propagande en faveur de l’union des couples du même sexe.

    Radio Courtoisie, le seul média hertzien à avoir fait entendre une voix clairement discordante dans ce concert médiatique, se voit donc reprocher sa position dissidente et est mise en demeure de la corriger.

    Un « deux poids/deux mesures » de la part du CSA qui a immédiatement déclenché l’ire de nombreux internautes, notamment ceux issus de la mouvance de la Manif pour tous, voyant là une nouvelle expression de la « dictature socialiste » et de sa volonté de faire taire les opinions divergentes.

    Une page Facebook a ainsi rapidement été mise en place pour défendre « la radio du pays réel et de la francophonie » contre ce qui est considéré comme une tentative d’intimidation et de censure.

    La mise en demeure du CSA est une procédure qui peut être suivie de sanctions telles que des amendes, voire une suspension de diffusion.

    Source : Observatoire des journalistes et de l’information médiatique, via Polémia.

    Crédit image : Radio Courtoisie, DR.

    http://fr.novopress.info/141606/le-csa-met-en-demeure-radio-courtoisie/#more-141606

  • Eglises en danger : la fin de la France des clochers ?

    Quand le patrimoine religieux sombre dans l’indifférence et l’oubli

    Cette année encore, le succès des Journées du Patrimoine ne s’est pas démenti. Il marque le profond attachement des Français pour leurs monuments historiques. Ressaisir ses racines est une démarche qui attire de plus en plus.

    Grâce à la richesse de son héritage, la France est la destination privilégiée des touristes ; on pourrait penser que tout est fait pour le préserver. Il n’en est rien. Alors que le budget du ministère de la Culture est en léger recul pour l’année 2013, les économies ont été principalement faites sur les fonds alloués à la restauration du patrimoine. Ceux-ci ont diminué de 10%. De fait, le patrimoine religieux se révèle être le parent pauvre des programmes de réhabilitation. Depuis plusieurs années, l’Observatoire du Patrimoine Religieux tire la sonnette d’alarme. Les projets de destruction d’église se multiplient dans les petites communes. Sous prétexte de ne pouvoir financer les rénovations, certains maires laissent se délabrer des églises parfois classées au monument historique. In fine, il s’agit de n’avoir d’autres choix que de les détruire pour construire places de parkings, hôtels ou restaurants. Même si pour l’année 2013, les églises détruites s’élèvent à cinq, ce mouvement d’ensemble ne laisse pas d’interroger.

    Il suffit de parcourir la presse régionale pour se rendre compte de cette évolution. Pour preuve, il y a quelques années aurait-on demandé aux habitants de Plouagat dans les Côtes-d’Armor s’ils voulaient conserver leur église ? En répondant massivement oui, ils ont montré qu’au-delà de la pratique religieuse, l’église sur la place du village est un édifice familier auquel on reste attaché. Même si, en France, les catholiques ne sont plus pratiquants et ne se retrouvent plus que lors de Noël et de Pâques, les citoyens croyants ou non ne veulent pas que l’on défigure leur village. Un village français sans son clocher n’est plus vraiment un village français. [...]

    Lydie Marion - La suite sur Causeur

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Eglises-en-danger-la-fin-de-la

  • Osons aller à contre-courant de la pensée unique et totalitaire

    Communiqué d'En Marche pour la vie :

    "Depuis plusieurs mois, le gouvernement s’acharne à détruire les fondements mêmes de notre société en s’attaquant toujours plus à la Vie, à la famille et, chaque fois, à l’enfant.

    Ainsi, après avoir volontairement prévu d’empêcher certains enfants de grandir dans une famille composée d’un père et d’une mère le gouvernement a profité de la période estivale pour porter atteinte à l’embryon en substituant au principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon, celui de l’autorisation sous conditions.

    L’enfant « différent » parce qu’atteint d’un handicap, même léger, est l’objet de tous les dépistages en vue de son élimination in-utero.

    Depuis un an le gouvernement a pu mesurer la détermination de plus d’un million de manifestants qui refusaient l’adoption de lois qu’ils considéraient comme illégitimes et injustes.

    Malgré l’adoption de ces lois le combat continue car une loi injuste n’est pas une loi et n’oblige pas en conscience !

    Face à ces attaques incessantes contre l’enfant et tout particulièrement le plus fragile : l’enfant à naître, il est urgent et impérieux de faire entendre la voix des sans voix. Il s’agit de rétablir la vérité face aux mensonges qui entourent l’avortement, la recherche sur l’embryon, les manipulations génétiques, la fin de vie...Toutes lois ou projets de loi qui portent atteinte à la vie et à la dignité humaine. Osons aller à contre-courant de la pensée unique et totalitaire qui ne voit dans l’être humain qu’un élément de la société marchande, uniquement préoccupé de satisfaire ses désirs égoïstes.

    Soyons nombreux le dimanche 19 janvier 2014à Paris pour la grande Marche nationale pour la Vie."
  • Conférence de Philippe Ploncard d’Assac "Faut-il voter pour le Front National ?"

    Conférence de Philippe Ploncard d’Assac "Faut-il voter pour le Front National ?"
    Paris, 5 octobre 2013, 15 heures, 78A rues de Sèvres, Métro Duroc (lignes 10 &13). PAF - 10 € ; Étudiants et chômeurs - 5 €
    .

    Source : http://ploncard-dassac.over-blog.fr/annonce-de-conf%C3%A9rence-de-philippe-ploncard-d%E2%80%99assac

  • De l’essence de la guerre

    Ex: http://www.gfaye.com

    On a lu tous les commentaires sur les frappes punitives contre le régime du Syrien Assad (au jour où j’écris, rien ne s’est encore produit) avec tous les arguments pour ou contre. Avec des pacifistes (les Verts français) qui deviennent bellicistes ; des anti-atlantistes qui s’alignent sur Washington (le PS français) ; des atlantistes qui s’en démarquent (The British Parliament) et autres étranges positions croisées. Voilà qui donne l’occasion de réfléchir. Qu’est-ce la guerre ?

    La guerre, c’est-à-dire le recours à la force armée entre unités politiques souveraines – à distinguer de la violence privée – (1) a toujours eu des motifs assez troubles dans l’esprit même de ses protagonistes. Par exemple, l’essai récent sur le déclenchement de la Première guerre mondiale (1914-1918), catastrophe absolue pour l’Europe, Le dernier été de l’Europe. Qui a provoqué la première guerre mondiale ? (Pluriel) par l’historien David Fromkin, professeur à l’Université de Boston, démontre que cette course à l’abîme s’est produite hors de toute logique d’État rationnelle, et contre l’intérêt des belligérants, par une sorte de mécanisme autonome emballé, qu’on peut appeler le  ”bellicisme”. Un mécanisme tautologique, irrationnel,  “fou”, dira-t-on. Aucun acteur ne veut réellement ”attaquer l’autre”, mais tous veulent plus ou moins se battre à des degrés divers, sans que les buts de l’affrontement soient clairs et partagés. Fromkin démontre que, bien avant l’enchaînement tragique de ce dernier été de l’Europe heureuse, des forces disparates voulaient la guerre, avec des motivations polysémiques. Et ce, chez tous les futurs belligérants.  

    Plongeons dans le temps. Les meilleurs historiens spécialistes de l’Empire Romain (2) notent que ses guerres de conquête dans la période pré-impériale n’obéissaient ni à une volonté d’hégémonie économique (celle-ci existait déjà) ni à une volonté défensive contre des Barbares alors calmes, ni à un impérialisme politico-culturel romain (qui, lui aussi, s’installait par la soft power, sans les légions). L’historien de la Gaule Jean-Louis Brunaux (3) note que César lui-même, dans ses célèbres Commentaires, n’a jamais expliqué logiquement les raisons de son engagement, notamment contre les Belges, Gaulois du nord (Celto-germains), qui ne menaçaient en rien Rome et a nécessité des opérations meurtrières, réprouvées par le Sénat pour leur inutilité stratégique. Pas plus qu’Auguste n’a pu justifier, trois générations plus tard, la perte des trois légions de Varus imprudemment engagés dans la Germanie ultérieure face au « traître » Hermann (Arminius) (4).  L’histoire offre d’innombrables exemples semblables. Des guerres ou des opérations militaires qui n’obéissent pas à une logique rationnelle ; et dont les buts auraient pu être atteints par d’autres moyens au fond plus faciles.

    L’école marxiste (la guerre = impérialisme économique) ou l’école géopolitique (la guerre = contrôle sécuritaire de l’espace) ou encore l’école nationaliste (la guerre = défense du germen national) n’ont pas tort mais ne répondent pas à la question : pourquoi la guerre ? Car, selon le raisonnement aristotélicien logique, « pourquoi parvenir à un but par un moyen difficile alors qu’on le pourrait par un moyen plus facile ? »  Talleyrand pensait, à ce propos, que la France aurait pu dominer l’Europe aisément par sa diplomatie, son rayonnement  économique et culturel, sa démographie sans (et bien plus sûrement que par) les sanglantes guerres napoléoniennes, qui ont propulsé Anglais et Allemands au sommet. Au total, les guerres intra-européennes n’ont rien amené à aucun protagoniste mais ont affaibli l’ensemble du Continent.

    Qu’est-ce que la guerre, donc ? La réponse à cette question ne se trouve pas dans les sciences politiques mais dans l’éthologie humaine. Robert Ardrey, Konrad Lorenz et bien d’autres ont vu que la branche des primates nommée homo sapiens était l’espèce la plus agressive, notamment en matière intraspécifique. La violence, sous toutes ses formes, est au centre des pulsions génétiques de l’espèce humaine. Impossible d’y échapper. Les religions et les morales “anti-violence“ ne font que confirmer, en creux, cette disposition. La guerre serait donc, pour reprendre l’expression de Martin Heidegger à propos de la technique, un « processus sans sujet ». C’est-à-dire un comportement qui A) échappe à la volition rationnelle et causale au sens d’Aristote et de Descartes ; B) ignore ses conséquences factuelles. L’essence de la guerre ne se situe donc pas dans le registre de la réflexion logique (p.ex. : devons-nous investir ou pas dans telle ou telle source d’énergie ?) mais dans l’illogique, aux frontières du paléo-cortex et du néo-cortex.

    L’essence de la guerre c’est qu’elle est endogène, qu’elle recèle en elle-même sa propre justification. Je fais la guerre parce que c’est la guerre et qu’il faut faire la guerre. Il faut montrer sa force. Quand les Américains – et à une plus faible échelle les gouvernements français–  s’engagent dans des expéditions militaires, il s’agit moins d’un calcul (le même but serait atteint à moindre coût et, pire, le résultat contredit l’objectif) que d’une pulsion. Un besoin (non pas animal ! mais très humain) d’exercer la force, pour se prouver à soi-même qu’on existe. Vilfredo Pareto avait très bien vu, dans les comportements humains, ces deux niveaux : les actes et leurs justifications ; avec une déconnection  entre les deux. 

     Donc l’essence de la guerre, c’est elle-même. Ce qui n’est pas le cas d’autres activités humaines comme l’agriculture, l’industrie, l’élevage, la botanique, l’informatique, la recherche technologique, l’architecture, l’art, la médecine et la chirurgie, l’astronomie, etc. qui, pour reprendre les catégories aristotéliciennes, « ont des causes et des buts indépendants  de leur essence propre ». (5)  Et qu’est-ce qui ressemble le plus à la guerre, comme activité humaine auto-suffisante ? C’est la religion, évidemment.

    La guerre, comme la religion, à laquelle elle est souvent associée (que la religion soit théologique ou idéologique), produit sa propre ambiance, autosuffisante. Il émane d’elle une gratuité. Elle exalte et stimule autant qu’elle détruit. Elle est un facteur conjoint de création et de dévastation. Elle ressortit du besoin humain d’avoir des ennemis à tout prix, même sans raison objective. C’est pourquoi les religions et les idéologies prônant la paix et la concorde n’ont jamais réussi à imposer leurs vues et ont, elles-mêmes, été la source de guerres. C’est que les idées émises par l’homme ne correspondent pas forcément à sa nature, et c’est cette dernière qui s’impose au final. (6)  La nature humaine n’est pas corrélée à la culture et aux idées humaines : elle est l’ infrastructure dominante. 

    Faut-il pour autant verser dans le pacifisme ? L’Histoire, certes, ne se résume pas à la guerre, mais la guerre est le carburant de l’Histoire. La guerre inspire les artistes, les cinéastes comme les romanciers. Sans elle, que raconteraient les historiens ? Même les tenants de la ”fin de l’Histoire” peuvent se montrer bellicistes. On la déplore mais on l’adore. Des intellectuels féministes ont écrit que si les sociétés n’étaient pas machistes et dominées par les mâles belliqueux, il n’y aurait plus de guerre mais uniquement des négociations. Erreur génétique : chez les vertébrés supérieurs, les femelles sont aussi belliqueuses, voire plus, que les mâles.

    Le paradoxe de la guerre, c’est qu’elle peut avoir un aspect de destruction créatrice (pour reprendre la fameuse catégorie de Schumpeter), notamment en matière économique . De plus, dans l’histoire techno-économique, depuis la plus haute Antiquité jusqu’à nos jours, la technique militaire a toujours été une cause majeure des innovations civiles. 

    En réalité, de même que le conflit et la présence de l’ennemi crée un état de bonheur et de désir dans la sphère privée (parce que cela donne un sens à la vie), de même, dans la sphère publique étatique, la guerre initie un bonheur collectif, une mobilisation, une rupture de la grisaille du quotidien, un événement fascinant. Pour le meilleur ou pour le pire. Alors que faire ? Il ne faut pas abolir le fait de guerre. Il est dans notre génome comme la pulsion libidinale. La guerre fait partie du principe de plaisir. Elle est savoureuse, attirante, cruelle, dangereuse et créatrice. Il faut simplement la normer, l’orienter, essayer tant bien que mal de la dominer sans l’écarter.

    La pire des choses est soit de refuser à tout prix la guerre, soit de la rechercher à tout prix. Ceux qui, face au djihad islamique, refusent une contre-guerre, seront balayés. Comme ceux qui se trompent d’ennemi – par exemple les partisans des frappes contre le régime syrien. Tout se tient dans le mésotès d’Aristote, le ”juste milieu”, qui se tient entre la lâcheté et la témérité, entre la peur et l’imprudence, dans le courage. C’est pourquoi toute nation qui désarme et renonce à la puissance guerrière est aussi inconstante que celles qui en abusent. La guerre est comme tous les plaisirs, elle doit être disciplinée. 
    Guillaume Faye http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2013/09/17/temp-1bb72852ce7fad4dd9c62a735b06e571-5170934.html

    Notes:

    (1) La guerre civile est de même nature : lutte de factions pour acquérir le monopole de la souveraineté d’une unité politique.

    (2) Cf  notamment Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique, les armes et les mots, Tallandier.

    (3) Jean-Louis Brunaux,  Alésia, la fin de l’ancienne Gaule, Gallimard

    (4)  Cf.  Luc Mary, Rends-moi mes légions ! Le plus grand désastre de l’armée romaine. Larousse.

    (5) En ce sens le terme de « guerre économique » pour qualifier la concurrence est très malvenu.  Non seulement parce qu’il n’y a pas de morts mais parce que les compétiteurs économiques font tout pour éviter l’affrontement ou le limiter (ententes, trusts, oligopoles, OPA, etc.), et parce que le but de la compétition n’est pas elle-même mais est extérieur à elle : maximiser les performances de l’entreprise. En revanche, le sport se rapproche davantage de la guerre.

    (6) Par exemple, les théories du genre, d’inspiration féministe, sont en contradiction avec les comportements majoritaires.

  • L'Allemagne à la croisée des chemins

    Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997
    Intervention de Robert Steuckers au séminaire d'Ile-de-France de «Synergies Européennes», le 26 octobre 1997
    Généralement, les observateurs des réalités allemandes en dehors de l'espace linguistique germanophone sont assez peu attentifs à certaines définitions que les Allemands donnent d'eux-mêmes. Certes, la culture allemande mettant principalement l'accent sur le particulier, ces définitions varient à l'infini: elles dépendent des options idéologiques ou philosophiques personnelles des auteurs, de leurs idiosyncrasies. Mais il en est une qui résume bien l'inquiétude voire la névrose allemande: c'est la définition de l'Allemagne comme “verspätete Nation”, comme nation retardée, comme nation “en retard”, comme nation “tard-venue” sur l'échiquier européen et international. Ce concept de “verspätete Nation” a été forgé par le philosophe Helmuth Plessner, peu connu des germanistes français et a fortiori du grand public, malgré qu'il ait été un opposant au régime hitlérien, contraint à l'exil. Pour Plessner, les Allemands, en tant que “tard-venus” sur la scène politique internationale, ne parviennent pas à rattraper le retard qui les sépare des Français ou des Anglais, voire des Russes, essayent de développer des idéologies de l'accélération, cherchent désespérément à se débarrasser de ballasts du passé, conservent une certaine immaturité politique (qui se traduit par le moralisme, le chauvinisme, l'exaltation, etc.), due à l'absence de “grandes idées incontestables” (au sens où l'entendaient en France Hauriaux ou Charles Benoist).
    Plessner et tous ceux qui partagent sa vision de l'histoire allemande constatent que du XVIIième siècle à Bismarck, le Reich est un territoire éclaté, à la merci de toutes les puissances voisines, en dépit de la lente puis fulgurante ascension de la Prusse. Richelieu s'était érigé en protecteur des “libertés allemandes”, entendons par là le protecteur de tous les séparatismes et de tous les particula­rismes, qui tirent à hue et à dia, empêchant les diverses compo­santes de la germanité continentale de fusionner en une unité politique cohérente. Churchill en 1945-46 prônait une version britannique de cette stratégie en cherchant à imposer au Reich vaincu un fédéralisme séparatiste, que les critiques allemands nommeront bien vite “fédéralisme d'octroi”. A ce morcellement territorial s'ajoute la division confessionnelle entre catholiques et protestants. Même si cette division s'estompe aujourd'hui, elle a eu des effets calamiteux à long terme sur l'histoire allemande: l'Empereur Ferdinand II, champion du camp catholique, annonçait à tout qui voulait l'entendre qu'il préférait régner sur un désert plutôt que sur un pays peuplé d'hérétiques. La logique d'une guerre civile sans compromis, menée jusqu'à l'absurde et la folie, a frappé l'Allemagne dès les premières décennies du XVIIième siècle. Wallenstein, génial chef de guerre au service de cet Empereur catholique fanatique, s'est rapidement rendu compte de la folie et de l'aveuglement du monarque: il a fait de timides propositions de paix, suggéré un plan de réconciliation. Il a été assassiné.
    «Grand siècle» et «Siècle des malheurs»
    La mécompréhension fondamentale entre Allemands et Français, qui a débouché sur les trois guerres franco-allemandes de ces 150 dernières années, provient directement des événements terribles du XVIIième siècle. La France a connu à cette époque son grand siècle et y a forgé les puissants ressorts de sa culture et de son prestige. L'Allemagne a été plongée dans l'horreur et la misère. Les manuels scolaires français parlent du “Grand Siècle”, tandis que leurs équivalents belges parlent du “Siècle des malheurs” et que la littérature allemande a produit cette grande fresque tragique de Grimmelshausen, qui brosse un tableau de feu et de cendres: celui des misères de la guerre de Trente Ans, affrontées avec un stoïcisme amer par “Mère Courage”, l'héroïne de Grimmelshausen qui a inspiré Brecht en ce siècle.
    Au XVIIIième siècle, quand le mariage entre Louis XVI et Marie-Antoinette induit une trêve dans la guerre séculaire entre la monarchie française, alliée des Turcs, et l'Autriche, porteuse de la dignité impériale, la philosophie de l'histoire de Herder prône un retour aux Grecs, aux Germains, aux héritages pré-chrétiens et aux racines premières des cultures européennes. Cette orientation philosophique s'explique partiellement par une volonté de dépasser les clivages confessionnels, générateurs de guerres civiles atroces et sans solution. Pour éviter la césure protestantisme/catholicisme, pour éviter toute réédition du “siècle des malheurs”, la philosophie se laïcise; le néo-paganisme dérivé d'une lecture anti-chrétienne de Herder (chez Reynitzsch par exemple), le jacobinisme mystique et national de Fichte, sont les manifestations diverses d'une volonté de paix civile: si l'Allemagne dépasse les clivages religieux qui la traversent, si un néo-paganisme dépasse les confessions chrétiennes qui se sont entredéchirées, si l'idéologie idéaliste et nationaliste de l'unité nationale triomphe, paix et prospérité reviendront et la culture s'épanouira, pensent à cette époque les philosophes allemands, avec une certaine dose de naïveté.
    De Bismarck à Weimar
    Au début du XIXième siècle, le nationalisme radical, exprimé par des figures comme Arndt ou Jahn, est une idéologie unificatrice voire centralisatrice appelé à effacer sur le territoire allemand le morcellement politique dû à la diplomatie de Richelieu. Bismarck, quelques décennies plus tard, fournit à son pays un appareil diplomatique solide, visant un équilibre des puissances en Europe, notamment par des accords tacites avec la Russie. Guillaume II ruinera cet équilibre en multipliant les maladresses. L'effondrement de l'équilibre bismarckien a conduit aux boucheries de la Grande Guerre et, pour l'Allemagne, à la défaite de 1918 et à la proclamation de la République de Weimar.
    Cette république de Weimar dispose d'une souveraineté limitée, avec une armée réduite (qui esquive toutefois les clauses du Traité de Versailles en coopérant en Russie avec l'Armée Rouge), avec une monnaie anéantie et une économie “pénétrée” par les capitaux américains. A tout cela s'ajoute une occupation militaire française en Rhénanie et dans la Ruhr, à laquelle succède la démilitarisation de la rive gauche du Rhin. Les Allemands perçoivent cette situation comme une terrible vexation, injuste à leurs yeux car leur nation, disent-ils, est importante et grande sur les plans démographique, culturel et scientifique. Les Alliés, dit la propagande nationaliste sous Weimar, prouvent leur barbarie en confisquant tout avenir aux enfants allemands, en méprisant les productions culturelles et scientifiques allemandes, pourtant indépassables.
    1945 : finis Germaniae
    En 1945, après l'effondrement du IIIième Reich, la défaite est encore plus cuisante et humiliante. La totalité du territoire  — et non plus les seules régions de Rhénanie et de la Ruhr —  est divisée en quatre zones d'occupation (quant aux provinces de Poméranie, de Posnanie et de Silésie, elles passent sous “administration polonaise” avant d'être purement et simplement annexées). Pendant quatre ans, de 1945 à 1949, le pouvoir est exercée par les Alliés, y compris le pouvoir judiciaire. En dépit de la naissance des deux Etats allemands en 1949, la RFA, à l'Ouest,  est jugulée dans sa souveraineté. A partir de 1955, 90% des effectifs de l'armée ouest-allemande sont versés dans les unités de l'OTAN, donc se retrouvent sous commandement américain (seuls quelques régiments de police en Bavière et dans le Baden-Wurtemberg et les régiments de gardes-frontières sont sous commandement allemand autonome). C'est dans les 10% hors OTAN que se sont recrutées récemment les unités de l'Eurocorps.
    Il me paraît bon de rappeler sommairement, pour des raisons didactiques, quelques grandes étapes de l'histoire de la RFA :
    1. De 1945 à 1949, nous avons donc un système d'occupation totale, sans aucun espace de souveraineté allemand.
    2. En 1949, la RFA se donne une constitution fédérale, avec l'approbation des Alliés occidentaux qui croient ainsi affaiblir l'Etat allemand. La zone soviétique se constitue en un Etat de facture soviétique.
    3. En 1952, Staline propose la réunification allemande, le rétablissement de la souveraineté allemande dans un Etat démocratique fort, neutre et soustrait à l'influence directe des puissances occidentales.
    4. En 1955, la RFA adhère à l'OTAN et récupère la Sarre que la France voulait annexer. Le retour de la Sarre à la mère-patrie allemande a été baptisé la “petite réunification”, dans la mesure où la RFA a mis au point un système d'“annexion monétaire”, répété à plus grande échelle lors de la “grande réunification” de 1989/90. La France s'en tire avec une consolation: elle garde une station de radio (Europe n°1) en Sarre et espère influencer les esprits. Ce sera un échec, mais cette politique est pratiquée aujourd'hui, avec des visées annexionistes au Luxembourg (via RTL), en Wallonie et dans la périphérie de Bruxelles.
    5. En 1963, on assiste au rapprochement franco-allemand.
    6. En 1967/68, l'Allemagne est secouée par l'effervescence étudiante et contestatrice, qui introduit les manies de 68 dans la société allemande, restée jusque là très traditionnelle et conventionnelle. Cependant, Rudi Dutschke, leader contestataire, est en faveur de la souveraineté nationale, contrairement aux soixante-huitards français, qui ont contribué à torpiller la voie indépen­dan­tiste et non alignée du gaullisme des années 60.
    7. Après l'effervescence étudiante, s'ouvre l'Ostpolitik (= la politique à l'Est) de la “grande coalition” socialiste et démocrate-chrétienne (CDU + SPD), orchestrée par Kiesinger et Willy Brandt. Cette ouver­ture au bloc de l'Est inquiète la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, qui craignent un nouveau rapprochement germano-so­viétique.
    8. De 1980 à 1983, l'affaire des euromissiles secoue durablement la société allemande et interpelle la gauche, dont les intellectuels redécouvrent subitement la valeur “nation”. On voit éclore le “natio­nal-pacifisme”, le “national-neutralisme”, discutés avec passion à droite comme à gauche, sans aucune exclusion ni anathème. Dans ces débats innombrables, on propose une réunification allemande dans la neutralité, comme pour l'Autriche, où les Verts rêvent d'une démilitarisation quasi totale, tandis que les nationalistes (de droite) entendent protéger cette neutralité par un surarmement et par un appel à la “nation armée” sur les modèles de la Suisse et de la RDA communiste (Be­triebskampfgruppen, etc. [= Groupes de combat organisés dans les entreprises de l'Etat socialiste est-allemand]).
    9. En 1985, Gorbatchev annonce la glasnost et la perestroïka, assouplissant du même coup, après la parenthèse du premier mandat de Reagan, les rapports Est-Ouest. L'espoir de voir advenir une réunification et une neutralisation de l'Allemagne augmente.
    10. En 1989, la réunification est un fait accompli, mais
    a) les esprits n'y étaient pas préparés, aucun des scénarii prévus ne s'est réalisé et
    b) le nationalisme traditionnel, qui croyait être le seul à pouvoir suggérer des solutions acceptables, bien ancrée dans les traditions historiques, a été pris de cours. Quant à la gauche “nationale-pacifiste”, ses scenarii n'ont pas davantage été mis en pratique. La réunification a laissé les intellectuels de droite comme de gauche dans un certain désarroi voire une certaine amertume.
    Pôle franco-allemand et alliance avec les “crazy states”
    Exemple : figure de proue de la droite conservatrice allemande, Armin Mohler, du temps du duopole américano-soviétique, avait énoncé un projet pour une politique internationale souveraine de l'Allemagne, reposant sur deux stratégies principales:
    a) le renforcement du pôle franco-allemand (sa vision gaullienne), pour faire pièce aux Anglo-Saxons et aux Soviétiques et
    b) le pari sur tous les Etats que les Américains qualifiaient de “crazy States” (Corée du Nord, Libye, Chine, etc.), pour échapper à l'étranglement de l'alliance atlantique, comme De Gaulle avait développé une diplomatie alternative dans les pays arabes, en Inde, en Amérique latine, en Roumanie, etc. En 1989, la Libye était quasi éliminée de la scène internationale, mise au tapis par les raids américains de 1986. Restait la Chine, mais tout rapprochement germano-chinois ne risque-t-il pas d'envenimer les relations germano-russes, d'autant plus qu'il existe virtuellement un tandem Pékin-Washington dirigé contre Moscou et régulièrement réétabli et renforcé? La Russie, abandonnant ses crispations du temps de la guerre froide, acceptant de bon gré la réunification, pouvait-elle être considérée encore comme un adversaire, ce qu'elle était du temps de la guerre froide ?
    1989 ou la fin de la foi dans le progrès
    En 1989, le projet de Mohler, porté par un souci de dégager et la France et l'Allemagne du clivage Est-Ouest, ne peut se concrétiser. Dans la foulée de la chute du Mur et de la réunification, Hans-Peter Schwarz, éminence grise de la diplomatie allemande, ami d'Ernst Jünger et exégète de son œuvre, principal collaborateur des revues Europa Archiv, et Internationale Politik (équivalent allemand de la revue de l'IFRI français), biographe d'Adenauer, publie un ouvrage important, dont l'idée centrale est de poser l'Allemagne comme une Zentralmacht, une puissance centrale, au milieu d'un continent qui est également une civilisation (au sens où l'entend Huntington). Pour Schwarz, 1989 marque une césure dans l'histoire européenne, parce que :
    1. La fin du communisme est aussi la fin de la foi dans le progrès, qui sous-tend l'idéologie dominante de la civilisation occidentale.
    a) On ne peut plus croire raisonnablement aux “grands récits”, comme le signale le philosophe français Jean-François Lyotard.
    b) On se rend compte des dangers énormes qui guettent notre civilisation, des dangers auxquels elle ne peut pas faire face intellectuellement donc projectuellement, vu ses fixations progressistes. Le bilan écologique de notre civilisation est désastreux (l'écologie est une thématique plus discutée et approfondie en Allemagne, même dans les cercles “conservateurs”, comme l'attestent les travaux de personnalités comme Friedrich-Georg Jünger ou Konrad Lorenz, etc.). La déforestation dans l'hémisphère nord est également catastrophique. L'épuisement des ressources naturelles, la pollution des mers, la persistance de virus non éradicables, le SIDA, le caractère invincible du cancer, prouvent que la finitude humaine est un fait incontournable et que les vœux pieux de l'idéologie progressiste n'y changeront rien.
    2. Ce constat de la fin du progressisme induit Schwarz à demander que la RFA, élargie au territoire de l'ex-RDA, soit un Etat postmoderne, dans un concert international postmoderne, c'est-à-dire un Etat reposant sur une idéologie non progressiste, ne dépendant nullement des poncifs du progressisme dominant, dans un concert international où plus personne n'a que faire des vieilles lunes progressistes face au gâchis qu'elles ont provoqué.
    3. La tâche d'un tel Etat est de :
    - coopérer à la gestion et à l'apaisement des instabilités de l'Est, pour retrouver le sens de l'équilibre bismarckien, qui avait été bénéfique pour tous les peuples européens.
    - éviter les deux écueils classiques de la politique allemande:
    a) le provincialisme étriqué (souvenir du morcellement territorial), égoïste et refusant de se mettre à l'écoute des tumultes du monde;
    b) la grandiloquence matamoresque à la Guillaume II, qui a braqué tous les voisins de l'Allemagne.
    Elites défaillantes et routines incapacitantes
    Pour Schwarz, l'Allemagne, comme tous les autres pays européens, se trouve au beau milieu d'un nouveau système international.
    - Ce système nouveau a permis la réunification  —ce qui est positif—  non seulement du peuple allemand, mais aussi de tout le sous-continent européen.
    - Mais la classe politique dominante n'était pas intellectuellement préparée à affronter ce changement de donne:
    a) Sur le plan INTELLECTUEL, elle est inapte à saisir les nouvelles opportunités. Elle a pensé l'histoire et les relations internationales sur le mode de la division Est-Ouest, selon des critères binaires et non systémiques. Cette classe politique rejette, analyse, anathémise; elle ne cherche pas à susciter des synergies, à rétablir des liens refoulés ou tranchés par l'arbitraire de fanatiques, songeant à faire du passé rable rase. Sa pensée est segmentante; elle n'est pas systémique.
    b) Cette classe politique entretient des ROUTINES INCAPACITANTES. C'est le grief principal adressé à la partitocratie traditionnelle, allemande, belge ou italienne, tant par les Verts à gauche (Scheer en Allemagne, Marie Nagy en Belgique, etc.), que par les nationalistes à droite.
    c) La classe politique a peur de la nouvelle réalité internationale. Elle la commente, elle émet des idées (gedankenreich),  mais elle n'agit pas (tatenarm). Cette nouvelle réalité est celle de la globali­sation. Le monde est redevenu une jungle en même temps qu'un grand marché, qui n'autorise pas de raisonnements binaires. Il est marqué par le retour d'un certain chaos. La globalisation, en effet, n'est pas la paix, dont avaient rêvée les irénistes et qu'avaient acceptée ceux qui croyaient que les blocages de la guerre froide allaient se pérenniser à l'infini. Pour affronter cette jungle et ce grand marché, il faut une pensée de l'interdépendance entre les nations et les Etats, interdépendance qui implique une riche diversité de liens et de contacts, mais qui est aussi grosse de conflits régionaux, de guerres civiles ou de conflits de basse intensité. Cette pensée politique en termes d'interdépendance est nécessaire car, dit Schwarz, l'Allemagne ne peut être une “grande Suisse”: en effet, elle n'est pas une forteresse alpine, elle compte trop de voisins (qui peuvent lui être hostiles); il y a trop de turbulences à ses frontières (Pologne, Russie, Croatie,...).
    Deux hantises : Kronstadt et Rapallo
    Ces hostilités potentielles et ces turbulences sont à la base de la grande peur allemande: celle d'être encerclé. Pour Schwarz, deux hantises troublent les relations franco-allemandes : la hantise de Kronstadt (1892) qui terrifie les Allemands et celle de Rapallo (1922) qui terrifie les Français. A Kronstadt, Français et Russes s'entendent contre le Reich et le prennent en tenaille, donnant aux Allemands la désagréable sensation d'être encerclés et étouffés. A Rapallo, Allemands et Russes s'opposent de concert à l'Ouest et rassemblent leurs forces sur un espace de grande profondeur stratégique, coinçant la France contre l'Atlantique, sur une faible profondeur stratégique cette fois, que les forces conjuguées de l'Allemagne et de la Russie, modernisées et motorisées, pourraient aisément franchir d'un coup de boutoir, au contraire des forces terestres et hippomobiles de la seule Allemagne de Guillaume II, arrêtées sur la Marne par Gallieni en 1914.
    En 1962, quand Adenauer et De Gaulle forgent l'entente franco-allemande, l'Ouest franc se donne une profondeur stratégique acceptable, capable de faire face à la Russie. Les arguments d'Adenauer ont été les suivants : en 1963, De Gaulle quitte l'OTAN, donc les Allemands doivent éviter qu'il ne négocie avec les Soviétiques et impose à Bonn un nouveau Kronstadt, plus dramatique encore, vu la présence massive des troupes soviétiques en Thuringe, à un jet de pierre du Rhin; de ce fait, argumente Adenauer, les Anglais et les Américains doivent accepter le rapprochement franco-allemand parce qu'il consolide leur dispositif de containment et constitue la garantie que la France demeurera dans le camp occidental.
    Cette réorientation du dispositif occidental vers un pôle atlantique anglo-américain et vers un pôle européen franco-allemand a été célébrée par toute une série de manifestations symboliques, d'images fortes et médiatisables, comme le Te Deum à Reims en 1962, le développement d'une mythologie des “Champs Catalauniques” (où reliquats des légions romaines d'Occident et peuples germaniques ont uni leurs forces pour barrer la route à Attila; ces réminiscences de l'oecoumène impérial romain étaient chères à Adenauer), la parade des tankistes allemands à Mourmelon, et, après De Gaulle et Adenauer, la visite de Kohl et de Mitterrand à Douaumont en 1985, en compagnie d'Ernst Jünger.
    Le nouveau contexte après 1989
    Mais le nouveau contexte d'après 1989 n'est plus celui du tandem franco-allemand de De Gaulle et d'Adenauer. Quel est-il ?
    - En Pologne :
    La Pologne, entre 1920 et 1939, appartient au “cordon sanitaire” entre l'Allemagne et l'Union Soviétique; elle en est même l'une des pièces maîtresses. La politique de Hitler a été de démanteler ce “cordon sanitaire”, par les accords de Munich qui mettent un terme à l'existence de la Tchécoslovaquie et par l'invasion de la Pologne en septembre 1939. En dépit du Pacte germano-soviétique et en dépit de l'hostilité que l'URSS avait toujours porté à la Pologne, alliée de la France, la Russie devient nerveuse en voyant ses frontières occidentales dégarnies, sans plus aucun espace-tampon, avec le géant germanique tout à coup proche de l'Ukraine et des Pays Baltes. Aujourd'hui, le Colonel Morozov, géostratège de l'armée russe, s'inquiète de voir le potentiel militaire polonais (370.000 hommes) inclus dans une OTAN qui compte aussi l'Allemagne, soit un potentiel militaire polonais à pleins effectifs, alors que la Bundeswehr est réduite, elle aussi, à 370.000 hommes pour “raisons d'économie”. Le jeu très habile des Américains consiste à créer un système de vases communiquants: diminution du potentiel allemand et augmentation du potentiel polonais, de façon à contrôler simultanément Russes et Allemands.
    - Dans les Pays Baltes :
    Les Pays Baltes faisaient partie du “cordon sanitaire”. Les Russes s'inquiètent aujourd'hui de les voir absorbés par l'économie occidentale. Allemands et Suédois investissent énormément dans ces trois petits pays d'une grande importance stratgégique. Les Allemands investissent également dans la région située entre l'Estonie et Saint-Petersbourg (Narva, Lac Peïpous, Novgorod), parce que cette zone-clef de la Russie historique est plus rentable par sa proximité avec la Baltique et que des systèmes de communications peuvent y fonctionner sans trop de problèmes (distances réduites, proximité des ports, grand centre urbain de Saint-Petersbourg, possibilité technique de dégagement des voies ferroviaires et routières en hiver, etc.). Dans cette politique d'investissement, les Allemands partagent les tâches avec les Suédois et les autres pays scandinaves.
    - En Hongrie :
    Quelques mois et quelques semaines avant la chute du Mur de Berlin, Autrichiens et Hongrois avaient commencé de concert à démanteler le Rideau de Fer le long de leur frontière. Depuis lors, la Hongrie a atteint un niveau économique acceptable, bien que non exempt de difficultés. L'Autriche connaît un boom économique, car elle retrouve son marché d'avant 1919.
    Plusieurs options géopolitiques possibles
    Dans ce contexte, l'Allemagne se trouve confrontée à plusieurs options géopolitiques possibles:
    a) Organiser les PECO (Pays d'Europe Centrale et Orientale) selon deux axes:
    1. L'axe Stettin-Trieste, renouant ainsi avec le projet du Roi de Bohème Ottokar II au moyen âge. Le souvenir de la géopolitique d'Ottokar II est le motif qui a poussé la diplomatie allemande à reconnaître rapidement la Slovénie et la Croatie. Géopolitiquement parlant, il s'agit d'unifier toute le territoire européen situé entre l'Istrie adriatique, pointe la plus avancée de la Méditerranée vers le centre du continent, et Stettin, port baltique le plus proche de cette avancée adriatique de la Méditerranée. Cette vision ottokarienne donne véritablement corps à la géopolitique continentale européenne et croise l'axe Rhin-Danube, en rendant potentiellement possible, par adjonction de canaux en Bohème et en Moravie, une synergie fluviale Elbe/Danube et Oder/Danube
    2. L'axe Rhin-Main-Danube ou la diagonale Mer du Nord/Mer Noire, sans obstacle terrestre depuis le creusement du Canal Main/Danube en Allemagne. A partir de la Mer Noire, l'Europe entre en contact direct avec le Caucase et ses pétroles et, de là, avec la zone de la Mer Caspienne, avec l'Iran et l'Asie Centrale.
    b) Organiser de concert avec la Russie, l'espace pontique (Mer Noire = Pont Euxin, dans la terminologie greco-latine, d'où l'adjectif “pontique” pour qualifier ce qui se rapporte à cet espace maritime et circum-marin) et les systèmes fluviaux russes qui y débouchent à l'Est et à l'Ouest de la Crimée et de la Mer d'Azov, et se branchent sur le Danube, puis, ipso facto, sur l'axe Danube-Rhin, sans passer par la Méditerranée, contrôlée par la VIième flotte américaine. Le blé ukrainien et les pétroles du Caucase sont susceptibles d'apporter à l'Europe l'indépendance alimentaire et énergétique, indispensable corollaire à sa puissance économique et à son éventuel avenir militaire. Les enjeux de cette région sont capitaux et vitaux.
    c) Poursuivre le “dialogue critique” avec l'Iran, qu'avait impulsé le Ministre allemand des affaires étrangères Klaus Kinkel. L'Allemagne ne pouvait se permettre de suivre aveuglément la politique d'isolement de l'Iran imposée par Washington. Le “dialogue critique” avec Téhéran est peut-être la seule manifestation concrète, après 1989, de dialogue et de coopération avec les “crazy States”, qu'espérait généraliser Armin Mohler au temps du duopole Moscou/Washington.
    d) Le “dialogue critique” avec l'Iran devrait servir de tremplin à un dialogue étroit avec l'Inde, sous-continent en pleine mutation.
    e) Entamer un dialogue fécond avec l'Indonésie et Singapour. L'Indonésie permet des investissements rentables (ndlr: du moins avant la crise qui a secoué le pays début 98). En Belgique, l'homme politique flamand Geens avait déjà préconisé une telle politique, arguant que cette réorientation de l'aide belge au développement devait être concomittante à un désengagement progressif en Afrique. L'Indonésie apporterait en échange son soutien aux candidatures allemande et japonaise au Conseil de Sécurité de l'ONU.
    Au milieu d'une zone d'effervescences et de synergies
    En résumé, dans le cadre strictement européen, l'Allemagne se trouve au beau milieu d'une zone d'effervescences et de synergies potentielles qui partent de Rotterdam pour s'étendre à la Ruhr, au complexe industriel de Karlsruhe et, de là, à Bâle, ou, via le Main, à la place boursière de Francfort, à l'Autriche en expansion, à la Hongrie productrice de surplus agricoles, à la Serbie, la Roumanie et la zone pontique (Mer Noire). La Mer Noire est un espace additionant de multiples atouts: les fleuves russes et les bassins industriels qui se sont constitués sur leurs rives (Donetz, etc.), les “terres noires”, terres fertiles, terres à blé de l'Ukraine, la presqu'île de Crimée (avec son climat méditerranéen), le Caucase et son réseau d'oléoducs conduisant à la Caspienne, l'Iran et l'Asie centrale.
    Dans ce nouveau contexte qui restitue à l'Allemagne son aire d'expansion économique naturelle et lui procure de nouveaux alliés plus sûrs et moins enclins à la duplicité que les diplomaties occidentales, les relations franco-allemandes prennent une nouvelle dimension, plus vaste que du temps des accords entre De Gaulle et Adenauer. Les maximalistes du binôme franco-allemand parlaient naguère d'une fusion entre les deux pays, créant à terme la “Frallmagne”. A ces maximalistes s'opposaient les partisans anti-européistes du repli de l'Hexagone sur lui-même ou les partisans d'une Allemagne découplée de l'Ouest.
    Pour ou contre la «Frallmagne»?
    La revue italienne de géopolitique, Limes, a présenté à ses lecteurs les arguments en faveur et en défaveur de la “Frallmagne”. En France, les partisans d'un binôme franco-allemand accentué presque jusqu'à la fusion, veulent une Europe en mesure de décider. En Allemagne, ils envisagent une intégration démocratique de l'Europe selon le modèle du fédéralisme allemand. Au-delà du binôme franco-allemand, il est évident que l'harmonisation des deux volontés (décision à l'échelle continentale, organisation fédérale de l'ensemble européen) présente une indubitable similitude avec notre projet, résoudrait les problèmes accumulés par les Etats européens depuis quelques siècles. D'autres avocats allemands du binôme et de l'intégration européenne pensent comme Schwarz: la France, l'Allemagne, l'Europe ont besoin d'élites multilingues (s'il n'y a pas connaissance mutuelle, il n'y aura jamais ni intégration ni fusion au niveau des sociétés civiles). Sans élites multilingues, aucun projet européen cohérent n'est possible.
    Mis à part les passéismes et la mauvaise foi anti-européiste, le camp des adversaires du binôme et de l'intégration européenne estime, en France, que les problématiques extra-hexagonales, en Allemagne, que les problématiques non “mitteleuropéennes”, sont incompréhensibles pour les Français ici, pour les Allemands là-bas. De ce fait, cette incompréhension rend toute fusion ou intégration non-démocratique, vu que les citoyens sont incapables de juger les res publicae  en toute sérénité et connaissance de cause, puis de voter intelligemment. En Allemagne, les adversaires de la “Frallmagne” estiment que leur pays, de par sa centralité géographique, chemine sur un “Sonderweg” (= une “voie particulière”) depuis longtemps et qu'il ne peut pas y renoncer, faute de bloquer des flux naturels et féconds d'échange.
    jus sanguinis  et jus soli
    Le deuxième grand point d'achopement dans l'intégration européenne et dans les relations franco-allemandes, c'est la problématique de la nationalité et de la citoyenneté. Ces termes sont peut-être considérés comme des synonymes en France, mais certainement pas en Allemagne. Rogers Brubaker, dans un travail minutieux publié aux Etats-Unis auprès des presses universitaires de Harvard, a analysé cette problématique. Il écrit qu'en France “nationalité” et “citoyenneté” sont confondues, à cause de toute sorte de facteurs historiques. L'idéologie républicaine avait considéré au départ que le jus sanguinis, le droit du sang, était un acquis révolutionnaire, donnant l'autonomie à l'individu citoyen et le libérant de ses attaches territoriales féodales. Avant la république, l'individu appartient à son seigneur, avec son avènement, il devient autonome et, potentiellement, fondateur d'une lignée issue de son propre sang, à l'instar des nobles et des rois: d'où le jus sanguinis. Sous Napoléon toutefois, une première entorse est faite à ce principe: les enfants nés en France ou les jeunes qui y séjournent deviennent bons pour le service militaire, même si leurs parents sont des étrangers. Les besoins en effectifs valaient bien cette entorse aux principes de la république. Napoléon réintroduisait ainsi une forme de jus soli, de droit du sol. Aujourd'hui, à grands renforts de propagande, on essaie de promouvoir le jus soli  comme l'idéal premier de la république, ce qui est historiquement faux. Au départ, le jus sanguinis  est un principe de liberté, le jus soli, l'indice d'une servitude. Toute une machinerie propagandiste, articulée depuis Paris, tente d'imposer aux pays d'Europe, au nom de l'idée républicaine, le jus soli  post-républicain, dont les origines remontent au césarisme napoléonien. Le jus soli  actuel étend à tous les individus qui circulent sur le sol français le droit d'acquérir la citoyenneté française (curieusement confondue avec la nationalité), sans devoirs en contrepartie.
    “nationalité” et “citoyenneté”
    En Allemagne, “nationalité” et “citoyenneté” ne sont nullement synonymes. Pour les juristes et la pensée politique allemands, la “nationalité” est un fait biologique, linguistique et culturel, un acquis accumulé depuis longtemps, que l'on ne peut pas effacer d'un coup, par une simple déclaration ou un changement d'avis ou une lubie. La nationalité, au sens allemand, est même ineffaçable, elle est constitutive de la personnalité, et, à ce titre, digne de tous les respects et intransmissible. Quant à la “citoyenneté”, pour les Allemands, elle n'est rien d'autre qu'une commodité. A la limite, on peut être citoyen d'un pays sans en avoir la nationalité: on peut avoir la “nationalité” allemande et être citoyen belge à Eupen ou à Saint-Vith, citoyen français en Alsace, citoyen suisse à Bâle, citoyen autrichien ou italien au Tyrol, roumain en Transylvanie, russe ou kazakh dans les républiques ex-soviétiques. Toute personne de nationalité allemande reçoit automatiquement, sur simple demande, la citoyenneté de la RFA. On ne peut nier sa nationalité, on peut renoncer à sa citoyenneté (notons au passage que les droits algérien et turc, par exemple, raisonnent de la même façon et interprètent les textes de loi de manière plus restrictive encore: ainsi, l'Algérie ne reconnaît pas la citoyenneté française des nationaux algériens nés en France ou, plus exactement, estime que la citoyenneté française, simple commodité, n'efface pas la nationalité algérienne, fait fondamental; la Turquie confisque les biens de ses ressortissants qui acquièrent une autre nationalité, pour laisser intact la patrimoine foncier du pays).
    Cette différence entre les conceptions de nationalité et de citoyenneté en France et en Allemagne est le principal obstacle au rapprochement franco-allemand. Ou bien on applique partout en Europe le jus sanguinis  que Brubaker qualifie de “restrictionniste”, ou bien partout le jus soli  qu'il qualifie d'“inclusioniste”. Parce qu'il y a libre circulation au sein de l'UE, il ne peut pas y avoir de pays plus libéral que les autres, ensuite, parce que les pays d'où provient la majorité des immigrés appliquent de manière très restrictive le jus sanguinis, l'option la plus commode semble être l'option républicaine originelle, soucieuse de l'autonomie des personnes et des lignées, ce qui nous conduirait donc à une application très stricte du jus sanguinis, également par respect pour les traditions juridiques des pays d'origine des immigrés. Contrairement à ce que laisse accroire une propagande incessante, martelée à satiété, frisant le délire, le jus sanguinis semble plus universellement accepté que le jus soli,  du moins dans le Vieux Monde. La position des partisans du jus sanguinis permet un dialogue plus aisé avec les autorités des pays d'origine des immigrés, également adeptes du jus sanguinis. Cette position est donc plus universelle, à défaut d'être “universaliste”. Une position universelle est une position réaliste. Une lubie universaliste participe de la pensée utopique, de la machine à faire des anges et à broyer les âmes.
    Les contours de la future géopolitique allemande selon Heinz Brill
    Sur le plan géopolitique, le géopolitologue Heinz Brill, qui a enseigné à l'académie de la Bundeswehr, énumère dans son ouvrage récent qui dresse un bilan géopolitique de l'Allemagne contemporaine, les diverses options qui s'offre au pays aujourd'hui:
    1. L'option UE (Union Européenne):
    L'option européenne de l'Allemagne postule à terme un élargissement de l'espace géopolitique européen à l'ensemble des territoires des pays de l'OSCE. Cet élargissement, explique Brill, implique une participation américaine, pour faire contre-poids à la France et à la Russie. Cette option privilégie l'alliance américaine, contrairement à l'idéal gaullien-adenauerien du binôme franco-allemand et au national-neutralisme qui voulait la normalisation voire le renforcement des rapports germano-russes. A terme, cette option envisage la consolidation d'une union euro-atlantique, futur pilier le plus puissant de l'ONU.
    2. La deuxième option étudiée par Brill est celle du “partners in leadership”. C'est résolument une carte américaine, visant un partage du pouvoir entre Américains et Allemands en Europe, aux dépens de toute synergie avec la France ou la Russie.
    3. Brill énumère ensuite diverses autres possibilités, rencontrant davantage nos préoccupations:
    a. L'option “Mitteleuropa”, où l'Allemagne focalise son attention sur son environnement centre-européen immédiat, en relâchant ses liens avec l'Ouest.
    b. L'“helvétisation”, pour ne heurter aucune autre grande puissance.
    c. L'option dite “Zivilmacht”, où l'Allemagne, se borne à n'être plus qu'une puissance civile, comme le Japon.
    d. Le repli sur soi, difficile, selon Brill, parce que l'Allemagne est une nation exportatrice de produits finis, non autonome sur le plan alimentaire.
    e. L'adhésion à un axe Berlin-Moscou-Tokyo qui serait surtout un tandem germano-russe.
    Enfin, on voit se profiler une autre option, que n'évoque pas Brill, et qui est de miser sur les pays asiatiques (Thaïlande, Indonésie, Inde), peu hostiles à l'Allemagne et où aucune propagande germanophobe n'aurait d'effet durable et profond.
    Urbanisation et anti-germanisme
    Pour le professeur Roberto Mainardi, de l'Université de Milan, l'atout majeur de l'Allemagne, c'est d'occuper une place centrale en Europe. Dans son ouvrage consacré à l'Allemage et ses influences en Europe, Mainardi rappelle, par une rétrospective historique, que l'atout majeur du pays réside dans son urbanisation précoce en Rhénanie et en pays mosellan, dès l'époque romaine. Mainardi s'inscrit dans une tradition catholique et germanophile italienne (exprimée au XVième siècle par Pie II), où l'Allemagne est un pôle de civilisation urbain et technologique positif pour le continent. Sa germanophilie l'éloigne du pastoralisme technophobe d'une certain nationalisme populiste allemand. Mainardi rappelle qu'au moyen âge, l'Allemagne présentait un réseau urbain dense, animé par une petite industrie très performante. L'anti-germanisme, écrit Mainardi, est partiellement la volonté de briser la puissance potentielle de ce réseau urbain, comme l'ont prouvé l'alliance franco-turque inaugurée par François Ier, la politique de Richelieu qui entretenait machiavéliquement les carnages qui détruisaient l'Allemagne, les guerres terroristes de Louis XIV, le blocus anglais de 1919, les bombardements alliés de 1940-45, le Plan Morgenthau, l'entretien d'une vague écologiste utopique ou d'un nationalisme pastoraliste par certains services de diversion occidentaux (utilisant tour à tour les marxistes utopiques et anti-soviétiques recyclés dans l'écologie, les subversifs de 68, la “nouvelle droite” anti-politique et technophobe téléguidée depuis Paris, le religiosisme de théologiens névrosés revu à la sauce verte, etc.).
    Le réseau urbain qui caractérise l'Allemagne depuis la romanisation de la Rhénanie est à la base de la solidité de l'économie allemande actuelle, conclut Mainardi. La réunification de 1989-90 fait de la RFA agrandie un aimant qui attire le Bénélux, l'Alsace et la Suisse à l'Ouest, l'Autriche, la Hongrie, la Tchéquie, la Slovaquie et la Pologne à l'Est.
    Mais cette nouvelle attirance de la périphérie pour le centre en Eu-rope, n'est pas exempte de difficultés. L'Allemagne souffre depuis toujours d'une trop grande multiplicité d'options, aujourd'hui elle é-prouve des difficultés à maintenir son système social, parce que les investissements nécessaires pour avoir la paix aux frontières et pour mettre à niveau les nouveaux Länder  de l'Est sont énormes; ensuite parce que le modèle spéculatif du néo-libéralisme anglo-saxon bat en brèche le “modèle rhénan” d'économie productrice d'investissements et génératrice d'ancrages industriels locaux. Le succès médiatique de la “bulle spéculative” remet implicitement en question l'atout majeur de l'Allemagne depuis deux ou trois siècles: la culture, tant la culture spéculative des philosophes que la culture pratique des ingénieurs et des techniciens. Le “modèle rhénan” est celui de la concertation sociale et de l'ordo-libéralisme (c'est-à-dire une liberté d'entreprendre assortie de devoirs spécifiques à l'en-droit des secteurs non marchands). L'industrie dans un modèle rhé-nan parie sur l'université et la culture, attend d'elles inspiration et impulsion. Par l'accroissement de la “bulle spéculative”, ce modèle économique est en danger, avait écrit naguère Michel Albert, car il ne permet pas d'engranger autant de bénéfices, aussi vite que par la spéculation en bourse. Pour entrer en compétition avec les pools économiques qui s'adonnent à la spéculation effrenée, les structures économico-industrielles de type rhénan doivent consacrer une partie de leurs bénéfices à la spéculation et réduire en conséquence leur soutien aux secteurs non marchands.
    Aux sources du malaise allemand
    Immédiatement après 1945, l'Allemagne n'avait plus aucune souveraineté militaire. Mais, après 1989, les effectifs conjugués de la Bundeswehr et de la NVA (Nationale Volksarmee)  sont passés de 600.000 hommes à 370.000 (mêmes effectifs que l'armée polonaise). L'Allemagne ne bénéficie toujours pas d'une souveraineté politique complète. Naguère elle était toujours considérée comme un Etat ennemi des Nations-Unies. Au début des années 90, les traités réglementant la nouvelle situation ont certes édulcoré cette clause puisqu'il y a ou a eu des casques bleus allemands en Somalie et en Croatie. Cependant, les Allemands ont l'impression que le seul domaine où leur souveraineté est inaltérée, c'est le domaine monétaire; d'où leur souci de ne laisser se développer aucune inflation, ce qui entraîne les effets pervers d'un chômage des jeunes, d'un malaise social, d'une sinistrose, d'une hostilité à l'Euro car le mark semble être, pour les Allemands, la seule chose qui leur reste, et qu'ils ont construit par leur travail et leur épargne.
    Les sources principales du malaise allemand actuel sont donc :
    - La difficulté de la classe politique à affronter les nouvelles donnes, ce qui a pour corollaire l'obsolescence des idéologies politiques sociale-démocrate et démocrate-chrétienne.
    - La partitocratie qui implique un jeu rigide et complexe d'élection, de cooptation du personnel politique, entraînant l'avénement et la pérennisation d'“élites sans projet”.
    - Le risque de ne pas assimiler les jeunes, a fortiori les immigrés est-européens et turcs.
    - Le risque de ne pas pouvoir maintenir sur le long terme le politique anti-inflationniste (répercutée dans le critère des 3% du Traité de Maastricht), qui avait fait la raison d'être du système social et fédéral allemand.
    En conclusion, nous pouvons dire que l'Allemagne ne connaît ni plus ni moins de difficultés que ses partenaires européens. Elle connaît tout simplement d'autres difficultés. Les maux qui affectent l'Allemagne se retrouvent à degrés divers dans toute l'Europe: c'est la crise d'une civilisation, où s'accumulent trop de scléroses et où le moindre changement suscite la panique des gouvernants.
    Nous nous trouvons dans une période de turbulences de moindre intensité mais de longue durée, ce qui, pour tous les Européens, s'avère incapacitant face au défi américain dans le monde, américano-turc dans les Balkans, le Méditerranée orientale et la Mer Noire, face aux bouleversements qui ont frappé l'Afrique centrale, face à l'Asie et au Proche-Orient. Par conséquent, tout projet européen qui interpelle tant la France que l'Allemagne ou les pays du Bénélux, l'Italie, la Hongrie, la Slovénie, la Croatie que les pays scandinaves doit trouver pour tous une voie commune, reposant sur un principe de liberté, soit une liberté accordée aux communautés réelles (régions, professions, parlements locaux, etc.) et un noyau décisionnel efficace, commun à tous.
    Robert STEUCKERS. http://robertsteuckers.blogspot.be/2013/06/lallemagne-la-croisee-des-chemins.html
    Bibliographie :
    - Pierre BÉHAR, Du Ier au IVième Reich. Permanence d'une nation, renaissances d'un Etat, Ed. Desjonqueres, Paris, 1990.
    - Heinz BRILL, Geopolitik heute. Deutschlands Chancen, Ullstein, Berlin, 1994.
    - Rogers BRUBAKER, Citizenship and Nationhood in France and Germany, Harvard University Press, Cambridge-Massachusetts, 1992.
    - Marcos CANTERA CARLOMAGNO, «I giochi baltici: staccare San Pietroburgo dalla Madre Russia?», in: Limes, Rome, n°1/1996.
    - Dominique DAVID, «Perché Framania conviene alla Francia», in: Limes, Rome, n°2/1995.
    - Alfred FRISCH, «Deutsch-französische Kurzschlüsse», in: Dokumente für den deutsch-französischen Dialog, n°1/1994.
    - Gary L. GEIPEL (ed.), The Future of Germany, Hudson Institute, Indianapolis, 1990.
    - Roberto MAINARDI, L'Europa germanica. Une prospettiva geopolitica, NIS/La Nuova Italia Scientifica, Rome, 1992.
    - Wolfgang MANTL (Hrsg.), Die neue Architektur Europas. Reflexionen in einer bedrohten Welt, Böhlau, Wien/Köln, 1991.
    - Helmuth PLESSNER, Die verspätete Nation. Über die politische Verführbarkeit bürgerlichen Geistes, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1974.
    - Hans-Peter SCHWARZ, Die Zentralmacht Europas. Deutschlands Rückkehr auf die Weltbühne, Siedler, Berlin, 1994.
    - Michael STÜRMER, Dissonanzen des Fortschritts. Essays über Geschichte und Politik in Deutschland. Alteuropäische Erinnerung, Aufstieg und Fall des deutschen Nationalstaats. Bundesrepublik, quo vadis?, Piper, München, 1986.
    - Paul THIBAUD, «Perché Framania non conviene alla Francia», in: Limes, Rome, n°2/1995.
    - Ludwig WATZAL, «Perché Framania non conviene alla Germania», in: Limes, Rome, n°2/1995.
    - Ernst WEISENFELD, «Frankreich und Mitteleuropa», in: Dokumente für den deutsch-französischen Dialog, 5/1993.

  • Les Mères veilleuses demandent à Manuel Valls de les recevoir

    Communiqué :

    "Les Mères Veilleuses prennent acte des propos de Manuel Valls lors de la conférence de presse du vendredi 20 septembre à la préfecture de Rodez. Interrogé par les journalistes sur le traitement réservé aux Mères Veilleuses par les CRS à Rodez il a indiqué qu’il était prêt à les recevoir comme le relate le "Midi Libre" dans son édition du samedi 21 septembre. Les Mères Veilleuses demandent à M. Valls de donner une traduction concrète à ses déclarations et de les recevoir dans les plus brefs délais. Une demande de Rendez-Vous avec le ministre est envoyée ce jour à son cabinet.

    Cette rencontre sera notamment l'occasion de demander au ministre des explications sur la manière dont ont été traitées les Mères Veilleuses devant la préfecture de Rodez le vendredi 20 septembre.

    En effet le déploiement impressionnant et totalement disproportionné des forces de l'ordre (environ 30 CRS) en face de moins de dix Mères Veilleuses de 60 et 83 ans, présentes pacifiquement aux abords de la préfecture comme elles en avaient demandé et obtenu l’autorisation auprès des autorités compétentes. Ces Mères Veilleuses étaient dans leur droit de manifester pacifiquement. Elles ont été sommées brutalement de dégager sous couvert d’un soit disant « trouble à l’ordre public » comme en atteste la vidéo en ligne sur leur site internet. A ce jour ces Mères Veilleuses sont traumatisées et présentent les symptômes caractérisés d’un état de choc : trouble du sommeil , étourdissements, anxiété."

    http://www.lesalonbeige.blogs.com/