Q.: Quelles réactions positives voyez-vous aujourd’hui parmi les peuples européens?
RS: Des réactions positives? Je n’en vois pas beaucoup. J’en retiens deux, marginales sur le plan géographique mais significatives, et, mutatis mutandis, dignes d’être imitées: la mobilisation populaire en Islande et la colère de la foule en Grèce. Il y a d’abord la réaction islandaise, celle de ce petit peuple insulaire de 350.000 habitants, qui a inventé une véritable représentation démocratique dès l’aube de son histoire et forgé la première littérature moderne et profane de notre continent. Dans ce pays, les responsables de la crise de 2008, les infects banksters qui ont commis l’acte abject et méprisable de spéculer, sont traduits en justice, de même que Haarde, le Premier Ministre qui a couvert leurs vilénies, tandis que notre “Commission Dexia” patine et qu’on ne verra pas de sitôt l’incarcération, pourtant dûment méritée, de Dehaene à Lantin ou à Jamioulx. En Islande, ses homologues ès-abjection sont derrière les barreaux ou devant les juges. Parallèlement à cette saine réaction, les Islandais ont refusé de rembourser les banques étrangères qui ont participé à la ruine de leur pays et se sont donné une constitution nouvelle où la spéculation est expressément décrite comme un délit et où tous les transferts de souveraineté sont d’emblée condamnés ou, éventuellement, soumis à référendum. Les Islandais ont fait montre de volonté politique: ils ont prouvé qu’un retour au politique était possible dans un monde occidental où règne la dictature subtile du “tout-économique”. Résultat: l’Islande connaît un redéploiement économique assez spectaculaire.
Dans le reste de l’Europe, c’est l’apathie.
En Grèce, nous avons vu, ces jours-ci, des émeutes plus violentes encore que celles qui ont secoué Athènes l’an passé. Le peuple refuse le diktat des banques, du FMI et de l’eurocratie. La RTBF comme la VRT ont interrogé des quidams dans la rue; trois de ceux-ci ont lancé: “C’est bientôt votre tour!”. C’est prophétique et réaliste tout à la fois. En effet, la faiblesse, la lâcheté et la veulerie du monde politique, qui n’ose faire cueillir les escrocs et les banquiers par la police dès potron-minet, en filmant la scène à titre de petite mise au pilori, ne peuvent avoir qu’une seule conséquence à moyen terme: la faillite totale de l’Etat et l’hellénisation/paupérisation de notre société. Malgré cette colère de la rue à Athènes, les Grecs, contrairement aux Islandais, ont dû accepter, tout comme les Italiens d’ailleurs, un gouvernement d’économistes, de banquiers, de technocrates qui n’ont aucun atome crochu avec la population et, forcément, aucune légitimité démocratique. La dictature a donc fait sa réapparition en Europe, non plus une dictature acclamative ou issue des urnes comme il y en a eu dans l’histoire récente de notre continent, mais une dictature sans acclamations populaires, sans légitimité électorale, qui s’apprête à ruiner toutes les familles grecques et italiennes. Mais où sont les protestataires anti-dictateurs, comme ceux qui s’agitaient contre Franco ou contre les Colonels grecs dans les années 60 et 70 ?
En France, les grandes leçons du gaullisme des années 60 sont bien oubliées. Aucune réaction saine n’est à attendre du sarközisme néo-libéral. En Espagne, le mouvement des indignés est certes fort sympathique, mais quelles seront ses suites? L’Espagne, vient de nous dire Jean David, compte aujourd’hui quatre millions de chômeurs, avec un nouveau gouvernement libéral, qui fera la politique du FMI, et préconisera des mesures anti-populaires comme le font déjà anticipativement, chez nous, un Decroo (le fils de son papa) ou un Reynders (qui, dit-on, brigue un haut poste à la BNP à Paris).
Le mouvement des indignés espagnols montre que toute contestation juvénile est désormais noyée dans ce que le regretté Philippe Muray nommait le “festivisme”. On transforme une protestation, dont les enjeux sont pourtant vitaux pour l’ensemble de la population, en un happening de style Woodstock, ce qui n’inquiète ni les banksters ni leurs serviteurs néo-libéraux. Le danger du “gauchisme”, comme on disait naguère, ne vient nullement de sa nature “contestataire”, antagoniste à l’égard des pouvoirs en place, mais de ses propensions au “festivisme”, tel qu’il a été défini par Muray. La culture festiviste, envahissante, tablant sur les émotions ou sur les désirs, tue de fait les réflexes politiques, basés sur le sérieux de l’existence, sur l’agonalité (Ernst Jünger, Armin Mohler) et sur la prise en compte, pessimiste et prévoyante, des risques et du pire (Clément Rosset). Les exemples abondent pour signaler le glissement des idées en apparence révolutionnaires de mai 68 dans la farce festiviste: l’itinéraire d’un Daniel Cohn-Bendit le prouve amplement, ce pseudo-révolutionnaire du Nanterre de 1968, qui avait mêlé verbiage pseudo-marxiste et obsessions sexuelles, est aujourd’hui un allié du néo-libéral thatchérien Guy Verhofstadt quand il s’agit, dans l’enceinte du Parlement européen, de vitupérer tout réflexe politique naturel, émanant du peuple réel; ou toute tentative de l’un ou l’autre ponte en place, comme Sarközy, d’utiliser un réflexe populaire naturel pour mener une politique quelconque, par pur calcul politicien et qui, si elle était réellement traduite dans la réalité, serait efficace ou écornerait les intérêts du banksterisme.
Le philosophe néerlandais Luk van Middelaar parlait, pour la France, d’une culture philosophique du “politicide”, qui s’est développée parallèlement à l’idéologie étatique rigide que la république a toujours tenté de faire triompher dans son propre pré carré. De Sartre aux contestataires de Mai 68, en passant par Michel Foucault ou par le néo-nietzschéanisme exigeant la libération joyeuse et immédiate des “machines à désirer”, par le nouveau néokantisme post-marxisant qui découvrait subitement l’horreur du goulag chez ses anciens alliés soviétiques dans les années 70 ou par l’hypermoralisme hystérique des médias dominants ou par la promotion médiatique d’une “république compassionnelle”, les intellectuels français ont perpétré en permanence un “assassinat du politique” qui ne peut mener qu’à une impasse. Celle dans laquelle nous nous trouvons (Luk van Middelaar, Politicide – De moord op de politiek in de Franse filosofie, van Gennep, Amsterdam, 1999).
Il faut par conséquent une bataille métapolitique pour éradiquer les affres du festivisme et contrer les effets délétères de l’apathie en laquelle somnolent la plupart de nos concitoyens.
Q.: A quels dangers serait soumise une Europe redevenue “populiste” au sens positif du terme?
RS: Dresser la liste des dangers qui nous menacent risque d’être un exercice fort long. Si nous prenons la spéculation en cours contre l’euro, phénomène emblématique de l’absence de souveraineté et de vigueur politiques au sein de l’Europe eurocratique, nous constatons que toutes les spéculations hostiles à la monnaie commune européenne ont une origine outre-Atlantique, proviennent du secteur bancaire spéculatif américain. J’en conclus que la spéculation contre les Etats et les monnaies, dont l’Asie avait connu un précédent en 1997, est un mode (relativement) nouveau de guerre indirecte. Saddam Hussein voulait facturer son pétrole en euro. Ahmadinedjad a envisagé de le faire à son tour pour le pétrole et le gaz iraniens. Les puissances du BRIC (Russie, Chine, Inde, Brésil) emboîtent le pas. L’euro constituait donc le danger le plus grave pour les Etats-Unis à court et à moyen termes, car il était sur le point de détrôner le roi-dollar. L’Europe, puissance civile et pacifique (Zaki Laïdi), aurait, sans coup férir, damé le pion à l’hegemon Il fallait dès lors frapper cet instrument de souveraineté européenne à son “ventre mou” méditerranéen. Les pays méditerranéens, ceux du groupe PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne), sont effectivement les plus fragiles, les plus aisés à faire basculer pour entraîner un effet domino et affaiblir simultanément les pays économiquement plus forts de l’ancienne zone mark (oui, la Belgique est menacée, on le sait; l’Autriche a perdu un “A” et les Pays-Bas sont inquiets car ils connaissent leurs points faibles, leurs éventuels talons d’Achille). L’Allemagne est encore en mesure de résister vu ses accords gaziers avec la Russie et les marchés qu’elle développe à grande échelle en Chine. L’Allemagne demeure forte parce qu’elle est davantage liée aux puissances du groupe BRIC, parce qu’elle a misé subrepticement sur une carte eurasienne sans renier avec fracas son option atlantiste officielle. Les anciens chanceliers Schmidt et Schröder se sont hissés à la position “catéchonique” de garants de cet axe énergétique Berlin/Moscou, avatar actuel des accords Rathenau/Tchitchérine, signés à Rapallo en 1922.
Pour revenir à la Grèce, aujourd’hui ruinée, on évoque fort souvent l’insouciance du personnel politique grec, qui a pratiqué une politique démagogique où l’Etat-Providence était particulièrement généreux et peu regardant (plusieurs centaines d’aveugles disposent de leur permis de conduire...) ou le gouffre financier qu’a constitué l’organisation des jeux olympiques de 2004 mais on omet curieusement de mentionner le coût exorbitant qu’ont entraîné les incendies de forêts et de garrigues que le pays a subi deux années de suite. Le feu a ravagé les campagnes et s’est avancé jusque dans les banlieues des villes dans des proportions hors du commun. De même, la Russie de Poutine, récalcitrante face aux diktats du “nouvel ordre mondial”, a subi sur son territoire des incendies de grande envergure, inédits dans l’histoire.
Ces incendies sont-ils dû à des hasards naturels, un peu vite mis sur le compte de l’hypothétique “réchauffement climatique”? Ou bien sont-ils les effets d’une nouvelle forme de “guerre indirecte”? La question peut être posée.
De même, on parle, avec le projet HAARP, de l’éventualité de provoquer artificiellement des catastrophes sismiques ou autres. Le tsunami qui a réduit à néant le nucléaire japonais l’an passé (et conduira à court terme au démantèlement total du secteur nucléaire de l’Empire du Soleil Levant) ou les tempêtes extrêmement violentes que la France a subies il y a quelques années, immédiatement après l’enthousiasme soulevé par la possibilité d’un Axe Paris/Berlin/Moscou, sont-ils des hasards ou non? Telles sont des questions à étudier avec toute l’attention voulue, comme le fait “Kopp-Verlag” en Allemagne.
L’arme de la grève sauvage a été utilisée contre Chirac en 1995, après des essais nucléaires à Mururoa. On sait que certains syndicats français, noyautés par des éléments trotskistes ou lambertistes, pendants économico-sociaux des “nouveaux philosophes” agissant dans l’espace médiatique, sont soutenus par la CIA (ou l’ont été par l’ex-OSS quand il a fallu mettre les anciens alliés communistes échec et mat). La France vit en permanence sous l’épée de Damoclès d’une paralysie totale, qui pourrait être due, par exemple, à une grève des routiers, qui bloquerait toutes les routes de l’Hexagone et toutes les voies d’accès à celui-ci. Dans de telles conditions, pas besoin de révolution orange en France...
Reste effectivement le danger des “révolutions colorées”, à l’instar de celle qui a réussi en Géorgie en 2003 et a porté Sakashvili au pouvoir. L’instrument des révolutions colorées est désormais connu et ne fonctionne plus de manière optimale, en dépit d’un personnel très bien écolé, recruté au départ du mouvement serbe OTPOR. En Ukraine, les conséquences de la “révolution orange” de 2004, soit un rapprochement du pays avec les structures atlantistes et eurocratiques, sont annulées sous la pression du réel géographique. L’Ukraine est liée aux espaces déterminés par les grands fleuves (Dniestr, Dniepr, Don) et par la Mer Noire. Elle est aussi liée territorialement à l’espace russe du Nord. La dernière tentative de “révolution orange” en Russie cet hiver, pour faire tomber Poutine, s’est soldée par un échec: les sondages créditent le Premier Ministre russe de 66% des intentions de vote! Pire pour les “occidentistes”, la majorité absolue des voix va non seulement vers le mouvement de Poutine mais aussi, au-delà des deux tiers de votes que les sondages lui attribuent, à des formations politiques d’inspiration communiste ou nationale (Ziouganov et Jirinovski) et non pas vers les tenants d’une ré-occidentalisation de la Russie, avec son cortège de “Gay-Prides” festivistes, d’oligarques et de politiciens véreux et falots.
Les “printemps arabes”, autre manière de mobiliser les foules pour libérer les marchés potentiels —que constituent les Etats arabo-musulmans— des structures étatiques traditionnelles et des corruptions claniques, ont fonctionné en Tunisie et, partiellement seulement, en Egypte. En Syrie, cela n’a pas marché et on prépare au pays d’El-Assad un avenir libyen...
Les pays européens sont finalement à ranger parmi les Etats de faible personnalité politique. Outre la spéculation contre l’euro, quel instrument garde-t-on au placard pour la faire fléchir si jamais il lui prenait de branler dans le manche? L’ambassadeur américain Jeremy Rivkin a été trop bavard: il a révélé la nature de l’instrument dont on ferait usage pour déstabiliser les sociétés des Européens de l’Ouest, si ceux-ci devenaient trop récalcitrants. On leur balancerait les déclassés des banlieues dans les pattes. Jeremy Rivkin évoque, sans circonlocutions inutiles, la possibilité de mobiliser les masses immigrées des banlieues pour faire tomber ou pour désarçonner un gouvernement rebelle, surtout en France. Sarkozy doit savoir mieux que personne qu’il a été porté au pouvoir suite aux émeutes des banlieues françaises de novembre 2005. Elles avaient servi à éliminer Chirac, adepte de l’Axe Paris/Berlin/Moscou. Elles pourraient tout aussi bien servir à le faire tomber, lui aussi, s’il ne reste pas sagement dans le sillage de l’hegemon américain et fidèle à son alliance privilégiée avec la Grande-Bretagne de Cameron. Faye avait prédit, à la grande fureur du président français actuel, que la France ne pourrait pas se payer indéfiniment des émeutes de banlieues, surtout si elles éclataient simultanément dans plusieurs grandes agglomérations de l’Hexagone, non plus seulement dans le fameux département n°93, près de Paris, mais aussi à Lyon, Marseille et Lille. Les réseaux salafistes, comme les réseaux lambertistes, sont prêts à faire le jeu de l’hegemon, au détriment des Etats-hôtes, a fortiori si l’Arabie Saoudite, matrice financière wahhabite des mouvements salafistes, est une alliée inconditionnelle de Washington.
La méfiance à l’égard de certains réseaux salafistes ne relève donc pas du “racisme” ou de l’“islamophobie”, comme le vocifèrent les médias aux ordres ou le pensent certains magistrats croupions, dont la corporation est dénoncée comme inculte, à l’instar de tous les juristes modernes sans culture générale, par François Ost, ancien recteur des Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles. Cette méfiance à l’égard des salafistes relève d’une simple analyse du terrain politique, où il faut établir l’inventaire des éléments en place: quelles sont les forces dangereuses qui pourraient, dans un avenir prévisible, disloquer la machine étatique, dont je suis citoyen, et plonger la société, en laquelle je vis, dans le chaos? Quelles sont les forces en présence dans ma société qui pourraient servir de levier, à toutes mauvaises fins utiles, à l’hegemon pour la déstabiliser ou l’affaiblir ?
Q.: Quels sont les ennemis intérieurs et extérieurs des peuples européens dans le contexte actuel ?
RS: Commençons par les ennemis extérieurs, les ennemis intérieurs n’étant que des instruments à leur service. L’ennemi extérieur est bien entendu l’hegemon qui refuse de nous élever à son rang, comme on le ferait en toute bonne logique avec des alliés fidèles à la façon romaine, et nous plonge en permanence dans l’assujetissement, brisant chaque fois, à l’aide d’instruments subtils propres aux nouvelles formes de guerre indirecte, tout nouvel élan économique ou politique de notre Europe. Cet hegemon est une thalassocratie, une puissance essentiellement maritime, une puissance qui domine les “res nullius” que sont les océans et l’espace circumterrestre, tout en imposant des règles internationales fluctuantes, chaque fois interprétées en sa faveur. Je veux bien évidemment parler des Etats-Unis d’Amérique, tels que les a décrits une figure comme Carl Schmitt. Ce n’est pas la place ici de rappeler les réflexions profondes et pertinentes que Carl Schmitt a émises sur la fabrication arbitraire et perfide de règles juridiques internationales floues et boiteuses car tributaires de l’esprit “wilsonien”, destinées à faire avancer les pions de l’impérialisme américain dans le monde ou sur le processus délétère de fluidification et de liquéfaction des certitudes et des traditions diplomatiques que ces règles perfides ont fait éclore. Plus accessibles me semblent les directives émises par un stratégiste américain, Nicholas J. Spykman, dans un bref vademecum en annexe de son ouvrage de 1942, America’s Strategy in World Politics.
Pour lui, l’Europe de son temps possède dix atouts qui la rendent supérieure aux Etats-Unis. Ces dix atouts, que j’énonce par ailleurs (cf. “Panorama théorique de la géopolitique”, in Orientations n°12, été 1990/hiver 1990-91), lui avaient été inspirés par un géopolitologue allemand de l’école de Haushofer, une certain Robert Strauss-Hupé, émigré aux Etats-Unis après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes parce qu’il avait quelque ascendance juive. Les atouts que doit avoir une superpuissance de l’acabit des Etats-Unis pour Spykman ou les atouts que possédait l’Europe sous hegemon germanique selon Strauss-Hupé sont notamment, je n’en cite ici que trois, l’excellence d’un système scolaire et universitaire, la cohésion ethnique et une économie plus ou moins autarcique (ou semi-autarcique auto-centrée comme le préciseront plus tard les Français François Perroux et André Grjébine) qui permet l’émergence et la consolidation d’un bloc économique concurrent des Etats-Unis et capable de conquérir et de conserver longtemps des marchés en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Pour démolir l’enseignement, il y a eu mai 68, avec son cortège de nouvelles pédagogies abracadabrantes et son laxisme implicite, suivi d’une offensive, classée à “droite”, du néo-libéralisme qui a imposé des schémas pédagogiques visant l’acquisition facile de savoirs purement utilitaires au détriment des humanités traditionnelles, totalement battues en brèche. Une fois de plus, ici, le festivisme gauchiste à la sauce 68 n’a jamais cessé de marcher de concert avec le néo-libéralisme utilitariste pour ruiner les acquis de notre civilisation et que leur antagonisme fictif, souvent médiatisé pour faire croire à des alternances démocratiques, ne servait qu’à leurrer les masses. Pour briser la cohésion ethnique, on a d’abord coupé l’Europe occidentale de ses réservoirs habituels de main-d’oeuvre supplétive en Europe orientale, on a ensuite freiné tous les processus d’intégration et d’assimilation avec l’aide des réseaux wahhabite/salafiste inféodés à l’allié saoudien (qui promettait aussi un pétrole bon marché à condition que l’Europe s’ouvre à toutes les immigrations musulmanes); on s’apprête, avec l’ambassadeur Rivkin, à inciter les nouveaux banlieusards déboussolés, toutes couleurs et toutes confessions confondues, à bloquer le fonctionnement total de l’Etat et de la société en générant des troubles civils dans les grandes agglomérations; en Allemagne, Erdogan et Davutoglu menacent de faire jouer, au détriment de l’Etat allemand, les “sociétés parallèles” turques, étant bien entendu que le néo-libéralisme a eu pour effet de favoriser, de “booster”, toutes les ‘économies diasporiques”, dont les réseaux turcs, axés, dans un premier temps, sur le trafic de l’héroïne; enfin, la pratique permanente du “politicide”, surtout en France, ne permet aucune restauration du “politique”, au sens où l’entendait le regretté Julien Freund. Sans restauration du politique, nous risquons le déclin total et définitif.
On s’aperçoit clairement que l’hegemon, qui entend freiner tous nos élans, aligne tout un éventail d’alliés circonstantiels, qui ne sont en aucun cas l’ennemi principal mais bien plutôt les instruments de celui-ci. La rébellion turque, mise en exergue par les médias depuis le “clash” entre Erdogan et son homologue israélien à Davos et depuis l’affaire de la flotille humanitaire turque amenant des médicaments aux Palestiniens de Gaza, est un “show”, destiné à gruger les masses arabo-musulmanes. Outre cette mise en scène, la politique turque n’a guère changé à l’égard de son environnement, en dépit du discours néo-ottoman de Davutoglu qui évoque les notions de “zéro problème avec les voisins” et de solidarité musulmane. En Syrie, depuis août 2011, la Turquie est bel et bien alignée sur l’hegemon américain: Erdogan, Gül et Davutoglu ont tenté de faire fléchir El-Assad, en lui suggérant de prendre dans son gouvernement des ministres appartenant aux “Frères Musulmans” et de ne plus favoriser les Alaouites, adeptes d’un islam à fortes connotations chiites, et de renoncer à la laïcité de l’Etat, préconisée par l’idéologie baathiste qui refuse toute discrimination entre musulmans (sunnites, chiites, alaouites, druzes, etc.) ou à l’égard des chrétiens arabes/araméens. Le pari baathiste sur la laïcité de l’Etat syrien, sans violence institutionnelle aucune à l’égard des communautés réelles composant la population syrienne, est plus souple que ne le fut le kémalisme turc, avant son éviction par l’AKP d’Erdogan. Aujourd’hui, c’est par la Turquie (par l’Irak et la Jordanie) que transitent les armes pour les opposants syriens et pour les mercenaires “afghans” ou “libyens” qui affrontent l’armée loyaliste syrienne. Par railleurs, la géopolitique implicite de la Turquie n’est pas assimilable à une géopolitique européenne cohérente: les “directions” qu’entend prendre la géopolitique turque sous-jacente ne vont pas dans le même sens qu’une bonne géopolitique européenne qui serait enfin devenue générale et cohérente: la Turquie, par exemple, entend reprendre indirectement pied dans les Balkans, alors que ceux-ci devraient constituer exclusivement un tremplin européen vers la Méditerranée orientale et le Canal de Suez. Enfin, l’actuel territoire turc constitue une zone de transit pour une immigration proche-orientale, moyen-orientale et asiatique tentant de s’introduire dans l’espace Schengen. La Turquie, en dépit des subsides considérables qu’elle reçoit de l’Europe eurocratique, ne garde pas ses frontières et laisse passer vers l’Europe des centaines de milliers de futurs clandestins. La police et la flotte grecques sont débordées. Les finances de l’Etat grec ont été déstabilisées par ce combat à la Sisyphe, tout comme par les incendies de grande ampleur que la Grèce a subi ces derniers étés, et non pas tant, comme veulent le faire accroire les médias véhiculant le discours néo-libéral dominant, par la mauvaise gestion des budgets olympiques de 2004 et par quelques milliers de pauvres grecs véreux et madrés qui escroquaient leur système national de sécurité sociale. Pour endiguer ce gigantesque flot de réfugiés, pire que ceux de Lampedusa aux portes de la Sicile et de Fuerteventura dans les Canaries, l’eurocratie ne débloque qu’un très petit budget pour l’envoi de 200 malheureux gendarmes qui doivent surveiller une frontière qui va des rives pontiques de la Thrace à toutes les îles de l’Egée jusqu’à Rhodes et à toutes les parties de l’archipel du Dodécannèse. L’agence Frontex, chargée en théorie de verrouiller les frontières extérieures de l’espace Schengen pour éviter tous les déséquilibres qu’apporterait une immigration débridée, ne reçoit en réalité aucun appui sérieux et se révèle une “coquille vide”.
On sait que toutes les menées salafistes ou wahhabites sont en dernière instance téléguidées par le tandem américano-saoudien et s’avèrent idéales pour perpétrer des opérations de guerre indirecte, dites de “low intensity warfare”, ou des actions “fausse-bannière” (false flag operations). On tue un Pim Fortuyn non pas tant parce qu’il serait “islamophobe” mais parce qu’il souhaitait supprimer la participation néerlandaise aux opérations en Afghanistan. On recrute un tueur dans la diaspora marocaine de Molenbeek pour éliminer le Commandant Massoud afin que ce combattant efficace ne prenne pas le pouvoir suite à la chute des talibans, programmée par le Pentagone. On envoie un Jordanien fondamentaliste pour prendre la direction de la rébellion tchétchène sur le tracé d’un oléoduc qui pourrait amener le brut russe et kazakh en Mer Noire, etc. La Russie, fournisseur principal d’hydrocarbures à l’Europe, est fragilisée dans la Caucase du Nord par les fondamentalistes tchétchènes et daghestanais mais aussi et surtout, comme le signale l’observateur allemand Peter Scholl-Latour, par une intervention wahhabite potentielle (et donc indirectement américaine) dans deux républiques musulmanes de la Fédération de Russie, le Tatarstan et le Baschkirtostan. Si ces deux républiques basculent dans le désordre civil ou si des fondamentalistes y arrivent au pouvoir, le territoire de la Fédération de Russie serait littéralement coupé en deux à hauteur de l’Oural, extrême nord excepté, soit au-delà de la limite méridionale de la zone des toundras. L’Europe serait réduite à ce qu’elle était au début du 16ième siècle, avant le déferlement des troupes d’Ivan le Terrible et de Fiodor I au 16ème siècle qui, parties de la région de Moscou, conquièrent tout le cours de la Volga et déboulent à Astrakhan en 1556. Kazan, la capitale tatar, était tombée en 1552. Peter Scholl-Latour rappelle que les Tatars ne sont que fort rarement séduits par le “wahhabisme” saoudien ou par l’idéologie égyptienne des Frères Musulmans d’Hassan al-Banna et de Sayyid Qutb et leur préfèrent une sorte d’islam modernisé, compatible avec la modernité européenne et russe, que l’on appelle le “yadidisme” ou la “voie tatar”, dont le penseur est actuellement Rafael Chakimov. Ce dernier s’insurge contre les volontés wahhabites de vouloir à tout prix imiter les moeurs et coutumes de l’Arabie des 7ème et 8ème siécles. Les adeptes de Chakimov sont peut-être majoritaires aujourd’hui au Tatarstan mais ils avaient dû prendre en compte les menées de la mosquée “Yoldiz Madrassa”, dans la ville industrielle de Naberechnié Khelny, animée par des enseignants tous issus du monde arabe. Ils ont été expulsés parce que certains de leurs étudiants avaient rejoint les rebelles tchétchènes. L’avenir est ouvert sur les rives de la Kama, affluent de la Volga qui prend ses sources loin au nord, à la limite de la toundra circumarctique. L’hegemon mondial et ses alliés saoudiens pourraient y semer le trouble en luttant contre le “yadidisme” tatar ou en réactivant une forme ou une autre de pantouranisme (pour connaître la question dans tous ses détails et en dehors de toute polémique politique, cf. L’islam de Russie – Conscience communautaire et autonomie politique chez les Tatars de la Volga et de l’Oural depuis le XVIIIe siècle, sous la direction de Stéphane A. Dudoignon, Dämir Is’haqov et Räfyq Möhämmätshin, éd. Maisonneuve & Larose, Paris, 1997; Peter Scholl-Latour, Russland im Zangengriff – Putins Imperium zwischen Nato, China und Islam, Propyläen Verlag, Berlin, 2006).
Passons maintenant aux ennemis intérieurs: j’en citerai trois. D’abord le système bancaire, totalement parasitaire et instaurateur d’une véritable ploutocratie (mot que réhabilitent à Paris Pierre-André Taguieff et Jean-François Kahn), qui n’a plus rien, mais alors plus rien de démocratique. A ce système bancaire s’ajoute d’autres instances parasitaires comme les chaînes de supermarchés, qui spéculent sur les denrées alimentaires et sont responsables de leur cherté, plus élevée que dans les pays voisins; pour bon nombre de produits de première nécessité, les prix varient du simple au double entre notre pays et l’Allemagne, par exemple. Le secteur énergétique, entièrement aux mains de la France, nous oblige à payer un gaz et une électricité à des prix incroyablement exagérés: chaque ménage hexagonale ne paie que 62% de notre facture énergétique, ou, autres chiffres, si le ménage hexagonal paie 100%, nous payons 160,97%!! Les déséquilibres provoqués par le gigantisme de ces structures privées, semi-privées ou para-étatiques doivent être impérativement corrigés par des moyens adéquats, si nous ne voulons pas voir s’effondrer définitivement les structures les plus intimes de nos sociétés. Le second ennemi est l’idéologie néo-libérale et ses relais, dont le premier animateur fut, rappellons-le, l’ancien premier ministre Guy Verhofstadt, qui dirigea le gouvernement “arc-en-ciel”, mélange de néo-libéralisme et de gauchisme festiviste. Cette idéologie est un ennemi intérieur dangereux dans la mesure où elle étouffe, en se parant d’un masque “boniste”, toutes les possibilités d’une révolte constructive. Ensuite, pour épauler la ploutocratie et le néo-libéralisme, nous avons, troisième ennemi, les diasporas manipulables. Elles sont telles parce qu’on les déclare telles, par la bouche de l’ambassadeur Rivkin ou par la voix du tandem Erdogan/Davutoglu.
L’objectif est donc de juguler le développement exponentiel du secteur parasitaire /ploutocratique en lui imposant des limites et des contrôles, en le soumettant à une fiscalité juste (le “mulcto” ou “multo” de la République romaine) et à des directives à soubassement éthique, qu’il ne pourrait transgresser sans commettre automatiquement un délit punissable. Le néo-libéralisme et tout le cortège de ses dérivés doit être perçu comme une idéologie “politicide” et dès lors dangereuse pour la sûreté de l’Etat et de l’Europe tout entière. Quant aux diasporas manipulables, elles sont, surtout depuis les menaces d’Erdogan et de Davutoglu, des “cinquièmes colonnes” passibles des juridictions d’exception. On ne sauvera pas notre civilisation sans des mesures drastiques.
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Réponses de Robert Steuckers à la Table Ronde, “Quel avenir pour les peuples d’Europe?” au colloque du Château Coloma, 3 mars 2012
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L'esprit de chevalerie
Sublimation des vertus guerrières mises au service d'une cause juste ou sacrée, la chevalerie, longtemps miroir et référence des comportements occidentaux, devient, sauf exceptions, incompréhensible à une historiographie en rupture avec ses racines culturelles et religieuses.
L'idéal chevaleresque, tel qu'il apparaît au tournant de l'an Mil pour croître et s'épanouir au XIIe siècle, n'a pas jailli tout à coup de rien ; il s'ancre dans un passé, des traditions, des comportements, des croyances antérieurs à la société médiévale, et même au christianisme. Comment s'est-il forgé, mis en place, imposé ? Autant de question auxquelles Dominique Barthélemy apporte des réponses, ou des commencements de réponse dans un essai remarquable de justesse, d'érudition, d'intelligence et d'humour, La Chevalerie.
Vertus guerrières
Qu'il existe des vertus guerrières communes à toutes les sociétés indo-européennes, voire à toutes les civilisations qui exaltent le courage et le métier des armes, on ne saurait en douter. Cependant, impossible de comparer Roland ou Lancelot à Achille ou Hector, ni de faire procéder le héros médiéval d'un modèle romain, comme certains historiens ont tenté de le démontrer, parce que l'individualisme chevaleresque est à l'opposé de l'esprit des légions. Il convient de chercher son modèle ailleurs, dans un passé « barbare », germanique, exaltant la valeur personnelle, le rôle du cavalier, les rapports entre un chef de guerre et ses hommes. Au vrai, ce modèle germanique supposé serait tout autant, voire davantage celtique, mais il tend à s'imposer avec l'avènement du monde franc, s'épanouit à l'époque carolingienne, devient chevalerie telle que nous entendons le mot à l'aube des temps capétiens. L'un des grands intérêts de l'étude, souvent incisive et mordante, est de mettre en évidence combien le combat chevaleresque, dès ses origines, se veut élitiste, quoique largement ouvert aux talents et mérites, donc économe en sang, le but étant de briller, pas de se faire tuer. Aussi de montrer comment les puissants, rois ou ecclésiastiques, oeuvrèrent à orienter ce goût de l'exploit individuel vers l'intérêt général, guerres de conquête ou croisade capables de souder la communauté dans la poursuite d'un but unique. Tournois, joutes et défis s'inscrivent dans une même logique, tandis que la chanson de geste, le roman arthurien ou courtois, objets d'un chapitre passionnant, tracent un modèle parfait, ce qui ne signifie pas que tout chevalier ait incarné cette perfection. En allant au-delà du mythe et de l'idéalisation, le professeur Barthélemy propose une vision profondément juste et humaine d'une institution qui tendit vers le Bien, sans toujours l'atteindre, et un éclairage équilibré sur ses relations avec un Islam qui proposait un contre modèle chevaleresque ; Sarrasins ou Francs, les vrais chevaliers, d'un côté comme de l'autre, y furent étonnamment sensibles.
La Table ronde
Le cycle des romans de la Table ronde, inspirateur de tant de rêves et de comportements héroïques, s'ancrent, eux aussi, dans un passé indo-européen très lointain. Rompant avec les délires ésotériques trop suscités par le sujet, un universitaire britannique, John Matthews, propose, sous forme d'un élégant album illustré, Le Graal, la vérité derrière le mythe, étude poussée sur les origines de la légende du calice de Joseph d'Arimathie, et l'interprétation qu'il convient de donner à l'histoire. Le symbole du vase sacré qui permet de communiquer avec la Divinité existe dans toutes les cultures, même les plus éloignées de la nôtre. En Europe, on le retrouve dans le cratère primitif d'Ouranos, le chaudron magique des dieux celtes, et chez les Scythes, ce qui permit d'ailleurs à Matthews, conseiller historique d'un film consacré au roi Arthur, d'y soutenir la thèse, aventurée mais défendable, d'un Arcturus officier romain né dans les plaines de l'Est. Ce qui importe est de comprendre pourquoi ce récipient tient une telle place dans l'imaginaire collectif de tous les temps et comment, d'un rôle symbolique, celui de la quête de l'âme vers Dieu, il a pu, dans des sociétés de plus en plus matérialistes, devenir l'objet de la recherche d'obligation stérile d'un objet tangible doué de pouvoirs supposés magiques. Le résultat est stimulant, par les discussions qu'il suscite, et passionnant.
Est-ce ce matérialisme ambiant qui conduit aujourd'hui à appréhender les croisades comme une entreprise de conquête coloniale animée de vulgaires appétits de lucre hypocritement travestis en guerre sainte ? Sans doute… S'y ajoute, chez des historiens coupés de la tradition catholique, une incapacité véritable à comprendre le phénomène, donc prompts à le condamner de manière véhémente. L'Anglais Jonathan Phillips en fait la démonstration avec Une histoire moderne des Croisades. En quoi « moderne » ? En cela qu'elle réprouve une entreprise perçue, la faute en revenant aux propos de George W. Bush après le 11 septembre, comme une agression gratuite contre un monde musulman plus ouvert, civilisé, lumineux que l'Occident mal sorti des brumes de la barbarie. Thèse faussée d'emblée, on l'aura compris, qui perd de vue que l'Islam régnait sur le Proche- Orient après en avoir chassé les Byzantins et laissé aux chrétientés locales le choix entre la peu enviable dhimmitude et la conversion. Que cette agression remontât à trois siècles ne la légitimait pas. En fait, Philipps, conscient que la croisade constituait une réponse au djihad, entendait écrire une histoire de la guerre sainte, ce qu'indique le titre anglais de son livre. L'ennui étant que, dépassé par la complexité du sujet pour un non-arabisant, ou inquiet des aspects politiquement incorrects de sa démarche, il a réorienté son travail pour en faire le procès d'une entreprise par essence catholique, voire nationaliste. Horresco referens... Je ne saurai trop vous conseiller de relire plutôt Grousset, réédité en poche chez Perrin, qui se revendiquait patriote et croyant et dont l'Histoire des Croisades, inconnue de Mr. Philipps, pour n'être pas "moderne" n'en demeure pas moins un chef d'oeuvre.
Aux côtés des Croisés
Les mêmes a priori se retrouvent dans le petit livre de Claude Lebédel, Les Croisades, paru dans une nouvelle collection désireuse de rendre l'histoire abordable à un lectorat ignorant. Sans s'encombrer de chronologie, s'arrêtant à quelques personnages subjectivement choisis - Pourquoi aucune femme quand Mélisende de Jérusalem ou Constance d'Antioche, entre autres, le justifiait ? Pourquoi Renaud de Châtillon, seigneur brigand plutôt que l'admirable Baudouin IV ? - sans peur des erreurs de détails, - Bohémond de Hauteville, prince de Sicile, n'est pas Bohémond de Normandie… - dégoulinant de complaisance pour tout ce qui n'est ni croisé ni franc, au risque d'attribuer l'invention de la boussole et de la soie aux Arabes plutôt qu'aux Chinois, l'auteur signe une synthèse plus ambitieuse que sérieuse et passablement insatisfaisante.
Royaume latin
Qu'il ne s'agissait nullement d'une entreprise d'appropriation territoriale, un fait l'atteste : au lendemain de la prise de Jérusalem, en juillet 1099, la majorité des Croisés repartit vers l'Europe sans penser à la survie du nouveau royaume latin... Ce fut l'urgente nécessité d'assurer une armée permanente qui entraîna la naissance de l'Ordre du Temple et la transformation des Hospitaliers de Saint-Jean en moines soldats. Aventure singulière que cette nouvelle chevalerie dont saint Bernard s'instaura le chantre et qui a entraîné, en français du moins, d'innombrables études plus ou moins sérieuses et circonstanciées. Il semble qu'il n'en existe pas d'équivalentes outre-Manche puisque l'étude de Desmond Seward, Les chevaliers de Dieu, y demeure, depuis sa parution en 1972, un classique inégalé. Fallait- il en proposer la traduction ? Oui. Certes, Seward, dans cette synthèse consacrée aux Ordres militaires, n'apprendra strictement rien à ceux que le sujet intéresse concernant Templiers, Hospitaliers, devenus chevaliers de Malte, ou Teutoniques ; en revanche, et cela justifie l'entreprise, le chapitre consacré aux ordres espagnols et portugais, Calatrava, Alcantara, Aviz, Montesa, Santiago et Mercédaires, qui combattirent uniquement dans la péninsule ibérique, la Reconquista étant regardée comme équivalente à la Croisade, est, à ma connaissance, la seule approche disponible dans notre langue. Seward y met en évidence la laïcisation de ces Ordres, l'emprise des souverains, qui imposèrent des princes comme Grands Maîtres, précisément ce que Philippe le Bel tenta vainement d'obtenir du Temple, et explique ainsi leur longue durée. Cela comble une lacune de notre historiographie.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2816 – Du 5 au 18 mai 2011
✓ Dominique Barthélemy : La Chevalerie, Fayard, 525 p., 26 s.
✓ John Matthews : Le Graal, Le pré aux clercs, 175 p., 20 €.
✓ Jonathan Phillips : Une histoire moderne des Croisades, Flammarion, 520 p., 26 €.
✓ Claude Lebédel : Les Croisades, Ouest-France, 160 p., 6 €.
✓ Desmond Seward : Les Chevaliers de Dieu, Perrin, 380 p., 22 €. -
Le nationalisme (avec Florian Rouanet)
Philippe Ploncard d'Assac - Entretien du 2 juin 2012.
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Parution du nouveau numéro de la revue L’HÉRITAGE
24 novembre 2012Une très bonne nouvelle : nous apprenons que la revue L’Héritage (« revue d’études nationales ») reprend sa parution après une pause, et que son nouveau numéro est tout juste disponible !
Nous vous invitons à découvrir ce numéro 8. Vous pouvez l’acheter en ligne ici, le commander par chèque ou le trouver dans les « librairies amies ».
32 pages (format A4), intégralement en couleur, pour 4 euros. Cette revue nationaliste se préoccupe d’analyse et de science politiques, de philosophie, d’histoire, d’identité, de la face cachée des choses, de spiritualité, etc.
Un numéro dense et très intéressant dont voici le sommaire :
Editorial
Politique : Hollande et Jeanne d’Arc – Thibaut de Chassey
Philosophie : le De Regno de saint Thomas d’Aquin – E.H. le Bouteiller
Mondialisme : la fondation Bertelsmann – Pierre Hillard
L’imposture du « 19 mars 1962 » – Jacques Meunier
Sainte Jeanne d’Arc, la Bierge des combats – Jean Dartois
Histoire nationaliste : la Cagoule – Erwin Vétois
Le sacre des rois de France – Louis Lefranc
Il y a 50 ans : Roger Degueldre – José Castano
Louis-Ferdinand Céline – Isabelle de Rancourt
Lieux à part : Cluny – Christine Dol.Et l’édito du directeur :
« Les idées mènent le monde
Chers lecteurs,
après un trop long sommeil, votre revue revient, quelque peu modifiée. La formule va évoluer et vous voyez avec ce numéro – le premier d’une nouvelle série – les prémices de cette mutation.
Nous souhaitons recentrer L’Héritage sur la politique, et en particulier sur les idées. C’est le combat pour celles-ci qui prime : elles mènent le monde, dit-on, et aujourd’hui les idées fausses mènent notre société à la ruine et à la mort.La revue va désormais, sous une parution que nous espérons régulière et plus fréquente, traiter davantage et principalement de philosophie, d’analyse et d’histoire politiques. Elle reviendra aussi bien sûr sur notre histoire nationale, sous un rapport permettant au lecteur de faire un lien avec le monde d’aujourd’hui, qui – pour le meilleur et pour le pire – est issu du passé. Les changements que l’on constate ne sont pas spontanés.
Ainsi, l’année 2012, par les anniversaires marquants auxquels elle nous a confrontés, nous a poussés à évoquer en ces colonnes quelques faits passés, sans bien sûr négliger celle qui est née il y a six cents ans pour sauver notre nation : Sainte Jeanne d’Arc.
Par ailleurs, il règne dans les milieux « nationaux » une certaine agitation et une incontestable confusion.
On parle de « fondamentaux », de nouvelles stratégies, mais le débat d’idées semble discret.
La confusion des idées ou même le mépris pour cellesci, au profit d’analyses simplistes ou de courte vue, sont courants et souvent acceptés ; avec, naturellement, de graves conséquences.Le travail doctrinal, la rigueur d’analyse et le respect des grandes lois inhérentes à la condition humaine sont plus que jamais nécessaires pour éviter les écueils ou les combats contre-productifs.
En cette période de la plus haute importance pour la droite nationale – où se dessine son futur visage – il faut, par-delà une nécessaire action qui peut parfois confiner à l’agitation électorale et au « bougisme » médiatique, recréer le débat d’idées et convaincre de la pertinence des positions nationalistes, de la civilisation traditionnelle, du réalisme philosophique et politique.
L’Héritage s’y attellera pour sa part.
Thibaut de Chassey » http://www.contre-info.com
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Entretien avec Yvan BENEDETTI : « Les Français doivent être et rester maîtres chez eux ! »
ntretien avec Yvan BENEDETTI, président de l’Œuvre française, à paraître dans l’hebdomadaire RIVAROL du 9 novembre 2012.
RIVAROL : Pouvez-vous revenir sur les événements qui se sont déroulés en marge de la manifestation qui devait se tenir le 29 septembre dernier à Paris ?
Yvan BENEDETTI : Le samedi 29 septembre, la manifestation des Jeunesses Nationalistes qui avait pour thème « Maîtres chez nous ! »et à laquelle je devais participer en tant que président de l’Œuvre française a été interdite par la Préfecture de Paris. Les jeunes hommes qui avaient décidé de protester contre cette atteinte à leur liberté d’expression ont fait l’objet d’une véritable rafle, comme à Lyon, trois mois plus tôt. On peut parler de nouveau de Rafle des souchiens, Acte 2 ! Alexandre Gabriac, responsable des Jeunesses Nationalistes qui se trouvai0t seul sur la Place Saint-Michel et moi-même sur le Parvis de Notre Dame avons été interpellés par des membres des forces de l’ordre plutôt excités et très agressifs. M. Gabriac était alors conduit sans ménagement à l’intérieur d’un bus. En ce qui me concerne, après avoir été copieusement insulté, j’étais dirigé vers un groupement de jeunes gens parqués à l’intérieur d’un cordon de forces de l’ordre et qui ne cessait d’enfler du fait des interpellations successives. Après plusieurs minutes, notre groupe était orienté vers le bus-prison dans lequel nous devions être embarqués. Alors qu’Alexandre Gabriac était extirpé sans ménagement du bus, une bousculade a démarré et c’est à ce moment que le jeune conseiller régional a fait l’objet de violences policières à l’origine de son malaise cardiaque.
R. : Et vous-même, avez-vous fait l’objet de telles violences ?
Y. B. : Oui également ! Embarqués les uns après les autres sans manquer d’être fouillés individuellement, j’ai été le dernier à monter dans le bus sans opposer de résistance. Alors que je me tournais vers la caméra de France 3 pour lancer un slogan, j’ai été agressé par derrière, étranglé et jeté comme un sac au sol ou plutôt sur le plancher du bus avant d’en être extrait sans ménagement pour être balancé dans une fourgonnette de police. S’ensuivent 48 heures de garde à vue et d’audition, dans un premier temps rue de l’Evangile dans le 18e, puis au commissariat de La Bastille, dans le 4e arrondissement. Déféré devant un procureur aux ordres, je fais l’objet d’un contrôle judiciaire, d’une interdiction de me rendre à Paris, ce qui me limite dans mes prérogatives de président d’un mouvement dont le siège central est dans la capitale. Enfin je suis convoqué le 19 novembre devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour être jugé car je suis poursuivi pour “rébellion” et « participation à un regroupement interdit après injonction de se disperser ».
R. : Ce que vous contestez ?
Y. B. : Et comment ! En guise de rébellion aux forces de l’ordre, c’est moi qui ai fait l’objet de violences verbales et physiques ! Les trois gendarmes mobiles qui portent plainte contre moi indiquent dans leur procès-verbal qu’à aucun moment je n’ai porté de coup. Et je n’ai pas participé à un rassemblement interdit puisque j’ai été interpellé seul et poussé de force vers le groupe de jeunes gens interpellés comme moi, parqués et retenus par un cordon de sécurité. Bien évidemment il n’y a pas eu de demandes de dispersion puisque l’on était retenu de force et contre notre gré.
R. : Pourquoi une telle violence alors que vous ne montriez aucun signe d’hostilité ?
Y. B. : J’avais eu des informations confidentielles en provenance d’amis au ministère de l’Intérieur m’informant que nous allions faire l’objet de provocations de la part du Système. C’est ce que je dénonce le matin pendant la conférence de presse que nous avons tenue, Maître Pierre-Marie Bonneau, notre conseil qui déposera un recours sur le fond contre l’interdiction de la manifestation par le Préfet de Paris, Alexandre Gabriac et moi. Le but était de faire dégénérer les éventuels regroupements spontanés qui ne manqueraient pas de se produire dans le but légitime de protester contre l’interdiction, pour pouvoir enclencher la machine répressive, engager des poursuites, nous jeter au trou et dissoudre les mouvements que nous présidons. Le complot a échoué car les militants n’ont pas répondu aux provocations policières et je tiens à rendre hommage à tous ces jeunes gens qui ont eu le courage de protester contre cette interdiction afin de rappeler que les Français doivent être et rester maîtres chez eux. A ce titre il faut se mobiliser pour défendre les deux militants qui sont poursuivis devant la justice. Ce complot a échoué aussi parce que suite aux violences policières, Alexandre Gabriac a perdu connaissance après un malaise cardiaque. Les représentants du système ont alors paniqué et les poursuites contre lui pour rébellion et organisation d’une manifestation interdite ont été abandonnées.
R. : Vous donnez rendez-vous je crois le lundi 19 novembre devant le Tribunal de Paris où vous allez comparaître ?
Y. B. : En effet comme je vous l’ai expliqué, je suis convoqué devant la 29e Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris. J’appelle vos lecteurs, ceux qui sont disponibles, à se rendre au TGI, ce jour-là car je ne compte pas me laisser tordre le cou sans réagir. Dans cette affaire, tout relève du mensonge et de la provocation : c’est ce que je compte bien démontrer avec l’aide de mon avocat Maître Pierre-Marie Bonneau.
Propos recueillis par Jérôme Bourbon. http://jeune-nation.com
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« Petites patries », grands écrivains
L'amour des « petites patries » provinciales a nourri la plume de nombreux écrivains français, parmi les meilleurs. Et joué un rôle essentiel dans la pensée de droite au siècle dernier.
« Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux/Que des palais romains le front audacieux/Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine : /Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,/Plus mon petit Lire, que le mont Palatin/Et plus que l'air marin la douceur angevine. »
À ces vers bien connus de Joachim du Bellay font écho, à trois siècles de distance, ceux d'un autre enfant des bords de Loire : « Et moi j'en connais un dans les châteaux de Loire/Qui s'élève plus haut que le château de Blois/Plus haut que la terrasse où les derniers Valois/ Regardaient le soleil se coucher dans sa gloire./ La moulure est plus fine et l'arceau plus léger/ La dentelle de pierre est plus dure et plus grave. La décence et l'honneur et la mort qui s'y grave/ Ont inscrit leur histoire au cœur de ce verger. » Péguy évoque dans ces vers le souvenir de Jeanne d'Arc, « Une enfant qui menait son cheval vers le fleuve. » Et les deux patriotismes ne font qu'un, de la sainte brûlée vive à Rouen et du poète tué à Villeroy aux premiers jours de la Grande Guerre : « Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle... »
La terre charnelle, la « mère patrie », c'est la France, bien sûr ; mais pour toute une floraison d'écrivains français au fil des siècles, ce fut aussi, plus proche et plus immédiate, la « petite patrie » qui a dès l'enfance prodigué les premières sensations, nourri les premiers sentiments et frappé l'imagination naissante. Presque toutes les régions françaises ont trouvé leur chantre, et souvent plusieurs : que l'on songe à la Provence de Mistral, de Giono, de Pagnol, de Bosco, à la Bretagne de Botrel, d'Anatole Le Braz, de La Ville-marqué, l'auteur du Barzaz Breizh, du barde groisillon Yann-Ber Calloc'h, de Per-Jakez Hélias (le Cheval d'Orgueil) - l'on pourrait en citer beaucoup d'autres...
Parle-t-on de la Normandie ? Voilà Maupassant au XIXe siècle, au XXe La Varende, et l'excellent Jean Mabire, d'une si rare courtoisie. Évoque-t-on la Savoie ? Voici Henri Bordeaux ; Vialatte et Pourrat pour l'Auvergne ; l'Angevin René Bazin et Maurice Genevoix pour le Val de Loire ; Vincenot en Bourgogne, Béraud à Lyon... Et la liste est loin, très loin d'être exhaustive.
Beaucoup de ces écrivains dits « régionalistes » - l'étiquette est restrictive par rapport à des œuvres qui abordent souvent d'autres thèmes et certains, comme Genevoix, la répudiaient -, qui plongent leurs racines dans le « terroir », ont montré en politique une sensibilité « de droite ». Ce n'est certes pas toujours le cas : parmi les auteurs précédemment cités, ce n'est pas celui de Pagnol, ni de Giono, ni de Per-Jakez Hélias, qui se sont d'ailleurs peu souciés de politique. Hélias raconte dans Le Cheval d'orgueil qu'il est issu d'une famille de républicains, « rouges », tandis que le père de Pagnol, dont l'écrivain a laissé un si beau portrait dans La Gloire de mon père, était un « hussard noir » de la République, dont les tendances anticléricales se heurtaient lors de repas de famille aux convictions catholiques de l'oncle Jules...
L'héritage culturel de la droite traditionnelle
La droite française, à la fois par paresse intellectuelle et par frilosité face à certaines dérives qui ont conduit certains esprits de l'anti-jacobinisme à l'indépendantisme, a par ailleurs abandonné le terroir à une gauche libertaire, qui a « récupéré » à la fois le régionalisme et l'écologie. Ce fut une faute majeure, car l'écologie - la vraie - comme le régionalisme, font partie de l'héritage culturel de la droite traditionnelle, au même titre que le véritable patriotisme.
Il existe en effet deux formes de patriotisme, qui diffèrent sensiblement. La première repose sur l'amour que l'on porte à la patrie « charnelle » ; la deuxième, issue de la Révolution française, a assigné à la nation une mission et un contenu idéologiques. C'est ce que les frères Tharaud rappelaient dans les colonnes du Figaro en janvier 1945, en opposant l'exemple de Péguy à celui de Romain Rolland, qui venait de mourir : « Pour Péguy, la France est un être vivant dont l'âme et le corps ne pouvaient être séparés que par la mort ; rien n'était plus concret, plus charnel, si l'on peut dire - pour employer l'un de ses mots - que l'idée qu 'il s'en faisait ; il l'aimait dans tous les traits de son visage, dans ses montagnes et ses plaines. Pour Romain Rolland, c'était autre chose : la patrie, c 'est une idée, une certaine conception du monde, affranchie de toute limite : il aimait une patrie idéale, une patrie de la liberté, de la justice, du droit ; une foule d'idées toutes plus belles les unes que les autres et non pas la France de Péguy, avec ses vertus et ses défauts mêlés... »
Péguy, venu du socialisme, ne renonça pourtant jamais à la mystique républicaine, à l'inverse d'écrivains comme le Martégal Charles Maurras, Henri Bordeaux ou La Varende. À la fin du XIXe siècle et à l'aube du XXe, les petites patries occupèrent en effet une place déterminante dans la réflexion de ces deux maîtres d'œuvre du nationalisme français que sont Barrés et Maurras.
Le premier fut tiré de son individualisme originel - du culte du moi -, par sa rencontre avec « l'âme ancienne de la Lorraine », et c'est cette rencontre qui le conduit en définitive au nationalisme. Le second, fervent admirateur de Mistral, appartint au félibrige et sa réflexion sur les libertés provinciales fut pour beaucoup dans le cheminement intellectuel qui le conduisit à la conclusion monarchiste. Ainsi, non seulement le régionalisme appartient à la tradition de droite, mais par Barrés et Maurras, il a été à la source même de la pensée nationaliste au XXe siècle.
Au-delà même de ces considérations, par sa beauté et sa richesse, la littérature enracinée enrichit le patrimoine culturel français et atteint à l'universel. Elle mérite qu'on lui rende hommage.
Eric Letty monde & vie 17 septembre 2011 -
La paysannerie, fer de lance de l'Occident
L’immigration africaine et maghrébine que l'on subit actuellement est une immigration qui est incapable de cultiver et qui sera toujours incapable de cultiver, c'est à dire de nous nourrir. C'est donc une immigration sans intérêt.De la main d'œuvre on en a. Il suffit de piocher dans notre administration, tentaculaire, étouffante, inutile et pléthorique.Les paysans ont non seulement un grand sens de la famille, un grand sens moral, mais ils ont aussi le sens de la terre, du terroir, de la propriété, des limites et des frontières. Ils sont l'âme de notre pays depuis toujours. Quand on s'adresse à eux, on est sûr de s'adresser à LA FRANCE.Le FN devra, prioritairement s'appuyer sur nos paysans.Mon beau-père était paysan, d'origine italienne. Un italien du nord aux yeux clairs. Un grand gaillard, avec des mains deux fois comme les miennes. Un type qui était allé à l'école primaire seulement 2 ans, de 7 ans à 9 ans.Il parlait un français impeccable, pratiquement sans accent et écrivait presque sans fautes, alors que l'on sait la difficulté de notre écriture et quand il entendait chanter la marseillaise il pleurait... oui, il pleurait !Travailleur infatigable, c'était un père, un époux, un voisin, un ami et un beau-père parfait. Je ne lui connaissais aucun défaut, sauf justement, peut-être, celui de ne pas en avoir, et je me suis mis à penser tendrement à lui hier soir. Je me disais: "que serait la France sans des gens comme lui ?"... "que serait le monde ?"...Les peuples du tiers-monde sont de plus en plus nombreux parce que plus féconds. Nos femmes ayant moins d'enfants que les leurs, notre population diminue pendant que la leur augmente à la vitesse grand V.Ce qui les gonfle de fierté, d'orgueil, leur donne toutes les arrogances du monde et leur font caresser les espoirs les plus fous et les rêves le plus stupides: ils vont nous remplacer... d'autant que tous nos grands cerveaux, statisticiens, calculateurs, puissants cogiteurs et nobles intellectuels devant l'éternel, chiffres en main, raisonnement par A plus B en main, leurs donnent raison: leur grand nombre et notre faible nombre fera, peu à peu et inéluctablement qu'ils seront un jour les maîtres du monde.Mais voilà, tous ces beaux messieurs oublient une chose... oh! une toute petite chose... une chose ridicule, insignifiante... une chose qui va de soi... une chose dont il n'est même pas nécessaire de parler tellement elle est futile, sans importance... une chose si dérisoire, tellement ordinaire, commune... une chose d'un quotidien, d'un banal... bref, une chose tout à fait négligeable: NOUS MANGEONS TOUS LES JOURS.Hé oui ne vous en déplaise messieurs les cerveaux, nous mangeons, et tous les jours... vous, moi, même les gens du tiers-monde.Et s'ils mangent, c'est grâce à nous et uniquement grâce à nous, grâce à nos paysans qui se crèvent pour vous, pour nous, et pour EUX, entre 12 heures et 14 heures par jour, toute l'année, le plus souvent sans week-end, sans congés, sans fêtes, par tous les temps, et même la nuit pour les labours, avec les phares.Seul l'Occident est en autosuffisance alimentaire. Seuls l'Occident produit des aliments en excédent et il les vend pour trois fois rien, quand il ne les donne pas.Tous ces islamistes agressifs qui nous toisent du haut de leur toute-petitesse et qui ne cessent d'essayer de nous détruire ou de nous dominer, tous ces africains d'Afrique ou des îles qui ne cessent de nous traiter de sales colonisateurs, de sales exploiteurs, sont parfaitement incapables de subvenir à leurs simples besoins alimentaires.Ils sont totalement inconscients du fait qu'ils ne vivent ou ne survivent que grâce à nous. Ce qu'ils ont dans leur assiette, le plus souvent vient de chez nous, vient du travail de nos paysans.L'agriculture occidentale, c'est l'arme absolue contre tous ces minables, ces imbéciles et ces ingrats, toujours prêts à mordre la main qui les nourrit.Ce sont nos paysans qui font que ces pays ridicules existent. Sans eux c'est la famine et la dépopulation.Depuis la nuit des temps, depuis que le monde est monde, l'agriculteur a toujours été considéré comme un être vil, un sous-homme, un esclave, juste bon à nourrir ceux qui ne faisaient rien... et qui étaient tellement plus importants, vous pensez bien !Pourtant les paysans sont la base des bases.J'ai vécu 5 ans à la campagne, avec ma femme, quand nous étions jeunes. Je les ai vu travailler. Incroyable !Ah bien sûr, ils sont libres... « C’est le temps qui commande » comme ils disent... mais quel boulot bon Dieu quel boulot. Ce sont de petits chefs d'entreprise. Il faut avoir beaucoup de qualités pour mener une exploitation, même petite. Il faut savoir gérer, donc ne pas être idiot, il faut être un peu mécanicien, un peu vétérinaire, un peu chimiste, avec tous les produits qui sont utilisés et il ne faut surtout pas compter son temps et sa peine. La Sécu ne les rembourse qu'à 50% (100% pour les gitans, les clandestins et les fonctionnaires-bidons... qu'ils font manger). Ils sont écrasés d'impôts et de taxes de toutes sortes et on s'arrange toujours pour leur acheter leurs produits pour trois fois rien. En plus, la société entière les snobe... on fait comme s'ils n'existaient pas, on les évite, les ignore... on fait tout pour ne pas en parler... un paysan... vous pensez bien !Pourtant ce sont des gens qui ont souvent un grand sens de la famille et un grand sens moral. C'est honteux !Comment les gens les plus indispensables à notre vie peuvent-ils être les plus méprisés.Sans doute la nature humaine... C'est vrai qu'il est très difficile de supporter de se sentir en dette envers quelqu'un... C'est peut-être ça, mais je n'en sais rien. Pour moi, cela restera toujours un mystère.Toujours est-il que la paysannerie est le fer de lance de l'Occident.Il l'a toujours été et il l'est aujourd'hui plus que jamais.Tous les pays minables qui nous jalousent, nous insultent et viennent trépigner et baver jusque devant notre porte sont totalement dépendants de nos paysans: l'Algérie importe 60% de son alimentation, l'Egypte 70%, l'Arabie Saoudite qui essaie de dominer le monde 100%, les autres pays du tiers monde entre 30 et 80%. Seule la Chine est en auto-suffisance alimentaire, et encore pas tous les ans. L'Inde en est encore très loin.Grâce à notre agriculture nous avons un moyen de pression énorme et imparable sur pratiquement tous les pays du monde. On peut les affamer du jour au lendemain.La France est beaucoup plus puissante qu'il n'y paraît car elle possède une paysannerie nombreuse, travailleuse, efficace, très productive: "L'Agriculture française est la deuxième du monde" disait Marine dans son discours d'investiture à la présidence du FN.Elle le redira sans doute dans son discours d'investiture à la présidence de la République. Les paysans...voyez un peu la beauté de leurs campagnes, de nos campagnes... ces paysages enchanteurs, bucoliques...Quel travail ! C'est incroyable, colossal.Bravo mesdames, bravo messieurs... sans vous...Même pour marcher sur la Lune il faut d'abord manger.Sans paysannerie, aucun pays n'existe? aucun, aucun, aucun !Le mépris total, l'ignorance totale du paysan, qui est fortement ancrée dans notre culture, fait qu'on se laisse imposer des prix exorbitants pour les matières premières. Le pétrole par exemple.Un sac de pomme de terre devrait valoir mille fois un barril de pétrole.
Manger est quand même plus important que tourner une clef de contact.Hé bien non ! Il semblerait que non. On en est arrivé à ce point d'aberration que l'on nourrit des gens qui non seulement nous ruinent, nous épuisent mais nous menacent.Alors que nous pourrions les mettre à genoux le plus facilement du monde.Ce monde est fou !
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La Russie sur l'échiquier mondial
En 1991, la Russie renaissait des débris de l'empire soviétique. L'objectif primordial de la Russie était de rejoindre les rangs des « peuples civilisés » selon les termes du Ministre des affaires étrangères de l'époque (Andreï Kozyrev). La classe politique et la population russes étaient convaincues dans leur majorité que le pays obtiendrait de sa démocratisation des résultats politiques mais aussi une aide économique massive. Ces espoirs seront rapidement déçus. Par ailleurs, la Russie allait ressentir le mépris des occidentaux à son égard dans la gestion de la crise irakienne puis dans celle du Kosovo. Aussi les Russes se sont-ils écartés de l'Occident.
Pour sa part, l'Occident espérait que la Russie se transformerait rapidement en une démocratie avancée, avec une économie de marché prospère, et qu'elle serait solidaire sur les grandes questions internationales. Ces attentes excessives ont conduit au désenchantement et au refroidissement des relations diplomatiques. La politique étrangère russe, peinant à parler d'une seule voix, réagissant au coup par coup, a irrité ses partenaires. Les scandales de corruption dans l'entourage de Boris Eltsine, les chassés croisés ministériels, la nouvelle guerre de Tchétchénie alimentèrent en Occident une hostilité croissante envers la Russie.
Mais la diplomatie russe connaît aujourd'hui un revirement. Malgré les incompréhensions qui se sont accumulées au cours des dernières années, les dirigeants sont aujourd'hui conscients que tout repli sur soi aurait de lourdes conséquences pour le pays (la modernisation de l'économie est notamment impossible sans des investissements étrangers massifs).
Arrivé au pouvoir le 31 décembre 1999, Vladimir Poutine a adopté une nouvelle doctrine qui peut se résumer par une combinaison : libéralisme économique, renforcement du pouvoir d'État, politique extérieure indépendante et active. Il s'est engagé dans la double voie de l'alliance avec les pays européens et du retour de l'influence russe dans l'espace anciennement soviétique et en Asie. Il s'agit de redonner à la Russie le statut de grande puissance.
La perte d'influence de la Russie au niveau international est en grande partie due à l'enlisement des réformes intérieures. L'autorité centrale est détériorée et la corruption bien installée. Les sorties de capitaux atteignent des sommes vertigineuses. La société russe présente de nombreux signes de fragilité, dont le principal est le déclin démographique. La Russie est atteinte dans son image.
I - Les relations de la Russie avec l'Occident
Malgré ses handicaps, la Russie compte par ses ressources et sa capacité nucléaire (elle reste en ce domaine la deuxième puissance après les États-Unis). La Russie conserve-t-elle un rêve impérial ? Son lourd passé alimente toujours les craintes des occidentaux.
Les événements du 11 septembre sont venus modifier la façon dont la Russie est perçue, permettant un rapprochement sans précédent avec les États-Unis. L'hostilité ancestrale a laissé place à des déclarations amicales étonnantes.
Rappel des faits
La volonté de rapprochement du Président Poutine était perceptible depuis plusieurs mois. Lorsque les attentats du 11 septembre frappèrent de plein fouet les Américains, Vladimir Poutine fut le premier chef d'État étranger à présenter ses condoléances au Président Bush. Cet événement représentait alors un test décisif pour sa carrière politique. De symbolique, l'élan russe allait devenir concret en l'espace de deux interventions télévisées. Le 22 septembre, le Président Poutine déclarait : « la Russie n'a pas d'autre choix que de participer à la coalition contre le terrorisme, car ce dernier ne peut être vaincu que par un front uni de toutes les forces du monde civilisé ». Deux jours plus tard, en Allemagne, il énonçait les « cinq points » de la participation russe à la coalition internationale menée par les États-Unis (échange de renseignements, permission de survol de l'espace aérien russe pour des missions humanitaires, contribution à d'éventuelles opérations d'extraction en Afghanistan même, utilisation de bases militaires en Asie centrale, aide accrue aux forces de l'Alliance du Nord).
Depuis les échanges se sont multipliés, George Bush arguant de sa totale « confiance ». Ni Gorbatchev ni Boris Eltsine n'avaient pu susciter ainsi l'intérêt américain.
Quelles sont les raisons du rapprochement, côté américain ?
Le terme de « fatigue russe » caractérisait encore récemment la relation des États-Unis avec la Russie.
Les États-Unis se sont, à de multiples reprises, félicités de la coopération sans précédent apportée par Moscou après les attentats du 11 septembre en matière de lutte contre le terrorisme et d'aide dans leur campagne en Afghanistan. Les Américains peuvent pourtant clairement se passer d'une entente sur ces points. Mais ils peuvent ainsi espérer supprimer des points de blocage venant des Russes, sur des sujets jusqu'à présent litigieux.
Les marques d'intérêt accordées par les États-Unis n'empêchent pas ceux-ci de rester sur un plan de supériorité : ils veulent donner à la Russie l'impression de traiter d'égal à égal, lui laissant la satisfaction d'une image flatteuse vis-à-vis de la communauté internationale. Mais dans les faits, les Américains ne cèdent rien sur ce qu'ils estiment être de leur intérêt supérieur.
Une illustration récente en est le retrait des États-Unis du traité ABM. Le traité ABM conclu entre les deux pays du temps de l'Union soviétique interdisait le déploiement d'un système d'interception des missiles balistiques tel que celui envisagé par Washington. La Russie était farouchement opposée à toute remise en cause du Traité. Pourtant, le 13 décembre dernier, George Bush a annoncé le retrait des États-Unis du traité dans le but de préparer le déploiement d'un bouclier national antimissile efficace. La Russie a exprimé son désaccord mais n'a pas adopté de position dure, restant fidèle à sa ligne de conduite récente.
Le second point de conflit à venir reste la question de la réduction des armements stratégiques. Si les États-Unis n'a pour l'instant rien concédé, les apparences sont sauvées pour la Russie grâce à la multiplication des rencontres portant sur le nombre de têtes nucléaires à conserver par les deux pays.
Les Américains accompagnent le traitement rapide de ces dossiers stratégiques (à leur avantage) par des concessions diverses (appui pour l'adhésion rapide de la Russie à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), question de la dette russe.
Quelles sont les raisons du rapprochement, côté russe ?
Les spéculations abondent sur la nature des bénéfices que Vladimir Poutine peut espérer retirer de ce tournant.
L'objectif invoqué est la lutte contre le terrorisme en Asie centrale. Selon Vladimir Poutine cet objectif devient déterminant alors que traditionnellement, le renforcement de la position américaine en Asie centrale est craint : « ce qui m'inquiète ce n'est pas la position des États-Unis en Asie centrale, c'est le terrorisme qui passe de l'Asie centrale à la Russie ». Il s'agit donc de la raison officielle.
Mais le bénéfice le plus évident pour la Russie est de justifier sa lutte contre les insurgés tchétchènes en les assimilant aux terroristes. Les Occidentaux ont reconnu le rôle joué par le fondamentalisme religieux et le terrorisme international dans le conflit tchétchène. Ils ont aussi promis de fermer les robinets financiers alimentant les combattants. A travers la lutte contre le terrorisme, c'est l'indépendantisme tchétchène qui est visé par la Russie.
Plus largement, la Russie veut utiliser politiquement cette crise internationale, qu'elle perçoit comme un chamboulement complet des équilibres stratégiques, afin de participer à part entière au « monde du XXIème siècle ». Cela signifie une volonté d'intégration de la Russie dans l'Union européenne, et surtout une coopération nouvelle avec l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN). Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine a montré sa volonté de négocier avec l'Union européenne comme avec l'OTAN pour trouver des solutions qui prennent en compte ses intérêts. Selon lui, la Russie n'aurait rien à gagner à déserter ces institutions.
La volonté de se rapprocher de l'Union européenne se traduit par de nombreuses initiatives multilatérales et bilatérales. La Russie a resserré ses liens avec tous les pays européens. Le partenariat avec l'Allemagne(son principal créditeur) domine car elle est perçue comme la « locomotive des rapports de l'Union européenne et, plus généralement, de l'Europe avec la Russie ».
Les événements du 11 septembre ont permis une avancée spectaculaire sur le dossier de l'OTAN. Puisque la Russie participe alors à une coalition menée par les États-Unis et que le secrétaire général de l'OTAN reconnaît que le terrorisme est une question de sécurité, il importe selon elle de trouver de nouveaux mécanismes l'associant plus directement aux décisions.
La prise de position de la Russie sur le terrorisme lui permet d'entrevoir une transformation de la nature de l'OTAN. Le vieux conflit concernant l'élargissement de l'OTAN à d'anciens pays communistes serait alors oublié.
En effet, la Russie est longtemps restée inébranlablement hostile à ce qu'elle considère comme un « grignotage stratégique progressif » de la part de l'OTAN. Son inquiétude s'est traduite dans le passé par de nombreuses menaces de représailles plus ou moins crédibles, qui restèrent sans effet. Finalement en 1997, la Russie et l'OTAN signèrent un accord instituant un conseil permanent permettant aux deux parties de coopérer. Ce changement démontrait que Moscou ne pouvait s'opposer à la volonté américaine. En 1999, la Pologne, la République tchèque et la Hongrie ont adhéré à l'OTAN. Neuf pays entendent être candidats : la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie, la Slovénie, la Macédoine, l'Albanie et les trois pays baltes, la Lettonie, la Lituanie et l'Estonie. La Russie espère que les pays baltes, à ses frontières, soient exclus du processus d'élargissement.
Peut-être ces pays deviendront-ils membres de l'OTAN, mais il s'agira alors d'une autre OTAN, avec une Russie traitée en partenaire privilégié, associée aux décisions de l'organisation au point de pouvoir exercer une sorte de droit de veto de fait.
Quels sont les risques politiques encourus par le Président Poutine ?
Les réactions hostiles proviennent de cercles qui ne sont plus aussi importants qu'auparavant (armée, services de renseignement). Par ailleurs, au cours de la dernière décennie s'est développée une classe moyenne qui semble plutôt avide d'intégration avec l'Ouest. Globalement, la population reste assez indifférente à la politique étrangère. La popularité de Vladimir Poutine lui permet pour le moment de garder le champ libre.
II - Une politique multipolaire
Tout en souhaitant éviter de se placer en situation conflictuelle avec l'Occident, la Russie est fidèle à une politique multipolaire.
La politique étrangère russe se présente comme un compromis :
- rechercher des points d'accord avec la politique américaine ;
- resserrer les liens avec des partenaires également préoccupés par « l'hyperpuissance » américaine et aspirant à un nouvel équilibre.
La Russie présente la particularité d'appartenir géographiquement et historiquement à l'Europe, à l'Asie extrème-orientale et au Moyen-Orient. Elle a donc des intérêts nationaux dans ces trois directions, ce qui suscite de vifs débats internes sur sa vocation occidentale ou asiatique et sur son lien indissoluble avec l'Islam.
Lorsque les tensions se sont multipliées avec l'Occident dans les années 90, la Russie s'est rapprochée de la Chine . Un partenariat s'est alors mis en place. Les deux nations ont des préoccupations communes :
- la Chine comme la Russie reprochent à l'hégémonie américaine la rupture d'équilibre qu'elle entraîne sur la scène mondiale ;
- les deux pays craignent l'islamisme politique radical ;
- ils partagent les mêmes vues sur des dossiers tels que le rôle de l'ONU (rejet du concept d'ingérence), l'élargissement de l'OTAN ou la stabilité stratégique (attachement au Traité ABM et hostilité aux projets américains de défense antimissile) ;
- la Chine soutient l'intervention militaire russe en Tchétchénie et la Russie se déclare solidaire sur la question de Taiwan.
Les liens se traduisent surtout par des ventes de matériel militaire. La Chine a décidé de faire de la Russie son partenaire essentiel pour la modernisation de l'équipement de ses forces armées. Elle représente 30 à 40 % des exportations d'armes de la Russie pour un montant annuel estimé à plus d'un milliard de dollars (en constante augmentation). Les observateurs occidentaux estiment que la Russie va devenir en grande partie « l'arsenal » de la Chine.
Il faut cependant noter les limites de ce partenariat. La Chine veut éviter l'émergence de pôles concurrents. La Russie ne l'intéresse que si elle garde ses faiblesses et si elle renonce à ses relations avec le Japon et l'Inde (la Russie vend presque autant d'armements à l'Inde qu'à la Chine). Par ailleurs, les craintes russes sur d'éventuelles revendications territoriales chinoises sont perceptibles à travers le refus de Moscou de livrer à la Chine des armements trop sophistiqués. Et le soutien de la Chine au Pakistan est mal perçu.
L'Inde représente un autre partenaire privilégié de la Russie. Comme pour la Chine, la Russie n'a plus de moyens économiques ou financiers et doit s'en tenir au terrain politique et militaire. Les contrats d'armement ont représenté un tiers des 4,4 milliards d'euros de ventes d'armes réalisées en 2000 par la Russie.
L'attention portée à l'Asie par Vladimir Poutine depuis qu'il est au pouvoir montre qu'il entend relancer la diplomatie russe dans cette région.
Dans le reste du monde, la Russie tente de renouer avec les anciens alliés de l'URSS. La plupart (Cuba, Algérie, Vietnam, Irak) sont des pays fortement endettés à son égard. Dans d'autres pays, comme l'Iranou la Turquie, la Russie entend gagner de nouvelles parts de marché. Les ventes d'armes à l'Iran sont à l'origine de l'hostilité américaine : la Russie joue sur deux tableaux.
III - La Russie et son « étranger proche »
En améliorant son image sur le plan international, la Russie peut également espérer reprendre de l'autorité sur les États de la CEI. Le Président Poutine a la volonté de rétablir sa « sphère d'influence » à l'intérieur des anciennes frontières de l'URSS, et en a expressément fait sa priorité.
Précédemment, on peut parler d'un échec de la politique russe avec les nouveaux États indépendants.
L'erreur originaire réside dans le choix russe au lendemain du démantèlement de l'URSS. Certes, la Russie a toujours considéré « l'étranger proche » comme sa sphère naturelle d'influence, mais la région n'a pas fait partie de ses priorités. Elle représentait un fardeau trop important pour la Russie qui souhaitait une transition rapide vers l'économie de marché. Aussi la position de la Russie dans la région s'est-elle beaucoup dégradée au cours de la dernière décennie.
La CEI, Communauté des États Indépendants créée en 1991 aurait pu être l'instrument de l'intégration. Mais l'absence de consensus entre les pays membres sur les fondements et sur l'avenir de la CEI l'a privée de cohésion (crainte des ambitions des pays voisins, d'une perte de souveraineté). L'objectif d'intégration ne paraissant pas réaliste à court terme, les dirigeants russes ont maintenant décidé de privilégier l'approche bilatérale dans leurs relations avec leurs partenaires de la Communauté. Les cas de figure sont variés selon l'historique des ex-républiques. Citons trois d'entre elles :
La Biélorussie est très proche de la Russie. En 1999, les deux pays ont conclu avec la Russie un traité débouchant sur une sorte de confédération (à terme, sur une fusion). La dépendance biélorusse est grande sur le plan financier et surtout énergétique. La Biélorussie joue un rôle stratégique de bouclier, troupes et infrastructures russes étant installées sur son territoire.
Si la Biélorussie est le plus proche partenaire de la Russie parmi les anciennes Républiques de l'URSS, l'Ukraine a toujours cherché à prendre ses distances. Le dialogue russo-ukrainien a échoppé dès le début sur des questions politico-militaires. Est venu s'ajouter un lourd contentieux économique portant sur la dette ukrainienne à l'égard de la Russie (hydrocarbures). Les tracasseries douanières entre la Russie et l'Ukraine sont devenues les pires de toute la CEI. Malgré ces frictions, Moscou et Kiev ne sont pas allés jusqu'à une rupture irréversible. Politiquement affaibli par des scandales, le Président ukrainien Koutchma a eu besoin de soutiens extérieurs. Aussi Vladimir Poutine a-t-il relancé de manière spectaculaire le dialogue politique. Parallèlement, la Russie a pris une place croissante dans les infrastructures économiques de l'Ukraine. Le Président Poutine est parvenu en quelques mois à transformer la difficile relation russo-ukrainienne.
Évoquons encore le cas de la Géorgie. Ce pays en ruine ne semble tenir qu'à un fil, celui de l'assistance internationale. La Russie a imposé des visas aux Géorgiens en exemptant les régions sécessionnistes d'Abkhasie et d'Ossétie du Sud. Pour justifier cette action inamicale, les Russes accusent la Géorgie de soutenir le terrorisme tchétchène. Il s'agit en réalité d'une politique de rétorsion au refus géorgien de laisser les troupes russes s'installer en Géorgie. La Russie est donc capable de montrer qu'elle n'hésite pas à faire pression sur les récalcitrants.
L'axe est-ouest contestataire arrive au premier lieu des préoccupations de Vladimir Poutine. Comme nous venons de le voir, les cas de figure sont variés. Mais d'une façon générale, la Russie n'a pas les moyens qui lui permettraient de reprendre durablement l'initiative : dans certaines parties de ce qui était son empire, la Russie n'est plus qu'un acteur parmi d'autres.
C'est aussi le cas en Asie centrale.
Le Tadjikistan (où la Russie garde une importante présence militaire) et le Kirghizstan, deux pays pauvres et vulnérables sont restés très dépendants de la Russie. Le Kazakhstan reste proche (forte population russe, longue frontière commune) mais s'efforce de diversifier ses relations extérieures. En revanche, l'Ouzbékistan et le Turkménistan poursuivent un objectif prioritaire : l'autonomie. La méfiance domine, Moscou pouvant reprendre pied militairement et politiquement dans la zone. Pourtant, le climat d'insécurité qui s'est développé depuis 1999 en Ouzbékistan a poussé le président Karimov à rechercher le soutien russe. La lutte contre le terrorisme devient ainsi un facteur important de rapprochement.
Conclusion
La Russie va-t-elle parvenir à obtenir la reconnaissance et le soutien qu'elle espère ? L'avenir de la Russie sur le plan international se jouera surtout au plan interne :
- tout d'abord il dépendra du maintien au pouvoir des dirigeants actuels, rompant avec l'action précédente des oligarques ;
- la situation économique du pays sera déterminante ;
- l'absence de solution à la crise tchétchène pourrait renforcer le discrédit du pouvoir russe, avec des risques de paralysie.
Il est impossible de faire aujourd'hui des pronostics. Mais il semble bien que l'événement du 11 septembre peut être qualifié de tournant dans la politique étrangère russe.
Xavier de VILLEPIN
Intervention « La Russie sur l'échiquier mondial : les moyens et les objectifs de la puissance russe aujourd'hui ? » au Colloque organisé par l'Association des Historiens au Sénat.
15/01/2002 http://www.polemia.com
SOURCE : 15/01/2002
SOURCE : http://www.senat.fr/Lien permanent Catégories : entretiens et videos, géopolitique, international, tradition 0 commentaire -
Interview de Alain Escada dans le journal RIVAROL de vendredi 23 nov
Alain Escada est le président de l’Institut Civitas, moteur de la mobilisation contre l’ouverture du mariage civil aux homosexuels. Nous avons voulu recueillir ses propos au lendemain de la grande mobilisation parisienne organisée par cet institut.
RIVAROL : L’Institut Civitas organisait ce dimanche 18 novembre une grande manifestation nationale à Paris contre l’ouverture du mariage aux homosexuels. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs le pourquoi de cette mobilisation ?
Alain ESCADA : Il s’agissait pour nous, ce dimanche, de manifester contre le projet de loi présenté en conseil des ministres le 7 novembre dernier et visant à dénaturer le mariage et la parenté. Un projet de loi qui, selon les mots de François Hollande, n’est qu’une “étape”. Un projet de loi qu’on peut qualifier de boîte de Pandore et qui, après le “mariage” homosexuel, permettra demain, au nom d’un droit au « mariage pour tous », le mariage polygame et le mariage incestueux. Il faut être bien conscient que le gouvernement veut nous imposer une véritable révolution sexuelle et défigurer le concept de famille, brisant ainsi le socle de base de la société.
R. : Ne pensez-vous pas que le “mariage” homosexuel est moralement bien plus grave que le mariage polygame ?
A. E. : Sans aucun doute. Son effet est bien plus déstructurant pour la société. Mais il est néanmoins utile de noter que l’un entraînera l’autre. C’est une question de délai. Jacques Attali, au cours d’un entretien à la télévision en janvier de cette année, avait estimé que la polygamie serait l’un des enjeux de la prochaine campagne présidentielle.
R. : Quels soutiens politiques et religieux avez-vous reçus pour votre initiative ?
A. E. : A l’échelon politique, nous avons reçu le soutien du Collectif « Elus locaux pour la Famille », lancé fin octobre par des maires de petits villages, sans étiquette politique, et qui regroupe aujourd’hui plus de 500 élus. Nous avons aussi pu compter sur le soutien de quelques élus locaux de l’UMP, du PCD, du MPF, du PDF et du FN. De façon générale, quasiment l’ensemble des mouvements de la « droite nationale » ont appelé à participer et à manifester le 18 novembre. Il faut aussi souligner la présence à notre manifestation de Jacques Bompard, député-maire d’Orange, et de Bruno Gollnisch, député européen. Par contre, Marine Le Pen s’est abstenue d’appeler à se joindre à notre manifestation et, par la suite, après la déferlante médiatique qui a suivi le “montage” réalisé par Caroline Fourest, elle a même cru stratégique de prendre ses distances avec notre manifestation, cédant à un « politiquement correct » dont elle est pourtant par ailleurs elle-même victime.
Du côté religieux, nous avons pu compter sur l’appui discret mais efficace de quelques prêtres diocésains, notamment de la Communauté Saint-Martin et de l’Emmanuel, ainsi que sur toutes les communautés « Ecclesia Dei » et, naturellement, sur la Fraternité Saint-Pie X.
R. : Savez-vous pourquoi le Front National de Marine Le Pen n’a pas appelé ses militants à se joindre à vous ?
A. E. : Il me semble que c’est notre aspect confessionnel qui la dérange. Je le regrette. Ceci dit, c’est un travers très présent parmi nos contemporains que de demander aux catholiques de s’abstenir d’afficher leur foi, leurs convictions dans la vie publique. Et c’est justement le rôle de Civitas de rappeler qu’au contraire, il ne faut pas des catholiques tièdes, “branchés”, consensuels, mais des catholiques fiers et audacieux.
R. : Quel bilan tirez-vous de la mobilisation de dimanche ?
A. E. : Cette manifestation a été un succès, surtout compte tenu de la campagne de dénigrement dont elle a fait l’objet de la part de certains milieux « cathos branchés ». Avec près de 20 000 participants, nous avons pu réaliser une union de diverses forces de la mouvance catholique et des patriotes sincères au service du bien commun. Nous avons pu mobiliser à nos côtés des élus dont le raisonnement ne se limite pas à de sombres calculs électoraux. Tout cela est bien sûr prometteur pour la suite. Cela permet à bien des catholiques de constater qu’ils peuvent s’exprimer en tant que tels. Non seulement ils le peuvent mais ils le doivent. Nous avons un devoir de vérité, loin des concessions et des compromis.
J’ajoute que le succès de foule de la manifestation de la veille n’aurait pas existé si Civitas n’avait pas appelé à manifester le dimanche 18 novembre puisqu’il ne fait aucun doute que la manifestation du samedi s’est organisée par des milieux “branchés” pour ne pas nous laisser occuper tout le terrain de la défense de la famille. Ainsi, nous avons, par notre démarche, réussi également à faire sortir de leur torpeur des milieux timorés. Et, telle une mauvaise conscience, nous avons poussé des évêques à sortir de leur silence. Pas avec la vigueur qu’on attend d’un prélat face à un tel sujet, mais tout de même, c’est un pas et nous sommes l’aiguillon !
R. : La « Manif pour tous », organisée la veille de la vôtre par la “catholique” « déjantée et branchée » Frigide Barjot a réuni près de 100.000 personnes. Quelle analyse en faites-vous ? Quelles sont vos différences ?
A. E. : Les différences les plus évidentes portent sur les principes qui sous-tendent l’action. L’artiste qui se fait appeler Frigide Barjot se dit catholique mais souhaite que les catholiques masquent leur foi lorsqu’ils s’expriment ou manifestent.
Première incohérence. Frigide Barjot voulait par contre que sa manifestation dite « a-confessionnelle » regroupât également des juifs et des musulmans, ce qui, pour que ce ne soit pas qu’un effet d’annonce, aurait nécessité de permettre à des croyants du judaïsme et de l’islam d’exprimer leurs convictions religieuses, mais alors comment le refuser aux catholiques ? D’où, au final, une manifestation dont le profil sociologique était très homogène et reflétait la grande bourgeoisie catholique malgré toutes les demandes de Barjot de s’habiller comme pour un bal masqué.
Deuxième incohérence. Par ailleurs, Barjot appelait tout à la fois à marcher contre le mariage homosexuel et contre l’homophobie. Or le concept d’homophobie a été créé de toutes pièces par le lobby homosexuel pour intimider ses adversaires. En 2004, le président de SOS-Homophobie avait tout résumé de la sorte : « Quiconque est contre le mariage homosexuel est homophobe. » En adoptant la sémantique du lobby qui est à l’origine de la loi qu’elle prétend combattre, Barjot commet une faute grave. C’est se tirer une balle dans le pied.
Troisième incohérence. Ajoutons que Barjot cultive une attitude « gay friendly » pour le moins curieuse, allant jusqu’à porter un blouson avec inscription publicitaire pour un bar gay de Paris, le 7 novembre dernier, lors de sa conférence de presse de présentation de sa manifestation. J’en arrête là. Je ne peux, quant à moi, accepter de mélanger l’erreur et la vérité. Un combat, quel qu’il soit, doit reposer sur des principes solides.R. : Votre manifestation a été attaquée par un groupe féministe extrémiste, les Femen. Pouvez-vous nous en dire plus ? Que s’est-il vraiment passé ? […] suite dans le journal
Propos recueillis par Paul THORE.http://fr.altermedia.info/
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Carlo Michelstaedter
Carlo Michelstaedter est l'un des auteurs qui ont affirmé, à l'époque moderne, la nécessité pour l'individu de s'élever à l'être, à une valeur absolue en mettant fin à tous les compromis sous lesquels se masque une ἀβίος βίος [abios bios, i.e. une vie non vivable, un vie qui n'est pas une vie pour reprendre Rabelais. M. Canto-Sperber traduit ce jeu de mot grec, au sein du corpus platonicien, par : « une vie pas vraiment vécue, une vie à laquelle manque une dimension fondamentale de l'existence »], une vie qui n'est pas vie, en acceptant ce dont l'homme a plus peur que de toute autre chose : se mettre en face de soi, prendre sa propre mesure en fonction, précisément, de l'“être”. L'état correspondant à l'être est appelé par Michelstaedter l'état de la “persuasion” ; il est défini essentiellement comme une négation des corrélations. Chaque fois que le Moi ne pose pas en soi-même mais dans l'“autre” le principe de sa propre consistance, chaque fois que sa vie est conditionnée par des choses et relations, chaque fois qu'il succombe à des dépendances et au besoin — il n'y a pas “persuasion”, mais privation de valeur. Il n'y a valeur que dans l'existence en soi-même, dans le fait de ne pas demander à l'“autre” le principe ultime et le sens de sa propre vie : dans l'“autarcie”, au sens grec du terme. Aussi bien l'ensemble d'une existence faite de besoins, d'affections, de “socialité”, d'oripeaux intellectualistes et autres, mais aussi l'organisme corporel et le système de la nature (lequel, en tant qu'expérience, est compris comme engendré, dans son développement spatio-temporel indéfini, par la gravitation incessante en quête de l'être, qu'on ne possédera cependant jamais tant qu'on le cherchera hors de soi) (1), rentrent-ils dans la sphère de la non-valeur.
Le Moi qui pense être en tant qu'il se continue, en tant qu'il ignore la pléntitude d'une possession actuelle et renvoie sa “persuasion” à un moment successif dont il devient par là dépendant ; le Moi qui dans chaque instant présent s'échappe à lui-même, le Moi qui ne se possède pas, mais qui se cherche et se désire, qui ne sera jamais dans un quelconque futur, celui-ci étant le symbole même de sa privation, l'ombre qui court en même temps que celui qui fuit, sur une distance entre le corps et sa réalité qui reste inchangée à chaque instant — tel est, pour Michelstaedter, la sens de la vie quotidienne, mais aussi la “non-valeur”, ce qui “ne-doit-pas-être”. Face à cette situation, le postulat de la “persuasion” est le suivant : l'autoconsistance, le fait de résister de toutes ses forces et à tout moment à la déficience existentielle, ne pas céder à la vie qui déchoit en cherchant hors de soi ou dans l'avenir — ne pas demander, mais tenir dans son poing l'“être” : ne pas “aller”, mais demeurer (2).
Alors que la déficience existentielle accélère le temps toujours anxieux du futur et remplace un présent vide par un présent successif, la stabilité de l'individu “pré-occupe” un tempf infini dans l'actualité et arrête le temps. Sa fermeté est une traînée vertigineuse pour les autres, qui sont dans le courant. Chacun de ses instants est un siècle de la vie des autres — « jusqu'à ce qu'il se fasse lui-même flamme et parvienne à se tenir dans le présent ultime » (3). Pour éclairer ce point, il est important de comprendre la nature de la corrélation qui est contenue dans les prémisses : étant donné que le monde est compris comme engendré par la direction propre à la déficience, dont il est comme l'incarnation tangible, c'est une illusion de penser que la “persuasion” puisse être réalisée au moyen d'une consistance abstraite et subjective dans une valeur qui, comme dans la stoïcisme, aurait contre elle un être (la nature expérimentée) dont on peut dire que, pourtant sans valeur, il est. Celui qui tend à la persuasion absolue devraint en fait s'élever à une responsabilité cosmique. Ce qui signifie : je ne dois pas fuir ma déficience — que le monde reflète —, mais la prendre sur moi, m'adapter à son poids et la racheter. C'est pourquoi Michelstaedter dit : « Tu ne peux pas te dire persuadé tant qu'il reste une chose qui n'a pas été persuadée ». Il renvoie à la persuasion comme « à l'extrême conscience de celui qui est un avec les choses, qui a en soi toutes les choses : έ ουνεχές [e ounekes] » (4).
Pour rendre plus intelligible le problème central de Michelstaedter, on peut rattacher le concept d'insuffisance au concept aristotélicien de l'acte imparfait. L'acte imparfait ou “impur” [ou inachevé, ne réalisant pas sa fin. L'être peut être dit en acte, c'est-à-dire accompli, ou en puissance, c'est-à-dire inachevé mais tendant vers l'achèvement], c'est l'acte des puissances qui ne passent pas d'elles-mêmes (καθ' αυτό [kath auto = par elles-mêmes]) à l'acte, mais qui pour cela ont besoin du concours de l'autre. Tel est par ex. le cas de la perception sensorielle : en elle, la puissance de perception n'étant pas autosuffisante, ne produit pas d'elle-même la perception, mais a pour ce faire besoin de la corrélation à l'objet. Or, le point fondamental dont dépend la position de Michelstaedter est le suivant : sur le plan transcendental, l'acte imparfait ne résout qu'en apparance la privation du Moi. En réalité, il la confirme de nouveau. À titre d'exemple, prenons une comparasion. Le Moi a soif ; tant qu'il boira, il confirmera l'état de celui qui ne suffit pas à sa propre vie, mais qui pour vivre a besoin de l'“autre” ; l'eau et le reste ne sont que les symboles de sa déficience (il importe de fixer l'attention sur ce point : on ne désire pas parce qu'il y a privation de l'être, mais il y a privation de l'être parce qu'on désire — en second lieu : il n'y a pas désir, par ex. celui de boire, parce qu'il y a certaines choses, par ex. l'eau, mais parce que les choses désirées, à l'instar de la privation de l'être qui pousse vers elles, sont créés au même moment par le désir qui s'y rapporte, lequel est donc le prius qui pose la corrélation et les deux termes de celle-ci, la privation et l'objet correspondant, dans notre exemple la soif et l'eau). En tant qu'il se nourrit de cette déficience et lui demande la vie, le Moi se repaît seulement de sa propre privation et demeure en elle, s'éloignant de l'“acte pur” ou parfait, de cette eau éternelle au sujet de laquelle on pourrait citer les paroles même du Christ (5), eau pour laquelle toute soif, et toute autre privation, seraient vaincues à jamais. Cette appétence, cette contrainte obscure qui entraîne le Moi vers l'extérieur — vers l'“autre” —, voilá ce qui engendre dans l'expérience le système des réalités finies et contingentes. La persuasion, qui va brûler dans l'état de l'absolue consistance, du pur être-en-soi — cet effort a donc aussi le sens d'une “consommation” du monde qui se révèle à moi.
Le sens de cette consommation, il faut, pour l'éclairer, aller jusqu'à des conséquences que Michelstaedter n'a pas complètement développées.
Tout d'abord, dire que je dois pas fuir ma déficience signifie notamment que je dois me reconnaître comme la fonction créatrice du monde expérimenté. De là pourrait suivre une justification de l'Idéalisme transcendental (à savoir du système philosophique selon lequel le monde est posé par le Moi) sur la base d'un impératif moral. Mais on a vu que, selon la prémisse, le monde est considéré comme une négation de la valeur. Du postulat général exigeant que le monde soit racheté, que sa déficience soit assumée, procède donc, toujours comme postulat moral, mais aussi sur le plan pratique, un second point : la négation même de la valeur doit être reconnue, d'une certaine façon, comme une valeur. Cela est important. En effet, si je considère l'impulsion qui a engendré le monde comme une donnée pure, irrationnelle, il est évident que la persuasion, en tant qu'elle est conçue comme la négation de cette impulsion, va en dépendre, donc qu'elle n'est pas absolument autosuffisante mais dépend d'un “autre”, dont la négation lui permet de s'affirmer. Dans ce cas, donc dans le cas où le désir même n'est pas réinséré dans l'ordre de l'affirmation de la valeur, mais reste intégralement une donnée, la persuasion ne serait donc pas du tout persuasion — le mystère initial en réduirait inévitablement la perfection à une illusion.
Il faut donc admettre comme postulat moral que l'antithèse même participe, d'une certain façon, de la valeur. Mais de quelle façon ? Ce problème amène à inclure dans le concept de persuasion un dynamisme. En effet, il est écident que si la persuasion ne réduit pas à une suffisance pure et autonome — donc à un état —, mais est suffisance en tant que négation d'une insuffisance — donc est un acte, une relation —, l'antithése a certainement une valeur et peut être expliquée ainsi : le Moi doit poser dans un premier moment la privation, la non-valeur, y compris sous la condition où la privation n'est posée que pour être niée, car cet acte de négation, et lui seul, engendre la valeur de la persuasion. Mais que signifie nier l'antithèse — qui en l'occurence revient à dire la nature ? On se rappelle que pour Michelstaedter la nature est non-valeur en tant que symbole et incarnation du renoncement du Moi à la possession actuelle de soi-même, en tant que corrélat d'un acte imparfait ou “impur” au sens défini plus haut. Il ne s'agit donc pas de nier telle ou telle détermination de l'existant, parce qu'on n'atteindrait par là que l'effet, la conséquence, non la racine transcendentale de la non-valeur ; il ne s'agit pas non plus d'éliminer en général toute action, car l'antithèse n'est pas l'action en général, mais l'action en tant que fuite de soi, “écoulement” — et il n'est pas dit que toute action ait nécessairement ce sens. Ce qu'il faut résoudre, c'est plutôt le mode — passif, hétéronome, extraverti — d'action. Or, la négation d'un tel mode est constitutée par le mode de l'action autosuffisante, laquelle est aussi puissance. Vivre chaque acte dans une possesion parfaite et transfigurer par conséquent l'ensemble des formes jusqu'à ce qu'elles n'expriment que le corps même d'une potestas — tel est donc le sens du rachat tout à la fois cosmique et existentiel. De même que la concrétisation de la “rhétorique” est le développement du monde de la dépendance et de la nécessité, ainsi la concrétisation de la persuasion est le développement d'un monde d'autarcie et de domination ; et le moment de la négation pure n'est que le moment neutre entre les deux phases.
Aussi bien le développement des vues de Michelstaedter dans ce qu'on pourrait appeler un “Idéalisme magique” [*] apparaît-il obéir à une continuité logique. En fait, Michelstaedter s'est d'une certaine façon arrêté à une négation indeterminée, et ce, en grande partie, pour n'avoir pas considéré suffisamment que le fini et l'infini ne doivent pas être rapportés à un objet particulier ou à une action particulière, mais sont deux modes de vivre n'importe quel objet ou n'importe quelle action. En général, le vrai Maître n'a pas besoin de nier (au sens d'annuler) et, sous le prétexte de la rendre absolue, de réduire la vie à une unité indifférenciée, comme, si l'on veut, dans une espèce de fulguration : l'acte de puissance — qui n'est pas acte de désir ou de violence —, loin de détruire la possession parfaite, l'atteste et la confirme. Le fait est que Michelstaedter, à cause de l'intensité même avec laquelle il vécut l'exigence de la valeur absolue, ne sut pas donner à cette exigence un corps concret, donc la développer dans la doctrine de la puissance ; ce qui pourrait avoir quelque relation avec la fin tragique de son existence mortelle.
Toutefois, c'est Michelstaedter qui a écrit : « Nous ne voulons pas savoir par rapport à quelles choses l'homme s'est déterminé, mais bien comment il s'est déterminé ». Au-delá de l'acte, il s'agit donc de la forme ou valeur sous laquelle cet acte est vecu par l'individu. De fait, toute relation logique est, d'une certaine façon, indéterminée, et la valeur est une dimension supérieure où elle se spécifie. L'un des mérites de Michelstaedter, c'est d'avoir réaffirmé la considération selon la valeur dans l'ordre métaphysique : en effet, la “rhétorique” et la “voie vers la persuasion” peuvent être distinguées non d'un point de vue purement logique, mais du point de vue de la valeur. Dans ce contexte, il est très important que Michelstaedter reconnaisse qu'il y a, d'une certaine manière, deux voies. Cette coexistence est elle-même une valeur : car l'affirmation de la persuasion ne peut valoir comme affirmation d'une liberté que si l'on a conscience de la possibilité de l'affirmation comme valeur de la non-valeur elle-même, selon l'indifférence : seul étant libre et infini le “Seigneur du Oui et du Non” (sur cette problématique, cf. notre Teoria dell'Individuo Assoluto, I, §§ 1-5) (6). L'autre justification de l'antithèse dont il a été question plus haut, a évidemment pour présupposé l'option positive pour la “persuasion”. http://www.archiveseroe.eu/
Julius Evola, in : Explorations. Hommes et problèmes, Puiseaux 1989. [tr. fr. : Philippe Baillet]
• notes :
- 1) C. Michelstaedter, La Persuasione e la Rettorica, p. 5.
- 2) C. Michelstaedter, Il dialogo della salute, Gênes, 1912, p. 57-58.
- 3) La Persuasione e la Rettorica, p. 56.
- 4) Ibid, p. 91.
- 5) Jean 4, 14 : « Quiconque boira de cette eau aura soif à nouveau ; mais qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif : l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle ».
- 6) Edizioni Mediterranee, Rome, 1973.
• note en sus :
* : L'idéalisme magique, c'est-à-dire opératoire, désigne pour Novalis « un système qui admet que l'homme peut entrer avec l'univers dans le rapport de sympathie et d'action directe où il se trouve avec son propre corps » (d'apr. Lal. 1968). Quelque peu distinct de la captation surréaliste, ce système pourrait bien plutôt se rapprocher de celui de son ami Schlegel qui « s'intéresse beaucoup aux théories de l'idéalisme allemand et en particulier à celles de Fichte […] puis de Schelling. Pour Fichte, la philosophie est la doctrine de la science et est la base de tout savoir. Il énonce également que le moi (la force créatrice) forge le non-moi (l'environnement) grâce à l'imagination créatrice. Schlegel va essayer de dépasser cette théorie en la rendant plus flexible car Fichte voit tout à travers le spectre de la philosophie. Pour Schlegel, la philosophie n'est pas à dissocier des autres domaines. Tout comme l'énonce Schleiermacher : savoir et foi, science et art, philosophie et religion ne forment qu'un. C'est ce que Schlegel appellera l'Universalpoesie. Vers 1797, Schlegel se tournera vers Schelling pour qui la nature et le moi, donc l'art, ne forment qu'un » (entrée Schlegel sur wikipedia).
Toutefois ce qu'entend Evola, lors sa période philosophique qui va de 1923 à 1927, par “Idéalisme magique” est de portée différente : « On le sait, le premier terme [idéalisme magique] avait déjà été employé par Novalis. Mais bien que Novalis fût un de mes auteurs préférés et bien que certaines de ses intuitions eussent pris pour moi une valeur essentielle, l’orientation de mon système fut très différente » (Chemin du cinabre). Ce dernier se trouve précisé dans son article L’individu et le devenir du monde (1925), « présentation de l’essence solipsistique d'Essais sur l'idéalisme magique et de Théorie et phénoménologie de l’individu absolu, que l’auteur proposait comme une solution spiritualo-existentialiste audacieuse aux problèmes de l’âme européenne en ces temps de décadence. La ligne radicalement solipsistique de la philosophie évolienne à cette période cherchait un développement pratique et théorique dans la religion, l’initiation et la magie. C’est dans cette optique que doivent être vues ses travaux sur le taoïsme et le tantrisme. Nous savons aujourd’hui comment cet itinéraire se termina avec un Evola arrivant à sa maturité à une position théorique très proche de celle du traditionalisme intégral de René Guénon. [...] Dans un essai intitulé Le chemin de la réalisation du moi selon les mystères de Mithra, Evola distingua clairement son chemin spirituel magique, initiatique, masculin, d’auto-réalisation et de construction individuelle de celui qu’il considérait comme inférieur prôné par les écoles se référant au Védanta qui tendaient essentiellement à réduire l’individu à un non-individu » (Société Julius Evola, « Julius Evola et la Société Théosophique Indépendante de Rome », d'après un article de Marc Rossi).
Par ailleurs, cet article sur Michelstaedter est autant une étude littéraire qu'une lecture personnelle car non sans résonance avec le parcours d'Evola. En effet, démobilisé après la Grande Guerre, il traverse une crise grave (« le sentiment de l’inconsistante et de la vanité des buts qui engagent normalement les activités humaines »), se livre à diverses expériences (mescaline) augmentant encore son malaise intérieur, au point même de lui faire envisager le suicide. Il a 25 ans. C’est à la lecture d’« un texte du bouddhisme des origines » qu’il comprend que « ce désir d’en finir, de me dissoudre, était un lien, une “ignorance”, opposée à la vraie liberté. À ce moment là doivent s’être produits en moi un retournement et l’apparition d’une fermeté capable de résister à toute crise ».
♦ De Carlo Michelstaeder aux éditions de l'Éclat :
- La Persuasion et la Rhétorique, augmentée d'appendices critiques, 1998 (il s'agit d'une édition refondue qui réunit ces 2 titres parus séparément dans la collection “philosophie imaginaire”).
- Le Dialogue de la santé et autres textes, 2004.
- Épistolaire, 1992.
♦ Études sur l'auteur :
- « Interprétation de Michelstaedter », M. Cacciari, in : Drân : Méridiens de la décision dans la pensée contemporaine, éd de l'Éclat, 1992
- Une autre mer, Claudio Magris, L'Arpenteur, 1993 : C'est peu de dire que ses amis lui vouaient un culte. Enrico Mreule, son plus proche disciple et le plus dissemblable, alla jusqu'à écrire : “Carlo est le Bouddha de l'Occident. Le grand éveillé”. Carlo Michelstaedter, qui se tira une balle dans la tête à 23 ans (le 16 octobre 1910), après avoir écrit les derniers mots d'un mémoire de philo, La Persuasion et la Rhétorique, où Nietzsche et Schopenhauer flirtent avec Aristote et Platon. C'est l'un des livres mythiques de la culture triestine. La vie d'Enrico, dont Magris réinvente le roman, des plages de l'Istrie à la Pampa et d'une guerre l'autre, est l'incarnation même du concept de persuasion de son maître (“possession au présent de sa propre vie”), l'évangile non écrit d'un apôtre réticent, le silence amoureux, à l'écoute de la nuit où “ses” mots pleuvent comme des étoiles filantes. (L'Express, 10/06/1993)
- “La guerre aux mots avec les mots” (Une interprétation de Carlo Michelstaedter), (thèse de doctorat), Nathalie Combe, ANRT, 1997
- La vie obscure, (biographie romancée), Patrizia Farazzi, éd. de l'Éclat, 1999
- C. Michelstaedter : Persuasion and Rhetoric, Massimiliano Moschetta, thèse, 2007
- Le tombeau de Michelstaedter, Jacques Beaudry, Montréal, Liber, 2010.