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  • Quelle « extrême droite » et quelle Europe ?

    Les mots sont confus, piégés, générateurs d’erreurs, que mettent à profit les manipulateurs. Tout ce qui relève de l’ « extrême droite » appartient souvent à la légende ou au fantasme. C’est une expression générique dont l’extension est si vaste et floue qu’elle ne signifie plus rien. Elle recouvre des appartenances, des choix si dissemblables qu’elle aboutit à dire tout, et son contraire. Du national révolutionnaire à l’ultra libéral néoconservateur, elle serait l’étiquette commode permettant l’incapacité de ne pas penser des différences essentielles marquant de vraies fractures.

    L’exemple récent du tueur d’Oslo, Anders Behring Breivik, suffit à illustrer cette aporie journalistique qu’est la définition impossible de l’extrême droite. Ce terroriste passe pour l’un des produits du mouvement populiste européen, qui a pu, ces dernières années, progresser électoralement dans plusieurs pays. Les références culturelles de Breivik sont toutefois difficilement assimilables à la tradition noire de l’extrémisme de droite. Il se dit admirateur de Churchill et du résistant anti-nazi Max Manu, il est chrétien, homosexuel et pro-Israël. Voilà qui cadre mal avec le profil du militant antisémite et nostalgique du Troisième Reich. La figure qui vient toute de suite à l’esprit serait celle de Pim Fortuyn, assassiné en 2002. On a tenté aussi d’identifier le parcours du tueur en soulignant qu’il avait adhéré en 2006 aux jeunesses du Le Parti du progrès (en norvégien Fremskrittspartiet, abrégé en FrP), lequel a démenti tout lien avec lui. Ce mouvement « populiste » est devenu, depuis les législatives de 2010, le second parti de Norvège, après les Travaillistes, avec 23% des voix.

    Bien qu’il soit peu correct d’établir une logique entre une adhésion ancienne de cinq ans et un comportement présent, il semble intéressant de s’arrêter sur le programme d’une organisation que des commentateurs paresseux situent à « l’extrême droite », et qui, appartiendrait plutôt à un courant thatchérien, où l’on placerait volontiers Reagan et Bush.

    Le Parti du progrès est en effet libéral. Il prône les baisses d’impôts, moins d’Etat et la dérégulation économique et sociale. Il est farouchement partisan du marché « libre », de la mondialisation marchande, et, bien qu’il se présente comme adversaire d’une immigration incontrôlée, il est partisan de l’utilisation sélective de la main d’œuvre étrangère. Il souhaite des liens forts avec l’Otan, les Etats-Unis, Israël. Il veut limiter l’aide aux pays sous développés. Ces caractéristiques appartiennent encore, remarquons-le, aux propos de Anders Behring Breivik.

    Son programme s’apparente par ailleurs à d’autres organisations « populistes » considérées comme « d’extrême droite », comme le Parti du peuple danois », l'UDC de Christoph Blöcher en Suisse, le parti de la Liberté de Geert Wilders aux Pays Bas, ou la Ligue du Nord en Italie. En revanche, il faudrait le distinguer du « Parti des Vrais Finlandais » et du Front National français, dont les revendications sociales et la défiance par rapport à la mondialisation marchande, ainsi qu’une volonté de prendre des distances par rapport à l’Otan et l’emprise américaine, marquent des différences considérables.

    Les autres cas européens que sont le mouvement Jobbik en Hongrie, le FPÖ et le BZÖ en Autriche sont très liés à des causes spécifiques qu’il est difficiles de faire entrer dans un moule.

    Néanmoins, le point commun entre ces organisation est la revendication nationaliste (ou patriotique), le rétablissement des contrôles aux frontières, et un rejet de l’immigration, voire du danger islamiste (avéré ou non) et une extrême défiance vis-à-vis de l’Union européenne.

    L’existence de ces mouvements identitaires et populistes sont l’expression du crise, dont on a maintes fois identifié les causes : crise économique, sociale, mais aussi et surtout, crise de confiance par rapport aux « élites » européennes et nationales, hostilité face au monde qu’ils ont proposé aux peuples européens, un univers « nomade », multiculturel, déraciné, ouvert au monde dans le même temps où toutes les garanties de protection tombent les unes après les autres. Le projet d’une société harmonieuse, progressiste, unissant tous ses membres dans un élan optimiste vers un bien-être économique et social, a été violemment mis à l’épreuve par le réquisit mondialiste considéré comme nécessité. Les discours hautains, cyniques et machiavéliques des technocrates et des professionnels de la politique ont aggravé le malaise. On a l’impression d’être en présence de deux peuples : l’un, très minoritaire, profitant du Nouvel Ordre du Monde, et l’autre, majoritaire, étant abandonné à son sort, comme des indigènes laissés à leur médiocrité d’existence. D’une certaine manière, et cet état des choses perdurant depuis maintenant une ou deux décennies, il est étrange que la violence ne se soit pas manifestée plus tôt. Il a fallu que la classe moyenne soit touchée particulièrement par la crise de 2008, et que les discours lénifiants s’érodent d’autant plus. Maintenant, il semblerait que nous soyons à un carrefour.

    Quelle orientation prendre ?

    Carl Schmitt disait que la politique, c’est d’abord identifier ses ennemis. Il est clair que l’ennemi, pour les peuples européens, c’est celui qui cherche, par tous les moyens, à lui faire perdre toute maîtrise de son destin. A ce titre, tous ceux qui sont favorables au libéralisme, à la mondialisation, à la dérégulation, à la marchandisation sans limites (et l’immigration de masse fait partie de ce processus) sont leurs ennemis. Les partis « populistes », qui utilisent, pour se faire une santé électorale, le malaise réel, la souffrance éprouvée par les gens, les ouvriers, les employés livrés à leur sort malheureux, qui stigmatisent un islam fantasmatique ou s’en prennent aux immigrés, qui sont aussi victimes que le sont les masses populaires autochtones, sont les ennemis des peuples européens.

    A vrai dire, quand on est obligé de démystifier les discours démagogiques, on se heurte à l’irrationnel, au pathos, à l’hyperbole, lesquels ne sont pas appropriés pour mener une réflexion de fond. Il est évident par exemple que la présence de populations allogènes dans certains quartiers engendre de sérieux problèmes pour la société et l’ordre public, et que des difficultés économiques, sociales, éducatives en sont aussi le résultat, à vrai dire, de plus en plus intolérable. Cependant, outre que certaines réactions avilissent l’être humain, la haine ethnique, le racisme, par exemple, ou que certaines solutions simplistes ne résoudraient rien, il se peut que nous soyons à un tournant de la civilisation européenne où tout peut être possible, le pire, comme le meilleur. A condition d’identifier les causes véritables de notre malheur, à savoir l’adoption d’un mode d’existence qui nous mine. Dès lors que l’Europe, dans son ensemble, a opté pour l’american way of life, l’hédonisme de supermarché, le productivisme déréglé, le culte de l’argent et l’avachissement décadent, nous avons forgé nos chaînes, et nous nous sommes livrés au plus fort. Désormais, nous ne sommes plus que des esclaves. Le salut, n’en doutons pas, passe par une révolution d’abord spirituelle. Elle doit être européenne. Le problème des immigrés, musulmans ou non, n’en sera plus un, si nous avons assez d’imagination, de souffle, d’énergie, pour reconstruire une Europe, de Lisbonne à Vladivostok, tolérante, puissante et entreprenante, plurielle et unie autour de vraies valeurs. Ne nous laissons pas enivrés par des gestes stupides et criminels. Le pire serait que l’acte d’un imbécile fasse partie d’une légende romantique qui susciterait des actes aussi fous.

    Juillet 2011 Claude Bourrinet http://www.voxnr.com

  • Vers la fin du nouvel ordre mondial ?

    Pour la première fois depuis la chute de l’URSS et l’avènement du nouvel ordre mondial, la Russie mène une opération militaire hors de ses frontières, dans un pays voisin et souverain et ce afin de défendre des citoyens russes. Le jeudi 7 août 2008 restera dans les annale car l’opération militaire russe actuellement en cours va modifier à "jamais" les relations internationales.

    Comment en est-on arrivé là et pourquoi cette petite bande de territoire semble avoir tellement d’importance pour Moscou, Tbilissi, Washington ou encore l’UE ? Et quelles sont les perspectives ?

    La Géorgie, pion du grand échiquier

    En novembre 2003, la Géorgie a été victime d’un « coup d’Etat démocratique » : la Révolution des roses, une des Révolutions colorées organisées par la CIA et des officines « proches » afin de renverser des régimes des Etats jugés trop proches politiquement de Moscou ou ceux sur des emplacements stratégiques. Ont principalement été visés des Etats comme la Serbie, l’Ukraine ou encore la Géorgie (lire à ce sujet mon article).

    La Serbie parce que alliée de la Russie dans les Balkans, l’Ukraine et la Géorgie parce que stratégiques dans la volonté d’encerclement (containment) de la Russie, ces deux Etats étant membres actifs du GUUAM.

    Depuis la prise de pouvoir de Mikhail Saakachvili, la Géorgie est devenue un allié indéfectible de Washington, le président a lui-même été formé par Georges Soros, l’homme derrière les Révolutions colorées d’Europe centrale, l’investisseur du groupe Carlyle... Des ministres de l’actuel gouvernement sont des anciens collaborateurs du financier américain au sein de sa fondation. Un certain nombre de jeunes conseillers de Saakachvili ont également été formés aux Etats-Unis dans le cadre des échanges universitaires mis en place et gérés par la Fondation privée de Soros. Le gouvernement américain, quant à lui, a doublé son aide économique bilatérale à la Géorgie qui atteint aujourd’hui 185 millions de dollars. De plus, la Maison-Blanche est engagée dans un programme de formation des forces spéciales de l’armée géorgienne dans le cadre de la lutte contre le terrorisme islamiste dans la région avec l’aide d’Israël, lire à ce sujet cet article extrêmement bien documenté. À la mi-juillet, les troupes états-uniennes et géorgiennes ont tenu un exercice militaire commun dénommé « réponse immédiate » impliquant respectivement 1 200 États-Uniens et 800 Géorgiens.

    J’ai déjà également traité de l’importance de la guerre énergétique en cours et notamment du pipeline BTC. Ce pipeline devant permettre de passer outre la Russie, et de desservir l’Europe du Sud via la Géorgie, la Turquie et Israël, qui souhaite par ce biais jouer un rôle essentiel dans la région bien sûr, en contournant la Russie, mais surtout dans la ré-exportation du pétrole vers l’Asie ! La revue russe Kommersant ne titrait-elle pas le 14 juillet 2006 que : « Le pipeline BTC a considérablement changé le statut des pays de la région et cimenté une nouvelle alliance pro-occidentale. Ayant influé pour la construction de l’oléoduc vers la Méditerranée, Washington a pratiquement mis en place un nouveau bloc avec l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie et Israël. »

    Ces coups d’Etats fomentés par la CIA aux frontières de la Russie, l’extension à l’est de l’Otan, l’installation du système de radars américains en Europe centrale, les négociations d’entrée de l’Ukraine et de la Géorgie dans l’Otan (bloquées fort heureusement par l’Allemagne), mais surtout l’extension de l’UE (désormais sur la mer Noire) et la terrible affaire du Kosovo ont été considérées par la Russie comme autant d’agressions indirectes et de viol du droit international qu’on lui prétend lui « opposer » pourtant officiellement partout.

    Juillet / août 2008

    Le 12 juillet 2008, une annonce du ministère géorgien de la Défense déclarait que les troupes états-uniennes et géorgiennes « s’entraînent durant trois semaines sur la base militaire de Vaziani » près de la capitale géorgienne, Tbilissi (AP, 15 juillet 2008). Ces exercices, qui se sont achevés à peine une semaine avant l’attaque du 7 août, étaient la répétition générale évidente d’une opération militaire qui, selon toute probabilité, avait été planifiée en étroite coopération avec le Pentagone.

    Dans un premier temps, la Géorgie, puissamment armée et entraînée par l’Amérique et Israël, a contesté l’organe chargé de régler le conflit – la Commission mixte de contrôle – qui est coprésidé par la Russie, la Géorgie, l’Ossétie du Nord et l’Ossétie du Sud.

    Le 7 août, coïncidant avec la cérémonie d’ouverture des jeux Olympiques de Beijing, le président de Géorgie ordonne d’attaquer militairement tous azimuts la capitale de l’Ossétie du Sud, Tskhinvali. Une attaque militaire d’assez haute intensité pour « rétablir l’ordre constitutionnel ». La Russie a alors réagi comme se doit de réagir un Etat souverain chatouillé sur sa frontière et dont les citoyens sont menacés militairement. Elle a répliqué afin de chasser les soldats géorgiens et de protéger ses citoyens. L’attaque contre l’Ossétie a abouti à l’affrontement direct avec les forces russes.

    Ces cinq derniers jours, les combats ont été extrêmement violents, ce soir, mardi, l’armée géorgienne a été repoussée hors d’Ossétie et les combats entre troupes russes et géorgiennes se seraient rapprochés de l’est du pays, vers la capitale Tbilissi. Comme l’affirme Alexandre Lomaia, le chef du Conseil national de sécurité géorgien, «  Nous n’avons pas capitulé, notre armée reste en bon ordre malgré les pertesJe peux vous assurer que nous recevons une aide militaire de l’étranger… Et nous la recevrons jusqu’à ce que nous ayons chassé les Russes du pays. »

    Le Kremlin a ouvertement accusé l’Amérique de « favoriser  » la Géorgie. Comme le Premier ministre, Vladimir Poutine, l’a dit lui-même : « Ce n’est pas le cynisme des politiques (américains) qui étonne (...) mais c’est le niveau de ce cynisme, la capacité à présenter ce qui est blanc en noir, ce qui est noir en blanc, la capacité à présenter l’agresseur en victime de l’agression  »«  Saddam Hussein devait être pendu parce qu’il a détruit quelques villages chiites, mais les autorités géorgiennes actuelles doivent être défendues alors qu’elles ont rayé de la Terre en une heure des dizaines de villages ossètes, qu’elles ont écrasé vieillards et enfants avec leurs chars et qu’elles ont brûlé vif les gens dans leurs maisons ». Pourtant malgré l’aide internationale l’armée russe est en train de « très sérieusement » affaiblir la force militaire géorgienne, afin de simplement éviter qu’une opération d’une telle ampleur ne puisse se reproduire.

    «  Qu’est-ce qui peut empêcher les Russes d’aller jusqu’à Tbilissi ? … Saakachvili a pensé qu’il allait pouvoir regagner du terrain par la force. Imaginer que cette petite avancée tactique serait acceptée par la Russie est le calcul de quelqu’un de stupide », reconnaissait hier un diplomate européen plein d’amertume. Effectivement, si l’on regarde les forces en présence, on ne peut comprendre le geste de folie de Mikhail Saakachvili, sauf si ce dernier a naïvement cru que le fait d’être dans les bonnes grâces des Occidentaux lui donnait tous les droits…

    Jugez vous-même :

    RUSSIE : 1 000 000 d’hommes / 23 000 tanks / 26 000 pièces d’artillerie / 1 802 avion de combats / 1 932 hélicoptères.

    GEORGIE : 32 000 hommes / 128 tanks / 109 pièces d’artillerie / 8 avions d’attaques / 37 hélicoptères.

    Comment dans ces conditions et sans l’aval de certains le Petit Poucet géorgien pouvait-il penser faire tomber l’ogre russe, ce dernier bénéficiant en plus de l’appui des milices ossètes et des volontaires cosaques ! Les vrais responsables des tragiques événements ne sont pas la Russie, qui ne fait que défendre des citoyens russes victimes d’une agression militaire de l’armée géorgienne, mais bel et bien la politique de fou de l’Amérique dans cette partie du monde, Amérique qui a fait miroiter à Saakachvili tout et n’importe quoi, de l’Union européenne à l’Otan, celui-ci n’ayant en fait servi que de marionnette pour permettre la création du pipeline BTC sus-cité, et servir de fusible pour chatouiller l’ours sur sa frontière…

    Comme tout fusible, ce dernier va finir par brûler et ce sont les civils géorgiens et ossètes qui vont et ont déjà commencé à en faire les frais. Parallèlement, un second front s’est ouvert en Abkhazie. La Géorgie vient tout simplement de disparaître en tant qu’Etat souverain.

    De l’Ossétie au Kosovo, l’échec de l’Otan

    Derrière le conflit qui aboutira sans doute à la partition territoriale de l’Ossétie et de l’Abkhazie, comment ne pas voir un des ricochets de la politique irrationnelle de Washington dans les Balkans et notamment la sombre affaire du Kosovo ? Certes, les cas de figures sont différents, certes les Ossètes n’ont pas envahi l’Ossétie comme les Albanais le Kosovo, mais puisque les Américains ont prouvé que l’on pouvait modifier les frontières des Etats sans aucune raison au mépris des peuples et de toutes les règles de droit international, pourquoi ce qui serait valable pour les Kosovars ne le serait pas pour les Ossètes ou les Abkhazes ? Vladimir Poutine avait parlé de l’Amérique dans des termes "post-guerre froide", comparant ce pays à : "un loup affamé qui mange et n’écoute personne"… Au début de cette année, le ministre russe des Affaires étrangères, Lavrov, avait prévenu son homologue américain que : "la reconnaissance du Kosovo constituerait un précédent pour l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud". Mais celui-ci n’a pas été écouté.

    Naïvement, Saakashvili a pensé que d’être dans les bonnes grâces du Pentagone lui conférait un blanc-seing et le droit de recourir à la force sans aucune raison. En ce sens, un parallèle est faisable entre le viol de la souveraineté territoriale de la Serbie (à savoir la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo, alors que la résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU - qui réaffirmait sans ambiguïté la souveraineté de la Serbie sur ce territoire) et l’agression militaire contre l’Ossétie de jeudi dernier.

    Néanmoins, s’il est facile d’agresser un voisin faible, il l’est beaucoup moins contre un voisin fort, à savoir la Russie. Cette dernière affirme en outre que près de 2 000 civils auraient péri dans les combats, que 30 000 réfugiés auraient fui en Ossétie du Nord et parle habilement et ouvertement de génocide à l’encontre du peuple ossète, des termes qui rappellent ceux utilisés par l’Otan pour justifier sa campagne de bombardements en Serbie en 1999.

    En ce sens, la réaction russe de ces derniers jours est non seulement parfaitement justifiée, mais elle est saine pour l’Europe et l’humanité tout entière : elle prouve que l’Otan ne peut impunément violer les règles de droit international sans que personne ne s’y oppose. Si l’implication de Washington semble évidente pour les Russes, il semble certain que les premiers qui le nient ont lourdement sous-estimés la capacité de réaction russe.

    Vers la fin du nouvel ordre mondial

    L’opération militaire en cours a un sens bien plus important que le seul affrontement russo-géorgien. En effet, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, la confrontation Russie-Amérique vient de tourner à l’avantage des Russes. Pour la première fois, un coup d’arrêt clair et net est imposé a l’aigle, par un ours réveillé et en colère. Pour la première fois surtout, la Russie vient de s’opposer militairement et de façon "indirecte" à l’Amérique en dehors de ses frontières. Il ne faut pas se tromper sur le sens réel des événements et essayer de comprendre la démonstration de forces des Russes. Le trio "Medvedev-Poutine-Lavrov" vient simplement de mettre fin au système unilatéral agencé par l’Otan pendant la guerre du Golfe de 1991.

    Après la décennie de l’effondrement (de 1990 à 1999), la décennie de l’extension à l’est de l’Otan et parallèlement du réveil russe (de 1999 à 2008), il est fort plausible que nous entrions dans la décennie du reflux à l’Ouest et du regain d’influence russe sur les anciennes marches de l’Empire.

    Eltsine n’avait rien pu faire face à l’endormissement de l’ours, Poutine l’a réveillé, celui-ci est désormais éveillé et attentif. Alors que se tendent les relations russo-américaines via l’Europe de l’Est et le Caucase, se dessinent sensiblement de nouvelles frontières du monde de demain.

    Plus qu’un message à l’humanité, la Russie a montré sa détermination et sa capacité à répondre désormais à toute agression injustifiée. Pour les Européens qui se cherchent toujours une réelle politique militaire, l’heure approche où il faudra prendre position pour ou contre la Russie et par conséquent devoir imaginer à très court terme de se séparer de l’Otan pour former la grande alliance continentale pré-esquissée par le général de Gaulle et souhaitée par Vladimir Poutine aujourd’hui : l’alliance continentale Euro-Russe, seule garante de la paix sur notre continent.

    Dans le cas contraire, l’Europe se coupant de la Russie et de ses voisins se suiciderait littéralement, condamnée à ne rester que la vassale de l’Amérique, en froid avec son principal fournisseur énergétique.

    par Alexandre Latsa (son site)

  • LIBÉRALISME

    Le libéralisme désigne de manière générique l'ensemble des doctrines apparues à partir du XVIIe siècle en Occident qui font de l'individu abstrait la clef de voûte de tout leur système. Le terme étant ambigu, selon qu'il l'applique à soit la philosophie politique soit à l'économie politique, nous retiendrons moins les philosophes (Locke, Montesquieu, Rousseau) défendant respect de la liberté individuelle que les tenants du libéralisme économique (Quesnay, Say, Adam Smith, Malthus, Ricardo, J. Stuart Mill) qui seul nous intéresse pour cette entrée lexicale.
    Le libéralisme économique est une conception qui refuse l'intervention de l'État (si ce n'est pour défendre l'initiative privée) et qui postule l'existence de lois naturelles capables d'assurer l'équilibre de l'offre et de la demande, à condition que soient respectées la concurrence et la propriété privée des moyens de production. Le néo-libéralisme actuel est une doctrine qui, devant l'échec du libéralisme classique, admet une certaine intervention de l'État dans l'économie sans pour autant remettre en question le principe de la concurrence et de la libre entreprise. 
    Ses principes fondamentaux sont les suivants : individualisme économique, assimilation de la société à un marché (société marchande), méfiance à l'égard des pouvoirs de nature politique, croyance dans la transparence et la spontanéité des rapports sociaux dès lors qu'ils sont marchands et égalitaires, réduction des finalités culturelles à l'obtention du bien-être, croyance dans la fin possible des idéologies au profit d'une gestion “technique”, neutre et éclairée de la société, etc. Le libéralisme débouche sur la technocratie et l'étatisme (gouvernance), sur la mercantilisation et l'opacité des rapports sociaux, sur la réification de l'homme, assimilé à une “chose” dotée d'une valeur monnayable, qui est cette entité abstraite qu'est l'homo œconomicus. Tout en se vantant d'organiser le libre-échange économique et la libre communication culturelle, le libéralisme alimente la domination du modèle occidental de civilisation et d'un système économique transnational (cf. américanisme). D'autre part, il faut combattre l'idée que le libéralisme, aujourd'hui contesté dans son efficacité économique (cf. économisme), détienne le monopole de la concurrence et de l'économie privée de marché (cf. autarcie ou localisme).
    Au plan politique, le régime idéal est fondamentalement celui où il y a le moins de contraintes sociales. Au plan social, il consomme la rupture avec le principe holiste, soit qu'il nie purement et simplement la notion d'intérêt collectif, soit qu'il le fasse naître de l'ajustement miraculeux des conduites individuelles mues par la recherche rationnelle du meilleur intérêt. Dans cette optique, c'est seulement le jeu des intérêts particuliers qui constituent la société : le tout n'est que le produit du comportement des parties. L'ordre public naît ainsi de la concurrence généralisée. Vision de guerre civile : l'ordre spontané, c'est le consensus établi sur l'exclusion des « perdants ».
    Le libéralisme désigne de manière générique l'ensemble des doctrines apparues à partir du XVIIe siècle en Occident qui font de l'individu abstrait la clef de voûte de tout leur système. Le terme étant ambigu, selon qu'il l'applique à soit la philosophie politique soit à l'économie politique, nous retiendrons moins les philosophes (Locke, Montesquieu, Rousseau) défendant respect de la liberté individuelle que les tenants du libéralisme économique (Quesnay, Say, Adam Smith, Malthus, Ricardo, J. Stuart Mill) qui seul nous intéresse pour cette entrée lexicale. Le libéralisme économique est une conception qui refuse l'intervention de l'État (si ce n'est pour défendre l'initiative privée) et qui postule l'existence de lois naturelles capables d'assurer l'équilibre de l'offre et de la demande, à condition que soient respectées la concurrence et la propriété privée des moyens de production. Le néo-libéralisme actuel est une doctrine qui, devant l'échec du libéralisme classique, admet une certaine intervention de l'État dans l'économie sans pour autant remettre en question le principe de la concurrence et de la libre entreprise.
    Ses principes fondamentaux sont les suivants : individualisme économique, assimilation de la société à un marché (société marchande), méfiance à l'égard des pouvoirs de nature politique, croyance dans la transparence et la spontanéité des rapports sociaux dès lors qu'ils sont marchands et égalitaires, réduction des finalités culturelles à l'obtention du bien-être, croyance dans la fin possible des idéologies au profit d'une gestion “technique”, neutre et éclairée de la société, etc. Le libéralisme débouche sur la technocratie et l'étatisme (gouvernance), sur la mercantilisation et l'opacité des rapports sociaux, sur la réification de l'homme, assimilé à une “chose” dotée d'une valeur monnayable, qui est cette entité abstraite qu'est l'homo œconomicus. Tout en se vantant d'organiser le libre-échange économique et la libre communication culturelle, le libéralisme alimente la domination du modèle occidental de civilisation et d'un système économique transnational (cf. américanisme). D'autre part, il faut combattre l'idée que le libéralisme, aujourd'hui contesté dans son efficacité économique (cf. économisme), détienne le monopole de la concurrence et de l'économie privée de marché (cf. autarcie ou localisme).
    Au plan politique, le régime idéal est fondamentalement celui où il y a le moins de contraintes sociales. Au plan social, il consomme la rupture avec le principe holiste, soit qu'il nie purement et simplement la notion d'intérêt collectif, soit qu'il le fasse naître de l'ajustement miraculeux des conduites individuelles mues par la recherche rationnelle du meilleur intérêt. Dans cette optique, c'est seulement le jeu des intérêts particuliers qui constituent la société : le tout n'est que le produit du comportement des parties. L'ordre public naît ainsi de la concurrence généralisée. Vision de guerre civile : l'ordre spontané, c'est le consensus établi sur l'exclusion des « perdants ».
    Le libéralisme s'avère là une machine à produire la désillusion. Dans une société libérale, le lien social résulterait de la libre concurrence des conduites individuelles ? Jamais comme dans le monde occidental actuel, l'anomie sociale n'a été aussi grande. Le marché serait pluraliste par nature ? Par le jeu du mimétisme concurrentiel, jamais les modes de vie n'ont été aussi indifférenciés : partout, le libéralisme détruit les identités collectives, les cultures enracinées, et s'avère générateur d'uniformité. Il serait principe de liberté, d'émancipation du sujet ? Jamais les hommes n'ont été aussi aliénés que dans le rapport à la marchandise qui caractérise le système des objets.
    À en croire les auteurs libéraux, la liberté s'imposerait d'elle-même dans une société gouvernée par l'économie de marché. Le libre-échange engendrerait la liberté comme son produit le plus naturel, par affinité intrinsèque en quelque sorte. Une telle théorie, qui procède d'un raisonnement similaire au marxisme (c'est l'infrastructure économique qui détermine la superstructure politique et sociale), montre en fait que dans une société calquée sur le marché, la « liberté » elle-même est conçue sur le modèle de l'échange commercial. Ce processus a bien été décrit par Werner Sombart : « On réclame une liberté aussi large que possible, on exige la suppression de tout ce qui peut faire obstacle à la course au gain. Il s'agit, en premier lieu, de la liberté formelle, de la liberté de faire ou de ne pas faire, qu'on considère comme un facteur essentiel de la bonne conduite des affaires. [...] En deuxième lieu, la revendication de la liberté implique l'idée d'un gain ne tenant compte d'aucune considération sans rapport direct avec lui. Elle équivaut à la proclamation de la supériorité du gain sur toutes les autres valeurs. » (Le Bourgeois, ch. XIII). Henri Lepage décrit significativement la liberté de consommer comme « la plus fondamentale des libertés ». Dans la théorie du producteur-consommateur de Gary Becker, c'est par son aptitude à la consommation que l'individu s'affirme véritablement comme citoyen.
    La propriété privé n'est pourtant pas un absolu : il y a quantité d'usages d'une propriété qui équivalent à des nuisances du bien commun. L'initiative privée, elle aussi, peut secréter le meilleur comme le pire. La croire intrinsèquement meilleure parce qu'elle est privée n'est qu'une illusion. Le principe de rentabilité (à distinguer du calcul de rentabilité) n'est qu'une façon d'asseoir le règne de la quantité. Quant à la concurrence, elle ne s'exerce pratiquement jamais selon le modèle idéal de la course des athlètes dans le stade. Elle est le plus souvent biaisée, imparfaite, destructive. La publicité, à elle seule, est déjà une suggestion qui fausse le choix.
    Le libéralisme est une doctrine (et même une idéologie) philosophique, économique et politique, et c’est évidemment comme tel qu’il doit être étudié et jugé. Il ne peut être confondu complètement avec le capitalisme, régime économique apparu au XIXe siècle dans lequel les moyens de production relèvent de la propriété privée (car il existe aussi un capitalisme d'État, forme plus ou moins prononcée de collectivisme où l'État est propriétaire des moyens de production, en tout ou en partie). Même si les partisans du libéralisme économique considèrent qu'il constitue le meilleur ressort du développement économique dans la mesure où il stimule la production par la loi constante de l'offre et de la demande, ce régime implique l'exploitation des travailleurs et des peuples, exploitation qui ne peut que s'étendre mondialement pour aboutir à l'impérialisme, et s'accule, à plus ou moins long terme, à des contradictions mortelles entre une production dépendante de la spéculation boursière n'obéissant qu'à la recherche d'un profit toujours croissant et une consommation de plus en plus bloquée puisque, par application de la concurrence qui règne entre producteurs, le système ne peut, en durant, que diminuer le nombre des acheteurs potentiels (effets conjugués de la paupérisation et de la prolétarisation).
    De toutes les idéologies occidentales, le libéralisme est la plus dominante et en outre celle qui menace le plus notre spécificité culturelle : confortant l'individualisme impolitique, elle fonctionne comme une drogue qui colonise les imaginaires et bloque, notamment, des réactions de défense concertée des peuples, de solidarité économico-politique et d'initiative locale. Le libéralisme est, très clairement, pour nous, l'ennemi principal. Le combattre, ici et maintenant, c'est prendre le mal à la racine, à savoir anthropologiquement le rabattement du politique sur l'économique.
    Vouloir 24 /12 /2010

  • Nos ancêtres les Gaulois par Pierre Gaxotte de l'Académie française

    L'immense succès du huitième volume des aventures d'Astérix - la première édition de 600 000 exemplaires s'est enlevée en quelques jours - prouverait-il que les Français s'intéressent à leurs ancêtres les Gaulois ? En tout cas, le guerrier malin et rouspéteur Astérix, aidé par Obélix, livreur de menhirs, par Abraracourcix, le valeureux chef de tribu, par Assurancetourix, le barde, a trouvé des amis. Demandons à Pierre Gaxotte, à qui l'on doit l'Histoire des Français, l'Histoire d'Allemagne (Flammarion), le Siècle de Louis XIV, etc., de nous dire ce qu'étaient les Gaulois.
    Le mot Gallia, Gaule, supposant le mot Gallus, Gaulois (pluriel : Galli), se montre pour la première fois dans les Origines de Caton, vers 168 avant J.-C. Pour les écrivains latins, les Galli sont des Celtes septentrionaux.
    Ils distinguaient entre la Gaule cisalpine et la Gaule transalpine, la première sur le versant oriental des Alpes (de ce côté-ci, par rapport à Rome), la seconde sur le versant occidental (de l'autre côté, pour les Romains).
    Puis, quand l'Italie politique et administrative se fut étendue jusqu'au bassin du Pô inclusivement, il n'y eut plus d'autre Gaule que celle qui s'étendait des Pyrénées aux Alpes et au Rhin. César la définit ainsi à la première ligne de ses Commentaires.
    Ce qui frappait tout d'abord, c'était l'immensité des forêts. Elles occupaient la majeure partie du sol, les deux tiers au moins. Ce qui en subsiste n'en peut même donner l'idée. Elles s'étalaient alors dans toutes les directions, mais c'est surtout au nord de la Loire qu'elles présentaient une masse profonde et quasi continue.
    un pays de forêts
    Presque étouffées par elles, les terres cultivées apparaissaient comme d'étroites clairières prenant jour le long des fleuves, autour des ruisseaux, sur les terrasses et dans les vallons de collines étagées. Les plus considérables se trouvaient en Beauce, en Limagne, dans la plaine toulousaine et le Soissonnais.
    Sous le dôme de feuillage vivaient, avec les sangliers et les loups, les animaux monstrueux qui épouvantaient les Méditerranéens : rennes, élans, aurochs, difformes héritiers du chaos primitif. Les troupeaux de chevaux, le gros et le petit bétail trouvaient pâture dans les clairières.
    Les porcs vaguaient par milliers dans les chênaies. Ils étaient de taille énorme, à moitié sauvages. Leur viande, fraîche ou salée, faisait, avec le laitage, le fond de l'alimentation.
    Mais les forêts n'étaient pas abandonnées aux tanières des bêtes ou aux courses rapides des chasseurs. Des populations nombreuses de «boisilleurs» y ont toujours élu domicile : bûcherons, charbonniers, sabotiers, fagoteurs, charrons, potiers, résiniers, tourneurs, briquetiers, chercheurs de miel sauvage, arracheurs d'écorces, faiseurs de cendres... Comme le minerai de fer se trouvait un peu partout, en petits gisements épars, les fondeurs et les forgerons s'établissaient, eux aussi, à proximité du combustible.
    Que de Gaulois se sont appelés SiIvanus ou Silvinius ! Que de Français, Dubois ou Dubosc !
    10 à 15 millions d'habitants
    Au second siècle avant notre ère, la Gaule passait pour une des régions les plus peuplées du monde. Cette opinion ne venait pas de l'exacte connaissance du pays ; elle traduisait la façon dont les Celtes et les Galates s'étaient présentés au monde gréco-romain. À l'époque des invasions, la surprise et la crainte troublèrent les calculs des Méditerranéens ; leur imagination fit le reste.
    À ces vagues hyperboles, les érudits modernes ont substitué des tableaux et des statistiques. S'aidant des chiffres d'effectifs militaires, ils ont évalué la masse totale des Gaulois, Belges et Rhénans compris, tantôt à cinq millions d'âmes - ce qui est sans doute trop peu - tantôt à trente millions - ce qui est excessif, eu égard à l'étendue des friches, des forêts et des marécages. Mais un chiffre compris entre 10 et 15 n'est pas invraisemblable.
    Tous ces hommes étaient répartis en tribus, sociétés permanentes que les Latins appelèrent pagi. Leurs territoires étaient parfaitement délimités à la fois par les règlements entre voisins et par les conditions du sol.
    Dans les montagnes, c'était un vallon ; dans les pays de forêts, une vaste clairière fertile. Quelquefois un étang ou un bassin maritime donnait à la tribu son caractère propre.
    Certaines tribus s'adonnaient surtout à la pêche, d'autres à la culture ou à l'élevage. « Ce lien entre le sol et les hommes était si naturel et si puissant qu'après deux mille ans de vie nationale, la plupart des pays de France observent encore une manière à eux de parler, de penser et de travailler. » (Jullian.)
    Mais précisément ces pays d'une seule tenue, ces petites unités si nettes et si monotones, ne pouvaient servir de base à de véritables Etats, c'est-à-dire à des unités économiques et militaires, capables de se suffire à peu près en tout.
    Le vrai groupe politique de la Gaule, César l'appelle Civitas, la Cité. Ce n'est pas une ville, c'est un être moral, un peuple organisé, une concorde, une société de protection et de solidarité, disposant de territoires complémentaires, plaines et montagnes, guérets et bois, bons et mauvais pays, unis les uns aux autres pour échanger à la fois leurs produits et leurs moyens de défense.
    Au-dessus des trois ou quatre cents tribus, apparaissent cinquante à soixante cités. Les plus considérables s'étendent sur trois ou quatre de nos départements, les plus petites arrivent au tiers ou au quart.
    Sous le nom d'Arvernes se groupent les hommes de la Limagne, du plateau granitique, des monts d'Auvergne et du Livradois. Aux Lingons appartiennent le plateau de Langres et le Dijonnais. Les Séquanes descendent des monts du Jura jusqu'au Doubs et à la Saône.
    Les Carnutes réunissent la plaine de la Beauce et les collines du Perche ; les Eduens le noir et glacial Morvan, les coteaux élevés du Beaujolais et du Charolais, la plaine de Bourgogne, les pâturages du Nivernais, les landes de la Sologne bourbonnaise. L'unité et la force de leur État viennent de ce qu'il est à cheval sur la Loire, l'Allier et la Saône.
    L'usage des voies d'eau et la perception de péages sont pour les Eduens une source incomparable de puissance et de fortune. Leurs voisins s'en rendent compte et s'efforcent de leur arracher ces avantages.
    les noms gaulois ont subsisté
    Il importe, au début de notre histoire, de prêter une attention particulière à cette répartition du sol. Les limites des nations gauloises ont survécu à l'indépendance. Elles se retrouvent, non sans vicissitudes, dans le tracé des circonscriptions romaines, des évêchés, des bailliages.
    Leurs noms ont traversé les âges pour parvenir jusqu'à nous. Arras est la ville des Atrebates, Amiens celle des Ambiani, Trêves celle des Trevires, Reims celle des Rèmes, Soissons celle des Suessiones, Metz celle des Mediomatrici, Senlis celle des Silvanectes, Paris celle des Parisii, Troyes celle des Tricasses, Langres celle des Lingons, Chartres celle des Carnutes, Bourges celle des Bituriges.
    Les terres exploitées sont si bien cadastrées que les arpenteurs du fisc romain n'auront qu'à embrigader les arpenteurs gaulois, auxquels ils prendront même quelques termes de leur vocabulaire, en tout cas leurs mesures : l'arpent, la lieue, sont celtiques. 
    Cet attachement au sol a un revers. Les Gaulois que rencontra César n'étaient plus les terribles Gaulois de la bataille de l'Allia, les Celtes qui se conduisaient quelques siècles plus tôt comme les maîtres méprisants de l'Europe. Tel chef éduen s'appelle bien encore Dumnorix, roi du monde, tel peuple arbore fièrement le nom de Bituriges, rois de l'univers : ce ne sont que des souvenirs.
    Tout a changé. Les Gaulois n'ont pas seulement renoncé au char de guerre qui avait jadis disloqué les légions, ils ont perdu le moral qui soutenait leurs ambitions. La guerre civile s'est installée dans toutes les cités.
    La monarchie a peu à peu disparu. Une grande partie de la population est opprimée. Le gouvernement est aristocratique.
    Les nobles, les puissants dominent les assemblées et accaparent les magistratures. Ils commandent personnellement à de grandes masses d'hommes. D'abord, à leurs esclaves : l'Helvète Orgetorix, le plus riche propriétaire de son pays, en a dix mille. Puis aux ambacts que les Romains appelèrent des clients : ce sont des hommes libres qui se sont donnés à un maître par serment. Ils vivent de ses dons, ont droit à sa protection, l'assistent dans ses querelles et le suivent à la guerre comme écuyers et gardes du corps.
    L'État perçoit des impôts : un impôt direct qui pèse surtout sur les pauvres, des péages, des douanes et des loyers. Chez les Eduens, Dumnorix s'offrit un jour à prendre à ferme les péages. Personne n'osa surenchérir ; il fut déclaré fermier à un prix dérisoire.
    les villes
    À en juger par les textes de César qui sont la principale source de nos connaissances, toutes les régions de la Gaule auraient possédé à peu près également des villages et des fermes isolées où vivaient les nobles, entourés de leurs hommes d'armes et de leurs serviteurs.
    Or, ce sont là des formes très distinctes de l'habitat rural et nous constatons, à l'époque moderne, qu'elles se trouvent très rarement associées. Il y a des provinces de groupement comme l'Alsace, la Lorraine et la Franche-Comté, et des provinces de dispersion, comme le Bocage normand et la Bretagne.
    Cette répartition différente de la population rurale s'explique non seulement par la nature du sol, la distribution des points d'eau, les conditions du travail, mais aussi par la façon dont la terre est possédée et par les traditions propres à chaque région. On est donc amené à croire qu'au temps des Gaulois les contrastes étaient moins poussés, moins établis qu'aujourd'hui.
    Nous sommes mieux renseignés sur les places fortes. À vingt-cinq kilomètres d'Autun, à l'extrémité méridionale du Morvan, se détache une sorte de promontoire qui domine tout le pays environnant. C'est le mont Beuvray, dans l'antiquité Bibracte.
    Sur le plateau qui le couronne s'élevait, à huit cents mètres d'altitude, la capitale des Eduens, retrouvée et exhumée à partir de 1865. Cet enclos de 5 kilomètres de tour et de 135 hectares de superficie n'était pas habité dans toute son étendue : c'était un refuge pour le temps de guerre.
    Gergovie, capitale des Arvernes, de moindre superficie, put recueillir quatre vingt mille soldats. En temps ordinaire, Bibracte devait ressembler aux grandes cités du Turkestan, où, derrière les levées et les palissades de l'enceinte, on trouve, alternant, des amas de cabanes, des terrains vagues, des cimetières, des champs de foire, des dépôts d'armes, des granges et des greniers. La population permanente était composée d'artisans qui, à l'abri du rempart, étaient venus chercher la sécurité nécessaire à qui emploie le capital.
    Lyon n'existe pas encore
    À droite et à gauche du chemin central qui traverse l'oppidum du nord au sud s'étagent en gradins des lignes irrégulières de masures à demi souterraines, baraques de vente, habitations et ateliers, les uns minuscules, les autres assez vastes et bien organisés.
    Une sorte de gradation semble régler la succession de ces ateliers à mesure que l'on s'avance vers le centre : d'abord les fonderies, puis les forges, puis la quincaillerie, enfin l'orfèvrerie et l'émaillage.
    Ailleurs, en Normandie, en Anjou, dans le Berry, en Lorraine, les archéologues ont souvent constaté les rapports étroits qui paraissent unir la métallurgie du fer et certains ensembles de fortifications très anciennes ; Les murs contenaient des scories en abondance ; le sol, par endroits, en était parsemé.
    En somme, l'oppidum gaulois est un atelier et, par occasions, une foire ou un marché. À la différence de bien des villes de l'Italie, primitive et antique, il n'est en aucune façon un centre agricole.
    Assurément, toutes les villes fortes de la Gaule n'étaient pas situées sur des hauteurs aussi farouches, de climat aussi rude et aussi venteux. Lutèce, la ville des Parisii, était dans une île ; À varicum, la ville des Bituriges, dans la plaine, protégée par des marais. Aussi les habitants en étaient-ils plus nombreux, les demeures moins incommodes, l'aspect plus riant.
    Un trait imprévu de la géographie gauloise mérite encore d'être signalé : Lyon n'existe pas. Combien de fois cependant a-t-on décrit les avantages impérieux du site où s'est fixée la ville, au confluent de deux grandes rivières, à la jonction de plusieurs routes importantes ! Or, les Eduens trafiquent à Mâcon et à Chalon, les Allobroges à Genève et à Vienne. Ni les uns, ni les autres ne paraissent avoir songé à Lyon.
    De tous les lieux souverains de la France future, c'est donc vers le mieux doué que les hommes ne convergent pas encore. Est-ce parce que Lyon est trop proche d'une frontière âprement disputée ? Peut-être. Mais cet épisode démontre qu'il n'est pas, en géographie humaine, de nécessité absolue. La nature offre des possibilités, et même des tentations. En dernière analyse, l'homme choisit.
    sur les routes
    Commercialement, la Gaule n'était point isolée. Elle faisait partie d'un milieu économique plus vaste. Les métaux, or, argent, cuivre, fer, dont elle tenait marché et qu'elle trouvait épars sur son sol ou dans les sables de ses rivières, lui avaient donné une réputation de richesse, d'ailleurs surfaite, car beaucoup de ces petits gisements s'épuisèrent vite.
    Elle expédiait à Rome des lainages, des salaisons et des esclaves. Toujours en guerre entre eux, ou contre leurs voisins, les Gaulois regorgeaient de cette denrée, dont ils se servaient volontiers comme d'un instrument d'échange. On donnait un esclave pour une amphore de vin, prix courant.
    De Grèce et d'Italie, ils faisaient venir des objets de luxe, dont les archéologues ont trouvé de nombreux exemplaires dans les tombes, couronnes, miroirs, coupes de céramique peinte. Au surplus, depuis le second siècle (avant .J.-C.) au moins, les Gaulois se servaient de l'alphabet grec.
    Les voies de communication étaient nombreuses et variées. La vitesse avec laquelle se sont déplacées les légions romaines fait penser que les pistes étaient suffisamment entretenues, que les ponts et les bacs ne manquaient pas. Nous savons du moins qu'il existait trois grands ponts sur la Loire, près de Saumur, à Orléans et à Nevers, un sur l'Allier à Moulins, un sur la Seine à Paris, deux sur le Rhône, à Genève et à Pont-Saint-Esprit.
    Les voies d'eau étaient plus fréquentées encore. Il y avait un grand rassemblement de barques, de pirogues et de radeaux, en amont de Paris, vers Melun et Meaux, un autre sur le Rhône vers Avignon. La liaison entre la Loire et le Rhône se faisait par la montagne de Tarare qui appartenait aux Eduens et, plus au sud, par le col du Pal qui appartenait aux Arvernes.
    La marine était nombreuse et exercée. Les rivages de l'Armorique et de la Normandie formaient une même route océanique, longue et sinueuse, qui allait sans lacune d'île en île et de port en port, depuis les sables de Vendée jusqu'aux falaises du pays de Caux : et le long de cette route se sont confédérées toutes les cités qui en étaient riveraines.
    Au premier siècle avant J.-C., la prépondérance appartenait aux Vénètes (Morbihan) qui avaient presque monopolisé le trafic avec la Grande-Bretagne, productrice d'étain. Ce commerce déterminait des relations continues, des services à peu près réguliers. Le port de débarquement était Corbilon (peut-être Saint-Nazaire), au débouché du chemin de la Loire ; un autre se formait déjà à Boulogne, à quelques heures seulement de la rive opposée. De la Manche à Marseille, par bateaux et par chariots, le transport du métal demandait un mois.
    les Gaulois chez eux
    Bien que le sol français recèle toutes sortes de roches, les Gaulois n'ont pas bâti de murailles maçonnées. Les remparts de leurs citadelles étaient composés d'une charpente en bois et d'un appareillage en pierres. S'ils pouvaient résister aux attaques, ils cédaient assez vite à l'action du temps : le bois pourrissait et les blocs, privés de soutien, s'effondraient.
    Les maisons sont faites de bois, de claies de roseau, de chaume et de torchis. Elles ont la forme ronde des habitations primitives en tous pays. Une toiture en pente leur tient lieu de couronne. Au milieu, un trou pour laisser passer la fumée.
    Les pauvres n'ont que cette simple cabane ; les riches un vrai bâtiment avec un vestibule, des chambres de repos (ils donnent sur des tapis ou des fourrures), une salle d'apparat qui est à la fois salon et cuisine. Au mur sont clouées les têtes des vaincus illustres ; d'autres, soigneusement embaumées à l'huile de cèdre, sont conservées dans des coffres, principaux meubles de la maison.
    Voici un banquet. Le chef ou l'invitant est assis au milieu, à égale distance de tous les égaux, car les Gaulois sont gens à protocole, à hiérarchie et à formalités. S'il s'agit de nobles, les hôtes sont accompagnés de serviteurs et d'écuyers qui se tiennent derrière eux portant les boucliers et les épées. Les femmes sont à part, mais elles paraissent à leur heure.
    L'assistance est propre et bien vêtue, car les Celtes ont grand soin de leur personne et ils n'ont pas peur de se baigner. Ils portent les cheveux demi-longs, relevés sur le front, quelquefois teints ou décolorés à l'eau de chaux.
    L'imagerie populaire leur prête de gigantesques moustaches tombantes à la façon des gendarmes de vaudeville. Le Gaulois mourant du Capitole n'a qu'une moustache très courte et les monnaies portent l'effigie d'un Vercingétorix glabre.
    Les hommes sont vêtus d'une chemise de lin, d'un pantalon long en laine (les braies), non pas flottant comme chez les Scythes, mais très ajusté, d'une blouse serrée à la taille par une ceinture et d'un manteau agrafé (la saie ou le sayon). Les chaussures, en très bon cuir, sont des chausses et non des sandales. Tout le costume est de couleurs vives et variées, car on sait cultiver un grand nombre de plantes tinctoriales, entre autres le pastel qui donne le bleu et la jacinthe qui donne le rouge.
    Le bijou le plus caractéristique est une sorte de collier serré que les Latins ont appelé torques parce que le modèle le plus simple est fait d'une tige de métal tordue. Les plus beaux sont en or, chargés d'ornements en relief.
    Les convives s'assoient sur des bottes de roseaux autour d'une table basse. Les viandes rôties à la broche, bouillies ou cuites à l'étuvée, sont apportées sur de grands plats en métal. Les convives saisissent les morceaux à pleines mains et y mordent à belles dents. De temps en temps, ils se servent d'un petit couteau pour couper un tendon ou trancher une articulation. Au menu figurent aussi des poissons, du pain avec des oignons et de l'ail, un brouet d'avoine et d'orge, des pommes et des noisettes.
    Le vin est, rare car il vient d'Italie ou de Grèce. On boit surtout du miel délayé dans l'eau, de la bière d'orge ou de blé, dans laquelle on a fait macérer des herbes aromatiques, notamment du cumin. C'est dans ces festins, semble-t-il, que survivaient avec leurs excès traditionnels le souci, le culte, la culture maladive de l'honneur. Les Romains s'étonnaient que presque toutes les beuveries gauloises s'achevassent en rixe. Mais c'est pour cela qu'on se réunissait.
    le père, maître absolu de sa famille
    On voudrait savoir comment les Gaulois vivaient en famille. Chacun d'eux se présente simplement comme le fils de son père Vercingétorix, fils de Celtic. Il n'existe pas de vocable familial et héréditaire.
    Selon César, le père est maître absolu de sa maison, de sa femme et de ses enfants mineurs, avec droit de vie et de mort. Pourtant, il n'achète pas sa femme. C'est elle, au contraire, qui lui apporte une dot, le mari la double d'un bien égal et ce patrimoine inaliénable, grossi chaque année du revenu, reste la propriété du survivant.
    Le mariage est une institution aussi régulière et rituelle que dans l'ancienne Rome. On peut supposer que la dignité de l'épouse, le respect de la mère, ont été sinon des faits constants, du moins des formules de vertus et de devoirs.
    Les Gaulois n'ont pas eu d'art plastique, mais un art industriel très estimable. Leurs armes sont belles. Leurs boucles de ceintures, agrafes, broches (ou fibules), vases de métal et vases de terre, témoignent d'un goût réfléchi pour l'ornementation géométrique. Surtout, ils ont inventé beaucoup, d'objets de première importance, qui sont restés en usage dans la vie domestique.
    Pour conserver le vin, ils remplacèrent les amphores de terre cuite, seules en usage chez les Grecs et chez les Romains, par les futailles en bois, douvées et cerclées. Gardé quelques mois en fût, le vin vieillit mieux, en prenant tout son bouquet. En outre, les tonneaux sont faciles à équilibrer et se prêtent à la manipulation.
    L'outillage agricole et artisanal doit encore aux Gaulois le char à bancs, la herse pour briser les mottes, le tamis en crin ne cheval ; la tarière à mèche en spirale, la grande faux pour les foins, enfin la véritable charrue.
    Le labour se faisait encore chez les Méditerranéens à l'aide de l'araire primitif, la charrue sans roue des peuples arriérés. Les hommes du nord imaginèrent autre chose : ils attachaient le timon à un avant-train muni de roues et par-devant le soc, ils suspendaient un coutre ou couteau, dont la partie acérée était dirigée vers le bas, pour trancher la terre compacte et amorcer le sillon.
    les dieux
    Les Gaulois avaient un grand nombre de dieux qui se mêlaient à tous les phénomènes de la nature. Certains étaient attachés à un lieu, à une fontaine, à une source, à un fleuve, à une forêt. D'autres se manifestaient partout. C'est ainsi qu'un dieu des eaux, Borvo, a donné son nom à la fois à La Bourboule, à Bourbonne-les-Bains, à Bourbon-Lancy et à Bourbon l'Archambault. On lui jetait des offrandes dans les étangs.
    Les petites gens avaient un culte particulier pour des déesses familières que les Gallo-Romains ont appelé les déesses mères. Elles dispensent et entretiennent la vie. Vêtues de longues robes, dans une attitude paisible et grave, elles tiennent sur leurs genoux ou dans leurs mains des corbeilles de fleurs, des cornes d'abondance ou des enfants nouveau-nés.
    Bien entendu, ces représentations sont postérieures el la conquête. Auparavant, les dieux avaient sûrement des aventures, un type, une physionomie, mais ils ne vivaient que dans les imaginations. Si les plus grands avaient déjà des statues, ce n'étaient que d'informes piliers de bois ou de pierre qui rappelaient le dieu, mais qui ne prétendaient pas le montrer.
    Les Anciens nous citent avec des signalements incertains quelques noms, mais nous ne savons même pas s'il s'agit des divinités d'un canton ou de divinités généralement reconnues. Teutatès signifie certainement le dieu du peuple. Esus signifie peut-être le seigneur. Taranis est le nom commun du tonnerre. On nous dit qu'ils formaient une triade. Comment s'articulait-elle ? Mystère.
    C'est à peine si, grâce à des figurations des temps gallo-romains nous entrevoyons quelques mythes. Esus, par exemple, est-ce le dieu bûcheron qui, sur l'autel trouvé dans la Cité et conservé au musée de Cluny, abat un arbre près d'un monstre, un taureau surmonté de trois grues, larvos trigaranos, vieille figure assurément puisqu'un comique athénien du IIIe siècle avant notre ère, au lendemain de l'invasion celtique qui avait failli submerger l'Orient, parle du trygéranon comme d'un animal redoutable qui ne se trouve pas en Grèce... 
    Les dieux participaient à tous les moments de l'existence terrestre. La naissance, les fiançailles, le mariage, les procès, la maladie, un voyage, la réception d'un hôte, la chasse, la guerre, le travail, exigeaient que l'un d'eux fût pris à témoin. Le calendrier trouve à Coligny nous montre que les mois et les jours avaient une valeur religieuse propre. L'espace lui-même était imprégné de divinité.
    les druides
    Aussi n'est-il pas surprenant que les prêtres, les druides, aient une telle place dans la société. Leur intervention dans le culte est souveraine et continue. Point d'acte important dans la famille ou dans la cité qui se passe de leur concours.
    II ne leur manque même pas l'arme terrible de l'excommunication, qui retranche le coupable de la vie régulière pour le vouer à l'exil et aux frayeurs. Aucune loi ne protège plus l'excommunié, aucune justice ne lui est due. Nul ne peut s'approcher de lui. Il est maudit à jamais chez tous les peuples.
    Les dieux gaulois sont avides d'or et de sang. D'énormes holocaustes d'êtres humains, prisonniers innocents, condamnés à mort, leur sont présentés à dates fixes et en cas de péril public. Esus demande que ses victimes soient pendues aux arbres, Taran aime les bûchers, Teutatès les noyades, d'autres les crucifixions.
    Et toujours les druides servent d'intermédiaires dans ce trafic sanglant. Ils sont en relation immédiate avec les puissances invisibles ; ils parlent en leur nom ; ils connaissent les paroles magiques, les incantations et les interdictions rituelles qui servent à les désarmer et à les séduire.
    En outre, les druides sont les éducateurs de la jeunesse ; ils n'instruisent pas seulement ceux qui se destinent à leur succession, mais tous les jeunes nobles qui viennent à eux. C'est une des singularités les plus remarquables de la société gauloise ; les fils des principaux de chaque nation sont soumis à un noviciat intellectuel qui est dirigé par des prêtres et qui a le caractère solennel d'une initiation. L'usage de l'écriture est interdit. Il faut écouter, retenir, apprendre par cœur, ne rien perdre des vérités révélées.
    Quel était le contenu de cet enseignement ? Il englobait sans doute le droit, les traditions épiques, la liturgie, l'histoire des dieux, l'art d'interpréter les présages. Mais les connaissances scientifiques des druides étaient fort courtes, tout juste suffisantes pour dresser un calendrier lunaire.
    Ce qui nous est parvenu directement d'eux est une sentence à trois membres, une triade comme les Celtes les affectionnaient : « Aimer les dieux, ne rien faire de bas, exercer son courage. » On peut en déduire que les préceptes moraux sur le sens de la vie tenaient une grande place dans les directions.
    pas de temple chez les Gaulois (1)
    Cependant, les druides possédaient une doctrine métaphysique. Ils croyaient à l'immortalité de l'âme et pensaient qu'au-delà de la tombe la vie continue sur des terres fabuleuses, vaguement entrevues dans les mers du couchant, d'où l'âme revient un jour pour être incarnée à nouveau. En somme, un capital constant et roulant d'âmes est distribué entre les deux mondes géminés et les échanges entre les deux se font vie par vie et âme par âme (H. Hubert).
    Pour le guerrier, la mort n'est qu'une introduction à d'autres exploits héroïques. Aussi emporte-t-il avec lui ses plus belles armes et ses plus riches parures. Bien entendu, les mystères sont le privilège du patriciat ; les leçons s'adaptent à la vie même de l'aristocratie, dont elles contribuent à conserver les vertus militaires et les privilèges sociaux.
    Cette religion sans livres et sans idoles fut aussi une religion sans temple bâti. Les lieux de réunion étaient des enceintes à ciel ouvert situées au sommet des montagnes dans les clairières des forêts.
    Une fois par an, les druides de toutes les cités s'assemblaient au pays des Carnutes, autour du grand prêtre et, après les sacrifices, ils se constituaient en tribunal d'arbitrage. C'est à eux qu'étaient portées les affaires de meurtre et d'héritage. Ils fixaient les sommes dont les meurtriers pouvaient racheter leur crime. Leur prestige et la crainte des dieux garantissaient l'exécution des sentences.
    Les druides ne forment pas une caste héréditaire. Ils sont un ordre de la société, mais aussi une confrérie, un collège que l'on a rapproché des confréries analogues qui ont existé chez d'autres peuples indo-européens, flamines et pontifes de Rome, mages iraniens, brahmanes de l'Inde.
    Enfin, ils représentent une institution internationale, commune aux Celtes de l'Occident, ceux de Gaule, et ceux de Grande-Bretagne sinon ceux d'Irlande que des savants disent avoir mené une vie indépendante. Par eux se maintiennent dans le monde celtique, continental et insulaire, les mêmes idées morales, les mêmes traditions mythologiques, les mêmes pratiques rituelles, les mêmes solutions juridiques, c'est-à-dire tout ce qui assure le fonctionnement de la société.
    La psychologie collective est un genre assez arbitraire. Cependant, on peut dire qu'avec tous ses défauts : crédulité, turbulence, bavardage, instabilité d'humeur, et de résolution, le Gaulois portait en lui le stimulant le plus énergique du progrès, le sentiment et l'orgueil de sa personnalité.
    pourquoi la Gaule a perdu son indépendance
    La grande faiblesse de la Gaule a été de ne pas former un corps de nation. Nous voyons, à la vérité, dans quelques circonstances les députés de plusieurs peuples se réunir en une sorte de congrès et se concerter pour préparer une entreprise commune, mais nous ne voyons jamais une assemblée régulière qui se tînt à époques fixes, qui eût les attributions déterminées et constantes, qui fût réputée supérieure aux différents peuples et qui exerçât sur eux quelque autorité.
    Les nations gauloises se faisaient la guerre ou concluaient des alliances, entre elles et avec l'étranger, comme font les États souverains. Il existait assurément un patriotisme supérieur fait d'éléments dissemblables, communauté de nom, de langue et de mœurs, relations commerciales et religieuses, mêmes façons de penser et de sentir, même code de l'honneur et de l'hospitalité. Mais ces liens assez lâches ne remplaçaient pas une entente politique.
    Dans l'intérieur même de chaque peuple, les esprits étaient divisés. « Les Gaulois, a écrit César, changent aisément de volonté ; ils sont légers et mobiles, ils aiment les révolutions. »
    Les désordres tenaient une grande place dans toutes les existences ; le pouvoir se déplaçait incessamment ; les intérêts, les convoitises, les dévouements, s'attachaient au parti plus qu'à la patrie ; l'amitié ou la haine d'une cité dépendait de celui que la dernière crise intérieure avait porté au pouvoir. Il n'est pas douteux que chaque homme n'envisageât l'intervention de l'étranger selon le bien ou le mal qu'elle devait faire à sa faction.
    Les divisions des Gaulois rendirent très facile la conquête romaine.
    Pierre Gaxotte de l'Académie française Historia janvier 1967
    (1) Contrairement à se que dit l'auteur, les celtes et donc les Gaulois avaient des temples.

  • Le « droit de conscience » est-il soluble dans la république hollandaise ?

    Quoi qu’on en dise, et quelque raison qu’on se fasse d’une décadence de la morale politique qui semble ne pas connaître de limites, entre tripatouillages et bidouillages à l’intérieur d’un même parti, palinodies tranquilles et cyniques au faîte du pouvoir, discrédit répété des institutions et des fondations de la République de la part même de ceux qui sont censés en assurer la solidité et la pérennité, rien ne nous est épargné. C’est ainsi que l’écurie Sarkozy est souillée de crottins, au point qu’on lui souhaiterait un Hercule, si l’on ne lui désirait davantage le sort que Samson avait réservé au temple de Dagon ; ce même Sarkozy, inquiété pour des sommes d’argent illicites ayant pu servir à financer sa campagne de 2007, et provenant de la générosité sénile de Liliane Bettencourt, a recours à la tactique qui lui a si bien réussi durant son mandat, de dénigrement du juge, et du mépris affiché pour l’institution judiciaire, pendant que, dans le même temps, une action en justice est diligentée pour y voir un peu plus clair dans les dysfonctionnement de Sciences Po, école « prestigieuse », pourvoyeuse d’une élite dont on fait les cadres de la vie publique, et dans l’organisation de laquelle personne, durant ces cinq ans pendant lesquels Descoings et sa mafia s’étaient évertués à saper l’enseignement national, n’avait rien perçu d’anormal. La gauche n’étant pas en reste dans cette course à l’infamie, elle qui criait à l’injustice lorsque l’on attentait à la retraite à 60 ans, elle qui voyait dans la « Règle d’or » et le traité de stabilité européen un obstacle scandaleux à l’indépendance des politiques nationales, elle qui dénonçait avec force rhétorique les mesures de prélèvements fiscaux portant sur la TVA, n’a pas fait mieux que de se renier à une vitesse qui a médusé ceux qui croyaient encore qu’elle était encore à gauche.

    Il est vrai que, depuis des lustres, notre classe politique apparaît comme une caste au-dessus de toute atteinte. La coupure avec le peuple, avec la nation, semble irréversible, et le déni de démocratie qu'a été le rejet sournois et méprisant du référendum de 2005 sur le projet de traité constitutionnel européen a été un révélateur éloquent de ce schisme. Un autre signe est la liste des membres de l'oligarchie qui passent à travers les gouttes de la justice; et quand bien même ils seraient atteints par quelque gouttelette, comme Ayrault, Désir et Juppé, on voit bien que leurs protections imperméables leur permettent de postuler aux plus hautes fonctions.

    La désaffection pour la chose publique, qui se traduit pas l’abstention et le vote pour des partis « protestataires », ainsi que par des sondages catastrophiques, ne laissent pas d’interroger sur la stabilité d’un régime qui se survit à lui-même, et qui ne semble plus avoir de légitimité que dans les liens qu’il tisse avec des puissances transnationales, occultes ou non, et dans le bruit des lobbies intérieurs qui saturent l’espace médiatique au point de faire croire à la profondeur de leur existence et de leur importance sociale. La farce dont a été victime récemment la notion, pourtant très grave, de « clause de conscience », en est une illustration, qui permet de juger par les faits la légèreté peu reluisante de ceux qui tiennent les rênes du pays.

    A l’occasion du Congrès des maires de France, le mardi 20 novembre, auguste assemblée qui, d’une certaine façon, incarne la France profonde, la France des 36 000 communes, le président de la République, François Hollande, a concédé, comme c’est le cas pour les médecins qui refusent de pratiquer des avortements, le « droit de conscience ». C’était une demande de plusieurs centaines d’élus locaux. Un brin de démagogie politicienne s’est bien lové dans cette protestation contre un « mariage pour tous » que les religions monothéistes considèrent, à juste titre, comme dangereux pour nos traditions et notre civilisation, puisqu’une pétition avait été organisée par Copé et le courant de la « Droite dure », comme l’on dit, mais cela n’enlevait pas à la revendication un caractère légitime qui rencontre un écho dans l’opinion.

    Or, dès le lendemain, les groupuscules, les comités bien en cour des pratiques sexuelles tous azimuts, les stars de la chanson politicienne, les maîtres chanteurs, les corbeaux des plateaux télé, les maquereaux des micros et les brouteuses de paillassons ministériels, bref, une brigade d’associations dont l’unique légitimité est leur financement public et l’appui puissant que le personnel médiatique leur apporte, sont montés sur la barricade pour entonner l’air déclamatoire de la République qu’on assassine.

    Le porte-parole de l'Inter-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans), après un entretien d’une demi-heure avec le chef de l’Etat, a proclamé : "Il n'y aura pas de liberté de conscience dans le projet de loi sur le mariage pour tous qui sera présenté". Et Hollande d’obtempérer : « La loi doit s’appliquer partout… ».

    On n’est pas plus conciliant et obéissant.

    Noël Mamère avait prévenu : "Cela signe la victoire idéologique de la droite". Il avait jugé qu’"en cédant aux maires les plus ultra, François Hollande [faisait] preuve d'une mollesse politique inexplicable". Mieux vaut sans doute la mollesse devant des minorités qui semblent chez elles dans les ores de l’Elysée…

    Ce même Mamère s’était illustré en célébrant symboliquement un mariage homosexuel dans la mairie de sa bonne ville de Bègles, et cela en enfreignant clairement le règlement qu’il invoque maintenant, et qui enjoint effectivement aux représentants de l’Etat de respecter formellement les lois de la République.

    Faut-il rappeler à une gauche qui, parvenue au pouvoir, se sent soudain pourvue d’un devoir rigoureux – et menaçant – de rappel à la loi, qu’elle avait fait de la « désobéissance civile » un cheval de bataille, un fonds de commerce ? Souvenons-nous que dans les écoles, les instituteurs arguaient de leur droit de citoyen pour refuser d’évaluer les élèves, que des associations soutenaient les sans papiers, les cachaient aux forces de police, que l'association "droit au logement" organisait, sans qu'il ait eu protestation des partis de gouvernement, gauche comprise, l'occupation illégale d'appartements, que des faucheurs de maïs transgéniques narguaient l’Etat (à bon droit, me semble-t-il), que, plus anciennement, des femmes ont revendiqué des interruptions de grossesse quand cette pratique était illégale, et encore plus lointainement, que des militants de gauche ont apporté leur soutien à des nationalistes algériens, lesquels tiraient sur nos soldats. Inutile de rappeler aussi que les pussy riot, ce groupuscule d'agit prop occidentaliste et financé par des organisations américaines, sont soutenues par tout ce que la planète libérale compte de bonnes âmes éprises de libertés infinies - dont celle, probablement, du renard dans le poulailler. On a vu le Ministre de l'Egalité des territoires et du Logement, Cécile Duflot, ridiculiser sa fonction en arborant une cagoule à la manière de cette secte hystérique.

    Quel drôle de déclaration de la part de Hollande, d’ailleurs, qui, le 11 novembre, réhabilitait des mutins de la Grande Guerre ! Au nom de quoi donc certains s’étaient-ils refusé à aller combattre ? Si l’on fait la part de la lâcheté, finalement compréhensible humainement dans cette situation, il est sûr que plusieurs auraient pu se réclamer de la « clause de conscience ».

    N’est-ce pas d’ailleurs le principal reproche qu’on adressa à maints serviteurs de l’Etat durant l’Occupation, cette obéissance totale aux commandements, sans qu’il y ait eu de leur part une réaction morale, une hésitation, en toute conscience, à suivre des ordres criminels, comportement certes répréhensible (mais cependant à relativiser, pour quelques-uns) qui leur valut la honte, le mépris, souvent la prison, parfois la mort ? Et ne trouve-t-on pas admirable l’engagement de Français, de droite et de gauche, qui, mus par leur cœur et leur conscience, rejoignirent les rangs de la Résistance ? Il est plaisant de constater que le PC, soi-disant « parti des fusillés », le Front de gauche, de Mélenchon, les chefs du parti socialiste et les ministres, se réfugient derrière la sacro-sainte force de la loi, quand toute leur culture politique, du moins de façon déclamatoire, pour le moins, en conteste la validité absolue.

    Bien sûr, comme en tout comportement humain, dans cette longue complaisance avec la révolte contre la loi, il faut faire la part de l’hypocrisie, de la tartufferie. « On a toujours raison de se révolter » était un leitmotiv de la gauche. On n’allait pas plus loin, bien souvent, et l’essentiel, au fond, était que l’on fût contre le système, et que l’on contribuât à l’abattre. Qui se parait de la défroque du rebelle cachait mal les paillettes du spécialiste de la politique, qui, dans la société du spectacle, on le voit maintenant, se trouve comme un saltimbanque en foire.

    Toutefois, bien que ces choses aient été trop longtemps souillées par des motifs peu avouables, il reste dans la « clause de conscience » l’héritage fort honorable d’une tradition qui est le fond de notre civilisation, d’Antigone et Socrate à saint Thomas, de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui reconnaît le devoir d’insurrection, à la Résistance contre la tyrannie nazie, à laquelle se réfère volontiers le régime actuel, qui est fort loin d’être à sa hauteur.

    Qu'on le veuille ou non, et les LGBT peuvent couiner (le terme est de l’élégant Peillon, qui l’applique à ses adversaires) comme ils-elles- ? veulent, la question du mariage présente des problèmes que les repus, blasés, sceptiques, athées, matérialistes, cyniques, parvenus et tannés par la savonnette à vilains ne peuvent, ne pourront jamais comprendre parce qu’ils ne croient en rien, hormis dans la finance, dans leurs certitudes de Bouvard et Pécuchet, leur hédonisme du prisunic, et leur morale à la Homais.

    Claude Bourrinet http://www.voxnr.com/

  • Zemmour et Buisson responsables de l’explosion de l’UMP selon Domenach (vidéo i-Télé)

    i>Télé, Ca se dispute, 24/11/12

    « Je pense qu’il faut que l’UMP explose. »

    Eric Zemmour

  • Les entretiens de Franck Abed - Le Complot Mondialiste par Philippe Ploncard d'Assac

  • Novembre 1918 - Novembre 2012

     Novembre 1918: consécration sanglante de la première boucherie capitaliste mondiale

    Novembre 2012: dévoilement accompli des impostures politiques du délire obamaniaque renouvelé

    «La Commune ne fut pas une révolution contre une forme quelconque de pouvoir d'État, légitime, constitutionnelle, républicaine ou impériale…Elle fut une révolution contre l'État comme tel, contre cet avorton monstrueux de la société ».

    Marx, Adresse sur la Commune,1871

    En un cercle historique de près d’un siècle, l’histoire mythologique qui défigure systématiquement l’histoire du vrai pour lui substituer partout le monde du réel inverti n’a pas cessé de poursuivre sa route pour persuader les êtres que leur seul avenir possible se nommait travail de l’avoir et qu’il n’y avait d’autre horizon que celui du paraître dans la société fétide du calcul, du décor et de l’échange.

    L’objectif essentiel du spectacle de la domination capitaliste est d’anéantir toute compréhension de ce qui fait l’être de l’histoire vivante de telle sorte que la dictature démocratique du marché puisse organiser avec magnificence la totale ignorance de tout ce qui advient par la falsification complète de la totalité de ce qui s’est passé.

    Des millions de prolétaires d’Europe ont été massacrés entre 1914 et 1918 pour permettre au despotisme mondial de l’économie de résorber sa surproduction par un repartage militaire des marchés autorisant ainsi le nouveau monde américain du fétichisme financier à commencer à s’emparer d’une vieille Europe saignée à blanc.

    L’union-sacrée charognarde de toutes les factions politiques de gauche et de droite a ainsi clairement prouvé – par delà et contre les quelques groupes ouvriers radicaux qui refusèrent la grande tuerie impérialiste – que l’État est toujours le lieu central de l’esclavage et du mensonge et que les cimetières militaires de la guerre ne sont que la sordide continuation logique des usines salariales de la paix…

    Le mouvement ouvrier révolutionnaire fut détruit par l’action conjuguée du capitalisme bolchevique et de la domination enfin totalement pleinement réalisée de la souveraineté marchande, le premier étant l’expression encore archaïque de la fusion étatico-financière que la modernité économique de la seconde a enfin aujourd’hui entièrement accomplie comme aboutissement le plus spectaculaire du pouvoir absolu de l’argent.

    Le règne autocratique du marché démocratique est la forme supérieure de la dictature puisque c’est la dictée insidieuse qui va au plus profond de l’intime en supprimant absolument tout ce qui n’est pas conforme aux intérêts de la criminologie organisée de l’usurpation chosifiante et de la mise en forme planétaire de l’ignorance et de l’idiotie qui la justifient.

    La science des légitimations de l’inauthentique pratiquée à profusion par le gouvernement du spectacle mondial de la marchandise implique un illusionnisme de masse, une manipulation permanente et une falsification obscurantiste forcenée qui font de la démocratie le diktat le plus achevé du totalitarisme de la quantité et du contre-sens.

    La gauche du capital a toujours été ici le centre actif du déploiement social capitaliste. Souplesse social-démocratique et rigidité bolchevique correspondaient chacune antagoniquement mais complémentairement dans leurs sphères de nuisance respective aux conditions contre-révolutionnaires du développement vers la domination réalisée de la tyrannie de la valeur. Le mouvement ouvrier cadenassé politico-syndicalement fut ainsi l’expression de la mystification généralisée de la valeur se valorisant vers l’apogée de la raison pratique marchande.

    Toutes les organisations de gauche et leurs sous-fifres gauchistes (trotskistes, maoïstes et libertaires) qui constituent, de fait, l’extrême gauche de l’appareil politique du capital n’ont jamais servi qu’à contenir, torpiller et détourner les luttes ouvrières. Dès lors, le mouvement ouvrier politico-syndical n’est rien d’autre que le conducteur réel du mouvement de perpétuation des prolétaires en tant que prolétaires, c’est à dire en tant que servile catégorie aliénée de l’économie politique.

    Ainsi, la gauche constitue la force d’encadrement et de discipline de la classe ouvrière qui permet que dans le couple travail-capital, ce soit l’activité domestiquée du travail qui se trouve finalement la plus active et qui, par la prison réformiste des duperies de la revendication, fasse sans cesse se reproduire son ennemi inséparable: le capital.

    La gauche représentante du mouvement moderniste du capital est ainsi l’avant-garde de la droite. La première trace pour la seconde les chemins les plus novateurs de la socialisation aliénatoire et aujourd’hui – dans la fusion idolâtre de l’économie et de la politique, les mafias de gauche et de droite ont fini par professionnellement se fondre et se confondre dans un magma excrémentiel fraternel tout entier soumis aux impératifs du gouvernement du spectacle mondialiste.

    Conformément à la place qui lui revenait dans la mise en scène des rapports de production de la servitude, l’union sacrée de 1914 ( reconduite de façon encore plus paranoïaque en 1939 !) permit de faire marcher le prolétariat européen tout droit à l’hécatombe afin qu’il se fasse massacrer avec enthousiasme pour résoudre la crise de surproduction d’alors et relever ainsi le taux de plus-value.

    Les crapules politiques de droite et leurs confrères, canailles de gauche, tous ensemble et en parfaits chiens de garde de la misère marchande organisèrent ainsi la mort de neuf millions d’êtres humains, chair à travail cérémonieusement reconvertie en chair à canon…

    Et lorsqu’à la fin de cette guerre interminable qui allait consacrer le futur royaume du dollar, surgirent dans de nombreux pays d’Europe, des conseils ouvriers qui remirent en cause la marchandisation de l’humain, c’est bien entendu le Parti Social-Démocrate en Allemagne ( qui écrasa la Commune de Berlin !) et le Parti bolchevique en Russie ( qui brisa la commune de Kronstadt !) qui planifièrent de conserve l’orgie sanglante par laquelle furent éliminés des milliers et des milliers d’émeutiers de la vie

    Et pendant des décennies, les héritiers de Lénine, passionnés de fordisme et bénis par les oligarques deWall Street, ne cessèrent de tuer de mort lente ou de mort rapide des millions de prolétaires, simple matériel tragique pour l’accumulation capitaliste d’État.

    Le maintien de l’ordre capitaliste de l’abondance du faux, ayant régulièrement besoin pour aménager le territoire de ses crises de surproduction, d’enclencher de nouvelles redistributions des marchés, il était inévitable qu’un deuxième abattoir mondial fasse suite au premier. Le mouvement d’innovation technologique du bourrage de crâne allait donc faire là des prodiges jusqu’à rendre impossible toute pensée critique au-delà de quelques rares catacombes.

    Les experts universitaires et médiatiques de la falsification spectaculaire nous enseignent chaque jour que les seules paroles autorisées sont celles qui reproduisent et confirment le dire de la tyrannie marchande.

    Le terrorisme d’État est aujourd’hui le laboratoire le plus perfectionné du gouvernement du spectacle mondial. L’empire américain qui a gagné la deuxième tuerie mondiale résume là parfaitement les contradictions sociales de la planète en son entier. Ayant asservi l’Europe et le Japon à sa sphère de commandement géopolitique, la Maison Blanche ne peut désormais neutraliser leurs potentiels économiques que par la manipulation monétaire, l’infiltration secrète et la terreur de masse sous fausse bannière.

    A mesure que la crise financière du capital fictif, va révéler l’impossible rencontre entre l’illimité besoin du développement de la marchandise et l’incontournable limite des solvabilités réelles, l’empire du billet vert dont le déclin est dorénavant établi, sera amené – pour essayer de préserver son hégémonie - à engager – dans tous les espaces de sa territorialité matérielle et symbolique - de vastes coups montés terroristes dont le 11 septembre n’était qu’un simple prodrome vers tous les tripotages, manœuvres, magouilles qui , des plus grands ou plus petits, sont venus ici et ailleurs nous construire jusqu’en en France d’extraordinaires cinématographies comme celles notamment de l’incroyable et déconcertante affaire Merah

    La deuxième arrivée d’Obama à la Maison Blanche, après un premier mandat de totale ineptie visible arraisonné à tous les diktats de la marchandise totalitaire et avec toute la notoriété de spectacle iconologique mise en scène vient dire ici qu’à bout de souffle, les mécanismes de légitimation de l’absolutisme du spécieux n’ont plus désormais pour seule plaidoyer envisageable que les mythologies pourtant de plus en plus essoufflées de la société métissée.

    Dorénavant, à l’heure où l’ordre américain vient tout à fait publiquement racoler dans les banlieues françaises pour organiser des voyages transatlantiques d’embrigadement culturel pour les leaders de quartiers, le rêve américain de la diversité capitaliste apparaît bien comme le pire opium du temps présent.

    L’empire central de la pourriture capitaliste en ses progrès les plus ignobles dès lors qu’il est dirigé par un noir de théâtre se voit ainsi transmuté oniriquement en un idéal suprême pour tous les domestiques du spectacle de l’artifice et de la farce. Obama, créature de commande de la finance mondialiste, s’est donc immédiatement empressé quelques heures à peine après sa réélection, de promettre à ses créateurs qu’il ferait bien ( encore et encore !) du Bush en pire et en plus grand afin que l’emprise américano-israélienne sur le monde aille avec lui encore toujours plus loin qu’avec son prédécesseur.

    Pendant ce temps, la classe capitaliste œuvre en Europe, pour déprécier de manière forcenée le coût du travail, en tentant d’annihiler l’inconscient collectif des restes de l’héritage communard…Elle transfert donc les entreprises ailleurs et elle délocalise aussi et d’abord sur place ici en recourant massivement à l’armée industrielle de réserve analysée très pertinemment par Marx.

    Cette armée de réserve colorée, valeur suprême des rêves métisses du monde de la valeur, permet là une manœuvre décisive car les populations concernées sont par définition issues de temporalités non-critiques structurées autour d’une vision historique fermée. Il est donc relativement facile de les intégrer à la liberté du commerce de l’aliénation généralisée puisque l’ immobilité de leur relation au monde trouve son répondant moderne dans le culte de l’apathie marchande et dans la passivité de l’enfermement consommatoire, unifiés dans un nouveau temps arrêté par l’éternel présent du fétichisme appropriateur.

    Quoi donc de plus normal qu’ Obama, prix Nobel exceptionnel du spectacle de l’avoir et grand maton des mouroirs de Guantánamo, Gaza, de Kaboul et de Bagdad, qui nous explique que le capitalisme de couleur est l’avenir du monde, boucle de la sorte la boucle des mystifications régnantes et soit là la coqueluche persistante de tous les laquais du MEDEF puisque la régularisation des sans-papiers et l’africanisation de l’Europe offrent à la classe capitaliste cette armée de réserve soumise et bon marché dont celle-ci a besoin à mesure qu’elle entend se débarrasser des vieilles contestations et insurrections ouvrières européennes qu’elle entend surtout ne jamais voir renaître…

    La boucherie de 14-18 a liquidé physiquement des millions de prolétaires pour que persiste le cycle d’abomination de l’exploitation humaine. L’idéologie obamaniaque persévérante d’un capitalisme américain de plus en plus pourri et de plus en plus toxique - en tant que stade supérieur d’élimination de la critique ouvrière radicale - entend éradiquer la possibilité même que cette exploitation soit contestée puisqu’au saint nom idéologique de l’économie politique métisse, la messe antiraciste interdit que l’on puisse critiquer les substitutions industrielles de population qu’échafaude la Sainte-Alliance du Capital pour faire disparaître le vieil esprit des traditions subversives européennes…

    A l’heure où la mystique marchande s’est cristallisée dans le projet mondialiste obligatoire du salariat pluriethnique et de la jouissance par la tune, l’heure est bien à la mort programmée de l’ouvrier européen archaïque qui, lui et lui seul, a su dire massivement en sa longue histoire de lutte de classes radicale que la vraie vie n’a pas de prix et qu’il convient – pour retrouver l’être vrai de l’humain – de balayer révolutionnairement l’ assujettissement au salariat et à l’argent.

    Dés lors, en refus de la société marchande qui est toujours déshumanisation de l’homme et contre l’État, qui n'est partout et rien d'autre que le capital concentré en force d'oppression et de domination, il faut redire l’invariance subversive de ce qui permet l’émancipation humaine: l’émergence du vrai vivre de la communauté anti-marchande.

    Ainsi, comme on le voit, et comme on l’a continuellement vu et revu et malgré les secondaires et grotesques conflits de chapelle, lorsqu’il il s'agit d'embrigader les prolétaires dans la mobilisation générale, les préparatifs de guerre, l'union sacrée idéologique ou militaire les gauchistes comme tous les bolcheviques et les sociaux-démocrates se rejoignent en rigoureux serviteurs de la dictature démocratique du marché. Ils sont tous d'accord pour faire participer le prolétariat à la guerre impérialiste, à ses préparatifs et à ses pièges. Les uns dénoncent les autres, les autres dénoncent les uns, mais en réalité ils se retrouvent tous du côté... du leurre antiraciste de l’actuelle guerre du Capital contre le prolétariat…

    En 1918, c’est dans les tranchées que l’économie de la captivité alla écraser militairement le mouvement prolétarien combattant pour aller ensuite récidiver en plus grand et en plus fort à partir de l’an quarante, dans les bombardements stratégiques de l’incommensurable industrie démocratique de la mort pour tous… En 2012, c’est le diktat de la discrimination positive qui exile le prolétariat indigène hors de sa propre histoire pour qu’un nouveau salariat de bonne couleur et de soumission assurée vienne faire fructifier les grandes surfaces normalisées de la bêtise marchande.

    Contre la catastrophe capitaliste accélérée qui s’annonce, il convient d’agir exclusivement de manière organisée et consciente en comprenant que les polices de l’antiracisme d’État n’ont pour seul objet que de permettre le remplacement des grèves sauvages de jadis par l’immigration de marchandises humaines purement consommatoires.

    Si la colère ouvrière des usines quand elle déborde les chiens de garde syndicaux fait trembler l’autocratie capitaliste, les troubles pro-marchands des banlieues rappellent toujours qu’il existe une profonde et allègre solidarité entre les appropriateurs glauques des bas-fonds et les hauts-fonds distingués de la propriété.

    Le sidérurgiste lorrain qui en mars 1979 brisait les vitrines boutiquières du Paris grand-commerçant en hurlant sa haine de la marchandise représente l’ennemi absolu du pouvoir de l’argent et c’est pourquoi ce dernier déteste celui-là alors même qu’il vénère le casseur black-beur abruti du 9-3 qui fait de chacun de ses fric-fracs un hymne à l’idolâtrie du fric et du trafic.

    L’allogène marchandise humaine venue du Sud n’a pour seul et pauvre objet que de venir participer d’une manière ou d’une autre à la jubilation marchande des avidités spectaculaires du posséder et c’est la raison intéressée pour laquelle le système de l’acquérir l’adule pendant qu’il a en horreur le glaiseux et anachronique prolétaire de l’avant qui quand il s’emporte sait – et lui seul – conchier la pestilence des corruptions marchandes.

    L’antiracisme totalitaire de la marchandise est là le pire produit du racisme car il vient décréter que la lutte des classes doit être interdite lorsqu’elle ose signifier que désormais le prolétaire blanc est inférieur en tout et doit sortir de l’histoire puisque c’est seulement lui qui – depuis des siècles de combat et d’insurrection – a clairement ciblé l’essence de la société du falsifiant spectaculaire.

    L’immigrationnisme n’est rien d’autre que le stade suprême de l’impérialisme de la marchandise !

    NON AU CARNAVAL DU METISSAGE MARCHAND !

    A BAS LA GUERRE ET A BAS LA PAIX, CES DEUX FACES COMPLEMENTAIRES DE L’ABJECTION CAPITALISTE !

    A BAS TOUTES LES UNIONS SACREES DU CAPITAL !

    L’Internationale, Gustave Lefrançais ( novembre 2012)  http://www.scriptoblog.com

    etre_avoir_gd

    A découvrir aux éditions Le retour aux sources: "L'être contre l'avoir" par F.Cousin

  • Todmorden, un exemple à suivre de très près

    Autosuffisance, potagers communs, partage alimentaire, autarcie régionale, formation à la botanique et à la biologie.