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  • La rigueur ? Pas pour tout le monde !

    Au moment où il est demandé à tous les Français, et d'abord à ceux qui ont toujours payé, travaillé, sans jamais avoir bénéficié du moindre assistanat, de combler la dette provoquée entre autres par le coût de l'immigration, une mesure qui fonctionne (le jour de carence, qui réduit l'absentéisme dans les hôpitaux) va être abandonnée.

    Lu dans Le Figaro:

     

    « La Fédération hospitalière (FHF) est attachée au maintien du jour de carence». Dans une lettre adressée au ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, les hôpitaux publics s'inquiètent de la remise en cause par les syndicats de ce dispositif qui, selon eux, a démontré son efficacité. « Ce dispositif a amélioré la prise en charge des patients grâce à un ‘présentéisme' renforcé», explique la FHF.

    Efficacité économique, tout d'abord. Il y a cinq mois, la FHF avait calculé que le jour de carence permettait aux hôpitaux d'économiser entre 65 et 75 millions d'euros par an. Un chiffre non négligeable au regard de leur déficit qui, bien qu'en baisse, s'est élevé à 487 millions en 2011. Efficacité organisationnelle, ensuite. Selon deux études réalisées auprès d'établissements représentant entre 20% et 24% de la Fonction publique hospitalière, la FHF a constaté que la mise en place du jour de carence a réduit le taux d'absentéisme entre 3% et 7%. Quelques établissements ont même constaté une baisse pouvant aller jusqu'à 20%, explique la FHF.

    Cette baisse reste toutefois insuffisante quand on sait que le taux d'absentéisme dans le secteur hospitalier, en hausse depuis cinq ans, varie entre 10% et 14%, en fonction de la taille des établissements, selon SOFCAH, l'assureur spécialisé dans l'hôpital.

    Le secteur privé de la santé est également touché par un absentéisme record. Selon une étude publiée début septembre par le cabinet Alma consulting group, qui exclut du calcul maternité et enfants malades, le taux d'absentéisme culmine à 24 jours dans les établissements privés, contre 14 en moyenne dans les entreprises françaises. La faute, selon ces consultants, «à la féminisation des équipes, au management, à l'organisation du travail, ainsi qu'aux contraintes économiques et budgétaires que connait le secteur. »

    http://rivarol.over-blog.com

  • On achève bien les truies

    On achève bien les truies
    À force d’être capable de tout, les médiacrates(1) finiront-ils par rendre sympathique Dominique Strauss-Kahn ? Impossible ? Voire… Lorsqu’ils avaient affaire à l’ex-patron du FMI, ex-prétendant à la Fonction Suprême et ex-mari de la richissime Anne Sinclair, combien d’entre eux ont-ils jamais osé une ligne ou une parole désagréable à son encontre ? C’est un euphémisme de dire « bien peu »…(2)

    Aujourd’hui, pas un média auto-proclamé d’informations n’est en reste pour brocarder ses frasques sexuelles, réelles ou fantasmées, quelle que soit l’heure d’écoute…

    L’énième péripétie judiciaire de DSK, cette fois en tant que victime d’atteinte à sa vie privée, prouve à nouveau l’abjection de certains médiacrates. Non pas pour les révélations scabreuses – fictives pour la plupart – contenues dans le livre Belle et Bête, mais pour la personnalité de son auteur, Marcela Iacub, soit une « juriste », « principalement connue pour sa défense d’idées à contre-courant du féminisme dans ses expressions socialement majoritaires », tel que présentée par le Who’s who le plus lu à notre époque, soit l’encyclopédie sur internet Wikipédia.

    On ne savait pas qu’une liaison avec un obsédé sexuel soit « socialement majoritaire » chez les représentantes d’un sexe qu’on imagine bien peu faible en l’occurence… surtout quand l’obsédé en question, dixit Marcela Iacub, n’a qu’un très lointain rapport avec le Casanova historique de Venise, mais bien davantage avec le personnage d’Edmond le cochon.(3)

    Un tel livre promis aux latrines de l’édition n’aurait sans doute pas bénéficié d’un tel battage médiatique s’il n’avait été annoncé en Une du Nouvel Observateur, l’hebdomadaire de prédilection de la gauche dite intellectuelle… ce qui ne peux surprendre que ceux qui ignorent qu’« en 1985, pour renflouer les caisses du Nouvel Observateur en difficulté, Claude Perdriel (lança) le 3615 JANE et ALINE, deux services de “messageries roses”. »(4)

    Rien d’étonnant donc à ce que ce fleuron de la presse progressiste assure à Marcela Iacub une telle promotion… et pour ne pas être en reste avec celle du quotidien Libération auquel elle collabore régulièrement…

    A ce sujet, toutefois, la Société civile des personnels de Libération (SCPL) a publié un texte de réprobation suite à la publication de plusieurs pages « Événement » consacrées au livre Belle et bête qui « dérogeait à la règle déontologique longtemps en usage à Libération, selon laquelle on réserve un traitement minimal aux ouvrages de (ses) collaborateurs. »

    Comme quoi, même chez les gauchistes salariés d’Édouard de Rotschild, certaines pratiques soulèvent le cœur et font déborder le pot de chambre du copinage promotionnel.

    On sait ce matin que les avocats de DSK ont obtenu ce qu’ils espéraient… Outre 50 000 euros de l’auteur et de l’éditeur – ce qui n’est pas chère la publicité faite au lancement du livre – il y a l’obligation, bien plus grave, de faire figurer un « encart » sur la moitié de la une du Nouvel Obs, qui en avait publié les bonnes feuilles – humiliation dont l’hebdomadaire n’a guère l’habitude – et surtout dans chaque exemplaire du livre controversé, alors qu’à « l’audience mardi matin, l’avocat des éditions Stock Me Christophe Bigot avait prévenu qu’il était “matériellement impossible” d’insérer un encart dans les 40 000 premiers exemplaires déjà mis en place dans les librairies. »(5)

    La note risque donc d’être conséquente pour l’éditeur.

    Après l’admiration (pour certains), la fascination (pour quelques-uns), le dégoût (pour la plupart), Dominique Strauss-Kahn est-il en passe de susciter la pitié (pour beaucoup) face à l’acharnement démentiel que certains déploient à son encontre ? Acharnement qui n’a plus rien de politique, encore moins de moral, mais répondant uniquement à des motivations « sonnantes et trébuchantes ».

    En exploitant sur la place publique sa coucherie avec DSK, Marcela Iacub aura en tout cas prouvé que si tous les hommes ne sont pas des gentlemen, ce qu’on savait, toutes les femmes ne sont pas non plus des « gentlewomen », ce que beaucoup découvrent sans doute avec stupéfaction. Seul(e)s les inconditionnel(le)s de la parité apprécieront. Peut-être…
    Philippe Randa http://www.voxnr.com
    Notes :
    (1) « Le terme médiacratie est une expression récente utilisée pour décrire un régime politique ou une organisation de la société où le pouvoir serait détenu par les médias (télévision, radio, presse écrite, Internet…) » (www.toupie.org).
    (2) En dehors des journaux d’opinions hostiles à l’étiquette politique de DSK qui ne pourfendaient l’intéressé, comme il se devait, que par rapport à son action publique, citons, puisqu’il le mérite bien, Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles qui « le premier, en 2007, écrivit sur son blog, le tout premier chapitre du roman vrai de la vie de l’ancien patron du FMI. Au nom d’une transparence revendiquée, Jean Quatremer s’est battu pour que tombe l’omerta, ce tabou qui voit la presse française protéger la vie privée d’une classe politique prompte à l’instrumentaliser quand le besoin s’en ressent. Sexe, mensonges et médias (Éditions Plon), se veut ainsi un regard critique sur les réflexes d’une classe journalistique qui aura protégé DSK comme un seul homme, quand il était au pinacle. Avant de le broyer une fois sur le banc des accusés, de New York à Lille » (http://blogs.lexpress.fr).
    (3) « Bande dessinée animalière humoristique, créée en 1978 par Jean-Marc Rochette et scénarisée dès 1979 par Martin Veyron. Roi de la loose, Edmond est avant tout terrifié par l’idée de finir en saucisson. Et ce ne serait que justice pour cet animal pervers, vénal, profondément lâche, jaloux, lubrique et on en passe… Farce d’une puissance humoristique exceptionnelle, cet avatar français du Fritz the cat de Crumb est un monument de contre-culture trash et décadente » (http://fr.wikipedia.org).
    (4) www.lanouvellerepublique.fr.
    (5) www.franceinfo.fr.

  • Tragédie yougoslave : L'Europe, les États-Unis, la Russie et la Yougoslavie ; par Pierre M. GALLOIS

    Article rédigé en 1994 pour la Revue d'Europe Centrale.

    Avec un décalage de près de quarante ans, cette fois non plus à cause du Canal, mais de l'ex-Yougoslavie, Paris a réussi un doublé inattendu : le "coup de Suez". 

    Pierre M. GALLOIS.jpgC'est-à-dire faire les frais d'une expédition militaire et y souffrir des pertes pour constater qu'il revient à nouveau aux États-Unis et à la Russie de négocier le règlement d'une crise que l'on n'a pas su prévenir, encore moins conclure. 

    Et, de surcroît, devoir admettre que les pourparlers aient lieu à Bonn, origine du drame yougoslave et à Vienne, par où transitaient les armes inondant les Balkans en dépit de l'embargo. Enfin, voir rejeter les plans d'organisation de la Bosnie qui avaient l'approbation des nations — dont la France au premier chef — qui contribuèrent activement à la sauvegarde des populations les plus meurtries par la guerre. Gribouille n'aurait pas fait pis. 

    Le 5 février 1994, au soir, le jour même où la destruction du marché de Markale causa la mort de 68 personnes et en blessa 197, le président de la République et le Premier ministre s'accordèrent sur la nécessité d'agir, d'en appeler aux principales nations concernées par le drame des Balkans afin que, par l'action, l'on réponde à l'attente de l'opinion publique. Il est vrai que mise en condition par une intense propagande — dont on évoquera plus loin les sources — profondément émue par cette tuerie, la population réclamait des mesures immédiates, y compris l'usage de la force. En démocratie, la règle est d'entendre l'électeur même, et surtout, s'il a été quelque peu abusé par la "désinformation". Mais si puissante et si convaincante qu'elle ait pu être, il n'en demeurait pas moins que Sarajevo était assiégée depuis des mois et que, chaque jour, on y mourrait par le fer et par le feu. 

    Solliciter l'ONU ? Les Résolutions précédemment votées permettaient le recours à la force (interprétation de la Résolution 836 de juin 1993). C'eût été risquer un veto russe. Et puis, régulièrement et consciencieusement informé de la situation locale par les chefs militaires de la FORPRONU, le Secrétaire général se serait montré réservé. ("Toutes ces gesticulations à propos de frappes aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un accord, elles ont envenimé la situation", déclarait le général Francis Briquemont.) Que demander aux Douze qui n'ait déjà été fait. Assez paradoxale était la démarche française, la France ayant, à terre, en ex-Yougoslavie, le contingent le plus nombreux et l'un des plus exposés à d'éventuelles représailles, la retenue britannique paraissant mieux inspirée. Mais l'opinion publique réclamait que l'on mit un terme à l'inaction.

    Aussi, le lendemain de la triste affaire de Markale, le ministre français des Affaires étrangères s'adressa-t-il à son collègue américain. Difficile requête pour Paris : on n'y avait cessé de revendiquer la reconnaissance de l’"identité de défense européenne", des pouvoirs et des moyens (?) de l'UEO, l'emprise militaire américaine sur l'Europe devant leur faire place. Et voici que pour une guerre spécifiquement européenne, ensanglantant une région dont M. Clinton avait dit qu'elle ne présentait pas d'intérêt stratégique pour les États-Unis, voici que Paris demandait à Washington de prendre l'initiative d'un ultimatum adressé aux Serbes, éventuellement suivi d'interventions aériennes. À Bruxelles, le ministre français de la Défense afficha la détermination de Paris. "On nous dit, déclara-t-il en substance, que la présence de la FORPRONU interdit que nous frappions en utilisant la force aérienne. Intenable position..." Sous-entendu il convient de passer outre et d'en venir à la menace d'emploi de la force si l'ultimatum n'est pas suivi d'effet. "On nous dit" ? C'est bien l'opinion qui le disait, lassée des souffrances indéfiniment tolérées de la population de Sarajevo. 

    À Washington l'appel fut entendu. Certes, aussi longtemps que seuls Serbes et Croates s'affrontaient, la Maison-Blanche demeura passive. Il y eut bien, de sa part, quelques velléités d'agiter la menace aérienne, mais devant les objections de Paris et de Londres, Washington sembla se désintéresser des événements des Balkans. Et cela jusqu'à ce que, gagnant la Bosnie, la guerre mobilise à nouveau le Département d'État. Les intérêts pétroliers américains sont assez puissants pour que l'allié musulman soit secouru. Pour les États-Unis, la démarche française présentait l'avantage de justifier l'Otan — en dépit de la disparition du Pacte de Varsovie. Elle répondait à l'attente de Bonn, l'Allemagne étant désireuse d'étendre la garantie américaine à ses voisins de l'est et du sud. La démonstration était faite que l'Amérique était bien la seule superpuissance et, qu'à ce titre, il lui revenait de contribuer à rétablir un "ordre international" convenable là où il était gravement menacé. L'intervention des États-Unis renforçait également l'allié turc et elle allait appuyer la présence en Macédoine du petit contingent qui y avait été dépêché. Bref, les Européens invitaient les États-Unis à jouer un rôle dans les Balkans mettant en évidence leur leadership en Europe. À l'initiative de la France. 

    Nous sommes directement concernés, affirma alors Bill Clinton, qui disait le contraire l'année précédente. Préparé depuis longtemps à intervenir en Yougoslavie — et déplorant de ne pas y avoir été invité l'état-major de l'Otan prit aussitôt sous sa coupe les formations maritimes et aériennes déployées en Adriatique et sur le littoral italien. Et, sous l'autorité de l'amiral Jeremy Boorda, commandant la 6e Flotte des États-Unis, "l'identité de défense européenne" devint "l'identité de défense américaine". 

    Chacun s'attendait à l'emploi de la force, le souhaitait ou le redoutait. C'était compter sans la manœuvre diplomatique et les avantages que Washington pouvait retirer de l'invitation qui lui avait été adressée. Alors que Moscou venait de réitérer son opposition aux attaques aériennes, y procéder eût placé Boris Eltsine dans une situation critique. Ni le peuple russe, ni la Chambre basse, la Douma, n'eussent admis que leur pays subisse une nouvelle humiliation. Bien que l'échec des réformes socio-économiques dont on attendait bien prématurément des résultats bénéfiques ait conduit à l'élimination de Galdar et d'une partie de ses conseillers économiques, Washington misait toujours sur Boris Eltsine de crainte que la Russie ne succombe aux sollicitations des extrêmes, unis dans un même nationalisme. Aussi fallait-il ménager Moscou, tenir compte des liens l'unissant à Belgrade et l'inviter à un tête-à-tête américano-russe qui devrait trouver un compromis acceptable par les trois belligérants. 

    C'est sans doute la raison pour laquelle, devenu le maître tout-puissant des forces alliées déployées face aux Balkans, l'amiral Boorda, à son tour et probablement sur ordre de son gouvernement, déclara "... qu'il ne lancerait aucune attaque aérienne sans l'ordre de l'ONU". Paris avait souhaité contourner l'Organisation des Nations Unies, mais l'amiral annonçait qu'il n'agirait que selon les instructions qu'il en recevrait. 

    Peut-être sans illusion, mais soucieux d'utiliser le prétexte bosniaque pour servir leurs intérêts nationaux, Américains et Russes ont pris à leur compte le puzzle balkanique devant lequel l'ONU et les Douze avaient échoué. Mais c'est aux Russes qu'il est revenu de jouer le rôle principal. Non seulement Washington les sollicitent et les placent en vedette sur la scène internationale mais, par les pressions qu'ils sont en mesure d'exercer sur les Serbes — et grâce aux garanties qu'en échange ils leur promettent — ils sont les seuls à pouvoir éviter l'extension du conflit de Bosnie. Moyennant les assurances qu'ils donneront à Belgrade sur l'issue des négociations auxquelles, désormais, ils participent, les Serbes replieront leur artillerie à distance de Sarajevo sans paraître obéir à l'ultimatum, mais à la demande de leur allié ; les Américains y gagnent d'éviter un engagement militaire qu'à juste titre ils redoutent et la FORPRONU ne risquera pas d'être la cible facile d'éventuelles représailles. Les "va-t-en-guerre" manifesteront leur satisfaction, la force ayant été brandie et les "pacifiques" également puisqu'elle ne sera pas utilisée, du moins comme sanction d'un ultimatum qui n'aurait pas eu d'effet. Enfin, et surtout, Sarajevo bénéficie d'une accalmie. 

    Pour Boris Eltsine ce fut là une occasion inespérée d'être à nouveau le principal interlocuteur de la superpuissance, de fournir un motif de satisfaction au peuple russe meurtri par toutes les manifestations d'une grandeur perdue et aussi atténuer la virulence des attaques des partis nationalistes. Peut-être sans l'avoir voulu, Eltsine fit mieux à propos des Balkans que Gorbatchev lors de la guerre du Golfe. 

    Avant d'étudier la proposition des nouveaux négociateurs, Américains et Russes s'étant substitués aux deux médiateurs représentant l'un l'ONU, l'autre les Douze, il faudrait revenir sur le très étrange comportement de la communauté internationale devant le drame yougoslave. 

    Il apparaîtrait que les Serbes ne furent pas les auteurs de la tragédie de Markale. Il est vraisemblable que les experts militaires qui étudièrent les traces de la détonation — ou des détonations — et qui évaluèrent les dégâts matériels qui en résultèrent, sans être assurés, s'étaient cependant formé une opinion. Adressée au Conseil des Ministres des Douze, deux jours après l'ultimatum, une lettre de la FORPRONU accuserait les Bosniaques musulmans. Fort courageusement, Bernard Volker l'avait révélé lors du "journal de TF1" le 18 février, mais allant à l'encontre de la thèse officielle, l'annonce avait été étouffée. Techniquement l'attentat suscitait l'interrogation. Les mortiers, fut-ce de 120 mm, identifiés lors des premières investigations, sont trop imprécis pour qu'un seul tir atteigne un objectif relativement réduit en dimensions (quelque 1200 mètres carrés). Ou alors, quel qu'ait été le camp des tireurs, le hasard est à incriminer et, seul, il dissiperait le mystère s'il s'agissait vraiment d'un projectile lancé par un mortier. L'autopsie des victimes aurait peut-être permis de préciser la nature de l'explosif et celle des projectiles ayant fait un tel carnage : les malheureux avaient été mis en terre précipitamment. Belgrade obtint la réunion d'une commission d'enquête. Mais, autre singularité, la tragédie fut attribuée aux Serbes et l'ultimatum lancé contre eux, avant que les experts aient déposé leurs conclusions. Enfin, il est pour le moins étrange qu'une association "TV carton jaune animé par des magistrats, des juristes et des journalistes" soit sortie de l'ombre pour porter plainte contre TF1 sous prétexte de "défendre l'honnêteté de l'information diffusée" alors que la scandaleuse désinformation subie par le téléspectateur lors de la guerre du Golfe, par exemple, n'avait pas heurté ses conceptions de la déontologie. C'est sans doute pourquoi, le 11 mars, M. Bernard Volker appuyait sa révélation du 18 février par la publication de la lettre officielle de la FORPRONU aux Douze. Lettre dont la teneur fut démentie par le Quai d'Orsay. 

    Tout s'est donc passé comme si n'ignorant rien du caractère équivoque de l'accusation dirigée contre les Serbes, les capitales occidentales avaient décidé de leur faire porter la responsabilité de l'attentat afin de légitimer l'ultimatum et, si nécessaire, l'attaque aérienne de leurs positions autour de Sarajevo. Peu importait le coupable du massacre. Il était assez révoltant pour que les opinions publiques approuvent toute action de guerre, quel que soit l'ennemi plus ou moins arbitrairement désigné. 

    Ce comportement, des plus discutables, est à rapprocher de celui qui fut adopté après l'attentat du 27 mai 1992 (20 morts, 70 blessés) également attribué à l'artillerie serbe. Le 22 août 1992, le journal britannique The Independent l'imputait à une machination bosniaque. Mais la grande presse se garda de reprendre la révélation. Elle fut confirmée plusieurs mois plus tard par le général MacKenzie, commandant en second de la FORPRONU, lors de la publication de son livre Peacemaker (1) : "... la rue (Vase Miskina où se trouvait la boulangerie de Sarajevo) a été bloquée à ses deux extrémités juste avant l'incident. Après que la foule ait été admise et que la queue se soit formée, les médias apparurent mais se tinrent à distance. L'attaque eut lieu et les médias se trouvèrent immédiatement sur place. La majorité des morts étaient des Serbes tenus pour être des 'modérés'. Qui peut savoir ? La seule chose certaine, c'est que des innocents furent tués..." 

    De même que l'attentat de Markale permit l'ultimatum et justifia d'éventuelles attaques aériennes, de même celui du 27 mai 1992 fut le prétexte de l'embargo imposé à la Serbie et au Monténégro. Bien qu'il ait été officiellement reconnu que les Serbes n'étaient pas impliqués dans le massacre dit de la boulangerie, l'embargo ne fut pas levé. Il a déjà fait des milliers de victimes parmi la population civile et atteint pour longtemps non seulement l'économie de la nouvelle République fédérale de Yougoslavie, mais aussi celle de ses voisins. 

    Pour celui qui se soucie de morale politique — l'un à côté de l'autre les deux mots surprennent — et, plus généralement, de la dignité des peuples dans les relations internationales, ces deux événements ne laissent pas d'être préoccupants. Ils provoquent au moins deux questions :

    — Sommes-nous devant une nouvelle ruse de guerre ? L'Histoire n'en offre guère d'exemples malgré la malignité des hommes. L'on s'en prend à son propre parti, l'on massacre les siens et l'on accuse l'adversaire du forfait (2). Grâce à la toute-puissance des médias et, en particulier, de l'image télévisée, l'on bénéficie aussitôt de la commisération, puis de l'assistance internationale. 

    Celle-ci donne la victoire au coupable en croyant prendre parti pour la victime ou en feignant de le croire. Les succès du procédé invitent à la répétition. Les Bosniaques musulmans y eurent recours à la veille de chaque importante négociation où leur sort allait être évoqué. Et chaque fois à leur avantage. Devant l'émotion provoquée par la mort de civils en quête de pain ou faisant leur marché, les dirigeants musulmans furent en mesure de rompre les négociations lorsqu'elles leur étaient défavorables. Il suffisait d'évoquer les souffrances que l'adversaire infligeait à leur peuple. 

    Seconde question également suscitée par les guerres récentes, celle du Golfe et celle de l'ex-Yougoslavie : pour les démocraties également, la "désinformation" des populations est-elle devenue, officieusement, une des composantes de l'art de gouverner ? Afin de sataniser Saddam Hussein en mobilisant contre l'Irak une opinion publique indifférente, le président Bush reprit à son compte, dans ses discours officiels et au moins une demi-douzaine de fois, le récit mensonger de la fille de l'ambassadeur du Koweït aux États-Unis qui prétendait avoir été témoin du pillage d'un hôpital pédiatrique à Koweït City. Amnesty International démontra le subterfuge, mais il avait atteint ses objectifs. En toute bonne conscience, les Alliés pouvaient déverser 90.000 tonnes de bombes sur l'Irak, puis lui imposer un embargo qui fit plus de 200.000 victimes parmi la population civile. 

    Mystérieuse serait également la partialité dont firent preuve les médias rendant compte par l'écrit et par l'image des événements de Yougoslavie. L'étrangeté de ce comportement ne s'explique que par la mise en œuvre de très puissants intérêts stratégiques et économiques, sans doute la force du mark et l'argent du pétrole lorsque la Bosnie fut en guerre. 

    Le véritable diktat allemand des 16 et 17 décembre 1991, une semaine après la signature du Traité de Maastricht d'où devait naître une "diplomatie et une défense communes", fut à peu près ignoré. Pourtant les ministres des Affaires étrangères des Douze réunis à Bruxelles, sous la houlette de M. H.D. Genscher, furent soumis à une rude épreuve et ce n'est qu'après des heures de débats que le 17, au petit matin, le ministre allemand obtint satisfaction. On reconnaîtrait l'indépendance de la Slovénie et de la Croatie le 15 janvier suivant. Bonn et le Vatican, ce dernier manifestant son hostilité millénaire aux schismatiques orthodoxes, devancèrent l'engagement du 17 décembre et, le 23, reconnurent l'indépendance des Républiques sécessionnistes. Celle de la Bosnie suivra inéluctablement. C'était priver de citoyenneté près de trois millions de Serbes vivant en Slovénie, en Croatie et en Bosnie, en faire des minorités plus ou moins bien traitées. C'était également décider de l'éclatement de la République fédérative socialiste de Yougoslavie, violer la Constitution yougoslave de 1974 en transformant des limites administratives en frontières internationales et faire bon marché de l'Acte final d'Helsinki et de la Charte de Paris. Bref, les Douze piétinaient les textes qu'ils avaient eux-mêmes conçus, défendus et signés, s'inclinant devant la volonté de la déjà toute-puissante Allemagne. Il est vrai qu'elle était réunifiée, officiellement, depuis un an et qu'elle bénéficiait largement de son unité reconstituée sans avoir encore à en payer le prix. Mais, de ces manigances, les populations ne furent pas informées. Pas plus que, dès le début du conflit, on ne leur révéla la chasse aux Serbes de Croatie, leur fuite par centaines de milliers vers la mère-patrie, leurs villages rasés, leurs biens perdus à jamais : première phase de l'épuration ethnique pratiquée par les Croates et dont on ne s'émut que lorsque les Serbes, à leur tour, ripostèrent contre les exactions dont ils venaient d'être les premières victimes. Bien rares ont été les commentaires relatifs à la visite de M. Delors à Belgrade, réclamant du gouvernement fédéral, alors en fonction, qu'il maintienne l'unité du pays et subordonnant l'assistance de la CEE à la cohésion de la fédération yougoslave. Les Douze justifiaient ainsi les tentatives de l'armée fédérale cherchant à stopper les mouvements sécessionnistes. Ses unités furent encerclées dans leurs casernes et contraintes à la capitulation ou à un combat tenu alors par les Serbes eux-mêmes pour fratricide. Lorsque Sarajevo devint le symbole menacé d'une nouvelle construction politique fondée sur une confession et non sur la volonté des diverses nationalités de vivre ensemble, l'on s'est gardé de préciser que 30% de ses habitants étaient Serbes, tandis que près de 11% se déclaraient encore Yougoslaves, si bien qu'il était légitime que l'armée serbe ait pris position pour défendre ses concitoyens contre les 49% de Musulmans bosniaques. La dictature exercée en Croatie par M. Tudjman et son parti a été discrètement escamotée, de même que la profession de foi de M. Izetbegovic selon laquelle : "... il n'y a pas de paix, ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales non islamiques. Ayant le droit de gouverner lui-même son monde, l'Islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d'une idéologie étrangère sur son territoire". Allez, ensuite, imposer aux 32 % de Serbes et aux 17% de Croates vivant en Bosnie- Herzégovine d'accepter la loi d'un gouvernement bosniaque musulman faisant de l'exclusion des autres confessions le fondement de sa politique ! Enfin, bien rares ont été seulement les allusions au rôle des Croates et des Musulmans aux côtés des forces du Reich, pas plus qu'il n'a été rappelé qu'à défendre la cause des Alliés contre l'empire wilhelminien, puis hitlérien, la Serbie a perdu 23% de sa population en 1914-1918 et encore 15% entre 1941 et 1945. 

    Les voix des nombreux experts en science politique et en relations internationales ne se sont guère fait entendre lorsque la Communauté européenne a repris à son compte l'héritage du maréchal Tito décidant qu'une religion donnait droit à former un État. On ne les a pas davantage entendus au moment où les pays occidentaux concernés par le drame yougoslave luttaient pour le maintien et le développement d'une République musulmane bosniaque. 

    Après la proposition de Lord Peel relative au partage de la Palestine (1937), dix ans de lutte et les terribles années d'extermination par les Nazis, les Juifs réussirent à s'installer en milieu musulman et, par leur vaillance guerrière, à s'y maintenir. Mais au prix d'un demi-siècle de guerres. Probablement plus encore. Aujourd'hui, les Occidentaux s'efforcent de créer et de renforcer une République musulmane (confession islamique minoritaire) en milieu chrétien. Sans doute en acceptant l'éventualité de conflits permanents. De surcroît, peut- être un jour membre d'une Union très grandement élargie, la Bosnie- Herzégovine en sera-t-elle à part entière pour être alors l'antichambre de l'Islam en Europe. Curieusement, les États-Unis s'en réjouissent : "Il serait important qu'il y ait en Europe un État où coexistent Musulmans et non- Musulmans", déclarait un haut fonctionnaire du gouvernement américain (3). En somme, il serait important de créer en Europe une "nouvelle Palestine". Afin, sans doute, que Washington y trouve prétexte à intervention. 

    Discutables certes, ces sombres perspectives sont bien rarement évoquées par des médias qui nous avaient habitués à plus de liberté. Les difficultés économiques dont souffrent plus particulièrement les pays industrialisés sont-elles à incriminer ? Privés des ressources normalement fournies par les diverses activités publicitaires des entreprises hier prospères, les médias deviennent-ils dépendants des soutiens gouvernementaux ? Il ne faudrait pas que, la crise aidant, les démocraties rejoignent les autocraties dans leurs méthodes d'information. 

    Mais la crise yougoslave a d'autres conséquences moins sujettes à l'interrogation. Elle a détruit les derniers vestiges de la victoire de 1945. Vainqueurs sur terre, les Russes font modeste figure devant l'Amérique, puissance de la mer. Tenants du statu quo balkanique, Français et Britanniques se sont inclinés devant les Allemands qui l'avaient mis à mal en 1941. La politique, la diplomatie et la défense communes dont les partisans du Traité de Maastricht nous ont rebattu les oreilles, s'évanouissent dans les brumes d'un très lointain et très incertain avenir. Et le "couple franco-allemand", mariage de raison, en a tous les défauts tant sont nombreuses et graves les infidélités. 

    Lors de son retour de Maastricht, le président de la République déclara que le texte qu'il venait de signer n'était pas négociable ; il fallait le prendre — ou le laisser — tel qu'il était. Chacun pensa qu'il en irait de même pour tous les autres pays signataires. Les mois qui suivirent démontrèrent que la plupart des grands partenaires de la France non seulement le négociaient mais, qu'unilatéralement, ils le modifiaient à leur convenance. Ce fut le cas de l'Allemagne, premier "pilier" du Traité. En effet, la Cour Constitutionnelle fédérale siégeant à Karlsruhe interpréta le traité de Maastricht de telle manière que s'il n'a pas été vidé de son contenu, il l'a été de sa finalité. Lors d'un entretien publié par la revue Politique Internationale (4), le chancelier Kohl avait clairement défini sa politique : "... le fédéralisme, la subsidiarité et l'intégration des intérêts des régions constituent, pour nous, les principes structurels essentiels de l'édification de l'Europe de demain". Mais la cour de Karlsruhe affirma que "l'Union européenne n'est pas un nouvel État fédéral, plus simplement un groupe d'États qui repose sur la volonté des États membres et respecte leur identité nationale" — Exit le fédéralisme. "L'appartenance à ce groupe d'États peut toujours cesser par un acte contraire.... l'Union européenne ne dispose ni de pouvoirs de commandement, ni d'une personnalité juridique propre... le passage à la troisième phase de l'Union monétaire n'est pas automatique..." La Cour rappelle les moyens dont disposent les autorités allemandes, et spécialement les tribunaux allemands qui ont le pouvoir de ne pas reconnaître la force juridique à des actes qui excéderaient manifestement les compétences des organes européens tels que prévues par le Traité. (Rappelons qu'en mai 1974 la Cour avait déclaré inapplicable en Allemagne un acte communautaire contraire au droit fondamental allemand.) 

    Manfred Brunner, président de la Fondation démocrate et avocat à Munich, réitérait à Jean-Paul Picaper (5) l'interprétation restrictive allemande du Traité : "... La Cour Constitutionnelle allemande agit, certes, en coopération avec la Cour de Justice européenne, mais elle a le dernier mot en cas de conflit". La légitimation démocratique de la CEE sera incarnée essentiellement par les parlements nationaux : le Parlement européen n'a qu'une fonction complémentaire (?) ... l'Union monétaire peut être résiliée... Pour toutes les questions dépassant le cadre du marché unique, il faudrait conserver dans le Conseil des Ministres la règle de l'unanimité... Mieux vaut ce type de démocratisation qu'une extension des compétences du Parlement européen parce qu'il ne peut y avoir de représentation populaire sans peuple..." Et J.P. Picaper ajoute : "... on comprend pourquoi le gouvernement s'est efforcé de passer sous silence ces conclusions de la Cour". 

    D'ailleurs, les efforts déployés par Bonn pour élargir l'Union vise deux objectifs : déplacer vers l'est, vers Berlin, le centre de gravité économique et politique de l'Union par l'adhésion de la Suède, de la Finlande, de l'Autriche et de la Norvège, pays formant une zone d'influence linguistique et économique allemande, et aussi interpréter le Traité selon les vœux de la Cour de Karlsruhe en diluant au maximum les responsabilités des institutions supranationales, toutes dispositions réalistes, mais contraires aux fantasmes européens français. 

    Les apparences, sinon peut-être la réalité, donneraient à croire que l'Allemagne réunifiée — ou plutôt, à peine réunifiée — a mis en œuvre deux diplomaties : l'une se manifeste à Bruxelles et lors des rencontres des chefs d'État, comme celles qui rassemblent périodiquement les dirigeants allemands et français. L'autre, discrète, consiste à "façonner" l'Europe conformément aux intérêts de la future nation allemande. Brunner le laissait entendre : "... l'Allemagne doit se défaire de sa peur de penser en contextes géopolitiques (à nous, Haushofer !). Le concept de la Mitteleuropa... nous a été légué par l'Histoire comme tâche particulière redevenue actuelle par la dépolarisation et le dégel qui a succédé à la guerre froide..." (6) Quoi de plus normal qu'un grand peuple, capable d'être le premier exportateur mondial et dont le commerce rayonne sur tous les continents, quoi de plus naturel qu'il pratique une politique ambitieuse, à la mesure de sa puissance démographique et économique. Seulement il faut dissiper les illusions entretenues par les fédéralistes français et, plus généralement, par les partisans du Traité de Maastricht. On ne peut prétendre que le diktat du 17 décembre 1991, une semaine à peine après la signature du Traité de Maastricht, ait été une manifestation d'entente entre les partenaires européens et l'amorce d'une diplomatie commune. La décision de M. Genscher, imposée à ses collègues, s'est révélée désastreuse. MM. R. Dumas et C. Warren en ont convenu. L'éléphant allemand entrait avec fracas dans le magasin de porcelaines que sont les Balkans. Le ministre des Affaires étrangères de Bonn a déclenché un processus infernal et malheureusement irréversible. Lord Carrington le confiait ainsi au Figaro (du 13 juillet 1993) : "... Alija Izetbegovic m'avait alerté : 'je dois demander l'indépendance de la Bosnie... Si je ne le fais pas, j'aurai la gorge tranchée. Mais je dois vous dire qu'une telle démarche aboutira à la guerre civile' ". Aussi, après de tels débuts, la politique étrangère allemande ne laisse-t-elle pas d'être inquiétante. 

    Elle l'est aussi vis-à-vis de l'Europe des Douze où Bonn ne se soucie guère de la "préférence communautaire" lorsque ses intérêts économiques sont en jeu : dès 1986, alors que la France cherchait à réunir les éléments d'une forte présence européenne dans l'espace, le gouvernement allemand s'opposa à deux des trois composantes essentielles de cette ambition : pas de station européenne sur orbite, mais un module amarré à celle des États-Unis, pas de "navette", mais peut-être un strapontin quémandé aux Américains et aux Soviétiques, si bien que le sort d' "Hermès" fut déjà compromis avant d'être réglé par l'abandon du projet. Ariane, par ses succès, échappa seule au naufrage. De même, convoitant le marché mondial, l'européen n'étant pas à sa mesure, Siemens choisit de s'allier à IBM américain et à Hitachi et Fujitsu japonais plutôt qu'aux firmes françaises et britanniques. Après avoir pris le contrôle de MBB (Messerschmidt, Bolkow, Blohm), Daimler-Benz s'est tourné vers Mitsubishi... Pourtant, les partenaires européens de l'Allemagne s'étaient montrés de bonne composition puisqu'ils se soumirent aux conséquences de la stratégie de la Bundesbank : taux d'intérêt élevés, afflux de devises en Allemagne, mais augmentation du chômage chez eux. "La politique monétaire de la Bundesbank est une véritable catastrophe pour toute l'Europe", dira Henri Martre, alors patron de l'Aérospatiale 0. Quant à la politique militaire, elle est pour le moins étrange : les forces armées d'outre- Rhin sont maintenant réparties entre quatre organisations : le futur corps d'armée franco-allemand, un groupe germano-hollandais, une participation à une force d'action rapide de l'Otan, enfin, une solide contribution à l'Otan, le tout, d'ailleurs, devant être placé sous le commandement américain en cas de crise grave. C'est là une curieuse façon de se préparer à une "défense commune" proprement européenne. 

    Chacun applaudit : l'intervention des États-Unis et celle, correspondante, de la Russie a décidé, en quelques heures, de la levée du siège de Sarajevo et du retour à la vie des citadins canonnés. Mais elle a mis en évidence l'incapacité des Douze à remédier à la catastrophe déclenchée par l'un des leurs. Il est vrai que le comportement de l'Allemagne dans les Balkans, fut-il vieux d'un demi- siècle, neutralisait la Communauté tout entière, accusée sous la pression de Bonn, puis de Washington, de partialité. L'entrée en scène de Moscou a rétabli l'équilibre entre des intérêts opposés. Celle des États-unis risque de se révéler périlleuse pour les pays européens dans la mesure où, pour plaire aux pays pétroliers arabes, c'est à l'instauration d'un État musulman en Europe qu'œuvre la Maison-Blanche. L'éveil de la Russie a été soudain et volontariste. Il n'est pas exclu que la destruction des quatre avions serbes ait été un avertissement : d'accord pour négocier à deux sur les décombres de l'ex-Yougoslavie, d'accord également pour substituer nos projets à ceux des médiateurs (c'est-à- dire à ceux de l'ONU et des Douze européens), mais qu'on ne s'y trompe pas, il n'existe toujours qu'une seule superpuissance et c'est l'Amérique. 

    Celle-ci a-t-elle un projet balkanique, comme l'intérêt subit qu'elle témoigne pour la Macédoine pourrait le laisser à croire ? Sinon à la Maison-Blanche où la politique intérieure accapare les esprits, mais dans de nombreux centres universitaires de recherche, des hommes de valeur étudient ces trois bouleversements qui transforment sur ce versant de l'Europe l'ordre international : l'effondrement du communisme, la réunification de l'Allemagne et la puissance croissante de l'intégrisme musulman. Vue d'outre-Atlantique, la péninsule occidentale de l'Eurasie — seconde en importance après l'Asie du Pacifique — prend un aspect nouveau. Deux forces la dominent : au nord les 80 millions d'Allemands, au sud les 80 millions que seront les Turcs dans un proche futur. C'est avec Bonn/Berlin d'une part, Ankara de l'autre, qu'il faut défendre les intérêts américains. À Bonn, l'on pardonnera la dangereuse précipitation de M. Genscher et, à Ankara, la répression des Kurdes. L'Allemagne aura toute liberté d'action dans cette Mitteleuropa "léguée par l'Histoire comme tâche particulière", selon M. Manfred Brunner avec, en prime immédiate, le rattachement économique de la Slovénie et de la Croatie. Quant à la Turquie, elle exercera son influence sur l'Albanie, la Bosnie, le Kosovo musulman — au détriment des Serbes, affaiblis par l'embargo et désignés à la vindicte publique par une campagne de désinformation intense. Si l'Allemagne participera — avec mesure — à la réhabilitation de l'économie de la Russie, elle devra aussi demeurer la plaque tournante des forces de l'Otan si, par exemple, un néopanslavisme actif succédait un jour au messianisme marxiste. De surcroît, elle sera, en Europe, le champion du libre-échangisme si favorable à l'économie américaine — du moins à court et à moyen terme. L'Irak détruit, l'option laïque et socialiste du baassisme éliminée et l'option intégriste ralliant de plus en plus de fidèles, il reviendra à la Turquie, encore laïque, de former un môle de résistance tandis que son influence politique, et peut-être économique, s'exercerait sur les pays turcophones, hier membres de l'U.R.S.S, leur offrant une autre voie que le retour dans le giron de Moscou. Aussi l'intervention américaine dans la triste affaire des Balkans, aux côtés de l'Allemagne d'une part, des pays musulmans de l'autre, constitue-t-elle une bonne approche pour mettre en pratique, peu à peu, cette nouvelle — et élémentaire — stratégie. 

    Dans un délai qu'on ne saurait fixer, Moscou pourrait être en mesure d'altérer ces objectifs et de limiter les moyens nécessaires pour les atteindre. La crise yougoslave a stimulé une diplomatie paralysée par les difficultés internes. Mais, entre le comportement des Russes lors de la guerre du Golfe et le leur depuis que l'Amérique est diplomatiquement présente dans les Balkans, grande est la différence. Le Kremlin doit compter avec la nouvelle Douma d'autant qu'elle répond aux aspirations profondes de la population recrue d'humiliation. Après avoir tenu une place quasi dominante dans les affaires du monde, les Russes réclament une plus grande considération. Et les politiques comme les analystes devront se rendre à l'évidence : il faudra, à nouveau, s'accommoder des volontés de ce grand pays. D'ailleurs, si pour les hommes le pouvoir absolu conduit à l'arbitraire, de même l'omnipotence d'une seule nation l'amène à commettre des excès. Source d'équilibre, la bipolarité est aussi le gage de plus de mesure. C'est ainsi que l'attaque de Bagdad, le 23 juin 1993, pour punir l'Irak d'un attentat qui n'eut pas lieu (et qui ne fut même pas envisagé, selon la presse américaine), la partialité dont l'Occident a fait preuve tout au long du drame yougoslave n'ont été possibles que parce que la Russie avait pratiquement disparu de la scène internationale. Elle y entre et veut s'y faire entendre. 

    Dans un monde bipolaire, les forces antagonistes s'équilibrant à peu près, le complot antiserbe n'aurait pu prendre autant d'ampleur. On remarque, par exemple, que l'attentat du marché de Markale ayant eu lieu le 5 février en fin de matinée, le soir même, le gouvernement français s'apprêtait à réclamer un ultimatum aux Serbes et à l'accompagner de menaces d'attaques aériennes. Dans une démocratie, un suspect est présumé innocent jusqu'à ce qu'ait été prouvée sa culpabilité. Or, avant même que soit réunie la commission d'enquête et alors que les premières investigations des experts militaires concluaient à l'impossibilité de déterminer l'origine du tir (si tir il y avait eu), Paris décidaient que les Serbes étaient les coupables et qu'il convenait de les châtier. Étrange. 

    Étranges, également, les renvois successifs des chefs militaires de la FORPRONU. Sur le terrain et disant des vérités contraires à la tournure que les politiques voulaient faire prendre à cette guerre civile, ils furent, l'un après l'autre, contraints d'abandonner leur commandement. "La présidence bosniaque entretient là des combats qui n'ont, et ils le savent, aucune chance d'aboutir, mais qui ont le mérite d'attirer l'attention du monde", déclara le général Morillon. Il est rappelé à Paris. Le général MacKenzie révèle-t-il que l'attentat de la rue Vase Miskina a été préparé par les Bosniaques, qu'il est prié d'aller exercer ses talents au Canada, son pays d'origine. "Toutes ces gesticulations à propos des frappes aériennes ne riment à rien. Chaque fois qu'on approchait d'un accord militaire, elles ont envenimé la situation... Il faut en finir avec l'antiserbisme primaire véhiculé par quelques intellos en goguette", dira le général Briquemont aussitôt renvoyé en Belgique. Honnêtes et clairvoyants, ces militaires de haut rang dérangeaient les desseins des politiques qui entendaient que soit fardée la vérité. 

     

    Le "nouvel ordre international", conçu pour un monde unipolaire, en Irak comme en Yougoslavie, a cherché à atteindre ses objectifs par la "mise en condition" des opinions publiques, le recours aux cruautés des embargos et, si besoin était, les destructions massives. Ce sont maintenant les démocraties qui violent le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes se comportant comme les autocraties auxquelles, légitimement cette fois, elles eurent le mérite de longtemps s'opposer.

    Pierre-Marie GALLOIS (1911-2010)  http://www.theatrum-belli.com

    Général de brigade aérienne et géopoliticien, artisan de la dissuasion nucléaire française.Article issu de la Revue d'Europe Centrale, du 1er semestre 1994

    Notes :

    (1) Lewis MacKenzie. Douglas and McIntyre. Vancouver/Toronto, 1993, p. 194.

    (2) Le général MacKenzie, lors d'une conférence de presse : "... je ne suis pas en état d'empêcher les deux belligérants de tirer sur leurs propres positions pour satisfaire CNN"

    (3) Alain Frachon, Washington veut amener les Serbes à la table des négociations, Le Monde. 16 mars 1994, p. 3

    (4) N°52. Eté 1991.

    (5) Une Europe des Etats souverains. Géopolitique, n° 44, p. 73

    (6) Ibid., p. 75

    (7) Henri Tricot : "Le patron de l'Aérospatiale accuse l'Allemagne de provoquer la récession". Le Quotidien, 14 janvier 1992, p. 7

  • Les 6 milliards de Cahuzac et ceux de Valérie Pécresse

    130227 130227bLe 25 février, le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, affirmait  (1)⇓qu'il allait falloir trouver "6 milliards d'euros de recettes" supplémentaires en 2014. Il affirme vouloir conserver ce qu'il appelle "la stabilité fiscale". Il refuse ainsi de parler d'une augmentation d'impôts.

    Or le temps presse. Aujourd'hui, chacun s'accorde à déplorer l'humiliation imposée aux peuples de l'Europe du sud. On les regarde comme autant de cobayes. La dégradation de l'image de ces pays à l'étranger s'accompagne des dommages bien réels infligés aux conditions de vie d'une partie des habitants.

    À l'époque où je rédigeai mon petit livre contre le fiscalisme (2)⇓, ce travail tendait surtout à répondre à plusieurs préoccupations, légèrement différentes, sans doute au départ. La plus importante à mes yeux correspond, aujourd'hui encore, à la restauration des fonctions régaliennes, de défense, de sécurité intérieure et d'administration de la justice, structurellement étouffées par l'omniprésence de l'étatisme. La seconde s'investissait dans la réponse aux thèses néomarxistes de Piketty. Et enfin, pour pouvoir diminuer la pression fiscale aberrante qui pénalise si durablement le pays, tout en liquidant la dette et en interdisant les déficits, la seule solution consiste à diminuer le périmètre de l'état, ce qui renvoie au premier point évoqué.

    Or, à partir de l'été 2011, nous nous trouvions dans la période de l'élaboration des lois financières pour 2012. Valérie Pécresse avait accédé, à l'occasion du tout récent remaniement du gouvernement, du portefeuille de ministre du Budget. Dans ces fonctions elle se montra assez rapidement l'une des premières personnalités politiques à oser envisager la nécessité de réduire la dépense publique. Depuis lors, et petit à petit, l'idée prit corps, quoique de façon pudique, et le discours en prend forme désormais. Mais comme on pouvait déjà le remarquer, pour que la notion même en acquière une part de crédibilité, – en l'absence d'une situation du type "troïka" d'envoyés des bailleurs de fonds, – l'existence d'un courant d'opinion représente une condition sine qua non.

    On doit donc se féliciter, sur le principe, que l'UMP ait réuni le 20 février une "Convention" de ce qu'elle appelle son "labo des idées", l'expression Atelier renvoie peut-être un peu trop au grand orient de France. Le thème portait en l'occurrence sur "Comment et où baisser les dépenses publiques".

    Autre qualité des conclusions adoptées : elles aboutissent quand on observe le catalogue à "10 mesures pour 20 milliards d'économies". On peut remarquer cependant que l'on se trouve en recul par comparaison avec le "Rapport de l'Institut Montaigne de décembre 2012, qui annonce quant à lui "15 propositions pour 60 milliards d'économie".

    Les bons esprits se féliciteront sans doute, à la fois, de cette attitude apparemment plus modérée : ils la trouveront ainsi, peut-être, plus "réaliste" ; et, d'autre part, comment ne pas noter que ces [éventuels] "20 milliards du 20 février 2013 permettraient [par avance] de "financer" les 6 milliards de Cahuzac. Cette dernière évaluation s'inscrivant dans le cadre de la remise en cause des hypothèses de croissance, voilà, pensera-t-on autant de réponses que la technocratie s'adresse à elle-même.

    Hélas, on ne peut qu'observer la fragilité de tels satisfecit ; Fondés sur des calculs provisoires et fugaces, ces chiffres intimidants restent largement sujets à caution. Cautères puissants on propose une fois de plus de les appliquer sur autant de jambes de bois.

    Le sophisme fondamental consiste, encore et toujours, à proposer l'étatisme comme remède à ses propres nuisances. Ah certes le détail peut sembler impressionnant : 3,2 milliards d'économies, par exemple, figurent au point 7 du catalogue Pécresse, intitulé une politique de l'emploi plus efficace et centrée sur le retour rapide à l'activité". Quel caissier dédaignerait d'encaisser un tel gain, basé sur trois idées bien trempées "rapportant" respectivement 0,2 [par dégressivité de l'allocation-chômage"] + 1 [par lutte contre les préretraites déguisées] + 2 milliards [par fusion de la prime pour l'emploi et du RSA]. Magnifique.

    Comme tous ces remèdes proposés n'auront jamais l"occasion d'être expérimentés avant 2017, on ne saura pas non plus comment de telles évaluations se vérifient.

    En revanche on sait deux choses par avance : l'État n'offre pas les solutions, puisqu'il constitue lui-même le problème (cf. Reagan) et on ne résoudra aucun problème avec ceux qui les ont engendrés (cf. Einstein). Réduire la dépense ? Mille fois d'accord ! Et le plus vite possible ! Mais si l'on se borne à des travaux de laboratoires on demeure dans l'invraisemblable.

    Encore un effort risque donc à l'évidence de se révéler nécessaire pour aboutir à cet assainissement de plus en plus urgent.

    JG Malliarakis http://www.insolent.fr/

    Apostilles

    1. sur Europe 1.
    2. cf. "Pour une libération fiscale"
  • 1936, quand le peuple souhaite être orphelin

    Cette année-là, on vit apparaître à l'étalage des marchands de chaussures un nouveau modèle de souliers, le bolchevik (extra-fort, pour enfants) : le Front populaire approchait, les firmes capitalistes prenaient le ton. Puis ce fut la grande aventure : le triomphe communiste, les grèves, les occupations, le ministère Blum, ouvriers et employés s'engouffrant en troupeau docile dans les organisations du syndicalisme moscoutaire, le drapeau rouge flottant sur les chantiers de l'Exposition, l'Internationale beuglée au milieu des palais de plâtras, la crise financière toujours conjurée et jamais finie, cent milliards de billets et pas une vraie richesse, l'aviation ruinée, les lois bafouées, la magistrature évanouie, les chantiers navals transformés en centres de loisirs, les cabotins et les magnats de la presse se ruant au rouge, ceux-là pour avoir des rôles et ceux-ci pour avoir des lecteurs, les grands riches découvrant avec des sanglots la misère des pauvres et les poules de luxe cultivant l'art pour les masses, enfin du haut de son perchoir alpestre, Hitler contemplant cette mascarade, comptant les dégâts, annexant l'Autriche, un jour de crise ministérielle, tandis que Camille Chautemps embrassait Léon Blum à la fenêtre d'un hôtel cossu, sur un quai de l'île Saint Louis.
    Il fallait que quelqu'un se fît le chroniqueur et le peintre de ces vingt-quatre mois véhéments et piteux. D'autres éplucheront les statistiques, dresseront les courbes de production, compteront les votes à la Chambre, Alain Laubreaux apporte autre chose : les hommes et la vie. Ce livre est le carnet d'un journaliste qui, par devoir, s'est trouvé partout où il se passait quelque chose. Il n'y a pas de métier plus difficile que de saisir l'actualité au vol et de la fixer sur le papier, le stylo en travers du corps. Alain Laubreaux est un maître journaliste. Il est rond, bonhomme, sincère, bien portant, français. Il a l'œil. Il a la bonne humeur. Et puis il possède le don de raconter. Il fuit le couplet, le morceau, la vignette, le développement artistement frisotté ; il déterre la vérité comme un objet : il arrive à l'angoisse ou la bouffonnerie par les moyens les plus simples qui sont aussi les plus rares, par le mot juste, l'anecdote exacte, le trait rapide, dix lignes brèves, serrées, qui illuminent.
    L'extraordinaire galerie ! Elle fera la stupéfaction de nos enfants. Quoi ? Au moment où les nazis construisaient la grande Allemagne, la France s'était donnée à ce ramassis de médiocres, de faux prophètes, d'avocats sans cause, à cette petite bande d'ignorants, d'incapables, de ratés ? Et pour incarner leurs désirs de justice sociale, les rudes travailleurs de la vigne et de l'usine n'avaient trouvé que Léon Blum, esthète démodé pour salons modem' style, et Maurice Thorez que la nature a avantageusement pétri pour jouer les spadassins à maillot au grand théâtre de Belleville ?
    On n'écrit plus de mémoires intimes. Ceux qu'on publie ne sont que des plaidoyers. A quoi auraient recours les historiens de l'avenir, s'ils ne possédaient des livres comme celui-ci ? Aux discours officiels ? Aux séances des assemblées parlementaires ? Quelle collection de mensonges, de duperies, de dérobades ! Quel bric-à-brac de topos conventionnels, de métaphores, de phrases toutes faites ! Les romanciers ne seront pas non plus d'un grand secours. Le plus souvent ils décrivent un monde chimérique, où la passion parle toute pure, mais où les embêtements de la vie réelle n'entrent guère. Les anciennes cours étaient commodes ; elles ramassaient en quelques salons l'élite entière du pays, l'observateur avait sous la main et sous les yeux tout ce qui comptait et tout ce qui gouvernait. Hélas ! de nos jours, les palais nationaux sont bien mornes et c'est ailleurs qu'il faut chercher la lumière.
    Courteline a montré le chemin. Il est l'homme du petit café ; le petit café est le Versailles de la IIP République. Là se font les programmes, les orateurs et les élections. La démocratie sociale s'accoude au zinc, les pieds dans la sciure, porte des pantalons de velours à côtes, parle haut, crache à terre, s'affirme en termes cambronnesques quand sonne l'heure de l'apéritif. La république bourgeoise se tient dans la salle du fond, sur les banquettes de moleskine, éparse autour des tables de marbre où les soucoupes s'élèvent en pyramides. Elle cultive le calembour, la manille, la belote et la fraude fiscale, elle parle retraites et péréquation, elle croit au progrès, à la rente et à l'instruction universelle, elle gagne des batailles en Espagne et se retrouve le soir à la loge pour entendre, portes closes, le pharmacien de la grande place river son clou à Mussolini.
    Cher Courteline ! En lisant Laubreaux, j'ai eu l'impression que vos immortels héros s'étaient emparés de la France. L'illustre Piégelé, M. Pommade, M. Garrigou, Barbemolle, Land'houille, Saumâtre, Grenouillot, Racuit, Labouture et Marmouillard, tous ils font de la politique, tous ils sont devenus conseillers généraux, députés, sénateurs-maires, ministres... Je le savais, c'est Croque-bol, Hurluret et l'adjudant Flick qui ont gagné la guerre. C'est La Brige qui a perdu la paix. Pour piper la voix de M. Boulingrin, Ciboulot devenu communiste avait, en mai 36, escamoté son programme de révolution sociale. Il promettait de respecter le commerce, le profit, l'héritage, la famille et la propriété ; il couvrait les murs d'une imagerie pleurnicharde à la Greuze et jurait, la main haute, qu'il n'en voulait qu'aux méchants gros. Or, personne ne se sentait gros ni méchant.
    L'électeur français est semblable au fromage de Hollande : rouge au dehors et blanc en dedans ; révolutionnaire pour être pensionné et conservateur pour garder ses pensions. Entre le socialisme et le parti radical, il n'y a qu'une faible nuance. Leur but commun est de faire vivre aux dépens de l'épargne et des capitaux accumulés une clientèle étatiste de plus en plus nombreuse. Au fur et à mesure qu'ils ont pris de l'importance, les socialistes sont, comme les autres, devenus des profiteurs et des cumulards. L'administration haute et basse a été bourrée de leurs hommes. Pendant leur temps de pouvoir, ils en ont mis partout, à la radio, dans les musées, aux postes, dans les préfectures, à l'hygiène, à l'aviation, au Français, aux conseils des compagnies subventionnées. Les forçats de la faim ont mangé l'assiette au beurre. Mais ils sont encore tenus par les syndicats et, aux yeux du citoyen timoré, le syndicat c'est la grève, le tumulte, le désordre.
    De là, l'extraordinaire fortune du parti radical. Servi par un personnel de basochiens roublards et de normaliens dessalés, il offre sur le même plateau le vocabulaire démagogique qui endort la masse et la routine gouvernementale qui rassure les intérêts. Le chef radical doit être à la fois excité et raisonnable. Il lui faut discourir sans conclure, promettre sans tenir, menacer les capitaux et protéger les capitalistes, brandir le drapeau rouge et célébrer Jeanne d'Arc, crier « En avant ! » sans bouger et couler au passage les réformes sociales qu'il a lui-même préconisées.
    Aussi a-t-il du goût pour les gestes symboliques qui font scandale mais qui n'engagent à rien, les promenades au Panthéon, les inaugurations de statues, les procès politiques, les pompes funèbres et civiques. Si, aiguillonné par les envies et par les appétits, il est contraint d'agir, il se présente comme le moindre mal. Il apaise les petits sans faire de mal aux gros et dénonce le mur d'argent sans cesser de dîner chez les banquiers.
    Le radicalisme se dit constructeur, créateur, positif. Il est essentiellement négatif et c'est en cela qu'il plaît à une vaste coalition de petites gens, que la force des choses contraint à la défensive. Entre le curé dont il repousse l'ingérence, le communiste dont il a peur, le gros bourgeois et le châtelain qu'il envie et qu'il déteste, l'électeur radical dessine son empire. Cela suffit pour faire un grand parti hybride, incohérent, décevant, mais durable.
    Le drame est de gouverner. La doctrine radicale représente l'Encyclopédie dans son dernier état de dégradation et de sénilité, conservée dans la médiocrité comme des batraciens dans un bocal d'alcool. Le radical est prisonnier de sa logomachie et cette logomachie a perverti la notion même de gouvernement. La République n'est pas une simple forme de l'État. Il ne suffit pas d'y adhérer pour en faire partie. Si Rousseau nous a appris que le régime démocratique est le règne de la volonté générale, il nous a dit aussi que la volonté générale n'est point la volonté du plus grand nombre, mais la voix profonde de la conscience humaine, telle qu'elle devrait évidemment parler en chacun de nous, mais telle qu'en attendant, elle s'exprime par la bouche des citoyens les plus éclairés. La volonté générale n'est point l'opinion de la majorité, c'est la conformité à un système philosophique. Avant d'être un régime, la République est une église. Aussi a-t-elle son orthodoxie, ses élus, ses réprouvés et ses docteurs. Derrière les agitations électorales, il y a les clubs, le petit troupeau des fidèles, des convaincus, des illuminés, des comitards. Quant à leurs adversaires, quel que soit leur nombre, leur respect du suffrage universel, leur dévotion à la forme républicaine, ils ne seront jamais que des réactionnaires, des cléricaux, des hérétiques, des aristocrates, à l'occasion des usurpateurs, car de même qu'il y a un roi légitime, il y a un peuple légitime.
    La force des gauches, ce sont les victoires obscures de la démocratie villageoise et cantonale, la connaissance exacte du milieu, la trame serrée des intérêts locaux et personnels, la solidarité du clan, la pratique administrative que donne une longue possession. Leur faiblesse, c'est de ne pouvoir rompre avec l'internationale, l'antipatriotisme, la révolution, l'anarchie. Ce sont là les réserves indispensables et cachées, celles qu'on a mobilisées le 12 février 1934 et le 14 juillet 1935, celles qui, en cas de péril réactionnaire, cessent le travail, élèvent les barricades et fournissent les combattants. Aucun chef radical n'échappe durablement à leur joug nécessaire. Même sous les ministères de concentration et d'union, il reste toujours au sein du groupe un noyau d'irréductibles qui maintiennent farouchement le contact avec le communisme et qui s'en vont défiler de la Bastille à la République, parmi les poings fermés, les pancartes séditieuses, les drapeaux rouges et les cris de mort. Procession symbolique ! Pèlerinage expiatoire ! A l'effarement des bourgeois, tandis que la rente monte et que les possédants se rassurent, le régime en tremblant se retrempe dans ces pieux cortèges. Il n'y manque que les têtes coupées au bout d'une pique. Mais les temps se sont affadis et la Troisième République n'est qu'un rabougrissement de la Première.
    Pas d'ennemi à gauche ! C'est la loi, c'est le souverain mot. Il explique pourquoi les ministères d'union sont si passagers, si fragiles. « Les observateurs superficiels, a écrit Abel Bonnard, s'étonnent de l'accord qui s'établit entre les hommes de gauche et ceux de l'extrême-gauche, quand ils mesurent l'intervalle qu'il y a entre eux : ils ne prennent pas garde que cette distance est une descente et qu'un radical n'a qu'à se laisser aller pour arriver parmi les révolutionnaires ; celle qui le sépare des modérés, au contraire, peut paraître petite si on la mesure en l'air, mais elle est marquée en fait par un abîme, car les modérés, si déchus qu'ils soient, représentent pour les radicaux les restes de tout ce qu'ils veulent abolir. » Ce sont les débris d'une société haïe ; on se venge encore sur eux d'un temps qu'ils ont eux-mêmes oublié, sans doute parce qu'ils étaient indignes d'en conserver le souvenir.
    Ainsi le radicalisme se trouve tour à tour tiraillé par une opportunité de plus en plus impérieuse, qui sous l'aiguillon du péril le contraint à l'alliance avec les droites, et la logique profonde du régime qui, le danger écarté, le ramène à la révolution. Chaque retour du balancier fait naître d'un côté ou de l'autre des espoirs immenses ; chaque infidélité fait naître les mêmes déceptions et les mêmes colères. S'il est vrai que la démocratie vit de la division, on peut dire que les oscillations du radicalisme ont pour effet d'amortir les heurts. Avec quelque complaisance, les radicaux se flattent d'avoir épargné à la France la guerre civile. Sans nous, disent-ils, le pays se serait coupé en deux partis irréconciliables. L'un aurait dû écraser l'autre. En nous portant tantôt d'un côté et tantôt de l'autre, nous avons empêché le pire.
    Les radicaux n'ont pas tort. Mais pendant ce jeu, qu'est devenu le pays ? A-t-il grandi ? A-t-il prospéré ? A-t-il vu ses rivaux s'incliner devant sa sagesse ? Hélas ! Le pays sent confusément qu'il use contre lui-même le meilleur de ses forces. Sans trop savoir ce qu'il désire, il appelle autre chose, quelque chose d'humain et de possible, un régime solide et modéré qui gouvernerait sans opprimer, qui imposerait la conciliation sans étouffer les esprits, qui contraindrait les citoyens à servir sans les transformer en automates ou en perroquets...
    Ce qui rend cette inquiétude si pathétique, c'est qu'on a tout fait pour faire perdre au Français le sens de son histoire. Il n'est plus soutenu par la voix puissante des générations qui ont fait sa patrie. Entre elles et lui s'élève une muraille épaisse de préjugés, d'ignorances, de colères. Le Français ne sait encore que dire non. Quand il entend les marxistes proclamer que tous les hommes sont frères, il voudrait être fils unique. Quand il entend les dictateurs se nommer les pères du peuple, il souhaite être orphelin.
    Pierre GAXOTTE ✞
    La terreur rose décrite par Alain Laubreaux
    Ce texte étonnant et toujours actuel (« Pas d'ennemi à gauche » n'est-il pas le credo de nos gouvernements « de droite » ?) que tout journaliste ou même tout historien souhaiterait avoir écrit est la préface que le futur Immortel Gaxotte, alors directeur de Je Suis Partout, donna à La Terreur rose, long reportage d'Alain Laubreaux publié juste avant la « drôle de guerre » et dont La Reconquête, courageuse et dynamique maison créée au Paraguay par Alain Régniez, nous propose une « édition conforme à l'édition originale de 1939 ». On y retrouve toute la vivacité du journaliste formé à bonne école puisqu'il avait été le secrétaire d'Henri Béraud, sa puissance de description (de la terreur que la CGT faisait régner aux usines Renault par exemple), son don de débusquer la cocasserie sous les ignominies, son insolence envers les puissants - ah, « La dernière halte du juif errant », chapitre où est décrite la campagne électorale menée en avril 1937 dans le Miner-vois par le socialiste Jules Moch, « plus noir et plus lugubre encore qu'à l'ordinaire » avec « sa voix huileuse » au « timbre sordidement victorieux, comme d'un canard qui vient d'échapper au coutelas du cuisinier » - et sa compréhension pour le petit peuple, fût-il égaré et complice de la "dictamolle" que fut le Front Populaire.
    Les contemporains qui ne jurent que par le « journalisme d'investigation » (sur des sujets sans risques de préférence) écraseront de leur mépris ce « journalisme à l'ancienne », pratiqué sur le terrain, où le narrateur ne dédaigne pas de faire revivre la « France d'en bas », de s'encanailler dans les mastroquets pour y recueillir la vox populi. Mais de ce kaléidoscope naît un féroce tableau des années qui précédèrent la Seconde Guerre mondiale, des personnages qui provoquèrent la terrible défaite de mai-juin 1940 après avoir fait régner leur « terreur rose » en France même.
    Comme la plupart des livres des rédacteurs de Je Suis Partout, celui d'Alain Laubreaux - qui, également collaborateur du Cri du peuple et du Petit Parisien, réussit après la Libération à s'exiler à Madrid où il mourut en 1968, après avoir été condamné à mort par contumace en 1947 par la Cour de Justice de la Seine pour sa participation à la collaboration et ses « articles antisémites » - était devenu introuvable. On se réjouira de pouvoir à nouveau le lire.
    J. L. Écrits de Paris avril 2009
    La Terreur Rose, 308 pages, avec neuf illustrations, 28 €. La Reconquête www.editionsdelareconquete.com . Diffusion Primatice, 10 rue Primatice 75013. Tél. 01-42-17-00-48. Peut être également commandé (32 € franco) à Editions des Tuileries, 1 rue d'Hauteville, 75010 Paris.

  • Mariage pour tous : le rejet de la pétition par le CESE est illégal

    Les opposants au mariage dit « pour tous » ont déposé, vendredi 22 février 2013, 694 429 signatures à l’appui d’une pétition demandant au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de donner son avis sur cette question, comme le prévoit l’ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2010-704 du 28 juin 2010.¢
    I. Dans une décision du 26 février 2013, le CESE a déclaré irrecevable cette saisine par voie de pétition : « Le bureau [du CESE] a constaté que les conditions de nombre et de forme étaient réunies », a souligné le CESE dans un communiqué. « Pour autant, et en vertu de l’article 69 de la Constitution et de l’article 2 de l’ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique social et environnemental, la saisine du CESE pour avis sur un projet de loi relève exclusivement du premier ministre ». En conséquence, « celle-ci ne saurait ainsi être autorisée par voie de pétition citoyenne », ce qui a amené l’assemblée consultative à déclarer irrecevable la saisine dont elle était l’objet.
    II. Cette décision est infondée en droit.
    En effet, l’article 4-1 de l’ordonnance susmentionnée dispose que la saisine du Conseil par voie de pétition est soumise à quatre conditions formelles qu’il énumère très précisément, et seulement à quatre. Ces quatre conditions sont les suivantes :
    1° La pétition doit porter sur « toute question à caractère économique, social ou environnemental ». C’est le cas en l’espèce.
    2° La pétition doit être « rédigée en français et établie par écrit ». C’est le cas en l’espèce.
    3° La pétition doit être « présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Elle indique le nom, le prénom et l’adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui. » C’est le cas en l’espèce.
    4° La pétition doit être « adressée par un mandataire unique au président du Conseil économique, social et environnemental. » C’est le cas en l’espèce.
    Il appartient au Conseil de vérifier si ces quatre conditions sont satisfaites. Si elles le sont, le Conseil n’a pas le pouvoir de refuser d’examiner au fond une pétition dont il est légalement saisi.
    En effet, l’article 4-1 dispose que « le bureau statue sur [la recevabilité de la pétition] au regard des conditions fixées au présent article », et uniquement au regard des conditions fixées au présent article. Ces conditions sont au nombre de quatre, et pas une de plus. Le Conseil économique, social et environnemental n’était donc pas fondé à prononcer l’irrecevabilité de la pétition au seul motif qu’un projet de loi serait en cours de discussion au parlement.
    III. Pour prononcer l’irrecevabilité de la pétition, le CESE considère néanmoins que seul le Premier ministre peut saisir l’assemblée consultative concernant un projet de loi. À cet effet, il se fonde sur l’article 2 de l’ordonnance précitée. Or les dispositions contenues dans cet article ne prévoient nullement que la saisine du CESE, à laquelle procède le Premier ministre dans certains cas bien précis, serait exclusive du droit, pour les personnes visée à l’article 4-1, de saisir parallèlement l’assemblée consultative par voie de pétition.
    En effet, l’article 2 énumère quatre voies possibles pour la saisine du CESE par le Premier ministre, le président du Sénat ou de l’Assemblée nationale :
    1° La saisine obligatoire, pour avis, « par le Premier ministre, des projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental. »
    2° La saisine facultative, pour avis, « par le Premier ministre, des projets de loi de programmation définissant les orientations pluriannuelles des finances publiques, des projets de loi, d’ordonnance ou de décret ainsi que des propositions de loi entrant dans le domaine de sa compétence. »
    3° La saisine facultative, pour consultation, « par le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat, sur tout problème de caractère économique, social ou environnemental. »
    4° La saisine facultative, pour étude ou pour demande d’avis, « par le Premier ministre, par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat. »
    Aucune des conditions posées par ces dispositions n’interdit aux personnes physiques mentionnées à l’article 4-1 de saisir parallèlement le CESE par voie de pétition.
    IV. En outre, et à toutes fins utiles, la saisine du CESE pour avis, par le Premier ministre, ne peut relever, le cas échéant, que de la 2ème voie susmentionnée, et cette voie est facultative. Elle ne saurait donc faire échec à la saisine du Conseil par voie de pétition, sauf (peut-être) si elle avait déjà été utilisée. En l’espèce, ni le CESE ni les pétitionnaires ne soutiennent que le Conseil aurait déjà été saisi par le Premier ministre, ni que l’assemblée aurait épuisé sa compétence. On peut donc en conclure que le CESE n’a pas été saisi. Mais quand bien même il l’aurait été, on ne voit pas en quoi la saisine parallèle par voie de pétition serait contraire aux dispositions contenues aux articles 2 et 4 de l’ordonnance.
    La décision d’irrecevabilité prononcée par le Conseil est entachée d’excès de pouvoir et est susceptible le cas échéant, c’est-à-dire si les pétitionnaires le jugent opportun, de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat. Affaire à suivre, donc…
    [MAJ]Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, je me permets de rappeler que j’ai précisé sur ce blog, le 17 août 2012, que j’étais pour le mariage homosexuel, mais contre l’adoption homosexuelle. Je n’ai donc pas signé la pétition dont il est question ici. Ce post développe uniquement un raisonnement juridique.
    [MAJ] A noter que le CESE a décidé de d’auto-saisir de la question :  » Par ailleurs, le bureau du CESE estime que les évolutions contemporaines de la famille et ses conséquences en matière de politiques publiques justifient une autosaisine de la part de notre Assemblée. Le Bureau examinera avec les formations de travail concernées les conditions d’examen et le calendrier de cette autosaisine. » Un recours jurifictionnel contre la décision de rejet de la pétition pourrait donc être jugé sans objet. C’est quand même la preuve de la gêne du Conseil quant à cette décision d’irrecevabilité.¢
  • La pollution court tout le long de la Loire

    Le point commun entre le balbuzard-pêcheur, la loutre, l’anguille, l’écrevisse de Louisiane, le poisson-chat et la corbicule ? Tous ont été les acteurs d’une étude écotoxicologique sans précédent, menée sur l’ensemble du bassin de la Loire. Au terme de trois ans de collectes et d’analyses, ces travaux montrent qu’aucun individu d’aucune espèce, quel que soit le lieu où il vit, n’échappe à la pollution des eaux ligériennes.

    Par son étendue comme par la variété de ses habitats, le bassin de la Loire constitue un hydrosystème fluvial unique en France, beaucoup plus sauvage que celui de la Seine et du Rhône. Pour déterminer son état, les auteurs de l’étude, Charles Lemarchand et Philippe Berny, respectivement écotoxicologue et vétérinaire-toxicologue à VetAgroSup (campus vétérinaire de Lyon) et René Rosoux, directeur scientifique du Muséum d’Orléans, se sont fondés sur le taux de substances toxiques retrouvées chez des animaux qui, par leur fonction prédatrice, jouent le rôle de “biocapteurs” de contaminants.

    Dans les bassins du Rhône et du Rhin, des travaux similaires ont été menés sur les poissons, qui ont montré une contamination importante par les PCB (polychlorobiphényles, interdits en France depuis 1987). Mais jamais une telle variété d’espèces n’avait été sondée. Trois superprédateurs piscivores (balbuzard-pêcheur, grand cormoran et loutre), deux poissons migrateurs (anguille et mulet porc), trois poissons polyphages, trois crustacés et trois bivalves filtreurs… De quoi appréhender les phénomènes de pollution à différentes échelles spatiales : station permanente pour les bivalves, aire de manoeuvre de quelques kilomètres (poissons et loutre), échelle intercontinentale (oiseaux migrateurs).

    DES PRODUITS TRÈS RÉMANENTS DANS L’ENVIRONNEMENT

    Des têtes de bassins à l’estuaire en passant par les plaines alluviales, neuf sites de prélèvements ont été retenus. Sur chacun d’entre eux, et pour chaque espèce, la concentration de PCB a été analysée, ainsi que celle des pesticides organochlorés et organophosphorés, des métaux lourds et des herbicides anticoagulants. Au total, 54 polluants ont été recherchés.

    Les conclusions sont en demi-teinte.

    Les contaminants les plus nocifs sont aussi ceux qui ont été détectés avec la plus grande fréquence.

    Comme “les pesticides organochlorés de la famille du DDT, les PCB dont les effets sur la faune sauvage sont désastreux, et, enfin, le mercure“, détaille René Rosoux. Ces produits, de moins en moins employés (l’usage du DDT est interdit depuis 1972), se révèlent donc très rémanents dans l’environnement. Bonne nouvelle en revanche, les pesticides les plus récents sont plus rares chez les superprédateurs, situés au sommet de la chaîne trophique.

    Si aucun représentant de la faune n’est épargné par ces toxiques, aucune des espèces étudiées ne semble menacée à court terme par cet empoisonnement. Le paysage s’éclaircit donc pour la loutre ou le balbuzard-pêcheur, qui étaient menacés d’extinction par les pesticides organochlorés il y a encore vingt ou trente ans.

    “L’EFFET COCKTAIL DES SUBSTANCES TOXIQUES”

    L’étude montre aussi incidemment que les loutres vivant sur les contreforts du Massif central se sont révélées plus contaminées que celles de la zone estuarienne et des grands marais de l’Ouest où les sources de pollution sont bien plus grandes. “Cela casse un peu le mythe du Massif central “château d’eau” de la France mais cela n’a rien d’étonnant, explique M. Lemarchand, les toxiques voyagent dans l’atmosphère et les pluies abondantes dans cette région, les entraînent avec elles dans le lessivage des sols.

    Dans leurs conclusions, les chercheurs restent prudents : “Nous connaissons encore mal l’effet cocktail des substances toxiques“, résume Philippe Berny. Or celui-ci pourrait se révéler détonnant. Pour au moins deux raisons.

    La première est qu’aux toxiques incriminés s’ajoutent diverses substances pharmaceutiques et hormonales, sur lesquelles les chercheurs – qui viennent de recevoir du plan “Loire Grandeur Nature” le financement nécessaire pour poursuivre leurs travaux jusqu’à la fin 2014 – vont maintenant se pencher.

    La seconde est le réchauffement climatique. “Il faut s’attendre dans les années à venir à une augmentation des sécheresses estivales, ce qui entraînera une concentration des polluants présents dans l’eau“, prévoit Charles Lemarchand. De même, des crues hivernales plus intenses risquent de remobiliser plus largement les contaminants piégés dans les sédiments des rivières ou des barrages. Un contexte incertain, donc, dans lequel l’étude actuelle pourrait servir de référence au “temps zéro” de la biodiversité ligérienne.

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    Des méthodes à part pour les espèces menacées

    Les analyses menées sur les espèces menacées – loutre, balbuzard-pêcheur et grand cormoran – n’ont été effectuées que sur des individus trouvés morts, pour des raisons à la fois “légales, pratiques et éthiques“.

    Pour le balbuzard, les oeufs non éclos et les jeunes morts avant l’envol ont été récupérés – sur autorisation ministérielle – lors des opérations de baguage au nid. La collecte d’oiseaux retrouvés morts à la suite de noyade, de tirs illégaux ou d’électrocution sur les lignes à haute tension a complété l’échantillonnage. L’étude de la loutre, espèce sédentaire et farouche, a impliqué la collecte systématique des cadavres trouvés sur les routes du centre-ouest atlantique et du Massif central. Quant aux grands cormorans, qui viennent en hiver survoler le bassin ligérien, ils ont été récupérés lors d’opérations de tirs de régulation encadrés, destinés à limiter les déprédations des oiseaux sur les bassins et les étangs de pisciculture.

    Le Monde

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  • Islam : Valls est traversé par un court éclair de lucidité

     

    Lundi soir, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, accordait une interview exclusive à La Libre Belgique. S’exprimant sur la situation de l’islam en France, il reconnait, dans un moment de lucidité, que « l’islam est devenu en quelques années la deuxième religion de notre pays, avec quatre à six millions de Français ou de citoyens résidant en France de confession musulmane. Nous comptons entre 2 200 et 2 300 lieux de culte.(…) Il y a très peu d’exemples dans l’histoire de l’humanité où en aussi peu de temps une religion a pris son essor dans un pays« . Quoique nous nous interrogions sur le concept de Français de papier, estimant que l’appartenance à la France n’est pas l’objet d’une simple démarche administrative… Pour le reste, le constat est réel.

    Mais, en abordant les violences et les crimes commis au nom de l’islam, le ministre poursuit : « Il faut que l’islam puise dans son histoire, dans ses valeurs, pour combattre ce radicalisme et cette violence qu’une minorité porte« . Sauf que les valeurs de l’islam, si on se réfère au coran, semblent assez voisines de ce qu’il reproche à certains musulmans, relativement à la condition de la femme, au meurtre des infidèles, et à la place politique de la religion coranique dans la société civile. Concernant ce dernier point, l’islam, et c’est inscrit dans son ADN, nie la distinction entre privé et public, temporel et spirituel : au nom de l’oumma, l’islam est une théocratie ; et le coran un code civil, une juridiction.

    Quant à l’histoire de l’islam, mieux vaut que les musulmans ne puisent pas trop dedans et négligent cette suggestion du ministre de l’intérieur…qui ferait bien d’ouvrir un livre d’histoire de temps en temps…

    http://www.contre-info.com/