Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 53

  • Najat contre la dignité de la femme

     

    Le PIB est une mesure imparfaite, qui ne prend en compte que les échanges marchands. C’est pourtant l’indicateur que tous les politiques et économistes suivent les yeux fermés pour établir la santé d’une économie et par voie de conséquence estimer la vigueur d’une nation.

    PIB France

    Le PIB est une mesure partiale, qui oublie les éléments constitutifs d’une société heureuse

    Selon cet indicateur, l’Allemagne serait en bien meilleure situation que la France, vu qu’elle crée plus de richesse marchande que la France. C’est accessoirement nier le véritable suicide démographique de l’Allemagne, qui fait que dans 50 ans, ce pays sera riche, mais mort. Le PIB est donc une mesure "à la con".

    Mais revenons à notre PIB français. Cet indicateur ne prenant en compte que les échanges marchands, il néglige toute la part de gratuité qui nous anime et qui fait globalement de nous une civilisation. Par exemple, imaginons un jeune homme qui fait appel aux services d’une charmante femme de ménage. Succombant à ses charmes, il finit par l’épouser. Aïe, le PIB chute. La femme continue à rendre le même service à la société, mais il est devenu non salarié. Remarquez que cet exemple marche aussi pour la femme qui épouse son plombier.

    Dans notre affreux modèle patriarcal, où les hommes sont censés dominer les femmes, ceux-ci contribuent plus fortement au PIB marchand. Mais celles-ci contribuent plus largement à la richesse de notre civilisation. Les dizaines de générations éduquées, la barbarie patiemment éradiquée, les foyers paisiblement bâtis, la Foi sagement propagée, nous le devons plus aux femmes qu’aux hommes.

    L’Etat contre la gratuité

    Mais voilà le problème. Tous ces éléments, aussi bons soient-ils, ne sont pas taxables. Dans son orgie de contrôle complet de la société (de la politique du logement aux subventions des associations militantes, de la promotion de l’égalité homme/femme à ce que nous devons manger), l’Etat est devenu un ogre qui a besoin de plus en plus de vivres.

    Ainsi la gratuité est devenue nuisible, car elle n’est pas taxable. Le rôle historique des femmes dans notre civilisation doit donc être anéanti pour qu’elles puissent avoir enfin une activité salariée, donc rémunératrice pour l’Etat. Pour pousser plus loin le PIB, il suffit de transformer les services gratuits en services payants.

    Najat Vallaud-Belkacem a lancé plusieurs mesures pour inciter (en fait forcer) les femmes au travail. Non contente de chasser les femmes de leur foyer, d’enlever une mère à ses enfants, et de rendre ces mêmes enfants plus disponibles au formatage de l’Education Nationale, Najat enlève une nouvelle pierre à l’édifice de notre civilisation. Pour que l’ogre puisse vivre et augmenter lentement son emprise sur nos vies.

    Il est urgent de baisser massivement le poids de l’Etat, non par dogmatisme économique, mais pour que celui-ci nous laisse un peu de place pour s’aider et s’aimer.

    Et je profite de l’occasion pour rendre un vibrant hommage à ma femme, éducatrice zélée de nos sept marmots(*), responsable des opérations jours et nuits, chef logisticienne, évangélisatrice patiente et autres choses devant demeurer sous les voiles pudiques de la vie privée ;-)

     

    (*) pour illustrer les capacités hors normes de ma femme, ma fille de 7 ans vient me demander l’autre jour: "en fait, il faut faire une contre-révolution, non?"

    http://droitedavant.wordpress.com/2014/03/08/najat-contre-la-dignite-de-la-femme/

  • Kostas Mavrakis, Pour l’Art. Eclipse et renouveau

    Malgré des nom et prénom assez peu communs et que l'on aurait tôt fait d'oublier, Kostas Mavrakis gagne à être connu pour cette étude sur l’Art et surtout sur ce qu’il appelle le « Non-Art ».

     

    Peintre à ses heures, l'auteur est docteur ès philosophie et arts plastiques, et maître de conférences. Il a enseigné par le passé à Paris VIII, dans le département de philosophie. En somme, c’est un intellectuel et un plasticien qui a le mérite d'avoir vogué des deux côté de la barrière : dans la pratique (avec la peinture (d'ailleurs la couverture de ce livre est de lui)) et dans la théorie.

     

     

    Laissons d’abord l’introduction de cet article au septième de couverture de l’ouvrage, qui définit clairement ce qu’est (ou plutôt n’est pas) le « non-art » :

     

     

    « L’art contemporain n’est ni art ni contemporain. Ce syntagme fait occuper la place de l’art tout court par le non-art. Une rhétorique habile est déployée pour présenter comme arriéré ou réactionnaire quiconque ne s’en laisse pas conter car les intérêts à ménager sont considérables. Comment et pourquoi s’est accomplie cette résistible ascension de la barbarie ? Le joug que celle-ci exerce ne peut être secoué en murmurant dans son coin que le roi est nu. Aucune nouveauté n’apparaîtra sans notre concours actif. Il faut réfuter le relativisme avant-gardiste en débusquant les sophismes subjectivistes, nominalistes, historicistes qui en constituent le soubassement. Ce discours justifie le n’importe quoi en invoquant l’impossibilité de dire ce qu’est l’art. Kostas Mavrakis en donne pourtant une définition qui englobe ses métamorphoses depuis le commencement du monde. Il établit à cette occasion qu’il n’y a pas d’art sans critique, ni de critique sans critères. Ainsi sont posées les pierres angulaires d’une esthétique générale et d’une esthétique picturale afin de frayer le chemin du renouveau.

     

    On le voit, Kostas Mavrakis ne se limite pas à déplorer la maladie qui ronge et désarme notre civilisation, il en dégage les causes et en fournit les remèdes ou, du moins, les outils conceptuels nécessaires à leur recherche. S’il est vrai, comme le disait Dostoïevski, que le monde sera sauvé par la beauté, il importe aujourd’hui plus que jamais de s’engager pour l’art. »

     

     

    Concrètement, l'histoire de l'Art, depuis les fresques murales jusqu'au XIXe siècle et le début du XXe siècle, est un art contraint, limité, réglé. Quelque soit l'époque, la région du monde, l'auteur et la personne qui commandait la représentation en question, l'œuvre d'art était liée à une ligne de conduite précise et un souci de réalisme.

     

    Dans la Grèce Antique, par exemple, on représentait une scène mythique voire religieuse ou un homme d'état prestigieux sinon très riche, et l'artiste se devait d'être le plus proche possible de la réalité physique. Sculpture, peinture, tous les modes de représentation existants étaient alors utilisés.

     

    On retrouve plus ou moins le même schéma dans les siècles qui suivent, en changeant juste le nom, la forme et le fond de la religion (ou l'idéologie) attachée à l'époque et à la société dans laquelle se mouvaient l'artiste et la personne qui avait commandé l'œuvre.

     

    En fin de compte, l'Art était irrémédiablement attaché à des codes. Et une œuvre d’art était celle qui arrivait à se jouer des codes tout en ne s’en éloignant pas de trop, et qui arrivait à procurer du plaisir au spectateur.

     

    Les formes artistiques peuvent changer, l'essence de l'art reste la même. Tout artiste, qu'il soit littéraire ou plastique, sait que le but premier des arts est de plaire, de procurer du plaisir.

     

    Pour reprendre Kostas Mavrakis :

     

    « Lorsque Leibniz définit le beau :"pulchrum est cuius contemplatio jucunda est", il ne dit pas autre chose que saint Thomasd'Aquin :"pulchra dicuntur quae visa placent". PourLessing il va également de soi que "le but final des arts [...] est le plaisir". Kant s'exprime d'une manière très proche quand il dit que le "goût est la faculté de juger [...] par la satisfaction ou le déplaisir", tout commeWittgenstein qui a écrit : "le beau est ce qui rend heureux". » (page 182).

     

    Ils sont encore nombreux, les grands noms des Arts, à déclarer que le plaisir est ce qui fait l'Art (Molière, Poussin, Delacroix, et même Sartre).

     

     

    Ainsi, pour rentrer au cœur du sujet centré sur l’existence et la diffusion d’un non-art, il faut revenir un petit siècle en arrière, au "tournant de 1910".

     

    Aux environs de cette date s'opère "un glissement de terrain" qui « emportera la civilisation occidentale, dont l'art est une composante ». A cette date, le nihilisme culturel et la volonté de détruire l'art sont ouvertement exprimés (voir le poète Marinetti dans le Figaro de 1909 qui dit qu'il "faut coûte que coûte être original", que "l'art ne peut être que violence, cruauté, injustice", ou qu' "une automobile de course [...] est plus belle que la victoire de Samothrace" (pages 51-52)).

     

    Les avant-gardes, les Dadaïstes et le modernisme transforment l'art "d'avant" en un bouillonnant mélange d'objets quelconques (voir l'urinoir envoyé au Salon des Indépendants de N.Y. par R. Mutt en 1917 avec la déclaration suivante "l'artiste peut être n'importe qui, l'œuvre n'importe quoi"). Les courants artistiques qui suivirent cette date charnière sont connus et représentatifs de cette transformation : l'Abstrait, le pop-art, le "nouveau réalisme", etc.

     

    A défaut de limites, de règles, la Liberté prend racine dans l'Art et, sans bornes, sans soucis esthétique, il devient impossible de pouvoir comparer, juger, critiquer l'art. Cet art ne signifie plus que ce que son auteur "veut qu'il lui signifie, ni plus ni moins" (comme le dirait le chat d'Alice au pays des merveilles, Humpty Dumpty, à propos de la signification des mots qu'il emploie (page 66)).

     

    L'art, ou plutôt le non-art, peut donc devenir tout et rien à la fois, tout dépend de ce que les critiques artistiques auto-proclamés décident.

     

     

    « De surenchère en surenchère, la suppression de toutes les caractéristiques de l'œuvre d'art aboutit très rapidement à des objets ou des absences d’objets tels que des bouts de ficelle, un tas de charbon ou de feuilles mortes, (...). Parvenu à ce point zéro, le principe de ces pratiques se transforme en son contraire. Comme il n'y a plus rien à soustraire, leur dynamique s'épuise. Leur idole était le "novum", elles sont désormais au régime de la répétition. La différence que cultive chaque "artiste" est désormais trop indifférente pour valoir comme innovation. A la révolution dans la civilisation qu'annonçaient les avant-gardes de jadis, s'est substitué le conservatisme le plus intolérant. A la subversion de tous les codes, a succédé un code unique purement négatif que l'Etat sanctionne et subventionne » (page 69).

     

     

    L'art est devenu redondant, sans surprise, multiforme, il se veut social, sacré, militant et tolérant, pensant et subversif, profond et se jouant de toutes les règles.

     

    Ce non-art est aussi aidé de ses "connaisseurs" qui n'hésitent jamais à jouer la carte du "le néophyte ne pourrait pas comprendre" pour faire vivre ce non-art. Ce dernier en est d'ailleurs arrivé à un point où sa période de gloire vient de sa publicité, de son advertising. Ce qui est amusant, puisque paradoxale, c'est de voir les artistes en plein dans le non-art, très nombreux (trop nombreux même, puisqu'il y a une véritable saturation d'artistes), critiquer cette capitalisation des œuvres. Souvent, d'ailleurs, on considère que l'artiste qui ne vend pas est un artiste déchu au talent incompris. Puis il vend. Et, on se rend compte après que c'était pas terrible. Ce positionnement de l'Etat français face à son art conduit, à leur insu ou non, les musées et les commissaires d'exposition à exposer des bouses, magnifiquement emballées par les connaisseurs mais incompréhensibles auprès du grand public forcément profane, qui seront très rapidement oubliées.

     

    Le non-art c'est donc de la subversion jetable en série. Mais, qui donc oserait critiquer cela en ayant en tête que "le modernisme est un devoir" ?

     

     

    En somme donc, Kostas Mavrakis, en reprenant les mots du sociologue Roger Caillois disant que "tout art participe d'une civilisation", dresse via cette étude rigoureuse du non-art un tableau de notre civilisation.

     

    Se rangeant auprès des nombreux penseurs parqués vulgairement par les milices de la pensée-dominante sous le sigle des "nouveaux réactionnaires", K. Mavrakis lance une énième mise en garde face à cette décadence de la société, et propose quelques solutions entrevus dans la revue dirigée par Alain de Benoist Krisis (n° 19 novembre 1997), dont voici le sommaire :

     

     

    Art / Non-art ?

     

     

    Kostas Mavrakis, Penser le modernisme

     

    Misère de la critique, entretien avec Jean-Philippe Domecq

     

    Jean Baudrillard, Illusion, désillusion esthétiques

     

    Modernité contre avant-garde, entretien avec Jean Clair

     

    L’ethnisme, un avenir pour l’avant-garde, entretien avecBen

     

    Jean-Joseph Goux, Les monnayeurs de la peinture

     

    Louis Védrines, Notes sur la peinture

     

    De la fin de la « mimésis » à l’esthétisation du monde, entretien avec Remo Guidieri

     

    Alain de Benoist, Image interdite, image exaltée. Iconoclasme et religion

     

    Architecture traditionnelle et démocratie culturelle, entretien avec Léon Krier

     

    Gérard Zwang, Dix raisons pour ne pas devenir baroque

     

    Michel Marmin, Musicalement correct ? Brève réponse à Gérard Zwang

     

    Le texte : Oswald Spengler, Musique et arts plastiques

     

     

    Ce tir groupé face aux modernistes provoqua d’ailleurs beaucoup de bruit dans le "milieu", et les attaques traditionnelles de ces gens-"là" volèrent donc un peu partout dans les journaux (Alain de Benoist "accusé" d'être de mêche avec Le Pen, Baudrillard qui se fait sermonner par Philippe Dagen dans Le Monde, Kostas Mavrakis, par le même auteur, critiqué parce qu'il aurait "flirté" avec des idées nazies puisqu'ayant expliqué que l'art "nazi" était plus créatif que l'art des pays démocratiques de l'époque, etc.).

     

     

    Encore une fois, donc, on se retrouve face à face avec le lien d'acier qui unit "marchands, fonctionnaires culturels et maîtres des médias", et les nombreux anathèmes qui ponctuent les conflits avec cette Union Sacrée.

     

    L'Art est plus que jamais au centre des préoccupations, et son histoire un objet de pouvoir incroyable.

     

     

    Aristide pour le Cercle Non Conforme

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • Postmodernité : encore un effort !

    Postmoderne : le mot est dans toutes les bouches. Mais personne ne sait exactement de quoi il s'agit. La chose, cependant, existe. On peut même en faire la preuve empirique : quand, autour de nous (voire à l'intérieur de nous-mêmes), d’innombrables indices amènent nos contemporains, sans s'être donné le mot, à qualifier unanimement de “postmodernes” certains phénomènes ou messages, il faut bien qu'il y ait anguille sous roche. Que cette étiquette soit flatteuse pour les uns, péjorative pour les autres, ne change rien à l'affaire. À l'évidence, quelque chose se trame autour de nous. Cela croît, s'amplifie, s'enfle en permanence. Mais, faute de recul, nous n'en percevons que vaguement les contours.
    Évoquant, sur le mode badin, les onze années de sa présidence de l'université de Munich, Nikolaus Lobkowicz (Communio, éd. all., n°4/1986, pp. 352 ss.) a bien cerné les difficultés auxquelles se heurte toute première approche de l'irradiation postmoderne :
    « Sans cesse me revenait à l'esprit la remarque pénétrante de A. Santos qui affirmait que les contemporains ne sont jamais capables de juger leur époque puisque tout dépend de ce qu'elle produit. On agit en fonction de telle ou telle expérience passée, de tel ou tel principe qui, en général, n'a rien d'évident, d'après certaines idées sur les périls qui nous guettent et nos possibilités. Si ces périls ne mènent pas à la catastrophe, l'historien de l'avenir sera tenté de dire que nous avons exagéré. Si au contraire les possibilités ne s'actualisent pas, on nous accu­sera d'aveuglement. Nous vivons dans un demi-jour, et si d'aventure nous trouvons notre chemin, c'est par instinct plus que par raison. Voilà un argument de taille contre l'idée selon laquelle nous vivons à une époque éclairée ».
    Je n'ai, bien entendu, cité ces quelques brins de sagesse que pour mieux me jeter à l'eau. D'autant que l'on s'apercevra (le lecteur me pardonnera cette troisième métaphore) que dans un premier temps, au moins sur une partie du parcours, nous évoluons en terrain sûr. Je m'explique : il me semble que sur cette “postmodernité” aux contours si incertains, on peut s'accorder sur 3 points, que j'indiquerai. Nous tenterons ensuite de dégager, sur un sujet si déroutant, 3 grands axes d'interprétation dont on commence déjà à percevoir les linéaments. Une dernière foulée nous ramènera sur la terré ferme et nous présenterons un jeune éditeur et un jeune auteur qui nous parais­sent incarner la “postmodernité”.
    C'est appliqué à l'architecture que le terme “postmoderne” s'est sans doute révélé à la plupart d'entre nous. Et ce n'est pas un hasard si c'est dans ce domaine-là que l'ex­pression s'est rapidement imposée : on ergote moins volontiers sur une construction ou un problème d'urbanisme que sur la poésie ou la théologie : en architecture, l'objet du débat est une réalité optique évidente, et la postmodernité n'y est pas difficile à repérer : c'est une révolte contre l'architecture “fonctionnaliste” genre Bauhaus. Certes, les architectes postmodernes ont, eux aussi, pour principe que le style doit découler de la fonction de l'édifice à bâtir (“form fol­lows function”, dit-on). Mais ils donnent au mot “fonction” un sens plus vaste. Un cou­loir, par ex., n'a pas simplement pour “fonction” de permettre à 2 personnes de se croiser sans se gêner (ce serait plutôt la fonction d'un mètre !) : un couloir ne doit pas donner une sensation d'oppression.
    L'homme est plus que ses besoins physiques : ses besoins psychiques sont l'autre face de la “fonction” que doit remplir une construction, et c'est pourquoi l'architecte postmoderne se permet d'équilibrer la gravité d'un ensemble par des éléments articulants, nullement indispensable sur le plan technique. Et comme l'homme n'est pas seulement un homo faber mais également un homo ludens, des architectes comme Bofil, Krier, Charles Moore ou Watanabe ne négligent pas d'embellir leurs œuvres d'ornements “superflus” mais qui en rehaussent l'aspect : Ils se permettent, très naturelle­ment, des emprunts : ici une colonnade grec­que ou une corniche à la Palladio, là un axe médian d'allure princière qui rehausse la vie, l'élevant vers la joie ou le tragique. En architecture, la postmodernité est une geste libératrice qui rompt avec la sclérose du dogmatisme et de l'unilatéral. L'est-elle dans les autres domaines ?
    À l'évidence, la “postmodernité” a une parenté française. C'est le second point. Et une certitude : quel que soit le volet de la postmodernité à l'étude, on rencontre à chaque pas soit des racines françaises, soit dés impulsions venues d'ailleurs mais retransmises par la France. Celle-ci, qui paraissait définitivement vouée au nombrilisme. assume, depuis quelques dizaines d'années, le rôle qui fut si longtemps celui de l'Allemagne : celui du penseur qui va jusqu'au bout des idées, celui du grand initiateur, du grand séducteur dans les choses de l'esprit et de la culture, celui du grand explorateur de nouveaux rivages.
    Si les grands débats inaugurés par Nietzsche et Heidegger ne se sont pas enlisés, c'est grâce aux philosophes français. Au point qu'aujourd'hui, lorsque nos philosophes allemands crispés se prêtent à un débat avec leurs homologues français, ils ont le ridicule (et pour cause) de désavouer (parce que “fascistoïde”) un héritage intel­lectuel allemand redécouvert et réactivé... à Paris. Le complexe d'infériorité suscité par ce hiatus intellectuel dans les rangs du man­darinat ouest-allemand se répercute bien entendu sur l'attitude adoptée face au phénomène postmoderne. Les combats d'arrière-garde de nos mandarins ont fatalement tendance à n'être que la continuation, sous de nouveaux oripeaux, de la vieille imprécation fielleuse contre le “Franzos' mit der roten hos'” (“Le Français à culotte pourpre” : allusion au pantalon de l'uniforme français de la guerre de 1870 et du début de la Première Guerre mondiale. NDT). Même les polémiques d'une certaines tenue intellectuelle n'en sont pas tout à fait exemptes (voir par ex. l'essai de Klaus Laermann, germaniste de l'université libre de Berlin et appartenant à cette génération d'après-guerre non astreinte au service militaire : « Lacancan et Derri­dada : La francolâtrie dans les disciplines de l'esprit », in Kursbuch n°84, mars 1986, pp. 34 ss.).
    Le troisième fait, incontestable lui aussi, est que l'ennemi visé par l'explosion volcanique de la postmodernité est facilement identifiable. Sur ce point, le consensus des esprits malicieux est renforcé par la fureur de leurs victimes. L'ennemi, c'est la “deuxième Aufklärung”, c'est-à-dire ce curieux mouvement réactionnaire qui croyait, et croit toujours, que l'on peut col­mater les brèches que Georges Sorel, Nietzsche et consorts ont ouvertes dans la muraille des utopies. La “modernité”, dont se détourne le courant postmoderne, est un amalgame idéologique à l'échelle planétaire même s'il varie selon des pays ou les régions. On y rencontre au premier plan des attitudes mentales et des comportements apparemment incompatibles : un matérialisme historique édulcoré par la psychanalyse, qui remplace la lutte des classes par la lutte con­tre certains types de mentalité ; un discours sur la liberté et l'émancipation sans limites ; le culte de l'individu-roi et de l'ego qui ne s'embarrasse pas de devoirs vis à vis d'impératifs supérieurs.
    Les idéologies n'ont jamais été affaire de logique. Il leur faut d'autres liants. Exemple : l'intérêt collectif des milieux qui se sont ralliés à cet Eintopf idéologique et forment une sorte d'interna­tionale soudée. Ou encore le confort intel­lectuel du repli stratégique sur une éthique de l'intention pure qui n'engage bien entendu à rien et dispense de l'épreuve des faits. Et dans la mesure où l'on peut parler d'une assise “philosophique” de tout cela, ce n'est qu'un égalitarisme qui mesure toute réalité à l'aune de l'unidimensionnel et se réclame d'un universalisme inspiré tantôt de Spinoza tantôt de saint Thomas. Le résul­tat de ce réductionnisme est une pensée monolinéaire qui prétend expliquer logique­ment le monde et résoudre ainsi tous les pro­blèmes. Et lorsque le coup de baguette magi­que se révèle inopérant, le missionnaire vient à la rescousse, fort de la conviction d'être moralement infiniment supérieur aux “non éclairés”. Le lecteur me pardonnera cette définition en raccourci de la modernité : il en connaît déjà les divers ingrédients et peut donc les retrouver lui-même dans le tableau que j'ai brossé.
    L'adversaire a senti le danger. Il existe des revues (et pas seulement le Kursbuch cité plus haut) dont le seul souci, depuis plusieurs années, est de démontrer que l'abandon de la modernité ne doit pas, ne peut pas et ne va pas avoir lieu. Instituts universitaires et organismes privés s'occupent à mettre sur fichier et (noblesse oblige) sur ordinateur les argumentaires, les personnes, les revues et publications d'un “tournant” imaginaire. Quant à l'héritier, aussi teigneux que stérile, des pères défunts de la “deuxième Aufklärung” (celle de Francfort et d'ailleurs), je veux parler de Jürgen Habermas, il consacre toute son éloquence à mettre en garde un public de plus en plus clairsemé contre le flot paresseux de la postmodernité, en laquelle il aperçoit la fin de la liberté, de la démocratie... et surtout de l'Occident (la Deutsche Forschungsgemeinschaft vient de décerner à Habermas l'un des prix du “Programme Gottfried Wilhelm Leibniz”. Commentaire de la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 16 juillet 1986 : « Les lauréats peuvent, sans débours bureaucratiques, dis­poser en toute liberté de crédits de recher­che pouvant atteindre les 9 millions de Francs »).
    Pour rendre compte de but en blanc du phénomène postmoderne, l'image de l'éruption volcanique est plus heureuse que celle de la nuée radio-active : le courant postmo­derne apparaît effectivement comme le sur­gissement irrésistible de ce qui tendait à la surface, de ce qui ne pouvait plus être con­tenu. L'édifice intellectuel qu'il met en miet­tes n'avait plus rien à voir avec le réel, mena­çait même de devenir invivable. Or, le flot de lave compacte qui déferle du cratère béant charrie nonchalamment les éléments les plus hétéroclites : des suiveurs, qui se satisfont, comme toujours, de quelques bouchées hap­pées ici et là ; des charlatans, toujours pré­sents là où l'on découvre que l'homme est plus compliqué que l'on croyait ; des oppor­tunistes, habiles à convertir en un tour de main les idées nouvelles en jargon négocia­ble sur le marché de l'esprit. Mais les pires sont peut-être ces enthousiastes sincères qui ne s'aperçoivent pas qu'un cœur débordant a, plus qu'un autre, besoin de rigueur dans l'expression. Ce n'est pas parce qu'on lutte contre la phraséologie moderniste, superficielle et coincée, qu'on va ouvrir toutes gran­des les portes au bavardage, fût-il fleuri ! Que Cioran, Clément Rosset et autres maî­tres de la mise-en-forme précise de l'infor­mel nous soient témoins !
    Cependant (à la guerre comme à la guerre), ceux qui cherchent à empêcher la déconfiture de la modernité se ruent avec délice sur l'équipage il est vrai bigarré de la postmodernité. Voilà même qu'ils agitent un scalp : celui de Dietmar Kamper, sociologue de l'université libre de Berlin, dont la faconde est effectivement une aubaine pour le caricaturiste : son discours abstrus et alambiqué n'a rien à envier au charabia pro­fessionnel des pires épigones de Theodor Adorno, et si l'on feuillette les revues qui s'intitulent “postmodernes” (par ex. Konkursbuch, revue de critique de la raison, ou Tumult, revue des sciences de la commu­nication), on est sans cesse tiraillé entre des fantaisies nombrilistes et un discours perti­nent sur des observations justes. Mais ce sont là les phénomènes habituels qui accompagnent tous les changements importants. Si, en l'occurrence, ils sont plus voyants, c'est peut-être parce que le tournant en question n'obéit pas à une discipline mais insuffle un peu d'air frais dans une atmosphère irrespi­rable et défriche de nouveaux espaces de liberté.
    Bien sûr, la définition du phénomène “postmoderne” tentée ici est elle-même affaire de perspective. L'auteur de ces lignes a été marqué par la Révolution conserva­trice, premier courant intellectuel à avoir eu le courage de dire que ce qu'on appelle la “modernité” n'a en fait rien de moderne et qu'elle est au contraire un réchauffé d'Aufk­lärung (dans ses 2 variantes : la rationa­liste et la sensualiste). Car ce qui fait la nou­veauté de notre époque, à savoir la techni­que et l'industrialisation, n'a jamais été saisi dans son essence, encore moins maîtrisé, par la deuxième Aufklärung. La Révolution conservatrice s'est efforcée de dépasser les abstractions niveleuses de la modernité pour dégager une vision réaliste de l'homme et du monde dans sa complexité, en essayant de faire prendre conscience des conséquences concrètes qui en découlaient.
    Certes, un tel positionnement pourrait facilement porter à la condescendance à l'égard de la postmodernité : on a parfois l'impression d'être un guide de haute mon­tagne qui, après avoir péniblement taillé à grands coups de piolet des marches dans la paroi, verrait les touristes à souliers plats gravir lestement la pente en se jouant de la pesanteur. Je ne cède pas à cette tentation. Je tiens néanmoins à préciser que je ne sou­haite pas être confondu avec 2 types de “compagnons de route” : tout d'abord, les “fondamentalistes” qui se contentent de remplacer un unilatéralisme par un autre ; ils ne réalisent pas qu'une vérité devient fausse dès lors que les vérités adjacentes ne sont plus perçues comme telles. Témoins ces “Verts” qui vident de leur substance les idées écologistes en les réduisant à des abstrac­tions, ne perçoivent pas l'imbrication histo­rique de l'homme et de la nature et songent encore moins à assumer les contraintes qu'entraîneraient les actions qu'ils récla­ment.
    Le cas des autres compagnons de route est un peu plus complexe : ce sont, en bref, des gens qui, certes, désavouent les élé­ments de contrainte de la modernité mais qui en aucun cas ne voudraient renoncer à ses aménités. Il s'agit, pour la plupart, d'intel­lectuels de la gauche libérale. Suffisamment intelligents pour réaliser la débâcle de leurs idéaux, ils ne voudraient au grand jamais passer pour des “hommes de droite” ou tout autre forme du Mal. Exemple classique : Botho Strauss. Très en vogue actuellement, c'est l'auteur de la bouche duquel le bour­geois timoré s'entend dire des choses qu'il récuserait si elles venaient d'ailleurs. Bien sûr, Botho Strauss sait tenir des propos roboratifs :
    « La génération soixante-huitarde l'a encore échappé belle. Elle continue, depuis des décennies, à exercer ses modestes talents intellectuels du haut de chaires conforta­bles... C'est avec de telles formules incan­tatoires (“maîtriser le réel”) que la raison, acculée, essaie de transformer le foisonne­ment du vivant en un monde conceptuel vide. Voilà le véritable irrationalisme ! Sa fade prière, dominée par le tintamarre des intellos en rupture de langage, s'affirme pour ainsi dire d'office et ses blocages augmen­tent en proportion de son zèle. Et, n'ayant rien appris, les éducateurs délaissés par leurs ouailles ânonnent inlassablement le vocabu­laire sec et défraîchi d'une analyse critique qui, à chaque répétition, apparaît un peu plus abstraite » (Paare, Passanten).
    À la bonne heure. La formule fait mou­che. Malheureusement, elle n'aura aucune suite parce que Strauss ne s'en prend qu'aux symptômes. La déroute qu'il nous décrit ne serait-elle, pour lui, qu'un fâcheux accident de parcours ? Croit-il qu'il aurait pu en être autrement ? Botho Strauss a un truc efficace pour éluder ces questions : il truffe son texte de citations, franches ou déguisées, extrai­tes de la littérature universelle (et de la mythologie) : une citation coupée de son contexte a l'avantage qu'on peut à peu près toujours lui faire dire n'importe quoi.
    Mais trêve de critiques. Ouvrons tout grands les bras ! Ce n'est pas par fausse modestie de l'auteur de ces lignes rejette toute condescendance à l'égard de la post­modernité : celle-ci a vraiment quelque chose à nous apporter, quelque chose qui nous manque, nous complète et nous féconde. C'est qu'elle a quelque rapport avec le tra­vail de pionnier entrepris par la Révolution conservatrice. Celle-ci fut la première à déclarer la guerre au dogmatisme stérile de ce qu'on appelle “la modernité”. Un tel combat vous marque un homme. Il force à la réserve, à la concentration sur des tâches déterminées. Rien n'y est laissé au hasard, il faut faire l'impasse sur bien des choses, les remettre à “plus tard”. On s'acharne sur l'adversaire et même si, au nom de la pléni­tude et de la complexité du réel, on se bat contre la grisaille de l'abstraction, un peu de cette grisaille vous colle tout de même à la peau. On panse ses plaies et on fait l'appren­tissage de la prudence. Mais le néophyte qui pénètre pour la première fois dans l'arène ignore encore combien de coups il recevra.
    Nous avons déjà mentionné dans Criticón (n°85 de janvier-février 1985) un baptême du feu postmoderne : la critique par Gerd Bergfleth de cette pensée terroriste qu'est le cosmopolitisme. Mais il y a plus beau encore que les baptêmes du feu : les surprises que nous réserve l'âge postmoderne. Dans sa vir­ginité et son innocence, la postmodernité nous ouvre de nombreuses échappées et éjecte en pleine lumière ce que l'on n'avait que pressenti, ce que l'on avait oublié, ou voulu oublier.
    En Allemagne, l'édition postmoderne atteste une joyeuse diversité. Voici le por­trait, rapidement brossé, d'Axel Matthes, directeur des éditions Matthes & Seitz Ver­lag de Munich. Si nous avons choisi celui-­là, c'est parce qu'il passe actuellement pour être l'entreprise la plus intéressante en la matière : snob mais pas trop, sophistiqué mais avec modération, sans peur des com­promissions ni des voisinages gênants, du flair et plus d'une surprise dans son sac. Ses livres, enfin, sont de petits délices à un prix abordable. Un coup d'œil sur sa production suscite l'étonnement : Axel Matthes fait tout tout seul, de la conception à l'expédition. L'hebdomadaire Die Zeit (16 août 1985) lui a rendu visite (avant nous) : « ... Sans lecteur ni collaborateur, avec une seule comptable qui vérifie les bilans deux fois par semaine et une productrice free lance, il “sort” quinze livres par an ».
    Pourtant, à en croire l'auteur de cet ar­ticle, Matthes n'a rien d'un homme à bout de souffle :
    « Axel Matthes aime parler, et d'abon­dance, tantôt tourné vers moi, tantôt désignant le plafond, parfois le sol, prenants à témoin la fenêtre ou lui-même. Il y a en lui un peu de l'homme de lettres des cafés du XVIIIe siècle, ou d'un ETA Hoff­mann que fascineraient les zones d'ombre des sciences physiques, un peu d'un existen­tialiste en complet noir, mélancoliquement propulsé dans l'existence, un peu d'un Jésus adepte d'une conception hédoniste de la vie. Il discute avec lui-même, ou plutôt ça dis­cute en lui interminablement. Décidément, cette maison d'édition est un seul et unique monologue, fantastique et romantique... »
    Et encore ceci : « Matthes n'édite pas les cuistres. Il n'édite que les auteurs qui pren­nent le risque de se tromper, pour qui la pen­sée risquée est un principe de travail, les auteurs chez qui l'écriture et la vie, c'est à dire l'erreur, ne font qu'un ». Ces lignes viennent à point nous rappeler quelle est la cible de la rébellion postmoderne : la pensée linéaire et figée, responsa­ble de la pétrification du monde. Benedikt Erenz, qui a rédigé ce brillant reportage, cite à ce propos quelques phrases de Matthes :
    « La contradiction, y compris avec soi-même, l'erreur, sont ce qui importe dans la vie. Et qui l'enrichit. Celui qui ne se contredit jamais est mort. L'erreur n'est pas seulement humaine, elle est l'humain. Seul l'animal ne se trompe jamais... »
    Il arrive qu'Axel Matthes prenne la plume. Dans un livre produit par ses soins, il glisse ces quelques réflexions :
    « Ce que nous vou­lons, c'est créer un pôle d'observation pos­sible : non mettre sur pied une théorie com­plète, capable de contenir tout et n'importe quoi. Ce qui nous plaît, au contraire, c'est ce qui est inclassable, et le fait que cela soit inclassable. Nous valorisons des élans impo­pulaires, soupapes de sûreté des hommes, des valeurs et des individus. (...) La révolte est le signe d'une rupture avec tout ordre. Elle a plusieurs visages. La révolte est une chose, la façon dont elle s'exprime en est une autre. II y a la révolte de l'homme sans con­sistance ou du démagogue, qui aggrave encore l'étiolement de l'homme, exaspère son désir de soumission, sa mentalité d'es­clave, sa recherche de la chaleur doucereuse du troupeau. Et il y a la révolte de l'individu rebelle. L'hypocrite et l'intrépide ont de la révolte une conception diamétralement opposée. L'Église a expédié aux enfers tous les “grands hommes” : cette “révolte” déplut à Nietzsche. Je proclame la révolte contre tous les discours établis de la révolte ! »
    On ne saurait trouver mots plus beaux pour décrire la mentalité postmoderne. De Gerd Bergfleth, qu'il nous faut ici présen­ter, nous ne savons rien, pas même son âge. Nous savons seulement qu'il est particulièrement bien vu chez Axel Matthes.
    Mais l'atmosphère n'est pas tout. Il est faux de croire que les auteurs postmodernes ne sont pas des bûcheurs. L'œuvre princi­pale (à ce jour) de Gerd Bergfleth s'intitule “Théorie du gaspillage” (Theorie der Versch­wendung). Il s'agit d'une analyse serrée de la pensée complexe de Georges Bataille (1897-1962), l'un des pères spirituels de la postmodernité… et de Bergfleth. Les livres de Jean Baudrillard, germaniste et sociolo­gue né en 1929, ne sont pas, eux non plus, d'abord facile. Dans le registre des textes édi­tés chez Matthes & Seitz, ils complètent avantageusement ceux de Bergfleth. Baudril­lard est le vétéran de 1968 qui a fait passer dans la postmodernité son expérience du front. Le monumental Dictionnaires des phi­losophes (en 2 tomes volumineux publiés en 1984 par Denis Huisman aux PUF) indi­que que tous les chefs de file, ou presque, du mouvement de 1968 sont naguère passés entre ses mains. Matthes vient d'éditer la tra­duction allemande de sa Gauche divine qui retrace méthodiquement la façon dont la gauche française s'est suicidée entre 1977 et 1984 (donc en partie sous François Mitter­rand). Cette pénible expérience a laissé chez Baudrillard un traumatisme qu'il partage avec tous les auteurs postmodernes ; il pro­fesse pour l'épouvantail appelé “société” un mépris que même un homme de droite nor­malement constitué n'oserait articuler :
    « Le social, l'idée de social, le politique, l'idée de politique, n'ont sans doute jamais été portés que par une fraction minoritaire. Au lieu de concevoir le social comme une sorte de condition originelle, d'état de fait qui englobe tout le reste, de donnée trans­cendantale a priori, comme on a fait du temps et de l'espace (mais justement, le temps et l'espace ont depuis été relativisés comme code, alors que le social ne l'a jamais été — il s'est au contraire renforcé comme évidence naturelle : tout est devenu social, nous y baignons comme dans un placenta maternel, le socialisme est même venu cou­ronner cela en l'inscrivant comme idéalité future - et tout le monde fait de la socio­logie à mort, on explore les moindres péri­péties, les moindres nuances du social sans remettre en cause l'axiome même du social) - au lieu de cela il faut demander : qui a produit le social, qui règle ce discours, qui a déployé ce code, fomenté cette simu­lation universelle ? N'est-ce pas une certaine intelligentsia culturelle, techniciste, rationa­lisante, humaniste, qui a trouvé là le moyen de penser tout le reste et de l'encadrer dans un concept universel (le seul peut-être), lequel s'est trouvé peu à peu un référentiel grandiose : les masses silencieuses, d'où sem­ble émerger l'essence, rayonner l'énergie inépuisable du social. Mais a-t-on réfléchi que la plupart du temps ni ces fameuses masses, ni les individus ne se vivent comme sociaux, c'est-à-dire dans cet espace perspectif, rationnel, panoptique, qui est celui où se réfléchissent le social et son discours ? »
    « Il y a des sociétés sans social, comme il y a des sociétés sans écriture. » L'ex-gauchiste Baudrillard est reconnais­sable à ses “phrases à tiroirs” (nous avons souligné nous-mêmes les passages importants). Mais il nous a amenés au point qui nous intéresse : des « sociétés sans social » : cela même qui passionne Bergfleth. Pour comprendre cette nouvelle constellation, il faut s'abstraire du paysage idéologique auquel est habitué l'homme de droit moyen.
    Bergfleth a été marqué par son maître Georges Bataille dont l'anthropologie repose sur la distinction entre “production” et “gaspillage”. Selon Bataille, l'activité humaine ne se réduit pas entièrement à des processus de production et de reproduction, et la con­sommation doit être scindée en 2 domai­nes distincts. Le premier, réductible, englobe la consommation minimale nécessaire aux individus qui composent une société pour maintenir la vie et assurer la continuation de l'activité productrice... Le second englobe les fonctions dites “improductives” : le luxe, la liturgie funéraire, les guerres, les cultes, la construction d'édifices de prestige, les jeux, le théâtre, les arts, la sexualité perverse (indé­pendante des fonctions purement reproduc­trices). Autant d'activités qui, au moins à l'origine, sont à elles mêmes leur propre fin.
    Dès lors, l'humanité poursuit 2 objec­tifs : l'un, négatif, consiste à maintenir la vie (ou à éviter la mort) ; l'autre, positif, con­siste à accroître son intensité. Ces 2 objectifs ne sont pas contradictoires. Mais l'intensité ne peut être accrue sans risque, si bien que l'intensité à laquelle aspire la majo­rité (ou le corps social) est subordonnée au désir de se cramponner à la vie et à ses œuvres...
    Cette antithèse intensité/durée, chère à Georges Bataille, nous apparaît le moteur le plus puissant de la pensée postmoderne (l'opposition cioranienne entre l'Être et le Néant apparaît, elle, plus légère). Bergfleth fait sienne cette impulsion et la met en forme à sa manière. Sa “théorie du gaspillage”, telle qu'il l'expose dans Ich gestatte mir die Revolte (“Je m'offre le luxe d'une révolte”, anthologie éditée par Matthes), contient 2 réflexions capitales :
    Première réflexion :
    « ... Le gaspillage de l'homme par lui­même reste possible. Il se distingue essentiellement du gaspillage industriel, chosifié. Dans sa forme la plus générale, l'auto­gaspillage est identique à la césure car celle­-ci n'est rien d'autre que le mouvement de dépassement et de sortie de soi-même. Elle n'est pas un acte philosophique ; elle suppose à chaque fois l'engagement de l'homme total. S'il existait une chose qui s'appelât “l'essence de l'homme”, on pourrait voir dans ce sacrifice une perte d'essence mais l'auto-gaspillage signifie précisément que cette essence est perdue à jamais. C'est parce que l'homme est dénué de fondement qu'il peut transgresser lui-même. En dépit du mythe tout-puissant de la production, les possibilités de ce gaspillage de l'homme par lui-même sont, aujourd'hui encore, immen­sément riches. Ce sont, pour n'en citer que les formes essentielles : la catégorie des dépenses agonales : compétitions, jeux de toutes sortes ; les formes de l'investissement effectif : rire, pleurer, etc. ; les formes symboliques : la littérature, l'art et la musi­que ; les formes “excessives” proprement dites : les diverses formes de l'ivresse, de la danse, de l'érotisme, de l'orgie. Enfin et sur­tout, ce que j'appellerais les formes actuel­les du sacré : la révolte, le sacrifice révolu­tionnaire, la fête de la mort comme vie en train de vivre, s'offrant comme expérience directe. Dans toutes ces formes, je gaspille ce que je suis, non ce que j'ai... »
    Seconde réflexion :
    « Le gaspillage n'a jamais été charitable, et aucune raison n'est là pour le justifier. L'absence de salut est une autre composante de l'homme, et pas seulement cette absence mais la passion de cette absence. Toute la civilisation humaine montre qu'il existe un besoin inextinguible d'excès et d'émotion, aspiration qui résulte, en définitive, de la conscience de la mort. Sachant qu'il doit mourir, l'homme doit sans cesse se prouver qu'il sait mourir, il doit introduire la mort dans l'existence et tenter l'impossible : réa­liser cette absence de fondement qui est dans sa nature. Tout gaspillage est fondé sur cette absence, sur le non-espoir constitutif de l'homme, qui toujours le pousse aux extrê­mes. Cependant, la menace extrême est aussi sa possibilité la plus haute et s'il ne recule pas, cette possibilité se mue en une folle béa­titude. Aujourd'hui, c'est plutôt le contraire qui semble s'être produit : la mort a cessé d'être une possibilité suprême ; elle est deve­nue une réalité de masse, et toute une société anxieuse a les yeux fixés sur sa propre sur­vie et celle de l'humanité. Mais la réalité n'est pas la possibilité et la survie n'est pas la vie. La mort, toute puissante sous le règne ensor­celeur de la production, est toujours la mort des autres : la mort-production procède d'un refoulement de la mort sans doute sans équi­valent dans l'histoire. La seule chose qui n'arrive jamais dans cette subversion pres­que parfaite, c'est la mort de soi, et si un renouveau de la vie est encore possible, c'est là, au point creux de cette logique, qu'il devra s'amorcer. Si la mort évacuée n'ap­porte que la mort, il nous faut d'abord apprendre à mourir pour pouvoir vivre. La volonté de survie à tout prix est une catégo­rie du darwinisme social : elle est suspecte de meurtre. La sécurité n'est pas là où l'on cherche fébrilement la sûreté, elle se trouve là où l'on est assez sûr pour se permettre de la gaspiller. » (Passages soulignés par l'auteur).
    Le lecteur n'est pas tenu de souscrire aveu­glément à tous les propos de Bergfleth. Il devrait pourtant prêter l'oreille à ce sermon insolite. On se demande souvent : “Que faire de la postmodernité ?” La réponse est sim­ple : après 1945, les conservateurs ont trop misé sur la durée, négligeant l'autre pôle de la vie que Bergfleth nous rappelle avec insis­tance. “On ne vit pas seulement de pain”. Cette vieille sagesse a été oubliée. C'est la cause de toutes les défaites conservatrices dans notre société de bien-être.
    Armin Mohler, éléments n°60, 1986. (tr. fr. : Jean-Louis Pesteil)
    http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EFAuZuyEFEbMQYqcAb.shtml
    Source : http://vouloir.hautetfort.com/archive/2010/10/index.html

  • Mensonges de madame Taubira : une République en ruines…

    Lorsqu’un corps est gangrené, l’amputation d’un membre ne suffit pas.
    Il y a quelque chose de pourri au royaume de France, qui d’ailleurs est une République. Faire confiance est devenu un luxe inaccessible. Un an pratiquement après qu’un ministre a menti, les yeux dans les yeux, en bloc et en détail aux Français et à leurs représentants, voici qu’un autre remet ça. L’arrogante Mme Taubira, au regard souverain et au verbe haut, a chu de son piédestal. Balbutiant, hésitant, bafouillant, elle a tenté de dire qu’elle avait menti à l’insu de son plein gré, puisqu’elle avait été avertie très récemment de l’ouverture d’une information concernant Nicolas Sarkozy, mais pas vraiment des écoutes dont il était l’objet depuis un an, et encore moins de leur contenu. Le juge n’aurait lui-même pas informé le parquet lors de leur déclenchement.
    Panique ou impudence ? Mme Taubira brandissait pour preuve des lettres qui démentaient ce qu’elle affirmait de façon péremptoire. Avec un aplomb retrouvé, le garde des Sceaux et le Premier ministre – qui s’étaient, cette fois, entendus sur les éléments de langage, c’est-à-dire sur ce qu’il s’agit de faire croire aux imbéciles qui les écoutent – ont essayé de retourner le gant.
    Lire la suite

  • Le 18 mars, rassemblement de soutien aux victimes de la répression, à Paris

    À l’appel du Collectif des avocats contre la répression policière et de l’association “Solidarité pour tous“, issue de la Manif pour tous et destinée à défendre les militants et manifestants victimes de violences policières et judiciaires, un rassemblement a lieu à Paris le mardi 18 mars à 19h30, place du Trocadéro.

    Photo de Solidarité Pour Tous.

    http://fr.novopress.info/

  • Svoboda, un parti hostile à l'avortement soutenu par Fabius

    La diplomatie russe a accusé hier le ministre français des Affaires étrangères d'indulgence à l'égard du parti nationaliste ukrainien Svoboda (Liberté), représenté dans le nouveau gouvernement ukrainien. Laurent Fabius a en effet affirmé :

    "Quand on accuse ce gouvernement d'être d'extrême droite, c'est faux". "Il y a trois membres du parti Svoboda qui est un parti plus à droite que les autres, mais l'extrême droite n'est pas au sein du gouvernement".

    Pourtant, selon le ministère russe,

    "Il est connu que l'activité de ce parti a un caractère ouvertement nationaliste. De plus, il soutient des points de vue racistes, antisémites et xénophobes". "Il est incompréhensible de voir avec quelle facilité certains de nos partenaires en Occident 'adaptent' leurs positions pour tirer des avantages géopolitiques immédiats".

    J'ignore si Svoboda est vraiment d'extrême-droite ou si cela n'est qu'un hochet comme cela est appliqué en France par les tenants de la pensée unique. Mais suite à des accusations de ce type venant du FN, un responsable de Svoboda a fait parvenir un courrier aux responsables du Front national. Selon Wikipedia, on apprend que Svoboda a notamment pour projet d'abroger l'avortement et de criminaliser la promotion de l'avortement. En France, abroger l'avortement est dénoncé comme une position "extrémiste". Etonnant que Laurent Fabius accepte de reconnaître qu'il ne s'agit pas là "d'extrême-droite"...

    Michel Janva

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • 93 enfants sauvés de l'avortement

    Au neuvième jour de la campagne de Carême des 40 Days for Life.

    Michel Janva

  • Une nouvelle donne

    Certaines estimations indiquent  que  les listes FN-RBM  pourraient  être en position d’arbitre dans environ  90 des 240 communes de plus de 30.000 habitants. Une hypothèse  qui n’a peut être  pas échappé à Pascal Canfin,  ministre délégué EELV en charge du Développement, qui était mercredi l’invité de l’émission Question d’info  LCP/FranceInfo/AFP/Le Monde. Il a repris à son compte l’accusation formulée depuis longtemps par la droite, RPR-UDF hier, UMP aujourd’hui, vis-à-vis de la gauche en général et du PS en particulier. A savoir  que la montée en puissance des intentions de vote en faveur du FN, si elle se confirme lors des élections municipales les 23 et 30 mars,  pourrait servir les intérêts de la gauche en lui permettant,  de sauver quelques unes de ses  mairies. Assumant le «cynisme» de cette analyse, M. Canfin explique: «Il y a des triangulaires avec le FN (…). A partir de là, vous savez aussi bien que moi que cela peut changer le résultat du deuxième tour et auquel cas, s’il y a des triangulaires, des candidats de gauche peuvent être élus». Est-ce si certain, à la lumière notamment des enseignements des dernières partielles où le PS fut éliminé par les candidats du FN?

    Ce qui est aussi   une évidence, c’est que les deux principaux partis européistes, en dehors des défis homériques et des oppositions souvent artificielles  qui sont de mises lors des périodes électorales, préfèrent de très loin, continuer  co-gérer ensemble communes, régions, collectivités et autres assemblées, sans introduire le loup FN dans la bergerie.

    Une opposition nationale, comme c’et déjà le cas dans les conseils  régionaux,  au parlement européen où  elle  a des élus,  qui pourrait y dénoncer bien des collusions voire des turpitudes. Une opposition patriotique qui pourrait  aussi, surtout, en gagnant des mairies, y faire la preuve de sa compétence, de son sérieux, de sa crédibilité.  Et ce scénario là serait assez  catastrophique  pour le Système qui se partage  gâteaux, prébendes et privilèges, souvent au détriment de la prospérité et des intérêts des  Français.  

    Enfin, et ce constat vaut autant pour les souhaits hypothétiques de la gauche exprimés par Pascal Canfin que pour la propagande  oiseuse de l’UMP tendant de  faire croire à une complicité objective entre le FN  et le PS, les enquêtes d’opinions qui se succèdent observent des bouleversements qui remettent en cause leurs analyses.

    D’abord parce que lesdites enquêtes  indiquent que le vote FN  n’est plus seulement  l’expression d’un ras-le-bol, d’une volonté toute simple de faire un bras  d’honneur au Système, d’une révolte sans suite contre les partis des coquins et des copains et leur double-langage, mais aussi un vote d’adhésion à des idées. Cela implique que ces Français là veulent logiquement et légitimement que le programme du Front, en tout ou partie, puissent être appliqué.

     Nous évoquions dernièrement  sur ce blog, le Baromètre Opinion Way/Cevipof sur  la confiance politique, paru en   janvier 2014 qui a révélé le fossé grandissant entre le peuple Français et les  écuries électorales, les personnalités   qui  se partagent le contrôle des institutions.

    Selon ce baromètre, moins d’un tiers des Français fait confiance à  une UE survendue comme notre horizon indépassable par l’UMPS;  50% des sondés  ne croient plus à la démocratie et souhaitent être gouvernés par « un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du Parlement et des élections »;  69% jugent ainsi que la démocratie ne fonctionne pas bien;  75% de nos compatriotes ne font plus confiance ni à l’Etat, ni à la République;   88% rejettent les partis politiques.

    Le FN répète depuis des décennies que le vrai clivage n’est plus tant entre la droite et la gauche, mais entre d’un côté les  défenseurs de l’identité et de la souveraineté nationales et de l’autre,  les partis communiant largement dans la même idéologie supranationale. Cette certitude fait son chemin puisque trois Français sur quatre considèrent que les « notions de droite et de gauche ne veulent plus rien dire » tandis que  60% affirment « ne plus avoir confiance ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner».

    Autre grosse difficulté, à la fois pour les dirigeants du PS et leurs clones progressistes de l’UMP,  l’enquête BVA publié en  septembre 2013 indiquait que  70% des sympathisants UMP sont favorables à la « normalisation du FN ». Une étude récente YouGov pour Itélé, soulignait aussi la perméabilité des électeurs UMP aux idées frontistes ou à tout le moins leur volonté de faire battre la gauche socialo-communiste. Ainsi  50% des sympathisants  UMP seraient  favorables à des accords de désistement au second tour avec le FN (60% des électeurs frontistes y seraient aussi favorables, et seulement  16% des électeurs  UMP déclarent qu’ils ne voteraient probablement plus à droite en cas d‘accords électoraux avec le FN.

    Autant dire que le PS et l’UMP pourraient bien très rapidement remballer leurs certitudes…

    http://gollnisch.com/2014/03/14/nouvelle-donne/

  • Qui paye Femen pour partir au Texas déchirer la Bible ?

    femen-bible-MPI

     

    Inna Schevchenko, chef de file du groupuscule sectaire Femen, s’est livrée à une nouvelle surenchère dans la démonstration de son antichristianisme pathologique. Elle s’est rendue au Texas pour y déchirer une Bible en signe de protestation contre la politique pro-vie de cet Etat américain. La scène s’est passée devant le Capitole et la vidéo circule sur le net. Comme à l’habitude, la virago hystérique était dépoitraillée, le corps recouvert d’inscriptions blasphématoires.

     

    La question qui vient immédiatement à l’esprit, c’est de se demander qui paye Inna Schevchenko pour se consacrer au quotidien à de telles ignominies et être en mesure de passer d’un pays à l’autre pour réaliser ses basses oeuvres. Car un aller-retour Paris-Texas pour quelques minutes médiatisées, ce n’est pas à la portée de n’importe quel blasphémateur…

    http://medias-presse.info/qui-paye-femen-pour-partir-au-texas-dechirer-la-bible/7413