«Le retour de Sarkozy va faire chuter le FN » voulait croire le député maire de Nice Christian Estrosi sur RTL le 24 septembre. Force est de constater que c’est plutôt l’affaire Bygmalion qui est en passe de faire chuter Sarkozy. Même si celle-ci n’est peut être pas la plus grave de toutes celles dans lequel le nom de l’ex chef de l’Etat est cité. Le Monde le relevait ces dernières heures, «les policiers, qui enquêtent sur le système de financement occulte de la campagne de 2012 par de fausses factures imputées indûment à l’UMP, évoquent désormais l’infraction de financement illégal de campagne électorale et non plus seulement d’abus de confiance . Or, selon le code électoral, c’est le candidat lui-même qui serait puni s’il est avéré qu’il a fait état, dans le compte de campagne ou dans ses annexes, d’éléments comptables sciemment minorés»… Invité de Jean-Pierre Elkabbach, lundi sur Europe 1, Henri Guaino, député UMP des Yvelines, a laissé percevoir les premiers signes de doute. Refusant de dire que ce retour de l’ex chef de l’Etat avait «bien démarré», rappelant qui’ «(n’était) pas favorable à ce qu’il (Sarkozy, NDLR) revienne par le parti», l’ancien conseiller de l’Elysée a affirmé que si le mari de Carla Bruni venait à échouer, ce serait « une catastrophe pour la démocratie parce que ce sera une catastrophe pour l’opposition…».
Marine Le Pen le notait sur France Inter dimanche, le retour de Nicolas Sarkozy «est clairement un retour raté. Nicolas Sarkozy est le même». «Surtout, apparaît l’insincérité de l’homme. Les Français n’ont plus envie d’être dirigés par des communicants. Ils veulent du courage et de la droiture. Et Nicolas Sarkozy en manque, pas seulement dans ses idées.»
Secrétaire départemental du FN 33, Conseiller municipal de Bordeaux, Jacques Colombier n’a pas été plus tendre avec l’autre prétendant de la droite euromondialiste, à savoir Alain Juppé. Interrogé sur France bleu Gironde hier au lendemain de l’énorme succès de La manif pour tous à Bordeaux à laquelle il participait, l’élu frontiste a expliqué pourquoi il avait quitté symboliquement le conseil municipal de Bordeaux la semaine dernière. Il entendait réagir aux invectives du maire de Bordeaux dénonçant « les idées perverses du FN ».
«Le candidat aux primaires le dit et le répète de plus en plus souvent dans le cadre de sa campagne a relevé Jacques Colombier, il a même fait de la lutte contre le Front National l’un de ses objectifs. Alors nous lui disons trois choses : d’abord ses propos sont inacceptables, ensuite beaucoup d’autres avant lui s’y sont cassés les dents comme par exemple Nicolas Sarkozy et puis je lui ai rappelé que lui qui veut donner une image de démocrate qu’il garde la mesure dont il nous parle tant. Tout ça c’est du pipeau, c’est de l’enfumage ! ».
Enfumage, encore et toujours, qu’illustre la militante-journaliste antinationale Marine Turchi sur Mediapart. Elle y narre dans le détail comment les alliés de revers des partis euromondialistes, les éternels idiots utiles et autres jaunes du Medef et des atlanto-bruxellois, en un mot les permanents de la nébuleuse associative et syndicale socialo-trotskyste, veulent repartir en campagne contre le FN. Avec un petit moral est-il expliqué, parce que la jeunesse et le monde ouvrier rejettent massivement l’extrême gauche et votent national.
«On va réfléchir à ce qu’on veut mettre en place face au Congrès du FN de novembre, explique Alexis Corbière, secrétaire national du Parti de Gauche, chargé de la lutte contre l’extrême droite. Mais il annonce qu’il n’ir(a) pas défiler bras dessus bras dessous avec le PS pour dire que le rempart à Le Pen, c’est François Hollande. Ce pouvoir joue la menace FN pour demander le rassemblement, Valls nous explique que le FN est aux portes du pouvoir. Cette dimension cynique et tactique me gêne». Pauvre Alexis, pauvre Mélenchon ! Nous leur avions pourtant démontré dés 2011 en quoi eux et leurs amis seraient les cocus de François Hollande. C’est bien la peine d’avoir milité à l’OCI pour être aussi naïfs…
La brave citoyenne Turchi dresse la liste des initiatives de la gauche contre l’opposition nationale et patriotique : « les brochures pédagogiques et formations, du réseau syndical antifasciste Visa» sans audience; « la campagne unitaire sur l’extrême droite, pour décortiquer les discours du FN » et « outiller les militants », lancée avec un insuccès total en janvier, par «la CGT, FSU, Solidaire et des syndicats étudiants (l’UNEF et la FIDL)»; la remobilisation (sic) des réseaux anémiques des rares et vieux militants de la LDH «avec la reconstitution, fin 2012, d’un groupe de travail sur l’extrême droite ». Last but not least, on en tremble déjà, «une Coordination nationale contre l’extrême droite (Conex) a été créée au printemps 2013, composée de Visa, des comités de vigilance, d’anciennes branches locales de Ras l’front, et de collectifs antifascistes comme la Horde » (sic).
«Ces initiatives aboutiront à une série d’événements, fin novembre, au moment du congrès frontiste : une quatrième session intersyndicale à l’initiative de la Conex ; un rendez-vous national des comités départementaux à Paris, rassemblant toutes les structures signataires de l’appel du Collectif Liberté Égalité Fraternité Pour un avenir solidaire ; l’université d’automne de la LDH ; le lancement de la cellule de veille du PS sur les villes d’extrême droite ». Difficile de faire plus vieillot, ringard, déconnecté du réel…
Emmanuel Galiero, journaliste politique au Figaro, dressait la semaine dernière le constat de cet échec à enrayer la progression du courant national-populiste en citant Laurent Bouvet, directeur de l’Observatoire de la vie politique (Ovipol, Fondation Jean Jaurès).
Si l’extrême gauche ne séduit pas affirme M. Bouvet, c’est parce qu’ «elle prône la rupture dans ses discours mais uniquement pour renforcer une clientèle électorale composée d’agents publics au sens large. Et elle n’explique jamais comment elle financera l’augmentation d’une dépense publique dont le coût semble déjà très élevé aux usagers, lesquels sont accablés par les impôts et attendent la réforme d’un système qu’ils jugent inefficace. Aussi, l’analyste observe que le protectionnisme de Jean-Luc Mélenchon s’arrête au marché des capitaux, des biens et des services, sans aller jusqu’à l’immigration.»
Plus largement, la progression continue du FN «(démontre) l’échec d’une stratégie systématique de condamnation morale défendue, depuis les années 80, par les différents responsables politiques de gauche qui ont très largement fait leur carrière» sur ce thème. « Si leur stratégie consistant à installer un cordon sanitaire autour du FN avait réussi, les esprits ne se seraient pas lepénisés comme ils le disent. Il y a là une contradiction évidente mais aussi le signe d’un échec ».
« Et si la gauche a échoué, c’est aussi parce qu’elle est apparue comme appartenant à une certaine France d’en haut méprisant celle du bas. Ceux qui considèrent avoir raison parce qu’ils croient détenir la morale, se pensent supérieurs (…). Marine Le Pen s’est d’ailleurs très bien joué de cela, et sans doute beaucoup mieux que son père, car en s’affirmant du côté des oubliés du Système, elle a incarné le parti qui voulait le combattre.»
Seul l’embourgeoisement, la notabilisation du FN pourrait lui faire perdre de son attrait affirme M Bouvet : «entré dans le jeu politique, le FN serait devenu un parti comme les autres avec ses corrompus, ses cumulards, ses dissensions internes… Et cette banalisation aurait certainement limité très fortement sa croissance et divisé les possibilités électorales qu’il a acquises depuis.»
Nous retrouvons là la difficulté qui se pose au FN dans sa longue marche vers le pouvoir note Bruno Gollnisch: gagner en crédibilité, en sérieux, en professionnalisme pour gagner en audience ; entrer dans les assemblées, les exécutifs, les mairies, mais ne pas y perdre son âme, ne pas se laisser «digérer» par le Système.
Etre à la fois capable d’incarner le sérieux d’un Mouvement qui veut se hisser au pouvoir, sans occulter sa dimension « révolutionnaire », « politiquement incorrect », qui permet aussi au FN de séduire une large frange de l’électorat. Etre capable de compromis pour atteindre nos objectifs mais ne jamais sombrer dans la compromission. Une voie étroite mais certainement pas impraticable.
http://gollnisch.com/2014/10/07/echouent-face-au-fn/