Anniversaire de l'Organisation du Traité de l'Atlantique nord : 4 avril 1949. Pour bien des éditocrates, 67 ans serait l'âge d'une retraite bien méritée, l'Alliance ayant fait son temps, du moins dans ses fonctions dissuasive et offensive. On pourrait conserver l'assemblée sous la forme d'un club océanique occidental pour faire des régates, ou pas. Mais les PECO ne sont pas d'accord. Les pays d'Europe orientale et centrale, heureusement coupés de l'empire russe par la liquéfaction de l'Union soviétique, n'entendent négocier aucune alternative au SHAPE¹ pour leur défense, et surtout pas un gloubi-boulga militaire franco-européen. Ils ont déjà donné ! Munich est dans toutes les mémoires de l'Est.
Pour remplacer l'OTAN, pourquoi feraient-ils confiance à M. Hollande ou à M. Sarkozy plus que nous ne le faisons nous-mêmes, c'est-à-dire pas du tout. Nous sommes partout en remorque de l'Alliance, nous l'étions même avant la réintégration. En Afrique, nous avons sauvé Bamako et Tombouctou sur les soutes américaines. En Syrie, le couple infernal Fabius-Hollande fut privé de bombardements par le retrait anglo-saxon, retrait motivé par le risque d'extermination des communautés non sunnites² par les bandes islamistes débarrassées d'une contre-attaque de Damas (source Gérard Chaliand).
A y regarder de plus près, il n'y a pas de solution de rechange, aucun pays européen ne pouvant se défendre seul, et aucun ne nous faisant confiance dans le domaine d'une défense européenne, sauf à jouer aux gendarmes et aux voleurs en ex-Yougoslavie ou à Chypre demain. Résignons-nous à notre taille réelle et optimisons nos dépendances, ce qui sera plus efficace que les déclamations de préaux sur la France seule et notre indépendance retrouvée ; c'est un leurre électoral.
Plutôt que d'entraver nos défenses, l'OTAN a ceci de particulier que l'amalgame produit en opérations dans le creuset allié est plus puissant que la somme des capacités mises en commun. Ceci tient aux procédures éprouvées de veille et de combat, à l'environnement logistique puissant et à la modernisation continue des vecteurs d'armes, même en période de basses eaux budgétaires. La dissolution la plus probable, si elle échet, pourrait venir d'un nouveau pouvoir isolationniste américain lassé de payer pour défendre nos retraites par répartition et notre assurance maladie. On songe à une victoire de Donald Trump à la prochaine élection présidentielle. Il a déjà prévenu que nous étions trop chers !
Dissoudrait-on l'OTAN que les pays baltes seraient croqués dans la journée et la Pologne menacée de vitrification jusqu'à sa déclaration de neutralité (ça s'appelle autrement comme "de bon voisinage"); et les brigades blindées russes entreraient à Kiev juste après la préparation d'artillerie, façon Grozny. Les motifs en seraient toujours les mêmes qu'à l'époque de la capture de la Silésie germanophone : protéger les populations russophones écrasées d'avanies par les autochtones. On voit déjà se coucher des rangs entiers de politiciens français comme passés par les armes de la propagande russe. On pourrait citer des noms qui nous feraient mal d'entendre.
Le SHAPE dissous, il faudrait bien alors réarmer comme en 1939 et taper dans les crédits sociaux, le pays n'ayant plus le rond. Combien de temps les PECO tiendraient-ils seuls avant de passer des accords d'estime réciproque avec le Kremlin ? Dix jours. La frontière slave de l'Allemagne deviendrait notre frontière orientale et rien ne dit qu'elle se défendrait beaucoup si la Russie ouvrait la porte en grand aux investisseurs teutons. Les miquets, nuls aux échecs, que nous portons chaque fois au pavois connaîtraient alors les affres de la dissuasion nucléaire effective. Je n'ose pas même y penser !
Arrêtons de bomber le torse dans les salons stratégiques. Jusqu'ici nous faisons illusion, c'est notre meilleur atout. Tant que nous combattons des ennemis sans avions, sans navires, ni artillerie à longue portée, on fait les fiers. Mais nous glandons au Sahel-Sahara sans résultats probants ; et nos campagnes à moyenne portée donnent des résultats très modestes : la dernière sortie du Charles-De-Gaulle (125 jours de mer pour un groupe aéronaval³ de 7 navires et Awacs) a permis de frapper Da'ech cent deux fois. C'est moins que pas beaucoup, eu égard au potentiel engagé (100 coups par jour) (source Le Fauteuil de Colbert).
(1) SHAPE : Grand Quartier général des Puissances alliées en Europe.
Pour couper la doxa souverainiste à angle droit, je soutiens depuis longtemps notre participation active au SHAPE pour la seule raison que la nation a besoin d'être défendue en vrai, dans le concret et pas sur la caisse à sable, car le risque de guerre n'est pas éteint, et que le seul système efficace à disposition est l'alliance atlantique intégrée. Cet outil est performant, entraîné, mis à jour continûment, il oblige à s'améliorer en permanence, et cerise sur le gâteau, il fait peur à nos adversaires qui ne cessent de le dénoncer. Ça me suffit.
(3) Porte-avions, frégates, sous-marin atomique, ravitailleur et avion Atlantique2 pour l'acquisition de cibles.