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culture et histoire - Page 1935

  • Frédéric Lordon, imposteur.


    Non seulement la révolution ne sera pas télévisée, mais aucun révolutionnaire ne le sera. Dans un pays comme la France, la domination oligarchique du capitalisme-zombie est aujourd’hui trop fragile pour permettre la poursuite de la mascarade connue sous le nom de « liberté d’expression », c’est-à-dire de la « bonne vieille » censure par dosage et brouillage, qui laissait malgré tout, à des heures et dans des contextes peu propices à leur compréhension, d’authentiques dissidents s’exprimer et, par là-même, s’auto-neutraliser comme agents d’ignition d’une potentialité subversive. En période de Vigie-pirate social permanent, ces derniers sont désormais remplacés par des simulacres contrôlables, comme Frédéric Lordon.

    Non content de se dénoncer presque mensuellement par des apparitions télévisées, le contrefeu humain Frédéric Lordon publie. Corvée probablement aussi fastidieuse pour l’auteur Lordon que pour les pigeons qui le lisent, mais hélas nécessaire, dans la mesure où son expertise universitaire (source d’un prestige d’autant plus étrange que ses thuriféraires s’empressent aussitôt de préciser qu’il est la brebis galeuse de sa discipline, l’université (re)devenant ainsi source de crédibilité, mais uniquement à condition de s’en faire détester…) est le principal argument de la « narration » chargée d’expliquer aux michetons affolés la bien soudaine popularité médiatique de cet économiste fatal dénué du moindre parcours politique, militant ou associatif notable. Parmi les produits récents de cette activité justificatrice, on trouve l’essai intitulé Capitalisme, désir et servitude, que je me suis bien gardé de lire, mais dont l’auteur a eu l’imprudence de commenter le contenu sous la forme d’une interview filmée, donc visionnable parallèlement à des activités infiniment plus utiles et agréables que la lecture de Frédéric Lordon, comme l’épluchage de choux de Bruxelles et la confection d’une marinade au yaourt.

    Cette vidéo apporte à mon sens la confirmation en technicolor, un peu longuette, mais dispensant au moins de commander ses (soyons-en sûrs assommants) bouquins, de ce qu’on soupçonnait depuis longtemps : si on laisse parler ce type, c'est tout naturellement parce qu'il n'a rien à dire.

    Et pourtant, en dialoguant pendant 90 minutes face caméra avec une demeurée, Frédéric Lordon, contrairement à ses habitudes, et probablement à sa volonté, gagne pour une fois des titres à une gratitude objective de la dissidence française. Je pense ici avant tout à notre précieuse jeunesse – aux apprentis-penseurs de la dissidence, car la cuistrerie dont il épice l’ouvrage en question – consistant à aller déterrer Spinoza pour nous faire ni vu ni connu une resucée de Gramsci face à la faillite intellectuelle surconstatée du marxisme politique – présente néanmoins l'intérêt paradoxal (dont il a peu de chances d'être conscient, le pauvre) de leur faire gagner du temps dans un nécessaire processus de radicalisation : au lieu de s'égarer une fois de plus dans la complexité spéculaire et contradictoire de l'immense Marx, toujours à mi-chemin de partout (entre réaction et millénarisme, économie et politique, contemplation et action), autant comprendre une bonne fois pour toutes que le ver était dans le fruit le plus précoce : le déterminisme anti-axiologique de Spinoza posait bel et bien le décor pour l'entrée en scène de la main invisible. Monisme du conatus ou adoration du marché : il y a mille formules pour faire allégeance à Satan, dont le nom est légion, et aucune voie de retour.

    Un peu comme pour le port de jeans et de pulls Benetton, ou la fréquentation d'universités françaises, dont ce même pseudo-critique du capitalisme est aussi coutumier : idole cumularde pour révolutions cathodiques, qui seront bel et bien télévisées, puisqu'elles n'auront pas lieu.

    Comme toute apparition publique d’un contre feu humain, la vidéo en question a des vertus cathartiques. Après exhibition presque discrète de la marchandise (cet homme-là, homo ille, qui parle latin comme il respire, condescend à vous parler, à vous, pauvre mortel !), on passe par un moment de quasi-désespoir (« Marx avait raison, mais se trompait ; le mal est vraiment mauvais, mais la solution pire que le mal ; les utopies sont dangereuses », etc.) pour mieux savourer un happy end digne d’un happening FEMEN, au cours duquel ce sex-symbol lauréat des Mines, Apollon dégarni au-dessus du front sous l’effet d’une réflexion torride, mais bronzé au même endroit par les rayons d’un soleil qui l’est – faut-il donc croire – un peu moins, se laisse pour ainsi dire violer par la théâtreuse/journaliste/militante chargée de l’accoucher de la vérité révolutionnaire, laquelle finit, presque à son corps défendant, par gicler en jets bien drus des profondeurs les plus fertiles de sa pensée spinozienne : les affects joyeux pourraient finir par dominer les affects tristes, à condition que tout le monde maintienne son angle alpha optimalement ouvert, en dépit des injonctions immorales du néolibéralisme, culmination de l’indépassable capitalisme, encore plus mauvaise que le fordisme, mais qu’il devrait être possible, pour plus de convivialité, d’aménager ergonomiquement, selon l’adage latin « qui est incapable du moins, peut sûrement le plus ».

    Les populistes et autres conspirationnistes qui s’attendaient à l’entendre comme toujours, le rebelle, manger du banquier, resteront sur la faim éternelle du ressentiment crypto-antisémite : méprisé par sa corporation, l’économiste Lordon n’entre pas au couvent – bien entendu laïc – de la philosophie pour le souiller des haines de ce monde, mais pour y chanter la Jérusalem céleste, telle qu’elle peut, à de rares moments de grâce, s’incarner dans notre réalité peccamineuse, notamment sous la forme d’un théâtre autogéré par Ariane Mnouchkine, où « ce sont même les acteurs qui nettoient les chiottes ».

    Cette configuration discursive (avec viol et orgasme féminins en apothéose), ainsi que la référence à Mnouchkine, ne sont pas innocentes : sous couvert de « spinozisme » (en réalité réduit à un gramscisme qui pourrait, comme méthodologie d'action politique, être de bon aloi – comme l'a bien compris Alain de Benoît), Lordon nous ressort tout rondement l'idéologie du développement, sous prétexte de supériorité (d'ailleurs impossible à étayer en termes spinozistes, son interprétation de la dichotomie des affects « tristes » vs. « joyeux » étant, prenons tout de même le temps de le signaler au passage, un détournement à la limite du jeu de mots…) de la violence symbolique (féminine par excellence) sur la violence concrète – vieux refrain de tous les réformismes, et qui, dans une macrostructure impérialiste, trouve toujours preneur dans les rangs (d’ailleurs dûment féminisés) de ce que Lénine identifiait, en l’an 46 avant Lordon, comme « l'aristocratie ouvrière » métropolitaine. Dans l’ambiance plus virile de la périphérie, pakistanaise, péruvienne ou indonésienne, la question ne se pose pas : hors « omniprésence du fun », c’est-à-dire dans la plupart des pays de la plupart des continents, le capitalisme, c'est encore et toujours « marche ou/et crève ! ».

    Chantre du modèle japonais, véritable laboratoire du capitalisme zombie, l’économiste rebelle agréé France 2 Frédéric Lordon a, comme l’économiste rebelle agréé New York Times, le très nobel Krugman, les plus grandes difficultés du monde à voir l’hyperinflation mondiale créée par ledit capitalisme zombie, et pour cause : obnubilé par l’« omniprésence du fun » dans certaines multinationales canadiennes, Frédéric Lordon n’aperçoit pas les flottilles de B52 chargée de bombes à uranium appauvri braquées comme un pistolet sur la tempe de toutes les économies extractives pour prévenir les mouvements de mauvaise humeur inconsidérés dont les peuples insuffisamment civilisés sont généralement susceptibles quand ils constatent que le papier qu’on les oblige à accepter en échange de leurs énergies fossiles ne suffit pas à acheter le blé que leur vendent les pays importateurs de ces mêmes énergies, émetteurs de ce même papier… Du coup, forcément, il a du mal à prévoir l’évolution exacte du néolibéralisme et, partant, de l’ouverture du fatidique angle alpha ; il est donc condamné à l’expectative, comme Todd à l’attente du hollandisme révolutionnaire et du Messie (« whichever comes forth », comme disent les contrats de viager...).

    Intraitable avec le capitalisme, le « récommuniste » autogéré Frédéric Lordon retrouve, dans sa théorie de la monnaie, tout le mordant qu’avait Marx critiquant Proudhon – et retrouve d’ailleurs, au passage, les mêmes arguments : pourquoi en changer, au bout d’un siècle et demi de bons et loyaux services dans la querelle ritualisée des étatistes/collectivistes critiquant les utopistes/libertariens, qui se solde par des scores toujours variables, mais aussi par le bénéfice mutuel invariant d’un spectacle réussi, permettant à ses protagonistes d'acquérir et d’entretenir l'apparence de véritable opposants, c'est-à-dire d'occulter l'identité profonde des deux démarches dans l'horizon de l'individualisme et de la technique... et s'il restait à quiconque un doute à ce propos, sa description des économies du potlatch le soulève bien vite, puisqu'elle consiste en gros à dire : « du moment qu'on peut y analyser de la violence, c'est qu'elles ne sont pas hors-capitalistes, mais pré-capitalistes », en d'autres termes : « les autres civilisations = la civilisation occidentale + divers opiums du peuple ».
    Prestidigitateur de la vieille école, Frédéric Lordon, tout en hissant bien haut les couleurs de Spinoza (naturellement sympathiques pour ceux, fort nombreux, qui, faute de l’avoir lu, ont la plus grande estime pour Deleuze), s’en tire à la faveur d'un truc typiquement kantien : en déplaçant l'accent de l'éthique (politique) vers la morale (personnelle), de la critique de l'aliénation, dont les post-marxiens (par ex. situationnistes) avaient commencé à tirer des résultats intéressants (sans doute un peu trop intéressants pour la mesquinerie intellectuelle d'un économiste), vers celle de la « violence », qui est au fond un non-concept de la pensée politique : rendre à César ce qui est à César, renoncer à l'utopie d'une humanité sans violence : certes – et… ? ... Théologiquement, ça n'apprend rien au chrétien qu'il ne sache déjà, et surtout rien qui puisse dépendre de l’experte confirmation d'un économiste régulationniste ; politiquement, ça ne dit rien de ce que doit être César, où, quand, et pour qui. L'étudiant Lordon, avant de rendre copie blanche, y griffonne un petit crucifix cryptique avec des extrémités en marteau et faucille, pour se laisser un maximum de chances de gagner la sympathie d'un jury putatif envisagé dans sa moyenne statistique ...

    En résumé : économe de « la plus dure des sciences molles » au point de se résigner à la philosophie, Frédéric Lordon, dissident cathodique, prend un christianisme désacralisé, l'injecte frauduleusement dans une théorie politique qui devient ipso facto pseudo-universelle (le multiple César usurpant l'unicité de Dieu : les Lumières n'ont jamais rien proposé d'autre) et en déduit l'inévitabilité du type d'évolution caractérisant justement une partie du monde chrétien à partir de sa déchristianisation (idéologie du développement), ce qui lui permet ensuite de démontrer que l'utopisme (comprendre : le crime fasciste consistant à rêver d'histoires autres que celle, linéaire, du progrès indéfini) est la source de tous les maux historiques (qui lui « foutent les chocottes », version cool des « heures les plus sombres »), car entaché du péché originel de violence (« forcer l'imaginaire collectif ») – celui-là même dont il reconnaît cependant l'omniprésence tenace dans l'univers capitaliste libéral, nième façon d'affirmer tacitement que Dresde et Hiroshima valent mieux que Katin et Auschwitz, et pour cause : entre un Dresde irakien et un Hiroshima libyen, on conserve, en métropole, cette précieuse « liberté d'expression », signifiant fétichisé dont le seul référent concret est désormais le fait que F. Lordon passe à la télé. Avec, en bonus, le prestige de l'intellectuel, décerné ad nutum par une presstituée analphabète, et le charme du révolutionnaire, garanti par l'incroyable audace de dire (poliment) du mal de ses confrères Minc et Lévy, lesquels, en bout de parcours, sauront se contenter de cette distribution ingrate de bad cops, pendant que le nouveau-nouveau philosophe F. Lordon hérite de leur fond de commerce de la poudre conceptuelle aux yeux du gogo cathodique.

    Raoul Weiss http://www.voxnr.com

  • L'élaboration historique des techniques de la subversion, par Roger MUCCHIELLI (1976)

    I — LES PAMPHLETS POLITIQUES

    Depuis qu'il y a des hommes et qui pensent (comme disait La Bruyère), l'idée de réduire l'adversaire à merci en organisant autour de lui le mépris ou en décourageant les gens de combattre pour son service est venue spontanément à beaucoup d'esprits et a inspiré beaucoup d'entreprises. De façon tout à fait empirique, des génies malveillants ou poussés par la foi en leur propre cause, ont perfectionné très tôt et érigé en système le commérage, le racontar, la calomnie, (et autres perfides exploitations des petits faits de la vie quotidienne contre le voisin) qui, eux, ont dû se développer dans l'espèce humaine en même temps que le langage.
    Sur le plan militaire, on eut, dès les temps les plus reculés, l'idée d'envoyer sur le territoire de l'adversaire des individus capables de bien s'intégrer à la population, et chargés, en dehors de la mission d'espionnage, de répandre quelques informations démoralisantes ou quelques calomnies sur les chefs locaux. Cela faisait partie de ce qui s'appelait « les ruses de guerre », lesquelles comprenaient aussi — et surtout — les stratagèmes sur le champ de bataille.
    L'avènement des empires et les buts de conquête territoriale à grande échelle permirent quelques perfectionnements de la méthode de pourrissement des États à conquérir. Selon Mégret, Philippe de Macédoine, le père d'Alexandre le Grand, mérite de rester dans l'Histoire pour la qualité de sa tactique psychologique au service de son ambition de conquête de la Grèce antique. Son premier geste fut de soudoyer discrètement des groupes politiques qui, en Grèce, étaient par principe contre la guerre ; les « pacifistes » athéniens, groupés autour de Eubule, proclamaient que le temps des aventures était passé et que la Cité devait se consacrer aux seules œuvres de paix. Ces honnêtes intentions faisaient l'affaire de Philippe, et ses agents « noyautèrent » le parti des pacifistes. Par ailleurs, le roi de Macédoine entreprit de renforcer et d'accélérer cette action en organisant la démoralisation du peuple athénien : rumeurs, campagnes de calomnies contre les chefs qui voulaient résister à l'influence macédonienne, corruption des petits chefs, pénétration de tous les partis politiques par ses agents, complétèrent la propagande des pacifistes subventionnés, et submergèrent l'opinion publique. « Ébranlement, désintégration, dissolution », tels furent les effets progressifs de son action psychologique sur l'État athénien. On sait que Philippe y ajouta la séduction des intellectuels de l'époque en mettant au concours parmi eux le poste de précepteur de son fils Alexandre. Parmi les Athéniens, Démosthène comprit ces manœuvres. Son intelligence de la situation, aiguisée par son patriotisme et son idéal de liberté, nous valut les célèbres discours contre, Philippe, connus sous le nom de Philippiques et d'Olynthiennes (351-349 av. J. C.).
    En termes modernes, on peut dire qu'il tenta d'opposer une contre-subversion à l'entreprise subversive de Philippe. Dans ces discours, Démosthène dévoile les intentions réelles de Philippe et analyse sa tactique psychologique. Puis il secoue l'inertie des Athéniens et vilipende ceux qui, séduits, ont l'intention de « collaborer » avec le Macédonien. Il attaque de ses sarcasmes les généraux, les magistrats, les patriciens, et, dans certains passages, ses discours ont le ton de la propagande d'agitation et de mobilisation.
    Ainsi, quatre siècles avant J. C., un homme courageux et lucide essayait de lutter contre l'impérialisme dévorant et rusé d'un voisin dangereux. Il est intéressant de noter que, en 1938, juste avant Munich, à l'heure où Hitler misait sur le pacifisme et la décomposition des républiques pour réaliser sans coup férir l'invasion de la Tchécoslovaquie, une revue anti-hitlérienne de Paris put faire, sans qu'on s'en aperçoive, un montage des Philippiques de Démosthène qui paraissaient, sous cet habillage, de la plus dramatique actualité.
    Les Discours de Cicéron contre Marc-Antoine, que l'on compara aux Philippiques, ont aussi leur place dans un survol historique des modèles de subversion. Le célèbre orateur romain décida, vers 44 av. J. C., de « démolir » Marc-Antoine, général brutal et débauché qui, après l'assassinat de César, avait pris le pouvoir à Rome. Cicéron essaya de soulever l'indignation populaire et dévoila les traîtrises, les sacrilèges et les turpitudes de Marc-Antoine. Il est probable que si Antoine fut déclaré « ennemi public » par Octave quelques années plus tard, ce fut par l'effet des discours de Cicéron (le 13e discours présente Antoine comme « ennemi de la patrie »). La fin de l'orateur fut tragique comme on le sait, puisqu'Antoine, revenu au pouvoir par alliance avec Octave et Lépide, obtint la tête (1) de son accusateur. Il est vrai, ceci pour consoler les bonnes âmes, que la fin d'Antoine ne fut pas moins atroce quelques années plus tard.
    Cicéron avait développé là un genre nouveau : le pamphlet (2) politique, dont le but est de déconsidérer le pouvoir et de le faire s'éc rouler par la seule puissance du Verbe agissant sur l'opinion.
    Ne citons que pour mémoire la fameuse Apocoloquintose du divin Claude de Sénèque (qui circula anonyme vers 54 ou 55 ap. J. C. à l'occasion de la mort de l'empereur Claude) qui est plutôt une satire bouffonne et macabre contre l'empereur défunt. Dans la ligne du pamphlet authentiquement subversif, d'autres maîtres du genre nous ont légué des chefs-d’œuvre. Il serait hors de propos d'en faire ici la généalogie.
    Signalons au passage Luther dans ses écrits plus séditieux que subversifs, ceux qui appellent à l'insurrection contre l'oppression romaine, contre « les véritables Turcs qui sucent la moelle de la généreuse Allemagne », spécialement les écrits de 1520 : Appel à la nation allemande, La captivité babylonienne de l'Église, La liberté chrétienne, et le pamphlet A la noblesse allemande dans lequel il ressuscite, pour les utiliser, les vieilles aspirations gibelines dans le but de s'attirer la sympathie des princes indépendants, et lance l'appel général à la révolte contre les catholiques et la papauté. « Et pourquoi ne nous laverions-nous pas les mains dans leur sang ? » avait-il déjà répondu à Prieras. On connaît le résultat de la Révolte : un tiers de l'Allemagne ravagé, plus de mille couvents ou châteaux rasés, plus de 100.000 morts,... après quoi Luther repart.
    Mais c'est au XVIIIe siècle que le pamphlet devient une arme de guerre purement psychologique. Dans l'ouvrage Karl Marx et sa doctrine, traduit en français en 1937, Lénine conseillait aux jeunes militants de retrouver l'esprit subversif des grands encyclopédistes français : « Les écrits ardents, vifs, ingénieux, spirituels, des vieux athées du XVIIIe siècle qui attaquaient ouvertement la prêtraille régnante, s'avèrent bien souvent mille fois plus aptes à tirer les gens de leur sommeil religieux que les fastidieuses et arides redites du marxisme. »
    La « propagande philosophique » du XVIIIe siècle, alimentée matériellement par les imprimeries hollandaises qui organisent la contrebande des libelles, est une vaste campagne subversive contre les bases de la société politique et religieuse en place. Selon D. Mornet, les Encyclopédistes ont, par leurs écrits, préparé la Révolution française. Ils ont d'ailleurs décrit eux-mêmes leur tactique : d'Alembert a parlé de « sortes de demi-attaques, espèce de guerre sourde, qui sont les plus sages lorsqu'on habite les vastes contrées où l'erreur domine »; Naigeon et Condorcet ont expliqué comment « des articles détournés permettent de fouler aux pieds les préjugés religieux » : « Les erreurs respectées sont exposées avec des preuves faibles ou ébranlées par le seul voisinage des vérités qui en sapent les fondements. » Après avoir exposé le problème avec une apparente bonne foi, il y a « les symboles transparents, les parenthèses, les insinuations, les ironies, et enfin les embuscades ». On croirait lire d'avance la tactique de certains journaux français d'aujourd'hui et de certaines émissions de télévision.
    Joseph de Maistre, l'émigré, a considéré la « philosophie » et les « philosophes » du XVIIIe siècle (nous dirions aujourd'hui les intellectuels « engagés ») comme « une puissance essentiellement désorganisatrice » et, théoricien réactionnaire de la Restauration, il a rêvé d'un ange exterminateur qui écraserait tous les disciples des Encyclopédistes.
    C'est sans conteste Voltaire qui est, au XVIIIe siècle, le champion du pamphlet subversif. Le ton général, comme le dit G. Lanson, est l'irrespect. Rien n'échappe ni ne résiste à l'irrespect, ni la royauté avec sa majesté, ni l'Église avec sa sainteté. La duchesse de Choiseul qui s'en irrite écrit : « L'emploi de l'esprit aux dépens de l'ordre public est une des plus grandes scélératesses parce que, de sa nature, elle est la plus impunissable ou la plus impunie. » Lefèvre de Beauvray, en 1770, dans son Dictionnaire social et patriotique, à l'article « Liberté », blâme aussi « cet esprit d'indépendance et de liberté qui mène à la subversion de tout ordre social. »
    D. Mornet caractérise ainsi la guerre psychologique menée par Voltaire : « La bataille a donc été en grande partie une bataille cachée... A l'abri de l'anonymat, il multiplie les attaques; il y a plus de 200 de ces petits ouvrages, opuscules, feuilles volantes. Il y pousse à fond. L'ironie voltairienne se fait âpre, brutale, insolente. L'influence fut immense... Voltaire saisit les vices du système sans jamais construire une certitude. » Le travail fut tout entier de destruction.
    Le résultat fut rapide, Dès les années 1758-1763 en France, dit Mornet, « le pouvoir royal hésite à décider la répression. Les évêques l'y poussent, car ils constatent que dès qu'on laisse faire, l'audace des attaquants s'accroît. Mais quant à revenir à la rigueur des lois, on ne tarda pas à reconnaître qu'il n'y fallait pas songer : les directives ne trouvaient plus de fonctionnaires résignés et dociles. Un vent d'indiscipline soufflait sur les bureaux de l'Administration, qui faisait craquer l'édifice entier... Les affaires Calas et Sirven avaient soulevé l'indignation. Des intendants, des gouverneurs,... à Grenoble, Poitiers, Bordeaux, Montauban, en Languedoc, etc., adjurent le ministre de permettre l'apaisement. Le Parlement de Toulouse lui-même (3) fait si bien amende honorable que, dès 1766, ses excès de tolérance inquiètent l'autorité royale... La police, les autorités, ont contre elles de plus en plus toutes sortes de complaisances et de complicités soutenues par l'opinion toute entière. Des plus grands aux plus petits, on donne d'une main ce que l'on retire de l'autre... Malgré les saisies et les perquisitions de la Prévôté,... on vend les livres prohibés sous les galeries du château de Versailles; on les vend sous les yeux de Leurs Majestés avec la complicité même des Grands, du prince de Lambesc par exemple, qui s'oppose bruyamment aux recherches de la police... La police, sans cesse tiraillée entre des ordres sévères et des prières de fermer les yeux, n'agit plus qu'avec incohérence, se discrédite et se démoralise ».
    La mode est aux propos séditieux; il est de bon ton de fronder les actes du gouvernement, « de se déclarer partisan et protecteur du peuple, dont on proclame et provoque l'émancipation. La jeune noblesse, la première envahie par la contagion de l'esprit philosophique, se montrait disposée à faire bon marché du préjugé de la naissance et de ses autres privilèges ». L'agitation gagne l'enseignement : les écoles sont touchées par l'irréligion : les maîtres, du moins certains, favorisent cette agitation. Mornet ajoute « Il est impossible de savoir dans quelle mesure les hardiesses de pensée des élèves sont le reflet de la pensée des professeurs. Il est fort probable que, le plus souvent, les élèves ne les consultaient pas pour lire Le système de la nature (4) ou se moquer des sermons de l'abbé Faucher. La curiosité, la discussion, le scepticisme venaient de partout et pas seulement des bergers chargés de conduire le troupeau. Mais il est pourtant certain que beaucoup de maîtres pensaient comme les élèves, ne faisaient rien pour les retenir, et même parfois les conduisaient délibérément sur les terres de la philosophie », c'est-à-dire de la nouvelle idéologie subversive.
    La mode lancée avec tant d'audace et d'esprit par Voltaire et les Encyclopédistes, se répand comme une épidémie. Les escarmouches usent les autorités, et les frondeurs sont prompts à s'emparer des affaires judiciaires qu'ils transforment en scandales. Sur le modèle des procès de Calas, Sirven, Montbailly pour la condamnation d'innocents, du procès Goëzman pour la vénalité des juges, des douzaines et des douzaines d'« affaires » sont montées en épingle, donnant lieu à des libelles, pamphlets, mémoires pleins d'éloquence et d'insolence. Tout est bon pour attaquer le pouvoir, et la violence des grossièretés vise le roi, la reine, et « les principes du gouvernement ». Les circonstances les plus imprécises sont exploitées, le chantage est devenu une arme publique; les titres des gazettes sont édifiants : La gazette noire, L'espion des boulevards, L'observateur, etc. Tous sont « étrangement déchaînés » comme disait Bayle.
    Puisque nous survolons la lignée des pamphlétaires subversifs, n'omettons pas de nommer, au XIXe siècle, Paul-Louis Courier qui codifia un certain nombre de procédés. Dans Le pamphlet des pamphlets (1824), dernier opuscule avant sa mort mystérieuse, Courier revendique, pour le genre qu'il perfectionna, les droits les plus étendus dans la littérature. Il déclare que le pamphlet a remplacé dorénavant les anciens discours sur la place publique contre les lois et décrets du pouvoir établi. Il s'agit, écrit-il, de prendre le sujet du pamphlet dans un menu fait de la vie quotidienne, souvent même un commérage de la vie locale, puis, en considérant intentionnellement ce fait divers comme hautement significatif, il faut s'élever insensiblement jusqu'aux considérations politiques d'ordre général. Naturellement, à l'arrière-plan de cette transformation tendancieuse d'un fait divers en « affaire scandaleuse », il faut maintenir en permanence trois principes de base : premièrement paraître de bonne foi, ne pas laisser apercevoir le procédé, deuxièmement parler au nom du bon sens, « chose du monde la mieux partagée », de façon à être lu et approuvé par la masse des lecteurs, troisièmement en appeler toujours à la justice et à la liberté, de façon à provoquer l'indignation du bon public contre l'autorité, ses ministres et ses fonctionnaires.
    Là encore le parallèle avec certains journaux actuels est frappant.
    Appliquant lui-même avec génie les procédés qu'il a formulés, Paul-Louis Courier écrit de très nombreux pamphlets, surtout entre 1820 et 1824, contre la cour et contre le pouvoir, qui s'appuie essentiellement sur la police. Le but est de déconsidérer devant l'opinion le système politique en place (en l'occurence la Restauration). En 1821, il utilise même son procès en cour d'assises (qui lui valut deux mois de prison et 200 Francs d'amende pour un précédent pamphlet contre une souscription ordonnée par le ministre de l'Intérieur) pour transformer son banc d'accusé en tribune (procédé que nous retrouverons dans les temps actuels), puis pour écrire un nouveau pamphlet Procès de Paul- Louis Courier.
    Les procédés de Voltaire et de Courier allaient trouver avec l'avènement de la presse à grand tirage et des moyens de communication de masse une portée et une efficacité multipliées et restent un des moyens de la subversion moderne; nous aurons à en reparler. Mais d'autres dimensions se développent par ailleurs : par la voie de la propagande politique et par la voie des méthodes de guerre.

    II — LES PROPAGANDES
    Sur un autre axe, en effet, les techniques de la propagande politique croissent et se diversifient. La chose n'a pas attendu son nom pour exister (5). On retrouve les principes de la propagande de recrutement et d'expansion dans le prosélytisme de toutes les sectes religieuses et de toutes les écoles philosophiques dès qu'il y en eut. L'orateur politique haranguant le peuple sur l'Agora de l'antique Grèce, tout comme aujourd'hui le tribun en période électorale..., le moine illuminé prêchant la Croisade, tout comme aujourd'hui le dictateur arabe appelant à la guerre sainte..., le missionnaire qui fonde école et hôpital pour créer un foyer de conversion, tout comme aujourd'hui le délégué à la propagande qui fonde un centre culturel ou un foyer des jeunes... cherchent à induire des opinions et des conduites par des méthodes diverses de pression au changement, de persuasion et de conversion des esprits.
    Le maniement du sophisme (ou art du raisonnement logiquement faux mais ayant toutes les apparences de la raison), la connaissance des besoins, passions et croyances du groupe d'auditeurs pour utiliser et canaliser les motivations, l'utilisation de la peur et de l'angoisse, l'exploitation des valeurs humaines universelles habilement associées à la cause que l'on défend..., sont des procédés employés depuis toujours.
    La propagande de recrutement et d'expansion se double tout naturellement d'une propagande d'endoctrinement ou d'intégration pour « mettre au moule » (selon la belle expression moderne de Mao Tsé-toung) les groupes conquis, unifier les opinions, créer une parfaite conformité d'attitudes et d'action. Intuitivement et empiriquement presque tous les procédés modernes ont été mis en œuvre dès que les détenteurs du pouvoir voulurent façonner les esprits dans une uniformisation idéologique : c'est ainsi que la chasse aux opposants et la récompense des « bons esprits » ont fait partie des plus anciennes traditions de l'autorité politique, de même que la censure des informations non officielles associée à la large diffusion des informations et des « explications » conformes à l'idéologie régnante, l'organisation d'un « environnement suggestif », la célébration collective de la foi officielle (cortèges, manifestations collectives, chœurs, hymnes), le remplacement des groupes naturels par des groupes d'exaltation idéologique, la création de signes, insignes, symboles, rites collectifs, récitation du credo, etc., et enfin la mainmise sur l'éducation dans le but d'endoctriner dès l'âge le plus tendre.
    Tous les États autoritaires et toutes les religions ont employé d'instinct ces méthodes.
    Mais c'est surtout une troisième forme de propagande, développée dans les temps modernes : la propagande d'agitation, qui apportera à la subversion de nouvelles occasions de progrès. La propagande d'agitation est historiquement liée à l'idée de la révolution comme soulèvement populaire contre le pouvoir oppressif, idée qui entraîne le désir d'attiser et de canaliser les mécontentements, de transformer ces mécontentements en indignation et en colère, sentiments qui débouchent rapidement sur l'agressivité pour peu qu'on sache désigner les responsables de la situation intolérable, les « grands frustrants », les fauteurs de misère, de souffrance, d'injustice et de spoliation.
    Certes, les appels au tyrannicide ne sont pas rares dans l'histoire des idées politiques (6), mais d'une part leur écho se limitait à la catégorie peu nombreuse des gens sachant lire, et d'autre part il fallait attendre l'émergence d'une théorie nouvelle de la souveraineté attribuant celle-ci au peuple, ce qui n'advint historiquement de manière vraiment systématique qu'avec les philosophies politiques du XVIe siècle. L'imprimerie et l'utilisation de la langue nationale allaient, dans ce même XVIe siècle, donner à la propagande d'agitation un essor nouveau. Nous avons vu ci-dessus, par exemple, comment, chez Luther, la rédaction des pamphlets politiques allait de pair avec la construction d'un système révolutionnaire et avec l'action de propagande d'agitation qui aboutit à la guerre des paysans et à la révolte des nobles contre l'Église romaine.
    La propagande d'agitation suppose l'existence d'un « parti », avec son chef et une doctrine, et également les techniques d'exploitation des mécontentements que nous avons esquissées ci-dessus. Elle est liée, nous l'avons dit, une certaine idée de la révolution. C'est cet ensemble qui prend corps à la veille de la Révolution française ; par rapport à cet ensemble (un parti, un chef ou des chefs, une doctrine. une conception de la révolution, des techniques d'agitation pour mobiliser les masses), la subversion apparaît comme une pré-propagande ou une sub-propagande si l'on convient d'appeler ainsi l'action préparatoire ou concomitante destinée uniquement à déconsidérer le pouvoir et à détacher de lui ceux qui auraient eu l'intention de le défendre en cas de péril.
    Cette fonction auxiliaire de la subversion par rapport au grand complexe : idéologie — soulèvement populaire — agitation politique, caractérise ce que j'appellerais la conception archaïque de l'agitation et de la révolution. Il en fut ainsi sous la Révolution française, il en fut encore ainsi au moment de la grande Révolution russe.
    Nous verrons que cette conception caractérise aussi l'action subversive dans la guerre, où, là encore et pendant longtemps, la subversion fut utilisée comme auxiliaire des armes classiques.
    Dans la grisaille de cette conception, une lueur cependant annonce la conception moderne : l'idée de Babeuf entre 1793 et 1797 (date de sa mort sur l'échafaud). Quoi que l'on ait dit de lui, il ne fut pas un agitateur au sens où il s'agit d'ameuter et de mobiliser les masses, et les préparer à l'endoctrinement. Il eut au contraire l'idée, très moderne, du coup d'État perpétré en sidérant d'avance l'opinion publique. L'action subversive, pour lui, consistait d'une part à faire mépriser les tenants du pouvoir, accusés de traîtrise et de toutes les infamies (Babeuf disposait de son journal Le tribun du peuple), d'autre part à frapper l'opinion en « créant l'épouvante », selon la formule de son adjoint Buonarotti. Dans ce climat psychologique, fait de détachement de l'opinion à l'égard des autorités et de terreur muette, la prise du pouvoir devait se faire techniquement, et c'était là le but du complot proprement dit. La conception léniniste est, en comparaison, un retour à l'idée de l'agitation comme auxiliaire de la propagande d'expansion, et donc de la subversion comme pré-propagande ou sub-propagande (7).
    Par contre, les méthodes de Hitler avant la prise du pouvoir représentent le premier système cohérent de subversion méthodique, au service d'une conception volontariste de la révolution (ce qui est radicalement différent de la conception marxiste et léniniste). Et ce n'est pas par hasard que la théorie et la pratique de la subversion se développent justement dans le cadre d'une conception volontariste de la révolution (8).
    Tchakhotine, témoin oculaire et informé de cette période, écrit : « Que faisait donc Hitler ? Par des discours enflammés, dégagés de toute entrave, il attirait sur lui l'attention; il attaquait violemment le gouvernement républicain, le critiquait, l'injuriait, et proférait des menaces inouïes : les têtes vont tomber, la nuit des longs couteaux (9), le document de Boxheim,... telles étaient les menaces de la propagande nazie qui avaient et qui devaient avoir une énorme influence sur les masses; cela pour deux raisons : en premier lieu ces masses... prêtaient volontiers l'oreille à toutes les critiques; en second lieu le fait que cette propagande se faisait impunément éveillait la conviction que les pouvoirs répressifs et les moyens de défense de l'Etat étaient entièrement paralysés, et qu'on ne pouvait plus rien espérer de ce côté-là. »
    Il s'agissait donc, pour Hitler, d'obtenir simultanément deux résultats psychologiques : d'une part se faire connaître et se présenter comme le champion d'un ordre nouveau, d'autre part déconsidérer le gouvernement légitime, le discréditer par la « démonstration » de son indignité autant que par celle de son impuissance.
    La tactique est simple :
    - primo se présenter comme le champion d'une cause juste ;
    - secundo, attaquer violemment, critiquer, injurier, menacer le gouvernement et ses représentants collectivement ou individuellement, ce qui répand la certitude de la pourriture du gouvernement et le disqualifie comme gouvernement ;
    - tertio, démontrer que les violences précédentes se font impunément, ce qui répand la conviction de l'impuissance de l'État.
    Utiliser à fond la moindre occasion politique ou le moindre fait divers, sauter sur les erreurs de l'adversaire, transformer tout en scandale public avec le langage de l'indignation et de la vertu outragée... étaient des procédés repris des pamphlétaires mais érigés en système électoral par la grâce des moyens de communication de masse et par la connaissance intuitive des ressorts des foules. Après la prise du pouvoir, dans l'indifférence générale envers l'État républicain qui s'écroule, la propagande subversive se mue brutalement en propagande d'intégration à l'intérieur des frontières, avec le génie de la propagande que fut Goebbels, et la subversion est mise au service des projets militaires, c'est-à-dire qu'elle est utilisée pour pourrir les États convoités.
    Nous sommes ainsi renvoyés à une autre ligne de développement de la subversion, qui elle aussi a son histoire : la guerre psychologique.
    III — LA GUERRE PSYCHOLOGIQUE
    La guerre psychologique, notion qui englobe celle de guerre subversive, est, aux débuts de sa conceptualisation, considérée comme auxiliaire de la guerre traditionnelle.
    C'est toujours à von Clausewitz que l'on doit remonter pour trouver la première théorie de cette nouvelle forme de guerre. Général prussien, contemporain des guerres de la Révolution française et de l'Empire, l'auteur du traité De la guerre, paru en 1833, tire la leçon de ce qu'il a vu à son époque et formule les conclusions qui s'imposent lorsqu'on a observé, comme lui, les phénomènes militaires de cette période (10) :
    — La guerre est d'essence politique et non pas seulement militaire, c'est-à-dire qu'il est absurde de la confier à des militaires apolitiques et à des soldats de métier; elle est une volonté politique mettant en œuvre les moyens militaires, et les peuples impliqués dans le conflit jouent dans celui-ci un rôle spécifique.
    — Il faut en conséquence lier l'armée au milieu social dont elle émane ; l'environnement psychosocial des soldats-militants a une importance capitale. Une armée porteuse de l'espérance et de l'enthousiasme populaires aura un moral au plus haut degré. Ce moral sera au plus bas si elle est entourée de la méfiance, du mépris et de la déconsidération publique.
    — La guerre doit être totale, c'est-à-dire que la propagande, l'action sur les populations. la contagion idéologique, y jouent leur rôle. Les armes psychologiques sont supérieures à l'armement militaire.
    Selon Clausewitz, l'ère des mercenaires est close; les guerres de l'avenir seront des guerres populaires et nationales où les soldats seront politiquement formés et politiquement encadrés. L'action psychologique devenait ainsi essentielle à l'art de la guerre : action psychologique de renforcement du moral des nationaux, action subversive de démoralisation sur la population à conquérir.
    L'entrée dans les faits se fit attendre, non pas tant à cause de la classique résistance aux théories nouvelles (surtout chez les militaires), mais parce que manquait la science psychologique et psychosociale seule capable de fournir les moyens pratiques.
    L'introduction de l'action psychologique comme appoint dans la guerre traditionnelle commença avant la Première Guerre mondiale par l'inauguration, à l'École de guerre de Paris, d'un cours sur la psychologie des foules, d'après l'œuvre de Gustave Le Bon (11).
    Pendant la Première Guerre mondiale, le recours à l'action psychologique et à la subversion ne fut pas négligé. Avant même la création tardive du ministère de la Propagande de guerre, que devait diriger lord Northcliffe en février 1918 (12), quelques actions psychologiques avaient été mises sur pied : gramophones installés entre les tranchées, dans le no man's land, diffusant des allocutions en allemand pour inviter à la reddition, ou des chansons populaires de leurs pays à l'intention des troupes tchèques et hongroises de l'armée ennemie.
    On jeta des milliers de tracts, par avions et ballons, pour faire connaître la situation militaire réelle et susciter chez l'ennemi la certitude que la guerre était perdue.
    Cette propagande ne fut pas vaine, puisque Hindenburg, dans ses Mémoires, admet que de telles actions ont intensifié au plus haut degré la démoralisation de la force allemande, mais c'était une propagande blanche (c'est-à-dire que les sources étaient ouvertement anglaises) (13) appliquant des principes de fair-play très britanniques (pas de mensonge, pas d'équivoque, des chiffres et des preuves).
    On conviendra qu'il s'agissait bien d'une action psychologique, mais on doit aussi constater d'une part la liaison avec les moyens traditionnels de la guerre, d'autre part la naïveté des méthodes de la propagande de ralliement ou de désertion, fondée sur « une savante combinaison du raisonnement et de la menace » ; ce n'était pas de la subversion.
    Nettement améliorée sur le plan technique fut la subversion organisée par les spécialistes hitlériens entre 1933 et 1939 (infiltration d'agents subversifs recrutant des bonnes âmes par persuation au nom des intérêts supérieurs de la patrie, s'insinuant tôt dans les groupes au point d'en paraî­tre de vieux participants ou des porte-parole autorisés) et pendant la « drôle de guerre » de 1939 à mai 1940. « Pendant cette période, dit Mégret, la radio allemande avait mis au point un procédé d'intoxication par indiscrétions savamment dosées pour insinuer peu à peu chez les auditeurs français le complexe de la trahison et accréditer la réputation d'infaillibilité de l'adversaire. Sur la ligne de front, l'usage des haut-parleurs servit à entrete­nir l'irréalité de la guerre et à souligner l'absurdité d'un conflit sans fondement et sans action. » Sur le front intérieur, Radio-Stuttgart renforçait aussi la certitude démora­lisante des scélératesses des gouvernants, de la connais­sance par l'ennemi de tous les faits et gestes des Français, et de l'inanité de tout combat pour une cause perdue d'avance. Les buts de l'action psychologique nazie sur les territoires à conquérir sont faciles à reconstituer aujourd'hui : miner la capacité de résistance de l'adver­saire, saboter les décisions gouvernementales grâce à une infiltration méthodique dans les rouages administratifs, uti­liser à leur insu les intellectuels toujours enclins à se poser des cas de conscience et à nourrir des scrupules, répandre la peur de la trahison dans le public et dans les corps de troupe. « Cinq années de guerre psychologique sans relâ­che, cinq semaines de guerre conventionnelle ensuite » conclut Mégret. Goebbels avait assimilé et largement dépassé les thèses du colonel Blau dans Propa­ganda als Waffe (la propagande comme arme de guerre) publié en 1935. Il avait étudié en détail le point psychologique essentiel de l'activité subversive, à savoir les conditions de crédibilité des personnages travaillant pour lui en France, et les conditions de crédibilité des informations tendancieuses.
    Sur ce dernier point, cependant, Sefton Delmer, le créateur de la radio noire, fut au moins aussi fort que Goebbels. Son entreprise surclassa les opérations en cours déjà imaginées par les Anglais ou les Américains, et il inventa, grâce à son génie. de très nombreux procédés aujourd'hui codifiés.
    Certes, l'objectif général de la subversion dans la guerre psychologique stratégique était assez bien défini : il devait être l'incitation de la population ennemie (ou de l'une de ses fractions) à agir contre son propre gouvernement, mais les moyens restaient étrangement rétrogrades et archaïques : 32 millions de tracts, le parachutage de laissez passer pour être accueillis par les Alliés, les exhortations directes à la révolte..., le montage sonore d'une révolte d'une ville de Rhénanie contre Hitler et les SS..., le défunt (14) prenant la parole au micro... telles étaient les idées de l'OSS (15). En dehors de ces émissions de propagande blanche ou grise, il y avait aussi le bon vieux truc du « comité de l'Allemagne libre ». Les Russes avaient aussi le leur. On faisait parler à la radio les responsables de ce qu'on appellerait aujourd'hui le « Front de libération nationale », et cette propagande (qui n'est plus ni noire, ni blanche, ni grise) est elle-même subversive selon des lois propres dont nous reparlerons.
    Sefton Delmer voulut instituer quelque chose de tout à fait nouveau. « La BBC, écrit-il faisait des causeries contenant des informations et un journal parlé bien écrit et clair, à destination des auditeurs allemands, en langue allemande naturellement. Au cours de ces causeries et du journal parlé, on multipliait les discussions de l'idéologie nazie, on contestait les informations qu'ils donnaient, on affirmait par contre les valeurs des alliés ». L'analyse des émissions de la BBC faite par l'auteur entre octobre et décembre 1941 lui montra que les orientations principales étaient : l'exhortation humanitaire et idéologique, la discussion des thèses nazies, l'encouragement à une opposition active à l'intérieur de l'Allemagne. Ces aspects de la propagande blanche lui apparurent comme « des conversations d'émigrés », sans aucun impact réel.
    Exposant son plan aux autorités, il écrit : « Je crois que nous devons expérimenter un nouveau type de radio noire sur les Allemands..., une radio qui saperait Hitler non en s'opposant à lui, mais en faisant semblant, au contraire, d'être tout à fait d'accord avec lui et avec sa guerre... Avec une plate-forme d'hyperpatriotisme, notre radio réussirait à faire avaler toutes sortes de rumeurs sous le couvert de clichés nationalistes et patriotiques... Parlons aux Allemands de leur Führer et de leur patrie et ainsi de suite, et en même temps injectons-leur dans l'esprit des nouvelles qui les fassent si possible réagir de façon préjudiciable à la bonne conduite de la guerre par Hitler... Autre nouveauté : les émissions ne doivent pas donner l'impression qu'elles s'adressent au public... Je voulais faire croire aux auditeurs qu'ils surprenaient des émissions qui ne leur étaient pas destinées (16). En tournant les boutons de leur appareil, ils se trouvaient soudain mêlés à des signaux d'une organisation clandestine... Ces voix diffuseraient un tas d'informations confidentielles de la part d'un fidèle et loyal partisan de Hitler, méprisant la canaille qui gouver­nait la patrie au nom du Führer... »
    Nous verrons à l'occasion de la revue des techniques de la subversion, le détail des trouvailles intuitives de Delmer, qui sont devenues des techniques scientifiquement justifiées et qui sont utilisées aujourd'hui encore par la subversion mondiale. Disons seulement ici que l'efficacité de la propa­gande noire (17) de Delmer fut telle qu'il se trouva dans l'obligation, après la fin de la guerre, d'écrire son livre pour lutter contre les clichés qu'il avait lui-même inventés et in­jectés. La croyance générale, par exemple, qu'il y avait eu dans l'armée allemande une opposition interne active à Hitler était le résultat d'une rumeur implantée au début par la radio noire. C'est en entendant ses propres bobards affirmés comme des vérités au procès de Nuremberg, que Delmer se décida à publier son récit.
    La postérité de l'opération radio noire de Delmer n'est pas à chercher dans les très nombreuses radios clandesti­nes qui fonctionnent aujourd'hui de par le monde (18) car elles n'utilisent guère ses procédés et font, en fait, de la pro­pagande blanche. Même les émissions-pirates (19), dont nous verrrons le rôle spécifique dans la subversion, n'utili­sent pas la propagande noire. Aujourd'hui, les techniques de Delmer, perfectionnées par le développement même de la psychologie sociale et des recherches sur la formation des opinions (20) sont utilisées à l'intérieur des États libéraux occidentaux par les agents subversifs qui se sont infiltrés dans la presse et les radios de ces États.
    Ce qui importe ici, à l'occasion de l'histoire de la subi version dans la guerre, c'est de souligner que, jusqu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, la subversion a été utilisée comme auxiliaire de la guerre classique, celle qui se déroule et se conclut sur le terrain et par les armes.
    Un changement radical semble s'être opéré depuis une vingtaine d'années : une nouvelle conception de la guerre étrangère estompe peu à peu la conception traditionnelle, et dans cette nouvelle forme de guerre, la subversion est devenue l'arme principale. En effet, la stratégie de la guerre totale d'aujourd'hui exclut le recours à l'intervention étrangère armée : au lieu d'engager des troupes sur les frontières de la nation à conquérir, on suscitera, à l'intérieur de ce État, et par l'action d'agents subversifs entraînés, un processus de pourrissement de l'autorité pendant que de petits groupes de partisans, présentés comme « émanant du peuple même » et constitués « spontanément », engageront un nouveau type de lutte sur place avec l'intention affichée de commencer une « guerre révolutionnaire de libération » et avec, en fait, l'intention d'accélérer le processus de pour­rissement de l'État dans le pays visé, puis de prendre le pouvoir.
    La conception classique faisait de la subversion et de la guerre psychologique une machine de guerre parmi les autres pendant le temps des hostilités, et elles s'arrêtaient à leur fin. Les États d'aujourd'hui, coincés par cette dis­tinction archaïque, n'ont pas compris que la guerre psychologique fait éclater la distinction classique entre guerre et paix. C'est une guerre non-conventionnelle, étrangère aux normes du droit international et des lois connues de la guerre, c'est une guerre totale qui déconcerte les juristes et qui poursuit ses objectifs à l'abri de leur code. Comme le dit Mégret : « La distinction classique entre la paix et la guerre sera, dès lors, mise en échec par la guerre psychologique (...), affranchie des barrières des temps, des lieux et des conventions, force immatérielle et, de ce fait, insaisissable, susceptible de toutes les incarnations et de toutes les métamorphoses. »
    Le but de la guerre reste le même : expansion territoriale et occupation d'un autre pays ou installation, dans ce pays, d'un gouvernement allié ou soumis,... mais les moyens ont changé.
    Héritière de von Clausewitz et de Hitler, mise au point par Mao Tsé-toung, la guerre moderne est psychologique d'abord, et le rapport avec les armes classiques est inversé. Aujourd'hui, c'est le combat sur le terrain (la guérilla) qui est devenu l'auxiliaire de la subversion.

    Roger MUCHIELLI (1976http://www.theatrum-belli.com

    NOTES :
    (1) Au sens propre, puisqu'Antoine exposa la tête de Cicéron sur la Tribune aux harangues.
    (2) On sait que ce mot anglais vient lui-même du français paume-feuillet, petite feuille de papier que l'on peut tenir dans la main. Lucien et Ménippe avaient déjà illustre le genre dans la Grèce antique.
    (3) C'est-à-dire le tribunal qui avait jugé l'affaire et condamné au supplice, en mars 1762, le père Calas, accusé d'avoir assassiné son fils de 30 ans (qui en fait s'était suicidé pour d'autres raisons) pour l'empêcher de se convertir au catholicisme.
    (4) Il s'agit du livre a ntireligieux de l'encyclopédiste d'Holbach.
    (5) Le mot même de propagande vient du vocabulaire religieux : De propaganda fide (De la propagation de la Foi), congrégation fondée en 1597 par le pape Clément VII et organisée effectivement comme action par le pape Grégoire XV en 1622.
    (6) Cf. R. Mucchielli, in Histoire de la philosophie et des sciences humaines (Bordas éd.): l'histoire des idées politiques.
    (7) Cf. R. Mucchielli, Psychologie de la publicité et de la propagande, op. cit. ch. 1 et 5, les propagandes.
    (8) Ce point sera clairement démontré ci-dessous ; cf pp. 67 et suiv.
    (9) Cette expression, qui est devenue tristement célèbre par la suite, était au début une des images des campagnes de propagande subversive de Hitler.
    (10) Dès 1791, l'idéologie s'allie aux armes dans la conduite de la guerre, note Domenach (op. cit. p. 17) : « La propagande devient l'auxiliaire de la stratégie. Il s'agit de créer chez soi l'enthousiasme et la cohésion, chez l'ennemi le désordre et la peur. En abolissant toujours davantage la distinction du « front » et de « l'arrière », la guerre totale offre pour champ d'action à la propagande non seulement les armées, mais les populations civiles... puisqu'on arrive à soulever ces populations et à faire surgir sur les arrières de l'ennemi de nouveaux types de combattants, hommes, femmes, enfants : espions, saboteurs, partisans. »
    Par un décret de 1792, « la Convention déclare, au nom de la Nation française, qu'elle apportera secours et fraternité à tous les peuples qui voudront recouvrer leur liberté ». En 1793, en Alsace, une association se forme, sous la dénomination de « Propagande » pour répandre les idées révolutionnaires. Les « commissaires aux armées » furent également chargés de la double mission de propagande : surveillance politique des armées, et organisation de la guerre de propagande.
    (11) Citons pour mémoire l'opuscule que fit paraître en 1927 chez Payot le maréchal Foch (Essai de psychologie militaire) et qui reste cantonné aux conditions du moral et de la démoralisation du soldat des deux camps. Kurt Hesse qui, en 1922, publie en Allemagne Feldherr Psychologos (le Seigneur Psychologos) analyse les conditions psychologiques de la défaite allemande et, admirateur de von Clausewitz, appelle de ses vœux un « Sauveur », qui rendra la foi patriotique et le moral à une armée populaire nouvelle, en rendant à l'Allemagne sa grandeur éternelle.
    (12) W. Steed, Seton-Watson et le célèbre H. G. Wells organisèrent le travail sous la direction lointaine de lord Northcliffe.
    (13) Ainsi le bulletin qui, au cours de la Seconde Guerre mondiale, commençait par « Ici Londres »... à l'intention des auditeurs continentaux. La propagande blanche n'a d'impact que sur ses amis et les hésitants.
    (14) Il s'agissait de H. Becker jouant le rôle du colonel Beck tué de la propre main d'Hitler le 20 juillet 1944 après l'échec du putsch des militaires.
    (15) Office of Strategic Services (américain).
    (16) On sait, depuis, par les expériences de laboratoire de psychologie sociale, que la crédibilité d'une information est accrue lorsque l'auditeur croit qu'elle ne lui est pas destinée et qu'il surprend des confidences entre tiers.
    (17) On appelle donc propagande « noire » celle qui cherche à tromper l'adversaire sur l'origine ou l'appartenance de l'action de propagande (exemple : la station de Soldatensender Calais de Sefton Delmer commençait par « Ici Radio Calais. Armée allemande. Émettant sur 360 m, relayée sur ondes courtes par Radio Atlantik. Nous transmettons de la musique et des bulletins d'informations destinés à nos camarades de la Wehrmacht dans les secteurs Ouest et Nord... »). La propagande « grise » se contente d'interposer un voile d'indétermination, c'est-à-dire qu'on ne sait pas quelles sont l'origine et l'appartenance de l'action de propagande.
    On conçoit que la création de la propagande « noire » soit le résultat de l'analyse psychosociale des conditions de crédibilité des informations. On a remarqué, des que l'on eut étudié du point de vue psychologique l'influence sur les opinions, que la propagande blanche n'était pas crédible dans la mesure où les auditeurs, prévenus, mobilisaient des défenses  contre les informations ou ne s'exposaient pas à leur influence. La propagande « noire » a pour support psychosocial l'étude des conditions dans lesquelles les défenses précédentes n'existent pas.
    (18) On a dressé en 1970 une liste provisoire de 16 émetteurs clandestins sur ondes courtes et moyennes diffusant vers l'Europe et le Moyen- Orient : 3 de ces émetteurs sont situés hors du continent européen : « La voix de la résistance basque n émettant en basque et en espagnol, est située en Argentine, « Radio Portugal libre » est installé en Algérie, « La voix de la Serbie libre » n'a pu être localisée; sa boite aux lettres est à Chicago. 7 émetteurs sont en Irlande, dont 5 appartiennent à l’I.R.A. (Armée républicaine irlandaise) et 2 aux catholiques de l'Irlande du Nord. « Radio Espagne libre » fonctionne depuis 1938 et est quelque part en Tchécoslovaquie ou en Russie méridionale. « Russie libre », antisoviétique, émet à partir de camions circulant en Europe occidentale et a une boite aux lettres à Rotterdam. « Bizin radio », émetteur du Parti communiste turc, est en Allemagne de l'Est, l'émetteur du Parti communiste grec est en Bulgarie. « Radio Tyrol libre » vise les Tyroliens du Sud, séparatistes contre l'Italie. L'émetteur du Parti communiste iranien (émettant en arabe, en kurde, en iranien, en azerbaïdjanais) est en Allemagne de l'Est. Radio Tirana, en Albanie, a un rôle clandestin dans la mesure où sont diffusées sur ses ondes les instructions des responsables chinois aux groupes maoïstes d'Europe occidentale.
    (19) On appelle « émission-pirate », une émission radio ou télévisée se mêlant par surprise à une émission radio ou télévisée officielle, et « occupant » un court instant la longueur d'onde du poste officiel grâce à une surpuissance. Sefton Delmer prit ainsi pendant des heures le relais de Radio Cologne sans que l’on s’en aperçût mais le contenu de l’émission était aussi de la propagande noire.
    (20) Cf. R. Mucchielli, Opinions et changement d'opinion, E.S.F., 1970.

  • La France doit-elle disparaître ? (arch 2008)

    La question posée en juillet 2006, lors de la XVe Université d'été de Renaissance Catholique, qui vient de publier ses Actes (1), conserve en 2008 une pertinence accrue vu le délabrement accéléré de notre société. Profondément ébranlée pendant le dernier demi-siècle par la décolonisation et ses inévitables corollaires, la paupérisation et donc l'émigration (avec le déferlement sur un Hexagone enrichi par les « Trente Glorieuses » de tant d'habitants des nouveaux Etats indépendants chassés de leur pays par une corruption, une misère et des guerres tribales souvent endémiques) puis par les "événements" de Mai 68. Lesquels provoquèrent une révolution intellectuelle, sexuelle et morale dont nous n'avons pas fini de mesurer les ravages.
    Dans sa conclusion, Jean-Pierre Maugendre, fidèle à l'intitulé de la maison d'édition qu'il préside, postule pourtant un renouveau de la civilisation chrétienne sous l'égide de la France dont la survie serait assurée en tant que « peuple élu de la Nouvelle Alliance ». De la vocation providentielle de la fille aînée de l'Eglise par le baptême franc, des prophéties des papes et des innombrables interventions surnaturelles qui jalonnèrent son histoire, J.-P. M. induit « cinq raisons d'espérer ».
    Mais « qu'est-ce que la France ? » interroge Jean de Viguerie qui définit Les deux patries, celle des « biens spirituels [qu'] il n'y avait pas lieu de partager puisque chacun pouvait tout prendre » et celle, "matérialisée", des droits de l'homme qui exige l'égalité dans la distribution. Pour lui, la première est bien malade, morte sans doute, mais nous l'aimons comme une mère dont il faut « cultiver le précieux héritage. »
    S'abreuvant « aux sources de l'identité française », Jean Madiran nous engage à ne pas nous laisser entraîner « par le torrent de l'évolutionnisme d'un monde qui change ( ... ) - il y a une chose qui ne change pas, la nature humaine dont il restera toujours assez pour que la grâce puisse venir s 'y poser » - ; l'abbé Bruno Schaeffer - rappelant la distinction des pouvoirs spirituel et temporel, au contraire de l'islam qui est « une théocratie juive », et l'alliance millénaire de la France avec l'Eglise qui fut gravement altérée par les théories d'un Etat de droit divin, « caricature de l'Etat chrétien » pense que la pérennité de la France ne s'envisage qu'en « faisant d'abord régner le Christ dans nos âmes », et Arnaud Jayr soutient que « le cœur de Jeanne bat toujours sous la cendre et qu'elle n'a pas encore achevé son œuvre. »
    Viennent ensuite les allocutions de ceux qui nient « la fin de l'histoire » et refusent tout déterminisme.
    Dans un ample tour d' horizon des causes lointaines de la crise actuelle de l'identité de la France (née sous les Robertiens-Capétiens de la fusion des Gaulois, des Romains et des Germains, de même ascendance blanche) qui en connut bien d'autres - hérésie cathare, Réforme, maçonnerie Grand orientale, Révolution, etc. -, Henry de Lesquen croit toujours au « pays réel » au sein d'une res publica dont la restauration s'amorce (référendum de 2005, amendement Vanneste, réformes de l'enseignement - abandon de la méthode globale, apprentissage dès 14 ans -, discrédit de la psychanalyse ... enfin le Souverain Pontificat de Benoît XVI et la béatification de Charles de Foucault).
    La nation française, « famille de familles » défigurée par la politique de naturalisation à tout-va d'une « tourbe humaine » que la démission des « institutions assimilatrices » - l'Eglise qui renonce à évangéliser, l'école qui ne transmet plus le savoir, les grands patrons favorisant une main-d'œuvre bon marché dans le but illusoire d'assurer les retraites des "souchiens" - ne se relèvera selon Michel De Jaeghere qu'en rétablissant la « frontière de la nationalité ».
    Evoquant la « France ridée » en raison d'une démographie déficitaire depuis des générations engendrant l'afflux anarchique d'un tiers-monde décolonisé prématurément, Gérard-François Dumont fait litière des théories malthusiennes et du mythe d'une surpopulation à l'échelon mondial. Tout en étant très pessimiste sur la faculté du « peuple souverain » avec le vieillissement et la féminisation du corps électoral - de réanimer sa fécondité tuée par la légalisation de l'avortement et une nuptialité en déshérence.
    Philippe Conrad, tout en dénonçant vigoureusement la « diffamation de la France » à travers l'enseignement de son Histoire, honteusement controuvée par des universitaires marxistes soixante-huitards, laisse apercevoir dans le regain d'intérêt des jeunes pour un passé prestigieux remis « à l'endroit » dans nombre d'ouvrages et de revues, la naissance d'une nouvelle génération prometteuse, débarrassée des poncifs mensongers, constituant l'élite, la « minorité active » qui « fabriquera demain l'esprit public » rénové.
    Résister au Système en pratiquant « le pas de côté », en disant d'autant plus fort la vérité qu'on n' a pas le droit de la dire, c'est ainsi que Serge de Beketch continua le combat jusqu'au bout.
    Marie-Gabrielle DECOSSAS. Rivarol du 9 mai 2008
    (1) La France doit-elle disparaître ? 368 pages, 20 € ou 24 € fco. Renaissance Catholique-Publications - 89 rue Pierre-Brossolette, 92130 Issy-les-Moulineaux.

  • La logique - La raison

    La logique et la raison sont sans doute les deux termes que revendique la pensée occidentale qui en a tiré parfois fierté ou vanité. C'est selon.
    Dans la raison, on englobe la philosophie, la science, la façon de bien raisonner, c'est à dire respecter les lois de la logique.
    Cette vision sera bien sûr contestée par des penseurs aussi différents que Nietzsche, Heidegger ou Feyerabend. Si la logique a pu être étudiée de façon plus ou moins technique, il n'a jamais été donné une définition acceptée par tous de la raison. Feyerabend écrira un livre intitulé « Adieu la Raison ». Quant à Heidegger, il énoncera sa phrase célèbre : « la Raison est l'ennemie de la pensée ». Comme si la logique et même la raison ne pouvaient être que des freins à la pensée, et même à l'épanouissement de l'individu, de son être. Elles ne pourraient même qu'appauvrir un homme riche de toute sa diversité et complexité.
    «L'intelligence n'est qu'une toute petite partie de nous-mêmes, nous sommes avant tout des être profondément affectifs. » (Barrés)
    « Le cœur a ses raisons que la raison ignore. » (Pascal).

    La logique
    La logique a été inventée par les Grecs. Le refus et la contradiction est venu avec les Eléates (Zenon d'Elée).
    La non-contradiction s'oppose à un raisonnement dialectique qui admet les contraires. La dialectique a été développée à son summum par Hegel et aussi par Marx.
    Les devoirs de français et de philosophie sont souvent construits selon le schéma : thèse, antithèse, synthèse.
    En mathématiques, on utilise uniquement la logique classique ou d'Aristote qui a pour principe essentiel le « tertium non datur », le tiers-exclu. Cette réduction de la pensée a comme contrepartie une prodigieuse efficacité, entre autres le raisonnement par l'absurde.
    Considérer la logique comme le fondement des mathématiques s'appelle le logicisme.
    Un autre courant, l'intuitionnisme de Brouwer et Heyting rejette le tiers-exclu. En revanche pour les Eléates, une bonne pensée doit être une pensée non contradictoire. Il ne faut pas oublier que dans l'Antiquité, la logique est née de l'art de vouloir persuader, imposer ses idées. Au Vème et  IVème siècle av. J.C., nous eûmes les orateurs et les sophistes, plus avocats que philosophes.
    Aristote comme Euclide pour les mathématiques de son époque présentera dans « L'Organon » les lois de la logique de son époque. On y trouve son fameux syllogisme « Tous les hommes sont mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel », syllogisme qu'on peut expliquer par la théorie des ensembles.

     [〈Socrate X〉H ] M

    Descartes croira plus aux mathématiques, qui utilisent une intuition intellectuelle féconde, qu'à la logique d'un formalisme stérile.
    Leibniz a voulu créer une logique nouvelle. Les éléments du jugement pourraient être mis en formules. Les principaux principes de la logique classique sont :

    1. Le principe d'identité « A est A ». Une chose est ce qu'elle est. On retrouve Parménide : « ce qui est est, ce qui n'est pas n'est pas. »
    2. Le principe de la non-contradiction : « Une chose ne peut pas, en même temps, être et n'être pas ».
    3. Le principe du tiers-exclu : « De deux propositions contradictoires, si l'une est vraie, l'autre est nécessairement fausse, et réciproquement ».
    La logistique ou « logique symbolique » se veut un système de symboles
    (x)        [P(x) VQ(x)] et ~ P(a)
    or        [P(a) V(Q(a)] => Q(a)

    Kant avait affirmé que la logique « semble close et achevée ». Et pourtant la logique s'est prodigieusement développée avec Frege et Gôdel.
    Frege est un mathématicien, logicien, philosophe allemand. Il a élaboré un langage formel nouveau. Il a utilisé les quantificateurs. Pour lui, le langage ordinaire est ambigu, imprécis. Il a donc voulu fonder un langage idéal, vieux fantasme des logiciens.
    L'un des points importants chez Frege est l'antipsychologisme. Les lois de la logique sont celles de la vérité et non de l'esprit. Il s'oppose en cela aussi bien à Kant qu'à Nietzsche et d'autres ...
    Les mathématiques et même la logique ont été ébranlées par les deux théorèmes de Gôdel, suite à tous les travaux et réflexions sur l'axiomatisation du savoir comme les axiomes de Péano en arithmétique :

        1.     Tout système consistant (non-contradictoire) n'est pas complet, c'est-à-dire qu'il y aura toujours des propositions dont on ne pourra jamais dire si elles sont vraies ou fausses.
        2.     On ne peut pas démontrer qu'un système est consistant à l'intérieur de lui-même.

    Une autre définition de la logique est de prouver des thèses à partir de prémisses, c'est-à-dire que si les prémisses sont « faux » ou douteux, même un raisonnement logique parvient à des conclusions fausses ou oiseuses, surtout dans les domaines « flous » en dehors des mathématiques ou de ceux qu'on appelle « sciences exactes ».
    On peut toujours remettre en question les prémisses (les mathématiciens dans l'histoire des mathématiques ne s'en sont pas privés avec les géométries non euclidiennes). Dans les autres domaines (politique, économie, philosophie, ...) on peut dire tout et le contraire de tout et même en le justifiant. On en vient à faire de la métaphysique sans le savoir.
    Par exemple, dans les opinions politiques, la logique est-elle un secours pour raisonner, débattre et imposer ses idées (ce qui fut l'origine de la logique chez les Grecs) ? Les convictions politiques ont souvent comme fondements des raisons d'une grande complexité difficiles à expliciter (parfois du non avouable) ou ce qui relève de l'inconscient collectif, individuel, du viscéral ou du ressentiment. On en demanderait beaucoup à la logique de démêler tout cela.

    La notion d'axiome
    Les anciens justifiaient les axiomes par leur évidence, souvent basée sur les sens (surtout en géométrie). Pour Henri Poincaré, les axiomes d'une théorie ne sont que des conventions ou des définitions déguisées. La logique donne un sens nouveau aux mathématiques puisqu'elles ne se définissent plus par leur objet, mais par le raisonnement.

    La Raison
    On invoque souvent la raison contre les passions, la folie, l'irrationnel. Dans ce mot, on ne fait que mettre ses idées et sa propre pensée. Ceux qui ne pensent pas comme nous ne peuvent être que les ennemis de la Raison. On a tué au nom de la raison au cours de l'Histoire.
    Le XVIIIème siècle s'est défini comme le siècle des Lumières car la raison a été sans cesse invoquée contre l'ordre ancien, l'obscurantisme, le fanatisme qu'on a attribués bien sûr à l'autre, l'ennemi de la raison. L'idée de raison a commencé à se définir depuis l'Antiquité grecque. Les principes de la raison sont indépendants de l'expérience sensible pour Platon.

    Les principes de la raison au sens classique du terme :
        1.    Le principe de raison suffisante : « Tout ce qui est a sa raison d'être ». Leibniz définit ce principe : « Rien ne se fait sans raison suffisante. Autrement dit, rien n'arrive sans qu'il soit possible de rendre une raison qui suffise pour déterminer pourquoi il en est ainsi et non autrement. ».
        2.    Le principe de causalité : « Tout phénomène a une cause et les mêmes causes, dans les mêmes circonstances, produisent les mêmes effets ». Hume critiquera fortement ce principe puisqu'il ne verra dans la causalité qu'une pensée venant de l'habitude.
        3.    Le principe de finalité : « tout être a une fin ». Kant distinguera deux formes de fin :
     -  la finalité externe : un être peut avoir sa fin dans un autre être,
     -  la finalité interne : l'être est à lui-même sa propre fin.

    Les principes de raison permettent de comprendre le monde selon une vision classique de la raison.

    Histoire de la raison
    Depuis les Grecs, après les scolastiques, c'est à Descartes dans son « Discours de la Méthode » que l'on doit une définition de la raison.
    La raison est la faculté de bien juger et de discerner le vrai du faux.
    « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, car chacun pense en être si bien pourvu que ceux mêmes qui sont les plus difficiles à contenter en tout autre chose n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils n'en ont ».
    Il y a une survalorisation des mathématiques chez Descartes. Avec la raison, l'homme devient « maître et possesseur de la nature ».
    Kant s'interrogera sur les conditions de possibilité de la science. La « révolution copernicienne » fait dépendre la connaissance de la structure « transcendantale » du sujet (en clair de la structure de notre cerveau). Il existe des « catégories » des principes qui font partie de notre constitution mentale, et que l'on doit considérer comme des « formes a priori » de la pensée.
    Hegel découvrit le caractère historique de la raison : « L'histoire universelle n'est que la manifestation de cette Raison unique ». Cette réalisation de la raison s'effectue selon une démarche dialectique.
    « La seule idée qu'apporte la philosophie est la simple idée de la raison, l'idée que la Raison gouverne le monde et que, par conséquent, l'histoire universelle s'est, elle aussi, déroulée rationnellement » (La Raison dans l'Histoire).

    L'empirisme
    Ce courant fut surtout anglais avec Locke et Hume. Pour Locke, à la différence de Descartes, il n'y a pas de connaissance innée. On a une « table rase ». Nos idées viennent de la sensation et de la réflexion. Pour Hume, les idées ne sont que des copies des impressions d'origine externe. Le principe de causalité est acquis par l'expérience.

    La phénoménologie
    La pensée d'Husserl fut une critique radicale de la Science et de l'idée de raison. Il a fortement critiqué la mathématisation du monde depuis Galilée. Avec la physique galiléenne, l'homme pense que le « vrai monde » serait mathématique. La science est devenue « objectiviste » obsédée par un idéal mathématique. Husserl reviendra au monde premier, le monde vécu (le lebenswelt). La Raison chez Husserl n'est que le produit de notre praxis et de notre réflexion sur cette praxis. La Science n'a fait que recouvrir d'un système axiomatique le monde de la vie. Husserl part du projet cartésien d'établir la certitude pour aboutir à une critique radicale de ce projet.

    L'irrationnel
    Kant avait déjà vu les limites de la Raison puisque nous ne pouvons connaître qu'à travers les formes « a priori » de la sensibilité comme l'espace et le temps. Nous n'avons accès selon Kant qu'aux phénomènes et non aux noumènes (choses en soi). La phénoménologie (comme Nietzsche) critiquera fortement cette séparation du monde noumène/phénomène.
    Bergson verra dans la raison un obstacle à l'intuition. Le surréalisme valorisera l'irrationnel en nous. « Surréalisme : dictée de la pensée en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». (A. Breton). Kierkegaard insistera sur les notions d'angoisse, de doute, sur la mort, l'amour qui échappent à la Raison.

    Adieu la Raison de Feyerabend
    Feyerabend dans son livre « Adieu la Raison » a une position à la fois iconoclaste et radicale vis-à-vis de la Raison occidentale qui accumulerait tous les maux. « La civilisation occidentale elle-même a perdu sa diversité ». Comme pour la pensée phénoménologique, Feyerabend remet en question les idées de Raison et d'Objectivité. Pour Husserl, il n'y avait pas d'Objectivité mais l'intersubjectivité. Feyerabend ne croit pas non plus à l'objectivité. Un point de vue est toujours lié à des attentes, des idées ou des espoirs humains. Il y a beaucoup de culpabilité et de mauvaise conscience chez Feyerabend vis-à-vis de la Science occidentale : « La science occidentale a maintenant infecté le monde entier comme une maladie contagieuse et que beaucoup de gens tiennent ses productions comme allant de soi... ».
    Les critiques très fortes de Feyerabend sur la Raison occidentale aboutissent à une survalorisation des autres cultures et à un dénigrement des la pensée occidentale. Il n'y a pas d'universalité de la connaissance scientifique. Feyerabend est favorable à la diversité, à la pluralité des visions du monde contre l'uniformisation occidentale. Cette pensée sur bien des points rejoint celle de Lévi-Strauss.

    Conclusion
    Sur les canons de Louis XIV, il y avait écrit : ULTEMA RATIO, vision de la raison parmi d'autres. On a fait inclure dans l'idée de Raison tout ce qu'on a bien voulu. Hume avait finement remarqué qu'en fin de compte ce sont les passions qui décident, la raison pouvant tout justifier.
    Husserl a bien vu que la raison née en Grèce est en perpétuelle construction. La mécanique quantique a bouleversé notre vision du monde et de la physique théorique. La causalité a été remise en question qui était pourtant un des grands principes de la raison au sens classique. L'évolution de la logique a changé notre vision du vrai en mathématiques.
    Dans le domaine religieux, foi et raison se sont affrontées. Le christianisme a voulu faire une synthèse des deux.
    Les déconstructeurs de la raison comme Nietzsche ou Heidegger ont porté les coups les plus durs contre les idées de Science et d'Objectivité. L'homme est fait de rationnel et d'irrationnel, même si la culture occidentale a souvent étouffé notre faculté d'imagination, d'intuition et de folie.
    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • Transmission du nom : la Révolution poursuit son oeuvre destructrice

    Un enjeu important, impliqué par le projet de loi actuellement débattu à l’Assemblée, et intrinsèque au bouleversement en cours des lois de la filiation : la transmission du patronyme. Car il se trouve, dans le projet sur le mariage homosexuel, une disposition concernant le nom patronymique et touchant tous les couples : c’est ainsi que le député Hervé Mariton a dénoncé hier, à l’Assemblée, « une véritable révolution ». Cette disposition, inscrite dans l’article 2 du projet, concerne la dévolution du nom de famille: en cas de désaccord ou d’absence de choix des parents, les noms de chacun d’eux, accolés dans l’ordre alphabétique, seront donnés à l’enfant, alors qu’actuellement c’est le nom du père qui est attribué.

    « Vous proposez une révolution mais cette révolution avance masquée », a lancé Hervé Mariton. « Là où aujourd’hui un enfant s’appelle Durand, il s’appellera demain Durand-Martin sauf si les parents demandent explicitement qu’il s’appelle Durand », a-t-il expliqué. Quant au député UMP Marc Le Fur, il s’est exclamé : « Nous allons engager une réforme majeure qui va engager le nom de famille et la ministre de la Famille n’est toujours pas là ! (…) Les Français vont se rendre compte que cette réforme aura un impact : c’est l’effacement du père ! » À gauche, Christophe Bouillon a répondu : « Oui, c’est une révolution, nous l’assumons. Nous assumons que le père ne soit plus le seul à donner le nom ».

    Il y a manifestement une résurgence de la dialectique traditionnelle droite/gauche dans le paysage politique actuel : d’une part les conservateurs, ceux qui sont attachés à l’ordre traditionnel des choses dont ils savent que l’homme n’est pas l’auteur, tout en en étant tributaire dans toutes les dimensions de l’économie humaine ; de l’autre les progressistes qui veulent émanciper l’homme de toutes normes, qu’ils jugent d’ailleurs davantage conventionnelles que naturelles. Ce qui est en jeu, c’est l’homme lui-même dans son rapport au monde : est-il débiteur, attaché à la transmission d’un héritage dont témoigne entre autre le patronyme ? Ou doit-il s’affranchir, révolutionnaire, de tout ce qui l’attache à autre chose qu’à lui-même, proclamant son absolue indépendance, n’étant dépositaire de rien ?

    Oui, la question de la filiation, c’est celle de l’héritage et de la transmission. Fondamental pour comprendre l’homme. La Révolution poursuit son œuvre destructrice des repère naturels, rendant l’homme un orphelin..

    http://www.contre-info.com/

  • Culture de l’excuse, délinquance, immigration… Stop ou encore ?

    Ahmed Ben Bella,   premier président de l’Algérie indépendante entre 1962 et 1965, est mort hier à Alger. Ecarté brutalement du pouvoir, il fut remplacé à la tête de l’Etat FLN par Houari Boumediene, resté célèbre par sa prédiction, souvent citée ces dernières décennies par Jean-Marie Le Pen. En mars 1974, M. Boumediene déclarait ainsi : « Un jour, des millions d’hommes quitteront l’hémisphère sud pour aller dans l’hémisphère nord. Et ils n’iront pas là-bas en tant qu’amis. Parce qu’ils iront là-bas pour le conquérir. Et ils le conquerront avec leurs fils. Le ventre de nos femmes nous donnera la victoire. »

     Dans son Mémoire de géopolitique sur la France multiethnique de 2030 (Collège Interarmées de Défense, mars 2004), le Commissaire Principal de la Marine, Florian Chardès, notait que « 75% de l’immigration actuelle est une immigration de peuplement, l’immigration de travail représentant seulement 10% du total annuel. » « Aujourd’hui, la Seine-Saint-Denis est le premier département français dans lequel naissent plus d’enfants d’origine extra-européenne que d’enfants d’origine européenne. Cette situation préfigure celle de l’ensemble du territoire métropolitain à compter des années 2040. »

     Une immigration qui tiers-mondise la France à tous les niveaux (socialement, économiquement, culturellement…) et qui est aussi responsable de la flambée de l’insécurité depuis trente ans. Faut-il le rappeler, les départements et villes les plus criminogènes sont aussi ceux les plus touchés par l’immigration de peuplement.

     Le Figaro rapportait notamment ce jeudi  qu’un « commerçant de 39 ans, connu des services de police et neveu de Saïd Tir, caïd marseillais du trafic de drogue abattu en avril 2011 -« considéré comme l’un des trafiquants les plus influents des quartiers Nord de Marseille »- « , a été tué hier soir de plusieurs balles de fusil d’assaut alors qu’il circulait dans sa voiture dans le 3e arrondissement de Marseille (…). En 2011, 20 règlements de comptes ont été recensés dans les Bouches-du-Rhône (29 victimes dont 16 morts), dont 15 à Marseille (23 victimes dont 13 morts), selon la préfecture. »

     Dans la nuit de mardi à mercredi, à Saint-Alban-Leysse, prés de Chambéry (Savoie) cette fois, c’est un policier, le brigadier-chef et père de famille Cédric Papatico, 32 ans, appartenant à la brigade anti-criminalité (BAC) qui a été percuté sciemment et traîné sur une trentaine de mètres par le 4×4 Porsche Cayenne de l’équipe de cambrioleurs que la BAC a surprise en pleine action.

     Nous l’évoquions sur ce blog, comme le FN  Xavier Raufer a fait justice il ya déjà longtemps de l’explication  économique (la crise, le chômage…) pour expliquer le basculement dans l’incivilité, la délinquance, la violence. Il a ainsi rapporté que le taux de pauvreté monétaire, c’est-à-dire de gens qui n’ont pas d’argent est de 19,5% dans la Creuse et de 18% en Seine-Saint-Denis ; que les deux tiers des immeubles dégradés en France se trouvent dans la Creuse. Dégradations qui elles, ne sont pas le fait des saccages commis par leurs habitants.

     « Les pauvres sont-ils en Seine-Saint-Denis ? Non. La vraie misère est dans le Cantal et dans la Creuse. Ceux qui n’ont pas d’argent, qui vivent dans des immeubles dégradés, qui sont éloignés des services publics, qui n’ont pas accès aux prestations sociales parce qu’ils ne savent pas qu’elles existent (vivent dans ces départements ruraux) ». « Une fois de plus cette culture de l’excuse (de la délinquance) est une escroquerie mais désormais on en a la preuve. »

     Bruno Gollnisch constate d’ailleurs que malgré le marasme social qui sévit tout particulièrement depuis 2008 aux Etats-Unis, la criminalité continue d’y baisser pour atteindre son plus bas niveau depuis quarante ans. Autant dire que l’explication sociologico-environnementale, gauchisante de la délinquance -« c’est la faute à la société »- ne saurait servir d’explication toute trouvée et magique à l’explosion des crimes et délits dans notre pays.

     Bref Sarkozy et l’UMP au pouvoir ont refusé ou ont été incapables de prendre les mesures nécessaires pour enrayer la délinquance et la libanisation dela France.

     Marine Le Pen le rappelait hier soir plus largement, « le contexte international nous donne raison, le contexte économique nous donne raison. Les problématiques d’immigration sont aujourd’hui telles que la lucidité des Français sur ces problématiques est plus importante (…). Pendant cinq ans (Nicolas Sarkozy) a démontré que les seuls qui étaient capables véritablement de prendre les choses en main, de ramener un peu d’ordre dans notre pays, de faire preuve de la fermeté nécessaire, et bien c’était ma candidature ! »,

    12 avril 2012 http://www.gollnisch.com

  • De la démocratie totalitaire, un entretien brillant avec Michel De Jaeghere (Radio Courtoisie)

    Radio Courtoisie ‘Les trésors en poche’ 31/01/2013

     

          Anne Brassié recevait Michel De Jaeghere, journaliste, écrivain, directeur des hors-série du Figaro et du Figaro histoire, pour une émission intitulée “C’est mon choix, c’est ma loi”, à l’occasion de la publication de La Démocratie peut-elle devenir totalitaire ?
      11 auteurs, 406 pages, Éditions Contretemps 2012 ISBN 978-2-916951-13-3

     

      22 € Paru le 25 novembre 2012.

    l’entretien commence à 8’03

    Une réflexion dont le point de départ sont deux articles de la Déclaration des Droits Universels de L’Homme :
    - Article 3 : toute autorité qui n’est pas élective, n’est pas légitime
    - Article 6 : la loi est l’expression de la volonté générale

    Quelques points clés de l’émission :

    • Le bien commun vs la volonté générale
    • Aveuglement collectif révolutions arabes : le chaos a remplacé un ordre injuste
    • Du risque d’un pouvoir démocratique illimité
    • Pas de principe transcendant : c’est la majorité qui décide du bien et du mal
    • Les ferments totalitaires de la démocratie
    • Populisme vs volonté du peuple
    • Un paradoxe contradictoire : le principe démocratique vs loi de la majorité
    • Les attaques de biais des institution non démocratique : famille, religion catholique, entreprise, nation
    • Les catholiques ont intériorisé les attaques contre leur religion non démocratique
    • l’abandon de souveraineté, l’immigration, l’Europe …
    • Le couac du referendum
    • De l’invention du populisme
    • le regard lumineux de St Thomas d’Aquin sur l’exercice bien compris de la démocratie
    • 2 principes antagonistes : volonté générale vs bien commun
    • Hypertrophie de l’individualisme : l’individu roi
    • C’est mon choix, c’est ma loi
    • les « vieux » envoyés ad patres : 1 conséquence irrésistible d’un choix possiblement démocratique
    • Église et démocratie à travers l’histoire
    • Le choc frontal de la religion catholique et de la démocratie : les papes virulents : Jean Paul II en tête
    • Tocqueville prophète de la démographie totalitaire : un texte édifiant à connaitre
    • Démocratie athénienne et démocratie moderne
    • Athènes contre les droits de l’homme

    http://www.fdesouche.com

  • Guerre au Mali : L'expert sur l'Afrique Bernard LUGAN interrogé par Philippe CONRAD

    Bernard LUGAN est l'auteur de nombreux ouvrages sur l'Afrique.


    Guerre au Mali par BernardLugan