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culture et histoire - Page 1933

  • La Pérouse : Au service de la science et du Roi

     Jean François de Galaup, comte de La Pérouse, est l’un des derniers grands navigateurs de l’Ancien Régime. Après s’être distingué à la guerre, il se verra confier par Louis XVI le commandement d’une expédition de légende, disparue corps et biens peu avant la Révolution et qui n’a depuis cessé d’alimenter les rêves des marins et des aventuriers.

    Jean François de Galaup de La Pérouse naît à Albi en 1741. Encouragé par l’un de ses parents, le marquis de la Jonquière, il entre à quinze ans à l’Ecole des Gardes de la Marine. Il est tout d’abord engagé dans la Guerre de Sept Ans (1756-1763) , qui oppose la France à l’Angleterre au large de l’Amérique du Nord. Par la suite, on le retrouve aux Antilles, à l’île de France (actuelle île Maurice) puis en Inde, où il se distingue en sauvant le comptoir de Mahé, assiégé par un prince local.

    Promu lieutenant de vaisseau, il reçoit la Croix de Saint Louis en 1778. Il s’illustre ensuite durant la guerre d’Indépendance des États-Unis au cours de laquelle il s’empare de deux forts britannique dans la baie d’Hudson.

    Ses talents de navigateur lui valent d’être nommé capitaine de vaisseau et d’être choisi par le marquis de Castries, ministre de la Marine de Louis XVI, pour diriger une ambitieuse expédition autour du monde.

    Disposant de deux navires, La Boussole et L’Astrolabe, le comte de La Pérouse doit réaliser un tour du monde (en passant par le Cap Horn, Hawaï, l’Alaska, la Chine, l’Australie et l’océan indien) au cours duquel il récoltera des données cartographiques mais aussi météorologiques, botaniques, économiques et ethnologiques. De nombreux scientifiques participent à l’expédition : un astronome, un médecin, trois naturalistes, un mathématicien, trois dessinateurs, des physiciens, un interprète, un horloger, un météorologue, ainsi que des prêtres possédant une formation scientifique. L’expédition La Pérouse a également pour but d’établir de nouveaux comptoirs commerciaux et d’ouvrir de nouvelles routes maritimes.

    Le 1er août 1785, l’expédition quitte la rade de Brest. Six mois plus tard, elle double le Cap Horn pour longer la côte chilienne. A la fin du mois de juin 1786, La Pérouse atteint l’Alaska. Une barge et deux chaloupes transportant une vingtaine d’hommes sont perdus dans les courants violents de la baie nommée « Port des Français » par La Pérouse. Un an plus tard, après une escale à Manille, l’expédition atteint le Kamtchatka. Un jeune géographe, Barthélemy de Lesseps, est débarqué sur la péninsule avec pour mission de regagner Versailles pour rendre compte au Roi des premiers résultats de la mission. De Lesseps y parviendra en treize mois, traversant en traîneau et à pieds la Sibérie, puis l’Europe.

    De Lesseps sera l’unique rescapé de cette expédition. En effet, après des escales aux îles Samoa et en Australie, l’expédition disparaît mystérieusement. On raconte qu’au moment de monter sur l’échafaud, Louis XVI aurait demandé : “A-t-on des nouvelles de Monsieur de La Pérouse ?” . Hélas, les premières traces de l’expédition ne seront découvertes qu’en 1828 par Dumont d’Urville, autre explorateur célèbre. Plus tard, l’amiral Legoarant de Tromelin remontera des ancres et des canons, déposés depuis au pied de la statue de La Pérouse, à Albi.

    L’Association Salomon, créée dans le but de lever le mystère sur la fin tragique de l’expédition de La Pérouse, a mené six campagnes de fouilles : 1981, 1986, 1990, 1999, 2003 et 2005.

    La Pérouse laisse à la postérité un récit de son Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole dans lequel il relate le dernier grand voyage de découvertes de l’Ancien Régime.

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  • Intérêts nationaux et tensions nouvelles (arch 2007)

    Tel qu’il est aujourd’hui partagé, l’atome militarisé interdit l’expression violente des intérêts nationaux. Aussi ceux-ci sont-ils protégés, ou défendus, par la politique, la manœuvre diplomatique et économique, l’exploitation des passions confessionnelles, voire, à l’extrême par le terrorisme.

    A l’ombre imposante que l’atome répand sur la planète, toutes sortes d’autres moyens de coercition sont explorés ou expérimentés sans pour autant que les populations en aient connaissance.

    L’actualité internationale, telle qu’elle est vécue par l’opinion, vient de mettre en évidence au moins trois événements illustrant les tensions nouvelles générées par l’intérêt national :
    - Le sommet du groupe de Shanghai à Bichkek, capitale du Kirghizistan.

    Les dirigeants chinois Hu Jintao et russe Vladimir Poutine ont retrouvé leur hôte kirghiz, Kourmanbek Bakiev, ainsi que les Présidents du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan et du Tadjikistan.

    - Les vols stratégiques russes en Atlantique et Pacifique, loin des frontières nationales.

    Tupolev 95 Bear H

    - L’annonce, par l’agence Novosti de Moscou, de la mise au point d’une arme nouvelle fondée sur les propriétés de l’impulsion électromagnétique.
    Réunion du Groupe de Shanghai, dit aussi Organisation de Coopération de Shanghai (ou OCS).

    A son origine, en 1966, le Groupe de Shanghai visait la coopération militaire et énergétique soviéto-chinoise et aussi, sans doute, le maintien dans l’URSS des républiques turcophones musulmanes à soustraire à l’influence atlantique exercée par la Turquie, membre actif de l’OTAN.

    Depuis, consacré en juillet 2001 et compte tenu des événements survenus en Irak et en Afghanistan, le Groupe de Shanghai porté à 6 Etats membres (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan) affiche sa volonté de resserrer la coopération régionale sur les vastes étendues de son territoire mais dissimule, sous le prétexte de lutter contre le terrorisme, son hostilité aux Etats-Unis et à leurs empiétements en Asie.

    C’est que, si en 1966, les forces armées des Etats-Unis étaient présentes, grosso modo, sur le méridien de Berlin, elles l’ont été sur celui de Tachkent, puis de Bichkek, non loin de la frontière chinoise et sur des terres qui furent soviétiques, soit, vers l’Est, une progression de près de 5 000 kilomètres de l’unique superpuissance.

    Aussi, la quête, par les Etats-Unis d’énergies fossiles a-t-elle rapproché Chine et Russie. Ces deux puissances manifestent le même rejet de l’encerclement par Washington.

    La Chine constate que les forces américaines sont présentes à sa frontière occidentale, symboliquement en Mongolie, nombreuses en Corée du Sud et sur l’archipel japonais, indirectement à Taïwan et, directement, en mer de Chine avec leur puissante 7ème flotte.

    La Russie, pour sa part, excipe du déplacement des installations du bouclier spatial américain pour rejeter la présence, à ses frontières occidentales et méridionales, des intercepteurs et radars américains et invoquer l’encerclement.  « Toutes les tentatives pour résoudre seul les  problèmes mondiaux et régionaux sont vaines » a affirmé à Bichkek M. Vladimir Poutine.

    « Près de 2 000 soldats des pays membres de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) se sont livrés samedi 11 août à Chelyabinsk à des exercices conjoints dont la deuxième phase, "Mission Paix 2007", a commencé.
    Ces soldats, de Chine, du Kazakhstan, du Kirghizstan, de Russie, du Tadjikistan et d'Ouzbékistan, ont défilé dans une base militaire proche de la ville russe de Chelyabinsk, dans l'Oural. »

    Le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, invité au Sommet saisit l’occasion pour déclarer que … « basé en Europe de l’est le système américain était une menace pour plus d’un Etat, pénalisant une large fraction de l’Asie et les membres du Groupe de Shanghai ».

    Mahmoud Ahmadinejad et Vladimir Vladimirovitch Poutine à Bichkek

    En ce qui concerne à la fois la quête d’énergie fossile et le réarmement de la Chine, celle-ci offre à Moscou un marché et, en retour, bénéficie des richesses énergétiques et de l’avance scientifique de la Russie.

    De leur côté, les ex- républiques musulmanes soviétiques disposent de précieuses matières premières, à commencer par le gaz naturel et le pétrole, et le Kremlin entend en détourner vers son territoire national l’acheminement afin d’en tirer parti. C’est ainsi que le gaz naturel du Turkménistan passera par la Russie au lieu de ravitailler l’Europe de l’ouest, à partir de la Caspienne et du sud de l’Europe centrale.

    Le comportement de Washington en Irak et en Afghanistan a dressé contre les Etats-Unis les populations musulmanes et, en 2005, le gouvernement du Kazakhstan avait réclamé le retrait des contingents américains déployés en Asie centrale.

    Enfin, le vaste marché chinois, de surcroît à relative proximité, incite les républiques musulmanes ex soviétiques à se tourner vers Pékin, objectif du Groupe de Shanghai.

    Assistaient à la réunion de Bichkek, à titre d’observateurs, les représentants de l’Inde, du Pakistan, de l’Iran, du Turkménistan, de l’Afghanistan et de la Mongolie, les trois premiers cités demandaient à être membres de plein droit de l’Organisation de Shanghai.

    Il est fort probable qu’en 2008, lors du prochain
    sommet du Groupe de Shanghai celui-ci rassemblera les gouvernements de la moitié de la population mondiale, répartie sur l’immense étendue de la « plus grande île du monde », selon la définition de Mackinder, le géopolitologue britannique.                                                

    Certes, ces populations  sont, comparativement, pauvres si l’on se réfère au PNB per capita (probablement en moyenne de l’ordre de 1 000 dollars, soit 40 fois moins que celui atteint aux Etats-Unis). Mais elles représentent un énorme potentiel de travail, donc de production et disposent de vastes ressources naturelles. Et voici, pour la première fois, créé un cadre politique de contestation face à la prédominance occidentale - sous l’autorité de Washington -, voici isolé l’archipel japonais, partagée la maîtrise des océans Arctique, Indien, Pacifique et aussi évincés d’Afrique, voire d’Amérique latine, les Etats moteurs de l’Occident.

    Vols stratégiques russes

    Tandis qu’en Russie avaient lieu des manœuvres militaires sino-russes, M. Vladimir Poutine annonçait fièrement : « Aujourd’hui, le 17 août, à minuit, 14 bombardiers stratégiques – et probablement six avions de transport lourds - ont décollé de 7 aérodromes répartis sur notre territoire…. Il y a trop longtemps que nos pilotes ont été immobilisés au sol ».

    Ces avions devaient survoler l’Arctique, le Pôle Nord – au plateau continental revendiqué par la Russie - et aussi le Pacifique, loin des rivages de la Sibérie.

    En juillet dernier, déjà, des TU 95 avaient survolé la Mer du Nord, au voisinage du littoral écossais. Mais, au début du mois d’août, des bombardiers russes TU 95 et TU 160 évoluèrent dans le ciel de l’île de Guam, base américaine du Pacifique. Ses avions de chasse avaient aussitôt pris l’air et approché des appareils russes, les équipages des deux pays se bornant à « échanger des signes d’amitié », selon le général Pavel Androsov, commandant l’aviation stratégique russe (elle aligne 80 appareils quadri-réacteurs et quadri-turbines, aux vols prolongés par des missiles air-sol). A partir de ce jour, souligna Vladimir Poutine « ces activités aériennes seront poursuivies de manière régulière ». L’aviation, l’espace, le nucléaire autant d’industries avancées sur lesquelles la Russie fonde son avenir.

    Comme Pékin, Moscou est fondateur du Groupe de Shanghai. Mais, à la différence de la Chine qui peut spéculer sur le passage des ans, la Russie est pressée et elle pratique la diplomatie de la hâte. C’est qu’il s’agit, pour elle, d’exploiter pleinement le potentiel de puissance politique que lui confèrent – temporairement - ses richesses énergétiques. Celles-ci, dans une certaine mesure, compensent l’effondrement de l’économie planifiée et le démembrement de l’Union soviétique, redonnant à la nouvelle Russie la capacité d’intervenir en faveur des Serbes du Kosovo, de soutenir indirectement l’Iran et la Corée du Nord, de sanctionner l’Ukraine et la Biélorussie et de punir les Baltes de leur adhésion à l’OTAN, par le tracé des oléoducs et gazoducs de Gazprom. Et aussi de s’opposer farouchement aux projets américains de « bouclier spatial ». Bref de se faire entendre sur la scène internationale.

    La politique « pétrolière » des Etats-Unis, acharnés à s’assurer un ravitaillement suffisant en énergies fossiles a, ainsi, mobilisé la moitié du monde contre l’Occident, les intérêts de la zone Asie-Pacifique se heurtant à ceux de la zone Euro-Atlantique et les mettant à mal.

    L’annonce par l’agence russe Novosti de l’avènement d’une arme nouvelle à impulsion électromagnétique.

    Le phénomène n’est pas nouveau. En revanche l’agence Novosti révèle la mise au point d’une série de générateurs d’une puissance de milliers de mégawatts émettant les impulsions électromagnétiques correspondantes. Ces générateurs seraient particulièrement compacts, ce qui sous-entend une certaine banalisation d’un « procédé qui serait dix fois plus « efficace » que ceux que les pays étrangers auraient mis au point ».

    Afin de disposer de compléments d’information il est demandé au lecteur de bien vouloir se reporter à la note intitulée « la foudre à portée de la main », jointe à ce texte.

    Il n’est pas surprenant que ce soit par des manifestations de la science et de la technicité russe, maintenant financées par la rente des énergies fossiles et servie par une ardente volonté politique, que la Russie tire parti de son riche potentiel scientifique. En la matière elle est en mesure d’être le pourvoyeur des grandes puissances émergentes avides de technologies avancées. Ce sera à l’innovation scientifique d’être peu à peu substituée à l’exploitation des gisements fossiles pour contribuer, demain, à la prospérité de la population russe.                          

    P.M.Gallois 22 août 2007 http://www.lesmanantsduroi.com

  • Géopolitique du mondialisme

    Après la conférence « aux sources du mondialisme », voici la suite, par le chercheur (livres ici) Pierre Hillard :

    http://www.contre-info.com/

     

  • Vérités et légendes de la Résistance

    Le Figaro Magazine - 11/01/2013
    De nouveaux travaux d'historiens abordent sans tabous l'histoire de la Résistance intérieure de 1940 à 1944.
          Jusqu'à la fin des années 1960, la France vivait dans l'exaltation de la Résistance : celle-ci, sous l'Occupation, aurait incarné la volonté du pays tout entier. Gaullistes et communistes se faisaient conjointement les gardiens de cette vision. La mort du général de Gaulle, en 1970, puis le déclin graduel du Parti communiste, conjugués au réveil de la mémoire juive et à l'affirmation de la spécificité de la Shoah allaient profondément bouleverser l'interprétation des événements. Au cours des décennies suivantes, certains historiens, mais aussi le cinéma ou la littérature, inversant la tendance, préféraient dépeindre une France des années noires vouée à la collaboration et complice de l'antisémitisme. « Le pays changeait progressivement de paradigme mémoriel, remarque Olivier Wieviorka. Ces mutations affectèrent le statut dont la Résistance jouissait dans la conscience nationale. »
         Quarante ans plus tard, le temps de l'histoire est-il venu ? Les ultimes témoins s'éteignant, les passions s'éloignant, les enjeux mémoriels se déplaçant à nouveau, il devient possible de raconter cette période en évitant la légende dorée comme la légende noire, tout simplement sans rien cacher de la complexité des faits. C'est ce à quoi s'attache Wieviorka, précisément, avec une Histoire de la Résistance (1) qui ne craint pas de bousculer quelques tabous.

    En réalité, il y eut plusieurs Résistances
    Membre de l'Institut universitaire de France et professeur des Universités à l'Ecole normale supérieure de Cachan, l'auteur est un spécialiste de la période 1939-1945, à laquelle il a déjà consacré une dizaine de livres. Dans cette synthèse, il étudie la genèse et le développement de la Résistance, ses hommes et son organisation, ses idées et ses buts, ses méthodes et ses moyens, ses succès et ses échecs. Et surtout sa diversité, car le concept de « Résistance » est trompeur : en réalité, souligne l'historien, il y eut plusieurs Résistances.
         Au départ, tout provient d'isolés qui forment leurs propres équipes. En zone occupée, le réseau monté par Honoré d'Estienne d'Orves (qui dépend de la France libre) est démantelé dès janvier 1941, son chef étant exécuté en août. De même pour le réseau du musée de l'Homme (Boris Vildé, Anatole Lewitsky), décapité à l'hiver 1941. D'autres réseaux se fondent néanmoins, comme Libération-Nord, sous la houlette de Christian Pineau. Mais c'est en zone libre, hors de l'intervention des Allemands, que la Résistance prend corps avec plus de facilité. A chaque fois, on trouve l'impulsion de fortes personnalités : Henri Frenay (Combat), François de Menthon et Pierre-Henri Teitgen (Liberté), Philippe Viannay (Défense de la France), Emmanuel d'Astier de La Vigerie (Libération-Sud), Jean-Pierre Lévy (Franc-Tireur). La toute première Résistance, celle de 1940-1941, comprend des personnalités de gauche ou des démocrates-chrétiens mais, contrairement à une idée reçue, les hommes issus de la droite nationaliste des années 1930 y sont nombreux. Le plus célèbre est peut-être le fondateur du réseau Confrérie Notre-Dame, Gilbert Renault, alias le colonel Rémy, qui est maurrassien, cas également de Pierre de Bénouville, d'Alain Griotteray ou de Daniel Cordier, le secrétaire de Jean Moulin. Les réseaux qu'ils animent sont tous des réseaux de renseignement. Beaucoup travaillent pour ou avec les services spéciaux anglais (ainsi Alliance) ou américains (à partir de 1942), ce qui irrite de Gaulle et n'est pas sans provoquer des frictions avec le BCRA, les services de renseignement de la France libre, et leur chef, le colonel Passy, comme le montre Sébastien Albertelli (2).
         Olivier Wieviorka rappelle qu'il existe un fossé entre la France libre, installée à Londres puis à Alger, et la Résistance intérieure, qui n'est pas nécessairement gaulliste, loin s'en faut. « Un mur d'incompréhension n'a cessé de nous séparer », écrira plus tard Henri Frenay. Outre le débat sur l'opportunité d'oeuvrer directement avec les Alliés, l'immense majorité des résistants de l'intérieur veulent rompre avec le personnel de la IIIe République, tandis que de Gaulle manifeste la volonté d'intégrer des hommes politiques d'avant-guerre au sein de son embryon de gouvernement, et de placer tous les partis sous son autorité.

    De Gaulle devra s'imposer à la Résistance intérieure
    Le chef de la France libre devra donc s'imposer à la constellation de mouvements nés en dehors de lui. Il parviendra à ses fins, en reprenant les rênes de l'ensemble de la Résistance, tâche assurée par Jean Moulin, arrivé à Londres en octobre 1941. En avril 1943, les trois groupes les plus importants - Combat, Franc-Tireur et Libération - se fédèrent en Mouvements unis de Résistance. Un mois plus tard, Moulin est nommé délégué du général de Gaulle pour toute la France, et placé à la tête du Conseil national de la Résistance.
         Sur des sujets aussi controversés que le rapport entre de Gaulle et les communistes (à la fois rivaux et alliés), le caractère minoritaire de la Résistance, le rôle militaire limité de celle-ci, le silence des mouvements face aux persécutions antisémites, Olivier Wieviorka avance sans tabous. Il n'esquive pas non plus l'existence des « vichysto-résistants », ces hommes qui occupaient des postes dans l'administration de l'Etat français, mais s'efforçaient de s'opposer aux exigences de l'occupant. L'exemple de Jean Benedetti, préfet sous Vichy et déporté par les Allemands en 1944, dont le neveu raconte aujourd'hui l'itinéraire héroïque (3), nous ramène, une fois de plus, à la complexité de l'histoire.
    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com
    (1) Histoire de la Résistance, 1940-1945, d'Olivier Wierviorka, Perrin.
    (2) Les Services secrets de la France libre, de Sébastien Albertelli, Nouveau Monde éditions.
    (3) Un préfet dans la Résistance, d'Arnaud Benedetti, CNRS éditions.

  • Des Indiens auraient émigré en Australie il y a 4000 ans

    Aborigènes d'Australie

    De nouvelles recherches montrent que d’anciens Indiens ont émigré en Australie et se sont mélangés avec les Aborigènes il y a 4000 ans, apportant également avec eux l’ancêtre du dingo.

    La recherche conduit à réévaluer le long isolement du continent avant la colonisation européenne. Le vaste continent austral était, pensait-on, coupé des autres populations avant que les Européens n’aient débarqué à la fin des années 1700, mais les dernières données génétiques et archéologiques rejettent cette théorie. Des chercheurs de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive à Leipzig, en Allemagne, ont rapporté « des preuves de flux de gènes importants entre les populations indiennes et l’Australie il y a environ 4000 ans ». Ils ont analysé les variations génétiques dans le génome des Aborigènes d’Australie, des Néo-Guinéens, des Asiatiques du Sud-Est et des Indiens, y compris dans les dravidiens du sud.

    « Le point de vue dominant était que, jusqu’à l’arrivée des Européens à la fin de 18ème siècle, il y avait peu ou pas de contact entre l’Australie et le reste du monde », note l’étude publiée mardi. Mais l’analyse de l’ensemble du génome des données a donné une « signature importante des flux de gènes de l’Inde à l’Australie que l’on peut dater d’il y a environ 4230 ans », ou 141 générations. « Bien avant que les Européens se soient installés en Australie, des hommes ont migré à partir du sous-continent indien en Australie et se sont mélangés avec les Aborigènes d’Australie », souligne l’étude.

    « Il est intéressant, a déclaré le chercheur principal, Irina Pugach, de constater que cette date coïncide également avec de nombreux changements dans les archives archéologiques de l’Australie, qui comprennent un changement soudain dans les techniques des outils en pierre … et la première apparition du dingo dans les archives fossiles ».

    L’étude explique que, bien que l’ADN du dingo semble avoir une origine sud-asiatique, « morphologiquement, le dingo ressemble plus aux chiens indiens ». « Le fait que nous détectons un afflux important de gènes provenant de l’Inde à l’Australie à cette époque donne à penser que l’ensemble des ces changements en Australie peuvent être liés à cette migration ». [...]

    Mail Guardian (traduction partielle) http://histoire.fdesouche.com

  • Ernst Jünger La figure même de l’Européen

    D’où vient l'étrange fascination exercée par le personnage hiératique et l'œuvre souvent difficile d'Ernst Jünger ? Le centenaire de la naissance de l'écrivain a suscité en France un déluge de commentaires élogieux et répétitifs de la part d'intellectuels et de critiques que hérissent habituellement tout ce que symbolise l'auteur des Orages d'acier. L'exotisme y a sa part, sans doute. Ce que l'on accepte d'un Allemand, on ne le tolérerait pas d'un Français. Le talent y est aussi pour beaucoup, sans être une clef suffisante. D'autres écrivains talentueux restent maudits et sont étouffés sous le silence. On ne peut négliger bien entendu que, malgré son profil prussien, Jünger eut le goût de pencher du bon côté dans les périodes difficiles, au point d'apparaître après coup comme une sorte de résistant. Ce n'est pas rien. De mauvais esprits insinuent aussi que, derrière l'extraordinaire adulation qui entoure Jünger, se faufile un reste de la trouble séduction exercée par les beaux Allemands victorieux de l'an 40 sur les intellectuels français...

    Curieux des plaisirs et des mystères
    Aucune de ces explications n'est vraiment satisfaisante. Je me demande si l'engouement pour cet Allemand fréquentable, hautement cultivé, ami déclaré de la France et de ses écrivains, ne traduit pas aussi un retour à l'état de sympathie mutuelle qui était de règle avant la catastrophe de 1870 entre ces proches cousins que sont les Gaulois et les Germains ? Je serais même tenté d'aller plus loin. En cet homme singulier s'incarne une figure ultime, celle d'un archétype européen aujourd’hui disparu, dont, inconsciemment, et au-delà des fractures idéologiques, notre époque conserve peut-être la nostalgie. Dans un monde saturé de subtilité dialectique et dominé par les apparences, l'homme authentifié par sa vie est seul digne de foi. Que l'un des plus grands écrivains de son temps ait été aussi un jeune officier des troupes d'assaut qui jadis chanta "la guerre notre mère", voilà une rareté qui porte en elle l'unité de natures arbitrairement opposées. Chez cet homme singulier, la culture n'a pas altéré la vigueur des sens ni du caractère. Jünger est curieux de tous les plaisirs et tous les mystères. En lui s'accomplit la réconciliation du poète et du guerrier, de l'homme de pensée et de l'homme d'action, que jadis le dualisme des siècles chrétiens avait séparé.

    "Pour le mérite"
    Ernst Jünger naquit à Heidelberg le 29 mars 1895 d'une mère venue de Franconie et d'un père chimiste et pharmacien originaire de Basse-Saxe. Il était l'aîné de 7 enfants, dont 2 moururent en bas âge. Son frère cadet, Friedrich Georg, écrivain, poète et philosophe, sera toujours son confident et le complice de ses chasses subtiles. L'enfance et la jeunesse d'Ernst Jünger se passèrent entre Hanovre et Brunswick où il fut un élève rêveur et distrait mais passionné de lectures. En 1913, à 18 ans, il fuit la maison paternelle pour s'engager dans la Légion étrangère, attiré par le mythe d'une Afrique aventureuse et sauvage. Il fut vite déçu et son père parvint à le rapatrier au bout de 5 semaines. Plusieurs années après, le souvenir de cette équipée fournira la matière de Jeux africains (1936). Revenu pour peu de temps au collège (période évoquée dans Le lance-pierres, 1973), il y acheva ses études secondaires juste avant que ne s'embrase l'Europe de l'été 1914.
    Il s'engagea avec enthousiasme au 1er jour du conflit et combattit avec témérité en première ligne, dans l'infanterie, sur le front de France jusqu'en 1918, fut blessé 14 fois, et termina la guerre comme lieutenant des troupes d'assaut avec au col l’exceptionnelle décoration frédéricienne "Pour le Mérite". Sous le titre Orages d'acier, il éditera en 1920, à compte d'auteur, ses carnets de guerre qui le rendront célèbre et restent son ouvrage le plus lu. Écrit sans aucune intention littéraire, ce livre révèle d'emblée un écrivain exceptionnel et un tempérament unique. L'observation précise et froide d'horreurs qui ne l'atteignent pas lui inspire des réflexions détachées, fulgurantes ou poétiques.
    À l'époque de la publication de ce premier écrit, Jünger servait encore comme officier dans la nouvelle Reichswehr. Il y resta jusqu'à sa démission en 1923. Il fréquenta un moment le milieu des anciens corps-francs, qui le déçut. En 1925, après s’être inscrit à l’université de Leipzig en philosophie et en zoologie, il épousa Gretha von Jeinsen ("Perpetua" dans son Journal) et entreprit une carrière d’écrivain et de journaliste indépendant. En 1927, il s'installa à Berlin avec sa femme et son fils Ernst, né l'année précédente. La vie matérielle du couple était précaire. Cette période, jusqu’en 1931, fut celle d'un engagement intense dans les cercles intellectuels de la droite révolutionnaire (Konservative Revolution). Il collabora à plusieurs revues (Standarte, Arminius, Der Vormarsch, Widerstand) et confiera plus tard qu'il était redevable de son nationalisme à l'influence de Maurice Barrès.

    Témoignage d'un réprouvé
    Ernst von Salomon, son cadet de 7 ans, jeune combattant des corps-francs dans les années précédentes, qui venait de sortir de prison, le rencontra chez lui, à Berlin, en 1929. Il habitait un quartier ouvrier. Sur le ton de l'humour, les notations de von Salomon en disent plus sur la personnalité de Jünger que beaucoup d’exégèses. Dans une maison qui sentait le chou, la chambre de l'écrivain donnait sur une voie ferrée. Elle regorgeait de livres. Sur le bureau, un microscope, et dans les rayonnages, des collections de coléoptères et de bizarres masques en bois. Enveloppé dans une robe de chambre et coiffé d'un béret multicolore, EJ travaillait à la préparation d'un numéro du Vormarsch, revue des anciens de la brigade Ehrhardt : « C'était lui qui donnait à la revue son importance par des articles si spirituels et d'un style si cristallin que nos lecteurs, remplis d'un profond respect, avaient l'impression qu'il était déjà bien beau si EJ lui-même était sûr de les comprendre... J'étais incapable de me débattre avec ses livres. L'organe magique et l'organe métaphysique me faisaient défaut... Je fus donc presque naturellement exclu de la communauté qui se forma autour de lui, ce groupe de disciples qui semblaient posséder naturellement ce qui me faisait si cruellement défaut ; ils s'accroupissaient aux pieds du maître et fixaient d'un œil fasciné la pierre philosophale qu'il tenait entre les mains, non pas pour s'en servir, mais pour la peser, calibrer, analyser et sublimer » dira l’auteur des Réprouvés (in Le Questionnaire).
    Derrière l'ironie pointe la déception du jeune von Salomon qui attendait de Jünger une idée politique qui dirigeât ou justifiât son action. « Je dus reconnaître bientôt que cette exigence restait étrangère à la mission de Jünger ». Celui-ci cessa d'ailleurs toute activité dans la mouvance intellectuelle nationale-révolutionnaire en 1932, année de parution en langue allemande du Travailleur (Der Arbeiter). Alors que ce livre peut apparaître par certains côtés comme une anticipation du national-socialisme, EJ marquait fermement ses distances avec le parti nazi et son chef, refusant toutes les avances et se tenant dans une sorte d'exil intérieur à partir de la prise du pouvoir en 1933. Son roman symboliste Les falaises de marbre, publié en 1940, fut apprécié comme une critique voilée du régime. Pourtant, respectant le soldat héroïque de la Grande Guerre et l'écrivain nationaliste, Hitler le protégera contre toute persécution.

    Un étrange détachement devant la souffrance
    Mobilisé avec le grade de capitaine au début de 1939, Jünger participa à la campagne de France. Il tint un Journal de guerre qui deviendra l'une de ses œuvres majeures. La 1ère partie fut publiée en langue française en 1942 sous le titre Jardins et Routes et fut aussitôt saluée par la critique parisienne. De 1941 à 1944, il servit à l'état-major des troupes d’occupation à Paris, avec une interruption durant l'hiver 1942-1943 pour une brève affectation sur le front russe. Son long séjour parisien fut l'occasion de rencontres suivies avec les nombreux écrivains que Florence Groult réunissait dans la paix de son salon. Une proximité intellectuelle certaine avec les conjurés du 20 juillet 1944 valut à Jünger d’être peu après démobilisé sans être autrement inquiété. Apparemment, l'ancienne protection de Hitler lui restait acquise. Il se retira dans une fermette à Kirchhorst, tandis que son fils Ernst, emprisonné quelque temps comme opposant au régime, était tué au combat le 29 novembre dans les carrières de marbre de Carrare. Un épisode que le Journal évoque avec une sobriété poignante.
    Comme beaucoup d'autres écrits, certaines notations du Journal soulignent un étrange détachement devant l'horreur ou la souffrance. Non que l'écrivain ignorât la compassion, mais celle-ci semble venir de la raison plus que du sentiment. Ce trait de tempérament ou d'éducation a certainement favorisé une altitude intellectuelle que jamais ne viennent corrompre les fureurs ni les sensibleries si communes chez les contemporains. Ce qu'on lit par ex. à la date du 14 mars 1945, alors que l'Allemagne meurt sous les bombes, laisse pantois. La sérénité d'impressions liées au monde végétal semble effacer la tragédie des hommes : « Courrier important. Friedrich Georg [frère cadet] m'apaise par une série de ses lettres réconfortantes, bien qu'il m'apprenne qu'Überlingen a été bombardé : des hommes ont été tués et des maisons détruites... ». À la phrase suivante, il s'évade comme vers un autre monde, aidé par les commentaires de son frère : « L'air était embaumé de l'odeur des cyprès, des thuyas, des sapins et d'autres conifères, dont les branches et les aiguilles avaient été fauchées et écrasées par les éclats... »
    Après la défaite allemande de 1945, et malgré son désaveu constant du nazisme, Jünger fut suspecté. Il refusa de répondre au questionnaire de dénazification et se vit interdire le droit de publier jusqu'en 1949. Plusieurs de ses écrits parurent alors à l'étranger. Il rencontra Heidegger, se livra à des expériences avec les drogues et prépara la publication de son roman Héliopolis. En 1950, il s'installa en Souabe, à Wilflingen, dans une dépendance du château des Stauffenberg, et entreprit une nouvelle carrière d'écrivain entrecoupée de nombreux voyages. Pendant dix ans, avec son ami Mircea Eliade, il dirigea la revue Antaïos et publia de nombreux livres, dont Le traité du rebelle (1951), qui rompt quelque peu avec le détachement affiché des Falaises de marbre, Le nœud gordien (1953), qui propose une profonde méditation sur le destin européen, ou encore Eumeswil (1977), qui oppose la figure de l'Anarque [1] aux tentations de l'action ou de la révolte. Bien d'autres ouvrages suivront. On retiendra qu'en 1984, à Verdun, l'écrivain participa aux côtés du chancelier Kohl et du président Mitterrand à la cérémonie de réconciliation entre les 2 nations et à l'hommage aux morts des 2 guerres.

    Deux Jünger ?
    Lecteurs et critiques ont l'habitude de distinguer 2 Jünger. Celui des livres de jeunesse, Orages d'acier (1920), La guerre notre mère (1922) ou Le Boqueteau 125 (1925), pour citer les plus marquants, et l'autre, très différent, des livres de maturité. Le premier Jünger, celui qui écrit sous la lumière de Mars, préfère la brutalité à la douceur, l'incommodité au confort. Il est le modèle d'une génération forgée dans les orages d'aciers de la Première Guerre mondiale. Une génération que l'épreuve n'a pas accablée, « qui peut avec joie se faire sauter en l'air et voir encore dans ce geste une confirmation de l'ordre ». Une génération en qui s'est effrité le vieux socle individualiste sur lequel reposait l'ordre bourgeois. Des milliers et des milliers d'hommes jeunes ont alors pris goût à un genre de vie où la fréquentation du risque faisait mépriser le bien-être et la sécurité comme valeurs et comme buts, où la communauté l'emportait sur l'individu. « Armés du seul impératif du cœur, ils parcourent le champ des forces pour y chercher des états d'ordres nouveaux... »
    Au début des années 1930, Jünger est l'intellectuel le plus talentueux du mouvement multiforme de la Révolution conservatrice , dont le territoire s'étend bien au-delà du champ étroit de la politique. Ce courant est né de la crise du monde moderne et, suivant la formule d'Armin Mohler, de la dislocation de la vieille charpente chrétienne qui, depuis un millénaire, structurait l'Occident. Contrairement aux réactionnaires et aux traditionalistes. Jünger ne s'en désole pas. Il prend acte de cet effondrement et de la "mort de Dieu" annoncée par Nietzsche. Dans l'état d’interrègne spirituel entre ce qui fut et ce qui adviendra, il avance sans hésiter vers le « degré zéro des valeurs » à partir duquel pourra surgir un ordre de vie nouveau marqué, comme l’espérait déjà Hölderlin, par la fin des Titans et le retour des Dieux.

    Au-delà du nihilisme
    Plus d'un demi-siècle après, cette vision résolument anhistorique inspirée de la théogonie d'Hésiode conserve toute sa force suggestive, même si Jünger lui-même s'en est détaché. Sous d'autres apparences, notre époque ne continue-t-elle pas de progresser vers la zone dangereuse du nihilisme absolu préalable à toute renaissance ? Après la Seconde Guerre mondiale et l'âge venant, s'est dessiné un Jünger d'une nature apparemment différente. Esthète d'une curiosité inassouvie, amateur d'autres drogues, d'autres ivresses et de chasses subtiles, pacifiste même à l'occasion, lecteur de la Bible et des Évangiles, vaguement cosmopolite comme peuvent l’être les Allemands, tenté aussi, certains jours, par les fariboles astrales du Verseau, détaché des anciennes passions nationales ou guerrières, il s'identifie à la figure de l'Anarque, observant d'un œil aigu les folies, les bassesses ou les beautés d'une espèce en proie à la disparition de l’être et aux effets du temps. De sa boulimie universelle, l'écrivain tirera sur toutes choses des considérations profondes ou déroutantes, et des aphorismes artistement ciselés.
    On date habituellement le début de cette évolution de la publication du Cœur aventureux (1929), livre qui déconcerta les admirateurs inconditionnels des écrits de guerre et des textes politiques. Depuis la découverte de Lieutenant Sturm (roman publié en France en 1991), je suis pour ma part tenté de réviser cette interprétation. Le second Jünger affleure déjà dans ce roman de jeunesse écrit à 28 ans, en 1923. Un roman largement autobiographique, où s'ébauchent les prémisses d'une méditation sur la domination de la technique qui inspirera, quelques années plus tard, les pages denses et métalliques du Travailleur et une vision féconde du nihilisme contemporain. Mais ce roman est également peuplé de souvenirs érotiques, de visions fantastiques qui annoncent la futilité voulue et l'onirisme recherché qui font l'attrait mystérieux et parfois irritant des écrits de maturité. La description du calice rougeoyant d'une fleur perverse y tient autant de place qu'une réflexion poétique sur le courage.

    Sur les falaises de marbre
    Ce mélange imprévu, c'est Jünger. Pourtant, quelque chose distingue sans équivoque les œuvres d'avant et d’après 1940, blessure irrémédiable qui a transformé la nature de l’écrivain comme de la plupart des Allemands. Avant 1940, tout en jouant d'un certain dandysme, il soutient une provocante philosophie de l'action pour l'action qui lui deviendra par la suite étrangère. Pour tous les Européens, 1940 est l'année fatale qui fera basculer leur monde. C'est aussi celle des Falaises de marbre. La beauté sibylline de ce roman allégorique ne se prête pas à une lecture facile. Mais Jünger se soucie peu de facilité. Le livre témoigne du tournant fondamental dans la vie et dans l’être de son auteur amorcé quelques années plus tôt. Bien entendu, une telle bifurcation, tout homme ayant cédé dans sa jeunesse aux sortilèges de l'histoire peut un jour la connaître.
    Le récit qui sert de prétexte aux Falaises de marbre se déroule dans un pays imaginaire, la Marina, envahi par des forces maléfiques sur lesquelles chacun peut mettre le nom qui lui plaît. Deux frères, en qui l'on peut reconnaître le visage d'Ernst Jünger et celui de son cadet Friedrich Georg, témoins de cette menace, sont tout d'abord tentés de recourir à la force et aux armes : « Nous aussi, nous sentîmes alors la puissance de l'instinct passer en nous comme un éclair ». Plus tard, méditant au cœur de leur bibliothèque, les frères en viennent à penser qu'il "existe des armes plus fortes que celles qui tranchent et qui transpercent". Leur évolution est précipitée par la fréquentation d'un sage, le père Lambros. Ce maître leur fait découvrir le pouvoir supérieur de la spiritualité.

    Contemplation et rébellion
    Pour beaucoup de ses lecteurs, EJ a certainement été l'équivalent d'un Lambros. Mais lui-même, dans Le traité du rebelle (1950), critiquera implicitement la philosophie purement contemplative qui irrigue les Falaises, observant que pour se défendre contre l'injustice ou la tyrannie, on ne saurait se borner à la conquête des seuls domaines intérieurs. Contradiction ? Comment s'en étonner ? Au fil d'une vie très longue et d'une œuvre foisonnante, Jünger a présente du lui-même des apparences multiples et déconcertantes. Dans bien des pages, il semble même renier la figure guerrière de sa jeunesse. Néanmoins, chaque phrase, chaque image est comme chargée d'une lumière qui ne doit rien aux lueurs crépusculaires de l'époque. C'est pourquoi certains lecteurs, même irrités par des jeux littéraires d'une gratuité trop évidente, reviennent cependant vers lui comme vers une source intarissable de spiritualité et de vie.
    En terrain propice, les écrits de jeunesse agissent comme une greffe d'énergies violentes, alors que la plupart des œuvres ultérieures apparaissent souvent comme des invitations au détachement, aux rêveries sans conséquence et â l'esthétisme pur. Pourtant les lignes les plus anodines en apparence sont souvent chargées d'images et de signes d'une intensité qui incite à dépasser l'apparence des êtres et des choses... Le moindre événement, un détail insignifiant, sont prétexte à des méditations profondes, inattendues et intemporelles. L'écrivain possède une sorte du don de seconde vue, une aptitude à rendre l'aspect magique des choses qui était déjà sensible dans ses premiers écrits. Sous les apparences de l'essayiste protéiforme, Jünger est un poète, le dernier peut-être des grands romantiques allemands. Avec lui, les épreuves imposées par l'histoire deviennent sources d'initiation. À des générations de jeunes lecteurs en rupture avec leur temps, il apprend que le culte de l'énergie gagne à s'affranchir de la brutalité, et que les défis existentiels sont envoyés par les dieux pour mesurer la qualité des âmes fortes.
     
    ► Dominique Venner, éléments n°83, oct. 1995.
    ◘ Note en sus :
    [1 : Par cette figure de l’anarque Jünger semble revenir vers un anarchisme aristocratique et solitaire, affirmant le rôle de l’individu face aux dictatures et à l’influence des masses. Au lieu de s’opposer frontalement à un pouvoir, l’anarque se met en marge par une acceptation feinte qui lui assure son indépendance intérieure :
    « L’anarchiste est le partenaire du monarque qu’il rêve de détruire (…). La contrepartie positive de l’anarchiste, c’est l’anarque. Celui-ci n’est pas le partenaire du monarque mais son antipode. Le monarque veut régner sur une foule de gens et même sur tous : l’anarque sur lui-même, et lui seul. Ce qui lui procure une attitude objective, voire sceptique envers le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les figures – intangibles assurément, mais non sans émotion intime, non sans passion historique. Anarque, tout historien de naissance l’est plus ou moins… » (Eumeswil).
    En fait il s’agit avant tout d’un personnage conceptuel qui symbolise cette disposition intérieure visant à agir en son époque sans se confondre ni avec elle ni avec son action :
    « L’état d’anarque est en fait l’état que chaque homme porte en lui. (…) Pragmatique, il voit ce qui peut lui servir, à lui et au bien commun, mais il est fermé aux excès idéologiques » (Entretiens avec EJ, J. Hervier, Gal., p. 101).
    Cf. avec Waldgänger (terme désignant à l'origine un proscrit norvégien qui, dans le haut Moyen Âge scandinave, avait "recours aux forêts" pour s'y réfugier et vivre librement) , nommé aussi Rebelle :
    « D'autre part, il faut bien distinguer le rebelle de l'anarque, bien que l'un et l'autre soient parfois très semblables et à peine différents, d'un point de vue existentiel. La distinction réside en ce que le rebelle a été banni de la société, tandis que l'anarque a banni la société de lui-même. Il est et reste son propre maître dans toutes circonstances. » (Eumeswil)] 
    http://vouloir.hautetfort.com

  • L'Allemagne est otage de la zone euro et victime d'un « chantage à l'Holocauste »

    Le titre donné par la rédaction à l’article qui suit s’inspire du thème principal du dernier livre de Thilo Sarrazin paru le 22 mai dernier, L’Europe n’a pas besoin de l’euro. Cette publication a provoqué un tollé général et les gardiens du temple Euro se sont répandus en indignation. Mais l’auteur n’en est pas à son coup d’essai : en septembre 2010, avec son L’Allemagne court à sa perte, il s’était attaqué à l’immigration et déjà les réactions à son encontre avaient été violentes, allant jusqu’à son éviction de la Deutsche Bundesbank dont il était membre du directoire.

    Il n’est jamais bon, en Europe et par conséquent en Allemagne, de toucher aux tabous. Cette fois-ci, l’auteur s’attaque à la monnaie unique en faisant un lien entre la culpabilité allemande vis-à-vis de l’Holocauste et les eurobonds : « Ils [les partisans allemands des obligations européennes] sont poussés par ce réflexe très allemand selon lequel nous ne pourrions finalement expier l'Holocauste et la Deuxième Guerre mondiale qu'une fois transférés en des mains européennes l'ensemble de nos intérêts et de notre argent. »
    Philippe Simonnot, pour Nouvelles de France, livre ses réflexions sur cette révolte de Thilo Sarrazin.
    Polémia

    Thilo Sarrazin a encore frappé avec son gros marteau. Cette fois ce n’est plus l’islamisme qu’il a mis sur son enclume comme l’année dernière, mais l’euro. Cet ancien dirigeant de la Bundesbank, dont il a dû démissionner en septembre 2010 après avoir été accusé de racisme et d’antisémitisme, a trouvé les chemins fortunés des best-sellers en disant tout haut ce que maints Allemands n’osent même pas penser tout bas. En quelques jours son L’Europe n’a pas besoin de l’euro est en tête des gondoles et des ventes. « Soit Sarrazin parle et écrit par conviction des sottises révoltantes, soit il le fait par calcul méprisable ». Cet anathème a été lancé sur sa tête par Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, qui n’est pas connu pour faire dans la dentelle.

    Que dit donc de tellement sot ou méprisable l’ancien banquier d’obédience socialiste ? Qu’Angela Merkel a tort de dire que « si l’euro échoue, l’Europe échoue ». Thilo Sarrazin nous donne pourtant un message de raison et d’espoir en ne liant pas le sort du Vieux Monde à une monnaie condamnée.

    Quoi encore ? Que les pays qui violent continuellement le pacte de stabilité doivent quitter la zone euro. Logique ! Si l’on ne respecte pas les règles d’un club, ne doit-on pas le quitter ?

    Encore ceci : Thilo Sarrazin s’insurge contre les eurobonds, prônés par la France, mais aussi par une grande partie de l’opposition allemande de gauche et écologiste. Et il accuse cette dernière d’être motivée par ce réflexe « très allemand » de penser que « l’on aura définitivement expié l’Holocauste et la Guerre Mondiale quand nous aurons mis toutes nos affaires, et aussi notre argent, entre des mains européennes ». Là, il est allé trop loin pour la bonne pensée des deux côtés du Rhin ou des Alpes. Halte-là !

    Déjà, en 1969, Franz Joseph Strauss, leader bavarois en culotte de peau, avait déclaré : « Un peuple qui a engrangé de tels succès économiques a le droit de ne plus rien entendre à propos d’Auschwitz ».

    Eh bien ! Il faut regarder les choses en face.

    La France est en ce moment bercée par les douceurs du hollandisme entre deux campagnes électorales, la présidentielle et la législative ; elle vogue dans une sorte d’apesanteur où il n’est plus question que de concertation des partenaires sociaux, de modération des loyers, de coup de pouce au SMIC, d’embauche de nouveaux fonctionnaires, de limitation des inégalités et d’imposition des « mauvais riches ». Cette France autiste est bien représentée par le portrait officiel que l’on vient de dévoiler à nos yeux ébahis. Le président est à l’ombre des grands arbres du parc élyséen, comme s’il redoutait la lumière trop crue de l’Histoire, les bras ballants alourdis par des mains enflées – une séquelle des bains de foule ? Monsieur Fraise-des-Bois est parti à la cueillette, le Palais est loin derrière, surexposé, comme dans un rêve, au moins pour cinq ans !

    Cette France qui se met à l’ombre voit moins que jamais que l’Allemagne est en train de prendre sa revanche. Une revanche séculaire.

    La puissance économique de notre voisin n’a jamais été aussi manifeste que depuis que la dernière crise du capitalisme a éclaté, et elle est en train de se muer en puissance politique. On évoque de plus en plus l’avènement d’une Europe du Nord dans laquelle la France jouerait un rôle de second rang si elle n’en est pas exclue et déclassée dans l’Europe du Sud. Le but poursuivi par Bismarck dès 1860 serait enfin atteint – cette fois, sans coup férir, et donc durablement. Comment en est-on arrivé là ?

    A force d’être obnubilé par le désastre absolu qu’a été l’hitlérisme, on a réécrit l’histoire de l’Allemagne comme si elle devait conduire fatalement au nazisme et aux camps d’extermination et comme si l’Allemagne, à jamais coupable, ne pourrait plus prétendre au rang de grande puissance. Redevenu un géant économique – depuis longtemps déjà et avec quelle rapidité – elle serait toujours un nain politique entravé par les chaînes du remords de crimes imprescriptibles. Même la réunification des deux Allemagnes a été acceptée bon gré mal gré alors que la division de la nation allemande avait été considérée depuis 1945 comme un gage de paix. On a imaginé harnacher cette nouvelle puissance par l’euro – ce plat de lentilles, qui a finalement permis à l’Allemagne, par une ruse monétaire de l’Histoire, de franchir le dernier échelon de sa marche vers le sommet européen, on le constate aujourd’hui.

    « Peut-il y avoir trop de mémoire ? » se demande Charles Maier, historien américain dans son excellent Unmasterable Past (1). Faut-il faire écho aux avertissements de Henri Heine : les Allemands ruminent des vengeances à travers les siècles ? Ne faudrait-il pas dénazifier l’histoire de l’Allemagne ? C’est à quoi nous invitent aujourd’hui Thilo Sarrazin et ses succès fracassants de librairie. L’Allemagne profonde s’exprime à travers lui.

    Les douze années de Hitler au pouvoir nous empêchent de voir que le génie allemand domine les scènes culturelle, artistique et scientifique mondiales depuis deux cents ans. Ce génie aurait dû autoriser l’Allemagne à diriger le monde au XXe siècle, mais ce destin manifeste a été contrarié par des circonstances qu’il faut expliquer par la volonté farouche de l’Angleterre de conserver ses privilèges impériaux. Si l’on se reporte un siècle plus tôt, au tout début de la Première Guerre mondiale, la supériorité allemande était évidente aux yeux des intellectuels allemands, y compris sur le plan moral, et devait lui permettre de triompher, en cette épreuve décisive pour le destin du monde, de soi-disant démocraties qui, pour lui barrer la route, s’étaient alliées avec l’un des régimes les plus réactionnaires de l’époque, la Russie tsariste, ensanglantée de pogroms à répétition et expansionniste. Même les juifs allemands considéraient l’empire de Guillaume II comme un nouvel Israël et se portèrent les premiers au front pour repousser ses ennemis.

    Fruit de la Révolution française, l’invention de la « nation » allemande avait érigé en mythe un anti-Vercingétorix en la personne d’Arminius, alias Hermann, vainqueur des armées romaines en l’année 9 de notre ère à la bataille de Teutberg (2). Corrélation : la langue allemande vierge de toute corruption latine, authentique langue du peuple, est seule capable de reprendre l’héritage grec : Herder, Fichte, Thomas Mann, Heidegger – seule capable d’exprimer l’être. On a même pu parler d’une tyrannie exercée par la Grèce sur l’Allemagne (3) – ce qui paraît risible aujourd’hui. Les juifs allemands, qui considéraient l’Allemagne comme un « nouvel Israël », n’étaient pas les derniers à opposer la Kultur à la méprisable « civilisation ». Mais cette nation privilégiée, élue (4), sainte, vraie, Urvolk, douée, animée d’un Volksgeist, « protestante » après Luther, est d’abord une nation sans Etat, et cela à cause de la France qui pourtant lui « sert » le modèle de l’Etat-nation.

    Auparavant, faut-il le rappeler aux bonnes consciences françaises, l’Allemagne avait été victime de l’impérialisme français :

    • – l’émiettement de l’Allemagne en une multitude d’Etats et de principautés (5), fut consacré par les traités de Westphalie, qui concluent la guerre de Trente Ans – « paix » qui n’empêchera pas les armées françaises de ravager le Palatinat par deux fois, en 1674 et en 1689, pour ne rien dire des ravages des conquêtes napoléoniennes ;
    • – Versailles, obsession allemande, d’abord comme modèle politique et culturel (le Sans-Souci de Frédéric II, entre autres), puis comme symbole de l’oppression française, ensuite comme lieu de consécration du 2e Reich en 1871 dans la Galerie des Glaces ;
    • – Versailles, enfin maudit comme le Traité de 1919 qui porte son nom. Versailles, comme lieu du mensonge qui a consisté à faire de l’Allemagne la seule coupable de la Première Guerre mondiale (article 231 du Traité) et à bâtir sur ce mensonge les fameuses Réparations. Le Boche paiera. Eh bien ! Non. L’Allemagne ne paiera pas – pas plus aujourd’hui qu’hier. C’est ce que nous dit Thilo Sarrazin.

    Au XIXe comme au XXe siècle, du IIe au IIIe Reich en passant par la République de Weimar, l’ambition allemande a été de disputer le sceptre du monde à une Angleterre déjà sur le déclin, une fois l’Allemagne réunifiée et modernisée.

    D’où la peur récurrente de la réunification allemande, qu’un François Mitterrand a essayé de retarder (6), en vain, puis d’apprivoiser avec la création de l’euro – en vain aussi, comme nous pouvons le constater aujourd’hui. Déjà au Congrès de Vienne, en 1815, Talleyrand se demandait : « Qui peut calculer les conséquences si les masses en Allemagne devaient se combiner en un seul tout et devenir agressives ? » Là encore, Thilo Sarrazin doit être écouté.

    La supériorité économique allemande qui obnubile de nouveau les Français (7) est en fait une vieille histoire qui remonte au moins au XIVe siècle. Elle tient à la structure non centralisée de l’Etat allemand, quand il existe, et à l’anarchie allemande, quand cet Etat n’existe pas, par opposition multiséculaire à l’Etat français tentaculaire et prédateur. Colbert, qui a ruiné la France de son temps, est impensable de l’autre côté du Rhin. La fameuse « discipline » allemande, qui est le secret de sa réussite, est en fait une autodiscipline que s’impose une nation née sans État. Cette supériorité économique a permis à Bismarck d’inventer l’état providence qui, transposé sous d’autres cieux, conduit immanquablement à la faillite ou à la guerre, du Welfare State au Warfare State

    Le génie allemand, toujours vivant, pousse aujourd’hui l’Allemagne à prendre sa revanche, au moins en Europe, et de reprendre sa marche drang nach Osten, cette fois jusqu’en Chine, sans que ni la Grande-Bretagne ni les États-Unis ne puissent l’en empêcher comme en 1905-1918 ou 1933-1945.

    Trop tard pour le salut du Vieux Monde ? Le monde a changé. Des forces nouvelles gigantesques se sont levées en Asie… La nouvelle Allemagne permettra-t-elle de sauver l’Europe aux anciens parapets ? Là est la question que nous devons nous poser. A condition de relire l’histoire avec d’autres lunettes que celles que nous avons chaussées depuis des dizaines d’années.

    « Le monde veut plus d’Allemagne », tel était le titre de l’éditorial qui s’étalait à la  Une  du Monde, daté des 5-6 février 2012. Titre que l’on pouvait lire dans l’autre sens : « L’Allemagne veut plus de monde ! » Et surtout ne plus payer pour les autres.

    Philippe Simonnot,  Tribune libre
    Nouvelles de France
    6/06/2012

    Titre original : L’Allemagne ne paiera pas

    Notes :

    1. The Unmasterable Past: History, Holocaust, and German National Identity, Harvard University Press, 1988.
    2. La célèbre pièce de Kleist, La Bataille d’Herman, Die Heramnnsschlacht, date de 1809.
    3. E. M. Butler (1935), The Tyranny of Greece over Germany, en particulier sur Lessing, Goethe, Schiller, Höderlin, K. F. Schinkel, C. G. Langhans, Schliemann, Nietzsche, Stefan George. À l’époque, l’Allemagne apparaissait comme composée d’une multitude d’États comme l’ancienne Grèce, avec une culture supérieure à celle de son éventuel conquérant (Rome). La Porte de Brandebourg (que l’on doit à Langhans), a eu comme modèle les Propylées de l’Acropole athénienne.
    4. Terme employé par Jörg Lanz von Liebenfels dans sa Théozoologie (1905).
    5. « Je ne peux m’imaginer un peuple qui serait plus divisé que les Allemands », Höderlin, Hyperion.
    6. Mais aussi Jacques Delors et Laurent Fabius.
    7. L’Allemagne enregistre trois fois plus de brevets que la France – un indice parmi beaucoup d’autres.

    Philippe Simonnot a publié en collaboration avec Charles Le Lien La monnaie, Histoire d’une imposture, chez Perrin.

    Correspondance Polémia – 7/06/2012

  • Entretien avec Jean-Claude Michéa

    Jean Cornil a rencontré le philosophe français Jean-Claude Michéa, chez lui, à Montpellier. Philosophe « inclassable », Jean-Claude Michéa a un parcours singulier. Venant d’un milieu communiste, anarchiste, penseur critique du libéralisme et singulièrement du libéralisme culturel qu’il assimile à la gauche. Dans cette émission, Jean Cornil ira à la rencontre de ce philosophe étonnant, très éloigné des schémas traditionnels de la pensée politique.

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  • 1883 : Des Bourbons aux Orléans

    Le comte de Chambord s'éteint le 24 août. Le comte de Paris semble s'imposer à la tête de la maison de France. Mais dans l'entourage de la comtesse de Chambord, certains contestent le droit des Orléans : pour eux la couronne de France doit revenir à l'aîné de tous les Bourbons.
    Cette année-là, Henri V comte de Chambord, soixante-trois ans, petit-fils de Charles X, de jure roi de France depuis le 2 août 1830, s'éteignit le 24 août en exil à Frohsdorf. Depuis l'échec de la restauration monarchique en 1873, il n'avait renoncé à rien et se tenait toujours très informé des affaires de France.
    Philippe VII
    Il avait appris avec peine les succès des républicains, lesquels, depuis la démission du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, en 1878, accaparaient tous les pouvoirs. Jean-François Chiappe disait de ce roi éminemment chrétien : « Il se montre épris de modernité et souhaiterait reformer la France de saint Louis et de Philippe le Bel, créatrice des états généraux. [...] Il se passionne pour le monde ouvrier et se désespère de la condition de ces déracinés. » 1 Nous savons que, pour garder la liberté d'améliorer le sort des humbles, il refusa de régner avec le drapeau tricolore symbole à ses yeux de l'assujettissement de la couronne aux intérêts des capitalistes sans coeur.
    Le drame d'Henri V fut de ne pas avoir eu d'enfant de son épouse Marie-Thérèse de Modène. La succession n'était pourtant pas un souci pour les milliers de fidèles venus de toute la France assister aux obsèques de leur roi dans la ville de Gorizia, où reposait déjà Charles X (alors en Vénétie autrichienne, aujourd'hui en Slovénie). En leur nom le duc de La Rochefoucauld-Bisaccia adressa à Philippe, comte de Paris, un télégramme rédigé par René de La Tour du Pin, marquis de La Charce, et approuvé par le général de Charette, où tous les assistants saluaient en lui Philippe VII, nouveau chef de la maison de France. Quelques jours plus tard, à Paris, l'Association de la Presse monarchique et catholique, fondée l'année précédente, rendait un fervent hommage au roi défunt et saluait d'un seul coeur son successeur Philippe VII.
    Une dispute déplorable
    C'était là tout simplement s'inscrire dans la grande tradition capétienne qui voulait qu'en cas d'extinction d'une branche régnante de la famille, la succession revînt au chef de la branche la plus proche par ordre de primogéniture, à condition que celle-ci ne fît pas tomber la couronne dans des mains étrangères et donc ne rompît pas l'union d'âge en âge de la famille royale et de la France. C'est pour sauvegarder ce principe et empêcher la France de devenir anglaise que l'on dut exclure les femmes et leur descendance de la succession.
    Il se trouva hélas un petit nombre de royalistes, notamment dans l'entourage de la comtesse de Chambord, pour contester le droit des Orléans. Pour eux la couronne de France devait revenir à l'aîné de tous les Bourbons, donc à Jean de Bourbon, comte de Montizon, infant d'Espagne (1822-1887), fils de Charles de Bourbon, lequel, refusant à sa nièce Isabelle II le titre de reine d'Espagne, était à l'origine de la branche carliste. Le comte de Montizon, par ailleurs beau-frère d'Henri V (il avait épousé Marie-Béatrice de Modène) était évidemment l'héritier en droite ligne de Philippe V, roi d'Espagne, et par celui-ci de Louis XIV. Sans même s'attarder à des considérations juridiques et spécieuses sur la valeur des renonciations de Philippe V au trône de France (traité d'Utrecht, 1713), le fait est que, les générations passant, cette branche espagnole des Bourbons s'hispanisait et pouvait de moins en moins incarner la France. On ne se transplante pas roi de France, il faut être des entrailles de la France. Or les Orléans, bien que ne descendant que du frère de Louis XIV, avaient, eux, toujours servi la France seule.
    Souvenir douloureux
    Hélas le débat était passionnel. On rappelait toujours Philippe Égalité : il avait voté la mort de Louis XVI en 1793, son crime était horrible, mais on oubliait qu'il s'en était repenti avant sa mort, et que le fils de celui-ci, Louis-Philippe (futur "roi des Français") s'était réconcilié avec les Bourbons dès 1809 en épousant Marie- Amélie de Bourbon-Siciles, nièce de la reine Marie-Antoinette. Quant à l'épisode fâcheux de la monarchie de Juillet, il eut au moins l'avantage de reculer de dix-huit ans l'avènement de la IIe République : Louis-Philippe ne prétendit jamais remplacer les Bourbons et, à la fin de sa vie, souhaita un rapprochement entre les deux branches, ce à quoi la reine Marie-Amélie et ses fils, notamment le duc de Nemours, s'employèrent dès 1850, et surtout en 1873. Ils trouvèrent un accueil très affectueux de la part d'Henri V, lequel déclara peu avant sa mort à un journaliste de La Liberté : « Le principe que je représente m'interdit de choisir mon successeur. Puisque j'ai le malheur de n'avoir pas d'enfant, les princes d'Orléans sont mes fils. » 2
    Tout était dit, et cette parole aurait dû clore une dispute qui dure encore de nos jours, où s'engagent avec une foi monarchique indiscutablement vibrante des Français qui ne se rendent pas toujours compte que cette division risque tout simplement de rendre une fois encore impossible la restauration pourtant si nécessaire à la France...
    Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 18 novembre au 1er décembre 2010
    1 Jean-François Chiappe : Le comte de Chambord et son mystère ; éditions Perrin, 1990.
    2 Cité dans Xavier Vallat : Le Grain