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culture et histoire - Page 1940

  • 31 janvier 1943 Les Allemands capitulent à Stalingrad

    Le 31 janvier 1943, le maréchal allemand Friedrich Paulus (*), signe la capitulation de son armée, dans le secteur sud de Stalingrad. Le 2 février, c'est au tour du secteur nord de la ville de cesser toute résistance. Staline, maître tout-puissant de l'URSS, reçoit du lieutenant-général Rokossowsky le télégramme : «Les opérations militaires ont maintenant cessé dans la ville et la zone de Stalingrad».

    Les Soviétiques peuvent enfin proclamer leur victoire sur les Allemands au terme d'une bataille homérique, la plus grande qui ait jamais eu lieu (2 millions de tués et blessés).

    André Larané

    Une occupation chèrement acquise

    18 mois plus tôt, le 22 juin 1941, le Führer allemand, Adolf Hitler, a attaqué l'URSS. Ses troupes ont parcouru à grande vitesse les immenses plaines de la Russie et sont arrivées aux portes de Moscou et de Léningrad.

    Une partie de la Wehrmacht se dirige vers le sud et les gisements de pétrole du Caucase. Elle remporte succès sur succès pendant l'été 1942 : chute de la Crimée et de Sébastopol, de l'Ukraine orientale et de Kharkov...  Pendant ce temps, la VIe Armée de Paulus oblique vers Stalingrad. Cette métropole industrielle, située sur la rive occidentale de la Volga, a changé en 1925 son nom de Tsaritsyne pour celui du dictateur soviétique (*). 

    Le Führer veut à tout prix s'en emparer, un peu pour le nom qu'elle porte et surtout pour couper les voies de ravitaillement des Soviétiques. De la mi-juillet à la mi-novembre, les Allemands alignent les succès. Ils atteignent la grande boucle que forme le Don, à quelques dizaines de kilomètres à l'ouest de Stalingrad, avant de se jeter dans la mer d'Azov, antichambre de la mer Caspienne).

    Un bombardement réduit la métropole industrielle à un champ de ruines et fait 40.000 victimes dans la population civile. Celle-ci est évacuée en dernière extrémité et Staline, habilement, impose même que soient maintenues en activité les grandes usines reconverties dans la fabrication de chars et d'armes en tous genres. C'est une façon de montrer aux soldats qu'ils défendent non pas une ville fantôme mais une cité encore et toujours vivante...

    Le 28 juillet 1942, Staline fait lire dans toutes les unités l'ordre n°00227 : «Plus un pas en arrière !... Les hommes qui paniquent et les couards seront exterminés sans pitié». Des unités spéciales sont formées en conséquence pour traquer et fusiller les déserteurs. On en comptera environ 14.000(*).  La LXIIe Armée du général Tchouikov défend la ville avec acharnement, ce qui va laisser aux armées du Don et du Sud-Ouest le temps de concentrer leurs forces et de préparer la contre-offensive. 

    Stalingrad, qui s'étend sur 40 km, est cependant conquise rue par rue pendant l'automne 1942, au prix d'immenses souffrances des deux côtés. Le 11 novembre, Paulus lance un ultime assaut et occupe enfin la ville jusqu'à la Volga, à l'exception de trois têtes de pont soviétiques de quelques centaines de mètres de large, mais ses ennuis ne font que commencer.

    Piège fatal

    Le chef d'état-major soviétique, le général Georgi Joukov, devine que les Allemands se sont avancés trop loin de leurs bases et ne sont pas protégés sur leurs flancs. Il regroupe donc un maximum de combattants sur la boucle du Don en vue d'enfermer les Allemands dans le piège de Stalingrad. Pour cela, il rappelle même des troupes qui avaient été envoyées en Extrême-Orient pour prévenir une invasion japonaise.

    Cette façon de lancer une armée de réserve sur les assiégeants rappelle la stratégie de Vercingétorix à Alésia, qui hélas n'avait pas réussi au chef gaulois...

    Bataille de rues à Stalingrad Huit jours après l'entrée des Allemands dans la ville, deux armées soviétiques se dirigent sur Stalingrad en empruntant la Volga gelée, l'une par le nord, commandée par Rokossovski, l'autre par le sud, commandée par Ieremenko.

    La contre-offensive soviétique débute le 19 novembre par un terrible déluge d'artillerie. Y participent les «orgues de Staline». C'est le surnom allemand des lance-fusées multiples motorisés que les Soviétiques ont mis au point dans le plus grand secret à partir de 1938 et baptisés du joli nom de Katioucha (diminutif de Catherine).

    Mal équipées, les divisions italiennes et roumaines chargées de défendre le flanc ouest de la VIe Armée allemande  sont très tôt écrasées par les Soviétiques sur le Don.

    La VIe Armée allemande est bientôt emprisonnée dans sa conquête, une ville en ruine plongée dans le terrible hiver russe ! Le maréchal de l'Air Hermann Goering tente d'organiser un pont aérien pour ravitailler les assiégés. Mais l'aviation allemande ne peut larguer que 120 tonnes par jour quand il en faudrait 500.

    En décembre, le général Paulus devine que le piège va se refermer sur son armée mais Hitler lui interdit de battre en retraite et le général n'ose désobéir. Entre le 12 et le 23 décembre, une armée de secours commandée par le général Erich von Manstein échoue à secourir les assiégés.

    En janvier, le Führer élève par téléphone le général Paulus à la dignité de maréchal pour le détourner du déshonneur de la capitulation. Mais Paulus n'a cure de se suicider et choisit de se rendre avec 24 généraux et 91.000 soldats survivants (6.000 seulement reviendront de captivité).

    En Allemagne, les festivités prévues pour le dixième anniversaire de l'accession de Hitler au pouvoir sont annulées et remplacées par trois jours de deuil national. Le 2 février 1943, le drapeau rouge de l'Union soviétique flotte à nouveau sur Stalingrad.

    Au cours du siège de la ville, l'armée de Paulus aura perdu au total 400.000 hommes dont 150.000 morts et 120.000 prisonniers (parmi eux des Allemands mais aussi des alliés : Italiens, Roumains, Hongrois...). Par ailleurs, les combats auront fait du côté soviétique près de 500.000 morts.

    Le total des morts et blessés sur tout le front du Don et de la Volga, pendant les six mois qui ont précédé la capitulation des Allemands, s'avère proche de 2 millions, civils compris, dont 1,2 million du côté soviétique, ce qui fait de Stalingrad la plus sanglante bataille de l'Histoire humaine.

    La victoire des Soviétiques, trois mois après celle des Britanniques à El Alamein, soulève un immense espoir dans les pays soumis à l'occupation allemande. En démontrant la vulnérabilité des armées allemandes, elle marque un tournant dans la Seconde Guerre mondiale. Quant au maréchal Paulus, il est prestement retourné par les Soviétiques et se met au service de leur propagande antinazie.

    Incidemment, l'immense succès de Stalingrad, attribué à Staline, qui plus est dans la ville qui porte son nom, va contribuer à la gloire universelle du dictateur et pour longtemps faire oublier ses crimes innombrables.

    Guerre totale

    Les armées allemandes qui s'étaient avancées vers le Caucase doivent en toute hâte se replier de 600 kilomètres pour éviter l'encerclement.

    Le 5 juillet 1943, le général von Manstein tente de reprendre l'initiative dans la région de Koursk, à l'ouest du Don. La bataille met aux prises 3.500 engins blindés allemands et autant de soviétiques. Au bout d'une semaine, les Allemands, qui ont perdu plus de 100.000 hommes, abandonnent la partie. Ils entament leur retraite. Celle-ci s'achèvera près de deux ans plus tard dans les ruines de Berlin.

    http://www.herodote.net

  • Le Déclin français et les années 1970

    Le rapport Gallois le relève dès ses premières pages : le début du déclin français date des années 1970. Pour autant il ne cherche pas à tirer quelque enseignement que ce soit de cette constatation : il s'abstient de toute allusion directe à la période extraordinairement brillante qui précédait ces années 70; et pas davantage il n'aborde les événements et décisions politiques de l'époque qui pourraient être responsables de ce déclin. (1)

    Or en dépit de leur ancienneté, ces années méritent grande attention. P.M.

    Des Trente Glorieuses à aujourd’hui

    Quelques chiffres permettront de situer la brillante période 1950-1970 et l'exceptionnelle prospérité que connut alors la France et qu'on ne peut attribuer à la reconstruction de l'après guerre. Certes celle-ci avait stimulé l'activité mais son influence ne pouvait être que passagère : en 1949 l'économie française avait retrouvé son niveau de 1938 et l'élan de la reconstruction ne pouvait plus expliquer la persistance de l'expansion.

    Or de 1949 à 1969, le taux moyen de croissance annuelle évolua entre 5 et 5,5% et le chômage resta extrêmement faible : 1,2% de la population active jusqu'en 1958, même s'il augmenta ensuite quelque peu (2,2% dans les années 1960). Dans les dernières années de cette période, la France était même en mesure, grâce à ses résultats en commerce extérieur, d'exiger le remboursement en or de ses avoirs en dollars. (2)

    Or à partir des années 1970 tout a changé. Notre situation économique a entamé une détérioration dont rien, et pas même les hauts et les bas circonstanciels, ne peut masquer l'implacable continuité :  

                               Taux annuel moyen de croissance                               Taux de chômage

    1949-1957                                5,3 %                                                                 1,2
    1957-1970                                5,4 %                                                                 2,2
    1970-1980                                3,3 %                                                                 5,4
    1980-1992                                1,9 %                                                                  9
    1993-2008                                1,3 %                                                                  9,1
    année 2012                                                                                                      10 à 11

    Les changements des années

    Sauf cécité volontaire, il est impossible de ne pas se demander quelle est l'origine de ce renversement de tendance.

    1) L'orthodoxie contemporaine fournit une réponse « politiquement correcte » qui a l'avantage de situer la cause du malheur dans un événement extérieur, dans une sorte de cas de force majeure exonérant l'idéologie du moment de toute responsabilité : est accusé en l'espèce le choc pétrolier de 1972, c'est à dire la décision des pays producteurs de pétrole de brusquement et fortement augmenter le prix du baril

    On ne saurait évidemment nier l'effet nocif de cette décision. Mais il n'est pas possible de lui attribuer la responsabilité des quarante années, ni même des dix années suivantes : en effet le choc pétrolier a été absorbé en quelques années grâce aux efforts entrepris pour économiser l'énergie et développer l'utilisation des sources de substitution. C'est ainsi que la part de la consommation d'énergie dans le PIB après avoir évolué entre 5 et 6% dans les années 1950-1970 et avoir presque doublé à partir de 1974 était revenue autour de 7% dès 1980 avant de retrouver le niveau des années de prospérité (d'ailleurs le contre-choc pétrolier des années 1980 favorisa ces efforts).

    En vérité il s'est produit dans ces années 1970 un bouleversement d'ensemble qui a particulièrement affecté la France. En quelques années nombre des traits qui caractérisaient le modèle français ont été effacés l'un après l'autre

    *

    2) On notera d'abord, même si elle fut un peu plus tardive, la libéralisation de la gestion de l'économie. En effet durant ces années que Fourastié qualifia de « trente glorieuses », la France avait vécu sous un système dirigiste où la puissance publique tenait un rôle d'orientation décisif. Il convient de rappeler :

    • – que l'ensemble du système bancaire était nationalisé et se conformait, dans leurs grandes lignes aux recommandations des pouvoirs publics ;
    • – que les entreprises régissant la production et la distribution de l'énergie appartenaient également à la communauté nationale ;
    • – qu'il en allait de même de grandes entreprises industrielles comme Renault ou Air liquide ;
    • – que les prix étaient contrôlés ;
    • – que le Trésor avait la haute main sur les émissions d'actions (jusqu'en 1959) et d'obligations, puisqu'il lui appartenait de les autoriser ou non en vertu d'une loi du 23 décembre 1946 (qui reprenait une loi de 1941) ;
    • – qu'au sein d'un commissariat au Plan se réunissaient les représentants du patronat, des syndicats et des ministères ;
    • – que si les recommandations de ce commissariat n'étaient pas obligatoires, elles n'en exerçaient pas moins une forte influence sur l'orientation globale de la politique économique et sur les décisions de tous les acteurs. C'était la « planification à la française ».

    Ce système n'a pas vraiment été démantelé dans les années 1970 : les atteintes les plus spectaculaires qui lui ont été portées ne l'ont été que dans les années 1980 avec les dénationalisations des banques. Mais une lente évolution a commencé : M. Giscard d'Estaing élu en 1974 ne passait pas pour un dirigiste, le contrôle des prix connut des sorts variables, le 7è Plan (1976-1981) ne suscitait déjà plus (en dépit du maintien du Commissariat) l'« ardente obligation » qu'avaient suscitée nombre de ses prédécesseurs. Cette légère évolution a-t-elle contribué à la diminution des performances économiques du pays ? Il serait imprudent de l'affirmer comme il serait inutile de rouvrir ici une discussion classique sur les mérites comparés des systèmes économiques. Du moins peut-on tirer de l'évocation de cette période, la conclusion que, contrairement à ce qui est souvent répété comme une vérité éprouvée, l'intervention de la puissance publique dans la vie économique n'est pas nécessairement catastrophique et qu'elle peut obtenir des résultats très brillants et durables. En tout cas, il est permis d'imaginer les clameurs qui auraient accueilli l'évolution inverse, celle qui aurait vu successivement une période de grande prospérité sous un système libéral puis des années de déclin coïncidant avec une économie dirigée par les pouvoirs publics…

    *

    3) La décision américaine de renoncer à la convertibilité du dollar en or et la destruction du système monétaire de Bretton Woods furent un important facteur de changement. Le régime des changes flottants, outre qu'il substituait une certaine instabilité à la sécurité antérieure, ne pouvait qu'accélérer le danger d'une inflation mondiale dont la politique monétaire américaine était grosse depuis la guerre du Vietnam. Ce danger conduisit le gouvernement français à renoncer progressivement au système de financement public qui reposait beaucoup sur le marché monétaire (extension remarquable des émissions des bons du trésor dans les années 1950 et 1960, facilitée notamment par la fixation d'un plancher de bons qui était imposé aux banques) et qui était jugé de nature inflationniste. La France revint donc dans les années 1970 à des méthodes plus classiques : les grands emprunts se multiplièrent (1973, 1976, 1977 et, bénéficiant de forts avantages fiscaux, 1978). Cette évolution aboutit finalement dans les années 1980 à une libéralisation du marché financier.

    *

    4) Mais il est surtout un autre changement qui fut le facteur décisif et qui est passé sous silence pour des raisons souvent idéologiques : c'est la destruction rapide, à l'échelle mondiale, des frontières économiques. Cette destruction fut le fruit de négociations internationales multiples exprimant un mouvement de pensée de portée plus générale (3). Utilisant et portant ce mouvement de pensée, le pouvoir américain imposera successivement toutes les négociations nécessaires pour atteindre son objectif : la libéralisation des échanges mondiaux et l'exposition à la concurrence des pays en voie de développement. S'y ajouta un début d'unification européenne. Pour la France , il en résulta la disparition rapide d'un système de protection très ancien, sous lequel vivaient, depuis des générations, l'économie et surtout l'industrie françaises. Une description chiffrée de cette évolution sera très parlante.

    Au 1er Janvier 1960, c'est à dire au cœur des années de prospérité, l'industrie française bénéficiait d'une protection tarifaire moyenne de 20%. Cette protection fort élevée était complétée pour un certain nombre de produits par des restrictions quantitatives à l'importation.

    Intervinrent alors :

    l'établissement progressif de la CEE. Il conduisait à la suppression des droits de douane entre les six pays membres. La C.E.E avait été mise en place le 1/1/1959. Au 1/1 1970, l'union douanière était achevée. Dans le même temps, l'institution du tarif extérieur commun (TEC) avait ramené la protection vers les pays tiers à 13,4%.

    la négociation internationale dite Kennedy round. Le Kennedy Round, lancé à l'initiative et sur l'insistance des Etats-Unis, marque le véritable coup d'envoi de l'entreprise de mondialisation de l'économie. Ses résultats, obtenus après plusieurs années de négociations, entraient en vigueur au 1er janvier 1972 : ils amputaient le T.E.C. de près de 40% et le ramenaient autour de 8,3%.

    Quel que soit le jugement que l'on porte sur une protection tarifaire, on ne peut que constater l'extrême brutalité pour la France d'un choc qui en quelques années a fait passer cette protection de 20 à zéro % sur les importations provenant de la CEE (c'est à dire sur 60% du total des importations industrielles) et à 8,3% sur les importations d'autres provenance. Autrement dit, une « protection globale pondérée » abaissée de 20 à 3,3% en une douzaine d'années.

    Il ne s'agissait que de la première étape : de nombreuses négociations internationales sont par la suite venues achever cet effacement des frontières économiques.

    Les échanges extérieurs de l’industrie française en 1966

    L'industrie française était-elle en mesure de supporter un tel choc ? L'examen du commerce extérieur des produits industriels (ouvrés et semi-ouvrés) conduit à une réponse réservée. En 1966, c'est- à- dire pendant la période de prospérité évoquée plus haut, la balance des importations et des exportations de ces produits se présentait ainsi (il est rappelé que la CEE n'englobait à l'époque, outre la France que l'Allemagne -réduite alors à la RFA -, l'Italie et les trois pays du Benelux et il est précisé que l'intitulé « Tiers ind. » regroupe les pays de l'AELE, le Japon, le Canada et les Etats-Unis.)

    en milliers de F.                CEE                       Tiers ind.                              Autres
    TOTAL

    _______________________________________________________________

     

     

    Importations                  19.483.606               10.184.860                           2.721.090
    32.389.556

    Exportations                 15 528 536                  7.958.722                           15.548.676
    39.035.934

    _______________________________________________________________


    Solde                            - 3.955.070                - 2.226.138       
                                                                                                                  +12.827.586
    + 6.646.378

    Ce tableau fait apparaître que le solde créditeur global résulte de la compensation du déficit sur l'ensemble du monde industriel par un excédent sur les pays moins industrialisés. Il donne à penser qu'il existait une faiblesse d'ensemble et que la suppression des mesures permettant de supporter cette faiblesse présentait un risque certain.

    Toutefois la situation des secteurs industriels était très variable de ce point de vue.

    Certains d'entre eux illustraient la situation globale : déficit vers les pays industrialisés compensé par l'excédent obtenu ailleurs. Etaient dans ce cas: construction des moteurs thermiques, construction électrique, horlogerie, optique, matériel de mines et de travaux publics, etc.

    D'autres se trouvaient dans une situation encore plus défavorable, leur excédent sur les pays moins développés étant trop faible pour compenser le déficit sur les pays industrialisés. Tel était le cas notamment d une grande partie de l'industrie mécanique (sauf automobile et matériels ferroviaires), du travail des métaux, des articles en bois et ameublement, des papiers et cartons, des aciers fins et spéciaux, du matériel récepteur de radio et télévision.

    Enfin, parmi ceux qui au contraire étaient excédentaires dans les relations avec tous les groupes de pays, on pouvait relever entre autres : une partie de l'électro-métallurgie et de la sidérurgie, l'automobile, les motocycles et cycles, les pneumatiques, le verre, les textiles ( mais sur ce dernier point, il faut relever que subsisteraient encore quelque temps des restrictions quantitatives protégeant le marché français contre les exportations des pays sous-développés .


    •  •

    Un exemple : le sort de l’automobile

    Il a paru intéressant de rechercher ce qu'est devenu, depuis les années 1970, dans le domaine des échanges extérieurs, l'un des plus symboliques des secteurs industriels parmi ceux jouissant de la meilleure situation à l'époque : l'automobile.

    La situation de ce secteur (à l'époque, secteurs SH n° 440, 441, 442, 443) était la suivante en 1966.
    en milliers de francs
                                        CEE                   Tiers industrialisés              Autres tiers                     Totaux
    Import.                   1.920.167                      564.658                        31.256                        2.516.080
    Export. 2.024.212 775.736 1.913.914 4.713.862 ___________________________________________________________________________            Solde           +104.045         +211.078             +.1882.652     +2.197.775 ________________________________________________________________________________

    Il n'est pas possible de présenter en 2011 un tableau synthétique construit de la même façon qu'en 1966. La CEE et ses 6 Etats membres ont laissé la place à l'Union Européenne forte de 27 membres. Et surtout le groupe des pays non industrialisés a été profondément modifié. Il paraît meilleur d'adopter la classification retenue par les Douanes en regroupant si nécessaire certaines zones géographiques

    Résultats 2011, en milliers d'euros ________________________________________________________________________________
                                            U.E.                       Afrique                      Asie                  Autres
    Totaux --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
    Import.                       20.892.655                155.723                   1.937.723            810.461
    23.796.562

    Export                       12..611.298                 708.470                  544.669             1.887.761
    15.752. 198

    _______________________________________________________________

     

    Solde                        -8.281.357                                               -1.393.054
    -8.044.364     
                                                                       + 552.747                                          +1.077.300

    La comparaison de ces deux tableaux souligne de façon saisissante le déclin de cette industrie française. Alors qu'elle enregistrait des soldes positifs avec toutes les zones, on relève en 2011 qu'elle présente au contraire de multiples soldes négatifs pour un total considérable de plus de 8 milliards €

    On notera la place prépondérante qu'occupe l'Union européenne puisque le solde négatif enregistré avec elle (8,28 milliards €) est à lui seul supérieur au déficit global (8,04 milliards €). De fait, les échanges (beaucoup moins importants) avec le reste du monde se trouvent approximativement équilibrés, le solde négatif enregistré avec l'Asie (Japon surtout et Corée) étant à peu près compensé par des excédents obtenus sur les autres zones (Afrique et Europe hors UE).

    C'est pourquoi les relations commerciales avec l'Union Européenne en matière automobile méritent un commentaire particulier qui distinguera entre voitures Diesel et voitures à moteur à explosion (les documents de 1966 ne permettent malheureusement pas de faire cette distinction) entre lesquelles se répartit le déficit de 8,281 milliards : 7,030 milliards pour les Diesel et 1,250 milliard pour les autos à moteur à explosion.

    En ce qui concerne les Diesel, la construction française est particulièrement en difficulté puisque sur les 8,281 milliards de solde négatif, plus de 7, on vient de le voir, sont imputables à ce type de voiture. Les principaux concurrents sont l'Espagne et surtout l'Allemagne qui compte à elle seule pour environ 6 milliards dans le solde négatif de 7. Les pays nouveaux partenaires de l'Union (adhérents depuis 2004 ou 2007) tiennent une part relativement importante dans les importations, la Roumanie et la Slovaquie notamment.
    Comme déjà dit, on ne sait pas ce qu'il en était pendant la période de prospérité mais la situation globale de l'époque permet d'exclure une infériorité aussi massive que celle d'aujourd'hui. Les statistiques douanières ne permettent pas à elles seules d'analyser les motifs de cette évolution.

    S'agissant des voitures à moteur à explosion, il faut immédiatement souligner que le solde déficitaire (1,250 milliard) vient seulement en 2011 des échanges avec des pays d'Europe centrale, nouveaux partenaires de l'Union (depuis 2004 et 2007) (4): République tchèque, Slovaquie, Slovénie, Pologne notamment, à qui la France ne vend que très peu d'autos (0,250 milliard €) mais qui lui en vendent énormément : 2,1 milliards €. (déficit : 1.850 Md €). Si on fait abstraction de ces courants commerciaux, et si on considère seulement les échanges avec les 14 pays partenaires plus anciens de l'U .E., on trouve un solde positif pour l'industrie française de 0,6 milliard et une balance pratiquement équilibrée avec l'Allemagne.....

    L'irruption des pays d'Europe centrale en l'affaire est donc l'événement marquant. S'agit-il du résultat d'initiatives allemandes ? On est tenté de le penser si l'on prend l'exemple des autos de moins de 1000 cm³. Il est en effet piquant de constater qu' en 2011, dans cette catégorie, alors que l'Allemagne nous a vendu 1704 voitures, la République tchèque et la Slovaquie ensemble nous en ont vendu 71.633, soit 35 fois plus ! Certes les statistiques douanières ne permettent pas de confirmer la rumeur selon laquelle il s'agit là de voitures de marques allemandes qui à défaut d'être produites « in Germany » le seraient « by Germany ». Si pourtant tel est le cas, il est évident qu'en recourant à ces pays d'Europe centrale, les industriels allemands ont recherché l'avantage d'une main d'œuvre moins chère.

    Peut-être l'ont-t-ils fait plus massivement que d'autres, mais ils ne sont pas les seuls : la France importe probablement de Slovénie des automobiles Peugeot.

    Et cette constatation conduit une nouvelle fois à une conclusion de nature politique : en imposant pratiquement les délocalisations, grâce à la suppression des frontières économiques, le cosmopolitisme a mis en œuvre un autre moyen de « casser » ce « verrou qui doit sauter : la nation ».

    Pierre Milloz 29/07/2013

    Notes :

    (1) Nombre de renseignements utilisés dans la présente note proviennent d'un document établi en 1968 à l'issue de la négociation Kennedy
    (2) Bien sûr, tout n'était pas parfait et la période a connu ses difficultés, comme l'ont montré les grèves de 1953 et 1963 ou les dévaluations du franc décidées, pour des motifs partiellement étrangers à l'économie, en 1958 et, en fin de période, en 1969.
    (3) Ce mouvement de pensée d'inspiration cosmopolite, exigeant l' « ouverture au monde » et érigeant l' « autre » en objet d'une amitié obligatoire et réglementaire, allait bien au delà des questions économiques. C'est en France l'époque de la loi Pleven (1er juillet 1972) qui pose en principe pour la première fois dans l'histoire de France l'interdiction de distinguer entre un Français et un étranger ; de la montée en puissance de l'immigration ; du décret sur le regroupement familial des immigrés ; c'est aussi à la même époque, plus précisément le 18 juillet 1970 que M.de Rothschild écrit dans  Entreprise  : « La structure qui doit disparaître, le verrou qui doit sauter, c'est la nation ».
    (4) Il faut saluer ici l'heureuse initiative qui, au sein des statistiques douanières concernant l'U.E., a isolé les mouvements de commerce extérieur entre la France et ces douze pays.

    Correspondance Polémia – 1/02/2013

  • 2 janvier 1919 : la menace spartakiste

    En proclamant la grève générale en Allemagne le 2 janvier 1919, les Spartakistes espèrent enclencher un mouvement insurrectionnel généralisé. Ils veulent tirer parti, au maximum, de la défaite de leur pays pour utiliser l'amertume de l'opinion comme un levier révolutionnaire.

    Lorsque, le 9 novembre 1918, le socialiste Scheidemann, vieux routier de la politique parlementaire, a crié, du balcon du Reichstag, « Vive la République allemande », en écho Karl Liebknecht, du balcon du château impérial déserté par les Hohenzollern, a proclamé la République socialiste.

    Liebknecht sort de prison. C'est un professionnel de l'agitation révolutionnaire. A partir de 1916 il a publié, sous le titre de Spartacus, des textes incendiaires. Entouré de Rosa Luxembourg, de Clara Zetkin il a constitué un noyau dur destiné à orienter l'aile gauche des sociaux-démocrates vers des positions antimilitaristes et défaitistes.

    La révolution bolchevique de 1917 en Russie leur paraît le déclic décisif : les prolétaires allemands doivent imiter ce grand exemple, cette « lumière qui s'est levée à l'Est » et imposer le pouvoir des Soviets. Leur hantise : il ne faut surtout pas laisser les sociaux-démocrates s'installer au pouvoir. Par les mutineries au sein de régiments travaillés depuis longtemps par une propagande souterraine, par l'insurrection, par le pouvoir de la rue il faut imposer le règne du drapeau rouge. Le 4 novembre, le scénario semble se dérouler selon les espérances des Spartakistes : les marins de Kiel se révoltent, massacrent leurs officiers et un conseil de soldats proclame le début de la révolution. Dans les jours qui suivent, Munich, Hanovre, Brunswick s'embrasent à leur tour. Mais c'est l'entrée de Berlin dans le mouvement qui semble décisive : les Spartakistes peuvent à bon droit se dire qu'ils sont désormais au cœur d'un dispositif capable de faire basculer l'Allemagne dans le communisme.

    Face à leur détermination et à leur fanatisme idéologique, les politiciens sociaux-démocrates, les bourgeois centristes - si l'on peut utiliser un tel pléonasme -, la vieille clique des hobereaux réactionnaire à monocle ne semblent pas pouvoir peser bien lourd. La fin d'un monde, fondé sur les valeurs bourgeoises, paraît inéluctable. D'autant que les combattants revenus du front, las et amers, n'ont aucune raison de défendre une « société civile » qui fait peu de cas de l'inutile héroïsme déployé, pendant quatre ans d'une guerre effroyable, dans la boue, le froid, le sang et la merde des tranchées.

    Il faudra que quelques milliers de « réprouvés » au cœur rebelle se dressent, autour d'un chef, d'un drapeau, pour sauver la partie de la menace anarcho-gauchiste. Dans les forêts sableuses du Baltikum comme dans les rues des grandes villes, les corps-francs, insensibles à l'incompréhension et à la veulerie de leurs concitoyens, choisissent de se battre pour la seule cause qui importe à ces fraternités guerrières : l'honneur et la fidélité.

    ✍ P. V Rivarol du 29 décembre 1994 au 4 janvier 1995

  • Génération décervelée

    « On n'avait jamais rien vu de tel. » Présenté comme une sorte d'OVNI de l'analyse de l'échec scolaire en France, le rapport publié mercredi par l'Institut Montaigne, Vaincre l'échec à l'école primaire, est censé marquer une date aussi bien quant à sa franchise, son origine (les analystes du principal « think tank » français qui rassemble des personnalités de droite comme de gauche) et l'audace de ses propositions. Mazette ! Tenons-nous enfin la pierre philosophale de l'enseignement primaire qui va permettre de rendre à l'école son rôle d'ascenseur social aujourd'hui mis à mal ? Je vous le dis tout de suite : non.
    Le rapport « explosif » de l'Institut Montaigne
    L'une des grandes préoccupations de l'Institut présidé par Claude Bébéar est d'œuvrer pour la diversité et la mixité, au besoin par la discrimination positive. Mais disons-le tout de suite, ce parti pris n'apparaît pas dans le rapport qui souligne à juste titre - dans une certaine mesure - à quel point les enfants de milieux simples ou de parents inactifs sont aujourd'hui à la traîne. Sans suggérer pour autant que cela tient à la capacité de certains parents de compenser les méthodes ineptes qui décervellent les enfants. Pour ma part je connais une gardienne de langue maternelle portugaise, dotée du seul certificat d'études primaires de son pays d'origine, qui a appris la lecture à son enfant en constatant que le CP de l'école publique très « chic » faisait cela par le biais du dessin : son fils fréquente aujourd'hui avec succès un des « bons » lycées de Paris. La réponse de la concierge est plus pertinente que celle de l'Institut Montaigne qui contient des remarques intéressantes et justes, mais aussi bien des idées fausses et avant tout une grave erreur de perspective.
    Il faudra consacrer plusieurs de ces chroniques à ce rapport qui fait beaucoup de bruit et risque de formater la politique éducative de la France dans les années à venir, vu le prestige de l'Institut Montaigne et sa parfaite harmonie avec une certaine philosophie de la société qui a les faveurs des pouvoirs publics.
    Ce qu'en ont retenu d'abord les médias sont ses aspects plus matériels, portant sur les rythmes scolaires, la rémunération des instituteurs du primaire, le nombre d'heures et de jours de classe, les sommes consacrées en moyenne sur le budget public aux élèves. D'un point de vue de rentabilité, sachant que la France dépense en moyenne 5 563 dollars par élève du primaire (un peu moins que la moyenne de l'OCDE, c'est après que les dépenses explosent !), il est évidemment désolant de voir la France dégringoler dans les évaluations de lecture internationales comme « PISA » alors même que les sommes allouées n'ont cessé d'augmenter depuis 1990.
    Soit dit en passant : les frais de scolarité hors contrat, où les classes ont souvent de petits effectifs, frais supportés par les seuls parents, sont très inférieurs à ceux dépensés par l'État. Et les résultats en lecture, écriture et calcul qui intéressent au premier plan les experts de l'Institut Montaigne, y sont généralement bons ou au à tout le moins acceptables pour l'ensemble des élèves dont beaucoup atterrissent d'ailleurs là après avoir subi des pédagogies décervelantes de l'enseignement « officiel ».
    Mais les rédacteurs du rapport ont raison de rappeler ceci, après le Haut Conseil de l'Education en 2007 :
    « L'échec scolaire à l'école primaire est une bombe à retardement pour notre société : « Quatre écoliers sur dix, soit environ 300 000 élèves, sortent du CM2 avec de graves lacunes : près de 200 000 d'entre eux ont des acquis fragiles et insuffisants en lecture, écriture et calcul ; plus de 100 000 n'ont pas la maîtrise des compétences de base dans ces domaines. »
    Scandale gigantesque qui aboutit à ce que , « chaque année 150 000 jeunes quittent le système éducatif sans qualification ».
    On s'attendrait à ce propos à une réflexion de fond sur ce qui se passe réellement dans les classes : pourquoi tant d'enfants n'apprennent-ils pas à lire, écrire, compter, connaître leur langue ? Certes, au fil du rapport il est souligné que « l'effet maître » est primordial (ce qui contredit l'idée selon laquelle la réussite serait dictée par l'origine socio-économique) : autrement dit, un bon maître obtient de meilleurs résultats et ses élèves progressent d'autant mieux qu'il est exigeant et qu'il place haut la barre.
    Peut-être tous les mauvais professeurs se concentrent-ils dans les zones les plus déshéritées ? Le rapport ne l'affirme pas mais il ose quand même ceci :
    « C'est un marronnier pour les journaux télévisés chaque année au mois de septembre : l'arrivée des tout jeunes enseignants pour leur première nomination, à l'école, au collège ou au lycée, dans les établissements les plus difficiles, souvent face aux classes les plus complexes, le tout dans les zones les plus défavorisées ! Le tout avec 24 ou 48 heures, au mieux, pour prendre la mesure d'un environnement complètement nouveau... C'est le "baptême du feu" que l'Éducation nationale organise pour les reçus aux différents concours qu'elle organise.
    « Non seulement ils manquent de pratique, mais ils ne connaissent généralement pas le milieu dans lequel ils sont catapulté ». Rares sont ceux à qui l'on donne le choix ... Comment dans ces conditions entretenir leur motivation ? D'autant que ces postes ont le charme du provisoire et de l'incertain : huit jeunes professeurs sur dix sont généralement affectés à des poste provisoires. »
    Il faudrait donc mieux les payer en début de carrière, afin que la profession attire les meilleurs étudiants, quitte à prévoir une progression de salaire moins forte en cours de carrière, ne pas les lâcher dans des classes difficiles en début de parcours... Ce sont encore des mécanismes finalement très... mécaniques. Mais le rapport souligne aussi l'insuffisance de la formation pratique des enseignants qui font beaucoup de théorie, subissent souvent « l'infantilisation » des IUFM (Instituts universitaires de formation de maîtres) et reçoivent peu ou rien quand il s'agit de se préparer à enseigner concrètement une matière ou de faire face à des enfants difficiles ou en difficulté. 
    Aussi le rapport propose-t-il de modifier l'apprentissage du métier pour multiplier les contacts avec les plus anciens et la formation en situation, ce qui paraît tomber sous le sens. Davantage de « formation continue » aussi... Le « hic » reste celui des contenus de ces formations dont on sait qu'elles peuvent receler la pire des choses, jusqu'à la manipulation mentale des intéressés. Dans un pays qui supporte l'avortement de 220 000 tout-petits par an, où les jeunes sont privés de leur culture, de leur intelligence, de leurs capacités d'analyse par un système pédagogique souvent nocif, la confiance que l'on peut avoir en ces « remèdes » reste forcément très modérée.
    Les autres remèdes sont pour la plupart d'un même ordre, mécanique. En comparaison avec les autres pays de l'OCDE, ce sont les petits Français qui passent le moins de jours à l'école (140 par an) et pourtant ils ingurgitent presque le maximum d'heures de cours. À changer ! Ce sont les petits Français qui redoublent le plus, sans aucun bénéfice : ils doivent donc progresser sans rupture d'une année sur l'autre en recevant des soutiens individuels (personne ne se demande si le fait de redoubler en subissant des méthodes ineptes qui ont déjà fait la preuve de leur inefficacité n'est pas le problème, et non le redoublement lui-même).
    Il faut aussi donner plus de pouvoir et plus d'autonomie aux directeurs d'écoles primaires pour que celles-ci cessent d'être gérées comme de simples « services municipaux » :
    L'idée, c'est de donner au vrai responsable de l'école les moyens de vérifier et de contrôler ce qui se passe dans les classes et d'imposer un quota d'heures d'apprentissage du français et des mathématiques. Tiens, j'en connais un comme cela : c'est Marc Le Bris, le courageux directeur instituteur de l'école de Médréac en Îlle-et-Vilaine. Lui-même et ses institutrices obtiennent des résultats magnifiques en respectant des méthodes pédagogiques traditionnelles. Ce qui a valu à Marc Le Bris d'être bloqué dans son avancement par la vertu de l'inspection académique. On reste rêveur devant la recommandation de l'Institut Montaigne d'augmenter le nombre d'inspecteurs et de les rendre plus disponibles pour l'inspection qui, selon lui, devrait être l'un des principaux ressorts pour une amélioration de la situation.
    Je vous l'ai dit, on reste sur une impression d'extériorité par rapport à la gravité et à la nature de l'échec scolaire. Le rapport parle aussi de manière plus détaillée de l'apprentissage de la lecture, sans aller aux vraies causes et en proposant des remèdes pour partie inadéquats ou nocifs...
    Jeanne Smits Présent du 7 mai 2010

  • L'ACTION FRANCAISE EN POINTE, EN PROVENCE : NOTRE PROCHAIN CAFE POLITIQUE DE MARSEILLE AURA LIEU LE SAMEDI 9 FEVRIER

     

    Cafés Politiques de Lafautearousseau

    samedi 9 février 2013., à 18 h 30 précises 

    (Accueil à partir de 18 h)

    ENQUÊTE SUR LA RéPUBLIQUE

    L'EUROPE EN ECHEC :

    QUELLE Europe VOULONS-NOUS ? 

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    par Alain BOURRIT 

    Café Simon

    28, cours Honoré d’Estienne d’Orves, Marseille 1er

    Entrée libre. Participation sous forme d'une consommation.

    Renseignements : 06 08 31 54 97

    Possibilité de dîner sur place, après le Café Politique

     

  • [Média] Prospectives Royalistes de l’Ouest

    Le numéro n° 28 du nouveau journal royaliste unitaire centré sur la région ouest BRETAGNE-LOIRE ATLANTIQUE-VENDEE vient de sortir.

    Vous pouvez le télécharger ici

    Vous y retrouverez entre autres, l’intégralité du discours d’Amaury de Perros, délégué du CRAF pour la Loire-Atlantique.

    http://www.actionfrancaise.net

     
  • VIDEO - LA FRANCE, L'EUROPE ET LE MONDE : RETOUR GEOPOLITIQUE

    Gaullistes ou anti-gaullistes des années 1960, tout comme les plus jeunes d'entre nos lecteurs qui n'ont connu cette époque que par les livres, les récits ou les documents de toute nature, regarderont certainement cette vidéo avec intérêt, sans-doute avec profit, et, pour quelques uns, avec une certaine nostalgie pour un temps - à ce jour révolu, il est vrai (mais les "retours" sont toujours possibles) - où le Politique s'exprimait dans le langage de la culture et avec - au moins - les apparences de l'autorité et de la puissance.

    Après cinquante ans (cette conférence de presse élyséenne de De Gaulle date du 15 mai 1962), bien des choses ont changé en France, en Europe et dans le monde. De Gaulle évoque la menace des "Soviets" : elle s'est effondrée; il parle d'une Allemagne qui, selon son expression avait "les reins cassés", l'Allemagne coupée en deux par un rideau de fer. Elle a retrouvé aujourd'hui son unité et sa puissance qui, à bien des égards, dépasse la nôtre, pour l'instant. Tout, cependant n'a pas changé. Quelques grandes constantes demeurent et restent d'actualité. En particulier tout ce qui a trait à la construction européenne, à l'heure où, justement, chacun s'interroge sur son devenir. Quelle Europe voulons-nous ? Comme Maurras, De Gaulle voulait l'Europe, mais ne voulait pas que l'on fît "comme si c'était fait". De plus, elle ne pouvait être, pour lui, que souveraine, c'est à dire indépendante des Etats-Unis d'Amérique, sans quoi elle n'existerait pas. Son projet était réaliste, progressif, volontaire mais construit sur la base des peuples et des Etats. On sait que c'est une démarche inverse qui a été suivie depuis; une démarche idéologique et technocratique, d'ailleurs plus mondialiste qu'européenne. On sait ce qu'il en est aujourd'hui et qu'au lieu d'être une force centripète qui eût uni peu à peu peuples et nations d'Europe occidentale s'habituant progressivement à leur unité, "l'Union" que l'on a tenté d'imposer aux peuples européens finit par être une force centrifuge qui oppose et divise. De fait, les peuples l'ont rejetée. D'ailleurs, à bien y regarder, l'affaiblissement des Etats, la décadence du Politique, n'ont pas du tout, comme d'aucuns l'espéraient, favorisé la construction européenne. Bien au contraire, ils l'ont rendue presque impossible. 

    Est-il encore temps, comme il faut sans doute le souhaiter, de reprendre avec le réalisme qui s'impose un grand projet européen ? Ou, comme à d'autres époques de notre Histoire commune, faute de volonté, faute d'autorité, faute de solidarité, ce projet, cent fois repris, finira-t-il par se dissoudre et s'évanouir une fois de plus, comme une perpétuelle utopie ? Telle est la question.  

    Mon bureau 3 Lucs.jpgCliquez sur l'image pour lire la vidéo 

  • Les fondamentaux du début de siècle

    Nous allons traiter de géostratégie. C’est là une discipline relativement nouvelle. Le Grand Larousse ne la mentionne pas, le Grand Robert la définit comme : « un ensemble de facteurs stratégiques en liaison avec la géographie et la démographie d’une zone déterminée ». Ce serait donc une déclinaison plus spécifiquement militaire de la géopolitique. Mais, dans ce cas, ce serait une tautologie car il ne peut exister de stratégie militaire qui se conçoive hors du milieu naturel, c’est-à-dire de la géographie. Quant à la géopolitique, signalons-le en passant, elle est l’étude de l’influence de l’environnement physique sur le comportement des peuples.

    La période que nous vivons, comme celle des prochaines décennies, a été et sera façonnée par trois facteurs déterminants parce qu’à la fois d’ordres politique, technique et socio-économique. Il s’agit, en l’occurrence, des faits exposés ci-après :
    - La disponibilité de l’énergie indispensable au développement, c’est-à-dire, dans une grande mesure, de l’industrialisation. L’aspiration au mieux « vivre » anime une fraction de plus en plus étendue de la population et la production de biens commercialisables répond à son attente. L’énergie conditionne la production, oxygène du développement.

    Terminal pétrolier de l'île de Das, à Abu Dhabi

     

    La centrale nucléaire de Cruas, dans la vallée du Rhône. Les 4 réacteurs, mis en service en 1984 et 1985, produisent chaque année 25 milliards de kWh, soit environ 40% de la consommation de la région Rhône-Alpes. © Daniel Riffet

    - L’efficacité des techniques nouvelles d’information et de communication (T.I.C) qui mettent en évidence les inégalités socio-économiques, amplifient les mouvements migratoires mais aussi placent les populations à la merci du pouvoir politique lorsqu’il s’approprie la gestion des TIC.

    - Enfin, l’affrontement politique, économique et social, dans un monde ouvert, des industrialisés de longue date et des peuples émergents. D’un côté les bénéficiaires d’un puissant acquis civilisateur et de l’autre le poids des masses.

    Jean Gabin : Le Gentleman d'Epsom !

    Nouvel An à Pékin…

    I – L’énergie, mère commune de tous les peuples

    En ce qui concerne la géopolitique, elle est bipolaire : celle des hydrocarbures et celle que fournit la désintégration de la matière, les autres formes d’énergie relevant davantage du national que de l’international.
    Il n’est pas exagéré de dire que la quasi-totalité des événements de grande ampleur survenus depuis un siècle a pour origine commune l’appropriation ou le contrôle des sources et de la consommation de ces deux formes d’énergie.
    De manière spécifique, les hydrocarbures et l’atome ont déterminé la politique, la diplomatie, les alliances et les tensions, le recours à la force des armes avec en réaction, le terrorisme sous toutes ses formes.

    Nigérians carbonisés par l'explosion du site pétrolier qu'ils attaquaient
    http://pandanlag.unblog.fr/fin-du-petrole/

    Enfin, la grande fracture entre les nantis et les autres. Bifide, la désintégration de la matière est à la fois source d’énergie industrielle et arme d’intimidation sinon de guerre. Elle privilégie les uns, suscite les convoitises ou les inquiétudes des autres. (Pour Washington elle justifierait même une guerre d’anéantissement préventive et en invoquant non des faits, mais des intentions).

    I.a – La dictature politique des hydrocarbures.
    Significative, en effet, est l’évocation des principales étapes – au cours du siècle dernier et au début du suivant – de l’obsession pétrolière dans la vie internationale.

    1916 - 1920  
    Signés en 1916 et sanctionnant le démembrement de l’empire Ottoman, les accords Sykes-Picot soumettaient à l’influence française la Syrie et la Mésopotamie septentrionale – le nord du futur Irak – y compris Mossoul.

    Londres contrôlait les villayets de Bagdad, Bassora, du Koweït plus proches de la route des Indes. Mais, en octobre 1918, l’armée (britannique) du général Allenby ayant atteint Damas – zone  française –  et surtout du pétrole ayant été découvert dans la région de Mossoul, l’accord de 1916 fut modifié : la province de Mossoul passant, en septembre 1919, sous le contrôle des Britanniques, ce que confirma, en avril 1920, le traité de San Rémo, la France, en compensation, recevant un mandat sur le Liban et la Syrie. Ainsi a été dessinée la carte politique du Proche-Orient, Londres formant un Etat irakien et exerçant sa tutelle sur la Palestine. Ce découpage fut accepté par la Turquie, par le traité de Lausanne (juillet 1923). Ainsi le pétrole de Mossoul avait réuni les conditions d’au moins un siècle d’instabilité régionale.

    1951 – 1953
     En 1951, Mohammed Mossadegh, premier ministre iranien nationalise la production pétrolière iranienne après avoir rompu les négociations avec la compagnie Anglo-Iranian.

    Mohammad Mossadegh en 1951

     

    Mohammad Mossadegh (1882-1967) Issu d'un milieu social aisé et cultivé, Mossadegh fait ses études à Téhéran. En 1896, il est contrôleur des impôts dans la province du Khorassan. Après dix années de service au ministère des Finances, il part à l'étranger. Étudiant à l'École des sciences politiques de Paris, il poursuit des études de droit en Belgique et en Suisse. Docteur en droit,il est élu en 1925 au parlement iranien, le "Majlis". Il s'oppose alors à la nomination du Premier ministre, Reza Khan en tant que nouveau roi d'Iran. Malgré l'effort de l'opposition, Reza Khan est proclamé roi et fonde une nouvelle dynastie, celle des Pahlavi. Mossadegh est contraint de se retirer de la vie politique, en s'exilant dans ses propriétés.

    C'est alors qu'en 1942, suite à l'avènement du nouveau roi, Mohammad Reza Chah Pahlavi, il revient à la politique en siégeant de nouveau au Parlement iranien dans le rang des nationalistes. En 1944, Mossadegh rédigea une loi interdisant à quiconque de négocier avec des compagnies étrangères sans l’autorisation du Parlement. L’Angleterre porta l’affaire jusqu’à la Cour Internationale de La Haye. Cette dernière se prononça en faveur des Britanniques. Devenu Premier ministre le 29 avril 1951, avec l'appui des factions religieuses modérées (conduites par l'ayatollah Abol -Ghassem Kashani), il fitappel de cette décision. En 1952, la Cour Internationale donna raison à Mossadegh.

    En février 1953, soutenu par Londres et par Washington le shâh destitue le premier ministre et, l’année suivante, un nouvel accord sera conclu avec la Grande-Bretagne quant au partage des ressources pétrolières de l’Iran. Mais vingt ans plus tard, reprenant la politique de Mossadegh, le shâh s’assure la maîtrise de la production iranienne, provocant la réaction des Occidentaux. Giscard d’Estaing accueille, en France, Khomeyni qui prêche l’éviction du shâh ; émeutes, révoltes, chassent le souverain (janvier 1979) si bien qu’en avril 1979 est proclamée en Iran une république islamique. Indirectement création des maladresses de la politique de Londres, Paris et Washington.

    Emeute. Iran 1979…

    1956
    Le 20 juillet, la Banque mondiale refuse de financer la construction du barrage d’Assouan, vaste projet d’irrigation du Caire. La semaine suivante, le colonel Nasser riposte en nationalisant le canal de Suez. Londres et Paris, à la conférence de Sèvres, envisagent des sanctions militaires. Gaston Deferre, ministre du gouvernement Guy Mollet, va jusqu’à suggérer d’affamer la population égyptienne en asséchant le Nil. C’est à un subterfuge auquel on aura recours : l’Etat d’Israël sera incité à s’en prendre à l’Egypte et, sous prétexte de séparer les combattants, un puissant corps d’intervention franco-britannique envahira l’Egypte mettant un terme au nasserisme

    Vue aérienne de navires coulés à l'entrée du canal de Suez afin d'empêcher tout passage lors de l'attaque de l'Égypte en 1956 par Israël, la France et la Grande-Bretagne.
    (© Central Press/Getty Images)

    Mais, à la surprise de Londres et de Paris, Washington se rangea aux côtés de l’Egypte et contre ses alliés français et britanniques. Faisant cause commune avec Moscou – qui avait brandi le spectre de l’arme atomique –Washington s’en prit à la livre sterling et ses bâtiments de guerre firent mine de gêner les opérations de débarquement alliées.

    Ainsi, sept ans seulement après la signature du Pacte atlantique, Washington s’associait à Moscou contre ses principaux alliés atlantiques.
    Première esquisse d’une politique pétrolière déterminante, il s’agissait pour Washington – comme pour Moscou – de ménager le monde arabe, détenteur d’au moins 70 % des ressources pétrolières alors inventoriées. La quête d’énergie valait bien un retournement – momentané – d’alliances.

    1960
    Les grands producteurs de pétrole, soucieux de tirer le maximum de profits des richesses de leur sous-sol – leur principale source de revenus – s’associent dans une Organisation des pays exportateurs (OPEC). Huit ans plus tard, sera mise sur pied une Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) afin de défendre les intérêts spécifiquement arabes de l’entreprise pétrolière. Aussi l’or noir a-t-il provoqué la mise sur pied d’organisations à la fois politiques et commerciales, face aux démarches des compagnies exploitantes et à celles des gouvernements des pays consommateurs. Le commerce des hydrocarbures devenait une arme politique dotée de ses structures d’études, d’analyses et… de combat.

    1973.
    Après celui provoqué par la crise de Suez le choc pétrolier qui suivit la guerre dite du Kippour (octobre 1973) fut d’une autre ampleur.
    Il semble que cette guerre fut plus ou moins « agencée » par le Département d’Etat, comme si celui-ci avait voulu que l’Etat d’Israël, toujours victorieux sur les champs de bataille, en vienne à composer avec l’Egypte, son puissant voisin après ne l’avoir emporté sur lui que de justesse grâce à l’audacieuse manœuvre des blindés de Sharon. Aussi les services spéciaux américains ont-ils trompé leurs homologues israéliens en leur cachant les préparatifs militaires égyptiens (Mme Golda Meir, à l’époque premier ministre le reconnut) si bien que les Egyptiens franchirent la ligne de Bar-Lev, les défenseurs israéliens y étant surpris.

    « l'un des fameux ponts de bateaux jetés pour permettre le passage des chars égyptiens ».

    Bar-Lev est le nom du chef d'état-major de Tsahal qui fit édifier en 69/70 cette ligne de défense anti-artillerie, afin qu'Israël puisse conserver ses positions dans le Sinaï après l'annexion de ce dernier lors de la guerre des Six jours.

    Habile diplomate Henry Kissinger avait pris la précaution d’organiser, à Washington une rencontre Nixon-Brejnev afin de négocier la participation d’entreprises américaines à l’exploitation des gisements de gaz naturel de Sibérie mais aussi par l’article IV du traité (de Washington du 22 juin 1973) conclu par les deux pays, de décider que si quelque part dans le monde un conflit risquait de dégénérer en échange de coups nucléaires, les deux capitales devaient aussitôt se concerter pour y mettre un terme. Ainsi était « verrouillée » la tension israélo-arabe et il était moins risqué de la mettre à l’épreuve par une nouvelle guerre qui ne saurait déclencher le recours à l’atome.

    Comme en 1956, l’objectif de la Maison-Blanche était de favoriser le clan arabe, sans pour autant, rompre les liens avec l’Etat hébreu. A nouveau, étaient en jeu, les approvisionnements en énergie fossiles.

    1979.
    En février, à Camp David est négocié un traité de paix israélo-égyptien qui sera signé le 26 mars par Sadate et Begin. Cet accord mécontente de nombreux pays musulmans et contribue à une nouvelle crise pétrolière dont il faudra que s’accommodent les économies des pays gros consommateurs d’hydrocarbures.

    1981 – 1988
    Guerre Irak-Iran.

    Scène de la guerre Irak-Iran

    Bagdad entend reprendre le contrôle du Chott el Arab et du détroit d’Ormuz par où transitent ses pétroliers. Car l’Iran a occupé Abou Moussa et les îles de la Grande et de la Petite Tomb, menaçant d’enclaver l’Irak, privé de son seul débouché sur la mer. Si la Syrie soutient l’Iran, l’Irak est aidé par l’Arabie Séoudite (qui redoute l’Iran chiite) la France, les Etats-Unis et l’URSS. La « guerres des villes » (échanges de fusées balistiques) l’attaque des tankers et des installations pétrolières de Kharg, d’Abadan…. déclenchent un nouveau choc pétrolier en 1985.

    L'Euphrate, long de 2 700 km, traverse en outre la Syrie et l'Irak. Le Tigre (1 899 km) est frontalier avec la Syrie et coule ensuite en Irak. En Basse Mésopotamie, les eaux mêlées des deux fleuves constituent, sur 170 km environ, le Chott el Arab qui débouche dans le golfe persique.

    1990 – 1991
    Première guerre du Golfe. Positions de principe des futurs belligérants : l’Irak ne reconnaît pas la démarche des colonisateurs qui détachèrent le Koweït de l’Irak, province ottomane. Soucieux d’assurer leur ravitaillement en hydrocarbures les Etats-Unis aimeraient voir attribuer à l’Arabie Séoudite, à l’époque le grand allié, le quota de production de l’Irak, laïc-socialisant et plus pro-soviétique et pro-français que tourné vers les Etats-Unis. De surcroît, la « nucléarisation » de l’Irak par la France inquiète Washington. Tel Aviv, de son côté, incite Washington à intervenir.
    Bagdad reproche aux autres pays du Golfe de provoquer la baisse du prix du pétrole. Plus spécifiquement le Koweït est accusé d’exploiter abusivement le gisement de Roumeillah, à cheval sur la frontière koweïto-iranienne.

    Pour arriver à ses fins, Washington usa de l’ambiguïté de ses porte-parole :
    Ce fut la cas de Mme A. Glaspie, ambassadeur à Bagdad, déclarant à Saddam Hussein, le 25 juillet que « les Etats-Unis n’entendaient pas intervenir dans le différend irako-kowétien ». Et plus encore de Mme Tutwiller et de John Kelly respectivement porte-parole du Secrétaire d’Etat et adjoint de M. J. Baker pour les questions du Proche-Orient : …  « Si le Koweït ou les Emirats étaient attaqués, les Etats-Unis n’étaient pas tenus de leur porter secours … ».
    (31 juillet). S’agissait-il d’un piège ou de deux maladresses verbales ? Toujours est-il qu’ainsi encouragé Saddam Hussein fit envahir le Koweït le 2 août.

    Autoroute Nord Koweït-city/Bagdad, baptisée la "Highway of death" ("autoroute de la mort") par l'armée Américaine du temps de la première guerre du Golfe.

    Washington et ses alliés négocièrent jusqu’au début de 1991, les opérations militaires commençant le 16 janvier. Les Etats-Uni avaient réussi à mettre sur pied une coalition d’une trentaine de pays plus intéressés par le futur partage des richesses énergétiques de l’Irak que par le sort du Koweït. Ainsi a commencé une longue période d’instabilité au Proche-Orient et amorcé la profonde fracture entre « l’Occident » et « l’Orient », ou plutôt entre les anciennement industrialisés, forts consommateurs de pétrole et de gaz naturel, et les grands producteurs musulmans.

    Années 90 à 2000
    Les richesses énergétiques de la Caspienne passent de l’URSS défunte aux entreprises occidentales. La région du Caucase suscite les convoitises des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne … et de la France (Exxon et Chevron Texaco, British Petroleum, Total mais aussi ENI italien et Lukoil russe). A Washington, Mme Madeleine Albright, Secrétaire d’Etat déclare :
    … « Prendre en compte les destinées du Caucase sera une tâche exaltante pour les Etats-Unis ». Ce qui explique les manœuvres des Etats-Unis en Géorgie, le tracé d’un nouvel oléoduc évacuant le pétrole de Bakou par la Turquie, en se détournant de la Russie. Ce qui justifie les réactions de Moscou. Ainsi, le pétrole, et demain le gaz naturel des rives de la Caspienne sont-ils à l’origine des empiétements occidentaux dans le domaine qui fut, exclusivement, celui de Moscou, annonçant une nouvelle guerre froide ayant l’énergie pour origine.

    1993. La Chine devient importatrice de pétrole
    La zone Asie-Pacifique n’a pas été favorisée en ce qui concerne les gisements d’hydrocarbures. Les réserves de la zone sont de l’ordre de 4 à 5 % des réserves mondiales alors que la consommation approche 30 %. Rapportées aux besoins de sa population les réserves de la Chine sont faibles (18 milliards de barils) comparés aux 263 milliards de barils de l’Arabie Séoudite et, a fortiori, aux 100 milliards du minuscule Koweït. Aussi la Chine est-elle devenue le deuxième importateur de pétrole, devancée seulement par les Etats-Unis, avec plus de 6 millions de barils/jours d’achats à l’extérieur.

    Aussi Pékin s’est-il tourné vers Moscou et aussi le continent africain pour en emporter l’or noir et les matières premières indispensables à l’alimentation de son énorme potentiel de production. (Achats à Moscou de 700 millions de tonnes de pétrole en 25 ans). Construction de nouveaux oléoducs des gisements de Sibérie au littoral chinois du Pacifique, investissements massifs en Afrique et aménagements de l’infrastructure nécessaire au déplacement des fluides et autres matières premières). La boulimie d’énergie crée des liens économiques et politiques entre la Chine et la Russie, l’Afrique, l’Amérique du sud, au détriment des positions acquises par les pays anciennement industrialisés. Et la situation s’aggravera encore avec le passage des ans, la demande mondiale passant de 80 millions de barils/jour à 120/125 millions dans 15 ans. La Chine contribue à cet accroissement avec des besoins augmentant de 5 à 7 % annuellement.

    Cette quête d’énergies fossiles est une précieuse manne pour les pays émergents qui en détiennent des gisements. L’Afrique en bénéficie, ce qui pourrait, au moins, ralentir la montée vers l’hémisphère nord de larges fractions de sa population.

    2003. Deuxième guerre du Golfe
    La première guerre du Golfe a réuni les conditions de la seconde. Le traitement infligé au peuple irakien et aussi le déploiement en Arabie Saoudite de forts contingents armés de l’Occident, stationnant en terre sainte, ont dressé contre les Etats-Unis en particulier et les Occidentaux en général, des intégristes musulmans rassemblés sous l’égide d’Al Qaeda. D’où la série d’attentats énumérés ci-dessous :
    -World Trade Center (fév. 1993) Dhahran (juin 1995) – Nairobi et Dar es Salam (août 1998) – Yémen (octobre 2000) et New-York, World Trade Center et Pentagone à Washington (septembre 2001) – dans le temps que l’Argentine, l’Arabie Séoudite, la France, l’Egypte étaient aussi les victimes du terrorisme musulman (avant l’Espagne, la Grande-Bretagne, la Russie, l’Etat hébreu, l’Ouzbékistan, le Pakistan etc…).

    Mais c’est évidemment l’attentat du 11 septembre 2001 qui a été déterminant dans la mesure où « bouleversés par l’audace des terroristes », les autorités américaines constataient que nombre de ressortissants saoudiens étaient impliqués dans les attentats visant les Etats-Unis.

    D’où, la décision de changer de politique au Proche-Orient et, au lieu de s’en remettre à l’Arabie Saoudite comme essentiel fournisseur de pétrole, exploiter directement les hydrocarbures d’Irak en s’y installant par la force des armes. La guerre serait aisément justifiée : l’Irak détenait des armes de destruction massive – ce qui se révéla faux. Sa population subissait  une cruelle dictature et les Etats-Unis lui feraient bénéficier de la démocratie. Depuis, les événements ont mis en évidence l’échec de l’entreprise. Il fallait également s’en prendre à l’Afghanistan, siège des écoles de terrorisme et des irréductibles talibans… Mais aussi terre de passage d’un éventuel oléoduc – et gazoduc – alimentant l’Asie orientale en énergies provenant du bassin de la Caspienne.

    La politique pétrolière des Etats-Unis dictée par le souci d’assurer à son économie un ravitaillement en énergie correspondant à ses besoins lui a aliéné sinon l’hostilité de tous les gouvernements musulmans, du moins celle de leurs populations. Et aussi celle de nombre de peuples émergents, soit près de la moitié de l’humanité.

    Ainsi, cette politique pratiquée obstinément depuis le début des années 90 a créé une fracture plus profonde encore et plus grave que celle qui avait opposé l’économie planifiée à l’économie de marché, autocraties et démocraties au temps de la « guerre froide ». L’armement nucléaire figeait les hostilités au niveau verbal et diplomatique. Aujourd’hui, le terrorisme contourne le nucléaire et les moyens traditionnels d’assurer la sécurité si bien que la décision d’y mettre un terme dépend des terroristes eux-mêmes.

    2000 à ……. 2050 ?  L’énergie au service de la Russie.
    Si l’obsession énergétique inspire et domine la politique intérieure (un gouvernement de « pétroliers ») et extérieure (la guerre) des Etats-Unis, la Russie de Poutine recourant seulement à l’économie et à la pression diplomatique, place la même politique volontariste au service de la Russie, et de son retour à la puissance.

    Au début du présent millénaire la Russie fournissait 13 % de l’énergie mondialement consommée. Plus spécifiquement en 2002 elle produisait 9 %  du pétrole mondial et déjà 25 % du gaz naturel dont elle détient 27 % des réserves mondiales. Ce qui lui permet de produire plus de 500 milliards de mètres cubes et par un gigantesque réseau de ravitailler en énergie le reste du monde. Mise en œuvre par 300.000 spécialistes et gérant plus de 150.000 kilomètres de gazoducs. Gazprom distribue le gaz naturel russe en Europe et en Asie.

    Du développement d’infrastructures de GNL en mer de Barents à la construction de gazoducs reliant les gisements de Sibérie à la Chine, la Russie annonce d’ambitieux projets de développement d’infrastructures, qui permettraient à terme de limiter sa dépendance actuelle vis-à-vis du débouché européen.

    En Europe, une dizaine de pays de centre Europe sont tributaires à 100 % du réseau Gazprom, l’Allemagne à 45 %, la France à 25 %, la grande firme d’Etat russe ayant déjà investi près de trois milliards de dollars dans ses gazoducs européens.

    Moscou utilise cette indispensable répartition d’énergie à des fins politiques, ne serait-ce qu’en majorant ou en diminuant les coûts en fonction du comportement des pays consommateurs vis-à-vis de la Russie. C’est ainsi qu’en 2004, afin que Minsk cède à Gazprom une entreprise de gazoduc nationale, les livraisons avaient été stoppées pénalisant à la fois la Biélorussie et la Pologne et menaçant l’ouest européen… Vis-à-vis de l’Ukraine, Moscou détient un atout majeur dans la négociation. Depuis, la Biélorussie bénéficie à nouveau de bas tarifs tandis que les pays baltes, entrés dans l’OTAN, paient plus cher.

    Environ 25 % des besoins en gaz naturel de l’Union européenne sont satisfaits par Gazprom. De nouveaux projets sont à l’étude pour ravitailler la Turquie et, directement, l’Europe de l’ouest par un oléoduc construit sous la Baltique. Dépourvus d’énergies – Norvège et Grande Bretagne mises à part – les Etats de l’Union dépendent ainsi des ressources de la Russie.

    2000 à 2050 ? Le pétrole hisse la Norvège au premier rang.

    En ce qui concerne le revenu par habitant la Norvège a atteint le sommet de la hiérarchie des peuples. La rente pétrolière norvégienne, presque en totalité, a été versée à un fonds géré par la Banque de Norvège (plus de 190 milliards de dollars). Cette fortune – qui augmente avec le temps –  a permis à la Norvège d’éviter le carcan de l’Union européenne, les diktats de Bruxelles et l’euro afin de conserver sa pleine indépendance politique et économique.
    D’importants gisements d’énergie fossile non exploités se trouveraient en mer de Barentz. Conformément aux droits de la mer, par son littoral nord, la Norvège y est, économiquement, souveraine. Son espace maritime est encore accru  par les îles de Spitzberg qui relèvent aussi de la Norvège.

    Il y a là une source de vastes profits, du moins pour les prochaines décennies. Mais aussi un sujet d’inquiétude en raison des ambitions – tout aussi légitimes – de la Russie sur la mer de Barentz orientale qui jouxte les eaux revendiquées par la Norvège. Il est dangereux pour les pays faibles d’être trop riches en ressources énergétiques. La Norvège n’est pas faible, mais elle se développe sur le flanc d’un géant…

    2000 à 2050 ? Le pétrole émancipe l’Amérique du Sud.

    Le continent sud américain n’est pas dépourvu de sources d’énergies fossiles. Les réserves de pétrole seraient de l’ordre du milliard de barils et celles de gaz naturel d’environ 7 à 8 % des réserves mondiales.

    Les principaux gisements d’énergie fossile se trouvent au Venezuela, en Bolivie et, plus modestes, en Colombie, Pérou et Argentine.

    Deux événements ont complètement changé la situation des pays producteurs et exportateurs. D’une part l’augmentation du prix du baril avec le revenu considérablement accru de la rente pétrolière et, d’autre part, la demande de la Chine et de l’Inde déplaçant vers l’Asie les centres de haute consommation qui se trouvaient, naturellement, en Amérique du Nord.

    Le président Chavez du Venezuela, et le président Morales de Bolivie se sont engagés dans la même voie que celle jadis empruntée, en Iran, par Mossadegh : nationaliser les hydrocarbures afin que le budget national tire plein profit de la commercialisation d’un produit national.

    « Hugo Chavez du Venezuela, Fidel Castro de Cuba et Evo Morales de Bolivie »…

    Eventuellement au détriment des entreprises exploitantes étrangères (Total, Exxon-Mobil, Conoco Phillips au Venezuela, et Pétrobras, Repsol et encore Total en Colombie).

    L’arme du pétrole – avec les privilèges qu’elle confère – est brandie par M. H. Chavez. Il menace même d’ignorer, désormais, les organisations internationales (F.M.I.,  Banque mondiale,  taxées d’être aux ordres de Washington) acceptant peut-être de rejoindre la Communauté andine des nations (C.A.N) … pour qu’elle tourne le dos aux Etats-Unis.

    Ainsi, les hydrocarbures suscitent, en Amérique latine, un mouvement d’émancipation vis-à-vis de la « grande sœur d’Amérique du nord », hier dominante sur le continent sud américain.

    2000 à 2050 ? L’immense fortune des petits pays producteurs de pétrole

    Les mini Etats arabes producteurs de pétrole bénéficient de l’explosion de leurs revenus. Fort intelligemment, ils gèrent cet afflux de liquidités – mesuré en centaine de milliards de dollars – en le plaçant au service du futur, lorsque, sous le sable, ne sera plus qu’un sous-sol stérile.

    Localement ils développent des activités compatibles avec la dimension de leur territoire et les aptitudes de la population (finance, tourisme, quelques industries de pointe) mais, surtout les Emirats investissent à l’extérieur en participant, financièrement, à des entreprises minières, industrielles, touristiques, afin d’en tirer des revenus compensant le manque à gagner dû à l’épuisement des hydrocarbures.

    Quelques exemples illustreront le propos :
    Abu Dhabi a construit une fonderie d’aluminium, consacré des milliards de dollars à la réalisation d’ensembles  immobiliers  destinés  à attirer les touristes. Une ligne aérienne nationale les transporte et un nouvel aéroport les accueille. Dubaï exploite conjointement une mine de bauxite (3 milliards de dollars d’investissement en Afrique) crée un vaste centre de loisirs, participe au capital d’industries d’armement (Daimler-Chrysler, Doncaster).

    « Projet « Palm island » à Dubaï »

    Sa compagnie aérienne opère à partir d’un vaste aéroport destiné à être une des « plaques tournantes » du trafic aérien international . Emirates va ainsi être richement dotée, avec 43 Airbus 380 et une centaine de biréacteurs modernes. Dubaï a investi 11 milliards de dollars dans l’habitat indien, l’urbanisation de ce grand pays étant inéluctable, entre dans le capital du Nasdaq américain et a rejoint le Qatar pour s’approprier 48 % du capital de la prestigieuse Bourse de Londres. Pour sa part, le Koweït finance la Bristish Petroleum, la Royal Bank of Scotland, des firmes industrielles allemandes et britanniques, construit et gère des aéroports internationaux… Bref la rente pétrolière grossie, détournée de nouvelles prospections, est affectée, maintenant, au financement d’activités extérieures en étant peu à peu substituée au commerce des hydrocarbures.

    Parce qu’il s’agit de sommes considérables, l’économie générale du monde en est modifiée. Ces participations ou ces prises de contrôle financier pèsent sur la vie politique et économique des pays bénéficiaires de cet afflux de liquidités mais également atteints dans la gestion d’un patrimoine ou d’un potentiel de production national dont ils ne sont plus maîtres.

    Cette revue sommaire de ce que l’on pourrait appeler les « actes des hydrocarbures » montre que cette forme d’énergie a façonné les relations internationales et, en maintes occasions, sinon en permanence décidé du comportement des gouvernements et cela dans tous les domaines. L’autre forme d’énergie, celle que fournit la désintégration de la matière, et qui relève de la géopolitique, a également exercé sur les peuples une « dictature » analogue mais, évidemment d’un autre ordre.

     

    I.b – L’emprise de l’atome sur l’humanité

    Hiroshima : 6 août 1945

    Le mois d’août 1945 inaugure un nouveau rapport de force entre les nations. Hier, le charbon, le fer, l’industrie lourde faisaient la différence. Depuis Hiroshima le traitement de l’uranium et le laboratoire distinguent les nantis des autres.

    L’atome « militarisé » a mis fin à une guerre d’extermination qui avait duré six ans, mobilisé les combattants par millions et accumulé les ruines et les victimes, plus de 50 millions. En novembre 1945, Albert Einstein écrivait : « Comme je ne peux prévoir que l’énergie atomique ait, d’ici longtemps, des applications bénéfiques, je dois dire qu’actuellement, elle constitue une menace. Peut-être est-il bon qu’il en soit ainsi. Cela peut intimider les êtres humains et les conduire à mettre de l’ordre dans leurs affaires internationales car, sans la pression de la peur, ils ne sont pas capables de le faire ».

    La pression de la peur ? Elle s’est exercée dans le bon sens. Après Hirsohima et pour une durée indéterminée, l’atome « militarisé » a neutralisé les privilèges qu’accordaient un territoire de vaste étendue, une riche démographie, et les gros bataillons qu’elle permettait, l’industrie lourde, des positions stratégiques favorables. La puissance repose sur d’autres critères qui doivent
    moins à l’ordre naturel qu’à la volonté politique et à la capacité scientifique. Dans ce cadre géopolitique nouveau l’atome « militarisé » a eu aussi un bilan bénéfique. Il a imposé le statu quo entre les forces de l’OTAN et celles du Pacte de Varsovie, joué le même rôle dans le différend sino-russe des années cinquante, interdit à nouveau le recours à la force entre l’Inde et la Chine, puis entre l’Inde et le Pakistan après deux guerres meurtrières disputées avec des armements classiques.

    1949.  Les Etats-Unis perdent le monopole de l’atome « militarisé », l’URSS ayant procédé à ses premières expérimentations. D’autre Etats vont s’engager dans la compétition : Grande-Bretagne (1952), France (1960), Chine (1964), Israël (1965), Inde (1974), Pakistan (1998), Corée du Nord (2006). Bien d’autres encore, pourraient suivre en partant de la production des centrales nucléaires leur fournissant de l’énergie commercialisable, à commencer par l’Iran.

    1952   Première bombe dite à hydrogène expérimentée par les Etats-Unis en octobre, l’URSS disposant d’un projectile thermonucléaire en 1954, la Chine en 1967, la France en 1968 et l’Inde en 1998.

    1958   Le sous-marin « Nautilus », de la marine américaine, passe sous la calotte glaciaire, au pôle nord, et annonce une ère stratégique nouvelle et sans précédent : le trinôme sous-marin, missile balistique et ogive nucléaire forment une arme décisive pratiquement invulnérable faute de pouvoir la localiser dans l’immensité océanique. Cette ère nouvelle commence avec le début des années 60.

    1962 Les Etats-Unis ayant installé des fusées Thor et Jupiter en Turquie (et Italie et Grande-Bretagne) Moscou en déploie d’analogues à Cuba cherchant à la fois à occuper Berlin ouest et à obtenir le retrait des fusées qui menacent le sud de la Russie sans qu’il existe, à l’époque, une parade.

    Fidel Castro et Nikita Khrouchtchev "Nous ferons tout pour soutenir Cuba."

    Grave épreuve de force qui inquiète le monde et dont il est courant de dire aujourd’hui qu’une guerre mondiale fut évitée de justesse. La réalité est autre. C’est justement à cause – ou plutôt grâce – au déploiement, de part et d’autre, de sous-marins lance-missiles qu’un échange de coups nucléaires était impossible, aucune des deux parties ne sachant où frapper pour paralyser ou stopper l’agression. La crise a été exploitée à des fins de politique intérieure par l’équipe Kennedy (le président et son frère) faisant croire que la non-guerre reposait sur leurs talents diplomatiques. La Maison-Blanche retirant ses fusées de Turquie, le Kremlin retira les siennes de Cuba, l’échange mettant fin à la crise.

    1963.  Signature, à Moscou, du traité interdisant les essais nucléaires dans l’atmosphère. (La France, la Chine, l’Inde n’ont pas adhéré au traité, la France en respectant ultérieurement les clauses).

    1968.  Les Etats-Unis, l’URSS et la Grande-Bretagne signent le traité de non prolifération (TNP) en faisant la part des Cinq, ayant réalisé des essais avant janvier 1968 (Etats-Unis, URSS, Grande-Bretagne, France, Chine) et les autres Etats auxquels les Cinq s’engagent à ne pas fournir des armes nucléaires ou de les aider en s’en doter. Valable pour 25 ans, ce traité sera prorogé sans limite mais inégalement respecté.

    Cérémonie de signature. La négociation du Traité de non-prolifération des armes nucléaires s'est achevée en 1968. Sur cette photo prise le 1er juillet de cette année, l'ambassadeur des États-Unis Llewellyn Thompson (à gauche) signe le traité à Moscou avec le ministre soviétique des affaires étrangères Andreï Gromyko. Assiste à la scène, parmi les membres de l'ambassade des États-Unis et les représentants soviétiques, le Premier ministre soviétique Alexeï Kosygin (troisième à partir de la droite). (AP Wide World Photos)

    1972.  Autre accord  – bilatéral cette fois – entre Washington et Moscou. Ce premier accord sur la limitation des armements stratégiques porte également sur la restriction des armements  anti missiles, les deux parties fondant leur sécurité mutuelle sur le fait que l’une et l’autre demeurant vulnérables à une agression déclenchant d’imparables représailles. Encore une situation, historiquement, sans précédent. (En 1967, le stock américain culminait à 32 500 ogives nucléaires et le soviétique à 45 000 en 1986, incroyable potentiel de sur-annihilation, confinant à l’absurde). 

    1986.  Signature du traité de Washington par lequel Russes et Américains démantèlent respectivement leurs armes nucléaires de portée intermédiaire (de sites de lancement de missiles de croisière), les engins Pershing à l’Ouest, des SS 20, SS 4, SS 5 et SS 22 et 23 à l’est).

    1996  En septembre signature du traité d’interdiction complète de tous les essais nucléaires (TICEN). Il est signé par les Cinq mais, en 1999, le Sénat américain refusera de le ratifier. Démantèlement du Centre d’essai du Pacifique et recours à la simulation en ce qui concerne la France (et les Etats-Unis, lesquels cependant, n’ont pas fermé leur Centre du Nevada).

    1998  Nouveaux essais indiens en mai et pakistanais en juin, le TICE n’est pas appliqué et la Corée du Nord négocie l’achat de deux réacteurs nucléaires dans le même temps qu’elle aborde la filière des centrifugeuses  selon les conseils du professeur pakistanais A.Q. Khan.

    Abdul  Qadeer Khan, fondateur du programme nucléaire pakistanais. (AP Wide World Photos)

    S’il en était besoin le traitement infligé à l’Irak par les Etats-Unis a justifié aux yeux des dirigeants nord-coréens, le recours à l’atome « militarisé » national. Au cours des années 80 et en fonction de l’affaiblissement de l’allié soviétique le directeur d’une usine de traitement du minerai d’uranium, Kim Dae Ho fit campagne « pour fonder la réunification sur la mise au point de l’arme atomique ». On sait, maintenant, que dès le début des années 60, la petite communauté scientifique de Corée du Nord s’intéressa à la science de l’atome. Elle recruta un chimiste japonais Lee Sung Ki qui avait d’ailleurs été enlevé aux siens lors des hostilités de Corée (1950 – 1953) et qui s’est mis au service de Pyong Yang. De son côté Moscou aida la Corée du Nord, les universités soviétiques spécialisées  accueillant plusieurs dizaines d’étudiants nord-coréens en atomistique. Ajoutons que le programme intitulé « Atom for peace » annoncé en 1955 par le président Eisenhower fut également un stimulant pour le régime de Pyong Yang, les techniques de l’atome étant largement divulguées.

    Accédant peu à peu à la puissance les Etats émergents d’Asie se sont naturellement tournés vers les sciences de l’atome dans le même temps que s’en détournaient les « anciennement  industrialisés » en Occident. Ainsi en zone Asie-Pacifique, la Russie par la Sibérie, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord sont des Etats possédant le savoir conduisant à l’ « atome militarisé ».
    La Chine doit à Hiroshima une révélation qui se montra décisive. Séculairement assurée sinon de sa supériorité, du moins d’une civilisation n’ayant rien à envier à l’extérieur, force lui fut de constater que c’est la science occidentale et non la sienne qui a maîtrisé la désintégration de la matière. D’où une révolution des vieilles certitudes et la préparation d’une nouvelle Chine regardant différemment l’Occident industrialisé et prête à emprunter les mêmes voies pour accéder à la toute puissance.

    Dans un tel environnement, on saisit les ressorts  de la démarche
     iranienne. Il est probable que la diplomatie américaine n’a jamais été confrontée à un problème aussi complexe que celui que lui pose l’Iran contemporain et son
     programme nucléaire. C’est que les acteurs du conflit sont nombreux, imprévisibles, rivaux, à la fois coopérants et adversaires.

    Qu’on en juge :
    -D’abord le pouvoir – avec ses rivalités internes  – qui siège à Téhéran.
    -Puis, les chiites d’Irak alliés de circonstance  des Etats-Unis dans le cadre de la « démocratie », les sunnites  irakiens, tantôt poursuivis, tantôt courtisés ; les minorités iraniennes  hostiles  au pouvoir central ; le Pakistan ravitaillant en armes les opposants  au régime des mollah et l’Etat hébreu « travaillant » les Kurdes d’Iran et, naturellement refusant un échange de bons procédés : démantèlement  de Dimona (en Israël) parallèlement à la destruction des usines de Natanz et de Arak (en Iran).

    Les autorités irakiennes ont vivement démenti les informations de la chaîne britannique BBC 2 selon qui des instructeurs israéliens formeraient des soldats kurdes en Irak, mais elles n’ont pas été en mesure d’expliquer les témoignages et les images recueillis.
    Le magazine « Newsnight » du 19 septembre 2006 avait présenté des images exclusives de vastes installations et de ces entraînements. Interop et Colosseum, deux sociétés israéliennes de mercenariat serviraient de couverture à cette activité de Tsahal. Les officiers transiteraient par Djibouti pour masquer leur origine.

    Enfin, par-dessus  ces ambitions, ces démarches  et ces contraintes, il faut aussi tenir compte des intérêts de la Russie et de la Chine, et aussi de l’Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Turquie. C’est beaucoup exiger de Mme C. Rice,  Secrétaire d’Etat de M. Bush, traitant le dossier iranien.
    Mais il faut aussi prendre l’Histoire en considération et le lourd contentieux irano-occidental. Au début de la Seconde Guerre mondiale les Britanniques et les Soviétiques envahissent l’Iran. Les premiers occupent le sud (route des Indes) et le second, le nord (Caspienne méridionale). Ils ne se retireront qu’en 1942.

    Précédemment ont été brièvement rappelées les deux interventions anglo-saxones dans les affaires de l’Iran et dont Mossadegh, puis le shâh Reza Palevi furent les victimes… et Khomeiny le bénéficiaire.

    Comme le serait la présidence  américaine, dix ans plus tard, obsédé par les approvisionnements en pétrole, Giscard d’Estaing allait non seulement donner une certaine autorité aux appels à la révolte de Khomeiny mais, auparavant, il avait conclu avec le shâh – invité à Paris en 1974  – un accord de coopération pétro-nucléaire. Paris fournirait à Téhéran 5 centrales nucléaires et 1e réacteur de recherche en échange d’un prêt de 1 milliard de dollars destiné à la réalisation du projet Eurodif (enrichissement de l’uranium naturel pour en faire un combustible capable d’alimenter les centrales nucléaires). L’Iran devait obtenir, annuellement, 10 % de la production d’Eurodif. Une société franco-iranienne, Sofidif participerait à 60 % au capital du CEA et pour 40 % à celui de l’Agence iranienne de l’énergie atomique ; la Sofidis disposerait de 25 % des actions d’Eurodif.

    1974 - Giscard et le Shâh D'Iran
    Centre nucléaire de Marcoule (Gard) le 28 juin 1974 : Le Président de la République française, Valéry Giscard d'Estaing, et son premier ministre Jacques Chirac reçoivent le , souverain d'Iran. Quelque temps plus tard, un accord est conclu pour financer la construction d'Eurodif, usine d'enrichissement d'uranium, absolument indispensable pour alimenter les 58 réacteurs nucléaires que la France va construire.

    C’était préparer l’Iran à devenir une puissance nucléaire à part entière. (Un an plus tard Giscard allait réitérer avec l’Irak. Saddam Hussein, reçu à l’Elysée, en sortait pour déclarer : « que l’Irak allait devenir la première puissance nucléaire arabe ». On connaît la suite).

    Mais, une fois au pouvoir, Khomeiny renonça à l’accord Eurodif  et réclama le remboursement du milliard de dollars. Paris commença par refuser et gela les comptes franco-iraniens d’autant que Téhéran entendait rester dans le capital d’Eurodif  tout en obtenant le remboursement du prêt. Paris argua de la rupture du contrat mais, jusqu’en 1984 les négociations échouèrent. N’ayant pas encore la « bombe », Téhéran disposait de l’arme du terrorisme : prise d’otages, attentats à Paris en mai 1986, enlèvement à Beyrouth de 4 journalistes, explosion dans le TGV Paris-Lyon, attentats aux Champs-Elysées  et en septembre 1986  5 bombes explosent encore à Paris. Le gouvernement français se résigna à rembourser en 3 tranches de 330 millions de dollars. Mais chaque retard dans le paiement fut sanctionné par un nouvel attentat. Les otages furent libérés entre juin 1986 et janvier 1987, mais Georges Besse, artisan d’Eurodif, avait été assassiné (17 novembre 1986) ainsi que le général Audran. Aussi est-il risqué de vouloir « sanctionner » l’Iran. Il semblerait que Washington le sache si Paris l’ignore. Vis-à-vis de l’Iran, la politique pétro-atomique  de Giscard d’Estaing avait déclenché une vague d’attentats – et ses dizaines de morts et ses centaines de blessés. L’année suivante une politique analogue conduite  avec l’Irak, puis relayée par les Etats-Unis aboutira au chaos actuel.

    Aujourd’hui, les Iraniens constatent que des forces armées des Etats-Unis sont stationnées à leurs frontières occidentales  (en Irak) et orientale (Afghanistan) et qu’au nord, à cause des richesses  énergétiques de la Caspienne, les Occidentaux sont aussi au nord, tandis qu’au sud, croisent les navires de l’US Navy. Cet encerclement  rapproche la population iranienne de ses dirigeants, fussent-ils extrémistes.

    Aussi, M. Ahmadinejad  exploite-t-il  aisément les faiblesses des Etats-Unis, tenus en échec en Irak, en Afghanistan et au Liban. Il assistait aux récentes réunions du groupe de Shanghaï et fit cause commune en Amérique latine, avec les régimes opposés à Washington.

    M. Ahmadinejad et Hugo Chavez

    En gagnant du temps, Téhéran peut envisager un « accommodement » comme celui qui vient de permettre à la Corée du Nord de ne plus figurer sur « l’axe du mal », tout en conservant la demi-douzaine de « bombes A » qu’elle détiendrait  ou qu’elle pourrait assembler avec le plutonium déjà produit. La Maison-Blanche a un extrême besoin de «succès » diplomatiques, même chèrement payés et Téhéran en tirerait parti en se prêtant à un compromis. Ce serait, semble-t-il, la position de l’organisation de l’énergie atomique de Vienne (due à la grande sagesse dont fait preuve son directeur, M. El Baradei).

    M. El Baradei

    On y admet qu’en 2020 la consommation  électrique de l’Iran atteindrait 56.000 mégawatts dont 7.000 grâce aux Centrales nucléaires du pays. Et le président iranien, Mohamed Khatami déclarait : … « Si nous voulons produire 7.000 ou 10.000 mégawatts d’électricité nucléaire, nous ne pouvons dépendre des autres pour le combustible des centrales  atomiques ».

    Et d’annoncer que l’Iran n’était pas isolé, qu’il avait reçu de la Chine 1000 kg d’hexafluorure d’uranium et aussi des centrifugeuses  G 2 tournant à des vitesses supersoniques, mises au point par le consortium Urenco (Anglo-germano-hollandais) tandis qu’il négociait toujours avec la Russie pour l’alimentation de la centrale nucléaire de Boucheir.

    « Une guerre préventive contre l’Iran est une ultime option qui ne peut être écartée (estimait le sénateur Joseph Lieberman)… mettre des armes nucléaires entre les mains  d’un gouvernement qui croit et dit ce qu’il dit des Etats-Unis est dangereux ».

    Et voici quatre ans qu’outre-atlantique  on se préparerait à cette guerre bien qu’elle ajouterait à l’insécurité générale du monde et au déclin moral des Etats-Unis.                
    La concomitance  de l’obsession pétrolière – pour le développement  – d’une part et l’atome militarisé  pour la sécurité dans l’indépendance, d’autre part, ont plongé l’humanité dans la division, le désordre, le chaos, la guerre, le terrorisme d’Etat et de groupe, compromettant à la fois la course à la prospérité et l’aspiration à la sécurité.

    II  - Le règne des nouvelles techniques d’information et de communication

    Tous les gouvernements  cherchent à s’assurer sinon le contrôle, du moins l’utilisation intensive des TIC afin de justifier leur politique et d’y rallier l’opinion.
    La pratique croissante  de la démocratie – ou d’un simulacre de démocratie – implique le recours généralisé aux TIC, instruments normaux de l’exercice du pouvoir, quel qu’il soit.

    La puissance  d’information – et plutôt de désinformation –  des TIC est telle qu’elle permet au pouvoir qui maîtrise ces techniques de créer un monde virtuel aux agencements conformes à ses intérêts.Spéculant sur la complexité de la plupart des grandes affaires nationales et internationales, les gouvernements sont en mesure d’en donner l’image simplifiée, plus intelligible mais déformée, voire trompeuse qui leur convient.

    Faire la part de la désinformation est malaisé, et la confusion entre la réalité et l’artifice fait le jeu des pouvoirs.

    Relativement récente, l’addition de l’image télévisée à l’écrit et au son, s’est révélée décisive. Grand est son pouvoir de simplification, la succession rapide d’images supprime la réflexion et lui substitue une sensation subjective.La photographie d’un fait ou d’un événement en certifie l’authenticité, le téléspectateur y croit bien qu’à son insu, l’image peut être perfide, trompeuse,et  « fabriquée ».

    La rétention d’images est une forme passive de la désinformation particulièrement  efficace, d’autant qu’elle peut apparaître innocente. Aléatoire est devenue la pratique de la démocratie. D’une part, le pouvoir de persuasion des TIC permet de contourner la réalité et de faire approuver des dispositions conformes au monde virtuel que ces techniques  peuvent créer, d’autre part l’image télévisée a inauguré l’intrusion du « crédit de faciès » dans la vie politique.

    L’aspect physique  d’un cadre politique – silhouette, visage avenant – décide de sa carrière. Ses invisibles capacités  n’entrent plus dans l’équation politique quotidienne comme jadis, l’intelligence, la rigueur morale, la compétence, l’éloquence ; seuls comptent « l’extérieur » et la fréquence des images de sa personne.La popularité, c’est-à-dire en définitive, l’accès au pouvoir est fonction du « paraître ».

    Il faut être vu à l’écran le plus souvent possible, entrer ainsi dans un grand nombre de foyers et y racoler les suffrages de l’électeur.Ainsi le vedettariat cinématographique  est-il devenu la condition de la réussite politique. La manipulation des TIC est parfois conduite  de manière cocasse.C’est  ainsi qu’à la veille des opérations militaires préparées par l’Allemagne et visant la dislocation de la Yougoslavie, une officine américaine  de publicité avait trouvé profit à passer de la propagande  touristique en faveur de la Croatie en instrument de propagande  au détriment de la Serbie. Et comme un journaliste français (1) s’en montrait surpris, il lui fut répondu que c’était un moyen de gagner beaucoup d’argent…
     D’ailleurs, cela n’a pas d’importance car au moins un Américain sur deux ne sait où, en Afrique, est la Bosnie ».

    La guerre d’Irak, le traitement de sa malheureuse  population ont été justifiés en usant du mensonge délibéré (sur l’existence d’armes de destruction massive introuvables) de même que l’opinion publique avait été « préparée » à l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie par une campagne préalable de diabolisation des Serbes.

    En France, la récente élection présidentielle  a mis en évidence la puissance du TIC, et plus particulièrement celle de l’image télévisée.Près de la moitié du corps électoral français a été séduit par l’aspect physique d’une candidate que rien ne désignait vraiment à l’exercice des plus hautes fonctions.Elle a été le produit de l’image télévisée.Dans le cadre d’un système électoral où le racolage – démagogique à souhait – vise des millions de suffrages, les TIC sont, évidemment prépondérantes. Et le « crédit de faciès » déterminant.

    « Racolage électoral »

    Autre aspect inattendu, et comparativement secondaire  des interventions des TIC dans la vie de la société : son rôle dans le marché de l’art. Ce n’est plus sa valeur réelle  qui caractérise une œuvre d’art mais son prix d’achat. Une planche barbouillée  de vert acide, rose tendre et bleu pâle demeure un morceau de bois aussi longtemps que les TIC ne décident pas qu’elle est une œuvre d’art, mise en vente plusieurs millions de dollars. Et plus la somme est élevée, plus grand est l’art. Démarche normale  en fin de civilisation après des siècles au cours desquels le beau a été exploré sur toutes ses formes si bien qu’au contemporain il ne reste que l’incongru et le laid comme champ d’action. Grâce aux TIC et à leur pouvoir de persuasion ce domaine est à la fois vaste et rémunérateur.

    IIIAffrontement des « anciens industrialisés » et des nouveaux émergents

    Le XXIème siècle  est manifestement celui du retour, aux sommets de la puissance, des peuples de la zone Asie-Pacifique. La substitution de leur civilisation à celle qui, à l’Ouest, domina le monde durant des siècles ne se fera pas sans douleur.

    Évolution du secteur des semi-conducteurs

    Ces données permettent d'appeler l'attention sur deux phénomènes :

    - la place croissante de la zone Asie-Pacifique (hors Japon),

    - et la relative sous-consommation de l'Europe en semi-conducteurs, qui, avec plus de trois fois la population du Japon et près d'une fois et demie la population des États-Unis, représente une part inférieure du marché.

     En effet, la mutation des pôles de puissance s’effectuera dans un environnement de crise : à la raréfaction, puis à l’épuisement des énergies fossiles (hydrocarbures) accélérés par les besoins du développement asiatique et par l’accroissement général de la population, s’ajouteront l’insuffisance des ressources en eau potable et aussi les exigences de la sauvegarde du milieu naturel. D’où d’éventuelles tensions, voire des différends  meurtriers, les peuples se disputant des ressources inégalement réparties ou devenues insuffisantes.

    Milliardaires  en vies humaines, Chine et Inde empruntent, pour leur développement, la même voie que celle qui fut suivie par l’Occident, terme général englobant ici essentiellement l’Europe et l’Amérique du Nord. En marche, elles  prennent le train du progrès tel qu’il a été conduit pendant deux siècles dans le cadre de la « civilisation industrielle » euro-atlantique.

    Rassemblant, dans moins d’un quart de siècle, quelque 3 milliards d’habitants,  soit la moitié de la population mondiale  d’aujourd’hui, Chine et Inde détiennent un formidable potentiel de travail, avec près d’un milliard d’actifs.

     Et cela ne relevant que  de deux gouvernements. C’est dire la très grande capacité  de production de ces deux Etats dominant déjà les autres en zone asiatique, ne serait-ce  que par leur masse et les privilèges qu’elle confère. En théorie ces deux peuples seraient en mesure de satisfaire, sinon tous les besoins  du monde en produits de consommation  courante, du moins en équipements, limitant par des coûts de fabrication très bas toute production -ou presque- hors de chez eux.
    A l’Ouest nous nous habituons mal aux grands chiffres, communs  en Asie Pacifique. Milliardaires  en vies humaines, Chine et Inde peuvent se permettre d’afficher des ambitions surprenantes  qu’ils étayent sur de vastes réalisations. Tous a été dit et écrit sur les taux de croissance  à deux chiffres,  les énormes réserves de change, mais aussi les conditions d’existence précaires de centaines de millions d’habitants, aussi bien en Chine qu’en Inde.

    Rappelons  quelques unes de ces ambitions et de ces réalisations :

    • Pékin s’est donné comme  objectifs de construire 30.000km de voie ferrée d’ici à 2020, et aussi 35.000km d’autoroutes, d’urbaniser la population à 45% , de créer annuellement 15 millions d’emplois. En quête d’énergie, sous  toutes ses formes, le gouvernement chinois a envisagé la construction de quelque 30 centrales nucléaires parallèlement aux gigantesques barrages construits pour utiliser le réseau hydraulique du pays.

    Chine : Barrage des Trois Gorges

    Il s’agit, chaque année, de multiplier par 7 la production d’énergie électrique (et de construire 8 centrales thermiques  mensuellement). Et aussi, de l’aménagement  de 30 nouveaux aéroports, de reloger les ruraux dans 400 villes nouvelles de chacune 1 million de nouveaux citadins, en moyenne. Il s’agirait également  de porter la classe moyenne, une centaine de millions, à au moins 200 millions en dix ans, en sachant que 130 millions vivent avec l’équivalent de 1 dollar/jour et qu’il faut aussi, simultanément améliorer leur sort. Egalement ambitieux, sont les projets et les réalisations de la Chine en ce qui concerne l’espace  et l’armement en envisageant, dès maintenant d’y occuper la 3ème place derrière les Etats-Unis et la Russie…avant de les devancer.

    La population de l’Inde, d’ici une trentaine d’années, aura dépassé, numériquement  celle de la Chine. A la différence de celle-ci, elle bénéficie dans ses relations  avec les « anciennement industrialisés », de la présence prolongée des Britanniques. Une des formes de sa richesse est la jeunesse  de sa population, un Indien sur deux aurait moins de 25 ans (soit 550 millions).

    Comme la Chine  elle comporte une forte classe rurale -700 millions- travaillant des parcelles  de petites dimensions  et avec des moyens  encore rudimentaires, si bien qu’il y a migration vers les villes … et la nécessité  d’en créer de nouvelles, par centaines. Cette « armée de réserve », en Inde comme en Chine, peut servir de « régulateur des salaires », les ruraux étant admis à la ville lorsque les salaires  augmentent.

    Mais l’Inde apporte  à la coopération internationale une importante main- d’œuvre, très qualifiée, aux traitements modestes.

    Par exemple, par dizaines  de milliers, annuellement, des ingénieurs, ou encore 12 à 15 000 docteurs en chimie. Et aussi des milliers de spécialistes travaillant dans les TIC, l’Inde  exportant, en outre, pour plus de 10 milliards de dollars, chaque année, des logiciels et des systèmes de gérance à distance. Aussi, entre-t- elle victorieusement dans l’ère post-industrielle. Mais sans pour autant négliger les industries  de main-d’œuvre. La puissante  firme TATA MOTORS n’envisage-t-elle pas de fabriquer en grande série, des voitures automobiles qui seraient vendues moins de 2 000 Euros l’unité ?

    A côté de l’énorme potentiel de production que représentent, maintenant –productivité croissante  aidant- les quelque 2 milliards de productifs mondiaux, les TIC ont joué leur rôle et facilité la mondialisation des échanges.

    Les « anciennement industrialisés » ont visé le marché mondial, et pour ce qui nous concerne ici, celui des grandes puissances émergentes de la zone Asie-Pacifique avec ses 3 milliards de consommateurs.Sans trop se soucier qu’il y a parmi eux aussi, plus d’un milliard d’actifs -et même de « sur-actifs »- comparés aux normes du travail « occidental ».En retour il fallait donc s’attendre à subir les effets d’une concurrence  faussée par les coûts d’une main-d’œuvre  encore longtemps peu rémunérée bien qu’aussi qualifiée.

    La conquête  de ce vaste marché, ne serait-ce que d’une fraction, a imposé des transferts de technicité qui ont contribué à accroître la qualité de la production locale tandis que celle-ci, exportée vers les marchés des « anciennement industrialisés » y figeait, puis y stérilisait la production, modifiant l’assiette de leur économie.

    Au cours des dernières années, les unes après les autres, de nombreuses  activités industrielles  et commerciales des « anciennement  industrialisés » ont cessé, ou ont été préparées à renoncer faute d’être en mesure de produire à des prix rivalisant avec ceux pratiqués en zone Asie-Pacifique.

    Usine textile en Chine

    Ce fut le cas des textiles, de l’habillement, de l’industrie du jouet, de celle de l’électronique  ménagère, des ordinateurs, des constructions navales, et ce sera aussi le cas du matériel ferroviaire, de la pharmacie, des services à distance, de l’aéronautique, des techniques de l’atome, de l’espace.

    Lenovo, le constructeur chinois d’ordinateur s’est fait connaître en rachetant la division PC à IBM fin 2004 pour 1,25 milliard de dollars.

    Avant de mettre la clé sous la porte, les « anciennement  industrialisés » ont tenté des délocalisations en Europe, vers l’Est ou vers le Sud mais sans pouvoir rejoindre les conditions de production de la zone Asie-Pacifique et en ajoutant au chômage local.

    Si, demain, ainsi que c’est annoncé, la Chine et l’Inde exportent leur production automobile, mettant sur le marché  des voitures vendues entre 1700 et 3500 euros, personne sur ce versant du monde, ne pourra relever un tel défi.
    Encore moins outre-atlantique  où, déjà, la production automobile japonaise menace une industrie américaine qui fut mondialement majeure.

    Si, comme le déroulement  des événements le donne à penser, l’innovation et la production dont se montre capable la zone Asie-Pacifique en venait à dominer celles de l’Occident, celui-ci serait tenu de s’accommoder d’une sorte de colonisation économique, ne vivant que de l’exploitation de son rayonnement et de sa splendeur passés. D’abord une économie de services puis perdant pied dans ce domaine également, des activités secondaires dépendant des loisirs des futurs trop riches.

    Le charbon d’abord, le pétrole et le gaz naturel ensuite, autrement dit des formes d’énergies puisées dans la nature, à relativement bon compte, ont puissamment contribué à façonner la société occidentale, et dans la foulée, fort inégalement, le reste du monde.Et ce qui a été ainsi accompli aux cours des deux derniers siècles est irréversible. Si l’Occident faiblit, l’Asie-Pacifique reprend le flambeau permettant, et sans  doute amplifiant, ces acquis.

     Le XXIè siècle est celui de la mutation d’une énergie à une autre, laquelle  reste à trouver et à développer. Ce sera l’objectif de la seconde moitié du siècle  et la question se pose de savoir ou naîtra cette énergie, ou plutôt, où naîtront ces énergies de remplacement, sur quel versant du monde ?

    Qui, initialement  du moins, en aura le monopole ?

    Et à quel prix ces énergies nouvelles seront-elles  commercialisées, déterminant une nouvelle forme de société ?

    Au cours des deux derniers siècles, de plus en plus exploitées, les énergies naturelles disponibles ont donc contribué –fort inégalement, certes- à l’amélioration générale des conditions d’existence. Mais dans le même temps Pétrole et Gaz naturel ont provoqué, de graves conflits, les non producteurs s’en prenant aux terres de pléthore. En revanche, simultanément, « l’atome militarisé » a figé les tensions évitant qu’elles dégénèrent en guerre d’extermination comme celles qui déchirèrent la première moitié du XXe siècle.

    Mais l’heure de l’épuisement de cette forme d’énergie approche car la demande croissant -50% de plus au cours du prochain quart de siècle- vide les gisements exploités. A cet égard les experts sont pessimistes bien qu’il y aurait encore d’importantes ressources, mais dont il sera coûteux de tirer parti.Avant que la planète ait fourni ses derniers hydrocarbures, ceux-ci seront plus chers. Déjà, au cours de l’année 2006, quelque 200 milliards de dollars ont été dépensés pour trouver dans le monde de nouvelles sources d’énergie.La contraction puis la fin de la rente pétrolière vont bouleverser les économies, et les conditions d’existence des pays producteurs ainsi que leurs rapports avec les Etats grands consommateurs. La Russie a raison de hâter sa montée en puissance, si la Chine et l’Inde seront libérées du poids des importations d’hydrocarbures et les pays producteurs du tiers-monde, à nouveau plongés dans la précarité. Donc, en matière d’énergies, une fin de siècle fort différente, politiquement, de ses débuts.
    Enfin, autres caractéristiques  du temps présent et des prochaines décennies, l’affrontement socio-économique  des « anciennement  industrialisés » et des « grands émergents » tourne à l’avantage de ces derniers.

    Les dépenses militaires des USA depuis 1998

    Ils marquent des points dans la guerre économique tandis que les premiers, sous l’égide des Etats-Unis, en restent à l’épreuve de force pour tenter de pérenniser leur prédominance.

    Pierre M. Gallois 5 octobre 2007 http://www.lesmanantsduroi.com

  • Le piège technologique de la cyberguerre

    Le prochain numéro de la  dirigée par Jeremy Ghez porte principalement sur la cyberguerre. Infoguerre publie un extrait de l’article que Christian Harbulot a rédigé dans ce numéro spécial.

    Par Christian Harbulot

    La cyberguerre est née dans la confusion des genres (1) illustrée par la terminologie qui a fleuri ces dernières années : « cyberespace, cyberguerre, cyberdéfense, cyberstratégie, cyberattaque, cyberhacktivisme, cybercriminalité ». L’absence de doctrine française (2) sur le sujet entretient un flou conceptuel qui freine la prise de conscience des principaux intéressés (appareil militaire, structures de sécurité, acteurs économiques, société civile).

    Lorsque le pouvoir politique ne saisit pas l’enjeu stratégique, la problématique se dilue souvent dans des considérations techniques avec, dans le meilleur des cas, quelques avancées sur le terrain défensif.

    La clarification du concept de cyberguerre passe d’abord par une étude détaillée de la conflictualité propre à la société de l’information.

    Cette évidence n’en est pas une. La plupart des spécialistes du sujet ou qui se présentent comme tels prennent le problème à l’envers en partant de l’identification des failles «  des tuyaux » et non de l’analyse des stratégies qui cherchent à les exploiter.

    Cette erreur a déjà été commise lors de l’introduction du char dans les armées entre les deux guerres mondiales. Les responsables de l’armée française accueillirent cette innovation comme un apport technique à la puissance de feu de leurs forces et ne cherchèrent pas à saisir la manière dont l’ennemi allait l’utiliser en le combinant avec l’appui aérien.

    Cet aveuglement n’est pas nouveau et a déjà eu pour conséquence d’aboutir dans le passé à des défaites stratégiques ou tactiques. Les précédents historiques dans l’histoire du XXè siècle devraient pourtant inciter à une certaine prudence.

    Plusieurs conflits militaires de grande et de moyenne intensité ont mis en évidence l’importance déterminante d’une guerre de l’information par le contenu dans les stratégies des belligérants. (…)

    La place du contenu dans la guerre de l’information

    L’influence des Etats-Unis est perceptible dans cette tendance à focaliser les esprits sur le contenant tout en excluant la problématique du contenu ou la reléguant à un impact mineur.

    La volonté de détruire l’ennemi, de le priver de ses capacités de frappe militaire, de limiter son pouvoir de nuisance par une suprématie en termes d’armement incite le mode de pensée militaire américain à privilégier la technologie de la guerre et sa rentabilité. Certains officiers généraux et ingénieurs informaticiens (français en l’occurrence) en charge du dossier portent une responsabilité certaine dans cette tendance à ne cerner que la partie technique de cette nouvelle forme de guerre.

    Les premiers éléments de réflexion sur les marges de manœuvre suscitées par la nature conflictuelle de la société de l’information soulignent le lien indissociable qui existe entre le contenu et le contenant.

    Les conflits militaires qui intègrent la cyberguerre font apparaître une différence d’impact entre les actions sur le contenant et les actions à partir du contenu.

    Lors de la dernière guerre du Liban, les Israéliens ont détruit à distance des sites internet proches du Hezbollah. Mais cette réussite technique a eu peu d’effets par rapport à la photo mondialement connue du jeune enfant tué à la suite d’un bombardement israélien dans le Sud Liban.

    Les commandos du Hezbollah tiraient des roquettes à proximité d’habitations pour exploiter ensuite l’image des victimes des tirs de contre batterie de l’Etat hébreu. Cette guerre de l’information par le contenu a obligé l’armée israélienne à relever ce défi lors de la guerre dans la bande de Gaza face au Hamas. Ce dernier reprit à son compte la ruse du Hezbollah mais en commettant l’erreur de donner l’exclusivité de la prise d’images à la chaîne Al Jezira. Ce regard exclusif sur le déroulement des évènements militaires dans la bande de Gaza eut pour effet de jeter le doute sur la démonstration par les images que les dirigeants du Hamas voulait faire passer dans le reste des médias. (…)

    Les tensions en temps de paix génèrent aussi des actions de guerre de l’information. C’est l’interprétation que l’on peut donner au raid que des pirates chinois mènent désormais chaque année contre des sites japonais pour commémorer les crimes commis par l’armée nipponne (3) contre la population chinoise dans les années trente. Ces actes de piratage informatique sont un message adressé aux actuels dirigeants du Japon qui les traduit comme un acte d’intimidation. Dans cet exemple, le contenant sert de support au contenu. (…)

    Un chemin semé d’embûches

    Le contrôle des tuyaux est-il plus maîtrisable ou plus nuisible que l’information et la connaissance qu’ils véhiculent ?

    Cette question est au cœur de la problématique de la guerre de l’information. Les informaticiens et les militaires centrés sur le contenant mettent en avant la croissance exponentielle des réseaux, des individus connectés, des produits liés aux technologies de l’information.

    Cette  masse critique leur donne la légitimité dans la prise de parole et le cadrage de l’expertise.

    Il n’empêche que l’histoire des conflits passés et présents relativise le poids de la technologie dans l’issue des affrontements.

    Combien de fois faudra-t-il répéter que le Vietnam, l’Irak et l’Afghanistan ne sont pas des victoires technologiques mais  des situations d’enlisement dans lesquelles la guerre de l’information par le contenu (légitimée par des facteurs historiques et culturels) a joué et continue à jouer un rôle décisif ?

    Notes :

    • Jamel Metmati, capitaine au 40è régiment de transmissions, Une stratégie du cyberespace, le modèle des cyberopérations, revue Défense&Sécurité Internationale n°85, octobre 2012.
    • Constat émis dans le rapport de Jean Marie Bockel sur la cyberdéfense.
    • Le massacre de Nankin de 1937 est un des évènements les plus marquants de la seconde guerre sino-japonaise. Plusieurs centaines de milliers de civils et de soldats ont été tués par les soldats de l’armée impériale japonaise

    http://www.infoguerre.fr/