Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, chers amis et camarades,
Rassurez-vous, je ne serai pas long et je ne répéterai pas, en d’autres termes, les arguments et les faits qui ont été évoqués par mes prédécesseurs à cette tribune. En guise de préambule, je répondrai toutefois à la question récurrente qui nous est si souvent posée, lorsque nous évoquons la possibilité et la nécessité d’un tandem euro-russe sur l’échiquier international. Cette question récurrente est la suivante : Comment cela se fait-il que vous adoptiez cette position favorable à la Russie, alors que, naguère, cette option a généralement été celle des gauches, tandis que vous passez pour les héritiers de la « révolution conservatrice » ? Cette question, que je n’hésite pas à qualifier d’inepte, reflète la confusion incapacitante qui a été sciemment mise dans la tête des Européens de l’Ouest pendant les quatre décennies de la Guerre Froide. Avant cette parenthèse et avant celle du pouvoir bolchevique à partir de 1917, la Russie était considérée comme le bastion de la ‘réaction’ contre les idées de la révolution française en Europe, c’est-à-dire contre les effets dissolvants de l’idéologie libérale, y compris dans sa version anglo-saxonne, smithienne et manchesterienne. Arthur Moeller van den Bruck, figure de proue de la révolution conservatrice allemande après le Traité de Versailles de 1919, traducteur de Dostoïevski et partisan d’une alliance germano-russe suite aux accords de Rapallo entre Rathenau et Tchitchérine (1922), avait écrit que le bolchevisme, en dépit de ses aspects déplaisants, incarnait la même attitude anti-libérale que la Russie tsariste et traditionnelle, mais sous d’autres oripeaux. Ces oripeaux ont été réduits en lambeaux au fil de sept décennies de communisme, jetés aux orties sans état d’âme, si bien que la Russie est redevenue aujourd’hui un bastion de résistance contre l’idéologie libérale de l’américanosphère.
Pour venir au vif du sujet de cet après-midi, abordons maintenant la question du Sud-Est européen. Jean Parvulesco, au beau milieu de la crise balkanique de 1999, me disait que les régions sud-orientales de l’Asie et de l’Europe étaient vitales pour le développement de ces deux continents. L’Indochine, où les principaux fleuves venus du cœur de l’Asie himalayenne viennent se jeter dans l’Océan Pacifique, et les Balkans, entre le cours inférieur du Danube et l’Egée, sont des territoires tremplins, permettant à la principale puissance centre-européenne, comme hier l’Empire d’Alexandre, l’Empire romain, l’Autriche puis l’Allemagne, de se projeter, militairement ou pacifiquement, vers le Proche-Orient, le Golfe Persique, l’Egypte (et le Nil), la Mer Rouge et l’Océan Indien. Pour Parvulesco, il n’y a pas de développement naturel et harmonieux de l’Europe sans une maîtrise pleine et complète de l’espace balkanique, comme il ne pourrait y avoir d’indépendance asiatique réelle sans une maîtrise pleine et complète des cours inférieurs des fleuves qui jaillissent du flanc oriental de l’Himalaya, pour se jeter dans le Pacifique face à l’archipel indonésien, riche en caoutchouc et en pétrole et anti-chambre de l’Australie. Dans son langage vert et rabelaisien, Parvulesco disait textuellement : « S’ils tiennent le sud-est, ils nous tiennent par les couilles ! ». L’histoire nous l’enseigne : il n’y a pas d’Europe puissante possible si des « raumfremde Mächte », des puissances étrangères à notre espace, occupent ou contrôlent, directement ou indirectement, l’ensemble balkanique.
L’Empire ottoman a tenu l’Europe en échec aussi longtemps qu’il a tenu les Balkans. Mais l’occupation ottomane a eu au moins un mérite : celui de donner un sens et un objectif à l’Europe combattante. De Jean Sans Peur, Duc de Bourgogne et Comte de Flandre, aux nationalistes balkaniques des guerres de 1912 et 1913, en passant par le Prince Eugène de Savoie-Carignan, l’Europe, à l’exception de la France, a ressenti comme un devoir de croisade et de reconquista la nécessité de bouter l’Ottoman hors de la péninsule balkanique.
L’Empire ottoman considérait la maîtrise des Balkans comme une étape en vue de conquérir l’Europe entière, à commencer par la « Pomme d’Or », Vienne, que ses armées assiègeront deux fois, en 1529 et en 1683. En vain. Le sursaut, in extremis, a été chaque fois admirable et nous ne sommes pas devenus turcs. L’objectif ottoman était de remonter le Danube, de Belgrade à Budapest et de Budapest à Vienne, puis, sans doute, de Vienne à Linz et au cœur de la Bavière pour faire tomber l’ensemble de l’Europe dans son escarcelle. Aujourd’hui les Etats-Unis installent leur principale base militaire sur le site même de la victoire ottomane de 1389, soit au Kosovo, à partir duquel les Turcs avaient commencé leur conquête de l’Europe.
Les Balkans sont donc un tremplin géostratégique de première importance depuis le Macédonien Alexandre le Grand, depuis les Romains dans leur marche vers l’Anatolie, corps territorial constitutif majeur de l’actuelle Turquie. Dans la perspective actuelle, qui est toujours celle du géopolitologue britannique Halford John Mackinder, théorisée en 1904, la maîtrise des Balkans permet la maîtrise de l’Anatolie, qui permet à son tour de maîtriser le Croissant Fertile et, partant, le Golfe Persique et la Mer Rouge et d’obtenir ainsi une fenêtre de premier ordre sur l’Océan Indien. La maîtrise des Balkans équivaut de ce fait à joindre solidement la « Terre du Milieu » à l’ « Océan du Milieu ». Cette volonté, qui est aussi celle de joindre l’Europe romano-germanique, la Russie néo-byzantine, la Perse et l’Inde, dans un sorte de « chaîne d’Empires » sur le « rimland » méridional de l’Eurasie, a été l’objectif de toutes les « grandes politiques » de l’histoire européenne : de César, qui le théorise avant de succomber sous les coups des Sénateurs romains aux Ides de Mars de 44 av. J. C., de Trajan qui le concrétise près de deux siècles après, de Julien dit l’Apostat qui ira mourir au combat en Mésopotamie, aux Croisades d’Urbain II et Godefroy de Bouillon à l’idée secrète de l’Ordre de la Toison d’Or créé par Philippe le Bon.
A la fin du 19ième siècle, les Européens, dont les Serbes, triomphent enfin de la présence ottomane en Europe orientale. Malheureusement, bien vite, les vainqueurs se déchireront entre eux, créant des animosités inter-européennes qui n’ont cessé de perdurer et qu’exploiteront habilement tous ceux qui voudront contrôler les Balkans, après 1914. Quant aux Turcs, ils essaieront toujours de revenir dans les Balkans, par le biais de l’OTAN, en soutenant les minorités musulmanes de Bulgarie, de Bosnie, d’Albanie et du Kosovo, en créant, comme on l’apprend, des réseaux de lycées turcs en Bosnie. C’était le rêve de Türgüt Özal, qui voulait faire émerger un pôle panturc de l’Adriatique à la Muraille de Chine. C’est le rêve d’Erdogan qui cherche à réaliser les mêmes objectifs mais cette fois par le biais d’un panislamisme dominé par la Turquie. Son discours récent, en février 2008, à Cologne, est très révélateur des intentions d’Ankara. Ne confondons toutefois pas le kémalisme et le pantouranisme. Le Général Mustafa Kemal, que les Turcs surnommeront affectueusement « Atatürk », le « Père de tous les Turcs », se voulait, au départ, sincèrement Européen, dans la mesure où il voulait imposer un mythe hittite à la Turquie défaite et dépecée, qu’il souhaitait par ailleurs désislamiser et désarabiser. Ce mythe hittite faisait explicitement référence à un peuple indo-européen, ayant vécu à la charnière de la proto-histoire et de l’histoire, venu d’Europe, via les Balkans, pour faire face à un environnement non européen en Anatolie et pour pousser sa puissance en direction du ‘dos’ du Croissant Fertile, aux confins septentrionaux de l’actuelle Syrie. De ce mythe, il reste, à Ankara, un impressionnant « Musée hittite », fondé par Atatürk lui-même. Outre ce musée, le mythe hittite de Mustafa Kemal n’a laissé aucune trace dans les projets politiques et géopolitiques de la Turquie contemporaine.
Le pantouranisme exalte une autre orientation géostratégique, si bien qu’on ne peut du tout le confondre avec le kémalisme. Dans le mythe pantouranien, l’Etat turc n’est pas posé comme l’héritier des Hittites qui avancent de l’Egée vers le Croissant Fertile mais l’héritier des hordes seldjoukides venues du fin fond de l’Asie pour s’élancer vers l’Egée, l’Adriatique et le Danube. Le pantouranisme prend forme, au niveau intellectuel, dès le début du 20ième siècle mais atteint son apogée pendant la seconde guerre mondiale, en 1942, quand une large fraction de l’élite politique et militaire turque croit à une victoire prochaine de l’Allemagne hitlérienne en Russie, victoire qui apportera, croit-elle, l’indépendance aux peuples turcophones de l’Asie centrale soviétique. Parmi les jeunes officiers séduits à l’époque par ce pantouranisme ou panturquisme, nous trouvons le futur leader MHP, le Colonel Türkes, dit le « Bazboug », le chef. Les pantouraniens, qui plaçaient leurs espoirs en une victoire allemande, seront jugés en 1945, quand la Turquie, qui avait senti le vent tourner, s’alignait sur les Etats-Unis. Jugement purement formel : quelques semaines après leurs lourdes condamnations, les panturquistes rentrèrent au foyer.
Les mythes hittite et pantouranien ne sont pas des vues de l’esprit, des coquetteries intellectuelles sans grande consistance. Elles reflètent des intentions politiques et stratégiques essentielles, suivies d’effets toujours bien concrets. Ainsi, dans ses multiples ouvrages, essais et articles, Zbigniew Brzezinski, grand stratégiste américain contemporain, auteur du livre programmatique « Le Grand Echiquier », cherche à mâtiner l’idéal pantouranien et un idéal « mongoliste », où il maintient en quelque sorte deux fers au feu : il utilisera le pantouranisme pour séduire les Turcs et détacher le cœur central de l’Asie de l’hégémonie russe, de le balkaniser et de le satelliser pour séparer la Russie de l’Iran et de l’Inde, où pour créer une unité éphémère, ‘gengiskhanide’, toujours remise en question de par sa mobilité incessante et de par les querelles d’héritage, une unité fragile, plutôt une instabilité chronique, qui aurait eu pour fonction de neutraliser les anciens empires de la région, à commencer par le persan ; mais dans cet espace, ce ne sera ni un étatisme ottoman ni un étatisme kémaliste qui devra avoir, in fine, le dessus, mais un « mongolisme », non pas tant animé par la sagesse de Gengis Khan, mais à la façon très négative de Tamerlan, fossoyeur de la Perse si fascinante des 12ième, 13ième et 14ième siècles. L’Asie centrale, faute d’être pleinement satellisable par les Etats-Unis, devra devenir un espace de chaos, un espace « tamerlanisé » ad infinitum, déstructuré faute d’être structuré par une idée impériale solide, visant la durée, la pérennité, à la romaine ou à la persane, à la Witte ou à la Stolypine. C’est une façon de réactualiser les stratégies d’un Richelieu et d’un Vauban, qui avaient cherché tous deux à ‘démembrer’ les frontières de leurs adversaires impériaux ou espagnols ou à plonger ‘les Allemagnes’ dans le chaos, entre une France stabilisée d’une main de fer par le nouvel absolutisme, après la Fronde et la répression des révoltes populaires, et son allié ottoman, bien campé sur le cours du Danube. Dans la perspective actuelle, il s’agit de plonger dans le chaos un vaste espace, correspondant peu ou prou au territoires dominés jadis par Gengis Khan, entre une Union Européenne stable mais ouverte et pénétrée sur le plan commercial et une Chine mise dans l’impossibilité de se trouver des alliés sur la masse continentale eurasienne et prête, dès lors, à accepter à terme une ouverture au commerce américain (projet bien concocté depuis 1848, quand la guerre du Mexique laissait prévoir le statut bi-océanique des Etats-Unis, pierre angulaire de leur puissance planétaire).
A cette imitation, mutatis mutandis, de la stratégie ‘démembrante’ de Richelieu par Brzezinski en Asie centrale correspond la stratégie américaine équivalente dans les Balkans, à l’époque du tandem Clinton/Albright, qui ont créé de toutes pièces les questions bosniaque et kosovare ; cette dernière rebondit aujourd’hui avec la proclamation unilatérale d’indépendance de Thaçi à Pristina. Le Kosovo est la région qui se trouve exactement au milieu de l’ouest de la péninsule balkanique, à l’ouest du massif des Monts Rhodope ; plus exactement de l’ensemble formé par l’Albanie, la Serbie et le Monténégro ; qui tient cette région, comme les Ottomans l’ont tenue, tient l’ensemble de la péninsule et contrôle les routes qui mènent à Belgrade et au Danube, via les vallées de l’Ibar (à Mitrovica) et de la Morava, plus à l’est. Exactement comme la puissance qui tient sous sa coupe la Bosnie tient, à terme, la côte adriatique, qu’elle surplombe, menace l’Italie et domine le cours de la Save qui mène aux frontières de l’Autriche et de la Vénétie. La stratégie américaine a donc réussi à créer, en pariant sur le fondamentalisme musulman et sur certains réseaux mafieux albanais, deux entités politiques hostiles à -et en marge de- leur environnement slave, grec et chrétien-orthodoxe, deux entités à la dévotion des Etats-Unis, de la Turquie et de leurs financiers saoudiens. L’atout stratégique qu’aurait pu constituer des Balkans unis est ainsi perdu pour l’Europe, avec, rappelons-le, la bénédiction d’une intelligentsia médiacratique (et médiocratique…) parisienne, qui, à l’époque de la crise bosniaque, professait un multiculturalisme irréaliste en faveur d’une Bosnie pluri-confessionnelle, posé comme le futur modèle incontournable de l’Europe entière ; en débitant ces discours, cette brochette d’intellos creux camouflait le fait, pourtant patent pour qui sait déchiffrer la ‘novlangue’ des fabriques d’opinion, qu’elle prenait ses ordres, en réalité, de Washington, pour briser, par matraquage médiatique, la solidarité spontanée pour la Serbie qui aurait animée la France.
Dans le Kosovo, la firme Halliburton, où Dick Cheney a de solides intérêts, a construit la plus grande base américaine d’Europe, ce qui confirme bien la volonté américaine de s’y maintenir pendant longtemps. L’objectif est de contrôler les oléoducs et gazoducs qui transitent ou transiteront dans la région ou à proximité, en provenance des rives de la Mer Noire et en direction de l’Adriatique, donc de l’Italie, Etat fondateur de la CEE, pour que gaz et pétrole soient distribués partout dans l’UE. La coopération euro-russe en matière énergétique serait ainsi soumise à une épée de Damoclès permanente. Le Kosovo se trouve légèrement en surplomb par rapport à la vallée de la Morava, entre la ville serbe de Nis et la capitale macédonienne Skopje, à mi-chemin entre Belgrade sur le Danube et Thessalonique sur l’Egée. Les vallées de la Morava (de Skopje à Belgrade) et de l’Axios (de Skopje à Thessalonique) forment donc la voie terrestre la plus courte entre le Danube et l’Egée, donc entre la Méditerranée orientale et l’Europe centrale. Cette zone est donc de la plus haute importance stratégique : une puissance planétaire se doit dès lors de la contrôler pour tenir ses éventuels concurrents en échec. L’enjeu consiste donc à contrôler les oléoducs et les gazoducs et cette ligne Belgrade-Thessalonique, comme le firent les Ottomans dans les siècles passés. Ce n’est pas un hasard s’ils ont évacué cette ligne au tout dernier moment : en 1912 quand ils avaient affaire et aux peuples balkaniques et à l’Italie. Le double contrôle de la ligne des oléoducs et gazoducs et de la ligne Belgrade-Thessalonique : tels sont donc les buts réels. Et c’est justement dans les Balkans, donc en Europe et contre l’Europe, que les Etats-Unis enregistrent aujourd’hui le meilleur succès dans leurs stratégies, avec des alliés musulmans, alors que l’islam combattant est présenté partout ailleurs comme l’ennemi de l’Occident américanisé. Les naïfs, y compris dans certains mouvements identitaires, croient benoîtement, que le Kosovo musulman ne peut en aucun cas être téléguidé par les services américains puisqu’il est tout simplement musulman, donc posé erronément comme allié aux auteurs réels ou présumés des attentats du 11 septembre 2001 à New York. C’est cette fable que croient et ânonnent les canules atlantistes, grand Béotiens en matière d’histoire, laquelle est effacée de leurs têtes, et en géographie, car apparemment aucun d’entre eux n’est capable de déchiffrer une simple carte physique d’école primaire, contrairement à leurs maîtres américains.
Ailleurs, les Etats-Unis ne rencontrent pas le même franc succès. Dans cette Asie centrale que Brzezinski voulait satelliser et ‘tamerlaniser’ Russes et Chinois, qui ont clairement perçu le danger, ont mis sur pied le « Groupe de Shanghai », alternative heureuse au chaos artificiel qu’avaient espéré et programmé les experts du Pentagone. Le « Groupe de Shanghai » est aujourd’hui la principale entrave à l’expansion planétaire des projets de Washington. Il rend caduque la volonté de Brzezinski de plonger cet espace, occupé par les ex-républiques soviétiques à majorité musulmane, dans un chaos à la Tamerlan.
Dans le Caucase, la tentative de former une série de sécessions en chaîne n’a pas entièrement réussi, comme dans les Balkans, même si le problème tchétchène est loin d’être résolu, reste un abcès purulent collé au flanc caucasien de l’espace géopolitique russe. Si le Kosovo se trouve au milieu d’une péninsule située entre l’Adriatique et la Mer Noire, la Tchétchénie se trouve, elle, au milieu d’un large isthme, forcément à double littoral, entre la Mer Noire et la Caspienne, où doivent logiquement passer les oléoducs et gazoducs amenant le brut des gisements de Bakou en Azerbaïdjan et des nouveaux champs de pétrole et de gaz du pourtour de la Caspienne. Le sécessionnisme tchétchène, lit-on dans la presse, a été animé, dès son éclosion, par des nationalistes locaux mais aussi par un djihadiste venu de Jordanie. Pourquoi de Jordanie ? Parce que dans ce pays arabe vit depuis un exode de Tchétchènes, fuyant l’avance des armées russes au 19ième siècle, une forte minorité de ceux-ci, dite « circassienne », ayant conquis bon nombre de postes importants dans l’armée et l’administration du royaume hachémite, ancien satellite britannique. Ce djihadiste arabisé n’a fait qu’un retour au pays de ses aïeux, pour aller y pratiquer les habituelles « guerres de base intensité » ou « stratégies lawrenciennes » -notamment celle qui a donné naissance au Royaume de Transjordanie- dans les zones pétrolifères que souhaitent contrôler les « Sept Sœurs », soit les grands consortiums britanniques ou américains des hydocarbures (sur l’apport démographique tchétchène, lire : Yo’av Karny, « De Kaukasus », Uitgeverij Atlas, Amsterdam/Antwerpen, 2003-2005).
En conclusion, les entités étatiques « indépendantes », que veulent imposer à la communauté internationale les puissances thalassocratiques, financières et pétrolières anglo-saxonnes, en pariant sur tribus dissidentes, mafias locales, sécessionnistes douteux, zélotes religieux, etc., ne sont pas acceptables dans la situation actuelle, surtout qu’elles concourent à installer des abcès de fixation musulmans, des enclaves islamisées, au cœur de territoires européens, avec, qui pis est, une dimension mafieuse et narco-trafiquante, pourtant dûment dénoncée par bon nombre d’institutions internationales. Ces enclaves musulmanes ne peuvent qu’aviver ou conforter le « choc des civilisations », annoncé dès 1993 par Samuel Huntington. Comme le soulignait récemment le Dr. Koenraad Elst dans les colonnes de « ‘t Pallieterke », le Kosovo n’est jamais qu’un instrument des Américains, qui, in fine, contrôlent tout le processus indépendantiste, et des Wahhabites saoudiens, qui visent une reconquista de toutes les terres qui furent, à un moment ou un autre de l’histoire, islamisées. Ni l’une ni l’autre de ces options ne vont dans le sens des intérêts de l’Europe.
La première étape d’une révolution métapolitique, qui ouvrirait les yeux des Européens afin qu’ils se rendent compte des manipulations médiatiques orchestrées depuis quantité d’officines d’Outre Atlantique (le « soft power »), serait de se doter d’une élite capable de lire des cartes et d’utiliser des atlas historiques (comme ceux de l’Ecossais Colin McEvedy). Cette lecture de carte, permettant de saisir d’un simple coup d’œil, les dynamiques de l’histoire, toujours récurrentes, a été l’un des objectifs de « Synergies Européennes ». J’invite tout un chacun à poursuivre ce travail, pour donner vigueur à toutes nos initiatives européistes et identitaires.
culture et histoire - Page 1944
-
Intervention de Robert Steuckers lors du colloque « Euro-Rus » de Termonde, 15 mars 2008
-
GENDER : Impostures féministes (archive 2009)
Le 8 mars, les féministes radicaux vont profiter de le "Journée de la femme" pour dénoncer un patriarcat diabolique et nier toute différence de nature entre les sexes. Leur idéologie, inconsistante, se trouve en complète opposition avec les sciences sociales comme avec les sciences naturelles.
La France s'apprête à célébrer le 8 mars prochain la Journée de la femme. Cet événement, officialisé par l'ONU en 1977 et par la France mitterrandienne en 1982, doit sa création à l'Internationale socialiste des femmes, version féminine de la Deuxième Internationale (fondée en 1889 par Friedrich Engels), qui en lança l'idée en 1910.
Les féministes radicaux, les tenants du Gender-feminism, qui ont en horreur la différence des sexes et qui alimentent sans cesse la guerre des sexes sur le mode de la « lutte des classes », peuvent à bon droit se réjouir de voir ainsi institutionnalisée par des États et des gouvernements, même conservateurs ou "de droite", une manifestation que l'on doit à une Internationale fondée par l'auteur de L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État (1884) et célèbre compagnon de lutte de Karl Marx.
Fantasme du matriarcat
Bien entendu, tous les féminismes, réformistes, universalistes ou différentialistes, ne se situent pas sur la même ligne que ces ultras du féminisme du Genre. Cela dit, ce dernier mouvement, proche à la fois du marxisme et des mouvements lesbiens, est très puissant aux États-Unis et son influence ne cesse de gagner du terrain en Europe et dans le monde. Dans l'intéressant Lexique des termes ambigus et controversés sur la vie, la famille et les questions éthiques, publié en 2005 par le Conseil pontifical pour la famille, Mgr Oscar Alzamora Revoredo, ancien archevêque de Lima au Pérou, a notamment démontré l'influence de ce mouvement sur la conférence mondiale sur les femmes, organisée par l'ONU à Pékin en 1995. Les deux axes principaux du féminisme du Genre sont la critique du patriarcat présenté comme une entreprise diabolique d'exploitation de la "classe" féminine et la négation obstinée de toutes les différences de nature entre les hommes et les femmes. Or, nous allons voir que sur ces deux axes, la théorie féministe radicale est inconsistante et, contrairement à ses prétentions, en complète opposition avec les sciences sociales comme avec les sciences naturelles.
On sait aujourd'hui que le matriarcat n'a jamais existé que dans les mythes et la littérature. Les célèbres théories de Jacob Bachofen, qui inspirèrent des auteurs aussi différents que Friedrich Engels et Julius Evola, reposent sur des extrapolations abusives à partir de sources éparses et essentiellement légendaires ainsi que sur une confusion regrettable entre matriarcat d'une part, filiation matrilinéaire et régime uxorilocal (cas où le mari vient habiter chez sa femme) d'autre part.
L'ethnologie et la sociologie actuelles l'affirment sans ambiguïté, au grand dam des prétendues "études" consacrées par des féministes à ce sujet : si certaines sociétés ont accordé plus de place que d'autres à la femme, notamment au sein de la famille, aucune société historique n'a été dominée par les femmes. Un article de Nicolas Journet, « Le fantasme du matriarcat », paru en 2005 dans la revue Sciences Humaines (hors-série numéro 4), résume assez bien l'état présent de la recherche scientifique sur cette question. Or si le matriarcat est un fantasme, le patriarcat, entendu comme la domination brutale et intéressée des femmes par les hommes, comme un véritable « système d'exploitation » au sens marxiste, disparaît lui aussi. À l'illusion, entretenue selon des méthodes gramscistes parfaitement maîtrisées par les féministes radicaux, d'une division sexiste du travail, imposée à un moment précis de l'histoire par une sorte de complot universel des mâles (1), une vision plus réaliste des choses opposera l'existence d'une division sexuelle des tâches que l'on retrouve dans toutes les sociétés humaines et dont l'origine est à chercher dans la biologie et la physiologie.
Des différences naturelles
À partir de la puberté, la différenciation sexuelle, déjà présente chez les enfants (2), connaît un pic et voit les garçons acquérir progressivement, sous l'effet anabolisant des androgènes (les hormones mâles), une stature, un poids, une robustesse du squelette et, surtout, une masse musculaire nettement supérieurs à ceux des filles. En moyenne, les hommes adultes sont plus grands (de 10 centimètres), plus lourds (d'une dizaine de kilos) et plus forts que leurs homologues féminins. La force maximale de la femme moyenne calculée absolument correspond à 60 % de la force de l'homme moyen, avec des différences plus sensibles dans les muscles de la partie supérieure du corps que dans ceux de la partie inférieure. Même calculée de manière relative, après correction des différences de taille et de poids, la force de la femme reste inférieure (voir sur ce point, par exemple, le Traité de physiologie de l'exercice et du sport de Paolo Cerretelli, paru chez Masson en 2002 ou le Précis de physiologie de l'exercice musculaire de Per-Olof Astrand et Kaare Rodahl paru en 1994 chez le même éditeur).
Les femmes sont en effet programmées au plan hormonal, en vue des grossesses, pour développer plus de masse grasse et moins de masse sèche que les hommes. Ceci explique que pour chaque unité de poids corporel, elles possèdent moins de masse musculaire que les hommes. Si l'on ajoute à cette différence, la vulnérabilité de la femme pendant ses grossesses, c'est-à-dire pendant une part non négligeable de sa vie dans la plupart des sociétés traditionnelles, les nécessités de l'allaitement (dont la médecine la plus moderne nous rappelle les bienfaits pour l'enfant mais aussi pour la mère, en termes d'espérance de vie et de prévention des cancers), le lien étroit qui unit le nouveau-né à sa mère (que la physiologie a étudié sur le plan hormonal et la psychologie sur le plan affectif, n'en déplaise à Simone de Beauvoir), il n'est pas besoin d'être grand clerc ni de recourir à une quelconque conspiration des mâles pour comprendre pourquoi la chasse et la guerre (donc la politique) ont échu aux hommes et la sphère domestique et affective aux femmes dans toutes les cultures humaines sans exception.
Cette division sexuelle des tâches est synonyme, pour les féministes en général et pour les féministes radicaux en particulier, qui dévaluent systématiquement la maternité et les tâches traditionnellement féminines, d'exploitation de la femme par l'homme. On pourrait d'abord leur objecter que la part dévolue aux hommes n'était pas toujours très confortable (mourir à la guerre ou au fond de la mine), ensuite que les civilisations traditionnelles accordaient un grand prix et parfois un grand prestige à la part dévolue aux femmes (Evola rapporte dans Révolte contre le monde moderne que, chez les Aztèques-nahua, les femmes mortes en couches « participaient au privilège de l'immortalité céleste [...] car on estimait qu'il s'agissait d'un sacrifice semblable à celui de l'homme qui meurt sur le champ de bataille »).
Le corset invisible
À l'heure actuelle, quand les médias, sous l'influence du sexuellement correct, ne présentent comme modèles symboliques aux femmes que des super women, commissaires de police ou championnes d'arts martiaux, il n'est pas étonnant de voir que le statut de la femme au foyer n'est plébiscité que par 5 % des jeunes filles de quinze à dix-huit ans, d'après un sondage commandé en février 2009 par Valérie Létard, secrétaire d'État chargé de la Solidarité, qui bien entendu s'en félicite ! Cette situation révèle tout le paradoxe du féminisme qui pousse les femmes à s'identifier aux hommes et à n'imaginer comme forme d'épanouissement que des activités pour lesquelles elles souffrent d'un indéniable handicap naturel (que l'existence d'épreuves ou de barèmes différenciés aux tests d'aptitude physique dans la plupart des professions traditionnellement masculines n'arrive pas à masquer) en même temps qu'il entretient savamment le mépris des tâches féminines que les femmes réelles continuent pourtant à exercer le plus souvent. Il en résulte une pression si insupportable pour les femmes que les essayistes Eliette Abécassis et Caroline Bongrand n'hésitent pas à parler à ce sujet dans le livre qu'elles ont co-écrit d'un Corset invisible. La même Eliette Abécassis, romancière et philosophe, affirme dans un entretien accordé en mai 2007 au site Evene.fr : « Le plus important est de prendre en considération les différences naturelles entre l'homme et la femme. Un certain féminisme a voulu calquer la libération de la femme sur le modèle masculin, ce qui n'est pas très réaliste. Cette dissymétrie est aujourd’hui une évidence. Il faut la prendre en compte quand on veut libérer la femme. Il faut revenir à cette différence fondamentale. » Elle ajoute plus loin, dans le même entretien, au sujet de l'avortement, que le discours féministe n'envisage que sous l'angle du droit de la femme à disposer de son corps et jamais à travers ses conséquences : « Il ne s'agit pas de revenir au temps où l'avortement n'était pas légal et où les femmes mouraient dans d’atroces souffrances [...] Mais l’avortement est un traumatisme pour la femme alors que pour l'homme il s'agit davantage d'une délivrance face à un enfant qu'il ne voulait pas avoir. » Dans la mesure où cet auteur se réclame encore du féminisme, il faut sans doute voir dans ce type de déclarations un signe de la crise que connaît cette idéologie.
Il nous reste à souhaiter que les thèses du féminisme radical suscitent en France de plus en plus de réactions comme celles d'Eliette Abécassis ou encore de Claude Habib dans son excellent livre Galanterie française, paru chez Gallimard en 2006 et dont nous avons déjà rendu compte dans nos colonnes (3). La France se trouve en effet, à l'égard du Gender-feminism, dans une position périlleuse : ce mouvement commence avec beaucoup de retard sur les autres pays occidentaux à y faire sentir son influence mais il le fait avec d'autant plus de facilité qu'il n'a pas encore rencontré chez nous d'opposition déterminée comme celle que nous nous efforçons d'initier ici.
STÉPHANE BLANCHONNET L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 mars 2009
1 - Thèse par ailleurs contradictoire avec celle de l'égalité naturelle entre les sexes défendue par ces mêmes féministes puisqu'elle suppose une supériorité des hommes capables d'imposer partout le triomphe de ce prétendu complot.
2 - De nombreuses études scientifiques récentes montrent que les différences, de comportement notamment, sont observables dès les premières années, ruinant l'explication culturaliste de la différence des sexes (voir sur ce point Claire-Marie Clozel, Pourquoi les petits garçons ne sont pas des petites filles, éditions Triptyque, 2007).
3 - L'Action Française 2000, n° 2722, du 5 au 18 avril 2007. -
Charles III Le Simple Le crépuscule des Carolingiens
La pathétique histoire des derniers rois carolingiens nous est désormais familière grâce à Ivan Gobry. À la fin de son livre passionnant sur le sage et autoritaire Charles II le Chauve (843-877) (1), il nous laissait attendre une ultime étincelle en la personne de l’arrière-arrière-petit-fils de Charlemagne, Charles III le Simple (898-929). Il a tenu parole, et voici donc aujourd’hui le destin décevant mais jamais dérisoire d’un roi qui sut garder un peu de dignité alors que le système successoral le rendait inapte à gérer le bien commun.
Il fallut, pour s’affirmer, une volonté peu commune à cet enfant posthume du roi Louis II le Bègue (877-879). Ses demi-frères aînés Louis III, seize ans, et Carloman, treize ans, sacrés ensemble en 879 à Ferrières-en-Gâtinais, eurent juste le temps de laisser le souvenir de vaillants guerriers, avant de mourir, le premier en 882, le second en 884, et d’être remplacés sur le trône de France, de par l’aveuglement des Grands, par un cousin germanique, l’incapable empereur Charles le Gros.
Quand les Grands finirent par condamner celui-ci à mort, ils ne songèrent nullement à placer le jeune Charles sur le trône de ses pères, car ils n’avaient d’yeux que pour Eudes comte de Paris, l’héroïque défenseur de la vallée de la Seine contre les Vikings. Ils élirent donc roi ce fils du célèbre Robert le Fort dont la lignée commençait à se signaler par ses services pour le bien public. Toutefois Eudes, qu’Ivan Gobry connaît fort bien (2), était un homme de paix autant que de courage. S’il avait paré au plus pressé en acceptant la couronne, il ne voulait pas forcer l’histoire de France, d’autant que Charles, devenu adolescent, et soutenu par certains Grands, dont Foulques, archevêque de Reims, et quelques partisans bourguignons, n’entendait pas se faire oublier. Après force conciles et combats, malgré le jeu parfois trouble de cousins ou alliés souvent bâtards, sur fond de luttes acharnées contre l’envahisseur danois, Eudes négocia, offrant « une part » du royaume à Charles, lequel allait bientôt recouvrer le royaume tout entier à la mort d’Eudes le 1er janvier 898.
Naissance de la Normandie
À dix-neuf ans, Charles était, nous dit Gobry, « un brave jeune homme, loyal et animé de bons sentiments, parmi lesquels la bienveillance ». De là le qualificatif point du tout péjoratif de “Simple” qui fut attribué à ce roi, élevé sans père, et qui devait son trône plus aux circonstances qu’à son génie. Les Grands s’accommodèrent de lui de mauvaise grâce ; pour se les attacher il nomma quelques abbés laïcs, chose fréquente en ces temps de décadence de la hiérarchie romaine.
Toutefois le jeune roi se révéla capable d’initiatives audacieuses, comme l’installation des Barbares scandinaves sur le sol qui allait être la Normandie - le pays des hommes du Nord. Charles le Simple partageait pleinement les vues de Robert, nouveau comte de Paris (frère du défunt Eudes) lequel était incité par le nouvel évêque de Reims Hérivée à « obtenir la paix plus par l’amour que par le glaive ». Le roi et le comte proposèrent le baptême au chef des envahisseurs, le célèbre Rollon, et les choses allèrent vite puisque dès octobre 911, celui-ci rencontrait le roi à Saint-Clair-sur-Epte et recevait un territoire - un comté - entre la Somme et l’Eure. L’année suivante, à Pâques, il était solennellement baptisé dans l’église de Rouen ; le comte de Paris était son parrain. Rollon, fils d’un peuple en errance, révéla aussitôt une singulière capacité d’adaptation et d’intégration... Expérience à méditer : sous le signe de la Croix on intègre plus aisément que sous celui de la laïcité...
Plus complexes furent les affaires de la Lotharingie, ce vieil et encombrant héritage des partages de l’empire de Charlemagne... Charles réussit toutefois à s’emparer de cette terre et à s’y faire élire roi, concluant une paix solide avec l’ambitieux Henri roi de Germanie, et consolidant le royaume de France à l’est, mais alors les relations se détériorèrent dramatiquement entre le roi et Robert comte de Paris.
Pourtant le frère d’Eudes ne briguait point la couronne. Il fallut que le roi Charles en vînt à ériger en favori un grossier personnage nommé Haganon, pour que Robert, tout dévoué au service du royaume, se mît à douter de ce roi trop fantasque. Il y fut surtout porté par les Grands, car face au pâle Charles, Robert, sans être ambitieux, était « le représentant et l’espoir de toute une caste qui [était] à la fois la richesse de la France par l’abondance de ses possessions et son salut par le maniement des armes ». Le conflit, alors inévitable, aboutit en 922 à la fuite de Charles en Lotharingie et au sacre de Robert roi de France ! Mais dès le 15 juin 923, dans un affrontement sans merci à Soissons, les Lotharingiens conduits par Charles tuèrent Robert.
Le pauvre Charles n’allait pas pour autant retrouver son trône. Les Grands, très montés contre les Carolingiens, élirent et firent sacrer le 13 juillet 923 à Soissons Raoul duc de Bourgogne. Réduit à lutter contre ses propres vassaux Charles se retrouva séquestré à Château-Thierry, puis à Péronne d’où il fut retiré en 927 pour une équipée sans lendemain, et finalement ramené à Péronne où il mourut le 7 octobre 929, à cinquante ans.
Une autre monarchie
Cette vie riche de turbulences plus que de grandeurs n’en est pas moins l’illustration dramatique de deux conceptions opposées de la monarchie qu’Ivan Gobry analyse très finement : d’un côté celle d’une famille qui voit dans la couronne son bien personnel, la partageant et l’attribuant comme elle veut, de l’autre celle d’un souverain désigné « par les forces majeures de la nation ». C’est qu’alors les affaires politiques prenaient un nouveau visage : avec les invasions normandes, ce n’était plus une dynastie qui était menacée, mais l’identité nationale. « Le trône [appartiendrait] de droit à celui qui [délivrerait] le territoire des Barbares païens et [ramènerait] la paix. »
En somme les Grands avaient adopté une si haute conception de la monarchie qu’ils ne pouvaient plus tolérer un roi médiocre. Mais les changements de cette importance doivent s’effectuer sur le long terme : la grande sagesse, capétienne avant le mot, du fils de Robert, Hugues le Grand, comte de Paris, duc des Francs, fut de ne point brusquer les choses et d’user de son autorité militaire et morale pour, à la mort de Raoul (936), imposer sur le trône le fils de Charles le Simple, Louis IV d’Outremer (il avait vécu son enfance en Angleterre), puis le fils de celui-ci Lothaire, père du minable et éphémère Louis V mort sans postérité. Les Carolingiens s’étaient épuisés d’eux-mêmes.
On était alors en 987 : les temps étaient venus pour une royauté de salut public : fils d’Hugues le Grand, héritier de trois générations d’exploits pour sauver la France, Hugues Capet allait fonder la monarchie et l’hérédité elle-même sur la seule notion de service. Cette mission dura huit siècles et nous sommes sûrs qu’elle n’est pas finie.
Michel FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 1er au 14 novembre 2007
* Ivan Gobry : Charles III, fils de Louis II. Éd Pygmalion, 214 pages, 20 euros.
(1) Ivan Gobry : Charles II (voir L’AF 2000, du 19 juillet 2007).
(2) Ivan Gobry : Éudes fondateur de la dynastie capétienne (voir L’AF 2000 du 16 juin 2005).
-
La Révolution en question
Au grand fracas du bicentenaire, qui devait magnifier la gloire révolutionnaire, a succédé un certain silence. La Révolution ne ferait-elle plus recette ?
Réponse à travers la présentation de quelques ouvrages.
Mais, au fait, quelle révolution ? La lecture des Mémoires secrets de Bachaumont permet de cerner le malentendu initial qui jeta les Français dans une tourmente qu'ils n'avaient ni prévue, ni voulue. Bien connu des spécialistes de la fin du XVIIIe siècle, Bachaumont reste cependant un mystère. L'homme qui portait ce nom, proche des milieux parlementaires, à ce titre très remonté contre Louis XV qui avait renvoyé ces Messieurs de longue robe, était mort quand parurent sous son nom des écrits dont il ne pouvait être l'auteur, puisqu'il s'agissait d'annales retraçant les événements des douze mois écoulés, politiques, religieux, juridiques, économiques, scientifiques, littéraires, artistiques, musicaux, sans oublier scandales et faits divers.
Foyer d'opposition
Ce journal rétrospectif, parfois remarquablement informé, parfois moins s'agissant de la Cour car Bachaumont, ou plutôt l'équipe qui se cachait sous ce pseudonyme, n'y était pas introduit, constitua, entre 1762 et 1787, un foyer d'opposition, même après que Louis XVI, erreur incommensurable, eût rappelé les parlements. Foncièrement hostiles au catholicisme, voire athées pour certains rédacteurs, les Mémoires secrets étaient aussi, paradoxalement, ennemis jurés de Voltaire, coupable d'avoir dénoncé, avec les affaires Calas ou La Bare, les dérives des magistrats. Pendant vingt-cinq ans, ils déversèrent leur fiel contre la monarchie, sans comprendre qu'ils tomberaient avec elle. Quand ils cessèrent de paraître, à la veille de l'assemblée des notables, les collaborateurs s'imaginaient, en toute bonne foi, la Révolution faite ! Cet aveuglement, s'agissant de gens intelligents, cultivés, de jugement rassis, donne une idée de l'irresponsabilité des boutefeux.
Jean Sgard en présente des morceaux choisis, parce qu'il est impossible aujourd'hui d'en envisager la réédition intégrale. Il les a classés thématiquement, ce qui oblige à des va-et-vient pour redonner à l'ensemble sa cohésion chronologique. Principal défaut de ce travail utile.
Sgard s'arrête peu aux faits et gestes de la famille royale, que Bachaumont évoque d'abondance. Les Mémoires secrets ont pourtant contribué à caricaturer le roi, et surtout la reine. Le drame de Marie-Antoinette fut longtemps une affaire d'image et c'est de son entourage immédiat, du salon de Mesdames, filles de Louis XV, égéries du parti dévot, farouches opposantes à l'alliance autrichienne, que partirent les pires attaques, jusqu'aux accusations d'adultère et rumeurs de bâtardise des enfants royaux. La très jeune femme qu'était alors la reine ne mesura pas la portée d'attaques qui la blessaient sans qu'elle en comprît le sens politique. Dépopularisée, Marie-Antoinette ne sut pas reconquérir une opinion qui avait adhéré à la vision fantasmatique de l'Autrichienne, monstre criminel sur lequel se focalisaient les haines de la nation... Philippe Delorme le dit très bien dans sa biographie de la reine martyre, ouvrage récemment réédité qui parvient, tout en conservant ce qu'il faut d'indispensable empathie et de sens du drame, à renouveler un sujet mille fois traité.
Vocabulaire
La France de la Révolution d'Antoine de Baecque s'inscrit dans une collection de Dictionnaires de curiosités, au sens où l'honnête homme entendait ce mot. Il s'agit d'aborder des événements, personnages, usages, expressions méconnus du grand public et de l'historiographie mais révélateurs de l'ambiance d'une époque, de ses passions, de ses enthousiasmes et de ses peurs. Spécialiste de la caricature et du vocabulaire politiques, l'auteur fait la part belle au détournement de la langue française par les révolutionnaires, dans un étonnant prélude à la langue de bois moderne. Cet "abus des mots" en fait entrer certains dans l'usage courant, les substituant à d'autres pour des raisons idéologiques que nous avons oubliées : tel "se suicider" en place de "s'homicider" qui possédait une nuance morale liée à la condamnation du suicide par le catholicisme. Antoine de Baecque démontre qu'un excès de popularité peut se retourner contre son objet : en 1789, tout était "à la royale", jusqu'aux plats, ce qui contribua à désacraliser un roi qu'il ne convenait pas de mettre à toutes les sauces... Ce sont les ridicules, aberrations, monstruosités qu'il traque et dénonce. Lui reprochera-t-on de reléguer au rang de détail de la petite histoire les colonnes infernales et les noyades de Nantes dont il minimise l'horreur, d'affirmer que Robespierre ne porta point de culottes en peau humaine, sans nier que cette industrie effarante se pratiqua ? Non car ce qui importe, c'est de dire à temps et contretemps que la Révolution, ce fut aussi et d'abord cela.
Destins croisés
Évidence impensable à exprimer hors les milieux contre-révolutionnaires voilà quelques décennies. La réédition, pour le centenaire de la naissance de Robert Margerit en 1910, de sa tétralogie laconiquement titrée La Révolution le rappelle à bon escient. À travers les destins croisés de deux Limougeauds amoureux de la même jeune fille, l'un attiré par la politique, l'autre par l'armée, Margerit entendait raconter la tourmente, de la convocation des états généraux à la Restauration. Au vrai, l'intrigue romanesque et les personnages ne servaient qu'à donner l'occasion de dire les grands moments révolutionnaires, vus côté républicain, avec un souffle digne de Michelet ou Lamartine. Nulle remise en cause de l'idéal de 89 dans ces pages, nul recul, mais une adhésion sincère à ce bouleversement en dépit de ses dérapages sanglants que le romancier déplorait sans les juger ni les condamner. Que cette somme, après son premier succès, ait peiné à retrouver un public tient sans doute à cela : les générations actuelles ne croient plus au mythe et les taches de sang sur les mains des "grands ancêtres" y restent aussi indélébiles que pour lady Macbeth...
C'est au fond le constat désabusé que dresse à demi-mot Jean-Clément Martin, directeur d'un récent Dictionnaire de la Contre- Révolution. Le temps des enthousiasmes révolutionnaires nés de 89, relayés par le bolchevisme et le maoïsme, est fini. Reste un bilan de meurtres et d'atrocités de plus en plus dénoncé à la fureur des ultimes thuriféraires. En parallèle, le courant contre-révolutionnaire, celui du « passéisme » et du « refus de la modernité, des intégristes et des réactionnaires » connaît un renouveau incompréhensible à ses détracteurs. Telle est d'ailleurs la cause de ce travail. Si la Contre-Révolution ne représentait qu'une poignée de marginaux, à quoi bon perdre son temps à en évoquer aigrement les courants, les penseurs, les héros, les tragédies et les gloires ? Pourquoi, comme le souligne le professeur Martin, ce qui laisse rêveur lorsque l'on songe à son irréprochable parcours, prendre le risque d'être soupçonné de sympathies pour ces idées honnies et maléfiques ? Pourquoi, sinon parce que le phénomène est plus vivant qu'on l'aimerait ?
Dictionnaire incomplet
Semblable dictionnaire, qui prétend couvrir deux siècles de résistances aux révolutions dans tous les domaines et sur tous les continents, se devrait d'être exhaustif. Il ne l'est pas ; le choix des rubriques est subjectif. Par ailleurs, et par principe, il écarte, sauf rares oublis, de sa bibliographie tout auteur et ouvrage qui ne soit hostile à la Contre-Révolution, en traitant à travers ses seuls adversaires. De sorte que ces analystes glosent sans jamais rien comprendre. C'est évident dans le domaine religieux : rejeter avec des ricanements de pitié la vision eschatologique d'un combat entre le Bien et le Mal, assimilé à la Révolution, dans la perspective de la Parousie, c'est s'interdire de déchiffrer pensées et comportements. Et cela souligne cette rupture révolutionnaire qui empêche tout rapprochement entre deux conceptions inconciliables de l'histoire et des destinées humaines.
Il manque une grande biographie du prince de Talmont ; elle rendrait justice à un homme qui comprit parmi les premiers les enjeux exacts du combat contre-révolutionnaire et le mena, sur tous les fronts, politiques et militaires. Sa mort fut l'un des coups les plus rudes portés à la cause. Cette biographie n'existant pas, les mensongers ragots de Mme de La Rochejaquelein s'imposent encore, et fournissent à Gilles de Becdelièvre motif à un roman historique, La Croix au coeur. Pourquoi prendre Talmont, qu'il n'aime pas, pour héros ? Peut-être parce que cela permet de démarquer le cher Chiappe... Peut-être pour le plaisir de donner un roman vaguement licencieux sur fond de guerres de Vendée... On ferme le livre avec un sentiment de regret, comme devant une mauvaise action inutile.
On s'en consolera avec une plaquette de vers, genre devenu rare, signé du docteur d'Hocquincourt, À notre chère Vendée, à ses héros et martyrs. Il y a là des passages dignes de Victor Hugo qui rappellent, appuyés sur un solide argumentaire historique, ce que fut la guerre des Géants, et la répression génocidaire qui la suivit.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 19 janvier au 1er février 2012
✓ Bachaumont, Mémoires secrets, Tallandier, 330 p., 20,90 € ; Philippe Delorme, Marie-Antoinette, Pygmalion, 325 p., 21,90 € ; Antoine de Baecque, La France de la Révolution, Tallandier, 270 p., 17,90 € ; Robert Margerit, La Révolution, deux tomes, Phébus, 1 120 et 1 000 pages, 25 € le volume ; sous la direction de Jean-Clément Martin, Dictionnaire de la contrerévolution, Perrin, 220 p., 27 € ; Gilles de Becdelièvre, La Croix au coeur, L'A Part Buissonniere, 385 p., 22 € ; I. d'Hocquincourt, À notre Vendée, à ses héros, ses martyrs, éditions Velours (95 rue La Boétie, 75008 Paris), 130 p., 16,50 €. -
Forum catholique : la liberté est sur Internet
Depuis plus de dix ans, le Forum catholique a ouvert ses colonnes virtuelles à tous ceux qui, sur Internet, veulent discuter de leur Église en temps réel. Une fois de plus les catholiques traditionalistes sont en avance sur le reste du troupeau. En avance pour la technique, peut-être, pour la liberté surtout, une liberté de parole et de jugement qui oblige l'Institution à de vraies réformes de comportement. Nous avons interrogé le premier protagoniste et le responsable de cette aventure spirituelle unique au monde.
Monde et Vie : Xavier Arnaud, vous animez depuis 12 ans le Forum catholique, institution internautique unique en son genre qui regroupe pour des discussions libres autour de l’Église et de la Foi tous ceux qui reconnaissent l'enseignement unanime des papes. Ce lieu de Foi et de camaraderie s'est tout récemment vu menacé dans son existence même. Panne, sabotage ? Que s'est-il passé ?
Xavier Arnaud : À l'heure qu'il est, nous n'avons pas pu identifier les raisons de cette défaillance technique. C'est la troisième fois en six mois que le forum connait une telle mésaventure. Autant les deux premières étaient manifestement la conséquence d'attaques, autant cette fois-ci notre hébergeur reste très évasif sur le sujet. Intervenue le 28 décembre, cette panne du serveur est tombée à un bien mauvais moment, ce qui a justifié une moindre réactivité des services.
Pour quelles raisons aujourd'hui fréquente-t-on le FC et qu'y trouve-t-on?
D'un liseur à l'autre, je crois que les motivations sont différentes. Certains viennent y chercher des réponses à des questions d'ordre liturgique ou catéchétique. D'autres font part de leurs
interrogations face à tels ou tels textes, documents, déclarations, articles. D'autres encore recherchent à échanger tout simplement dans un esprit de camaraderie, comme vous le disiez précédemment. Une chose est certaine : tous sont mus par un amour certain de l’Église, avec toutes les maladresses que peut commettre une âme transie...
Peut-on dire que vous êtes la mémoire virtuelle des catholiques traditionalistes, la banque de données, l'organe sensoriel mettant en alerte les catholiques français ?
Il serait orgueilleux de ma part de l'affirmer tel quel. Une chose est sûre : les archives du forum constituent une source d'informations très riche, pour peu que l'on prenne la peine de s'y pencher. On y retrouve l'histoire de la mouvance catholique traditionnelle depuis 2000, et Dieu sait que les événements ont été nombreux depuis lors. Peu d'informations échappent à la sagacité des liseurs, et le FC constitue à l'occasion une caisse de résonance inattendue, parfois gênante pour certains qui préféreraient agir discrètement.
À titre d'exemple, on se souviendra des événements de fin 2006 à Lyon, lorsque la Fraternité saint Pierre était quasiment mise à la porte du diocèse. La forte mobilisation des fidèles sur la toile a contrarié les projets d'alors qui n'avaient pas anticipé une telle médiatisation. On se souviendra aussi des événements de 2005 lors de l'exclusion de la Fraternité Saint-Pie X de plusieurs prêtres, dont les abbés Laguérie et de Tanoüarn. Les pressions d'alors étaient fortes pour tenter d'empêcher tout débat sur la question sur le forum. À chaque fois, l'argument est le même : il s'agit d'une question interne qui ne regarde que les clercs. Mais les fidèles ont tout de même « voix au chapitre », si vous me permettez ce jeu de mots. Car sans leur aide et leur soutien, telle ou telle Fraternité aurait bien du mal à développer ses apostolats. Peut-on légitimement les museler et exiger d'eux qu'ils se taisent et masquent leurs émotions ? Je ne le crois pas.
D'ailleurs, au sein de l’Église, les fidèles laïcs ont aussi pris part à son Histoire. On parle systématiquement du combat de Mgr Lefebvre pour la liturgie traditionnelle. Mais on ne saurait oublier les résistances d'un Jean Madiran, d'un Jean Ousset, d'un Marcel Clément ou d'un Michel de Saint Pierre qui ont largement contribué à la formation des laïcs et à cette défense de la messe grégorienne. Bref, les échanges du forum jouent aussi régulièrement, selon moi, ce rôle formateur grâce aux contributions de liseurs chevronnés, qui aident à mieux comprendre telle ou telle situation à un moment donné.
Quels sont vos projets ?
Ils sont nombreux, mais nous nous heurtons à des difficultés d'ordre technique, de même que nous manquons de moyens. La technique de mande du temps, dont nous ne disposons pas toujours suffisamment. Aujourd'hui, « l’équipe du forum » n'est constituée que de deux personnes : M. Tabudeux, pour la partie technique, qui fait un formidable travail au vu de ses disponibilités, et moi-même pour l'animation. Parmi les projets, je souhaite reprendre les Rendez-vous du forum, qui permettent le temps d'une soirée un échange avec telle ou telle personnalité, de Yann Moix à Jeanne Barbey en passant par Maurice Dantec ou l'abbé Ribeton et le Père de Blignières. Ce devrait être le cas dès le mois de février
J'aimerais également lancer un sous-forum consacré aux livres. Ce serait une façon pour lei liseurs de publier des critiques personnelles sui tel ou tel ouvrage et d'échanger autour de cette oeuvre. On pourrait imaginer d'ailleurs invita les auteurs sur le même format que les Rendez vous. Il faudra vraisemblablement plusieurs semaines avant que le projet n'aboutisse. Mais nous y travaillons.
Avant cela, il nous importe de réparer définitivement le forum, qui a beaucoup souffert de la dernière panne. On peut compter sur notre détermination et notre envie de poursuivre.
Propos recueilli: par Claire Thomas monde & vie 15 janvier 2013
Pour aider le FC, rendez-vous à la page www.leforumcatholique.org/soutienFC.php -
Alésia retrouvée
L'opinion répandue et même quasi officielle voudrait qu'Alésia se trouve à Alise-Sainte-Reine, en Bourgogne. Mais des irréductibles chercheurs soutiennent depuis déjà longtemps qu'il n'en est rien. Danielle Porte, disciple enthousiaste d'André Berthier ; fait le point sur la question et démontre dans un livre passionnant que le site d'Alésia se trouve en Franche-Comté.
Ce livre est à recommander à tous ceux qui ne s'intéressent ni à l'archéologie, ni à la guerre des Gaules. Ils se surprendront à se passionner pour une question à première vue secondaire : où Alésia se trouvait-elle ? «Je ne chais pas où ch'est, Alégia !» s'écrie un vieux Gaulois dans Le Bouclier arverne. Mme Porte, elle, croit le savoir, et nous fait partager avec fougue sa conviction.
Les Éduens ou les Séquanes ?
Question secondaire, l'emplacement du site de cette ultime bataille ? Non, car selon qu'on le place en Bourgogne (chez les Éduens) ou en Franche-Comté (chez les Séquanes), tout le sens de la guerre des Gaules en est changé.
Mme Porte n'est pas archéologue mais professeur d'histoire romaine à la Sorbonne. C'est avant tout au texte de La Guerre des Gaules qu'elle fait appel pour connaître le site et le déroulement de la bataille. Mais César n'aurait-il pas arrangé les choses à sa manière ? Non, affirme-t-elle, parce que nombre de ses adversaires politiques (et quelques-uns de ses futurs assassins) ont fait cette guerre avec lui et n'auraient pas manqué de relever à plaisir toute exagération. Ce qui ne fut pas le cas.
Le vrai site d'Alésia, disons-le tout de suite, c'est Chaux-des-Crotenay, en Franche-Comté ! Tout, dans le site identifié non par Mme Porte mais par son prédécesseur André Berthier à qui elle rend un vibrant hommage, correspond point par point à la description et au récit de Jules César.
L'histoire sur le terrain
Mais le plus passionnant (et surprenant) est de voir à quel point l'emplacement de la bataille change le sens même de cette guerre. À Alésia, ce n'est pas Vercingétorix qui est pris au piège, mais César lui-même ! C'est Vercingétorix qui avait longuement médité de le conduire à cet endroit pour l'y affronter et, espérait-il, l'y écraser.
Ce n'est pas le chef gaulois qui est poursuivi par César mais l'inverse. César, harcelé de toutes part et affamé par la politique de la terre brûlée que pratique son adversaire (et on comprend très bien pourquoi), cherche à regagner la Provence. S'il était passé par Alise-Sainte-Reine, jamais il n'aurait assiégé la ville : il aurait suivi le couloir rhodanien pour aller franchir les Alpes comme il en énonçait clairement l'intention.
Impossible à Chaux-des-Crotenay (Jura). César ne peut pas passer, mais Alésia, "très grande ville, libre et inexpugnable, foyer et métropole de toute la Gaule celtique", écrit-il, est imprenable de vive force. Il en fera donc le siège, tout en étant sous la menace de l'armée de secours gauloise. D'où la double enceinte qu'il édifie, l'une offensive, si l'on peut dire, l'autre défensive. Le piège tendu par Vercingétorix se serait refermé si... une partie de l'armée de secours n'avait trahi la cause et décampé sans livrer bataille.
Austerlix le Gaulois
Certes, dût l'orgueil gaulois, ou ce qu'il en reste après tant de siècles, en souffrir, la fin de l'histoire n'en demeure pas moins la même. Toutefois, la figure de Vercingétorix en sort bien changée, en même temps que le déroulement des opérations. On voit tout à coup un chef Gaulois parfaitement maître de la situation agir comme Napoléon avant Austerlitz : très longtemps à l'avance, il choisit le lieu de l'affrontement y conduit invinciblement son adversaire.
Soyons beaux joueurs : César reste César. Ses talents de général ne s'en trouvent pas diminués, bien au contraire : on lui restitue un adversaire à sa mesure. Et, du même coup, le récit de La Guerre des Gaules acquiert un relief et une véracité admirables. Sans cesser d'être l'œuvre littéraire que Cicéron, pourtant opposé à César, admirait, avec d'autant plus d'honnêteté que son propre style était tout différent.
Le livre de Mme Porte ne manque de rien pour passionner le lecteur. Il lui fait redécouvrir un épisode fondateur de l'histoire de France avec une puissance d'évocation rare. Mais elle y ajoute une réjouissante passion dans son acharnement à détruire une thèse officielle qui, devant ses arguments, résiste moins longtemps que les murailles d'Alésia.
On revit cette bataille qui mit aux prises pas moins de 95.000 Gaulois à l'intérieur de l'oppidum, 70.000 légionnaires romains plus la cavalerie, et les 150.000 hommes environ de l'armée de secours.
On s'emporte avec l'auteur quand elle expose tous les trucages qui ont permis aux savants du temps de Napoléon III de faire tenir debout, sur des béquilles branlantes, une construction qui avait pour seul mérite de complaire à l'Empereur (encore que celui-ci se soit montré à la longue quelque peu méfiant). Textes triturés, fouilles truquées pour alimenter en objets de l'époque de Néron (cent cinquante ans après l'affaire !) le musée des antiquités de Saint-Germain-en-Laye. Aussi passionnant que lorsque, dans un roman policier, le flic ripoux est enfin démasqué.
Alesia delenda est
Le plus passionnant est de se retrouver plongé dans cette bataille comme si on y était, car tout y est, même le gué que Vercingétorix franchit pour se rendre à César, et les raisons pour lesquelles l'emplacement du site d'Alésia devait être oublié. Et l'intérêt du lecteur est ravivé par cette rafraîchissante polémique et cette belle ardeur à ébranler et démolir les vérités qu'on aurait cru, en toute naïveté, les mieux établies.
On aurait pu croire un sujet pareil à l'abri de la pensée unique. Le livre de Mme Porte révèle que cette pensée unique voudrait régner même sur le site des batailles de l'an 52 av. J.-C. ! Ce n'est pas la moindre surprise de ce livre.
Danielle Porte, L'Imposture Alésia, éd. Carnot, 2004, 296 p., 20€. André Berthier, Alésia, Nouvelles Éditions latines, 1991, 335 p.
Source : Pierre de Laubier, Français d'Abord : décembre 2004
-
LA BIODIVERSITE : UNE CHIMERE EN FOLIE( 2011)
La biodiversité rentre par la grande porte avec le retour de Jean-Louis Borloo. Cet ancien ministre a fait un grand mal à l'économie française par le truchement des deux Grenelles de l'environnement. Ces parlottes, dont le coût ne sera jamais évalué, ont soumis par la voie légale d'immenses parties de la vie nationale au bon vouloir de la secte des écolos.
Le Grenelle de l'environnement est un ensemble de rencontres politiques organisées en septembre et octobre 2007 visant à prendre des décisions à long terme en matière d'environnement et de développement durable. En particulier, il fallait pour restaurer la biodiversité mettre en place une trame verte et bleue, ainsi que des schémas régionaux de cohérence écologique, tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre et en améliorant l’efficience énergétique. Cette définition inextricable montre que la biodiversité est au carrefour de diverses autres chimères tout aussi destructrices.
L'émission Thalassa du 9 mars 2012, nous parlait d'un « drame » en Polynésie au sujet des tortues, espèce protégée. Les « vilains » habitants braconnent les tortues dont ils raffolent et qui font la fortune des restaurants ; cette pêche est une tradition séculaire. Six mois de prison menacent désormais les honnêtes pêcheurs dont le seul tort est de gagner leur vie en faisant la joie de leurs clients.
Le 17 mars, l'Islande est jugée « digne » d'entrer dans la CEE ; elle ne pourra que perdre son âme sans rien y gagner vraiment. Cette CEE exige que les Islandais renoncent à la chasse à la baleine, espèce protégée. Les Islandais plaident que c'est chez eux une coutume ancestrale et, qu’en plus, la chair de la baleine est délicieuse et se vend jusqu'au Japon. Attendons de voir comment se terminera le bras de fer. Si les Islandais capitulent, il faudra virer les pêcheurs à l'aide sociale.
Nous apprenons très récemment que les papillons sont menacés. Les écolos sont adroits. En attirant l'attention sur la disparition éventuelle de certaines espèces de papillons, ils touchent un point sensible : qui n'aime pas les papillons et leur charmant manège ?
La secte se prend pour Dieu et rien ne lui est impossible. En France et ailleurs il existe partout des personnes payées pour compter les oiseaux ; c'est un travail fort sympathique qui se passe dans la nature et évite de s'ennuyer dans un bureau ; ce dénombrement est très compliqué : pour compter l'impossible, il faut du matériel et des consultants qui travaillent à la méthode ; une fois le matériel créé et la méthode bâtie, des formateurs surviennent : que de marchés juteux !
L'INVENTAIRE IMPOSSIBLE
La liste des espèces protégées est impossible à faire, tant les textes sont nombreux, touffus et influencés par des accords internationaux. Cette liste augmente sans cesse, au hasard des appétits des uns et des autres.
L'arme de la terreur est manipulée sans vergogne. Les dauphins du Mékong meurent. En 2050 les requins auront disparu. Les albatros, splendides oiseaux océaniques dont l'envergure peut atteindre jusqu'à 3,50 mètres, sont très menacés. Tous les experts annoncent que la population mondiale du tigre a chuté de 95 %, seuls 4000 spécimens résistants vivent encore dans la nature.
Quel est l'objectif ? Faut-il reconstituer les espèces telles qu'elles étaient en 1900 ? C’est une histoire incertaine. Faut-il protéger les espèces telles qu’elles sont en mars 2012 ? Faut-il protéger la totalité des espèces ? Nous nous trouvons devant une tâche évidemment sans limite, car le Créateur a disposé des centaines de millions d'espèces dont une toute petite partie, simplement, est connue ; le début de l'exploration des abysses sous-marins nous découvre par exemple des horizons infinis.
En outre, des découvertes permanentes trompent les statistiques déjà fausses par nature. Il ne restait plus, paraît-il, que 50 000 à 60 000 orangs-outans vivant à l'état sauvage, 80 % en Indonésie et 20 % en Malaisie. Or une colonie de plusieurs milliers d'individus fut découverte à l'est de Bornéo.
LA RUINE POUR TOUS
Les immenses sommes d'argent dérobées par la force fiscale aux peuples bien conditionnés en vue de financer ce cirque mondialiste génèrent de la pauvreté par une succession de mécanismes bien connus.
S’y ajoutent des dégâts collatéraux pour faire plaisir à des membres de la secte plus actifs que d'autres. Le coût du TGV pour Marseille a été majoré à l’époque pour protéger un unique couple d’aigles de Bonnelli, dont, au demeurant, il n’est pas sûr que la trace ait été retrouvée. A cette fin, le trajet a été modifié et le chantier fut interrompu à plusieurs reprises. Il a fallu aussi complaire aux castors et, notons bien la précision, aux pélobates cultripèdes qui sont, comme tout le monde ne le sait sans doute pas, de rarissimes crapauds.
Puis arrive l'effet habituellement destructeur des réglementations publiques, telle Natura 2000. C'est une directive européenne qui depuis 1992 établit partout des zones rurales où aucune activité n’est autorisée, sauf accord des « boureaucrates » de Bruxelles. Le prétexte est de défendre précisément cette biodiversité. La France a proposé 800 zones représentant 5 % du territoire. A ce titre des camarades des chauves-souris ont voulu sévir dans une commune parce qu’un quart des chauves-souris prétendues rares avaient élu domicile dans une caverne se trouvant sur son territoire !
QUELLE EST L'ISSUE ?
Dans toutes les situations même les plus néfastes et les plus ridicules, il existe des solutions. La secte des écolos est, certes, forte et elle s'appuie sur d'immenses intérêts représentés par la collection de ministres de tous pays. Le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE), est au centre du dispositif et rêve de chiffrer la valeur des écosystèmes afin que les décisions étatiques les prennent en compte. Cela veut dire que la bataille engagée est rude.
Pour échapper à la ruine, il faudrait reconnaître et diffuser sans cesse que l'homme n’est pas capable de diriger les espèces et qu'il doit simplement dans le cadre de sa raison voisiner avec ces espèces telles qu'elles sont, tout en en tirant d’ailleurs le meilleur parti.
Le libre jeu du droit de propriété et son corollaire la liberté des contrats apportent une solution ; elle doit s'accompagner de la dénonciation de certains traités internationaux. Ceux qui aiment particulièrement les chauves-souris ou les tigres, ou les vipères peuvent très bien s'organiser à leur propre échelle dans le cadre du droit naturel et sans nuire aux autres. De même les plus grands et plus beaux animaux peuvent être exploités librement avec parfois la création de fonds d'investissement. Si ces animaux risquent de disparaître, leur valeur augmentera et les propriétaires légitimes prendront les mesures adéquates.
Il est important en terminant de constater que la quasi-totalité de la population aime la nature et peut fort bien s'en occuper dans la liberté et la variété des situations. Seuls les serviteurs de la chimère peuvent être considérés comme des ennemis objectifs de la nature puisqu'ils veulent l'asservir à leur propre pouvoir, tout en empêchant les autres de s’en occuper.
MICHEL DE PONCINS. http://libeco.net -
Pensées noires
Le noir n’est pas une couleur, mais son absence. Penser est apprendre à mourir, c’est-à-dire à s’abstraire. Socrate est sans doute le père du nihilisme, car il instille la pensée critique dans le tissu resserré de l’existence, la dissolution dans le coagulé. La vie exige la foi, la certitude de régir les événements, ou du moins de les influencer. De l’adhésion sans recul à l’action résulte la force. La pensée peut réguler la force, non la produire. Elle est la carte, quand tout ce qui a lieu s’effectue sur le terrain. La trop grande lucidité peut faire perdre une bataille avant qu’elle ne soit engagée, car la raison géométrique peut persuader qu’elle sera vaine. Pensée et action ne se conjuguent qu’étroitement pour atteindre le sommet de l’être, là où, comme un dieu, on peut avoir l’impression de maîtriser la matière de l’Histoire. Tels furent par exemple les destins d’Alexandre, de César et de Napoléon. Mais, somme toute, ils ne firent qu’accompagner l’inévitable, et, se voulant maîtres et dieux, ils ne furent que les domestiques du Temps.
L’Histoire du monde ressemble à une vue aérienne : le plan panoramique révèle des lignes géologiques et le travail global des hommes, qui ont modelé le paysage sur une échelle universelle. Des champs, des prés, des forêts, des clairières, des villages, des villes, des voies se dessinent, s’étalent comme des taches, coupent, tranchent, s’évasent, se conjuguent aux blocs massifs des montagnes, aux effondrements des vallées et des gorges, aux linéaments des frontières naturelles, à la bigarrure des éléments minéraux et des végétations. Et si la vue se fait plus large et plus haute, et qu’elle emprunte le regard froid du satellite, l’apport humain se fait moins certain, les grandes logiques géographiques deviennent lisibles, les agencements géants du territoire continental et des évasements maritimes, les crispations et les relâchements titanesques de la planète apparaissent. Mais la vision se focalise-t-elle, en une sorte de travelling vertical descendant, sur les occupations microscopiques du vivant, l’agitation se fait plus fourmillante, le grouillement plus fébrile, et le temps semble s’accélérer, au grès des engagements particuliers, des rôles joués par des acteurs persuadés de tenir leur condition par l’action. La circulation se fait intense, chacun s’adonne à la tâche que sa vision implique, et si nous parvenons à cerner l’individu dans la circularité linéaire de son existence, qui est une spirale, c’est-à-dire une trajectoire répétitive du même dans le sillon d’une projection anticipative (ce que l’on appelle un destin, ou une vocation), nous avons presque la suggestion d’une liberté, d’une liberté néanmoins étranglée par la certitude de la mort.
Entre le regard des dieux et celui de la fourmi, il y a plus qu’une différence ontologique, il existe une distinction de perspectives, et c’est ce constat amer que l’on trouve avec force dans l’Iliade, cette école de l’esprit européen. Les guerriers s’agitent comme des insectes, sont pris de passion, s’entre-tuent en s’insultant, parfois quelque dieu prend parti, comme pour se divertir, souvent cruellement, dans ce jeu puéril, toujours sérieux, que les enfants entretiennent pour dompter un temps qui fuit, mais finalement, la famille des divinités se retrouve dans l’olympe, là-haut et loin, et, dans de grands rires, oubliant la dérisoire inquiétude des mortels.
Si Prométhée fut châtié d’avoir aidé les hommes, ce fut surtout parce qu’il leur donna l’illusion en leur octroyant un feu qu’il avait dérobé, un feu par conséquent illégitime. Toutes les sagesses anciennes présentent la conscience comme une faute ou une usurpation. Pensée, c’est souffrir, s’écarter de la condition naturelle du vivant, qui procrée et détruit comme une force qui va. Toutes les sagesses anciennes tenteront donc d’expliquer cette anomalie, ce fourvoiement du statut originel de l’être.
Le lourd fardeau de l’être pensant est une fatalité douloureuse, car il voit qu’il souffre, comprend sa douleur, et parfois les causes de celle-ci. Toute civilisation avancée a consisté à apprivoiser cette douleur, et à la travestir pour en faire la source de jouissances. La littérature, l’art, la philosophie, la musique sont des baumes sur nos plaies, et des vapeurs fantasmatiques qui nous permettent d’entrevoir quelque lueur d’une beauté enfuie, et peut-être enfouie. Toute civilisation aboutie formule au fond de sa conscience l’inanité de toute action. Toute la dialectique civilisationnelle, qui se nourrit du conflit constructif entre la barbarie et l’apprivoisement du sauvage, finit toujours par l’extinction de la vie dans le rêve.
Nous sommes à un moment décisif où le rêve, qui est parfois un cauchemar, s’est emparé de l’Histoire. La condition onirique supprime le temps et parodie le mythe dans l'utopie festive, la fixité d'un destin voué au plaisir. Le mythe est cette éternité originelle où tout pouvait commencer. L'éternité qui nous est promise est une agonie sans fin, un acharnement thérapeutique crépusculaire. Nous ne pouvons plus débuter car le terme, l’ultime et la finalité de notre être au monde historique a épuisé toutes ses potentialités de domestication de l’homme. Les insectes qui s’agitent ne le font plus que comme des robots téléguidés, car notre imperfection provient de notre perfection, notre faille de notre force, notre tare de notre vertu, notre stupidité animale de notre intelligence technique. C’est parce que nous avons atteint un degré de complexité incomparable que la matière vitale s’est absorbée dans la dimension mortifère du mécanique.
Peut-être qu’un effondrement géologique d’ampleur continentale nous rendrait à une sauvagerie revitalisante. Il n’est pas impossible qu’elle ne nous entraîne plus loin dans le labyrinthe de nos rêves suicidaires, cul de sac fabriqué par l'ingénieux Dédale, et il n’est pas dit que l’on trouve encore une Ariane et un Thésée, la pensée désirante et l'action tranchante, pour tuer le Minotaure.Claude Bourrinet http://www.voxnr.com -
Préférence nationale : pourquoi les Français ont raison de la solliciter…
Selon un sondage CSA, 66% des Français estiment que les réfugiés et demandeurs d’asile ne doivent pas bénéficier en priorité des aides et dispositifs sociaux publics.
En dehors de toutes considérations sur la portée d’un sondage dont les ressorts sont effectivement aux mains d’un système partisan, la question de la préférence nationale qu’il soulève est en revanche d’une actualité brûlante. Car de deux choses l’une : ou bien il y a en France suffisamment d’emplois pour tous ceux qui y résident, et dans ce cas la priorité à l’emploi pour les français, parce qu’elle n’est pas par définition une exclusivité, n’a aucune raison d’inquiéter les étrangers. Ou bien la France manque d’emplois, et dans ce cas il est bien normal que la solidarité nationale s’exerce prioritairement à l’adresse des ressortissants nationaux.
Qu’y a-t-il, en effet, de moralement suspect à vouloir enraciner l’amour du plus lointain dans l’amour du plus proche ? Celui-ci n’étant pas alors considéré comme un point d’arrivée dans l’exercice de la solidarité, mais bien comme un point de départ. Qu’y a-t-il de suspect à considérer que les Français sont héritiers chez eux, sur la terre de leurs ancêtres, et qu’ils possèdent alors davantage de privilèges que ceux à qui cet héritage, en tant que tel, ne s’adresse pas ? Après tout, seuls les enfants héritent de leurs parents, et non la terre entière.
Il faut donc introduire un ordre dans l’exercice de la solidarité, lorsqu’elle se déploie dans le cadre de la communauté politique : à quoi bon vouloir faire la charité à la terre entière lorsqu’on est incapable de l’exercer déjà à l’égard des siens ? Charité bien ordonnée commence par soi-même !
-
La déportation de la population basque par la Révolution française Un oubli du « devoir de mémoire »
Vous souvenez-vous de tous ces « Infâmes » ? Ceux de Sare, Itxassou, Ascain et d'autres encore ? Grande est la misère au royaume de France ! Au nom d'Itxassou, certains, gourmets à n'en pas douter me crient : « Ah ! Les bonnes confitures de cerises noires… » Le rouge ne devrait-il pas leur monter aux joues ? Itxassou, Espelette, Biriatou, Aïnhoa… Leurs habitants déportés. Tous ces morts au cœur et à l'âme suppliciés par la Révolution française…. A tous nos amis Basques, en ce mois d'avril nous disons « On dagizula » !
Et grâce à notre ami Alexandre de La Cerda nous entamons le devoir de mémoire que nous vous devons ! Terre de « fors » (libertés pour un bien commun), peuple fidèle à la foi de ses pères…
La Vendée, grande meurtrie parmi les « meurtries » est connue de tous… Mais le « Pays » Basque ne doit pas être oublié ! Un « Pays » qui sous la monarchie française avaient préservé ses traditions ancestrales. Devenu français en 1451, le Labourd pouvait se prévaloir, par exemple, du règlement des successions en tenant compte du droit d'aînesse, dont bénéficiait tant la fille aînée que le fils aîné, moyennant d'assurer une contrepartie aux autres frères et soeurs célibataires. Les Basques ne connaissaient pas la féodalité, et jouissaient d'une véritable constitution, sous la direction de leurs assemblées élues, veillant « jalousement » à leurs « fors », vivant fièrement leur langue et leur foi catholique…
Un grand merci à Alexandre de La Cerda.
Portemont, le 14 avril 2011
La déportation de la population basque par la Révolution française
Un oubli du « devoir de mémoire »Le 22 février 1794, un arrêté des « représentants du peuple » Pinet et Cavaignac décrétait « infâmes » les communes de Sare, Itxassou et Ascain, et ordonnait l'éloignement de tous leurs habitants à plus de vingt lieues.
La mesure fut aussitôt exécutée : après avoir été entassés dans leur église, 2.400 habitants de Sare furent conduits dans 150 charrettes à Saint-Jean-de-Luz et Ciboure où ils furent soumis aux quolibets, vexations et lapidations des membres de la « Société Révolutionnaire » de la commune rebaptisée « Chauvin-Dragon ».
Parqués dans les églises et d'autres bâtiments désaffectés, ils furent bientôt rejoints par des milliers d'autres compatriotes arrachés à leurs foyers de Saint-Pée, Itxassou, Espelette, Ascain, Cambo, Macaye, Mendionde, Louhossoa, Souraïde, Aïnhoa, Biriatou etc…
Saint-Jean-de-Luz et ses environs ne constituèrent qu'une première étape sur le chemin de croix des malheureux. Bientôt s’ébranla sur les routes le long cortège des déportés accompagné de charrettes où l'on avait jeté vieillards, enfants en bas-âge et grabataires. Des femmes accouchaient sur ces charrettes ou, en pleine nuit, sur la pierre nue, dans le froid !
L'itinéraire fut spécialement établi de manière à traverser des quartiers mal famés, notamment à Saint-Esprit, où une population trouble et famélique leur réserva le plus terrible des accueils… L'hiver 1794 fut particulièrement rigoureux, et les prisonniers mouraient en chemin comme des mouches, particulièrement les plus jeunes et les vieillards. On relève encore parmi les inscriptions tombales des cimetières jalonnant le parcours des suppliciés : Françoise Larregain, d’Ascain, 2 mois. Françoise Duhart, d’Ascain, 8 mois. Pierre Darhamboure, d’Ascain, 7 mois. Etienne Lissarade, d’Itxassou, 7 ans. Jean Garat, 3 ans. Michel Camino, de Sare, 11 ans. Michel Etchave, 9 ans. Martin Etcheverry, de Sare, 80 ans. Jean Delicetche, de Souraïde, 80 ans, etc. Les enfants qui réussissaient à survivre à ce cauchemar étaient livrés à eux-mêmes.
L'arrivée des survivants à destination églises et bâtiments désaffectés du Béarn, des Hautes-Pyrénées, des Landes, du Gers, du Lot-et-Garonne, jusque dans le Cantal et au-delà - ne signifia aucunement la fin de leurs tribulations, bien au contraire.
Un nouvel arrêté des autorités révolutionnaires, pris le 24 mai 1794, prévoyait l'organisation générale de la déportation : les détenus devaient être employés à des travaux publics et particuliers et ne pouvaient quitter la commune à laquelle ils étaient assignés, à peine de six ans de fer pour les hommes, six ans de prison pour les femmes, avec au préalable, une exposition d'une heure pendant trois jours « sur l'échafaud, au regard du peuple ».
II serait aujourd'hui difficile de s'imaginer les horribles conditions d'existence et de survie de ces malheureux entassés dans les églises (229 dans la seule église de Capbreton) dans le froid, sans nourriture, au milieu de populations étrangères, au moins par la langue, sous la surveillance d'autorités hostiles ; la liste des décès ne faisait que s'allonger…
Vers la fin du supplice
Il fallut attendre quelques huit mois pour qu'enfin le 28 septembre 1794, les « représentants » Baudot et Garrot mettent fin à l'internement des Basques et les autorisent à rentrer chez eux. La ruine était totale, les maisons dévastées, pillées et brûlées, la terre en friche ou les récoltes volées, les bourgs vidés de leur population. Pour le seul village d'Itxassou, une liste officielle dénombrait 271 déportés et 211 émigrés ; car nombreux étaient les Basques qui avaient cherché leur salut dans les provinces voisines de Navarre et de Guipuzkoa pour éviter la déportation. De timides mesures de répartition n'aboutirent pratiquement jamais, quelques responsables furent vaguement inquiétés. La colère des victimes s'exprime parfaitement dans le « Sarako iheslarien Kantua » ou chant des fugitifs de Sare ; quant à Salvat Monho, il regrette dans « Orhoitzapenak » (mémoires) que « ne soit pas permise la plus ancienne des lois (celle du talion, ndlr.), de rendre à chacun ce qu’il nous a fait ! »
Les prodromes de la tragédie
Comment expliquer les causes profondes de la déportation criminelle d’une population civile qui aurait sans doute valu à ses auteurs, en d’autres temps, un « procès de Nuremberg », bien que l’enlisement sans fin de celui des Khmers rouges au Cambodge et l’impunité générale des responsables communistes semblent accréditer sérieusement une systématisation, à notre époque, des « doubles standards » d’appréciation et de jugement ?
Tout d'abord un divorce profond des populations basques avec le pouvoir parisien révolutionnaire qui jugeait que les transformations souhaitées et l'élimination des anciennes forces vives ne s'accomplissaient pas assez rapidement.
Sans doute, l’accélération des événements intérieurs entraînant une nette radicalisation du pouvoir central avait-elle de quoi surprendre l’opinion publique « moyenne » - dans l’ensemble plutôt modérée - du département nouvellement créé des Basses-Pyrénées.
Une modération enrageante
La situation à Bayonne est parlante à cet égard.
Pôle marchand et libéral, les Protestants n’y furent par exemple guère inquiétés lors des guerres de religion qui avaient au XVIe siècle enflammé durablement toute la région alentour ; l’église de Saint-Jean-Pied-de-Port et celles de Chalosse, pour ne citer que celles-là, portent encore les séquelles des dévastations causés par Montgomery et ses troupes de Réformés.
Or, en ce XVIIIe siècle finissant, les nécessités du négoce et le voisinage de la frontière avaient conduit de nombreux étrangers à Bayonne dont les plus remuants étaient « utilisés » par les Girondins pour activer la propagande révolutionnaire dans leur pays d’origine.
Les Juifs de Saint-Esprit avaient déjà oublié que leur début d’émancipation était dû à la volonté de Louis XVI (et qu’ils avaient été plus d’une fois soutenus par les tribunaux royaux dans leurs querelles prolongés contre les marchands bayonnais, en particulier à propos du chocolat) : ils étaient donc disposés à servir la Révolution - tant qu’elle ne compromettrait pas leurs intérêts - et il feront durement sentir leur animosité envers les colonnes de déportés qui traverseront Saint-Esprit.
Quant aux députés représentant le nouveau département à la Convention, le procès du roi donna un aperçu de leur « modération » : Casenave, Conte, Meillan, Neveu, Pémartin et Sanadon se prononcèrent tous contre la peine de mort remplacée par la détention et le bannissement à la paix.
Cependant, les menaces européennes qui firent triompher en France la politique belliqueuse et l'extension de la guerre fit prendre de nouvelles mesures de « défense nationale », exaspéra les discordes politiques et porta le gouvernement central à déléguer des conventionnels aux frontières et à l'intérieur. Avant même la déclaration de guerre à l'Espagne en mars 1793 et surtout après cette date, ces commissaires aux armées organisèrent peu à peu, pièce par pièce, en appliquant et en complétant les décrets, le gouvernement révolutionnaire dans les Basses-Pyrénées.
Alexandre de La Cerda http://www.lesmanantsduroi.com/