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culture et histoire - Page 1944

  • Ecoracialisme (3) -/ L'Age d'or

    Frédéric Malaval, auteur du livre Ecoracialisme, non encore paru en édition, nous propose en exclusivité sur un mode toujours original son troisième extrait. Son constat est d’un réalisme achevé. Quelques anecdotes personnelles agrémentent sa démonstration qui débouche sur une conclusion presque déconcertante ou tout au moins inattendue. Nous verrons si les lecteurs réagissent sur ce texte.
    Polémia

    L'Age d'or

    Depuis la seconde moitié du XXe siècle, on vit bien. Guerres, famines, épidémies, tout a quasiment disparu depuis 1950. La population mondiale est passée d'environ 2,5 milliards d’individus à cette époque à 7 milliards en 2010. Dix milliards bientôt ?

    Depuis 1950, aucun conflit majeur n’est venu perturber la marche du monde. Le total des tués pendant la Première Guerre mondiale aurait été de dix millions ; des hommes jeunes et en bonne santé. (…)

    Un constat s'impose : énormément de morts. Depuis 1945, il y eut des conflits, mais les mortalités avérées sont beaucoup plus faibles. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) envisage 250.000 morts pour faits de guerre en 2004, contre 500.000 par homicides et 1.000.000 de suicidés. Les pertes humaines d'aujourd'hui sont de surcroît à rapporter à une population qui a presque triplé en un demi-siècle.

    Les morts par famine ont, eux aussi, quasiment disparu. La malnutrition existe : les disettes sont encore nombreuses, condamnant les individus les plus fragiles. Mais de gigantesques famines en temps de paix, il n'y a plus. Chacun peut constater qu'en Europe les marchés et les magasins regorgent de victuailles abondantes et de qualité. Ailleurs, il en est de même. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Produit intérieur brut (PIB) mondial n'a cessé de croître (sauf en 2009, selon la Banque mondiale), ceci malgré des crises sévères comme l'effondrement de l'Union soviétique et de ses satellites.

    Quant aux épidémies, c’est un mauvais souvenir. La Grippe espagnole de 1918 avec ses 34 millions de morts est la dernière ayant marqué les esprits. Oublions aussi les choléras du XIXe. A Paris, l'épidémie de 1832 fit près de 19.000 victimes en six mois, autant à Marseille. En juin 2011, les autorités allemandes purent confirmer la source d'une épidémie de diarrhées mortelles. Bilan : 36 morts.

    Guerres, famines et épidémies étant contenues, au cours des cinquante dernières années la durée de vie moyenne a progressé de plus de 20 ans dans le monde, passant de 46 ans (1950-1955) à 68 ans (2005-2010). Mais les situations restent très contrastées, avec une durée de vie bien moindre dans beaucoup de pays. Alors qu'un Européen vit en moyenne 76 ans, un Africain vit en moyenne 55 ans. En France, l'espérance de vie était de 45 ans en 1900, soit moins que celle d'un Africain aujourd'hui.

    Cessons ici d'exposer des chiffres étayant une idée simple : nous vivons un Age d'or. Bien sûr, tout est contestable. Evénements et statistiques font toujours l'objet d'aménagements selon les motivations des protagonistes qui les avancent. Toutefois, si je prends mon exemple, celui d'un Européen francophone de nationalité et citoyenneté françaises, né quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ayant toujours vécu dans la partie européenne de la Ve République française, je n'ai connu ni la guerre, ni la famine, ni d'épidémie. De cela, j'en suis garant. Je ne crois pas qu'aucun de mes aïeux eut ce privilège. Mes deux grands-pères vécurent comme soldats les deux conflits mondiaux. Mon père se promena dans les Aurès. Une grand-mère de mes enfants subit encore (2011) les séquelles du typhus qu'elle contracta, enfant, dans un Großdeutsches Reich agonisant. Son époux, plus âgé, traversa ces années sur le fil du rasoir. Membre de la Hitlerjugend, il était mobilisable par la Waffen-SS en juillet 1944. Prudent, il se fit oublier. Il termina sa carrière comme un des protagonistes de la fondation de la Communauté européenne Charbon-Acier (CECA). Dans cette génération, j’ai croisé un Breton sachant, enfant, à peine parler français. Enrôlé dans l’US Air force, il se retrouva en 1945 parlant mieux l’anglais que sa langue nationale. Il termina sa carrière commandant de bord chez Air France, sur Boeing 747. Un Alsacien, étudiant en médecine, ayant commencé la guerre sous le drapeau français fut ensuite intégré comme infirmier dans la Wehrmacht. Il finit la guerre sous le même statut, mais dans l’Armée soviétique, après qu’il eut été fait prisonnier par les Russes. (…)

    Quelques chiffres et souvenirs argumentent ce constat

    Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la production de biens de consommation et de services a fortement augmenté. Le Produit intérieur brut (PIB) mondial a été multiplié par 7 en 50 ans. Tous les continents ont connu la croissance, les acquis des pays « riches » profitant aux pays « pauvres ».

    De 1900 à 1950, la consommation mondiale d'énergie est passée de 965 millions de tonnes d'équivalent pétrole (TEP) à 2.099 millions de TEP, soit une multiplication par 2,1. (…)

    La consommation de denrées alimentaires connaît, bien évidemment, les mêmes évolutions. (…)

    Que ce soient les ressources renouvelables, comme le poisson, ou non renouvelables, comme le pétrole, la consommation de tout ce qui est consommable a crû depuis 1950 dans des proportions supérieures à celles estimées depuis que l'Homo sapiens sapiens artificialise l'écosphère. Les chiffres sont connus et régulièrement diffusés par des mouvements écologistes. Le WordWatch Institute, créé en 1974 par Lester Brown, édite chaque année un « état du monde » sous le titre The State of the World. Cet organisme se veut le pendant inquiet des grandes organisations internationales créées par les Américains dans l'après-guerre pour coordonner leur politique mondiale : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Organisation des Nations unies (ONU), FAO, OMS, etc. Les résultats sont à la hauteur des espérances de leurs initiateurs. (…)

    Le confort, la santé, la sécurité, etc., tout ceci caractérise la seconde moitié du XXe siècle. Le prix à payer en est cependant une crise écologique inconcevable auparavant. La solution envisagée pour la surmonter est le Développement durable, dernier avatar d'une Modernité dont on oublie les apports, car ils vont de soi, et dont la conséquence est qu'on « vit bien ».

    Alors , oui, nous vivons dans ce qui ressemble à un paradis. Forts de ces succès, ceux qui ont organisé ce monde peuvent légitimement revendiquer sa direction officielle. Qui sont-ils ? Les Etats-Unis d’Amérique. La classe dirigeante américaine et ceux qu'elle a convaincus de la bienveillance de ses entreprises poursuivent inlassablement ce but : améliorer les conditions de vie matérielles de chacun d'entre nous. Ceux-ci ont comme doctrine de référence un capitalisme mondialisé, garant de la réalisation terrestre du paradis biblique. L'Homme y est envisagé comme un producteur-consommateur. Les plus dynamiques créent et organisent la distribution de ces richesses. A l'instar d'une aristocratie guerrière qui assurait la sécurité des territoires qu'elle dominait, l'oligarchie capitaliste apporte la prospérité. Personne ne veut contester sa gouvernance car les bienfaits dont chacun bénéficie aujourd'hui sont largement supérieurs aux méfaits qu’elle engendre. Cela dure depuis plus d'un demi-siècle. De surcroît, aucune doctrine n'est capable de s'opposer par l'esprit à ce qui domine la tête et le cœur de nos contemporains. Actuellement, rien ne peut ébranler les fondations de la mondialisation heureuse ou, dit autrement, l’américanisation du monde conduite par les Etats-Unis.

    Frédéric Malaval
    Ecoracialisme (3) L’Age d’or
    17/01/2013

    A suivre  Correspondance Polémia – 22/01/2013

    Voir :

    Ecoracialism (1) / Introduction
    Ecoracialisme (2) / Un homme, une femme ; un homme/femme, une femme/homme 

  • Colloque "France, qu'as-tu fait de tes libertés ?"

    Sous l’égide du SIEL, Les Cahiers de l’Indépendance et M. Jacques Bompard, député de Vaucluse, maire d’Orange.

    Le lundi 28 janvier 2013 de 15h00 à 20h00

    Assemblée Nationale (Salle V.Hugo - 3e s.-sol) - 101 rue de l’Université - 75007 PARIS (Métro Assemblée Nationale)

    PDF - 149 ko

     : Programme du colloque

    SIEL

  • « Du djihad aux larmes d'Allah : Afghanistan, les sept piliers de la bêtise » du Colonel Cagnat

    Lorsque François Hollande s’est adressé aux Français, en novembre dernier, pour les assurer de son engagement à ne pas intervenir militairement au Mali en y envoyant des troupes au sol, on aurait pu penser qu’il avait lu le livre du colonel Cagnat, publié peu de temps avant. Avec une plume de révolté, cet ancien officier supérieur d’infanterie cherche à faire réfléchir son lecteur à travers son expérience de terrain en Asie centrale et sa riche carrière militaire sur les enseignements à tirer de plus de dix ans d’intervention occidentale en Afghanistan. Cet ouvrage, dont Polémia présente ici une recension à ses lecteurs de Bertrand Renouvin, est à verser au dossier de la guerre du Mali. L’auteur redoute, après le départ de Kaboul de l’OTAN, une contagion de la déstabilisation dans les pays voisins. En Afrique, après avoir constaté, suite à la chute de Kadhafi, les désordres survenus au Mali frontalier, ne peut-on pas craindre dans cette ancienne Afrique occidentale française les mêmes phénomènes ?
    Polémia
     

    Colonel d’infanterie, docteur en sciences politiques, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques, René Cagnat s’est établi au Kirghizstan après avoir été attaché militaire dans plusieurs pays de l’Est et en Asie centrale.

     

    L’ouvrage qu’il vient de publier (1) dénonce les erreurs tragiques commises par les Américains en Afghanistan, analyse les conséquences de leur échec et ouvre le débat sur les moyens d’y remédier.

     

    René Cagnat fait partie de ceux qu’on n’écoute pas. Ils sont nombreux dans cette confrérie formée d’hommes et de femmes riches d’expériences et de savoirs toujours généreusement offerts pour le service de la France. En haut lieu, on refuse de les connaître, au mieux on lit leurs notes sans rien en retirer parce qu’elles sortent du cadre assigné. De droite ou de gauche, les dirigeants tiennent un anti-discours de la méthode : ils prennent au sérieux les experts qui sont de leur avis et de leur monde mais récusent sans les discuter les analyses dérangeantes et novatrices. Le coup à jouer, le plan de communication efficace, le respect de la Pensée correcte nationale et mondialisée sont les critères d’une réussite attestée par les éditoriaux du Monde et de Libération.

     

    C’est ainsi que Jacques Chirac et Lionel Jospin et surtout un Nicolas Sarkozy qui a longtemps bénéficié de la complicité du Parti socialiste, ont jeté la France et ses soldats dans le piège afghan. Décisions insensées, qui marquent cruellement la dérive occidentaliste de nos oligarques. Décisions jamais soumises au débat dans notre pays car je sais de source sûre que l’Elysée a pris soin, entre 2007 et 2012, de contrôler étroitement tout ce qui était écrit dans la grande presse sur l’Afghanistan. Bien entendu, les spécialistes pouvaient librement publier des livres et des articles – y compris dans la revue Défense nationale – mais l’audience de Jean-Dominique Merchet (2), de René Cagnat, de Gérard Chaliand (3) restait limitée.

     

    Pourtant, ceux qui ont averti que l’affaire afghane était mal engagée, puis expliqué pourquoi les Américains perdaient cette guerre, étaient dans le vrai. René Cagnat présente et reproduit dans son livre les articles qu’il a publiés depuis 2001. Ce ne sont pas ceux d’un anti-américain : il a espéré que les Etats-Unis joueraient un rôle positif en Asie centrale puis montré comment l’OTAN pourrait se redéployer utilement dans cette région du monde. Ce ne sont pas ceux d’un prophète de malheur : il propose une politique permettant d’éviter que le Très Grand Jeu ne se fasse au détriment de la France et de la grande Europe. C’est pour préparer l’avenir que René Cagnat fustige les sept piliers de la bêtise américaine dont il a pu constater les effets désastreux depuis Bichkek et sur place, à Kaboul :

     

    1/ Le bombardement de l’Afghanistan à partir du 7 octobre 2001 est un acte de vengeance qui consiste à faire payer à des Afghans innocents – surtout des Pachtouns – l’attentat qui a tué les Américains innocents du World Trade Center. « C’est une victoire pour Ben Laden, car les bombes rassemblent les Pachtouns derrière les Talibans dressés contre les infidèles et tenants du devoir d’hospitalité ». Contre Al-Qaïda, c’est une guerre de renseignement qu’il aurait fallu mener.
    2/ Les Américains n’ont pas tenu compte des leçons de leur échec au Vietnam et de l’échec soviétique en Afghanistan : ils ont mené une guerre classique mais la maîtrise du ciel, les systèmes d’armes hautement performants et le contrôle des grandes villes n’ont pas pu détruire les Talibans qui, au contraire, se sont renforcés après avoir abandonné Kaboul.
    3/ Bénéficiant du soutien plus ou moins actif d’une partie de la population afghane, les Talibans ont pu mener leurs opérations à partir de leurs bases au Pakistan, pays allié des Etats-Unis mais qui a mené un double jeu afin d’assurer à terme son influence prépondérante à Kaboul et sur les territoires pachtouns.
    4/ Parce qu’ils ignoraient délibérément les réalités afghanes, les Etats-Unis ont voulu démocratiser à l’américaine un pays musulman composé de peuples différents, dominé par des seigneurs de la guerre et résolument hostile aux agressions étrangères. « Au lieu d’installer un fantoche de plus à Kaboul [le douteux Hamid Karzaï], il fallait recourir à la famille royale autour de Zaher Shah. Avec une restauration véritable de la royauté, il y aurait eu à Kaboul, grâce à l’immense prestige de Zaher Shah, une autorité respectée en mesure de rétablir les subtils équilibres ménageant une paix relative entre les ethnies ».
    5/ Trop faible et mal répartie, l’aide financière n’a pas permis de reconstruire l’Afghanistan selon un plan méthodique de développement. L’aide étrangère est la source d’une immense corruption, qui touche les dirigeants afghans mais aussi les milieux occidentaux.
    6/ L’islamisme a été sous-estimé. Dans les zones tribales, les Talibans ont pu former des fanatiques toujours prêts au sacrifice suprême. « La conception stratégique aussi bien que l’action tactique sur le terrain ont incombé le plus souvent à des responsables et officiers totalement ignorants de l’histoire, de la sociologie, des spécificités de l’Afghanistan et même de l’islam ». Le sursaut d’intelligence incarné par le général Petraeus n’a été qu’une parenthèse sans incidence positive sur le déroulement de la guerre. Au lieu de freiner l’insurrection, les campagnes d’élimination des cadres talibans en Afghanistan et, au moyen de drones, au Pakistan, n’ont fait qu’ajouter la haine à la haine.
    7/ La lutte contre la drogue n’a pas été engagée. Pourtant, les Talibans l’avaient interdite et les contrevenants étaient exécutés. Mais les Américains n’ont pas voulu déplaire à leurs alliés de l’Alliance du Nord, grands producteurs de pavot. Au contraire, à Kaboul en 2003, les milieux bien informés m’avaient affirmé que la CIA encourageait la culture du pavot afin de s’attirer les bonnes grâces des seigneurs locaux. Le résultat de cette brillante politique ? Tout simplement ceci qui est à tous égards accablant : « les narcotiques ont rapporté en 2007 plus de 80 milliards de dollars aux trafiquants afghans qui s’efforcent de « commercialiser » un tonnage d’opium qui est équivalent à 92% de la production mondiale ». En Asie centrale, en Russie, en Europe de l’Ouest, nous constatons les effroyables dégâts engendrés par ce commerce.

     

    Ce que je présente comme un bilan des erreurs, des fautes et des crimes américains a été dénoncé tout au long de la décennie par ceux, civils et militaires, qui avaient appris à connaître et à aimer l’Afghanistan. Décidé par Nicolas Sarkozy pour plaire aux Américains et marquer le retour complet de la France dans l’OTAN, l’envoi en 2009 de soldats français dans des zones très dangereuses fut une aberration couverte, il faut le répéter, par le Parti socialiste : la guerre était manifestement perdue dès 2007 et l’engagement français n’a été précédé d’aucune discussion sur les buts de la guerre, sur la stratégie, sur la tactique, sur la présence de mercenaires, sur le gouvernement du pays. On s’est contenté, à l’Elysée, de reprendre les slogans de la guerre contre le terrorisme alors que nul n’ignore que le terrorisme se combat par les actions de renseignement et les opérations spéciales. L’armée française, qui s’est comportée avec courage et intelligence, sans se livrer aux actes insultants et criminels des Américains, a durement payé les rodomontades qui cachaient l’alignement sarkozyste : au mois d’août 2012, nous déplorions 88 tués et 700 blessés.

     

    Maintenant amorcé, le départ de nos soldats ne doit pas détourner la France de l’Asie centrale. Tels que les présente René Cagnat, les scénarios pour l’Afghanistan sont d’une plus ou moins grande noirceur : constitution d’un narco-Etat par improbable consensus entre Afghans, guerre civile, parachèvement de la domination talibane sur une partie du pays. Il est donc urgent de concevoir une action politique et militaire pour la défense de l’Asie centrale, qui est en continuité territoriale avec l’Europe continentale et qui la pénètre – par exemple au Tatarstan (4).

     

    Quant à cette défense de l’avant, nous avons déjà fait écho aux analyses et aux propositions de René Cagnat, dans l’espoir de susciter un débat public qui n’a pas eu lieu (5). Nous continuons à le demander, car les dirigeants socialistes risquent fort de mettre un terme à notre présence militaire en Asie centrale sous prétexte d’économies budgétaires, en laissant les Etats-Unis faire n’importe quoi.

     

    Les échecs des Américains au Vietnam, en Irak, en Afghanistan, prouvent leur incompréhension totale des guerres non-conventionnelles et leur manque d’intérêt pour les nations et les peuples au sein desquels ils déploient leurs troupes. Leur doctrine de la guerre d’anéantissement (6) est à l’opposé de la nôtre, toujours inspirée par le souci politique. Cette opposition radicale des conceptions et des méthodes devrait nous conduire à quitter définitivement l’OTAN et à nous garder de toute action militaire aux côtés des Etats-Unis.

     

    Les affrontements violents qui se sont déroulés en juillet à Khorog , principale ville du Pamir, soulignent le risque de déstabilisation, au Tadjikistan et au Kirghizstan, des zones proches de l’Afghanistan. Notre présence militaire à Douchanbe et nos relations cordiales avec les gouvernements nationaux et avec les troupes russes basées au Tadjikistan et au Kirghizstan devraient permettre des actions communes contre les infiltrations islamistes et les trafiquants de drogue.

     

    Plus généralement, il nous faudrait tracer avec la Fédération de Russie et avec les nations ouest-européennes qui le souhaitent les lignes de défense de l’Europe continentale et une doctrine d’intervention qui, loin de tout occidentalisme, permettrait de protéger et de promouvoir les intérêts communs.

     

    Bertrand Renouvin, http://www.polemia.com/
    Le blog de Bertrand Renouvin
    31/12/2012

     

    Notes

     

    (1) René Cagnat, Du djihad aux larmes d’Allah, Afghanistan, les sept piliers de la bêtise, Editions du Rocher, 2012. Toutes les citations sont tirées de ce livre.
    (2) Jean-Dominique Merchet, Mourir pour l’Afghanistan, Jacob-Duvernet, 2008.
    (3) Gérard Chaliand, L’impasse afghane, L’aube, 2011.
    (4) Cf. ma Lettre de Kazan sur mon blog
    (5) Cf. Entretien avec René Cagnat, Royaliste n° … ainsi que mon éditorial du numéro 1010 « Défendre l’Asie centrale ».
    (6) Cf. mon compte-rendu de l’ouvrage du Général Vincent Desportes : Le piège américain dans Royaliste n° 997, et notre entretien avec Thomas Rabino, pour son ouvrage De la guerre en Amérique, dans Royaliste n° 1017.

     

    Article publié dans le numéro 1020 de Royaliste - 2012

     

    René Cagnat, Du djihad aux larmes d’Allah : Afghanistan, les sept piliers de la bêtise, Editeur : Editions du Rocher, Collection : Documents, Septembre 2012 148 pages

  • Et malgré tout cela, il existe encore un parti communiste en France... (archive 1998)

    80 ans après l'arrivée au pouvoir de Lénine et le début de la terreur rouge à travers le monde, les langues se délient, les archives parlent, les historiens et les chercheurs du monde entier tranchent à travers les témoignages et les documents pour dire ce qu'a été le communisme réel.

    Nous lui consacrons ce dossier et souhaitons qu'il fasse réfléchir tout à la fois les 9% d'électeurs français qui continuent contre toute évidence à faire confiance aux héritiers politiques de Lénine et à tous ceux qui, jour après jour font le lit du PCF par leurs abandons et leurs compromissions.

    De façon incontestable, un livre sort du lot parmi les documents offerts sur le sujet à la connaissance du public français. Ouvrage de référence Le Livre noir du communisme devrait figurer dans toute bibliothèque digne de ce nom. D'autant plus peut-être qu'il a été écrit par une équipe d'historiens français et européens, dont la plupart disent être de gauche ou d'origine communiste, ce qui donne à leur implacable réquisitoire une sorte de blanc-seing. L'intelligentsia française marxisante a tenté sans conviction de minimiser la portée du document, sans doute pour faire oublier ses 80 ans de compromissions avec la pire des barbaries que la terre ait portée. Mais les preuves apportées sont indiscutables, sauf pour quelques staliniens négationnistes tels que Jeannette Thorez.

    Trois éléments essentiels, que l'on aimerait bien trouver à l'avenir dans les livres scolaires, sont confirmés par Le Livre noir du communisme :
    a) 85 à 100 millions d'hommes, de femmes et d'enfants au minimum ont trouvé la mort du fait des régimes communistes.
    b) Lénine et Trotski sont aussi criminels que Staline ou Mao, n'en déplaise à Robert Hue et Arlette Laguiller qui tentent de sauver du naufrage le léninisme ou le trotskisme...
    c) Partout où il a conquis le pouvoir, le communisme a instauré des régimes totalitaires, supprimé les libertés, fait naître des nomenklaturas criminelles et corrompues.

    Depuis des décennies, des hommes en Occident ont été des précurseurs osant dire à la face de ceux qui ne voulaient pas entendre quelle était la nature réelle du communisme. Pour cela, pour avoir eu raison trop tôt, ils ont été traités de "chiens" par Jean-Paul Sartre et les intellectuels communistes français ; ils ont été parfois même attaqués physiquement, diabolisés et accusés de faire le jeu du fascisme. Ces hommes parmi lesquels les écrivains Boris Souvarine, Victor Kravtchenko, et bien sûr Alexandre Soljénitsyne, des hommes politiques aussi comme Ronald Reagan ou Jean-Marie Le Pen, sans oublier le Pape Jean-Paul II, ont maintenu durant toutes ces années, contre vents et marées, la mémoire des millions de victimes ignorées, sacrifiées au nom d'une idéologie inhumaine. Justice leur soit rendue. Mais le travail de mémoire ne saurait s'arrêter là. Comment accepter l'absence d'un véritable procès de Nuremberg du communisme international ? Comment supporter, plus près de nous, que des rues de nos villes, et parfois des écoles portent les noms des bourreaux soviétiques et de leurs complices français ? Comment tolérer que le tortionnaire Georges Boudarel coule des jours heureux à Paris sans avoir dû répondre de ses actes devant les tribunaux ? Comment expliquer qu'il n'y ait plus de parti nazi, mais qu'un Parti communiste ait encore pignon sur rue en France et des ministres au gouvernement ? C'est sur le mot même de communisme que doit être définitivement jeté l'opprobre, en mémoire de tous ceux qui ont été persécutés, traqués, torturés, affamés, tués et génocidés en son nom.

    Damien Bariller Français d'abord ! Numéro spécial - 2' quinzaine janvier 1998

  • ÉTATS-UNIS Une blessure béante

    150 ans après son déclenchement, la guerre de Sécession continue d'imprégner l'esprit des Américains, qui furent des milliers à marquer cet anniversaire avec une fierté mêlée de tristesse et de rage.
    Il y avait 150 ans, le 12 avril, éclatait en Amérique la plus sanglante guerre de son histoire : 618 000 morts, plus d'un million de blessés graves, un territoire grand comme quatre fois la France ravagé. Cette boucherie a reçu, et conserve, deux noms différents - un pour chaque camp - ce qui prouve qu'elle divise encore les esprits.
    Pour les vainqueurs nordistes, ce fut une guerre civile. Or, rien n'est plus faux. Le Sud vaincu n'a jamais voulu s'emparer de Washington, remodeler les institutions fédérales, imposer ses principes socio-politiques. Le plus cher désir du Sud était de continuer à vivre comme il avait vécu depuis deux siècles sous son blanc soleil, dans la moiteur tropicale, l'ombre de ses magnolias, la sérénité de ses champs de coton, de tabac et de canne à sucre. Le Sud avait une civilisation à défendre. C'est pour elle que ses fils prirent les armes. Par mépris, le Nord en fit des rebelles. À qui la faute ? Le Sud devait réagir contre un étranglement commercial voulu par les yankees, une succession de lois humiliantes, injustes et dominatrices, le viol répété d'une Constitution où chaque État avait le droit de faire sécession. Ce droit, le Sud l'a revendiqué dans un choc effroyable qu'il a appelé la "guerre entre les États".
    Ce fut en effet une lutte entre les deux parties du puzzle américain. Les morceaux situés au Nord avaient une lecture autoritaire, centralisatrice, contraignante de la Constitution. À l'inverse, les morceaux situés au Sud avaient une vision souple, régionaliste et libérale de la même Constitution. Les Pères fondateurs auraient donné raison au Sud : on pouvait quitter l'Union. Le mot est lâché : sécession. Il s'agit du défi de onze États pour préserver leurs terres, leurs foyers, leurs moeurs, leurs consciences - l'âme du Sud, son sang bouillonnant et fier, qui va bientôt surgir sur le devant de la scène.
    Fort Sumter
    Un mois après l'entrée d'Abraham Lincoln à la Maison Blanche en mars 1861, tous les regards se fixent sur un fort minuscule édifié au sommet d'un îlot isolé à l'entrée du port de Charleston, en Caroline du Sud. C'est Fort Sumter. Une garnison nordiste l'occupe : symbole provocant au coeur du pays sudiste. De là jaillira l'étincelle qui mettra le feu à la traînée de poudre jusqu'à l'embrasement général. Les Sudistes assiègent Fort Sumter, puis, le 12 avril 1861 au petit matin, l'aspergent d'obus. La canonnade durera vingt-quatre heures, ne fera que quelques blessés et débouchera sur une reddition. Occasion rêvée pour Lincoln de présenter le Sud comme l'agresseur. Il mobilise 75 000 hommes. La guerre commence.
    Suivent mille jours de combat, seize batailles décisives, une dizaine de fiévreuses campagnes et, dans les deux camps, ces flambées d'audace, de courage, d'héroïsme qui ont recouvert l'immense champ d'honneur du visage des grandes guerres. Grande comme celle de 14-18 pour les Français. Grande parce que c'est la seule que les Américains ont vécu avec leur tripes. Et parce que c'est la seule qui eut pour théâtre leur propre territoire. En avril 1865, le Sud reconnut la défaite de ses armes. Mais il n'accepta jamais la loi du vainqueur. Cette liberté assassinée que plus de six millions d'hommes et de femmes avaient rêvée laissa une blessure qui ne guérira jamais. Le Sud a plié. Le Sud s'est soumis. Le Sud a réintégré l'Union. Mais sous ces apparences, il est resté un rebelle - dans sa mentalité, ses fibres, ses espoirs. Et ses souvenirs. Deux mois avant Fort Sumter, Jefferson Davis était élu président de la Confédération. Il prêta serment sur les marches du Capitole de Montgomery, en Alabama. Ce fut alors le triomphe de la confiance, de l'enthousiasme, de l'euphorie. L'histoire s'accélérait.
    Face à Lincoln, il y avait désormais Davis. Face au Nord, il y avait plus que jamais le Sud rassemblé, une volonté nationale, la perception d'un destin. Un siècle et demi plus tard, en février dernier, ils furent des milliers à marquer l'événement avec une fierté mêlée de tristesse et de rage. Devant le même Capitole de Montgomery, les vieux fusils, les costumes d'époque, la bannière sudiste avec ses étoiles et la croix de Saint-André défilèrent dans la fumée des canons, les accents de l'impérissable Dixie qui chante la douceur de vivre, le pays du coton, le bon vieux temps. La parade dura plusieurs heures. À la fin, un acteur local joua le rôle de Davis et lut l'allocution qu'il prononça jadis : « Devant la force, le Sud fera sentir à ses adversaires l'odeur de la poudre. Il soutiendra ses droits. Rien que ses droits. Mais tous ses droits. » Deux mois plus tard, la canonnade de Fort Sumter montra d'une façon éclatante que le Sud était intimement convaincu de la justesse de sa cause. Le 12 avril dernier, ce fort, symbole d'une volonté inébranlable, fut envahi par les foules du souvenir et de la ferveur. Comme à Montgomery. Et comme là-bas, les charognards hystériques tempêtèrent contre les « nostalgiques de l'esclavagisme ».
    L'esclavage, cause du conflit ?
    La plus révoltante imposture du politiquement correct concernant la guerre de sécession est liée à l'esclavage. On s'ingénie à faire croire aux Américains qu'il est l'unique origine de ce conflit. Autre mensonge. Lorsque les premiers coups de feu furent échangés, les États du Nord comptaient des dizaines de milliers d'esclaves. L'esclavage était légal à Washington et en 1857 - soit quatre ans à peine avant le début des hostilités - la Cour suprême des États-Unis réaffirma que le fait de posséder des hommes et des femmes de race noire pour les soumettre à un travail régulier était un droit constitutionnel. À la même époque, des élus du Nord proposèrent un amendement à la Constitution qui spécifiait que les instances fédérales n'avaient aucune autorité pour intervenir sur l'esclavage dans les États où il existait. Bref, on ne tua pas 618 000 soldats pour libérer 4,5 millions de Noirs importés d'Afrique. La guerre est née de l'acharnement de Lincoln à sauvegarder l'Union, coûte que coûte. Au prix d'un effroyable bain de sang. Lincoln a son mausolée à Washington. C'est même le plus imposant de tous. Beaucoup de phrases mémorables qu'il a prononcées y sont gravées. Mais on chercherait en vain la plus significative : « Si j'avais pu sauver l'Union sans libérer un seul esclave , je l'aurais fait. » n
    De notre correspondant aux États-Unis, Philippe Maine L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 21 avril au 4 mai 2011

  • En fin de compte, la guerre contre l’Iran n’aura pas lieu

    Ex: http://mediabenews.wordpress.com/


    iran-wide

    La guerre contre l’Iran n’aura pas lieu… pour le moment. La guerre d’Iran n’aura pas lieu de sitôt même si ‘Pierrot le fou’ – Benjamin Netanyahu, Premier ministre d’Israël – crie « Aux loups, aux loups » à la Knesset – parlement israélien – pendant qu’Ahmadinejad – le Président iranien – ne l’écoute pas, ne l’entend pas, et pour cause…

    L’Iran connaît parfaitement les plans de l’hyène américaine et l’Ayatollah Khamenei sait également que le renard israélien ne commande pas au loup états-unien. C’est plutôt l’inverse (1).

    Tout ce que la Terre porte d’analystes, d’observateurs, d’experts militaires se sont émus la semaine dernière à l’annonce qu’un porte-avions de la Ve flotte américaine, furetant dans le secteur du détroit d’Ormuz, loin de son port d’attache, avait été chassé de la région par un exercice militaire iranien. Le navire risquait en effet de provoquer un incident-accident entre les deux belligérants se disputant le Golfe persan (2).

    L’incident n’était pourtant qu’un exercice de réchauffement avant la conflagration à venir. Après avoir assisté à ce coup monté, dites-vous que l’une des prochaines fois sera la bonne et que cet incident provoqué déclenchera non pas la ‘troisième guerre mondiale’ mais l’attaque américano-israélienne contre l’Iran que l’Amérique attend depuis si longtemps.

    Pourquoi pas cette fois, ni la prochaine, mais la suivante seulement ? Et pourquoi en 2013 et pas avant ? Pour répondre à ces questions il faut savoir pourquoi les USA en veulent tant à l’Iran. Si l’on ne sait pas répondre à cette question préalable, on en est réduit à conjecturer – à spéculer – à colporter les papiers d’intoxication médiatique des éditorialistes américains et israéliens.

    Posons d’abord une prémisse évidente. Neuf pays de par le monde possèdent l’arme atomique. Ce sont les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, l’Inde, la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël – entre 100 et 200 ogives – (3). Y a-t-il plus criminel que le gouvernement états-unien ? Y-a-t-il plus hystérique que le gouvernement israélien ? Y-a-t-il plus instable que le gouvernement pakistanais ? Y-a-t-il plus imprévisible que le gouvernement coréen ? Y-a-t-il plus soumis que le gouvernement du Royaume-Uni ? Y-a-t-il plus cynique que le gouvernement de Russie ? Y a-t-il plus agité que le gouvernement de Sarkozy ? Pourtant, ni l’AIEA (Agence Internationale de l’Énergie Atomique) ni l’ONU ne suggèrent le désarmement nucléaire de ces gouvernements menaçants et incompétents.

    Il faut en conclure que la propagande à propos du danger nucléaire iranien n’est qu’un faux-semblant qui cache autre chose, d’autant plus que celui qui s’en dit le plus préoccupé-menacé est justement le seul qui ait utilisé l’arme atomique deux fois plutôt qu’une (Hiroshima et Nagasaki) et qu’il menace encore une fois de l’utiliser contre l’Iran – bombes de type Blu-117 – (4). Qui plus est, les États-Unis possèdent 2 200 têtes nucléaires et 800 vecteurs, de quoi détruire la planète toute entière (5). Que feront les deux ou trois bombes nucléaires iraniennes – à supposer qu’elles existent – montées sur des missiles Shihab-3 – 2 200 km de portée maximum – alors que les États-Unis se situent à 11 000 kilomètres du Golfe persique ? Moins d’une heure après une prétendue attaque iranienne, mille bombes nucléaires américaines pulvériseraient l’Iran ne laissant plus une âme qui vive (77 millions d’habitants). Espérons que nous en avons terminé avec cette fadaise de la menace nucléaire iranienne tout juste bonne à effrayer les retraités des salons de thé.

    Mais alors qu’est-ce qui justifie l’acrimonie états-unienne à l’encontre de la destinée iranienne ? Dans un papier, il y a tout juste une année, nous avions répondu à cette question – « Regardez du côté du détroit d’Ormuz », disions-nous (6).

    L’Iran a commis le crime de lèse-majesté de ne pas trembler quand Georges W. Bush l’a désigné à la vindicte de sa ‘communauté internationale’. L’Iran a l’outrecuidance de développer sa propre politique nationale plénipotentiaire. L’Iran a le culot de vendre son pétrole à la Chine en devises souveraines iraniennes. L’Iran s’approvisionne en armement auprès de la Russie honnie. L’Iran a choisi le camp de l’impérialisme chinois – l’ennemi irrédentiste de l’impérialisme américain. Enfin, l’Iran a le mauvais goût de posséder une frontière sur le détroit d’Ormuz par où transite près de 35 % du pétrole mondial, point de passage pétrolier que les États-Unis entendent bien entraver ou faire entraver  ! Pour que ce plan machiavélique fonctionne, les États-Unis doivent cependant colmater au moins deux brèches dans le dispositif de verrouillage pétrolier de la région du Golfe persique. Le projet Nabucco, un oléoduc irano-irako-syrien destiné à acheminer le pétrole iranien et irakien jusqu’en Méditerranée via le territoire syrien et le projet d’oléoduc des Émirats Arabes Unis destiné à contourner le détroit d’Ormuz pour l’acheminer directement jusqu’au port de Foujeirah (7). Pour ce dernier oléoduc ce ne sera pas compliqué ; les Émirats Arabes Unis sont sous protectorat américain et leur pétrole sera acheminé aux clients que Washington aura accrédités ; pour le premier cependant, rien n’est assuré et la subversion récemment entreprise contre la Syrie vise justement le contrôle de cet oléoduc.

    Dans un récent article nous demandions pourquoi la France et l’Euroland endossent la stratégie américaine visant leur propre étranglement pétrolier (8) ? En effet, si le détroit d’Ormuz est interdit à la navigation, c’est la Chine et l’Europe qui seront privées de carburant et non les États-Unis qui s’approvisionnent autrement. Ceci nous amène à conclure que l’Union Européenne devrait réviser ses politiques vis-à-vis de la Syrie et de l’Iran prochainement.

    China Marks 60 Years Of The Chinese Navy

    L’agression américaine contre la Syrie et l’Iran s’inscrit comme une étape de la guerre que se livrent les trois grands camps de l’impérialisme mondial – le camp états-unien – le camp de l’Euroland allié au camp américain jusqu’au 8 décembre dernier et dont il tente dorénavant de s’éloigner pour ne pas couler avec le dollar plombé – et le camp chinois, la superpuissance industrielle montante à laquelle sont associées l’Iran, la Syrie et la Russie.

    Un expert affirme que ce que nous décrivons ci-haut : « ce modèle militaire mondial du Pentagone en est un de conquête du monde » (9). Les États-Unis n’envisagent nullement de conquérir le monde. Leur puissance technico-militaire est énorme mais leur capacité militaire conventionnelle – humaine – est bien en-deçà de telles ambitions. Les Américains souhaitent simplement détruire les infrastructures urbaines, les infrastructures portuaires et les raffineries iraniennes de façon à punir ce pays pour sa dissidence ; faire un exemple auprès de tous les autres pays en voie de développement qui caressent des rêves d’indépendance nationale.

    Les États-Unis ne cherchent pas à s’emparer du pétrole iranien, ils en seraient bien incapables puisqu’ils ne songent nullement à débarquer des détachements de Marines et à s’installer à Téhéran. Quand on est impuissant à mater les talibans afghans, on ne songe même pas à occuper l’Iran.

    Les États-Unis cherchent plutôt à provoquer une crise économique, financière, monétaire mondiale qui frappera toutes les puissances impérialistes, dépréciera leurs monnaies (le Yuan et l’Euro – le Dollar, lui s’en va déjà à vau-l’eau) et les rendront dépendantes des marchés boursiers et des ressources énergétiques du monde anglo-saxon (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Canada) où la valeur des entreprises pétrolières s’élèvera de façon vertigineuse en même temps que la valeur de l’or noir (Golfe du Mexique, Alaska, Sables bitumineux de l’Alberta et Mer du Nord).

    Ce coup de « poker » démentiel et meurtrier ne provoquera pas la ‘troisième guerre mondiale’ – les deux autres blocs impérialistes concurrents ne sont pas encore prêts à engager un affrontement militaire contre la superpuissance nucléaire américaine représentant la moitié des dépenses militaires de la planète (10).

    Les peuples du monde souffriront énormément de cette crise économique profonde accompagnée d’une inflation importante, d’une hausse du chômage déjà catastrophique, d’une déprime boursière, de l’effondrement des hedge funds et des caisses de retraite des travailleurs ; cette crise enclenchera des soulèvements ouvriers, des grèves et des occupations d’usines jalonneront la guerre de classe – travail contre capital – sur le front économique que les opportunistes petits-bourgeois auront mission de liquider en proposant divers slogans réformistes pour sauver le système capitaliste.

    L’attaque américano-israélienne contre l’Iran n’aura pas lieu en 2012 – année d’élection américaine. Le sort de la Syrie doit d’abord être tranché ; pour Méphisto Obama et pour le Minotaure Netanyahu rien ne presse. Après l’élection il sera temps d’ouvrir les portes de l’enfer et de libérer les Cerbères des Guerres puniques contemporaines.

    Un indice pour ceux qu’il presse de savoir quand cela surviendra : il suffit de compter les grands navires de guerre américains qui mouillent dans le Golfe persique ; quand il n’en restera plus aucun, le combat de l’Armageddon tonnera dans la fournaise persane.

    Robert Bibeauhttp://euro-synergies.hautetfort.com/

    ________________________________________

    (1) « Déclarations d’Hillary Clinton et du secrétaire à la Défense Leon Panetta : « aucune option n’est écartée ». Panetta a toutefois indiqué qu’« Israël ne devrait pas envisager d’action unilatérale contre l’Iran », tout en soulignant que « toute opération militaire d’Israël contre l’Iran doit être appuyée par les États-Unis et coordonnée avec eux ». (Déclaration de Leon Panetta le 2 décembre au Saban Center, cité dans U.S. Defense Secretary : Iran could get nuclear bomb within a year – Haaretz, 11 décembre 2011. C’est l’auteur qui souligne.).

    (2) Il faut souligner toutefois que la flotte de guerre iranienne est chez-elle près des côtes d’Iran alors que la Ve flotte américaine est une intruse à 11 00 kilomètres des côtes américaines. 3.1.2012. http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/01/03/le-bras-de-fer-entre-l-iran-et-l-occident-se-poursuit_1624979_3218.html

    (3) Mordechaï Vanunu en entrevue avec Silvia Cattori. 2005. « non seulement on ne s’en prend pas à Israël, mais on aide même ce pays en secret. Il y a une coopération secrète entre Israël et la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis. Ces pays ont décidé de contribuer à la puissance nucléaire d’Israël afin de faire de ce pays un État colonial, dans le monde arabe. Ils aident Israël, parce qu’ils veulent que ce pays soit à leur service, en tant que pays colonialiste contrôlant le Moyen-Orient, ce qui leur permet de s’emparer des revenus pétroliers et de maintenir les Arabes dans le sous-développement et les conflits fratricides. Telle est la principale raison de cette coopération. ». http://www.silviacattori.net/article2313.html

    (4) Michel Chossudovsky 6.1.2012. Mondialisation. « (…) attaque contre l’Iran, mais aussi que cette attaque pourrait inclure l’utilisation d’armes nucléaires tactiques antiblockhaus ayant une capacité explosive allant de trois à six fois celle d’une bombe d’Hiroshima. » http://www.centpapiers.com/l%E2%80%99iran-face-a-une-attaque-a-l%E2%80%99arme-nucleaire-%C2%AB-aucune-option-n%E2%80%99est-ecartee-%C2%BB/91431

    (5) http://www.7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1089606/2010/04/06/Arsenal-nucleaire-americain-sur-terre-mer-ou-ciel-des-ogives-par-milliers.dhtml

    (6) La guerre contre l’Iran aura-t-elle lieu ? 14.01.2011.  http://bellaciao.org/fr/spip.php?article112543 et dans cet écrit datant de novembre dernier, Menacer l’Iran préparer l’invasion de la Syrie. 17.11.2011. http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=27724

    (7) http://www.voltairenet.org/Les-Etats-Unis-suspendent-leurs et http://www.cyberpresse.ca/international/moyen-orient/201201/09/01-4484169-emirats-un-oleoduc-pour-eviter-le-detroit-dormuz-bientot-operationnel.php

    (8) Deux mille douze avant et après ? http://www.centpapiers.com/deux-mille-douze-avant-et-apres/91333

    (9) Pierre Khalaf. Guerre au Proche-Orient : anatomie d’une menace. 24.10.2011. http://www.voltairenet.org/Guerre-au-Proche-Orient-anatomie-d

    Manlio Dinucci. Les USA ‘tournent’ la page et s’apprêtent à de nouvelles guerres. 7.1.2012. http://mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=28526

  • La dialectique ami / ennemi : Analyse comparée des pensées de Julien Freund et Carl Schmitt

    friend_or_foePenser les relations de puissance à partir de la dialectique de l’ami/ennemi requiert en préalable de se déprendre des chatoiements de l’idéologie, des faux-reflets de tous ces mots en “isme” qui caractérisent l’apparence scientifique donnée aux engagements politiques. Carl Schmitt et Julien Freund l’avaient compris dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Leur clairvoyance eut un prix : l’isolement et le reniement des grands clercs d’une époque imprégnée par le marxisme. Si aujourd’hui les deux auteurs sont redécouverts dans certaines sphères de l’Université, leurs œuvres sont encore mal cernées et leurs exégètes suspectés. En effet, une lecture critique ou partisane de Schmitt et Freund implique de penser “puissance”, “ennemi”, termes qui sont à ranger au registre des interdits de notre société. Cette approche devrait pourtant sous-tendre toute analyse réaliste des rapports entre acteurs des relations internationales.

    Mise au point :         

    Carl Schmitt fut un élément du régime nazi durant la Seconde Guerre mondiale quand Julien Freund, étudiant en philosophie, entrait en résistance très tôt. Si leurs œuvres sont marquées par les vicissitudes d’une époque particulière, elles les surpassent toutefois pleinement. L’angle sous lequel ils en viennent à penser la relation ami/ennemi tire sa force d’une double volonté d’extraction et d’abstraction de ce contexte. Il est intéressant de remarquer que, par delà les oppositions de l’Histoire, une certaine communauté de destin relie Freund et Schmitt : exclus par les clercs de leur vivant, ils sont aujourd’hui progressivement tirés des limbes où de mauvais desseins et d’éphémères raisons les avaient placés.

    La première rencontre des deux hommes se produit à Colmar, en 1959. Julien Freund en revient marqué : « j’avais compris jusqu’alors que la politique avait pour fondement une lutte opposant des adversaires. Je découvris la notion d’ennemi avec toute sa pesanteur politique, ce qui m’ouvrait des perspectives nouvelles sur les notions de guerre et de paix » (1). L’analyse en termes d’ami/ennemi les met dans une situation périlleuse vis-à-vis de leurs contemporains. Le sujet est sensible puisqu’il donne une consistance à la guerre, ce à quoi se refusent les pacifistes marqués par les utopies marxistes et libéralistes. Pour ceux-ci la paix perpétuelle est l’aboutissement eschatologique logique permis soit par la réalisation marxiste du sens de l’Histoire, soit par l’expansion du commerce pacificateur des mœurs.

    Différence d’approche :     

    Pour Schmitt : « la distinction spécifique du politique […]  c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi. Elle fournit un principe d’identification qui a valeur de critère et non une définition exhaustive ou compréhensive » (2). A son sens, la dialectique ami/ennemi s’appréhende comme un concept autonome dans la mesure où elle ne s’amalgame pas avec des considérations morales (bien/mal) ni esthétiques (beau/laid), mais constitue en elle-même une opposition de nature.

    Dans la pensée freundienne de l’essence du politique, le présupposé ami/ennemi commande la politique extérieure. Il est associé à la relation commandement/obéissance (présupposé de base du politique) et la relation privé/public (présupposé commandant la politique intérieure). Chacun de ces présupposés forme une dialectique indépassable : aucun des deux termes ne se fait jamais absorber par l’autre. Julien Freund prend appui sur la dialectique ami/ennemi pour prouver que les guerres sont inhérentes au politique et donc inévitables à l’Homme. Invoquant la relation public/privé, Freund établit une différence entre l’ennemi privé (intérieur, personnel) et l’ennemi public ou politique. À mesure qu’une opposition évolue vers la distinction ami/ennemi, elle devient plus politique car « il n’y a de politique que là où il y a un ennemi réel ou virtuel » (3). L’Etat est l’unité politique qui a réussi à rejeter l’ennemi intérieur vers l’extérieur. Mais son immuabilité n’est pas acquise. Le présupposé de l’ami/ennemi est donc celui qui conditionne la conservation des unités politiques. La relation dialectique propre à ce couple est la lutte dont un aspect essentiel réside dans la multiplicité de ses formes : il ne s’agit pas uniquement, par exemple, de la lutte des classes à l’ombre de laquelle K. Marx analyse l’histoire de toute société. La lutte surgit dès que l’ennemi s’affirme.

    Contrairement à C. Schmitt, Freund ne fait pas de la distinction ami/ennemi un critère ultime du politique, mais un présupposé parmi d’autres. Chez Schmitt la notion de l’unicité du concept ami/ennemi dans l’essence du politique peut contribuer à renverser la formule de Clausewitz et admettre que la guerre ne serait plus le prolongement de la politique mais sa nature même. Or, ce n’est pas ce que Freund envisage.

    Ami/ennemi dans la logique de puissance :          

    Une politique équilibrée de puissance doit identifier l’ennemi, figure principale du couple dans la mesure où c’est avec lui que se scelle la paix et non avec l’allié. Nier son existence comporte donc un risque, un ennemi non-reconnu étant toujours plus dangereux qu’un ennemi reconnu. « Ce qui nous paraît déterminant, c’est que la non reconnaissance de l’ennemi est un obstacle à la paix. Avec qui la faire, s’il n’y a plus d’ennemis ? Elle ne s’établit pas d’elle-même par l’adhésion des hommes à l’une ou l’autre doctrine pacifiste, surtout que leur nombre suscite une rivalité qui peut aller jusqu’à l’inimitié, sans compter que les moyens dits pacifiques ne sont pas toujours ni même nécessairement les meilleurs pour préserver une paix existante » (4). Par ailleurs il ne faut pas céder à la tentation de croire que la guerre règle définitivement les problèmes politiques posés par l’ennemi : « même la défaite totale de l’ennemi continuera à poser des problèmes au vainqueur » (5). Le conflit israélo-arabe en est l’exemple type.

    S’il est nécessaire de ne jamais remettre en cause les acquis de la paix et de toujours se battre pour elle, il faut pourtant se défaire des illusions que véhicule un certain pacifisme des esprits. Une nation insérée dans le jeu mondial doit, pour survivre, identifier ses ennemis. Car elle ne peut pas ne pas en avoir. La difficulté réside dans le fait que l’ennemi est aujourd’hui plus diffus, plus retors. Il se masque, déguise ses intentions, mais n’est ni irréel ni désincarné. Sa forme évolue sans cesse et ne se réduit plus à l’unique figure étatique. Dans tout nouvel acteur (entreprise, ONG…) sommeille une inimitié possible. A l’inverse, certains pays recherchent un ennemi de manière forcenée. C’est le cas des Etats-Unis, en particulier avec l’Irak et de manière générale dans toute leur politique extérieure depuis 1990.

    Les essences, ces activités naturelles de l’Homme, s’entrechoquent, s’interpénètrent et dialoguent constamment. L’économique et le politique, par exemple, sont à la fois autonomes, inséparables et en conflit. Or, force est de constater que la nature des rivalités pour la puissance prend une teinte économique croissante, expliquant par là l’invisibilité, la déterritorialisation et la dématérialisation de l’ennemi. Ce changement n’est pourtant pas définitif puisque la dialectique antithétique entre les essences de l’économique et du politique prend la forme d’un conflit perpétuel et sans vainqueur.
    L’enseignement s’ensuit que le postulat ami/ennemi de l’analyse freundienne, inspiré mais différencié de l’approche schmittienne, doit constituer le fondement d’une étude actualisée du phénomène guerre et des enjeux de puissance, de compétition entre nations.

    Jean-Baptiste Pitiot http://www.infoguerre.fr/

    Bibliographie:
    FREUND Julien, L'essence du politique, Paris, Sirey, [1965], 4e éd., Paris, Dalloz, 2004, 867 pages
    FREUND Julien, « Préface », [1971] in : SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, pp.7-38
    FREUND Julien, Sociologie du conflit, Paris, PUF, coll. « La politique éclatée », 1983, 382 pages
    SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, 323 pages
    TAGUIEFF Pierre-André, Julien Freund, Au cœur du politique, La Table Ronde, Paris, 2008, 154 pages

    1. TAGUIEFF Pierre-André, Julien Freund, Au cœur du politique, La Table Ronde, Paris, 2008,p.27 

    2. SCHMITT Carl, La notion de politique – Théorie du partisan, Paris, Champs classiques, 2009, p.64

    3. FREUND Julien, L'essence du politique, Paris, Sirey, [1965], 4e éd., Paris, Dalloz, 2004, p. 448

    4. Ibid. p.496

    5. Ibid. p.592
  • La critique de la modernité libérale chez Jean-Claude Michéa

    « Depuis vingt ans, chaque victoire de la Gauche correspond obligatoirement à une défaite du Socialisme. » (Jean-Claude Michéa, « Pour en finir avec le 21ème siècle », préface à Christopher Lasch, La culture du narcissisme, p.18)
    Rares sont les penseurs qui savent nous rappeler que la Gauche, la vraie, ne se ramène pas inexorablement aux pitreries géométriques des sociaux-démocrates. Michéa est de ceux-là. A l'occasion de la sortie ce 5 octobre de son nouvel essai, Le complexe d'Orphée – la gauche, les gens ordinaires et la religion du Progrès, une petite synthèse thématique de ses ouvrages jusque-là publiés. S'il est encore besoin de le présenter.
    Autodéfini « socialiste » du 19ème siècle, Michéa se veut un démocrate radical, distinct du démocratisme représentatif qu’il voit comme une oligarchie libérale. Disciple intellectuel d'Orwell dont il a fortement contribué à réactualiser la pensée, il aspire comme lui à une société socialiste, « dans laquelle chacun pourrait vivre décemment d’une activité ayant un sens humain. » (1) Sa cible privilégiée est par conséquent la modernité libérale, radicalité sans précédent, a-morale. Loin de l'intelligence de Smith et Constant, par une « dialectique descendante de l’idéologie libérale » (2) le déclin de son autocritique et du simple bon sens, la théorie libérale est devenue système et s’est dogmatisée. D'après Michéa, la situation catastrophique vers laquelle nous nous acheminons, loin d’être une dérive, est l’aboutissement le plus logique des implications de la philosophie libérale. Dissection d'un idéologie qui n'en finit plus de crever en entraînant tout sur son passage.
    Une radicalité sans précédent
    Genèse d’une philosophie nouvelle
    D'après Michéa, la crise de la conscience européenne remonte au 17ème siècle, séquelle de longues guerres civiles et religieuses, que les innovations tactiques et techniques poussèrent à un niveau d'intensité alors inconnu. Il découlait de ce traumatisme originel (3) la nécessité absolue de réfléchir à un système alternatif. Celui-ci devait éviter que les hommes ne se massacrent à nouveau, et que n’advienne une fois de plus cette guerre de tous contre tous tant crainte par Hobbes. Pour assurer Paix, Prospérité et Bonheur (4), l’énergie de l’homme serait réorientée dans une guerre de substitution, contre la nature – le travail et l'industrie via la maîtrise croissante de la technique. L’Économie politique comme « science » de même que l’idée moderne de Croissance virent le jour. Le jeune idéal des sciences expérimentales de la nature, joua également son rôle. Le modèle newtonien de la physique sociale poussait à orienter la recherche de la mise en adéquation des lois de la mécanique humaine sur les lois de la nature. La société était désormais vue comme une machine, capable de s’auto-réguler par le Marché. Celui-ci devait assurer la pacification de la société, avec le postulat mandevillien bien connu selon lequel les vices privés font la vertu publique. Pour rendre possible ce « laisser faire, laisser passer » énoncé par l’intendant Gournay, l’économie devait être « désenchâssée » (Polanyi) de la société traditionnelle, qui n’en faisait pas un fait social total. Dans L’Empire du moindre mal, Michéa nous rappelle à ce propos que le capitalisme portait en lui les innovations nécessaires à son assise dès le 2ème siècle, dans l’Empire romain. Mais, nous précise-t-il, « les conditions politiques et culturelles […] faisaient défaut. » (5) Avec l’avènement de la modernité libérale, au contraire, et l’achèvement de sa métaphysique au milieu du 18ème siècle, les activités marchandes cessèrent d’être méprisées. L’homme devait pouvoir disposer de la liberté personnelle suffisante pour s’épanouir, ses libertés garanties par le Droit.
    Les conditions furent réunies avec la Révolution française et la destruction des anciens référents de l’autorité symbolique. Les Droits de l’homme, désormais, étaient destinés à assurer la sécurité dans la jouissance privée. Mais i le libéralisme est radicalement nouveau en tant que doctrine politique, nous rappelle Michéa, l’humanité a quant à elle connu plusieurs modernités. Le passage de l’une à l’autre suppose la combinaison de deux éléments, apprend-on dans La double pensée : a) avoir conscience des transformations historiques, qui impliquent une rupture avec le passé ; b) les valoriser, donc les vivre et les voir comme un progrès. (6) Et distinguer, suivant cette précision, la logique marchande de la logique libérale, spécifiquement moderne. Pour autant, cet héritage des Lumières – et plus précisément du Scottish Enlightment (7) –, précise Michéa, n’est pas un humanisme lui-même reçu de la Renaissance. Il s’agit, au contraire, d’une « anthropologie pessimiste et désespérée ». (8) Par ailleurs, la modernité n’est pas forcément libérale, comme l’ont montré les totalitarismes du 20ème siècle. Même si, pour lui, parmi les multiples voies qui pouvaient être empruntées, le libéralisme tel que nous le connaissons constitue l’aboutissement le plus cohérent de sa logique philosophique initiale.
    Implications philosophiques : du Vrai et du Bien vers le Droit et le Juste
    Les premiers libéraux attribuaient la responsabilité des guerres civiles à l’idéologie, la prétention à détenir et incarner le Bien. Toute métaphysique devait alors être écartée. Le Vrai et le Bien s’effaçaient devant le Droit et le Juste. De transcendante, l’autorité devenait immanente et toute référence au symbolisme était bannie, sous peine de réactiver les guerres tant craintes. Le gouvernement scientifique suppose donc logiquement une neutralité axiologique préalable à sa praxis. Le libéralisme pour ce faire inauguré en rompant avec le monde concret. Postulant une ontologie construite de toutes pièces, il est un processus sans sujet. D’où l’introduction de sa (fausse) neutralité. Par le système mécanique dit des checks and balances, la main invisible du Marché est censée maintenir l’équilibre économique. Par ailleurs, l’originalité de la pensée libérale aura été, à en croire Michéa, de chercher à créer un homme nouveau. Mais dans l’esprit des théoriciens et des Lumières, il s’agissait seulement de faire appel aux penchants naturels de l’homme, limités peu ou prou à deux finalités : la seule recherche de la poursuite de son intérêt bien compris d’une part, et l’idée d’instinct de conservation d’autre part. Dans une société-machine, l’harmonie sociale, en suivant ces principes, était supposée s’atteindre naturellement.
    L’État libéral était donc obligé d’être « a-moral », de refuser de postuler le Bien. Le refus de toute métaphysique était la condition sine qua non de toute pacification. D’où le passage du dogmatico-finalisme au pragmatico-gestionnaire, pour reprendre les syntagmes de Michéa (9). Eviter de renouer avec la guerre de tous contre tous ne se ferait qu’à cette condition. Moraliser et fixer une limite, comme il est rappelé dans L’Empire du moindre mal, serait arbitraire. Pire, cela serait idéologique, car ce n’est qu’en se référant à des constructions normatives antérieures et moralement justifiées que l’on pourrait disposer de ce qu’il convient d’interdire et d’autoriser. Mais cela signifierait d’accepter, comme le notait déjà Orwell, de renouer avec une conception du bien et du mal en politique. (10) L’État libéral ne peut s’y résoudre, sous peine de contradictions. Il se contente d’ajuster juridiquement les libertés concurrentes, où la seule exigence est de ne pas nuire à autrui. Toute conception de la vie bonne, toute considération morale ou religieuse sont privatisées. Ainsi, le gouvernement des hommes passe à l’administration des choses, dirigé par des experts gestionnaires. On se contente d’équilibrer les contraires non pour une société bonne, mais pour la moins mauvaise possible ; la société du moindre mal.
    Le vrai visage du libéralisme
    Michéa estime insensé de parler aujourd’hui de trahison du libéralisme – de même qu’il qualifie d’être « hybride » et oxymorique tout libéral-conservateur – alors que nous assistons, au contraire, à la manifestation aboutie du libéralisme réellement existant. Ce système porte en lui ses contradictions internes dès le départ. Les deux libéralismes prétendus opposés découlent en fait d’un seul et même projet initial. Son cœur est en outre la neutralité axiologique (prétention non-idéologique), « principe d’unité ultime de tous les libéralismes effectivement existants » (11). Il est un relativisme intégral. Pourtant, l’État libéral suppose un fonctionnement exclusivement calculateur et procédural, une mathématisation constante pour maintenir le point d’équilibre. De plus, l’homme est censé s’y comporter rationnellement en acceptant de se plier aux postulats anthropologiques de la philosophie libérale. Il lui faut donc agir rationnellement et chercher à maximiser son utilité dans son intérêt égoïste bien compris. Il doit en outre accepter les règles de la concurrence libre et non faussée sans y introduire de conceptions morales. Toute critique de sa part serait forcément partisane et donc à exclure. A titre d’exemple, Michéa cite l’analyse anticapitaliste de Bob Kennedy au sujet du PIB,  indicateur biaisé car prenant en compte les catastrophes naturelles, les agressions et soins de santé qui en découlent, les dégradations de matériels, etc.. Rien au contraire n’y mesure la stabilité des mariages, le bien-être général ou la qualité environnementale. Mais les externalités, d’un point de vue libéral, sont « non mesurables » et « idéologiques », ce qui exclut de tels raisonnements des calculs économiques. (12)
    Au-delà des clivages apparents, l’unité dialectique fondamentale
    En menant cette analyse, Michéa s’attache à démonter une fausse antinomie. La vulgate contemporaine veut que deux libéralismes soient distincts ; un bon et un mauvais. Le bon, défendu par la Gauche, est le libéralisme politico-culturel, qu’il définit comme « l’avancée illimitée des droits et la libéralisation permanente des mœurs. » (13) Le mauvais, attribué à la Droite, est le libéralisme économique, dit aussi de Marché. Or, une étude plus poussée démontre au contraire que ces deux libéralismes se sont développés parallèlement. Bref, l’un est la condition de l’autre au sein d'un seul et même projet. Dans L’enseignement de l’ignorance – et ses conditions modernes, Michéa s’interrogeait déjà sur cette fausse antinomie. Comment se fait-il que les principales mesures régressives en matière scolaire soient le fait de gouvernements de Gauche, pourtant les parangons du Progrès ? Tout rapport à l’autorité, bafoué, était soutenu par la Gauche. La culture dite « bourgeoise », en réalité classique, avait été évacuée par mai 68 comme objet d’une domination de classe. La critique officielle de Bourdieu – entre autres – l’avait réduite à un simple capital symbolique, donc de domination, donc synonyme de l’ordre ancien tant honni. Dans Impasse Adam Smith, Michéa explique ce fait par la nature même de la Gauche. Le clivage avec la Droite était, initialement, la transposition hexagonale de l’opposition Tories / Whigs en Angleterre. Les premiers, conservateurs, étaient partisans d’un ordre autoritaire, organique et hiérarchisé, dans une société agraire et théologico-militaire ; les seconds, progressistes, étaient favorables à l’économie de marché et à l’émancipation de l’individu, et partisans de la révolution industrielle et scientifique.
    La Gauche historique française s’est inscrite dans cette continuité, en cherchant à représenter le parti du Mouvement, du Changement. Une politique réellement de Gauche cohérente avec elle-même ne peut donc pas être anti-libérale. Prôner un anticapitalisme de Gauche ou d’Extrême-Gauche est donc, pour Michéa, une contradiction dans les termes. Et chercher à renouer avec une gauche « vraiment de gauche » ne peut pas être opéré sous un angle antilibéral, contraire à ses postulats. Plus synonyme de Progrès que de Peuple, nous rappelle-t-il, la Gauche n’est véritablement redevenue elle-même qu’en se séparant du Socialisme des classes populaires, « contraire de l’individualisme absolu » (14). Précisons que Michéa prend comme synonymes projet libéral, économie et capitalisme. En outre, il remarque que malgré les critiques réciproques, les gouvernements appliquent des mesures qu’ils reprochent à l’opposition. La Droite applique les mesures libéralo-culturelles de la Gauche (promotion de la lutte contre toutes les discriminations, destruction de l’autorité à l’école, légalisation de modèles familiaux alternatifs), tandis que la Gauche privatise, cherche à dynamiser la Croissance, et n’hésite pas à déclarer (dixit Allègre, à l’époque ministre de l’Éducation) que l’École est « le plus grand marché du 21ème siècle ». (15) La Gauche, par son programme d’épuration libérale du Droit, voit sa fin ultime dans le droit de tous sur tout. Mais puisque le dogmatisme libéral récuse tout paradigme alternatif, il lui est impossible de saisir ne serait-ce que l’essence de ses contradictions. L’antithèse entre Progrès et Progressisme lui reste absconse. Toute modernisation, tant technologique que juridique, lui apparaît comme révolutionnaire et anticapitaliste. Logiquement, avec le mythe du Progrès, le 21ème siècle sera pour le Progressiste, l’homme « de gauche », nécessairement radieux. (16)
    L’unité dialectique fondamentale du libéralisme, ce « tableau à double entrée » (17), est donc manifeste. La logique – le progrès tant économique que juridique – est la même. La loi de l’offre et de la demande répond à l’équilibre des pouvoirs, le tout par auto-régulation. Le programme de domination illimitée de la nature est le corrélat de la Raison technico-scientifique. De nos jours, les partis de droite et de gauche sont, pour Michéa, une alternance unique, qui s’unifie lorsqu’un conflit pratique apparaît (traité de Lisbonne de 2008 malgré le vote du 29 mai 2005, 98% des textes votés en commun par PS & UMP au Parlement européen). Par conséquent, résume Michéa, le clivage droite / gauche offre aux classes populaires le choix entre bonnet blanc et blanc bonnet.
    L’impossible neutralité pratique
    Dans les faits même, la neutralité n’est pas respectée. Sur certains sujets comme l’avortement, l’État libéral n’hésite pas à prendre parti. (18) De même, les contraintes économiques sont prises dans un but politique, comme pour des recherches technologiques opérées pour limiter la durée de vie des appareils électroménagers à sept ans. (19) Idem quant à l’interventionnisme. Pour que le Marché soit tel qu’il est supposé être, l’État doit intervenir. Le néolibéralisme demande donc la mise en place par l’État, des conditions politiques, morales et culturelles du libre-échange. Parfois même, jusqu’à s’accommoder provisoirement d’une dictature. C’est ce que rappelle Michéa en mentionnant le soutien d’Hayek au régime de Pinochet. (20) Cette demande faite pour contribuer au bon fonctionnement de « l’ordre spontané » du Marché est une contradiction. La « schizophrénie constitutive » de l’homme nouveau l’est tout autant. Axiologiquement neutre, l’homme doit devenir un simple consommateur, un « mutant », « dépourvu de tout principe moral comme de tout sens de l’honneur. » (21) Pourtant ici encore, l’État libéral doit intervenir pour forcer juridiquement l’homme à être comme il est supposé se comporter naturellement – « il faut souffrir pour être moderne » (22), note cyniquement Michéa dans Orwell, anarchiste tory.
    Ce domaine recouvre les contradictions aux conséquences sociales les plus désastreuses. La neutralité axiologique de l’État libéral se refuse à tout montage normatif arbitraire. La liberté n’a pour limite que celle des autres. Mais pour définir clairement cette limite, il est pourtant nécessaire d’introduire des jugements de valeur. Faute de quoi, la liberté se résume au droit d’avoir des droits. Le jugement critique est mis à l’index, en particulier lorsque sa dénonciation provient de minorités qui, nous dit Michéa, organisent les rapports de force. Évolutifs, changeants, ces rapports poussent l’État libéral à perpétuellement changer son fusil d’épaule, en fonction de l’opinion, « cette créature ambigüe des instituts de sondage et du lobbying associatif. » (23) Dans le cas où la consommation des drogues se banaliserait, par exemple, l’axiomatique libérale impliquerait de la légaliser. (24) A supposer, toutefois, que la visibilité médiatique puisse être assurée – ce qui explique, d’après lui, que les paysans puissent être insultés sans susciter d’émoi particulier. (25) 
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    (1) Michéa (J.-.C), La double pensée – retour sur la question libérale, p.28.
    (2) Ibid., p.214.
    (3) Michéa (J.-C.), La double pensée, p.61.
    (4) Michéa (J.-C.), L’enseignement de l’ignorance – et ses conditions modernes, p.21.
    (5) Michéa (J.-C), L’empire du moindre mal – essai sur la civilisation libérale, p.71. Voir également, du même auteur, Orwell éducateur, pp.79-80.
    (6) La double pensée, pp.198-199.
    (7) « (…) l’une des formes les plus créatrices de la Philosophie européenne des Lumières, [avec laquelle] les postulats majeurs de l’utopie capitaliste ont été définis avec la plus grande cohérence. », Michéa (J.-C.), Orwell éducateur, p.37.
    (8) La double pensée, p.87.
    (9) L’empire du moindre mal, p.97.
    (10) Orwell (G.), Essais, articles, lettres volume III, 30, « Recension : The Road to Serfdom, de F. A. Hayek, The Mirror of the Past, de K. Zilliacus », p.155.
    (11) La double pensée, p.212.
    (12) L’empire du moindre mal, scolie [F] du chapitre IV, « Tractatus juridico-economicus », pp.114-115.
    (13) Ibid., p.14.
    (14) Michéa (J.-C.), Impasse Adam Smith – brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, p.48.
    (15) Ibid., p.29.
    (16) Michéa (J.-C.), « Pour en finir avec le 21ème siècle », in Lasch (C.), La culture du narcissisme, préface, p.10.
    (17) La double pensée, p.13.
    (18) Ibid., p.228.
    (19) Orwell éducateur, pp.63-64.
    (20) La double pensée, p.64. Voir aussi ibid., p.118.
    (21) Ibid., p.269.
    (22) Orwell, anarchiste tory, p.74.
    (23) La double pensée, p.41.
    (24) Ibid., p.150.
    (25) Ibid., p.243n.

  • Messe anniversaire du martyre de LOUIS XVI à Fontainebleau

    Après Saint-Germain l’Auxerrois (messe célébrée par le Père Abbé de l’abbaye Sainte-Anne de KERGONAN) et Saint-Denis (célébrée par M. l’Abbé LEFEVRE), comme en de très nombreuses églises de France et de Navarre (à Bayonne par S.E. Mgr. AILLET), la mémoire de LOUIS XVI a été honorée 220 ans après son martyre à Fontainebleau

    Après lecture du testament du roi, M. l’Abbé LEFEVRE a rappelé la signification de l’assassinat de Louis XVI père des familles françaises. La révolution parachève actuellement l’assassinat légal de la famille naturelle en France.

    Pour sauver la FRANCE, les seuls combats qui vaillent : la restauration des valeurs civilisatrices incarnées par l’Eglise et le régime politique naturel incarné par la monarchie très chrétienne, contre la RUINEpublique qui nous mène au chaos.

    Nous ne saurions oublier la dégradation CONSTANTE d’une situation confortée par le combat dépassé du moindre mal.

    "En optant pour le moindre mal, on a fini par faire oublier aux français que le moindre mal est le mal quand-même" (Ch. Maurras) Un mal sans cesse plus profond.

    Donc ne pas se contenter de "colmater" par le moindre mal, mais en même temps, travailler recréer les conditions de restauration du BIEN.

    "Rebâtissons la grande arche catholique et royale" exhortation de Ch. Maurras.

    AF Fontainebleau http://www.actionfrancaise.net