Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture et histoire - Page 1941

  • L’Europe, la géopolitique et Pierre Béhar par Maximilien MALIROIS

    Les Éditions Desjonquères publient en 1990 le premier essai de Pierre Béhar, intitulé Du Ier au IVe Reich. Permanence d’une nation, renaissance d’un État. Agrégé d’allemand, professeur de littérature et de civilisation allemandes, enseignant aux universités de Sarrebruck, Metz et Paris-VIII, cet universitaire français interroge l’histoire de l’Allemagne à la lumière de la réunification de 1990 dans des frontières nouvelles. Celle-ci donnera-t-elle naissance à un futur Reich tant il est vrai que la conjonction de son poids démographique et de son dynamisme économique inquiéterait ses voisins ? Béhar y répond négativement. Il considère que le chancelier Kohl vient plutôt de donner à l’Allemagne l’adéquation tant désirée entre la nation, le peuple et l’État. Cependant, du fait de sa position géographique, l’Allemagne redevient l’« État du Milieu » de l’Europe et reprend son rang de puissance régionale à part entière.

    Entre-temps, le bloc soviétique implose. Son effondrement abasourdit les Européens de l’Ouest qui se voient confrontés avec le retour explosif d’épineuses questions nationales gelées par cinquante ans d’internationalisme prolétarien ! Paraît alors L’Autriche-Hongrie, une idée d’avenir. Dans ce nouveau livre, Pierre Béhar dénonce le meurtre de l’Empire des Habsbourg par les vainqueurs de la Grande Guerre. Il salue aussi la clairvoyance de l’historien royaliste et libéral Jacques Bainville qui avait vu le danger des traités de paix dès 1920.

    L’héritage des traités de 1919

    En détruisant l’Autriche-Hongrie qui n’était pas une construction politique parfaite (loin de là…) et en chassant les Habsbourg, les Alliés de l’Entente ont durablement déstabilisé un ensemble régional. Le principe des nationalités à disposer d’elles-mêmes ne peut s’y appliquer intégralement sans qu’au préalable, on rectifie des frontières supposées intangibles et on garantit le droit des nombreuses minorités ethniques, linguistiques et religieuses. Pragmatique, la dynastie autrichienne avait exercé une autorité supranationale consolidée par l’histoire qui fût reconnue et respectée par les peuples du Danube et des Balkans. L’idée démocratique associée au nationalisme le plus chauvin excite au contraire les antagonismes nationaux. Livré à lui-même, chaque peuple se cherche alors un protecteur et s’aligne sur la grande puissance continentale du moment (la France dans les années 1920, l’Allemagne dans les années 1930 et 1940, l’U.R.S.S. et les États-Unis entre 1945 et 1991, l’O.T.A.N. depuis 1991). Ces alignements successifs ne font que renforcer les tensions entre peuples voisins et rivaux et contribuent à accroître la déstabilisation du Sud-Est européen.

    Puis, avec Une géopolitique pour l’Europe, Pierre Béhar étend ses réflexions à l’Eurasie. Voulant répondre indirectement à Francis Fukuyama, prophète de la “ Fin de l’Histoire ”, il entrevoit que les bouleversements en cours aussi bien à l’Est (fin des démocraties populaires et éclatement des fausses fédérations) qu’à l’Ouest (émergence d’un marché commun européen) modifient radicalement la donne politique continentale. D’un ton assez optimiste, l’auteur expose un ambitieux projet géopolitique pour les peuples européens et eurasiens. Or, dans Vestiges d’empires, il semble abandonner ce dessein paneuropéen pour un constat pessimiste et désabusé. Aux incertitudes exaltantes du début des années 1990 succède le désenchantement de la fin de la décennie. Les guerres balkaniques et caucasiennes ont fait leur œuvre sanglante. L’euroscepticisme à l’Ouest a ralenti une construction européenne elle-même en proie aux soubresauts néo-jacobins et séparatistes régionaux ainsi qu’aux empiétements constants d’une administration technocratique et d’un marché qui se veut global. En pleine mondialisation, les nations européennes s’affirment plus que jamais vivaces alors qu’elles subissent parallèlement une perte majeure de légitimité. L’Europe, terre natale des nations, tente désespérément de s’unir, mais celles-ci semblent dans leur intimité s’y refuser. Bref, c’est le cercle vicieux !

    Pour la très grande Europe

    Les considérations géopolitiques de Pierre Béhar sont séduisantes car exemptes d’idéologie quelconque. « La géopolitique n’est autre que la politique nécessitée par les contraintes de la géographie, souligne-t-il. Celle imposée à l’Europe est claire. » La construction européenne ferait bien de prendre en compte le facteur géographique plus souvent que les indices macro-économiques. Mais comment Béhar conçoit-il l’Europe ? Il réfute la vision habituelle qu’il juge erronée. « Si l’on prétend [la] définir par la tradition judéo-chrétienne, on obtient une définition de celle-ci qui englobe les Américains et les Néo-Zélandais, mais qui exclut les Albanais et les Bosniaques. » L’Europe n’est qu’un sous-ensemble d’un espace plus vaste qui comprend aussi bien les Russies et la Sibérie que le monde turc : l’Eurasie. Pour qu’il soit efficace d’un point de vue géopolitique, Béhar pense qu’au nom de l’équilibre européen, il faut accepter l’adhésion de la Turquie dans l’Union européenne ! Pour lui, toute l’histoire ottomane, puis turque, est européenne, et les Turcs sont appelés à devenir, un jour ou l’autre, pleinement des Européens. Il est l’un des premiers à voir qu’« il est essentiel pour l’Europe qu[e la Turquie] soit le contrefort et son prolongement vers l’Asie centrale ». Il ajoute qu’Ankara dispose de plusieurs options géopolitiques. Soit elle rejoint l’Union et, en retour, l’Europe s’ouvrirait le vaste marché touranien des république d’Asie centrale et pourrait se constituer un glacis protecteur contre les pressions arabes, iraniennes, pakistanaises et chinoises. Soit Ankara se rapproche d’une Russie anti-occidentale et « eurasiste » (voie nationaliste), se recentre vers le monde arabo-musulman (voie néo-ottomane) ou bien devient « le promontoire d’un monde touranien hostile à l’Occident en général, à l’Europe en particulier » (voie pantouranienne), ces trois dernières possibilités étant assez complémentaires sous certaines conditions.

    Au « réalisme » spatial s’ajoute une conception originale chez un universitaire du temps historique. La chute du mur de Berlin et la fin de l’URSS ont stupéfié les observateurs qui ne s’y attendaient pas, d’où leur profond trouble. Toutefois, Béhar atténue, tant « il est vrai que, même si elle vient s’inscrire dans un cycle assez nettement défini, la crise à laquelle se trouve confrontée l’Europe semble, dans sa nature, radicalement neuve. Elle ne l’est en réalité que dans la mesure où, dans sa conscience historique, l’Europe moderne ne trouve pas de précédent à cette situation ».

    Maastricht ou la soumission

    Rédigés au moment de la discussion du traité de Maastricht, les livres donnent une vision stimulante d’une véritable Europe politique. Mais l’auteur craint que Maastricht « divise une Europe occidentale qui ne l’était pas, et exclut durablement l’Europe centrale de la famille européenne. Se fondant sur des critères économiques, ce traité instaure implicitement une Europe à quatre degrés » les États riches, les moins riches, les pauvres et les indigents avant de préciser : « C’est une des grandes spécialités de la “ construction européenne ” que de faire les choses en dépit du bon sens ». Ses objections convergent ici avec la critique des souverainistes nationaux. Par ailleurs, il remarque que loin d’atténuer la méfiance française envers l’Allemagne, Maastricht l’a attisé. Cela explique les atermoiements européens au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine. La longue inaction des chancelleries françaises et britanniques se comprend par le désir secret de limiter la pénétration allemande dans la région et par la « représentation inconsciente que les musulmans sont moins chez eux en Europe que les chrétiens, même si ces musulmans – Bosniaques, mais aussi Albanais – font partie des plus anciens peuples d’Europe, convertis au XVIIe siècle à l’Islam ».

    Revenant sur le processus de construction de l’Union européenne, P. Béhar critique sévèrement le parti-pris économiste. Avant d’imposer une monnaie unique, il faut créer un marché, instaurer une fiscalité et développer une économie adaptées. Et avant de s’atteler aux tâches économiques, il importe de donner à l’Europe un cadre militaire et diplomatique commun, ce qui signifie favoriser l’intérêt général des Européens. « Une armée commune, un projet de stratégie commun n’ont de sens que si l’on se met d’accord sur des intérêts politiques communs à défendre. On défend alors des intérêts, une vision d’ensemble. » Or le caractère que prend l’Europe dans la seconde moitié des années 1990 inquiète Béhar.  La réintégration subreptice de la France dans le giron de l’O.T.A.N. détruit toute velléité de défense européenne souveraine. « Un ensemble politique qui n’a plus les moyens d’assurer lui-même sa propre sécurité se dépossède des moyens d’une politique étrangère indépendante, qu’il se constitue en fédération, en confédération ou en tout ce que l’ingéniosité de ses légistes et de ses technocrates pourra bien inventer. Et cette démission, il faut le souligner, n’anéantit pas l’indépendance de la seule “ Union européenne ”, mais de l’Europe entière. » Cette lâcheté inacceptable aliène durablement les intérêts propres de l’Europe. En outre, elle affaiblit les Européens qui risquent finalement de perdre leur sécurité et leur liberté. « Il ne faut pas s’en remettre [aux Américains] pour la construction de l’avenir européen, martèle-t-il. C’est une attitude qui [le] fatigue que d’accepter de jouir de droits et de refuser les devoirs qui permettent d’accéder à ces droits. »

    Béhar se montre sans indulgence envers la diplomatie calamiteuse de François Mitterrand qui nia les évidences de l’après-9 novembre 1989. L’aveuglement et/ou la frilosité du Président fit perdre à la France l’occasion unique de prendre la tête des nations européennes libérées. Déçues des atermoiements français, celles-ci se tournèrent vers l’Allemagne ! Conscient de l’importance des liens franco-allemands dans le mécano européen et estimant qu’« il n’est plus possible de réfléchir dans les cadres de pensée qui ont donné naissance aux traités de Westphalie », Béhar suggère des propositions détonnantes et révolutionnaires.

    Le rôle européen manqué de la France

    Dans un premier temps, considérant que si l’Allemagne est la grande puissance économique, dans « un autre domaine, en revanche, la France [lui] est supérieure : celui des armes ». Avant même la dissolution du Pacte de Varsovie (1991), il proposa que la France « prenant acte de l’immense élargissement de l’Europe, ne devait-elle pas replier à l’intérieur de ses frontières ses forces basées en Allemagne, mais les étendre aux territoires européens, offrant à la Pologne et à la Hongrie, qui précisément s’efforçaient de se rapprocher pour leur sécurité de l’Europe occidentale, de les stationner sur leur   sol ». Attention, Béhar insista beaucoup pour que ce déploiement vers l’Est fût élaboré en concertation avec les onze autres membres de la C.E.E. afin qu’il ne fût pas compris comme un moyen de restaurer une quelconque prépondérance française. Par cette action spectaculaire, « il s’agissait de concevoir une politique européenne équilibrée, dans laquelle aucun État – donc pas l’Allemagne, mais pas non plus la France – n’exerçât de prépondérance, et de mener la politique de la France dans le cadre et en fonction de cette politique conçue aux dimensions de l’Europe. La France, se gardant de prétendre pour elle-même à aucune hégémonie, devait d’une part aider les nations à recouvrer la liberté et à s’associer comme elles le désiraient, bref œuvrer à un nouvel équilibre européen interne; elle devait d’autre part mettre ses armes stratégiques et tactiques au service de la défense de l’ensemble européen » et en rendant, par une politique navale ambitieuse, l’Europe maîtresse de ses espaces maritimes.  En effet, « si la politique de la France a un avenir, conclut-il, c’est aux dimensions européennes » car la géographie et l’histoire ont fait de la France « une sorte de microcosme de l’Europe. Le Nord du pays est de culture flamande, l’Est de tradition germanique; les mondes normand et celtique de l’Ouest le rattachent aux îles britanniques; la Navarre est la porte de l’espagne et la Provence celle de l’Italie. Tous les mondes culturels, qui sont autant de visages de la culture européenne – le nordique et le méditerranéen, le continental et l’insulaire – se rencontrent en France pour s’y unir. Les autres cultures sont des variations de la culture européenne; la culture française est la synthèse de ces variations. Elle est la seule qui entretienne des relations avec la majorité des autres, permettant à chacune des autres d’une certaine façon de se reconnaître en elle – ce qui explique une part de son rayonnement passé : de toutes les cultures d’Europe, la culture française est la plus européenne. De la civilisation du vieux continent, elle est comme le point d’orgue. »

    La Confédération paneuropéenne

    Malheureusement, les événements prirent un tour différent. Alors, devant les risques d’une domination continentale depuis Berlin, Pierre Béhar traça une construction européenne alternative susceptible de concilier les constantes géopolitiques et les identités nationales. A la filandreuse Confédération européenne de F. Mitterrand, il opposa un modèle calqué sur l’exemple amélioré de l’Autriche-Hongrie. Pourquoi ? Parce que la Double-Monarchie est « cette grande survivance du passé [qui] semble aujourd’hui presque prophétique : une sorte de modèle de confédération pour l’Europe du XXIe siècle. Mais, dans une Europe des nationalités où l’Allemagne et l’Italie venaient de réaliser leur unité, elle paraissait un vivant anachronisme ». La Confédération paneuropéenne comprendrait non seulement des États, mais surtout et essentiellement des fédérations régionales d’États. Par le biais de ces fédération (balkanique, danubienne, nordico-scandinave, balte, atlantique, latine), il s’agirait de « créer des ensembles homogènes capables de faire entendre leur voix clairement en Europe ». Au sein de la Confédération, la fédération danubienne exercerait un rôle très important puisque « c’est autour de l’axe Vienne – Budapest que doit se reconstituer l’Europe centrale. Il doit être un élément essentiel de l’équilibre de l’Europe future ». Il va de soit que cette conception de l’Europe accorde le primat au politique. Pierre Béhar conteste sévèrement l’idéologie néo-libérale.

    Cette Confédération paneuropéenne serait neutre ou, pour le moins, libérée de l’emprise américaine. À plusieurs reprises, Béhar exprime son hostilité envers l’O.T.A.N. Cependant, son attitude devient contradictoire après le déclenchement des nouvelles guerres balkaniques. S’il prend successivement la défense des Croates, des Bosniaques, puis des Kosovars, il se montre excessivement hostile à la Serbie. Après la signature des accords de Dayton, il regrette que ce soit, une nouvelle fois, une puissance non-européenne qui s’ingère dans les conflits du continent pour les régler.

    L’Europe indépendante n’en demeure pas moins d’une urgente actualité primordial et une ardente nécessité. « Nous continuons de parler de parler de “ France ”, d’« Allemagne », d’« Angleterre », d’« États-Unis » ou de “ Russie ” comme aux plus beaux jours du XVIIIe siècle, sans nous rendre compte que ces mots représentent des forces dont les rapports de proportion se sont inversés. […] Aux dimensions du monde, seule compte l’Europe comme un tout. Il n’est pas actuellement en Europe de plus sûre façon de trahir les intérêts de sa patrie que de rester enfermé dans le cadre de pensée national ». P. Béhar insiste donc dans ses texte sur l’importance d’une géopolitique qui doit considérer le fait européen, les réalités nationales et la mondialisation qu’il faudra bien accommoder au risque sinon de périr. Pierre Béhar, parce qu’il est aussi historien, croît en l’Europe des peuples car « le sort des civilisations est toujours entre leurs mains. Les sentences qu’elles subissent ne sont prononcées que par elles-mêmes. Aussi sont-elles toujours justes ». Voilà un écrivain d’une espèce rare : un souverainiste… européen !
    Maximilien Malirois http://www.europemaxima.com/

    Bibliographie
    Les phrases citées proviennent des livres et articles ci-dessous. Nullement exhaustive, cette petite liste se veut surtout indicative.
    I – Les ouvrages
    • Du Ier au IVe Reich. Permanence d’une nation, renaissance d’un État, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « Le bon sens », 1990.
    • L’Autriche-Hongrie, une idée d’avenir. Permanences géopolitiques de l’Europe centrale et balkanique, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « Le bon sens », 1991.
    • Une géopolitique pour l’Europe. Vers une nouvelle Eurasie ?, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « Le bon sens », 1992.
    • Vestiges d’empires. La décomposition de l’Europe centrale et balkanique, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « Le bon sens », 1999.
    • Les langues occultes de la Renaissance. Essai sur la crise intellectuelle de l’Europe au XVIe siècle, Paris, Éditions Desjonquères, coll. « La mesure des choses », 1997.
    II – Les articles
    • « Faute d’une âme. Déficiences européennes » (pp. 81-87), Futuribles, Paris, juin 1995.
    • « Problèmes éternels de l’éternelle Russie » (pp. 12-23), Géopolitique, n° 54, Paris, été 1996.
    • « Entre l’Empire et l’État national. Naissance d’une nation » (pp. 33-36), Enquête sur l’histoire, n° 20, Paris, avril-mai 1997.
    • « Luther et la Réforme » (p. 37), Enquête sur l’histoire, n° 20, Paris, avril-mai 1997.
    III – Un entretien
    • « Prospective européenne : leçons d’histoire » (pp. 45-60), Futuribles, Paris, mai 2000.
    • Paru dans L’Esprit européen, n° 6, printemps-été 2001. http://www.europemaxima

  • Mali, c'est quoi demain ?

    Kidal est tombé, le croissant rouge qatari est déconsidéré, les drones-tueurs américains vont décoller du Niger. Il faut passer à autre chose.
    Bambara
    On a pu un temps considérer le Mali comme le solde de répartition des espaces décolonisés. On attela deux régions antagonistes qui traînaient à la découpe, le désert au nord du fleuve tenu plus ou moins par les Touaregs, le fleuve des Songhaï et les terres à jardins du sud peuplées de Bambara. A tel enseigne qu'il exista au départ une Fédération du Mali groupant le Sénégal actuel et le Soudan français, Mali d'aujourd'hui. Cette géographie des restes, qui apparaît en Afrique et au Moyen-Orient au reflux des empires français et anglais, est de tout temps calamiteuse car une aimantation des ethnies aux pays voisins subsiste, et la devise du Mali « un Peuple - un But - une Foi » fait sourire puisque ce fut dès le départ tout l'inverse, à l'exception de l'islam soufi. L'histoire du pays est correctement résumée par la Wikipedia. La déposition du président Amadou Toumani Touré le 21 mars 2012 tient justement à ce qu'on ne voyait aucun but à sa politique autruchienne.

    Le problème de toujours est la fracture entre Touaregs et Noirs. Les premiers ont besoin des seconds pour subvenir au quotidien dans la variété alimentaire, l'artisanat, le négoce de comptoir, toutes activités qui exigent la sédentarité pour se développer ; quand les seconds peuvent facilement substituer les produits d'élevage touaregs par les leurs. Ces élevages décimés par la sècheresse ont agglutiné beaucoup de nomades sans qualifications dans les villes au sud du Sahara. Les programmes de développement pilotés par Bamako ou par les agences étrangères les ont particulièrement évités. D'où l'ambiance de rezzou persistante dans les zones désertiques qu'ils patrouillent plus qu'ils ne les contrôlent. Les tribus sont assimilées aux trafics en tout genre jusqu'au juteux narcotiques qu'ils partagent avec les hordes arabes prétendument islamistes. Peu instruits, ils ont en revanche une haute considération d'eux-mêmes et un mental fort qui leur évite de tomber dans le piège du suicide bruyant pour la Cause et les 72 vierges-aux-yeux-noirs. Aussi est-il peu à craindre qu'un Touareg se fasse sauter en plein marché. C'est plutôt une occupation d'Arabe des villes. En ce sens, le concours des autochtones est utile à détecter le freux malade dans la foule.

    Songhai
    ATT, le président renversé, était un ancien parachutiste et il est surprenant qu'il ait laissé se liquéfier l'armée malienne jusqu'au point qu'elle déserte ses postes avancés dans le nord à la première annonce d'une colonne de rebelles assoiffés de sang. Il est vrai que le massacre par le MNLA de la garnison d'Aguel'hok (cercle de Kidal) rendue à court de munitions le 18 janvier 2012, qui avait été démembrée ensuite pour faire des vidéos sur Internet, avait cassé le moral et enflammé les familles des "sacrifiés". Mais de réactions offensives, point ! On peut dater ce lâche abandon de 2005 : Lors de la fête du Maouloud (naissance du Prophète), le colonel Kadhafi convoque à Tombouctou tous les chefs de tribus touaregues du quartier afin de signer ensemble la Charte pour la Fédération du Grand Sahara au nez et à la barbe du pouvoir de Bamako. Les "unités" étaient sa marotte. Après avoir humilié convenablement ATT, il rentre à Tripoli avec des groupes touaregs qu'il place en position de garde rapprochée du pouvoir. Ce sont ces groupes qui devront se débander à la chute du raïs libyen et retourner au nord du Mali, armés jusqu'aux dents. Ils y seront reçus avec les honneurs par les officiels !!! L'armée malienne doutait de la pertinence de cet accueil aimable mais maintint sa confiance à l'ancien général jusqu'à "Aguel'hok". ATT était devenu un président playmobil dans le déni perpétuel des réalités, fustigeant l'amalgame terrorisme-islamisme-azawad (c'était sa marotte à lui). Mal équipée, démotivée, ses cadres corrompus, une fraction de l'armée le renversera, à deux mois du scrutin présidentiel !

    Kel Tamasheq
    On sait bien que résoudre la question touarègue est essentiel à la pacification et au développement du Mali. Mais elle convoque deux préalables : que les quatre Etats impliqués au Sahara agissent de concert et ne jouent pas du vieil antagonisme ethnique ; que les Touaregs non sédentarisés s'inscrivent dans un schéma économique moderne - ce qui n'est pas tout de leur responsabilité, faut-il qu'ils y soient acceptés aussi. Le maillon faible du raisonnement est l'Algérie. Il y a un blocage mental du pouvoir algérien sur l'amélioration de conditions de vie au sud-Sahara. Ces territoires qu'ils ne se sont jamais vraiment appropriés n'ont d'intérêt pour eux que minier, et le plus fort affaiblissement des voisins sahéliens est recherché dans un but dont il est difficile de trouver la logique, quand on sait le déséquilibre des forces en présence ; la prospérité de la sous-région serait quand même préférable pour tous, y compris les nomades. Pourquoi dès lors traiter en sous-main avec tel groupe djihadiste contre tel autre ? Ce brassage de fange est caractéristique d'une intention de déstabilisation de la sous-région, mais pour quel profit ? C'est à la limite de la pathologie. L'attaque d'In Amenas les a-t-elle fait changer d'avis ? Ils ont tous les moyens de fermer la frontière (pas nécessairement sur le tracé point-trait) et s'ils avaient besoin d'un soutien dans le renseignement, l'Africom américain y pourvoierait de bonne humeur. Mais le soutien est un gros-mot. Le pouvoir en place qui vit sur la trajectoire d'une victoire militaire historique contre un empire européen - on a les contrefaçons qu'on peut, nous avons les nôtres - n'a besoin du soutien de personne. Qu'on se le dise ! Aussi, coincé entre l'insurrection rampante de la Kabylie misérable au nord, l'insatisfaction populaire partout ailleurs, et l'insécurité grandissante au désert, le gouvernement risque fort de cultiver son autisme face à l'imbrication des difficultés de tous ordres, un peu comme le faisait ATT dans ses derniers mois, la tête dans le sable à compter son or, laissant à la police le comptage des mécontents.

    femme Dogon
    ATT a-t-il perçu ces empêchements d'une politique de croissance comme il l'avait promise, et attendait-il "à la Chirac" la fin de son mandat ? C'est probable. Un homme politique, même un général parachutiste peut être dépassé par la fonction, les contingences, ses humeurs, sa résilience voire l'étendue de la corruption qu'il organise. Même sans cette gangrène, la meilleure bonne volonté des présidents¹ qui s'y sont succédés en libéralisant les codes socialistes pour inciter les entrepreneurs à créer n'a pu vaincre une chose : le manque de capitaux pour mettre en valeur les fondamentaux du pays qui ne sont pas nuls. C'est pourquoi la corruption d'Etat, qui a détourné les fonds de développement destinés à le pallier, est criminelle.
    Le secteur minier produit de l'or, du fer, de la bauxite, des phosphates et du marbre. L'agriculture vivrière (blé, riz) ne peut suivre la démographie et l'agriculture commerciale (coton, maïs) n'est pas transformée sur place, faute d'investisseurs - il y a de vrais opportunités à créer des filières agro-alimentaires. Le cheptel laitier est important et le pays ne manque pas de protéines (viande, laitages) mais les filières de conservation insuffisantes obligent à importer du lait sec. La production avicole est de bon niveau ; la pêche est ridiculement faible par rapport à la ressource. Du fait des ruptures saisonnières et du climat sahélien dégradé, il manque des conserveries de fruits et légumes. Le reste de l'économie tient aux services, transport et commerce principalement. Les comptes du pays ne sont pas "horribles", et avec le retour d'un Etat compétent et honnête, et grâce à la jeunesse de sa population et à ses ressources, le Mali est un pays certes pauvre mais d'avenir. Avis aux capitalistes courageux.
    J'amortis ce billet en présentant une ONG qui mérite le détour et qui oeuvre en pays dogon. J'ai travaillé pour ces gens, efficaces et désintéressés. Une courte vidéo en dira plus long. Si vous avez six sous de reste, c'est là qu'il faut les jeter sans hésitation !

    (1) Un article de MaliJet passe en revue les grands chefs du Mali depuis l'indépendance et l'influence de la fonction sur leur comportement ; nous résumons :
    - Modibo Keïta (Bamako 1915- Djikoroni 1977), intègre jusqu'à l'os mais socialiste buté, ne laissera à sa famille qu'une ferme à Moribabougou et nul compte bancaire en Suisse. Déposé par le suivant.
    - Moussa Traoré (Sébétou 1936- ), général putschiste préférant le pouvoir à l'argent, laissera ses affidés faire fortune sur fonds internationaux quand lui ni sa famille ne furent ensuite remarqués par leur train de vie. Déposé par ATT qui fera la transition démocratique.
    - Alpha Oumar Konaré (Kayes 1946- ), viendra à bout des revendications touarègues mais pas de la corruption désormais endémique de son entourage. Terminera ses deux mandats constitutionnels propre sur lui et s'est retiré à l'OIF.
    - Amadou Toumani Touré dit ATT (Mopti 1948- ), revêtira la peau du mouton jusqu'à recevoir l'adoubement des grandes démocraties pour l'équité politique qu'il met en scène. Une gestion des pénuries à la Ben Ali, sa famille captera le plus de richesses possibles tant sur fonds internationaux que nationaux. La corruption gangrènera l'état-major. Déposé par un capitaine de rencontre, prof d'anglais au prytanée militaire, il va subir une procédure d'extradition au Sénégal pour répondre du trésor amassé par le clan.

  • L'illusion économique d'Emmanuel Todd

    Modernité de la Nation

    Le livre est sous-titré : « essai sur la stagnation des sociétés développées ». On subodore l'œuvre d'un spécialiste, avec tout ce que cela comporte trop souvent d'abscons et d'ésotérique. Mais, si « L'illusion économique » est en effet rédigée dans toutes les règles universitaires et abondamment documentée, ses conclusions générales restent aussi claires que sans appel. L'auteur, Emmanuel Todd, diplômé de Sciences Po et docteur en histoire de Cambrigde, y met à nu les fausses logiques des diverses théories de la mondialisation, et démontre que la crise actuelle ne sera surmontée que si renaît l'idée de nation. Cependant, tout en condamnant la pensée unique, qu'il appelle pour sa part « pensée zéro », Todd se justifie de son audace en donnant des coups de patte au Front National, en ménageant certains des responsables du déclin de notre civilisation, et en faisant des concessions au marxisme, bien que son exposé en prenne fondamentalement le contre-pied. Des précautions regrettables et discordantes, qui ne parviennent quand même pas à atténuer le choc des évidences que Todd dégage.

    Il fallait une bonne vision, et pas mal d'audace pour annoncer en 1976 l'implosion du système soviétique, comme le fit Todd dans « La chute finale ». À l'époque, néanmoins, la pression subie par ceux qui résistaient au communisme ne revêtait pas, du moins en Occident, un caractère aussi pesant et omniprésent que celle exercée aujourd'hui sur les réfractaires au mondialisme. C'est pourquoi, en dépit de sérieuses réserves à émettre sur quelques-unes de ses affirmations, les vérités de Todd méritent d'être relevées. D'emblée, il va au cœur du problème contemporain « Le souci d'efficacité (l'idée de modernité, la nécessité économique) exige la déstabilisation des existences, implique la destruction des mondes civilisés... La mondialisation - globalisation selon la terminologie anglo-saxonne - serait la force motrice de cette fatalité historique. Parce qu'elle est partout, elle ne peut être arrêtée nulle part... Elle flotte a-sociale, a-religieuse, a-nationale, au-dessus des vastes océans, l'Atlantique et le Pacifique s'affrontant pour la prééminence dans un combat vide de conscience et de valeurs collectives. Que faire contre une telle abstraction, une telle délocalisation de l'Histoire ? »

    La réponse de Todd est décapante : face à cela, les temps présents sont dominés par l'« impuissance des Etats, des nations, des classes dirigeantes ». On assiste à un « accablement spirituel » et « la dépression des classes dirigeantes françaises est particulièrement surprenante. Elle intervient au moment exact où la France a enfin cessé d'être, à l'intérieur du monde développé, un pays en retard ». Pour Todd, la France n'a pas à avoir de complexe face à l'Amérique, en plein recul culturel, ce dont il fournit des preuves étonnantes et convaincantes (éléments chiffrés sur la chute du niveau intellectuel aux États-Unis). Malheureusement, il y a ces chefs de gouvernements spectateurs résignés ou cyniques d'une histoire qui les dépasse. Ainsi, Bill Clinton et Jacques Chirac... « subissent-ils passivement la mondialisation, une illusion, parce que le mécanisme économique n'est en rien le moteur de l'Histoire, une cause première dont tout découlerait ».

    Le moteur de l'Histoire, Todd le cherche dans les « croyances collectives », et la plus importante à ses yeux est la nation, dont il souligne la permanence à travers l'anthropologie, l'éducation, l'économie, la démographie. Il touche au tabou de l'individualisme, qu'il ne tient pas pour la panacée, tout au contraire. Il accuse les diverses sortes de mondialisme de s'attaquer à l'idée nationale, par le haut (credo monétaire maastrichien) ou par le bas (décentralisation géographique, droit à la différence pour les immigrés) : « Tous ces phénomènes, que rien ne relie en apparence - européisme, mondialisme, décentralisation, multiculturalisme - ont en réalité un trait commun : le refus de la croyance collective nationale. »

    La Nation, un besoin prioritaire

    Quand il recherche l'origine et le développement, ce qu'il baptise d' «antinationalisme», Todd est incisif et percutant. Il montre crûment tout le mépris du peuple français chez les soixante-huitards, à quel point Bernard-Henri Lévy identifiait « en notre nation un monstre abject », la « véritable horreur de la nation » dont sont atteintes les prétendues élites françaises. Pour nos lecteurs, ce n'est certes pas une découverte. Todd ne se contente pas, il est vrai, d'enfoncer cette porte ouverte, il cherche à voir où mène « l'antinationalisme » qui spécule sur la disparition des nations : « une illusion tragique, dont la puissance a conduit à l' incohérence économique du monde développé, à travers les expériences désastreuses que sont le libre-échange intégral et la construction monétaire de l'Europe ».

    « L'utopie libre-échangiste », « L'utopie monétaire », sont deux chapitres très forts, le noyau dur du livre. Le libre-échangisme, démonté dans tous ses aspects, est accusé en particulier de générer, outre la pauvreté et la spéculation, le racisme et les inégalités. Au passage, Tood remarque que ce n'est pas le développement de l'informatisation qui a déstabilisé l'économie. Il accompagne sa défense du protectionnisme d'une tentative de « réintroduction de sociologie marxiste », comme s'il lui fallait une excuse. Il est plus direct en s'en prenant à la monnaie unique, dont il met à jour les multiples insuffisances et le caractère irrationnel. À elles seules, les différences d'évolutions démographiques de l'Allemagne et de la France sont appelées à créer des difficultés insolubles pour la gestion de l'euro. « Sortir de la monnaie unique ne serait pas un drame, sauf peut-être pour les dirigeants trop mouillés dans le naufrage du projet. »

    B M ne dit pas autre chose dans la "Troisième voie", et Todd le sait. Aussi s'est-il cru obligé, par crainte sans doute de se voir «amalgamé», de traiter du FN par le biais d'une analyse marxiste à la fois hautaine, discutable et réductrice. Parallèlement, il a évité de s'attarder sur le rôle du PC (à qui il sert à l'occasion de faire-valoir) dans la soumission à la « pensée zéro ». N'en déplaise à Todd, pour que son souhait final se réalise (« ce dont nous avons d'abord besoin est d'un saut de la foi, dans une croyance collective raisonnable, la nation »), il n'y a qu'un vecteur possible, le Front National. L'inventeur de la fameuse "fracture sociale" a encore un petit pas à faire. 
    N.T.
    Emmanuel Todd, « L'illusion économique », Éd. Gallimard.
    Français d'abord ! 2e quinzaine mars 1998

  • Michel Onfray - "L'islam n'est pas une religion de paix et d'amour ! »

  • « Ils étaient blancs et esclaves, ils étaient juifs et négriers. » (1/2)

    Peut-on réduire l’histoire de l’esclavage à l’homme noir ? Des esclaves blancs ont existé. Ont-ils moins souffert que les esclaves noirs ? Qui furent les véritables mercantis de l’esclavage ?

    Rien n’interdit encore d’aborder la question de l’esclavage dans un esprit révisionniste et libre. L’IHR (Institute for Historical Review) propose deux ouvrages qui démontent le mythe de La Case de l’Oncle Tom : They Were White and They were Slaves (Ils étaient blancs et ils étaient esclaves) de Michael A. Hoffman et The Secret Relationship Between Blacks and Jews (Les relations secrètes entre les Noirs et les juifs) de Farrakhan. Dans Les différenciations raciales entre les Noirs et les Blancs, Thomas Jefferson relève que sous l’Empire romain au siècle d’Auguste, la condition des esclaves est bien pire que celle des Noirs dans le continent américain. Malgré cela, Epictète, Térence et Phèdre, esclaves de race blanche, furent les précepteurs des enfants de leurs maîtres. Au IXsiècle, des dizaines de milliers d’esclaves sont vendus sur les terres occupées par l’Islam, comme dans le Royaume de Cordoue. Les Vikings participent à ce commerce juteux. Les captifs sont blancs. Ils viennent d’Islande, d’Ecosse et d’Irlande. Les enfants, non rentables, n’ont pas été embarqués mais tués sur place et les drakkars s’en sont retournés chargés de denrées et de bijoux.

    Du Xe au XVsiècle, la majorité des esclaves est issue des peuples slaves, d’où le mot tire son étymologie. Les femmes sont vouées à la prostitution, les hommes aux galères. La castration est courante. Peu y survivent. Avec la disparition des sociétés traditionnelles et le recul du catholicisme sous la poussée des protestantismes, des populations entières sombrent dans une profonde misère.

    L’Angleterre concentre tous ces signes. Sa monarchie, très tôt liée aux desseins de la franc-maçonnerie, contribue à accentuer les souffrances d’un peuple contraint à un esclavage aujourd’hui cadenassé dans les amnésies du politiquement correct. Pourtant, cet esclavage, non répertorié comme tel et se développant en Angleterre, est bien plus cruel que celui qu’ont subi les pauvres Noirs d’Amérique. En 1765, sur vingt-trois enfants employés par l’entreprise St Clément Dane’s, dix-huit sont mortellement blessés. Soixante-quatre des soixante-dix huit enfants ouvriers d’une entreprise d’Holborn connaissent le même sort.
    A St Qeorge’s Middlesex, seize enfants sur dix-huit meurent d’accidents du travail. En Angleterre, le taux de mortalité de cette main-d’œuvre enfantine est estimé à 90 %. Les rythmes imposés sont insoutenables. Les journées de travail durent en moyenne seize heures. Les enfants sont employés à nettoyer les conduits de cheminées dont, par souci d’économie, les foyers ne sont pas éteints. Les accidents sont nombreux. Mal ou pas rémunérés, les petits ramoneurs qui doivent mendier leur nourriture sont décimés par la tuberculose et le cancer des bronches. Dans The White Slaves of England, John C. Cobden décrit la cruauté des patrons.
    En 1833, dans une usine de Manchester, un garçon de moins de dix ans est en retard. Il est contraint de porter autour du cou des poids de dix kilos. D’autres, meurent roués de coups. Dans les mines des dizaines de milliers d’enfants servent de bêtes de somme, attelés à des chariots. Dans les cimetières, les épitaphes témoignent de l’âge de ces esclaves : « William Smith, huit ans, mineur, mort le 3 janvier 1871 ». A l’entour, des enfants de quatre ans reposent dans les autres petites tombes. Dans The Factory System Illustrated William Dodd note qu’en 1846 plus de dix mille ouvriers anglais (en majorité des enfants), ont été blessés, mutilés ou déchiquetés par des machines.

    En 1840, un médecin de Stockport voit mourir une jeune fille la chevelure happée par le roulement à billes d’une machine. John Randolph, Virginien de Roanoke, voyage en Irlande et en Angleterre, accompagné de son serviteur. Il écrit : « Je ne pensais pas être autant choqué par la misère des paysans du Limmerick et de Dublin. Johnny est même fier d’être un esclave noir de Virginie. Il était horrifié de voir des taudis, des blancs mourant de faim ». La vie des paysans du Sud de l’Angleterre, témoigne l’historien anglais William Cobbet, est pire que celles des esclaves noirs américains. En 1834, des fermiers du Dorset tentent de former un syndicat pour préserver de la famine les veuves et les orphelins. Ils sont déportés en Australie. Outre-Atlantique, le sort des esclaves blancs, premiers déportés dans le nouveau monde où l’appât du gain a aboli toute morale, est tout aussi inhumain.

    En 1645, dans un courrier adressé au gouverneur du Massachusetts, John Winthrop, un certain George Downing conseille aux propriétaires qui veulent faire fortune dans les Antilles d’acheter des esclaves provenant d’Angleterre. En 1640, dans les plantations de canne à sucre des Iles de La Barbade (actuellement haut lieu de la Jet Society), 21 700 blancs sont recensés sur 25 000 esclaves. De 1609 à 1800, près des deux tiers des blancs arrivent en Amérique comme esclaves. Ils constituent la grande majorité de cette main-d’œuvre : il est moins difficile d’obtenir des esclaves blancs que des Nègres. Les chefs des tribus africaines doivent être saoulés par les marchands de « bois d’ébène ». Les Noirs ne sont capturés qu’après des traques qui durent de longues semaines dans des conditions excessivement périlleuses à travers les forêts et les savanes africaines. Le « rendement » est très mauvais. La plupart des captifs meurent, à bout de force, avant d’atteindre les bateaux. Les pistes sont jonchées d’ossements. Une bonne partie des survivants succombera pendant la traversée. En revanche dans les villes et la campagne irlandaise ou écossaises, les kidnappers - que l’édition 1796 du Dictionary of vulgar longue définit comme : « Personne volant des enfants pour les envoyer dans les colonies ou les plantations des Antilles » - fournissent à moindre frais des esclaves moins coûteux à livrer. Selon History of the United States, d’Edward Channing, dix mille enfants kidnappésont été déportés aux Etats-Unis en 1670. Michael A. Hoffman évoque le négoce du capitaine Henry Brayne : « En novembre 1670, son bateau quitte la Caroline. Il est alors chargé de charpentes qui doivent être livrées aux Antilles anglaises en échange d’une cargaison de sucre pour Londres. Ici, le Capitaine prend à bord deux cents à cinq cents esclaves blancs à destination de la Caroline ». Toutes ces raisons conjuguées au fait qu’un esclave blanc a moins de valeur qu’un noir habitué au climat tropical de la Virginie ou de la Floride, expliquent le prix très bas des esclaves blancs.

    Par conséquent, les esclavagistes ne les ménagent pas : il les affectent aux tâches les plus dures et les plus répugnantes, les soumettent à des actes de maltraitance et de sadisme. Des enfants seront pendus par les mains à une corde, amputés et tués. Le trésorier de l’Etat de Virginie, George Sandys, atteste du peu de valeur d’un esclave blanc : il en échange 7 contre 150 livres de tabac. Dans A True and Exact History, Richard Ligon mentionne en 1657 le troc d’une esclave blanche contre un cochon. Dans les Antilles anglaises, les quatre cinquièmes des esclaves blancs meurent l’année de leur arrivée. Dans Sugar and Slaves : The Rise of the Planter Class in the English West Indies, l’historien Richard Dunn démontre que les plantations de canne à sucre des Antilles anglaises étaient le tombeau des esclaves blancs. Ecœuré par ces pratiques, le colonel William Brayne écrit en 1656 aux autorités anglaises pour demander l’importation d’esclaves noirs. Mais l’esclavage des blancs est encouragé par les hautes instances politiques et la Couronne. En 1615, le parlement anglais, soutenu par Charles Ier, donne tout pouvoir aux magistrats pour permettre la déportation des Anglais les plus pauvres. Sous le règne de Charles II (1630-1685), même le petit Pays de Galles n’est pas épargné.

    Aux XVIIe et XVIIIsiècles, des économistes insistent sur le « bien-fondé » de l’esclavage des blancs, main-d’œuvre qui permet le développement des colonies anglaises et favorise l’expansion de l’Empire britannique. En 1618, des aristocrates adressent une pétition au Conseil de Londres exigeant que les enfants qui errent dans les rues soient déportés en Virginie. En janvier 1620, des enfants tentent de s’enfuir de la prison de Briedewell. Une mutinerie éclate. On craint que le mouvement se généralise. Un courrier est envoyé au secrétaire du Roi, Sir Robert Naunton. Le 31 janvier, le Privy Council autorise à titre d’exemple le recours aux sentences capitales. Cela durera jusqu’au XIXsiècle, époque à laquelle les propriétaires d’usines de Nouvelle-Angleterre militent pour l’abolition de l’esclavage noir tout en exploitant sans vergogne les enfants blancs. Ce n’est pas une attitude nouvelle. Dès février 1652, les propriétaires des plantations ont obtenu la légalisation et l’extension du kidnapping des blancs. Les villes du Commonwealth voient les plus pauvres, accusés de mendicité partir chaînes aux pieds pour l’Amérique. Les juges perçoivent les pots-de-vin liés à ce trafic. La part de Sa Majesté n’est pas la moindre.

    [suite la semaine prochaine]

    Laurent Glauzy http://www.contre-info.com
    Article tiré de Atlas de géopolitique révisée, tome I

  • "France : 77 % de nationalistes !" : une tribune maurrassienne sur BV

    Rien à faire ! Indécrottables nationalistes, ces Français ! On a beau leur expliquer qu’il ne faut pas être patriote parce que c’est dangereux (la pieuvre fasciste n’étant jamais très loin), ils le sont quand même. Je vois d’ici arriver le gyrophare des chiens de gardes : ...

    ...« Attention M’sieur, faut pas confondre patriotisme et nationalisme, c’est pas pareil, il y en a un qu’on tolère, l’autre qui nous rappelle lézeurléplusombredenotristoire. » Ben voyons !

    C’est bien le cercle communautaire de la nation dont il est question dans ce sondage IFOP-Atol révélant que 77 % des Français sont prêts à payer plus cher un produit pourvu qu’il soit « made in France ». Comment ça, rien à voir avec la cocarde, le coq dans le fumier, la 2 CV, la baguette, le pinard, la terre et les morts ? Bien sûr que si ! Derrière un produit manufacturé — même en partie seulement — en France, il y a des mains françaises ! Féminines et agiles d’ouvrières sur un soutien-gorge sexy, masculines et poilues d’OS sur une Renault métallisée. Acheter « made in France », c’est faire vivre des familles qui perpétuent la race française (tout doux les gauchistes… race au sens de « peuple & histoire ») et enrichissent le pré carré. [...]

    Edouard Frémy - La suite sur Boulevard Voltaire

    http://www.actionfrancaise.net

  • L'homme de droite ? Un anarchiste pas comme les autres

    Le drapeau noir de l'anarchie a souvent abrité des passions collectives. Ce qui limitait l'impact des pavés. Aujourd'hui, cette lutte révolue n'est plus qu'un label et une posture. Il existe pourtant bien une sensibilité « anar ». Oserait-on la situer sous le soleil noir d'une droite libertaire et frondeuse ?

    N’en déplaise aux maniaques de la classification, il n'y a pas d' « anars de droite ». Il faudra le dire, un jour ou l'autre, aux jeunes supporters de Zemmour(1) qui se qualifient ainsi devant les journalistes. Allons, un peu de cohérence, Messieurs! On refuse le prêt-à-penser et les catégories toutes faites, et face au premier inquisiteur venu, on irait ainsi se calfeutrer dans un vulgaire manteau sémantique ? Pour se tenir politiquement chaud ? Postures, une fois de plus! Difficile d'y échapper, décidément, tant le désir de liberté se laisse vite prendre aux filets du kitch politique. Diable, si vous vous sentez l'âme un peu libre dans la touffeur d'une société qui fabrique des balises à la chaîne, si vous tenez debout par vous-même, bref, si vous vous fiez plus au mystère de l'ordonnancement intérieur qu'à tous les pouvoirs extérieurs, n'allez pas en faire une bannière !
    On imagine sans peine, en effet, à quel sommet de ridicule parviendrait un défilé d' « anars de droite ». Philippe Muray s'en retournerait dans sa tombe ! Laissez donc le fantasme puéril des cortèges émancipateurs aux libertaires de droite et de gauche ! Il y a longtemps que ces malheureux ont perdu le secret de la vraie liberté : celle qui n'est pas octroyée, mais patiemment conquise sur les mythes de tous ordres. À commencer par les siens. Aussi, les romanciers, pamphlétaires et autres cinéastes qui ont forgé la tradition dite des « anars de droite », aussi riche que faussement dénommée, étaient-ils rétifs à toute enseigne commune. Oui, l'esprit frondeur d'un Léon Bloy, d'un Marcel Aymé ou d'un Autant-Lara ne saurait sans dommage se fourrer dans la meute.
    Un frondeur, pas un suiveur
    L'authentique anar ? Avant tout l'héritier d'une vieille tradition de liberté, contre les pouvoirs institués et la pression des masses. Pour lui, pas de conscience de clan ou de classe, comme chez les têtes à claques affichant leurs égos en rangs serrés. Quand son verbe incendiaire met le feu aux banderoles des autolâtres, c'est pour hisser plus haut le pavois de l'excellence et de l'énergie personnelle. De la lucidité joyeuse, aussi. Déjà, avant Léon Daudet et Dominique de Roux, Retz face à Mazarin, Chénier contre la Convention ? Pourquoi pas. Combattre pour un ordre échappant aux lois du jour, voilà sa devise. Ce sont les lois non écrites qui comptent. Ici, le geste d'un brave rend définitivement carnavalesques tous les lâchers d'individualistes bêlant sur le boulevard, eux qui souhaitent en définitive élargir le champ du pouvoir, seule garantie des invertébrés. Renvoyons donc ces libertaires barbouilleurs de slogans à leurs revendications et à leurs droits, et disons-le simplement, les vrais anars sont fils d'Antigone. Pas de « collectif anti-Créon » derrière elle pour la motiver, si l'on en croit Sophocle et Jean Anouilh.
    Trop exigeant pour être un suiveur, l'anar ! Pour autant, ce n'est pas un apolitique, au contraire. De fait, il n'exclut pas la manif à l'occasion, ni le combat militant. Maiicet archange rigolard mettra toujours les flonflons politiques derrière les solidarités réelles et l'amitié soucieuse des polyphonies personnelles. Par ailleurs, lorsqu'on s'oppose aux pouvoirs, toujours fondés sur une part d'artifice, la fantaisie et l'élégance naturelle doivent précéder les idées. L'anar a du panache ou il n'existe pas. C'est bien ce qui échappera toujours à la gauche. Si l'on admet donc que celle-ci ne sait pas défendre la liberté sans démarche peu ou prou collectiviste, reconnaissons que les vrais anars sont à droite, même si c'est par défaut. « C'est la gauche qui me rend de droite » lançait Michel Audiard pour trancher le débat.
    Philippe Gallion LE CHOC DU MOIS juillet 2010
    (1)Zemmour, quant à lui, est suffisamment à l'aise dans ses bottes de franc-tireur pour se passer de cette étiquette-là, comme de toute autre.

  • L'identité française

    Il est souvent dit que s'interroger sur son identité, c'est déjà l'avoir perdue. Dans un contexte de mondialisation et de construction européenne, d'immigration massive que peut encore signifier le fait français ou être Français pour quelqu'un ?

    Samuel Huntington, dans son livre « Le choc des civilisations » écrivait que les deux facteurs les plus importants qui déterminent un individu sont la religion et la race. Pour Marx, c'était la classe sociale donnée par sa position dans le système de production et pour le philosophe Burke, l'identité nationale.

    On constate donc la multiplicité des identités que l'on peut donner à un individu. Dans notre société qui évolue de plus en plus vers un magma de classes moyennes hybrides, la classe sociale semble moins déterminante, d'autant plus qu'on assiste à un allongement de la durée de la scolarité pour tous. Savoir et classes sociales sont moins corrélés. Les autres facteurs (religion, race, identité nationale ou régionale, ... ) se renforcent par contrecoup.

    Cette vision de l'identité est historisante et a changé au cours des siècles et même des quarts de siècle. De Gaulle qui n'est quand même pas si éloigné avait une vision ethnique de son « cher et vieux pays ». Le dénouement de la guerre d'Algérie a en grande partie été lié à son refus de mélanger les Français de métropole et les Arabes d'Algérie.

    L'article de Max Gallo pour définir l'identité nationale est effrayant de politiquement correct et de négation de l'identité française. Toute conception charnelle d'un peuple français millénaire est niée ainsi que toute historicité comme si cela était sale.

    Il fait fi du jus sanginii qui existe pourtant dans le droit français pour considérer comme français ceux nés à l'étranger de parents français (de Giscard en Allemagne à Dominique de Villepin et le général Morillon au Maroc... ). L'idée d'une filiation par le sang semble heurter Max Gallo. La définition de l'identité française dans son article est une définition ad hoc faite pour incorporer tout nouvel immigré avec quand même cette «petite» peur d'un Islam radical en insistant sur l'égalité des femmes et la laïcité.

    Définir un français par l'école comme le répétait à l'envie aussi François Mitterrand revient à dire que l'on devient français par réception d'un savoir aseptisé contrôlé idéologiquement par un Ministère d'Etat. C'est nier tout le savoir et la façon d'être transmis par la vie, la famille, le village ou la petite patrie provinciale. La laïcité n'est que la néantisation de toutes les croyances qui existent «naturellement» chez tout individu. La laïcité n'est pas une valeur, mais un vide créé de façon artificielle pour éviter momentanément des conflits dans un lieu donné. Il ne faut pas «sacraliser» la laïcité comme le font les laïcards. En définissant la laïcité comme un pilier de l'identité, on gomme aussi avec bonne conscience tous les antagonismes religieux qui de développent dans la société française et qui seront un jour source de conflits.

    Le seul élément qui possède une historicité donné par Max Gallo est la langue. Tous les autres points pourraient être appliqués Ii tout le monde et à personne. Le Français est devenu un fantôme juridique.

    Créer un arrière monde constitué d'abstractions est certes une maladie bien française. L'identité française est avant tout liée à son Histoire. La France a été la jonction du monde celte, gréco-latin et du monde germanique. Dans le christianisme, il y a aussi la Grèce et Rome. Toute notre culture a été façonnée et transmise de génération en génération et nous en sommes les porteurs, parfois malgré nous.

    Le plus grand porteur de cette culture est bien sûr ce peuple français qui a traversé les siècles et les guerres. Il n'y a certes pas de «race» française. Même Maurras, ce penseur du nationalisme français en convenait dans son honnêteté et sa rigueur intellectuelles. « Ce pays n'est pas un terrain vague. Nous ne sommes pas des bohémiens nés par hasard au bord d'un chemin. Notre sol est approprié depuis vingt siècles par les races dont le sang coule dans nos veines ». Il écrit bien les races et non la race à la différence des nationalistes allemands qui se sont pensés comme une race.

    Le professeur Dupâquier soutenait la thèse que la population française jusqu'au XXème siècle n'avait guère changé depuis le néolithique, les invasions celtiques et germaniques n'auraient été dans le fond qu'assez minimes (le type physique français serait donc plus Poulidor (ou Pompidou) qu'Anquetil !).

    Barrès insistait aussi sur l'historicité d'une nation ou d'un peuple : « Aux sources les plus intimes du « moi », ce sont les grandes forces issues du passé que l'on se trouve contraint de reconnaître ».

    En termes heideggériens, l'identité nationale est celle d'un être jeté dans une nation et dans le même temps la volonté affirmée d'un être-au-monde-ensemble. Il y a à la fois un déterminisme à la Barrès et/ou un volontarisme à la Renan. L'identité française ne se réduit pas à une définition juridique qui ne fait en fin de compte que la néantiser.

    Patrice GROS-SUAUDEAU
    Statisticien - économiste