Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

divers - Page 484

  • Cette machine à détruire les peuples et les nations enracinées

    Invité hier soir de France 2 de l’émission « Des paroles et des actes », Manuel Valls, fidèle à la méthode Coué, a affiché un optimisme assez sidérant (« Nous allons réussir ») quelques heures après la publication des chiffre  du chômage, actant officiellement une nouvelle hausse en août (+ 20 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, +0,6 %). Les questions migratoires n’ont pas été oubliées, et partant, la nécessité de lutter contre le seul mouvement qui tient un langage de vérité aux Français sur cette question capitale. «Tout sera fait » pour empêcher la victoire du FN aux élections régionales, et notamment en Nord-Pas-de-Calais/Picardie, a menacé le Premier ministre. Il a également promis que notre pays n’accueillera « pas plus » de 30 000 réfugiés sur les 160 000 (chiffre très en deçà du nombre réel d’immigrés clandestins qui ont pénétré en Europe ces dernières semaines) qui seront dispatchés dans les pays de l’UE. Il n’y a pas de  « concurrence des pauvretés» entre «migrants » et Français. «On ne prend pas aux Français, ou à ceux qui vivent en France, on n’oppose pas » a-t-il tenté d’expliquer. Une concurrence qui sera de toute façon escamotée à terme par l’habituelle politique de naturalisation massive. Un chemin emprunté aujourd’hui par une Allemagne, certes beaucoup mieux portante sur le plan économique mais à la démographie plus catastrophique que la nôtre, faute de politique nataliste autochtone jugée d’essence fascisante. L’ex ministre de l’Économie de Mme Merkel, Philipp Rösler, avait déjà expliqué qu’il fallait donner la double nationalité aux immigrés puisque «les ressortissants nationaux ne suffiront pas à couvrir les besoins » des entreprises…

    Les Français qui refusent d’être pris une nouvelle fois par des imbéciles et/ou des vaches à lait ont pourtant bien compris que ladite « concurrence » est bien réelle. N’en déplaisent à M. Valls et au lobby immigrationniste, dans un pays qui compte huit millions de pauvres, six millions de chômeurs et un million et demi de personnes qui attendent un logement social, quand la taille du gâteau reste la même, les parts attribuées à chacun diminuent d’autant en cas d’afflux de populations précarisées.

    Karim Ouchikh, président du SIEL, le rappelait dans l’entretien qu’il vient d’accorder à Minute, « en liaison avec (Angela) Merkel et (Jean-Claude) Juncker, François Hollande tente de faire passer au forceps « un mécanisme permanent de relocalisation » de migrants au sein de l’UE. De la même façon, le gouvernement socialiste s’organise discrètement depuis plusieurs mois pour répartir partout en France le flot incessant de  réfugiés, assurer méthodiquement leur hébergement et garantir leur prise en charge par la collectivité aux dépens du contribuable français.»

    Dans ce contexte, il est tout sauf anodin, constate Bruno Gollnisch, que François Hollande ait annoncé hier qu’une « politique de préemption » des terrains « sera engagée » à l’encontre des communes récalcitrantes qui sont rétives à l’obligation fixée par la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) d’avoir 25% de logements sociaux…

    D’accueil des migrants faisant route vers l’Europe, il sera aussi question à l’occasion de l’ouverture, le 28 septembre, de l’Assemblée générale de l’ONU qui coïncidera avec son soixante-dixième anniversaire et marquera la fin du mandat du Secrétaire général des Nations Unies  Ban Ki-moon.

    Dans une tribune publiée ces derniers jours, intitulée « L’UE a-t-elle vraiment besoin de 15 millions de migrants  d’ici 2025 ?»,  Denis Bachelot (journaliste économique, Délégué Général du Comité Richelieu, l’association française des Entreprises d’Innovation et de Croissance (EIC) et Gilbert Péna (Conseil en communication) rappellent que « l’ONU, l’OCDE, la Banque Mondiale » trouvent au sein des institutions européistes, de la Commission européenne, « le premier laboratoire où se construit l’idéologie migratoire qui domine le vieux continent ».

    « La migration est une des (dix) priorités politiques de la Commission Juncker » indique ainsi « le site de la Commission» qui « définit cette «nouvelle politique de migration légale  de la manière suivante:  Faire en sorte que l’Europe reste une destination attrayante pour les migrants dans un contexte de déclin démographique, notamment en révisant le régime de la carte bleue, en redéfinissant les priorités des politiques d’intégration et en améliorant l’efficacité de la politique migratoire des pays d’origine, par exemple en facilitant les envois de fonds des travailleurs émigrés.»

    « Plus explicitement, Dimitris Avramopoulos, commissaire chargé de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté, à l’occasion de la Journée internationale des migrants, à Bruxelles, le 18 décembre 2014, expliquait que: « Les migrations sont source de croissance économique et d’enrichissement culturel et social. La migration régulière est devenue une composante essentielle des sociétés et des marchés du travail dans l’Union européenne ».

     « Au cours de la seule décennie 2010-2020, commente-t-il, « le nombre de personnes en âge de travailler dans l’UE va diminuer de 15 millions. C’est pourquoi il nous faut trouver de nouvelles modalités juridiques pour permettre à des ressortissants de pays tiers de venir travailler ou étudier en Europe. L’immigration doit devenir une composante à part entière d’une approche plus globale à l’échelle de l’UE des questions relatives au marché du travail et des problématiques socioéconomiques. (…) La Commission européenne est déterminée à définir une politique cohérente, globale et efficace pour le bien commun des Européens et des migrants. »

    «Cette vision favorable à une immigration massive » poursuivent MM. Bachelot et Péna, «  est partagée, sans restriction, par l’ensemble des 28 commissaires européens. Ainsi Carlos Moedas, commissaire en charge de la recherche, de la science et de l’innovation, invité d’Europe 1, le 11 mai 2015, estimait qu’il faut plus d’immigrants en Europe, car l’immigration est essentielle à la croissance.»

    «Mieux encore, un rapport publié en 2010, par un groupe de réflexion comprenant, notamment, Mario Monti, Nicole Notat et Lech Walesa, intitulé  Projet pour l’Europe à l’horizon 2030  à la demande du Conseil européen, considérait déjà que  le recours à une main-d’œuvre étrangère fera partie de la solution à apporter aux pénuries futures de main-d’œuvre et de compétences que connaîtra l’Europe  et soulignait que « l’UE devra élaborer une approche proactive de l’immigration ».

    «Affirmations basées sur le constat suivant: « Le fait est que, d’ici 2050, en l’absence, peu probable, d’immigration et à taux d’activité constant, la population active de l’UE diminuerait d’environ 68 millions de travailleurs. Étant donné que tous les immigrés ne rejoignent pas la population active, il faudrait un gain net de 100 millions de personnes environ pour combler le déficit. Le groupe reconnaissait, cependant, qu’« objectivement, un afflux net aussi important au cours des quarante prochaines années n’est ni probable, ni nécessairement souhaitable. »

    Ce qui est certain en revanche  affirme Bruno Gollnisch, c’est que la nature ayant horreur du vide, c’est aussi par un sursaut démographique des Européens, au-delà même de la nécessité impérieuse pour l’Europe de se protéger des flux migratoires, que notre continent pourra se construire un avenir conforme à son identité et à ses valeurs civilisationnelles. Ce qui commande de se libérer du joug que l’idéologie mondialiste et ses relais «institutionnels», font peser sur les pays de l’UE. Là encore, la France peut montrer le chemin puisque c’est sur son sol que se lève le courant politique de résistance nationale le plus à même d’enrayer cette folle machine à détruire les peuples et les nations enracinées.

    http://gollnisch.com/2015/09/25/cette-machine-a-detruire-les-peuples-et-les-nations-enracinees/

  • Approche spatiale de la mutation des systèmes productifs français - Partie 2 : Mutations des systèmes productifs urbains

    A/ Etat des lieux de la question urbaine

    La ville en géographie recouvre deux sens : un sens spatial pour ses aspects morphologique, métrique et démographique ; et un sens fonctionnel, où la ville est perçue comme un lieu d’échange, comme le nœud de flux de personnes, de capitaux, de marchandises, de « culture », d’informations, d’idées, etc. Cependant, avec la modernité, voire la post-modernité, et la mondialisation, la ville échappe à son ancienne délimitation et définition. Si l’on se fie à Michel Lussault et ses réflexions déjà entrevues sur MZ, notamment sous l’angle de ses ouvrages et plus particulièrement de L’homme spatial, la construction sociale de l’espace urbain (pages 267 et suivantes), on constate que la ville occidentale a disparu et a été remplacée par ce que Françoise Choay nomme la non-ville, puisl’urbain (1994). Ce nouvel espace est le lieu de prédilection de l’être urbain, personnage complexe qui fait de l’urbain son milieu, et dont les principes fondamentaux sont la diminution des distances pour arriver à son effacement quasi-totale (on pensera alors au concept de « dromologie », cher à Paul Virilio), et la coprésence qui est induite par ce nouveau rapport temps/distance. L’ensemble de ces deux phénomènes qui résulte (participe et développe également) de la mondialisation, entraîne de ce fait une urbanisation de la ville. Ce processus est fatalement ce qui conduit à repenser les systèmes de production de ces espaces, puisque ces systèmes productifs sont autant générateurs et consommateurs d’espaces urbains que conséquences de la redéfinition de la ville et de l’urbain. Cette interdépendance et ces interconnexions sont au cœur de notre sujet, et varie selon un gradient double : selon l’intégration à la mondialisation et la mégalopole européenne, et, in fine, selon une logique scalaire.

    B/ Analyse scalaire selon l’intégration à la mondialisation et à l’UE

    - Paris et son aire urbaine : une ville plus tournée vers l’UE et le Monde que vers le territoire français.

     Paris et son aire urbaine représentent à peu près 30% du PIB français. C’est une ville-monde mieux intégrée à l’Archipel Métropolitain Mondial (AMM, Dollfus, 2007) qu’au reste de la France. C’est un espace très accessible qui génère une intense mobilité, la rendant de ce fait très compétitive.

                De façon générale, les systèmes productifs parisiens peuvent être divisées en deux catégories : les plus dynamiques (tourisme, transports, affaires, hautes technologies), et ceux qui ont connu une nécessaire réinvention après la désindustrialisation (la mode et le luxe, et le secteur de l’audiovisuel). Paris est donc majoritairement dominée par des activités du tertiaire, dont le développement repose surtout sur la réputation internationale de Paris, à savoir « la ville du luxe et du bien vivre » (en opposition avec l’Allemagne où l’on considère que c’est le pays idéal où travailler).

     Avant de rentrer dans les systèmes productifs les plus dynamiques, les mieux intégrés à la mondialisation et à la mégalopole européenne, il convient de s’attarder sur le fait que Paris est au cœur d’un important réseau de Lignes à Grande Vitesse (LGV) faisant de cette ville-monde un carrefour européen, le lieu de convergence d’importants flux de touristes, d’hommes et de femmes d’affaire. On peut rappeler que cette organisation en étoile, avec Paris en son centre, remonte au réseau ferré conçu au milieu du XIXème siècle par l’ingénieur Baptiste A. V. Legrand, et qu’à partir des années 1980, ce réseau ferré s’est muni progressivement de LGV : LGV Paris Lyon en 1981, TGV Atlantique en 1989, TGV Nord en 1993, LGV Est en 2007 (vers Francfort sur le Main, Stuttgart et Munich), LGV Rhin-Rhône en 2011 (vers Bâle et Zurich). Ce à quoi l’on peut rajouter les LGV Eurostar (1994) vers Londres et Thalys (1995) vers Bruxelles, Amsterdam et Cologne.

    Dans cette même idée de mise en réseau, de raccourcissement du rapport temps/distance, Paris est dotée d’aéroports d’envergure internationale au devant desquels on trouve l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, dont le poids économique s’élève à plus de 80000 salariés si l’on compte la gare TGV et le RER : c’est le deuxième aéroport d’Europe derrière celui de Londres Heathrow. D’ailleurs, il est intéressant de signaler, en reprenant les prédictions de John D. Kasarda, qu’autour de Roissy se développe une véritable aéropolis ou aéroville. Pour ce spécialiste américain de l’aviation et de développement économique, les aéroports vont façonner les zones économiques et le développement urbain du XXIème siècle comme l’ont fait les autoroutes au XXème siècle.

     Tous ces moyens de transport, ces hubs, ces réseaux de communications sont indispensables au bon développement du système productif touristique dont Paris et son aire urbaine se vantent de posséder. Avec environ 60 millions de séjour à Paris et en Île-de-France (IdF), cette métropole est la première destination touristique mondiale. Son « industrie » pèse près de 39 milliards d’euros de chiffre d’affaire, et rassemble plus de 70000 entreprises, soit environ 400000 emplois presque tous non délocalisables, sauf pour le tourisme d’affaire. Parmi ces emplois, six sur dix sont des emplois dans la restauration et l’hébergement. A l’inverse des sites touristiques de la province, l’IdF attire des touristes toutes l’année ( http://www.insee.fr/fr/insee_regions/idf/themes/insee-ana... ). Sur les 25 sites les plus visités de France, 16 sont franciliens. Ce développement est à mettre en lien avec les progrès en équipements, tels que les musées de plus en plus accessibles, nombreux et adaptés aux visiteurs internationaux. On signalera cependant qu’au niveau de l’art se pose un paradoxe : Paris possède finalement peu d’art au regard de ce que peuvent proposer d’autres grandes villes du monde, alors qu’on y trouve une place importante pour le marché de l’art. Face à ce problème, on estime que Paris risque de devenir un musée déserté par les « innovateurs » en matière d’art, entraînant avec eux une baisse de notoriété. On notera également que Paris rencontre des échecs internationaux lorsqu’il s’agit de rentrer en compétition avec d’autres villes du monde. On peut citer celui subi contre Londres pour l’obtention des J.O. de 2012.

     En outre, Paris est aussi une métropole de commandement mondial concentrant des activités importantes en matière de finance et de hautes technologies. Le lieu privilégié où se concentrent la finance, ainsi que les sièges des FMN, se trouve dans le quartier de la Défense, le CBD parisien par excellence. Celui ci a une superficie de 160 ha, est se situe à l’ouest de Paris. Ce n’est cependant pas le premier centre financier d’Europe. En tête, on retrouve encore une fois Londres qui, selon le classement établi par le cabinet Cushman & Wakefield en 2007, a un score de 0,92, alors que la France n’est qu’en seconde position avec 0,57 (Francfort sur le Main étant à 0,32, Barcelone en 4ème position, Amsterdam et Bruxelles en cinquième ex æquo). Cependant, la DIACT de 2007 a posé la volonté de valoriser les formations d’excellence en mathématique financière. De plus, à côté de la Défense, on trouve deux autres centres financiers et économiques : le centre du quartier de l’Opéra (siège de la Bourse et de quelques sièges sociaux) et le ministère des Finances et de l’Economie de Bercy. Du coup, d’un point de vue urbanistique, l’idée selon laquelle Paris est en froid avec les gratte-ciel ne tient plus puisque plusieurs projets de construction de hauts immeubles, symbole du pouvoir financier, sont en projet ou construction.

     Enfin, parmi les systèmes productifs dynamiques, bien intégrés à la mondialisation, il convient de citer les nombreux technopôles, que l’on retrouve principalement au sud de Paris dans le plateau de Saclay, et issues d’une Opération d’Intérêt National (OIN) de 2008. L’ensemble de ces systèmes productifs contribue à développer la polarisation de Paris et de l’IdF sur l’ensemble du territoire français.

     A l’inverse des précédents systèmes productifs dynamiques, il en est qui ont du se réinventer pour tenter de traverser, sans s’écraser, la désindustrialisation et la décentralisation industrielle de la fin du XXème siècle. Il s’agit principalement du luxe et des productions manufacturières, comme LVMH et L’Oréal, concentrés principalement dans le pôle dit du « Sentier » au centre de Paris près des Halles, et l’industrie audiovisuelle. Cette dernière est intéressante en ce qu’elle s’est implantée dans la ZAC (Zone d’Aménagement Concerté) de Landy-Pleyel, entre Saint Denis, Saint Ouen et Aubervilliers, au nord-est de Paris. Celle ci est munie de studios télévisés, d’écoles et de salles d’Arts et Essai.

     - Les grandes métropoles régionales et leurs aires urbaines

    Le développement des grandes métropoles régionales date de 1963. C’est sous l’impulsion d’une DATAR toute neuve que sont mises en place les grandes bases du développement des métropoles dites « d’équilibre », choisies en périphérie du territoire français afin de « redistribuer le mieux possibles hommes et activités » face à cette macrocéphalie parisienne décriée en 1947 par J.F. Gravier dans sonParis et le désert français. Celles ci sont Lille, Metz-Nancy, Strasbourg, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et Nantes, et sont destinées à être des « villes pôles ». En plus de celles-ci, d’autres grandes villes, car ayant plus de 200000 habitants selon l’INSEE, peuvent être mentionnées, comme Grenoble, Nice, Toulon, ainsi que les capitales régionales qui dépassent le seuil quantitatif sus cité.

    Aujourd’hui ces grandes métropoles régionales concentrent des technopôles et des pôles de compétitivité, des grandes entreprises et PME, du tourisme, des commerces, et une industrie surtout présente dans les banlieues et la couronne périurbaine. Elles sont en plein dans le processus de métropolisation.

    Les technopôles de ces grandes villes, d’abord, sont ce qui apparaît comme le plus récent dans les systèmes productifs de ces villes, mais aussi comme le mieux intégré à la mondialisation. Les termes de technopôle et de technopole trouvent leur distinction en 1991 avec le géographe Georges Benko (1953-2009) : une technopole est une ville qui crée et vend de la technologie, comme Paris ou Toulouse avec l’aéronautique et l’aérospatial. Un technopôle est un parc technologique localisé en périphérie d’une ville centre. De façon générale, le réseau technopolitain qui relie ces grandes métropoles régionales a pour objectifs d’être un incubateur d’entreprises (favoriser l’innovation en lien avec les universités et les laboratoires de R&D), une pépinière d’entreprises (pour les start-up), un lieu de rencontre, l’ensemble étant favoriser par des investissements publics et aussi privés, notamment de la part des « business angels », anciens entrepreneurs qui prennent le risque d’investir dans les nouvelles entreprises. Ces technopôles, à l’image du pôle Minatec, à Inovallée, dans la périphérie est de Grenoble, près de Crolles, ou de Sofia Antipolis en périphérie de Nice, ont tendance à prendre la forme paysagère des campus américains, profitant de l’héliotropisme du sud de la France. Inversement, d’autres technopôles réinvestissent des quartiers anciens, réhabilitant des bâtiments dont l’architecture trahi un passé industriel, comme c’est le cas à la frontière entre Roubaix et Tourcoing où les projets de recherche et de développement se multiplient en prenant pour base foncière les anciennes filatures et usines.

    Dans le même temps, l’Etat encourage le développement des pôles de compétitivité dans les grandes métropoles. Un pôle de compétitivité se définit « comme la combinaison, sur un espace géographique donné, d’entreprises, de centres de formation et d’unités de recherche publique ou privée, engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets innovants » (DATAR, 2004). Il y en a 71 en France en 2014. Certains ont clairement une vocation mondiale, comme ceux en IdF, à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Grenoble et Lyon. D’autres ont une vocation plus secondaire, nationale voire européenne, comme Lille, Strasbourg, Reims, Angers, Rennes et Brest. Enfin, des pôles de compétitivités ont été jugés insatisfaisantes entraînant le non renouvellement des investissements. C’est le cas par exemple d’Innoviandes en Auvergne ou Prod’innov en Aquitaine (http://www.usinenouvelle.com/article/six-poles-de-competi...). En outre, en janvier 2013, le conseil des ministres a fixé une nouvelle phase pour 2013-2018 à leur sujet, avec volonté pour l’Etat d’obtenir un retour sur investissement (d’où les cas d’Innoviandes et Prod’innov). 5,8 milliards d’euros sont investis dans ces 71 pôles, dont 2,3 milliards par les institutions publiques (1,4 milliard venant de l’Etat via les FUI (Fonds unique interministériel)).

    D’un point de vue strictement géographique, le cœur de ces métropoles concentre un certain nombre d’activités économiques. D’abord, les nouveaux « centres » s’organisent autour d’une gare TGV et développent une nouvelle polarité le plus souvent en lien avec le quartier des affaires, comme la gare Lille Europe et le CBD Euralille (3ème CBD derrière Paris et Lyon). Pour les grandes villes portuaires, les ZIP et les docks sont également vecteur de développement économique : pensons à Saint-Nazaire et Nantes ou Fos-sur-Mer et Marseille. Parallèlement à cela, dans la même ligne d’idée que pour Paris, ces métropoles régionales encouragent le tourisme culturel, historique, patrimonial que contiennent leur centre ville historique et la modernisation des équipements comme les musées, les opéras et les « zénith ». N’oublions pas non plus cette compétition européenne pour obtenir dans sa ville le titre de « capitale européenne de la culture », comme Lille 2004 et Marseille 2013. Derrière ces titres d’ailleurs, d’importants aménagements touristiques sont mis en œuvre et un certain dynamisme économique est à noter, notamment pour Lille ( http://lille2004lille.free.fr/indicateurs_bilan.pdf ). Notons enfin que pour soutenir ces développements au cœur des villes, une re-création des réseaux de transports collectifs est nécessaire et se traduit par le retour d’un ancien moyen de transport : le tramway. La métropole lilloise fut la première à le réaliser en 1983. Aujourd’hui, plus d’une trentaine de villes en ont réouvert. A côté de ce phénomène, il faut citer la volonté d’écarter le plus possible les voitures du centre-ville, au détriment souvent des petits commerces, et de rendre piétonne un maximum de rue. Le développement des « éco-quartiers », très divers tant sur la forme que sur le fond, montre bien que si les agendas 21 des municipalités sont à peu près clairs, la mise en pratique sur le territoire donne des résultats très contrastés, notamment lorsqu’on s’intéresse au prix du foncier dans les quartiers « populaires » transformés en « éco ».

    Si l’on applique une logique de type « centre-périphérie » à notre réflexion, il faut alors réfléchir aux systèmes productifs de la banlieue et de la couronne périurbaine de ces grandes villes. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on assiste à un nouveau paradoxe. D’un côté, ces villes ont relégué les quelques industries qui survivent en périphérie, souvent dans la première couronne, pour prévenir le plus possible les risques technologiques (AZF à Toulouse). De l’autre côté, les populations fuient le centre ville, où le prix de l’immobilier est trop élevé et la tranquillité trop fragile, pour des espaces périurbains. Ceci entraîne, comme nous l’avons déjà signalé, un étalement urbain, et de nouveaux territoires à cheval entre l’urbain et le rural, comme le « tiers espace » (Vanier). Cette périurbanisation génère un nouveau modèle économique fondé sur la création de zone d’activités commerciales de grande taille, type Auchan, Carrefour, Leclercq, et des infrastructures de transport.

    - Les villes petites et moyennes : des villes qui connaissent une difficile mutation de ses espaces productifs

    Les villes en question sont très variées et n’ont en commun que le fait qu’elles possèdent moins de 200000 habitants, les plus nombreuses n’atteignant même pas les 100000 habitants. Ce sont des villes qu’on appelle les « villes de labeur », en ce qu’elles furent propices à une activité industrielle intense pendant les Trente Glorieuses et qui, depuis la fin des années 1970, ont souffert de la désindustrialisation, des crises manufacturière, minière ou portuaire. Ces crises concernent certaines régions plus que d’autres, comme la Lorraine pour l’industrie sidérurgique et minière, le Nord Pas de Calais pour l’industrie textile ou certaines villes portuaires de la Manche ou de l’océan Atlantique. Si les grandes villes de ces territoires ont su rebondir en se tertiarisant, les plus petites n’ont pas eu cette même capacité et se retrouvent aujourd’hui dans des situations parfois très difficiles.

    Les enjeux en matière de renouvellement productif sont donc très divers. Si pour les villes « moyennes-grandes » (G.F. Dumont, 2007), il y a une possible transition vers le statut de « métropoles régionales intermédiaires », pour les plus petites, les défis sont plus grands et plus complexes.

    Dans le cas des villes « moyennes grandes », c’est à dire entre 100000 et 200000 habitants, le processus principale qui anime les mutations de leurs systèmes productifs est la métropolisation, c’est à dire la capacité d’une ville à rassembler des fonctions politique et administrative, économique, culturel, technologique, etc., dont le rayonnement soit suffisant pour que les villes plus petites environnantes soient dépendantes d’elle. Evidemment, ce processus va de pair avec une grande accessibilité et une insertion au système urbain du territoire, sinon de l’Ue. Mais toutes les villes moyennes-grandes qui se réclament et se définissent comme étant des métropoles ne le sont pas forcément dans les faits. On peut citer le cas d’Amiens qui connaît une métropolisation à plusieurs vitesses. La capitale de la Picardie possède environ 135000 habitants (132000 habitants en 2012), et souffre comme bien d’autres villes de la désindustrialisation amorcée dans les années 1980, dans ce cas précis par la délocalisation de l’usine Lee Cooper vers la Tunisie, et poursuivi par la fermeture des usines Magnetti-Marelli appartenant au groupe Fiat. Cependant, malgré plusieurs aménagements comme l’ouverture de la zone Franche d’Amiens Nord, ou la création du nouveau quartier Europamiens réalisé à partir de 2001 à l’ouest de la ville, ces effets d’annonce métropolitaine (la communauté urbain s’appelle « communauté d’agglomération d’Amiens Métropole ») manque d’effets probants, d’autant plus qu’Amiens ne possède pas sa propre gare TGV. La plus proche se trouve en effet entre Amiens et Saint Quentin, la gare TGV Haute-Picardie, sur les territoires d’Estrées-Déniécourt et d’Ablaincourt-Pressoir, au bord de l’A1. Notons également le poids très important de Paris pour toutes les villes moyennes grandes situées dans un rayon de 200 km, voire 300 km vers le Sud, autour de Paris.

    Les villes moyennes et petites présentent une grande variété de systèmes productifs selon leur proximité avec une métropole régionale ou régionale intermédiaire, et en fonction de la spécialisation économique héritée des décennies précédentes. De façon générale, plusieurs éléments sont à noter. D’abord, comme pour les précédents types de ville, ces espaces urbains de petite et moyenne taille doivent leur développement à leur accessibilité. L’éloignement du réseau routier et ferré, comme dans les régions de la diagonale des faibles densités ou de montagne, est un frein à leur développement et à la mutation de leurs systèmes productifs. Dans le même temps, ces villes sont tenues de mettre en avant, dans une logique de compétitivité des territoires, leurs potentialités ou spécialisations traditionnelles, ainsi que les nouvelles initiatives productives de type SPL (Systèmes productifs localisés, en lien avec la DATAR) assimilable à des grappes d’entreprises ou clusters, et complémentaires aux pôles de compétitivité. Ces villes doivent leur survie le plus souvent à une labellisation de leur production, qu’elle soit agricole (comme en Ardèche avec les marrons ou les nougats de Vallon Pont d’Arc par exemple) ou industrielle (comme la plasturgie d’Oyonnax), et à une tertiarisation tournée vers les nouvelles technologies (comme le technopôle de La Loue à Montluçon). Il n’en demeure pas moins que les plus petites villes de France, entre villes rurales vidées de sa population partie dans les plus grandes villes, et petites unités urbaines dortoirs dépendantes d’un pôle urbain, maintiennent difficilement un tissu économique dynamique. Seul un tourisme vert diffus et estival peut encore leur permettre de survivre.

     Ainsi, au terme de cette seconde partie, nous pouvons noter la très grande diversité de situation en matière de systèmes productifs urbains. Comme nous l’avons vu, le passage de la ville à l’urbain, en lien avec la mondialisation et les nouvelles technologies, est au cœur des mutations de ces systèmes productifs qui s’intensifient à mesure que ces espaces s’intègrent à un système de production et un système urbain mondialisé. Les quêtes d’une meilleure productivité, d’une meilleure compétitivité, d’une meilleure accessibilité, sont véritablement les éléments structurants la nouvelle ossature économico-productive de ces villes. De ce fait, une hiérarchie s’impose, en haut de laquelle se trouve bien évidemment Paris et son aire urbaine, puis les grandes métropoles régionales, et enfin les moyennes et petites villes. Cependant, la taille de la ville et l’avancée dans son processus de métropolisation ne font pas tout. Il est des exemples de villes moyennes-grandes, ou simplement moyennes, qui maintiennent des activités économiques labellisées relativement dynamiques, où la production quantitative a laissé sa place à des productions de qualité, où le savoir faire n’est pas (encore) délocalisé. Les villes françaises connaissent des crises, mais elles possèdent encore un sérieux potentiel que les logiques de gouvernance européenne, étatique et des collectivités, peinent à valoriser, à maintenir ou à sauver…

    Aristide / C.N.C.

    Lire l'introduction et la partie 1 : Approche spatiale de la mutation des systèmes productifs français - Partie 1 : Mutations des systèmes productifs ruraux : le mythe du retour à la terre.

    Sources :

    Jean Yves et Vanier Martin, La France : Aménager les territoires, Armand Colin.

    Lussault Michel, L’homme spatial, Seuil.

    Woessner Raymond, Mutations des systèmes productifs, France, Atlande.

    N. Blanc, P. Claval, L. Davezies, K. Dubois-Maury, M. Gérardot (dir.), La France en villes, Atlande.

    http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • L'extrême gauche perturbe la venue de Marine Le Pen à Soissons

  • Rentrée 2015 : ENJEUX À VENIR POUR LA FRANCE le vendredi 2 octobre

    Chers amies, amis et camarades,
    La cloche a sonné, la rentrée universitaire a eu lieu, et avec elle la reprise de notre cercle de formation. 
    Nous vous invitons donc tous à nous rejoindre, vendredi 2 octobre. Nous aurons l'occasion d'évoquer ensemble les enjeux à venir pour la France, et de vous annoncer les nouvelles de cette année, qui s'annonce enrichissante et passionnante. 
    Le lieu a changé, mais ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas parti très loin, nous vous attendons aux grands ducs, 19 rue Pascal, 75005. 
    N'hésitez pas à partager l'événement et à inviter vos amis !
    DEXTRA
     

  • Suisse : Un banquier explique l’arnaque de la création monétaire

    François de Siebenthal, économiste HEC, répond aux questions concernant la création monétaire et l’initiative Monnaie pleine qui circule actuellement en Suisse.

     

    Partie 1:

    Partie 2:

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Route des épices et conquête du Pacifique

    Recension : Carlos Canales y Miguel del Rey, Naves negras – La Ruta de las especias, EDAF (http://www.edaf.net – edaf@edaf.net ), Madrid, 2015.
    La collection historique EDAF, publiée en Espagne, est remarquable à plus d’un titre. Elle se focalise essentiellement sur l’histoire militaire espagnole depuis les Celtibères. Le dernier volume paru est consacré tout à la fois à la recherche tâtonnante et épique des meilleures routes pour obtenir les épices si convoitées, quand l’Europe était bloquée en Méditerranée par le verrou ottoman, installé surtout depuis la conquête de Constantinople en 1453. L’Europe, acculée par la pression turque, risquait d’étouffer, dos à l’Atlantique alors res nullius, et se trouvait donc devant une nécessité impérieuse : renouer commercialement avec les Indes et la Chine, alors principales créatrices de richesses, soit en faisant sauter le verrou ottoman (opération impossible à l’époque), soit en contournant l’Afrique (le projet portugais), soit en dégageant la Volga de l’étau des Tatars islamisés (l’option russe), soit en voguant vers la Chine par l’Ouest (le projet de Colomb). Ce sont les deux projets ibériques qui obtiendront le plus retentissant succès, bien que les efforts russes en direction de la Caspienne n’aient pas été vains. Les Portugais et les Espagnols contourneront l’Afrique en direction de l’Océan Indien prenant ainsi les Ottomans à revers qui riposteront en conquérant le Levant, la Mésopotamie et l’Egypte.
    Colomb, en voulant aller au Cathay (Chine) et aux Indes des épices par les voies maritimes de l’Ouest atlantique, croyait à la véracité des calculs faux d’un géographe et cartographe italien, Toscanelli, qui, en 1474, avait dessiné une carte où l’île de « Cippangu », soit le Japon, se trouvait à hauteur du Mexique et le Cathay au large de la Californie. Toscanelli, inspiré par Eratosthène, imaginait que la Terre avait une circonférence de 29.000 km, alors que le chiffre exact est de 40.000 km. Entre les côtes portugaises et l’hypothétique emplacement de Cippangu, il n’y avait donc pas une distance maritime facilement franchissable mais d’abord la colossale barrière d’un Nouveau monde américain, s’étendant de l’Arctique à l’Antarctique, et, derrière elle, une immense « Mer du Sud », l’Océan Pacifique. L’ouvrage très documenté et richement illustré de nos deux auteurs raconte l’histoire héroïque de la conquête du Pacifique par les forces ibériques, à commencer par la recherche d’un passage à travers l’immense barrière américaine lors de l’expédition de Magellan.
    Cette expédition inaugure la conquête du Pacifique, gigantesque espace maritime, que n’avaient même pas deviné les plus méticuleux des cartographes prédécesseurs de Mercator, dont la maîtrise, on le verra, assure la domination mondiale. En s’installant aux Philippines, les Espagnols tiennent en échec les marins chinois et japonais et deviennent les premiers Européens à dominer cet immense espace maritime qui leur sera successivement contesté par les puissances protestantes (Hollande et Angleterre) puis par les Etats-Unis qui les évinceront suite à la guerre de 1898, où l’Espagne perd les derniers de ses atouts impériaux. Cet effondrement provoque la fameuse crise politique et culturelle de 1898 qui force l’Espagne à se penser autrement qu’en l’instrument d’une impérialité voulue par la divine providence. L’Allemagne prend brièvement son relais dans le Pacifique, au nom de l’ancienne fraternité impériale du temps de Charles-Quint, et s’installe aux Mariannes, dominant provisoirement le Pacifique sans pour autant y déployer une volonté géopolitique suffisante. Quand le géopolitologue Karl Haushofer rencontre Lord Kitchener aux Indes, alors qu’il faisait route vers le Japon pour y assumer les fonctions d’attaché militaire allemand, leur conversation, amicale, tourne autour de la maîtrise du Pacifique : Kitchener semblait privilégier une entente anglo-allemande dans cette région maritime. Il ne souhaitait ni une présence américaine accentuée (au-delà des Philippines) ni une conquête japonaise, en dépit de l’alliance anglo-japonaise contre la Russie en 1904-1905. Pour Kitchener, l’éviction des puissances européennes hors de cet espace maritime sonnerait le glas de la prééminence européenne dans le monde. Le vieux général britannique a été prophète, tout en se mettant en porte-à-faux par rapport aux options impérialistes anglaises habituelles. Le Japon déclarera la guerre à l’Allemagne en 1914 pour pouvoir s’emparer, à peu de frais, des Mariannes et des bases chinoises de la marine du Kaiser. Cet élargissement de son assiette géopolitique dans le Pacifique lui vaudra l’inimitié implacable des Etats-Unis qui, à l’occasion de la seconde guerre mondiale, s’empareront à leur tour des Mariannes, ex-espagnoles, ex-allemandes, ex-japonaises, scellant de la sorte leur pouvoir dans la « Grande Mer du Sud », fortement consolidé par leur présence au beau milieu de l’Océan Indien, à Diego Garcia, île minuscule transformée en une formidable base aéronavale à partir de laquelle les Américains sont capables de frapper tous les littoraux et arrière-pays de l’Océan Indien ou de la « Zone des moussons », de l’Afrique du Sud à la péninsule arabique, de l’Inde à Singapour et de Singapour à l’Ouest de l’Australie. C’est à partir de Diego Garcia que les bombardiers américains ont frappé l’Afghanistan dès l’automne 2001. Demain, ce sera au départ de cette même base qu’ils pourront, le cas échéant, frapper les îles ou atolls conquis ou fabriqués par la Chine dans la Mer de Chine du Sud. Avec leurs maîtrise du Pacifique et leur domination de l’Océan Indien au départ de la petite île de Diego Garcia, les Etats-Unis peuvent prétendre être une puissance globale, la première puissance globale de la planète, dont la prééminence est toutefois contestée aujourd’hui par des forces politiques sud-américaines, russes, indiennes, persanes et chinoises.
    Lord Kitchener et Karl Haushofer, qui deviendra bien vite un grand spécialiste du Pacifique, avaient raison : la maîtrise de la « Grande Mer du Sud » est la clef de la puissance globale qu’exercent aujourd’hui les Etats-Unis. Cette puissance, initialement, a été espagnole et habsbourgeoise, seule synthèse légitime à nos yeux (l’Angleterre et la France n’ont aucune légitimité traditionnelle en Europe : elles représentent toutes deux des forces obscures et malsaines, issues de la forfaiture anti-templière de Philippe le Bel, des platitudes morales de Louis XI ou de la piraterie utilisée par Elisabeth I). Il faut sans cesse rappeler que cette synthèse du 16ème siècle de Charles Quint est celle qui unit les légitimités bourguignonne (Marie, fille de Charles), habsbourgeoise (Maximilien, fils de Frédéric III), castillane et aragonaise (Ferdinand et Isabelle), celle que l’historien catholique belge Luc Hommel nommait la « Grande Alliance », celle en laquelle voulait nous ancrer un autre historien oublié, Drion du Chapois. C’était le seul projet européen valable, qui aurait pu sauver l’unité de notre civilisation, empêcher préventivement que nous ne tombions dans les abjections actuelles : il a été contrecarré par toutes les voyoucraties incapables d’avoir une vision synthétique et longue-termiste de l’histoire et du destin européen.
    L’ouvrage de Canales et del Rey a été rédigé sur le ton épique, mettant l’accent sur le caractère résolument aventureux des expéditions espagnoles et portugaises en Extrême-Orient, où deux éthiques guerrières se sont affrontées : celle du chevalier (le caballero) et celle du samourai. Les conflits entre Espagnols, d’une part, et seigneurs de la guerre chinois (comme le célèbre Li Ma Hong) ou Indonésiens musulmans se succédaient pour la maîtrise des ports littoraux, de Taiwan, des Philippines, des Moluques (où le Sultan de Ternate a essayé d’expulser les Ibériques des « épiceries ») ou de Malacca (où le Sultan d’Aceh harcelait les Portugais). Le gouvernement portugais de Goa, face à ces assauts continus, voulait capituler, se replier sur les seules Indes et abandonner les comptoirs indonésiens et pacifiques. Le Roi Sébastien, qui mourra les armes à la main au Maroc en 1578, envoie un capitaine exceptionnel, pétri des idéaux de la vieille chevalerie, Luis de Ataide, Comte d’Atouguia et Marquis de Santarem. Celui-ci déclare : « Je veux tout conserver et, moi vivant, nos ennemis ne gagneront pas un pouce de terrain ». La mort héroïque de Sébastien et de la fine fleur de la chevalerie portugaise sur le champ de bataille marocain d’Alcazarquivir en 1578 plongera l’empire lusitanien dans le chaos, avant que l’on ne se décide à donner la couronne du Portugal à Philippe II d’Espagne en 1580. Le contrôle effectif des possessions portugaises se fera à partir de Manille, pourtant assiégée par la piraterie chinoise et japonaise, par les éléments musulmans de l’archipel philippin et par les Moluquois.
    L’ouvrage de nos deux auteurs nous révèle également une quantité d’informations aujourd’hui oubliées en Europe sur le Japon et la Chine des 16ème et 17ème siècles. Les activités d’un commerçant armé japonais Luzon Sukezaemon, hostile à toute présence ibérique dans le Pacifique, montrent déjà les lignes de force de la future expansion japonaise après l’ère Meiji : Sukezaemon, en effet, a cherché, y compris avec l’aide du chef chinois Li Ma Hong, à maîtriser les Philippines pour assurer son commerce florissant avec les ports chinois et avec le Cambodge, activités marchandes qu’il poursuivra après être tombé en disgrâce au Japon. On peut dire que Sukezaemon est un précurseur inconscient mais pragmatique de l’idée d’une « sphère de co-prospérité est-asiatique », contrariée dans son développement endogène par une présence étrangère à l’espace asiatique et pacifique, qui bouleverse, par sa simple présence, des flux locaux que les autochtones auraient voulu voir se développer sans cette immixtion. Déjà, à cette époque, le Japon faisait pression, depuis le Nord de l’espace pacifique, sur les Philippines devenues espagnoles et dont les gouverneurs tentaient plutôt de se projeter vers le Sud indonésien, comme il fera pression sur les Philippines américaines après 1898, tout en visant le pétrole indonésien pour parfaire l’industrialisation envisagée par l’ère Meiji. Cette menace japonaise du 16ème siècle avait été bien perçue par le vice-roi du Mexique Martin Enriquez qui a ordonné à l’explorateur Juan de la Isla de cartographier l’océan jusqu’au 60° degré de latitude nord, soit jusqu’au Kamtchatka russe d’aujourd’hui, et de dresser un inventaire aussi complet que possible des populations indigènes et de leurs mœurs. L’objectif est de tenir en échec un Japon qui a certes pour atout une chevalerie belliqueuse et héroïque, admirée par les hidalgos castillans et aragonais, mais pour désavantages une marine peu expérimentée et des navires mal équipés en artillerie.
    D’autres capitaines, particulièrement audacieux, interviendront au Siam et en Indochine. Quelques explorateurs découvrirent même l’Australie mais sans pouvoir exploiter cette découverte : leur expédition a donc été oubliée et redécouverte par un chercheur australien Lawrence Hargrave en 1909. Ces aventures extraordinaires seront freinées par deux facteurs : les querelles entre jésuites portugais et franciscains espagnols dans le camp catholique, dont les arguments pseudo-théologiques rencontrent l’incompréhension des Asiatiques ; la concurrence entre Anglais et Hollandais dans le camp protestant, pour des motifs essentiellement commerciaux. Les rapports privilégiés entre Japonais et Espagnols, pourtant promis à un avenir fécond, prendront fin avec l’irruption des Hollandais dans la région, dès les expéditions de Joris van Spielbergen. Les Hollandais seront plus tard évincés par les Anglais, sauf, bien sûr, en Indonésie, dont la conquête totale s’achèvera une grosse vingtaine d’années après Waterloo, les Pays-Bas unis étant alors libérés de la menace française. Le 17ème siècle, déplorent nos deux auteurs, sera une guerre entre Européens en Extrême-Orient, dont tâcheront de tirer avantage Chinois, Japonais, Javanais, ressortissants de Bornéo, etc. Les premiers perdants de cette lutte quadrangulaire furent les Portugais, qui ne bénéficient plus de l’appui espagnol à partir de 1640, où les deux couronnes se séparent après avoir été unies pendant soixante ans. Les Anglais maîtriseront les Indes, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et quelques comptoirs épars mais sans jamais se tailler une présence dans la partie la plus œcuménique de l’espace pacifique, entre le Japon, les Philippines, l’Indochine, Formose et le littoral chinois : il faudra attendre le 19ème siècle et les sales guerres de l’opium pour que la pression anglaise se fasse sentir lourdement sur les côtes chinoises. L’Espagne gardera les Philippines envers et contre tout jusqu’en 1898. L’aventure commencée avec les navires que les Japonais nommaient leskurofune, les « navires noirs » prenait alors fin, réduisant à néant les efforts héroïques de soldats, de marchands, de vice-rois, de gouverneurs, de religieux et de marins qui s’étaient déployés dans les pires difficultés depuis le début du 16ème siècle, depuis la mort au combat de Magellan aux Philippines.
    Enfin, dernière remarque, l’épopée que retracent Canales et del Rey, est tellement époustouflante qu’on a peine à croire qu’elle ait été effacée des mémoires et qu’aucune agence cinématographique européenne ne se soit emparée de ces souvenirs magnifiques pour produire quantité de films passionnants afin d’éclipser définitivement ces navrantes historiettes de cow-boys, de gangs new-yorkais ou de gangsters de Chicago et les navets américains. Il faut aussi se rappeler, dans ce contexte, que l’Espagne est la première victime du système propagandiste occidental (franco-anglais) visant à répandre des « légendes noires ». Ses œuvres, pourtant cardinales pour l’histoire de l’humanité, doivent dès lors impérativement être « oubliées » comme on tente aussi d’effacer la geste russe dans le Pacifique (nous y reviendrons) ou toutes les gestes allemandes ou autrichiennes de l’histoire européenne.
    Robert Steuckers,, Madrid, juillet 2015.

  • Interview d’Etienne Chouard sur l’assemblée constituante

     

    Etienne Chouard nous parle dans cette émission de la création par le peuple et pour le peuple de la nouvelle constitution que nous devons mettre en place après la révolution qui va bientot arriver.

    Plus d’infos - http://news360x.fr/
  • Les stratégies économiques et l’art de tourner en rond dans tous les sens

    Dans le contexte économique présent, toujours difficile mais légèrement prometteur, nos dirigeants ont atteint la quasi-perfection dans une discipline en plein essor au sein de la classe politique, qu’on peut qualifier comme « l’art de tourner en rond dans tous les sens ». Je propose dans cet article, à travers un exemple concret, de voir comment cela se manifeste, dans une période de très faible croissance, où les marges de manœuvre se rétrécissent année après année. Malheureusement, l’excellence acquise dans cet art provoque parallèlement des désadaptations sur les capacités à définir des stratégies de moyen ou long terme, tant pour redynamiser une économie en panne de croissance, ou faire face à des problématiques toujours plus complexes associées à des enjeux toujours plus importants (par exemple, concilier croissance et lutte contre le réchauffement climatique ou développement durable)

    Les actions politiques et l’art de tourner en rond

    Les nombreuses liaisons, interactions, rétroactions qui opèrent dans un environnement toujours plus intégré, globalisé à l’extrême, ne facilitent pas les prises de décision, car la politique s’accommode assez mal de la complexité qui nécessite un nouvel état d’esprit, de nouveaux outils intellectuels, en l’occurrence ceux dérivant de la systémique, qui actuellement sont encore en état embryonnaire dans la tête de nos dirigeants.

    Ce jeu du « je tourne en rond », s’illustre parfaitement lorsqu’il s’agit de traiter un problème relativement complexe où une solution élaborée, cohérente, pérenne, parfaitement construite, s’imposerait dans une perspective de long terme, alors que ne sont retenues des solutions simplistes et provisoires (traitement symptomatique). On nous a offert dernièrement un nouvel aperçu avec le problème des éleveurs.

    A titre d’exemple, je retiendrai la problématique de l’endettement, en essayant de voir comment le pouvoir essaye de manœuvrer pour stabiliser une situation qui depuis des années ne fait que dériver.

    L’approche réductionniste toujours bien vivante.

    La France fait face à des problématiques très diverses, toutes interdépendantes, (chômage, déficit, dette, fiscalité, retraites, compétitivité, attractivité, modèle social, etc…). C’est un peu le propre de d’économie, le nombre et l’ampleur des problèmes marquant la différence avec un passé où la croissance autorisait quelques écarts de conduite. Ces interdépendances ordonnent une vision globale pour à la fois analyser, comprendre, diagnostiquer, et mettre en place les outils, les plans d’actions pour agir, sachant que agir sur l’un a des répercussions les autres, tant les interactions sont fortes, renforcées ces dernières années par l’amplification du rôle des niveaux d’organisations englobant (Europe, mondialisation).

    Les visions court-terme et réductionnistes de nos politiques, négligeant ou refusant la pensée globale font penser à un médecin démuni dans sa démarche thérapeutique, prescripteur d’antipyrétiques pour la fièvre, d’anti-inflammatoires pour les inflammations, de somnifères pour le sommeil, d’anxiolytiques pour l’anxiété, d’analgésiques pour la douleur, autrement dit tout ce qui contrarie les processus naturels de lutte, de guérison ou d’alerte, ce qu’un certain ex-président qualifierait de « mettre la poussière sous le tapis ».Ainsi, il est toujours pus facile d’agir sur les symptômes que de s’attaquer aux causes, avec l’inefficacité qui en résulte, sans parler des dégâts collatéraux. C’est tout le travers de la politique française.

    Avant d’aborder la macro-économie, quelques grandeurs bien utiles …

    - Dépenses publiques     1230 Milliards d’euros
    - PIB (Produit Intérieur Brut)     2150 Milliards d’euros
    - Montant de la dette       2090 Milliards d’euros
    - Pourcentage dette / PIB   environ 97%
    - Ratio dépenses publiques / PIB  environ 57%
    - Ratio prélèvements obligatoires / PIB environ 45%
    - Déficits publics 2014 (/PIB)  4.0%

    Dettes et déficits

    Les déficits publics (état, collectivités locales, administrations de sécurité sociale) représentent le solde entre les dépenses et les recettes. L’état n’ayant pas de liquidités disponibles, emprunte sur les marchés pour les financer, et de ce fait augmente chaque année (on pourrait dire chaque jour) le niveau de la dette en valeur absolue et en valeur relative (ratio dette/PIB).

    Il est désormais impératif de réduire l’amas de dettes si on veut éviter tout phénomène de rupture, à l’image des séismes qui n’ont jamais la délicatesse de prévenir. Les paramètres clés de l’équation qui jouent directement sur l’évolution de la dette sont principalement : les recettes, les dépenses, le déficit (le solde), l’inflation, la croissance. Puisque l’endettement est directement lié aux montants des déficits, qui eux-mêmes dépendent du solde entre dépenses et recettes, j’insisterai particulièrement sur ces 3 derniers points.

    Le niveau des déficits

     

    Le niveau des déficits reste élevé. Rappelons la progression depuis 2009 :
    2009 : 7,5%, 2010 : 7%, 2011 : 5.1%, 2012 : 4.8%, 2013 : 4,1%, 2014 : 4%)L’action du gouvernement reste orientée vers une réduction tendancielle, tout du moins dans les déclarations, les différences entre 2013, 2014 et 2015 étant minimes. Il est donc difficile d’évoquer le respect d’une trajectoire, lorsque le rythme d’assainissement des finances publiques est relativement lent, sinon suspendu, et que la dette est toujours en augmentation ! On est bien dans une situation où l’état vit au-dessus de ses moyens. Les discours tournent en rond, usant et abusant d’une phraséologie quelque peu figée axée sur les efforts, les trajectoires, les tendances, les inversions de courbes, etc., dont les traductions dans la réalité sont peu visibles.

    Alors comment s’en sortir

    La nécessité évidente de réduire le montant de la dette française, ne tient pas uniquement au ratio dette/PIB qui approche dangereusement le seuil de 100%. D’autres pays l’ont déjà franchi (Italie, Japon, Etats-Unis) ; il est à la fois symbolique, symptomatique d’une classe dirigeante qui n’a pas la culture de la rigueur budgétaire, mais plus grave, il peut nous faire basculer vers des territoires inconnus où des dérives dangereuses pourraient s’enclencher.

    Pour diminuer un endettement excessif, plusieurs « manettes » dans la gouverne élyséenne peuvent être actionnées, auxquelles s’ajoutent celles de la banque centrale européenne. En voici quelques-unes :

    • Augmentation des impôts et des taxes pour amener les déficits à un niveau qui permet le désendettement, au mieux encore revenir à des excédents (mais ne rêvons pas !)
    • Réduction des dépenses publiques (dans le même esprit)
    • Relance économique par plus de déficits (oui c’est paradoxal … pour les politiciens naïfs qui croient qu’on peut résoudre un problème de dettes en s’endettant davantage !)
    • Relance de l’inflation (pas très facile dans un monde mondialisé ; danger potentiel).
    • Monétisation de la dette (rachat des dettes par les banques centrales)
    • Baisse des taux d’intérêts pour alléger la charge de la dette, et donc les déficits (c’est ce qui se passe actuellement)

    Regardons simplement deux d’entre elles :

    1. On ajuste par l’impôt

    Le niveau des prélèvements obligatoires atteint 45% du PIB en 2014. Pour ne pas se noyer dans les chiffres, on peut noter que ce ratio a beaucoup augmenté depuis le début de crise et c’est moins la conséquence de cette dernière qui a certes donné un coup sévère à l’économie, que des hausses vertigineuses d’impôts impulsées par N.Sarkozy et F.Hollande, dont le but fût de stopper l’envolée d’un déficit public devenu incontrôlable. Outre la stabilité budgétaire, les impôts ont également servi à alimenter une dépense publique galopante qui aujourd’hui atteint de nouveaux sommets. On a envie de dire : « Mmes et Mrs les politiques, qu’avez-vous fait de notre argent ? »

    L’ajustement par l’impôt n’a rien d’une évidence. Un certain Mr Laffer, bien connu pour sa courbe, qui en gros nous dit que trop d’impôts tue l’impôt, se garderait bien de nous conseiller cette voie, d’autant plus que les marges de manœuvres paraissent bien dérisoires. L’impôt fait tourner en rond des dirigeants qui fredonnent les sempiternelles rengaines fiscales, avec la chorale des hausses qui appelle le chant des baisses, et pour final la cantate des correctionsDonc, tendanciellement, on est toujours sur le chemin de la hausse, un chemin qui aurait dû nous conduire vers le désendettement, alors qu’on observe le contraire.

    Que l’état s’ingénie à augmenter les impôts ou à les diminuer, rien n’y fait ! Le manque de continuité dans l’action, les remaniements, les revirements, l’idéologie rampante, les virages à droite, les virages à gauche, l’absence d’une réelle vision économique, détruisent l’efficacité de ce levier.

    Lire la suite

  • L'effondrement annoncé de l'Europe

    La crise, l’euro, l’Europe… Tous ces concepts sont la cible depuis plusieurs mois – l’origine en étant pour partie la déroute budgétaire de la Grèce – de communications, d’analyses, de pronostics et de plaidoiries favorables ou de réquisitoires parfois violents lancés pour ou contre les institutions en place.

    Face à cette profusion d’articles et d’émissions de radio ou de télévision, il est difficile de se faire une opinion si l’on n’est pas soi-même initié, d’autant qu’une connotation idéologique sournoise accompagne le plus souvent les théories présentées.

    Polémia, au risque de paraître incohérente mais dans son souci d’apporter à ses lecteurs des outils de réflexion et d’analyse qui peuvent néanmoins paraître contradictoires, a déjà publié plusieurs articles (*), les uns doctrinaires, d’autres pragmatiques, émanant d’économistes ou d’observateurs politiques français ou étrangers. Aujourd’hui, poursuivant sa quète d’informations, Polémia présente un nouvel exposé dont l’auteur, semble-t-il, envisage le pire. Qu’en sera-t-il ?

    Polémia 

    L'effondrement annoncé de l'Europe

    Il y a vingt ans le bloc soviétique s’effondrait, non pas sous le coup d’une attaque militaire des capitalistes-impérialistes, mais sous le poids de ses propres contradictions économiques, comme eût dit Karl Marx lui-même.

    Cette dislocation, inévitable au bout de deux ou trois générations, n’avait été prévue par personne, sauf par une poignée d’économistes imperturbables qui accordaient foi aux lois du marché libre.

    Aujourd'hui, les mêmes lois permettent d’annoncer l’effondrement de l’Europe, la crise de l’euro en étant le signe avant-coureur.

    Les marchés

    On reproche souvent aux marchés leur courte vue, leur « vision short-termiste », pour employer le jargon boursier. C’est bien mal connaître ce qu’est un prix de marché, fût-il spéculatif - surtout s’il est spéculatif. Un prix, sur un marché libre, concentre en lui toutes les informations disponibles non seulement sur le présent, mais aussi sur le passé et l’avenir. En d’autres termes, moins sophistiqués, on dira que ceux qui ont de l’argent, les « riches », qu’ils soient de bons ou de mauvais riches, se soucient d’un avenir beaucoup plus lointain que ne le font des politiques, inquiets de leur prochaine réélection. Le célèbre « mur de l’argent » est un mur où s’écrit l’avenir - comme celui de Balthazar (Daniel, 5, 25) !

    Or, aujourd'hui, les marchés anticipent, non pas seulement les conséquences désastreuses au jour le jour des remèdes censés hâter la fin de la crise financière démarrée aux Etats-Unis il y a déjà deux ans, mais aussi et surtout l’incapacité de l’Europe à affronter le marché mondial, handicapée qu’elle se trouve par le fardeau des dettes publiques qui ont fait un énorme bond en avant grâce aux remèdes susdits.

    L'auto-destruction d'un Etat-Providence

    Les « affreux spéculateurs » ont aussi mis dans leurs programmes d’ordinateurs les dettes générées par le système de retraite par répartition, dettes de plus en plus énormes et de moins en moins financées à mesure que la réforme du système est repoussée ou ratée. L’auto-destruction d’un Etat-Providence engendrant moins d’enfants et plus de chômeurs, moins d’épargne et plus d’impôts, est aussi prévisible au bout de deux ou trois générations que le fut la faillite du système soviétique, et si les politiques le nient ou le dénient, les marchés, eux, le savent fort bien et en tiennent compte.

    A vrai dire, les politiques ont conscience de cette (d)échéance prochaine. Si le président de la République française se précipite au chevet de la Grèce, s’il pousse à l’instauration d’une improbable gouvernance économique européenne, si en même temps il se hâte de faire aboutir l’ultime réforme des retraites, quel qu’en soit le prix électoral, c’est pour tenter de prévenir une dégradation humiliante de la note de la France sur les marchés financiers, qui se traduirait par un alourdissement supplémentaire de la dette et une claque énorme sur le plan politique, et personnel. Combat d’arrière-garde, le dos au mur, c’est bien le cas de le dire. A moins d’un miracle sur le « front social » (retraites, marché du travail, assurance-maladie) que rien ne permet d’attendre, ou à moins qu’on ne casse le thermomètre des agences de notation, la dégradation de l'Etat français est inéluctable puisque la dette publique actuelle n’est tout simplement pas soutenable.

    Ce qui vaut ici de la France peut être dit pour la plupart des Etats européens, embourbés dans les mêmes ornières.

    Les grands événements historiques conjuguent le plus souvent le hasard et la nécessité : une étincelle met le feu au baril de poudre. L’étincelle, ce fut l’affaire américaine des subprime (encore un fruit de l'Etat-Providence). Le baril, ce sont des déficits publics accumulés pendant trente ans. L’explosion, nous la vivons en ce moment même, plaçant pour un long temps l’Europe aux anciens parapets hors de la compétition mondiale.

    Philippe Simonnot, 24/05/2010
    Philippe Simonnot est directeur de l'Atelier de l'économie contemporaine et Directeur du séminaire monétaire de l'Institut Turgot.

    (*) NDLR : on peut trouver ces articles sous les rubriques Economie et Europe du site Polémia

    http://archives.polemia.com/article.php?id=2927