écologie et environnement - Page 167
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« Nous sommes en train de vivre une mosaïque d’effondrements » : la fin annoncée de la civilisation industrielle
Sur les neuf frontières vitales au fonctionnement du « système Terre », au moins quatre ont déjà été transgressées par nos sociétés industrielles, avec le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité ou le rythme insoutenable de la déforestation. Transgresser ces frontières, c’est prendre le risque que notre environnement et nos sociétés réagissent « de manière abrupte et imprévisible », préviennent Pablo Servigne et Raphaël Stevens, dans leur livre « Comment tout peut s’effondrer ». Rappelant l’ensemble des données et des alertes scientifiques toujours plus alarmantes, les deux auteurs appellent à sortir du déni. « Être catastrophiste, ce n’est ni être pessimiste, ni optimiste, c’est être lucide ». Entretien.Basta ! : Un livre sur l’effondrement, ce n’est pas un peu trop catastrophiste ?Pablo Servigne et Raphaël Stevens : La naissance du livre est l’aboutissement de quatre années de recherche. Nous avons fusionné des centaines d’articles et d’ouvrages scientifiques : des livres sur les crises financières, sur l’écocide, des ouvrages d’archéologie sur la fin des civilisations antiques, des rapports sur le climat… Tout en étant le plus rigoureux possible. Mais nous ressentions une forme de frustration : quand un livre aborde le pic pétrolier (le déclin progressif des réserves de pétrole puis de gaz), il n’évoque pas la biodiversité ; quand un ouvrage traite de l’extinction des espèces, il ne parle pas de la fragilité du système financier… Il manquait une approche interdisciplinaire. C’est l’objectif du livre.Au fil des mois, nous avons été traversés par de grandes émotions, ce que les anglo-saxons appellent le « Oh my god point » (« Oh la vache ! » ou « Oh mon dieu ! »). On reçoit une information tellement énorme que c’en est bouleversant. Nous avons passé plusieurs « Oh my god points », comme découvrir que notre nourriture dépend entièrement du pétrole, que les conséquences d’un réchauffement au-delà des 2°C sont terrifiantes, que les systèmes hautement complexes, comme le climat ou l’économie, réagissent de manière abrupte et imprévisible lorsque des seuils sont dépassés. Si bien que, à force de lire toutes ces données, nous sommes devenus catastrophistes. Pas dans le sens où l’on se dit que tout est foutu, où l’on sombre dans un pessimisme irrévocable. Plutôt dans le sens où l’on accepte que des catastrophes puissent survenir : elles se profilent, nous devons les regarder avec courage, les yeux grand ouverts. Être catastrophiste, ce n’est ni être pessimiste, ni optimiste, c’est être lucide.Pic pétrolier, extinction des espèces, réchauffement climatique… Quelles sont les frontières de notre civilisation « thermo-industrielle » ?Nous avons distingué les frontières et les limites. Les limites sont physiques et ne peuvent pas être dépassées. Les frontières peuvent être franchies, à nos risques et périls. La métaphore de la voiture, que nous utilisons dans le livre, permet de bien les appréhender. Notre voiture, c’est la civilisation thermo-industrielle actuelle. Elle accélère de manière exponentielle, à l’infini, c’est la croissance. Or, elle est limitée par la taille de son réservoir d’essence : le pic pétrolier, celui des métaux et des ressources en général, le « pic de tout » (Peak Everything) pour reprendre l’expression du journaliste états-unien Richard Heinberg. A un moment, il n’y a plus suffisamment d’énergies pour continuer. Et ce moment, c’est aujourd’hui. On roule sur la réserve. On ne peut pas aller au-delà.Ensuite, il y a les frontières. La voiture roule dans un monde réel qui dépend du climat, de la biodiversité, des écosystèmes, des grands cycles géochimiques. Ce système terre comporte la particularité d’être un système complexe. Les systèmes complexes réagissent de manière imprévisible si certains seuils sont franchis.Neuf frontières vitales à la planète ont été identifiées : le climat, la biodiversité, l’affectation des terres, l’acidification des océans, la consommation d’eau douce, la pollution chimique, l’ozone stratosphérique, le cycle de l’azote et du phosphore et la charge en aérosols de l’atmosphère.Sur ces neuf seuils, quatre ont déjà été dépassés, avec le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité, la déforestation et les perturbations du cycle de l’azote et du phosphore. L’Europe a par exemple perdu la moitié de ses populations d’oiseaux en trente ans. La biodiversité marine est en train de s’effondrer et les premières « dead zones » (zones mortes) apparaissent en mer. Ce sont des zones où il n’y a carrément plus de vie, plus assez d’interactions du fait de très fortes pollutions (voir ici). Sur terre, le rythme de la déforestation demeure insoutenable. Or, quand nous franchissons une frontière, nous augmentons le risque de franchissement des autres seuils. Pour revenir à notre métaphore de la voiture, cela correspond à une sortie de route : nous avons transgressé les frontières. Non seulement nous continuons d’accélérer, mais en plus nous avons quitté l’asphalte pour une piste chaotique, dans le brouillard. Nous risquons le crash.Quels sont les obstacles à la prise de conscience ?Il y a d’abord le déni, individuel et collectif. Dans la population, il y a ceux qui ne savent pas : ceux qui ne peuvent pas savoir par absence d’accès à l’information et ceux qui ne veulent rien savoir. Il y a ceux qui savent, et ils sont nombreux, mais qui n’y croient pas. Comme la plupart des décideurs qui connaissent les données et les rapports du GIEC, mais n’y croient pas vraiment. Enfin, il y a ceux qui savent et qui croient. Parmi eux, on constate un éventail de réactions : ceux qui disent « à quoi bon », ceux qui pensent que « tout va péter »…L’alerte sur les limites de la croissance a pourtant été lancée il y a plus de 40 ans, avec le rapport du physicien américain Dennis Meadows pour le Club de Rome (1972). Comment expliquer cet aveuglement durable des « décideurs » ?Quand un fait se produit et contredit notre représentation du monde, nous préférons déformer ces faits pour les faire entrer dans nos mythes plutôt que de les changer. Notre société repose sur les mythes de la compétition, du progrès, de la croissance infinie. Cela a fondé notre culture occidentale et libérale. Dès qu’un fait ne correspond pas à ce futur, on préfère le déformer ou carrément le nier, comme le font les climatosceptiques ou les lobbies qui sèment le doute en contredisant les arguments scientifiques.Ensuite, la structure de nos connexions neuronales ne nous permet pas d’envisager facilement des évènements de si grande ampleur. Trois millions d’années d’évolution nous ont forgé une puissance cognitive qui nous empêche d’appréhender une catastrophe qui se déroule sur le long terme. C’est l’image de l’araignée : la vue d’une mygale dans un bocal provoque davantage d’adrénaline que la lecture d’un rapport du GIEC ! Alors que la mygale enfermée est inoffensive et que le réchauffement climatique causera potentiellement des millions de morts. Notre cerveau n’est pas adapté à faire face à un problème gigantesque posé sur le temps long. D’autant que le problème est complexe : notre société va droit dans le mur, entend-on. Ce n’est pas un mur. Ce n’est qu’après avoir dépassé un seuil – en matière de réchauffement, de pollution, de chute de la biodiversité – que l’on s’aperçoit que nous l’avons franchi.Ne pouvons-nous pas freiner et reprendre le contrôle de la voiture, de notre civilisation ?Notre volant est bloqué. C’est le verrouillage socio-technique : quand une invention technique apparaît – le pétrole et ses dérivés par exemple –, elle envahit la société, la verrouille économiquement, culturellement et juridiquement, et empêche d’autres innovations plus performantes d’émerger. Notre société reste bloquée sur des choix technologiques de plus en plus inefficaces. Et nous appuyons à fond sur l’accélérateur car on ne peut se permettre d’abandonner la croissance, sauf à prendre le risque d’un effondrement économique et social. L’habitacle de notre voiture est aussi de plus en plus fragile, à cause de l’interconnexion toujours plus grande des chaînes d’approvisionnement, de la finance, des infrastructures de transport ou de communication, comme Internet. Un nouveau type de risque est apparu, le risque systémique global. Un effondrement global qui ne sera pas seulement un simple accident de la route. Quelle que soit la manière dont on aborde le problème, nous sommes coincés.Les manières dont l’effondrement pourraient se produire et ce qui restera de la civilisation post-industrielle est abondamment représentée au cinéma – de Interstellar à Mad Max en passant par Elysium – ou dans des séries comme Walking Dead. Cet imaginaire est-il en décalage avec votre vision du « jour d’après » ?Parler d’effondrement, c’est prendre le risque que notre interlocuteur s’imagine immédiatement Mel Gibson avec un fusil à canon scié dans le désert. Parce qu’il n’y a que ce type d’images qui nous vient. Nos intuitions ne mènent cependant pas à un monde version Mad Max, mais à des images ou des récits que nous ne retrouvons que trop rarement dans les romans ou le cinéma. Ecotopia, par exemple, est un excellent roman utopiste d’Ernest Callenbach. Publié aux États-Unis en 1975, il a beaucoup inspiré le mouvement écologiste anglo-saxon, mais n’est malheureusement pas traduit en français. Nous ne pensons pas non plus que ce sera un avenir à la Star Trek : nous n’avons plus suffisamment d’énergies pour voyager vers d’autres planètes et coloniser l’univers. Il est trop tard.Il y a une lacune dans notre imaginaire du « jour d’après ». L’URSS s’est effondrée économiquement. La situation de la Russie d’aujourd’hui n’est pas terrible, mais ce n’est pas Mad Max. A Cuba, le recours à l’agroécologie a permis de limiter les dégâts. Mad Max a cette spécificité d’aborder un effondrement à travers le rôle de l’énergie, et de considérer qu’il restera encore assez de pétrole disponible pour se faire la guerre les uns contre les autres. Les scientifiques s’attendent bien à des évènements catastrophistes de ce type. Dans la littérature scientifique, l’apparition de famines, d’épidémies et de guerres est abordée, notamment à travers la question climatique. L’émigration en masse est déjà là. Il ne s’agit pas d’avoir une vision naïve de l’avenir, nous devons rester réalistes, mais il y a d’autres scénarios possibles. A nous de changer notre imaginaire.Existe-t-il, comme pour les séismes, une échelle de Richter de l’effondrement ?Nous nous sommes intéressés à ce que nous apprennent l’archéologie et l’histoire des civilisations anciennes. Des effondrements se sont produits par le passé, avec l’Empire maya, l’Empire romain ou la Russie soviétique. Ils sont de différentes natures et de degrés divers. L’échelle réalisée par un ingénieur russo-américain, Dmitry Orlov, définit cinq stades de l’effondrement : l’effondrement financier – on a eu un léger aperçu de ce que cela pourrait provoquer en 2008 –,l’effondrement économique, politique, social et culturel, auxquels on peut ajouter un sixième stade, l’effondrement écologique, qui empêchera une civilisation de redémarrer. L’URSS s’est, par exemple, arrêtée au stade 3 : un effondrement politique qui ne les a pas empêchés de remonter la pente. Les Mayas et les Romains sont allés plus loin, jusqu’à un effondrement social. Cela a évolué vers l’émergence de nouvelles civilisations, telle l’entrée de l’Europe dans le Moyen Âge.Quels sont les signes qu’un pays ou une civilisation est menacé d’effondrement ?Il y a une constante historique : les indicateurs clairs de l’effondrement se manifestent en premier lieu dans la finance. Une civilisation passe systématiquement par une phase de croissance, puis une longue phase de stagnation avant le déclin. Cette phase de stagnation se manifeste par des périodes de stagflation et de déflation. Mêmes les Romains ont dévalué leur monnaie : leurs pièces contenaient beaucoup moins d’argent métal au fil du temps. Selon Dmitry Orlov, nous ne pouvons plus, aujourd’hui, éviter un effondrement politique, de stade 3. Prenez le sud de l’Europe : l’effondrement financier qui a commencé est en train de muter en effondrement économique, et peu à peu en perte de légitimité politique. La Grèce est en train d’atteindre ce stade.Autre exemple : la Syrie s’est effondrée au-delà de l’effondrement politique. Elle entame à notre avis un effondrement social de stade 4, avec des guerres et des morts en masse. Dans ce cas, on se rapproche de Mad Max. Quand on regarde aujourd’hui une image satellite nocturne de la Syrie, l’intensité lumineuse a diminué de 80% comparé à il y a quatre ans. Les causes de l’effondrement syrien sont bien évidemment multiples, à la fois géopolitiques, religieuses, économiques… En amont il y a aussi la crise climatique. Avant le conflit, des années successives de sécheresse ont provoqué des mauvaises récoltes et le déplacement d’un million de personnes, qui se sont ajoutées aux réfugiés irakiens, et ont renforcé l’instabilité.Même simplifiée, cette classification des stades nous permet de comprendre que ce que nous sommes en train de vivre n’est pas un événement homogène et brutal. Ce n’est pas l’apocalypse. C’est une mosaïque d’effondrements, plus ou moins profonds selon les systèmes politiques, les régions, les saisons, les années. Ce qui est injuste, c’est que les pays qui ont le moins contribué au réchauffement climatique, les plus pauvres, sont déjà en voie d’effondrement, notamment à cause de la désertification. Paradoxalement, les pays des zones tempérées, qui ont le plus contribué à la pollution, s’en sortiront peut-être mieux.Cela nous amène à la question des inégalités. « Les inégalités dans les pays de l’OCDE n’ont jamais été aussi élevées depuis que nous les mesurons », a déclaré, le 21 mai à Paris, le secrétaire général de l’OCDE. Quel rôle jouent les inégalités dans l’effondrement ?Les inégalités sont un facteur d’effondrement. Nous abordons la question avec un modèle nommé « Handy », financé par la Nasa. Il décrit les différentes interactions entre une société et son environnement. Ce modèle montre que lorsque les sociétés sont inégalitaires, elles s’effondrent plus vite et de manière plus certaine que les sociétés égalitaires. La consommation ostentatoire tend à augmenter quand les inégalités économiques sont fortes, comme le démontrent les travaux du sociologue Thorstein Veblen. Cela entraîne la société dans une spirale consommatrice qui, au final, provoque l’effondrement par épuisement des ressources. Le modèle montre également que les classes riches peuvent détruire la classe des travailleurs – le potentiel humain –, en les exploitant de plus en plus. Cela fait étrangement écho aux politiques d’austérité mises en place actuellement, qui diminuent la capacité des plus pauvres à survivre. Avec l’accumulation de richesses, la caste des élites ne subit l’effondrement qu’après les plus pauvres, ce qui les rend aveugles et les maintient dans le déni. Deux épidémiologistes britanniques, Richard Wilkinson et Kate Pickett, montrent aussi que le niveau des inégalités a des conséquences très toxiques sur la santé des individus.Le mouvement de la transition, très branché sur les alternatives écologiques, s’attaque-t-il suffisamment aux inégalités ?Le mouvement de la transition touche davantage les classes aisées, les milieux éduqués et bien informés. Les classes précaires sont moins actives dans ce mouvement, c’est un fait. Dans le mouvement de la transition, tel qu’il se manifeste en France avec Alternatiba ou les objecteurs de croissance, la question sociale est présente, mais n’est pas abordée frontalement. Ce n’est pas un étendard. La posture du mouvement de la transition, c’est d’être inclusif : nous sommes tous dans le même bateau, nous sommes tous concernés. C’est vrai que cela peut gêner les militants politisés qui ont l’habitude des luttes sociales. Mais cela permet aussi à beaucoup de gens qui sont désabusés ou peu politisés de se mettre en mouvement, d’agir et de ne plus se sentir impuissant.Le mouvement de la transition est venu du Royaume-Uni où, historiquement, le recours à l’État providence est moins fort. « N’attendons pas les gouvernements, passons à l’action », est leur leitmotiv. Il s’agit de retrouver des leviers d’action là où une puissance d’agir peut s’exercer, sans les politiques ni l’État : une rue, un quartier, un village. Le rôle des animateurs du mouvement est de mettre chacun, individu ou collectif, en relation.Le mouvement de la transition semble être configuré par les espaces où un citoyen peut encore exercer sa puissance d’agir : la sphère privée, sa manière de se loger ou de consommer, son quartier... Le monde du travail, où cette puissance d’agir est actuellement très limitée, voire empêchée, mais qui demeure le quotidien de millions de salariés, en est-il de fait exclu ?Pas forcément. C’est ce qu’on appelle la « REconomy » : bâtir une économie qui soit compatible avec la biosphère, prête à fournir des services et fabriquer des produits indispensables à nos besoins quotidiens. Cela ne se fait pas seulement sur son temps libre. Ce sont les coopératives ou l’entrepreneuriat tournés vers une activité sans pétrole, évoluant avec un climat déstabilisé. Ce sont aussi les monnaies locales. Tout cela représente aujourd’hui des millions de personnes dans le monde. Ce n’est pas rien.La transition, c’est l’histoire d’un grand débranchement. Ceux qui bossent dans et pour le système, qui est en voie d’effondrement, doivent savoir que cela va s’arrêter. On ne peut pas le dire autrement ! Il faut se débrancher, couper les fils progressivement, retrouver un peu d’autonomie et une puissance d’agir. Manger, s’habiller, se loger et se transporter sans le système industriel actuel, cela ne va pas se faire tout seul. La transition, c’est un retour au collectif pour retrouver un peu d’autonomie. Personnellement, nous ne savons pas comment survivre sans aller au supermarché ou utiliser une voiture. Nous ne l’apprendrons que dans un cadre collectif. Ceux qui demeureront trop dépendants vont connaître de grosses difficultés.Ce n’est pas un peu brutal comme discours, surtout pour ceux qui n’ont pas forcément la capacité ou la marge de manœuvre d’anticiper l’effondrement ?La tristesse, la colère, l’anxiété, l’impuissance, la honte, la culpabilité : nous avons successivement ressenti toutes ces émotions pendant nos recherches. Nous les voyons s’exprimer de manière plus ou moins forte au sein du public que nous côtoyons. C’est en accueillant ces émotions, et non en les refoulant, que nous pouvons faire le deuil du système industriel qui nous nourrit et aller de l’avant. Sans un constat lucide et catastrophiste d’un côté, et des pistes pour aller vers la transition de l’autre, on ne peut se mettre en mouvement. Si tu n’es que catastrophiste, tu ne fais rien. Si tu n’es que positif, tu ne peux pas te rendre compte du choc à venir, et donc entrer en transition.Comment, dans ce contexte, faire en sorte que l’entraide et les dynamiques collectives prévalent ?Le sentiment d’injustice face à l’effondrement peut être très toxique. En Grèce, qui est en train de s’effondrer financièrement, économiquement et politiquement, la population vit cela comme une énorme injustice et répond par la colère ou le ressentiment. C’est totalement légitime. La colère peut être dirigée, avec raison, contre les élites, comme l’a montré la victoire de Syriza. Mais elle risque aussi de prendre pour cible des boucs émissaires. On l’a vu avec le parti d’extrême droite Aube dorée qui s’en prend aux étrangers et aux immigrés. Traiter en amont la question des inégalités permettrait de désamorcer de futures catastrophes politiques. C’est pour cela que les syndicats et les acteurs des luttes sociales ont toute leur place dans le mouvement de la transition. -
Le plus grand viticulteur bio de France va planter 10.000 arbres en agroforesterie pour sauvegarder la biodiversité
À la tête de bientôt 600 hectares de vignes en biodynamie, Gérard Bertrand s’engage auprès de la fondation GoodPlanet à soutenir un projet agroforestier d’envergure en Languedoc Roussillon. Pas moins de 10.000 arbres vont être plantés dans ses vignobles afin de soutenir un projet d’agriculture durable.L’union fait la forceL’alimentation n’a jamais autant été au cœur de nos préoccupations, l’actualité nous le rappelle au quotidien. Voilà un nouvel exemple de projet qui va dans le sens de la transition d’un modèle agricole qui s'essouffle, vers une alternative durable et réfléchie.Le viticulteur des vins du sud Gérard Bertrand vient de s’engager à planter 10.000 arbres au cœur de ses parcelles agricoles, vignes et pâturages pour favoriser la biodiversité. Cet acte plein de sens est réalisé en partenariat avec la fondation GoodPlanet, présidée par Yann Arthus-Bertrand.Né de la rencontre des deux hommes, le projet confirme la volonté de chacun de participer activement à la défense et au respect de l’environnement. Le groupe Gérard Bertrand continue ainsi sa pratique d’une agriculture respectueuse de l’environnement, quand la Fondation GoodPlanet inscrit ce projet dans son programme Action Carbone Solidaire.Le projet sera encadré par l’Association Française d’Agroforesterie (AFAF) qui travaille depuis 2007 au développement de l’agroforesterie en France sur la scène agricole, politique et auprès du grand public.Le viticulteur du Languedoc Roussillon, leader européen en biodynamie, est actuellement à la tête de 11 vignobles. Il fait travailler 200 collaborateurs et distribue ses vins en France et dans 100 pays à l’export.L’arbre, acteur contre le changement climatiqueParce que le meilleur labour c'est le ver de terre, et parce que le meilleur ami de la vigne c’est l’arbre.L’agroforesterie est un mode d’exploitation des terres agricoles associant cultures, pâturages et plantations d’arbres. L’objectif est simple : augmenter la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes.Comme l’explique Gilles Boeuf, biologiste et président du Muséum national d’histoire naturelle “un arbre fabrique son hydrogène à partir de l’eau le jour et stocke son énergie la nuit. La nature fait des choses à des coûts énergétiques incroyablement bas”. Or sur les 100 dernières années, soit 3 à 4 générations d’agriculteurs, on a appris à cultiver sans les arbres, car l’agriculteur en a oublié sa valeur agronomique. Le nombre d’arbres au sein des parcelles agricoles a largement régressé pour faire apparaître d’immense parcelle en monoculture. Un désastre écologique qui engendre notamment la sécheresse et les inondations.Si l’arbre retrouve de plus en plus la place qu’il avait jadis, les objectifs en sont multiples. L’agroforesterie permet d’améliorer les capacités de production agricole, d’augmenter le potentiel énergétique, également de diminuer les intrants et aussi de diversifier les produits et les revenus. Les arbres fournissent aux agriculteurs qui les utilisent des services indispensables et constituent un excellent capital sur pied, qui donnent de la valeur à l’exploitation.Retrouvez plus d'information sur le projet en ligne : gerard-bertrand.com/objectif-10000-arbres -
TVL : Claude Reiss : "Aucune espèce n'est un modèle biologique pour une autre."
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A lire : les racines marxistes de l’écologie contemporaine
Le Pape François vient de publier une encyclique sur l’écologie qui fait déjà grand bruit tant elle serait alignée sur l’écologisme ambiant… Sans rentrer dans le débat propre à cette encyclique avant même de l’avoir lue, il est intéressant de se pencher sur le sujet de l’écologie tel qu’il est défendu aujourd’hui par tous les « grands » qui se réuniront en décembre prochain à Paris pour une conférence internationale sur le climat.
Vivien Hoch publie un texte sur Nouvelles de France, pour déceler l’idéologie qui se cache en réalité derrière la propagande écologiste, qui a, peu à peu, transformé la noble « écologie » en « écologisme ». Le texte est un peu long, mais sa lecture est vraiment éclairante sur un sujet vecteur de totalitarisme, et profondément anti-chrétien.
L’instrumentalisation marxienne de l’écologie
La première chose à remarquer, c’est que la recherche d’une relation à la nature qui serait indépendante de la médiation par la marchandise est un élément fondamental de la critique « culturelle » du capitalisme héritée du marxisme (Pierre Charbonnier, « De l’écologie à l’écologisme de Marx », Tracés 1/2012 (n° 22) , p. 153-165).On lit, chez les marxistes, ou plutôt marxiens, que Marx « a proposé une lecture puissante de la principale crise écologique de son époque, à savoir le problème de la fertilité des sols dans l’agriculture capitaliste » (John Bellamy Foster, Marx écologiste, 2011, p. 43). Le même problème qui est soulevé, par exemple, à propos du TAFTA, le fameux Traité Transantlantique, qui, selon les mythes, décomplexerait totalement un usage ultra-libéral de la terre, à coups de pesticides non homologés ou d’immenses entreprises broyeuses d’hommes.
Attention. Derrière le concept à la mode de « développement durable », se tapit l’influence de l’administration, de l’État et des collectivismes de tout genre. C’est chez Marx que se trouve la définition la plus claire du dévelopement durable, notre bon Karl cherchant « les fondements d’un matérialisme historico-environnemental prenant en compte la coévolution de la nature et de la société humaine. » (Marx écologiste, 2011, p. 43).
Mais Marx n’avait que faire de l’écologie, au sens contemporain. Le bon Karl, en effet, se souciait surtout du développement des engrais synthétiques, à partir des années 1840, qui faisait définitivement passer l’agriculture au stade industriel, et de l’accroissement de la course aux engrais naturels. La seule chose qui l’intéresse, au fond, c’est la logique des flux matériels qui sous-tendent l’économie capitaliste.
C’est évident : Marx instrumentalise l’écologie, la question de la terre et de son utilisation, à des fins uniquement critiques et afin d’illustrer sa théorie de la lutte des classes, de l’exploitation industrielle des méchants riches envers les pauvres prolétaires et de l’aliénation qui en découle. Si vous lisez Juan Martinez-Alier (1987), par exemple, vous saisirez comment les tentatives de reconstruire les liens entre l’économie écologique et l’héritage du matérialisme historique ont pu se développer.
Le « développement durable » n’est, souvent, rien d’autre que l’occasion pour l’État d’exercer sa mainmise normative et administratives sur des propriétés privées ou des forces de production qui échappaient en partie, avant l’écologisme, à son contrôle. Il s’agit aussi, pour les collectivités publiques, de construire avec des normes de plus en plus complexes, comme si les individus n’avaient aucune conscience du « durable » et du « respecteux ». C’est le nom qui recouvre des milliers de « comités publics », de « réunions », de conventions, de normes, de directives, d’amendements : autant de contrôles que l’État ou les collectivités veulent exercer sur les individus et les entreprises.
Le malthusianisme de certaines « écologies humaines » ou « intégrales »
De même que l’écologie politique, ou l’économie écologique, cachent souvent une idéologie marxiste, la nouvelle propension des catholiques à s’intéresser à l’ « écologie intégrale » ou à « l’écologie humaine » cache lui aussi, bien souvent, une idéologie : une sorte de malthusianisme post-moderne. Il se définit très simplement : décroissez, mes enfants ; ou, comme a pu le dire le pape François : « ne copulez pas comme des lapins ». Cette méfiance à l’égard du potentiel de développement humain, couplé à la critique de l’utilisation économique de la nature, se rapproche à de nombreux égards de la critique marxiste de l’économie capitaliste.Il ne s’agit pas pour nous de nier le pressant besoin de formuler une doctrine saine du corps et de la chair, que l’on peut trouver dans les fructueuses théologies du corps par exemples, ni de nier la nécessicité philosophique qui consisterait à mettre en place les conditions de possibilité d’une véritable logique de l’οἶκος, de l’habiter et du demeurer. Il s’agit de faire un travail archéologique, à la manière de Michel Foucault et de Nietzsche : dénoncer la logique post-marxiste qui sous-tend les développements actuels de l’ « écologie intégrale » ou de l’ « écologie humaine ».
Ses partisans ne semblent vouloir, au fond, que mettre en exergue la menace environnementale représentée par le « capitalisme » ou l’ « ultra-libéralisme ». Ils sont encore enfermés dans de vieux schémas dialectiques, désuets et absconts. Les mondialisations que nous vivont sont pour eux subies, alors qu’elles doivent constituer le socle sur lequel se propulser vers l’avant. Ils ont abandonné toute idée de progrès – si néfaste a-t-elle pu être dans l’histoire, ou si instrumentalisée est-elle encore aujourd’hui, et toute idée de liberté : l’homme est si mauvais, affirment-ils, qu’il ne peut que rentrer dans une logique de destruction de son environnement, de son corps et de son patrimoine : l’homme casse son οἶκος, sa « maison », pour la revendre à petit bout. Mais quelle idée ont-ils de l’homme ? Quel espoir ont-ils encore en lui ?
Seule une « prise de conscience » des enjeux écologiques et humains pourra faire sortir l’homme de cette logique mortifère, affirment-ils. Il faut « moraliser » l’homme, « moraliser » le capitalisme, « réguler » le marché : en un mot, il faut faut imposer des règles strictes. Ils ne voient pas que cette prise de conscience ne peut avoir lieu que de manière libre, sans le concours de l’État, sans le concours d’une collectivité oppressante, et sans le caractère dirigiste d’une économie non libérale. Ce n’est pas en introduisant une coupure nette entre l’éco-nomie et l’éco-logie que leurs buts seront atteints ; bien au contraire, c’est en produisant une économie (gestion) de l’environnement (habitat) que l’un pourra, par mode d’inclusion, s’adjoindre les services de l’autre et travailler ensemble. Ni la liberté, ni l’économie ne sont contre l’écologie : elles en sont leur plus précieux alliés. Que ces quelques propos puissent ouvrir à d’autres débats futurs.
L’écologisme mérite-t-il une bonne guerre ?
Au fond, les marxistes, marxiens, collectivistes, malthusianistes et post-modernes ne roulent, consciemment ou inconsciemment, que pour une seule logique : celle de la guerre. L’éditorialiste Jean-Marc Vittori dans Les Échos est le plus clair sur ce point :« C’est ici qu’il faudrait une bonne guerre. Car pour financer un conflit, il faut toujours s’évader des règles ordinaires, faire des choix difficiles, transcender les oppositions. (…) Cette guerre, c’est logiquement le combat pour la planète, pour préserver l’existence de notre espèce, contre les dérèglements climatiques.[…] » (à lire, un commentaire cynique sur Contrepoints).
Suivant cette logique, le seul moyen de sauver l’humanité c’est l’instauration d’une dictature planétaire qui « normaliserait », « moraliserait » et « dirigerait » les actions humaines afin qu’elles respectent (enfin !) la nature.
Encore une fois, c’est la logique de la dialectique des classes qui sous-tend cette idée : celle de la lutte permanente des opprimés (la nature, les oiseaux, le peuple) contre les oppresseurs (les pays riches, les industriels, la finance), qui ne pourra se régler que par une révolution (l’écologisme, l’écologie humaine) afin d’aboutir au monde parfait (l’internationale, pour l’ecologie politique, ou l’homme bien élevé, pour l’écologie humaine). Or on ne possède pas l’homme, non plus que l’homme se possède lui-même. L’homme construit et se construit, désire et se désire, et ne peut atteindre à une concience de soi et de son environnement que par lui-même. Pour que l’homme se respecte et respecte son environnement, il n’y a qu’un seul moyen : lui laisser une subsidiarité intégrale dans ses choix de vie.
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L’écologie, évidemment, c’est une morale, un tact, une vertu, garantissant la bonne maîtrise de la nature, quand elle n’est pas instrumentalisée par des idéologies né-marxistes, qui voient dans la nature le champ de bataille entre les méchants exploitants et les gentils exploités.
L’écologie, évidemment, c’est le souci de soi, le soin de l’âme (Jan Patočka), le fait d’habiter et de demeurer ; c’est la logique de l’οἶκος, de la maison et du patrimoine. Mais ce n’est pas l’abandon de soi, la dépossession de ses désirs, de sa volonté de réussir, de perservérer, et même de calculer ce qui, pour soi, nous semble le meilleur.
L’écologie est si noble, si vertueuse et si indispensable qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une instrumentalisation, consciente ou inconsciente, à des fins de propagande pour mettre en place un « monde nouveau » basé sur le contrôle étatique des ressources, l’amoindrissement des libertés ou encore une « moralisation » normative de l’homme. Pour remplir tout à fait sa mission de science et de vertu, l’écologie a besoin de reposer sur une nature, qui, dans sa complexité, dans son caractère indéniablement concupiscent et dans son mystère profond, est celle de l’homme libre.
http://www.contre-info.com/a-lire-les-racines-marxistes-de-lecologie-contemporaine#more-38386
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Norvège : La première autoroute à abeilles inaugurée à Oslo
La capitale Norvégienne vient d’inaugurer la première autoroute à butineuses au monde. Un long corridor traversant la ville où des stations de pollinisation attendent les heureuses butineuses tous les 250 mètres.
L’information passée relativement inaperçue est rapportée par le Osloby, un journal local Norvégien. Le pays nordique n’est pas épargné par le phénomène d’effondrement des colonies d’abeilles et tout particulièrement des bourdons. Pollutions diverses, pesticides, étalement urbain et changements climatiques, ces insectes à l’utilité majeur pour l’environnement ne cessent de subir les conséquences de l’activité humaine chez eux comme ailleurs. Selon la liste rouge 2014 de l’IUCN (International Union for Conservation of Nature), près d’un quart des bourdons d’Europe sont menacés.
Les autorités d’Oslo ont donc souhaité apporter un maigre soutien à cet animal pratiquement invisible pour les citadins mais ô combien vital. « L’idée est de créer une route à travers la ville avec assez de stations d’alimentation pour les butineurs tout au long de leur chemin. » explique Tonje Waaktaar Gamst de l’organisation Oslo Garden Society. « Assez de nourriture permettra aux bourdons de mieux résister au stress de l’environnement urbain.
Effectivement, en ville, il y a peu de fleurs riches en nectar. Chaque année, les butineurs qui se perdent dans les régions urbaines comme Oslo viennent ainsi à manquer de nourriture et meurent. Une hécatombe qui s’ajoute aux menaces qui pèsent déjà sur ces animaux. En pratique, des fleurs spécialisées pour leur nectar ont été disséminées sur les toits et les balcons, le long d’une route qui traverse la capitale d’Est en Ouest. Un projet qui voit le jour grâce à une collaboration entre la municipalité, les associations et des privés qui acceptent d’offrir leurs toits pour venir en aide aux butineurs.
Mieux encore, l’association Biby (Bee Town) a développé une application smartphone (locale) qui permet de repérer en temps réel les zones où les abeilles manqueraient de nourriture. Chaque citoyen engagé est ainsi encouragé à créer à son tour une station de ravitaillement sur son balcon ou son toit. Pour encourager la créativité, il est également possible de partager en un clic des photographies de ces jardins à butineurs. De cette manière, l’association espère faire de la ville d’Oslo une zone entièrement couverte par ces stations bien utiles aux abeilles et aux bourdons. Une idée que beaucoup souhaiteraient voir émerger dans les autres capitales d’Europe.
Dans le même temps, aux USA, l’administration Obama envisage de créer une « route à papillon » qui relierait Mexico au Minnesota. Une autoroute écologique de 2500 km stratégiquement placée sur une artère naturelle de migration des insectes butineurs comme certains papillons. En effet, suite au développement de l’agriculture industrielle dans ces régions, les scientifiques ont observé un déclin dramatique de 90% des populations du papillon Monarque. En créant une route protégée, les autorités espèrent ramener un lieu propice à la survie de cette espèce et bien d’autres.
Mais toutes ces solutions positives peuvent-elles avoir du sens si, dans le même temps, nous ne changeons pas nos modes de production et de consommation ?
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Santé : les médecins allemands incitent à arrêter totalement l’éolien
L’éolien est présenté comme une énergie alternative propre et durable qui doit se substituer progressivement au nucléaire. Si deux reportages réalisés par Armel Joubert des Ouches pour Réinformation.tv mettent en garde contre l’éolien (voir ici et ici), cette fois-ci ce sont des médecins allemands qui tirent la sonnette d’alarme.
Trouvé sur economiematin.fr : L’assemblée des médecins allemands, réunis en congrès à Frankfort du 12 au 15 mai 2015 vient de lancer une alerte (Beschlussprotokoll des 118. Deutschen Ärztetages in Frankfurt am Main vom 12. bis 15.05.2015 [PDF] p353) concernant l’impact néfaste sur la santé de l’implantation d’éoliennes à proximité des habitations.
Elle attire l’attention sur les graves carences des critères de danger retenus et tout particulièrement sur les risques liés aux basses fréquences et infrasons. Ce rapport souligne les effets sanitaires néfastes des fréquences éoliennes inférieures à 1 Hz et mentionne leurs effets potentiels même en l’absence de toute rotation des pales, sous la seule action des vibrations solidiennes générées par le mat.
Lire la suite sur economiematin.fr
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Les écotartuffes de Nouvelle Écologie par Guillaume LE CARBONEL
Le 10 décembre dernier avait lieu la conférence de lancement du collectif Nouvelle Écologie par le Front national. Troisième du genre (1), celui-ci est entièrement dédié, comme son nom l’indique, à l’écologie et à la fameuse « transition énergétique ». C’est Philippe Murer, proche de l’économiste Jacques Sapir et membre du groupe d’économistes franco-allemands signataires de l’appel de Düsseldorf, qui est chargé d’animer cette nouvelle organisation, en partenariat avec Éric Richermoz, jeune figure montante du F.N., étudiant en master de finance dans une école de commerce de Lille.
Rappelons que Philippe Murer a rejoint officiellement le R.B.M. en mai 2014 en qualité de conseiller économique, notamment disait-il, « parce que la crise économique s’approfondit sans cesse (2) ». Rappelons également les termes du communiqué de presse du F.N. publié à cette occasion : « Ancien sympathisant du Parti socialiste, Philippe Murer relève l’incapacité des formations politiques traditionnelles, P.S. et U.M.P., à concevoir et proposer des solutions pour relancer la croissance, redresser les comptes du pays, faire baisser un chômage massif qui devient un cancer pour notre société (3). » Et plus loin : « En tant que conseiller économique de Marine Le Pen, il sera chargé de travailler sur le projet économique duFront national ainsi que sur les problématiques liées à l’écologie et au développement durable. À la demande de Marine Le Pen, ses premiers travaux seront d’ailleurs orientés vers les moyens de relancer la croissance en France, tout en réalisant la transition énergétique nécessaire au pays ».
Rappelons également ce qu’écrivait Philippe Murer en 2013 sur le site d’information Atlantico : « Il faudrait pourtant un taux de croissance de plus de 1,5 % pour que le chômage n’augmente plus. […] Une croissance de 2,5 % sur un an permettrait en revanche de donner du travail à 300 000 chômeurs. Un taux de croissance inaccessible avec la politique économique en place en France et en Europe malheureusement (4). »
Ainsi donc, avons-nous à la tête d’un organisme « dédié à l’écologie », un conseiller économique dont la tâche première est ouvertement de relancer la croissance. Il faut bien admettre que ce n’est guère banal.
La contestation de la croissance économique est un fondement de l’écologie politique. Sans doute n’a-t-on pas compris au Front national que l’écologie est incompatible avec le système productiviste et l’accumulation illimitée. Sans doute ses dirigeants n’ont-ils pas compris non plus qu’une croissance infinie est incompatible avec un monde fini. Sans doute ne savent-ils pas qu’aujourd’hui 86 % de la population mondiale vit dans des pays qui demandent plus à la nature que ce que leurs propres écosystèmes peuvent renouveler. Sans doute ne savent-ils pas que la déforestation en Amazonie s’est accrue de 30 % en 2013, que la terre a perdue la moitié de ses populations d’espèces sauvages en 40 ans, que l’empreinte écologique mondiale excède de 50 % la biocapacité de la planète, que l’année 2014 est jusqu’à présent la plus chaude jamais enregistrée et que les îles de déchets plastiques tuent 1,5 millions d’animaux par an. Bienvenu dans le monde merveilleux du capitalisme mortifère. Nous leur conseillons dans ce cas les excellentes lectures de Jacques Ellul, Bernard Charbonneau, Serge Latouche, Cornélius Castoriadis, Ivan Illitch et autre André Gorz.
Dans le texte fondateur de Nouvelle Écologie, il est très souvent fait référence à la fameuse « transition énergétique », marotte de Philippe Murer : « Avec une monnaie nationale, une banque centrale au service du pays et pas uniquement des banques privées, nous aurons des possibilités de financement à long terme et à taux bas d’un grand programme de transition énergétique. […] La mainmise de la finance sur l’économie rend aussi impossible le financement sur le long terme et donc la faisabilité de grands projets utiles comme la transition énergétique (5). » Serge Latouche a montré depuis longtemps toute la fumisterie de ce capitalisme vert qu’est aussi le « développement durable », oxymores qui n’ont pour fonction que de maintenir les profits et d’éviter le changement des habitudes en modifiant à peine le cap (Hervé Kempf). « Ce n’est pas l’environnement qu’il s’agit de préserver pour les décideurs – certains entrepreneurs écologistes parlent même de “ capital soutenable ”, le comble de l’oxymore – mais avant tout le développement ! Là réside le piège. Le problème avec le développement soutenable n’est pas tant avec le mot soutenable qui est plutôt une belle expression qu’avec le concept de développement qui est carrément un mot toxique. […] La signification historique et pratique du développement, lié au programme de la modernité, est fondamentalement contraire à la durabilité ainsi conçue (6). »
Comme l’écrit Alain Gras, « la transition énergétique est en réalité une transition à l’électricité (7) » qui ne remet nullement en cause les éléments structurants du développement. Pas plus qu’elle ne remet en cause le système technicien et l’idée d’envisager les technologies les plus récentes, coûteuses en énergies, pour aider à gérer les multiples problèmes générés par notre civilisation. C’est s’attaquer à la forme sans s’attaquer au fond. C’est changer de carburant sans abandonner la machine. La transition énergétique ne s’attaque pas au productivisme ni à la société de consommation. Elle ne s’attaque pas à cette accumulation illimitée du capital qui nous tue. D’ailleurs, Philippe Murer ne s’y trompe pas : « Le cœur du débat est bien le tarif de rachat de l’électricité solaire et l’organisation du marché (8) » écrit-il, avant d’ajouter que l’enjeu concerne « la possibilité réelle de créer des centaines de milliers d’emplois pour produire de l’énergie sur notre sol au lieu d’acheter et de régler une facture de 65 milliards d’euros de pétrole, de gaz et de charbon à l’étranger chaque année (9) ». Produisons, consommons, mais surtout produisons et consommons patriote !
Nul besoin de sortir de la logique de la société de croissance et du toujours plus. Nul remise en question de l’homme transformé en consommateur illimité. Le libéralisme comme phénomène anthropologique connaît pas ! L’anthropocène, c’est-à-dire l’influence des activités anthropiques sur le système terrestre, encore moins ! « Revenu, achat de prestige et surtravail forment un cercle vicieux et affolé, la ronde infernale de la consommation, fondée sur l’exaltation de besoins dits “ psychologiques ”, qui se différencient des besoins “ physiologiques ” en ce qu’ils se fondent apparemment sur le “ revenu discrétionnaire ” et la liberté de choix, et deviennent ainsi manipulables à merci » avertissait pourtant Jean Beaudrillard dans son essai majeur, avant d’ajouter « la comptabilisation de la croissance [est le] plus extraordinaire bluff collectif des sociétés modernes. Une opération de “ magie blanche ” sur les chiffres, qui cache en réalité une magie noire d’envoûtement collectif ».
Dans cette optique, il est illusoire de vouloir « lutter contre l’obsolescence programmée », « garantir au peuple une meilleure diversité alimentaire » et « repenser l’intégration de l’architecture comme de l’urbanisme dans l’environnement naturel » comme le proclame le collectif dirigé par Murer. Il n’existe pas de « nouvelle économie ». Le développement n’est pas corrigible quoi qu’en pensent Nouvelle Écologie et ses économistes/financiers. La société de croissance est un système intrinsèquement fondé sur la démesure qui ne connaît plus aucune limite dans aucun domaine. La métaphysique du progrès, dont l’idée maîtresse était que le développement devait apporter le bonheur à l’humanité, a failli, ce que ne semble décidément pas avoir compris le collectif mal nommé. « Le taux de croissance de la frustration excède largement celui de la production » synthétisait Ivan Illitch.
À l’heure où les multiples réunions du G20 affichent leur volonté d’obtenir une croissance forte, durable équilibrée et proposent des plan d’action qui passent par toujours plus de nouvelles réformes structurelles,Nouvelle Écologie estime qu’une « politique écologique est le pendant d’une politique économique structurée autour de la protection et le développement des richesses nationales ». Formule aussi creuse et vide de sens que lorsque Laurent Ozon veut croire que « la décroissance ne sera pas une anti-croissance (10) ».
Nouvelle Écologie se présente ainsi comme ce qu’elle est fondamentalement : une énième étape dans la stratégie de crédibilisation mise en place par la présidente du F.N. en vue de l’élection présidentielle de 2017. Rien qui ne remette en cause le système. Un vulgaire attrape mouches.
D’ailleurs, le programme politique du Front national annonce la couleur sans ambages : « L’écologie ne doit en aucun cas être synonyme de décroissance. Il convient au contraire de ne jamais négliger les implications des mesures écologiques sur la croissance économique, en visant systématiquement les décisions écologiques les plus favorables au développement de l’économie nationale. À cet égard, toute création d’impôt au nom de l’écologie doit être refusée (11). »
À l’inverse, nous pensons que l’écologie radicale et le mouvement de la décroissance s’intègrent parfaitement aux enjeux identitaires. Par son soucis de relocaliser, de redistribuer et de retrouver le sens des limites, l’écologie politique est d’essence profondément ethno-culturelle. Notre société postmoderne est minée de l’intérieur par une économie de croissance qui ne tourne plus que sur elle même. Il y a longtemps déjà que la valeur d’usage a laissé place à la valeur d’échange, que le système génère l’accumulation de marchandises non utiles et seulement destinées à être vendues. Des paramètres que Nouvelle Écologie ne semble pas avoir intégré. Elle n’est somme toute, que le reflet d’un capitalisme qui s’accommode des contraintes écologiques alors que nous croyons au contraire, que l’écologie radicale est inséparable de la lutte anticapitaliste.
« La transition énergétique rendra l’industrie française plus efficace par une réduction de la consommation d’énergie de 18 % à l’horizon de 2020 et de 42 % à l’horizon 2050 (avec des objectifs variables suivant les filières). Cela protégera notre industrie de l’augmentation des coûts de l’énergie et la rendra donc plus compétitive », dixit Europe – Écologie – Les Verts (12). Nouvelle Écologie dit-elle autre chose ?
Quant Éric Richermoz annonce « la fin du monopole insolent d’E.E.L.V. et de la gauche sur l’écologie », nous voulons bien le croire ! Ces deux organisations montrent à elles seules que la lutte droite/gauche est une mise en scène et que l’alternance est une légende électorale.
Un panneau dans lequel nous ne tomberons pas.
Guillaume Le Carbonel
Notes
1 : Après le collectif Marianne dédié au monde universitaire et le collectif Racines destiné aux entrepreneurs.
2 : dans Le Figaro, le 22 mai 2014.
3 : cf. le communiqué du F.N. en date du 22 mai 2014, www.frontnational.com
4 : cf. www.atlantico.fr, le 4 octobre 2013.
5 : cf. www.collectifnouvelleécologie.fr
6 : cf. la revue Silence, n° 280, février 2002.
7 : cf. La Décroissance, n°113, octobre 2014.
8 : cf. La transition énergétique, Fayard, 2014.
9 : cf. l’entretien sur Atlantico.fr, le 4 mai 2014.
10 : cf. l’entretien sur le site www.lerougeetlenoir.org, le 5 décembre 2013.
11 : cf. le programme politique du F.N., Avenir de la Nation, « Écologie ».
12: cf. le livret La transition énergétique.
• D’abord mis en ligne sur Cercle non conforme, le 1er avril 2015.
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Res, la chose multiforme.
♦ Frédéric Malaval, philosophe, essayiste, écrivain.
Pour le juriste, les « choses » peuplant l’écosphère sont donc éligibles à trois catégories: res nullius, res communis, res propria.
Res, mot latin signifiant chose, s’oppose à la notion de personne. Pour Kant, une personne existe en soi par opposition à une chose dont l’existence dépend de l’action d’autrui. La Nature, dans une conception aristotélicienne, n’est ni chose ni personne. Ces interrogations sont au cœur de la pensée philosophique. Personne, chose, nature, culture, etc. ont nourri le discours philosophique depuis des lustres. Mais aujourd’hui, le contexte dans lequel s’inscrivent ces réflexions est radicalement différent de celui que connurent nos aïeux, rendant leurs propos parfois incompréhensibles pour des esprits neufs ou carrément dépassés pour nos contemporains visionnaires. Schématiquement, ils ont exercé dans un monde vide d’humains et peu artificialisé alors que nous sommes maintenant dans un monde surartificialisé et surpeuplé. Un seul chiffre pour valider ce constat : les avions commerciaux transportent 3 milliards de passagers par an, soit environ l’équivalent de la moitié de la population humaine, alors que, par nature, homo sapiens est incapable de voler.
Saisir les catégories utilisées par nos aïeux pour penser l’écosphère permet toutefois d’envisager de nouvelles conceptions pour penser un monde de demain radicalement différent.
Ainsi, res communis est une chose qui n’appartient à personne en particulier mais dont tous peuvent user. Il en est ainsi de l’air, de l’eau courante, voire de la chaleur du sous-sol. Res nullius, quant à elle, est une chose qui n’appartient encore à personne mais qu’il est possible de s’approprier sous réserve des lois en vigueur. S’il n’y a pas de loi, res nullius n’existe donc pas juridiquement. A partir du moment où elle est appropriée, elle devient res propria appartenant à un sujet de droit. Le sujet de droit est reconnu à qui a le statut de personne.
Depuis que la pensée juridique s’est développée, seules ces trois catégories l’ont animée. Le mouvement communiste, finalement, n’a fait que redonner à la catégorie res communis une prééminence que les révolutions bourgeoises avaient réduite à la portion congrue. Or, paradoxalement, ce mouvement a été marketé en un mouvement de progrès.
L’appropriation collective des moyens de production n’est donc pas la finalité utopique d’un progrès mais une organisation politique plurimillénaire. Sous cet angle, l’appropriation privée qui caractérise l’avènement de la Modernité depuis la romanisation de l’Europe jusqu’aux révolutions bourgeoises d’hier et d’aujourd’hui a créé une vraie rupture dont les historiens du futur analyseront la contribution à l’artificialisation de l’écosphère.
Mais force est d’admettre qu’à défaut de progrès, le communisme a été un mouvement réactionnaire dans la mesure où il s’est opposé à l’appropriation privée des biens communs organisant les sociétés depuis des temps ancestraux.
Vers la valeur écosystémique…
Envisager Marx comme un réactionnaire n’a comme but que de montrer que la suprématie relative de catégories juridiques ancestrales signe l’esprit d’une époque. A chaque période correspond une conception de l’homme et du monde. Ainsi, aux enclosures répondent la valeur-terre ; à la révolution industrielle, la valeur-travail ; au développement du commerce, la valeur d’échange ; à la saturation écologique…, la valeur écosystémique, objet des prochains articles.
Aujourd’hui, res propria domine. Tout est fait pour valoriser financièrement l’artificialisation de l’écosphère au détriment de fonctions et d’équilibres écosystémiques vitaux, donc de res nullius. Mais des mutations fondamentales laissent penser que ce dualisme bimillénaire se révélera obsolète à très court terme.
Cela oblige à créer d’autres catégories pour penser le monde et le gérer. Ainsi, la prochaine série d’articles reposera sur la notion de valeur écosystémique. Cette valeur écosystémique sera conçue comme une réponse à la nécessité d’intégrer le SurEnvironnement dans nos pratiques sociales; pivot d’une réflexion métapolitique rendue indispensable par les mutations que l’écosphère a connues depuis la moitié du XXe siècle.
Dit en termes plus concrets, il s’agit désormais de requalifier res nullius. On verra que cette valeur écosystémique permet, en subsumant la valeur-travail et la valeur d’échange, de penser res nullius comme l’ensemble des fonctions écosystémiques vitales, alors que le paradigme de la Modernité l’a identifié comme son SurEnvironnement fondamental. La conséquence est qu’aujourd’hui toute l’économie politique repose sur la valeur d’échange avec res propria comme pierre angulaire. Cela était peut-être pertinent dans une écosphère peuplée de quelques centaines de millions d’humains, mais aujourd’hui, l’artisphère atteint son climax.
La stabilité démographique des populations européennes ou asiatiques est le signe que nous avons atteint l’équilibre entre les aborigènes septentrionaux et leurs territoires. Comme nous l’avons exprimé dans d’autres articles, la population française de souche est stable depuis environ deux siècles. La croissance de la population vivant sur le territoire français européen est la conséquence de la sur-artificialisation de nos écosystèmes et de l’immigration allogène.
Aujourd’hui, seules les populations tropicales ou équatoriales participent à l’anarchie démographique, mais au risque que des guerres futures, épidémies ou famines – comme l’histoire le montre – lissent ces excès et résorbent brutalement ces migrations interclimatiques si la politique se révèle incapable de le faire par des transitions douces.
Aussi, le défi actuel n’est pas le statut de res propria ou de res communis, mais celui de res nullius que l’expansion de la civilisation industrielle menace jour après jour. Cette dernière participe au triomphe d’une posture anthropocentrée, pierre angulaire de la Modernité dans toutes ses manifestations religieuses ou profanes, alors qu’une attitude écocentrée s’impose désormais. C’est cette mutation anthropologique fondamentale que nous allons vivre sous peu. Marx aura alors été un des penseurs mesurant les mutations que l’ère moderne a réalisées entre les temps ancestraux et une écosphère à son climax.
(Fin)
Frédéric Malaval, Mai 2015