économie et finance - Page 530
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Politique & Eco n°82 : Comment peut-on être « trumpiste » ?
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De l’utilisation politique des subventions
Le ministère de la Culture envisage de suspendre sa subvention aux Chorégies d’Orange. En cause, le « coup de force » de la municipalité de Jacques Bompard (Ligue du Sud) sur le festival. Une décision en forme de vengeance politique.
Le ministère de la Culture a confirmé qu’il souhaite faire respecter « les règles de gouvernance » des Chorégies d’Orange et pourrait suspendre la subvention qui représente 6 à 7 % du budget du festival lyrique. « La ministre Audrey Azoulay constate qu’il y a une situation qu’elle considère comme anormale et, en accord avec Christian Estrosi (le président Les Républicains de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur), elle en tirera les conséquences en tout début de semaine », a déclaré à l’AFP un porte-parole du ministère. Audrey Azoulay et Christian Estrosi « ont échangé samedi sur le sujet et sur la conduite à tenir dans cette affaire »
En cause, le présumé « coup de force » de la municipalité sur la direction du festival. L’affaire remonte à janvier, lorsque le député Thierry Mariani avait annoncé sa démission de la présidence du festival. Selon les statuts de l’association, il revient à Marie-Thérèse Galmard, adjointe à la vie sociale à la mairie, d’assurer l’intérim de la présidence, avant que le conseil d’administration élise un nouveau président. Mais Marie-Thérèse entend rester à la présidence jusqu’à la fin du mandat de Thierry Mariani en 2018, selon le directeur général du festival, Raymond Duffaut, qui a annoncé vendredi sa démission pour dénoncer « ce coup de force ».
« On a une position simple : l’équipe dirigeante des Chorégies a été élue à l’unanimité. Le président démissionne et le texte dit que quand le président est empêché, c’est la vice-présidente qui préside », a pour sa part déclaré dimanche le maire d’Orange, Jacques Bompard. « Il y a un accord [avec le ministère] valable encore deux ans, donc (en menaçant de suspendre les subventions), la ministre affirme qu’elle méprise la loi », a-t-il ajouté. « Par ailleurs, est-ce que la ministre va rembourser toutes les subventions de la ville aux Chorégies depuis 20 ans ? » s’est-il interrogé.
Un bel exemple de chantage politique aux subventions et de l’alignement de Christian Estrosi sur les positions du PS à qui il doit sa victoire aux régionales.
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La BCE face à la nouvelle tourmente financière
Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l’ESSEC
♦ Très bonne chronique économique synthétique et réaliste.
Les armes des politiques économiques, tant budgétaires que monétaires, sont émoussées, face à la crise.
L’économie mondiale se dirigerait-elle vers une nouvelle crise ? Depuis le début de l’année 2016 l’instabilité financière ne cesse de croître, comme l’indiquent de nombreux indicateurs comme la baisse des indices boursiers, la remontée de l’indice VIX mesurant la volatilité des indices boursiers, la hausse des primes de CDS sur les banques européennes ou encore la hausse des taux d’intérêt sur la dette souveraine de pays comme le Portugal, alors que l’or, dans le même temps, est en forte hausse.
Cette tourmente financière est-elle fondée et est-elle le signe avant-coureur d’une nouvelle crise économique? Les éléments objectifs qui pourraient fonder un cycle dépressif sont le ralentissement chinois, le ralentissement des pays exportateurs de matières premières et l’effondrement de l’industrie manufacturière dans les pays développés liées aux industries pétrolières et minières. Le net ralentissement des économies d’un grand nombre de pays au 4ème trimestre 2015 semblerait donner de la substance à ce scénario. L’indice PMI qui mesure l’activité industrielle indique une contraction en Chine et aux Etats-Unis depuis plusieurs mois.
Vers un modèle économique chinois tiré par la consommation
Après des années de croissance, l’économie chinoise semble avoir atteint un pallier difficile à franchir. Les autorités veulent passer d’un modèle tiré par les investissements et les exportations vers un modèle tiré par la consommation, suivant les exemples réussis du Japon et de la Corée du Sud. Cependant, une telle évolution, qui suppose la fermeture des entreprises inefficaces et une réorientation de l’économie, ne pourra pas se faire sans un changement profond des institutions actuelles qui engendrent une corruption systémique et de l’inefficacité productive massive notamment dans le secteur productif public.
Même si sa capitalisation est faible, l’effondrement du marché boursier chinois en dépit de l’interdiction de la vente à découvert, a révélé la fragilité du système financier, dominé par des banques locales dont la gestion du risque laisse beaucoup à désirer. Le mouvement actuel de fuite des capitaux hors de Chine, malgré les barrières à la sortie des fonds, et les difficultés de la Banque Centrale à stabiliser le yuan, renforcent les inquiétudes sur l’aptitude des autorités à gérer un atterrissage en douceur. Le ralentissement chinois se propage depuis un an à l’ensemble du monde via le ralentissement des importations chinoises de produits manufacturés et de matières premières (-18,8% en valeur sur un an).
Tous les pays qui exportent vers la Chine sont touchés directement et tous les pays producteurs de pétrole et de matières premières sont touchés indirectement par l’impact négatif de ce ralentissement sur les prix. Concernant la baisse spectaculaire autant qu’inattendue du prix du pétrole, le ralentissement chinois n’est pas la seule cause mais il y contribue fortement dans un contexte d’offre abondante venant de la guerre entre les pays producteurs, notamment l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis.
L’impuissance des autorités politiques et monétaires
Dans ce contexte macroéconomique objectivement tendu, se rajoute une forte incertitude venant de l’impression que les autorités politiques et monétaires n’ont plus aucun moyen de stimuler l’économie. En effet, les gouvernements sont toujours en phase d’austérité pour gérer l’endettement public massif d’après la crise de 2008 et ont peu, ou pas de marge d’action supplémentaire pour augmenter la dépense publique ou réduire les impôts. En effet, la plupart des dettes nationales frisent l’insoutenable, notamment au Japon, aux Etats-Unis et dans les pays d’Europe du Sud. Même si les taux d’intérêt de long terme sont extrêmement faibles pour l’instant, les politiques de relance par déficit public présentent des risques énormes dans la mesure où le défaut souverain d’un pays développé pourrait provoquer un effondrement complet du système financier.
Les Banques Centrales se doivent de constater qu’après des années de taux d’intérêt de court terme à zéro et d’injections directes de liquidités via le « Quantitative Easing », l’économie mondiale n’est jamais repartie que faiblement et par intermittence, et connaît une nouvelle phase d’incertitude causée par la conjonction du ralentissement et de la désinflation générale.
Un risque de déflation dans la zone euro
Dans la Zone euro tout particulièrement le risque de déflation est toujours présent, avec un taux d’inflation hors prix des aliments et de l’énergie à seulement 0.8% en croissance annuelle sur le mois de Février, et un taux d’inflation général à -0.2%.
Cette situation questionne l’efficacité des politiques monétaires extrêmement expansionnistes mises en place par la BCE. Les injections massives de liquidités via le programme d’achats mensuels d’obligations du Trésor et autres actifs, ainsi que les prêts aux banques à prix cassés, n’ont manifestement pas abouti à la croissance souhaitée des crédits au secteur privé, dont le volume demeure quasiment stable depuis janvier 2015. Il est à craindre qu’une bonne partie de ces liquidités ait été utilisée par les banques pour financer les industries pétrolières et minières actuellement en crise. La chute de ces industries et des secteurs connexes laisse présager la présence de créances douteuses. A ce facteur de risque se rajoute une chute de la profitabilité anticipée des banques provoquée par le passage en négatif des taux d’intérêt sur leurs dépôts auprès de la BCE.
Pas de miracle à attendre
Les investisseurs et les politiques attendent avec impatience des nouvelles mesures de la part de la BCE, que Mario Draghi pourrait annoncer jeudi 10 mars. Il ne faut pas attendre de miracles. Les taux négatifs ont déjà montré leurs limites. L’expansion de la base monétaire par achat d’actifs ne semble pas pouvoir stimuler le crédit. Reste encore non-testée la possibilité d’imprimer des billets et les envoyer par la Poste aux consommateurs. Il n’est pas sûr, cependant, qu’en situation de déflation ces consommateurs ne souhaiteraient pas les garder au fond de leur tiroirs, voire les échanger contre une monnaie censée s’apprécier contre l’euro au fil du temps (dollar, franc suisse).
L’inefficacité des politiques monétaires et budgétaires ne laisse qu’une option possible aux gouvernements de la Zone euro et notamment des pays du Sud de l’Europe. Ils doivent provoquer un choc de confiance et de mobilisation via le lancement d’un programme de réformes structurelles pour libérer l’initiative individuelle, rendre le marché du travail plus flexible et dynamiser l’activité.
Marc Guyot et Radu Vranceanu, 9/03/2016
Source :La Tribune,,
http://www.polemia.com/la-bce-face-a-la-nouvelle-tourmente-financiere/ -
Guerre en Syrie : pour une histoire de pipelines ?
Pourquoi l’U.E. laisse-t-elle les USA l’entraîner dans cette guerre « froide » et peut-être « chaude » avec la Russie ?
Pourquoi l’Union européenne laisse-t-elle les États-Unis l’entraîner dans cette guerre « froide » et peut-être « chaude » avec la Russie, contre ses propres intérêts ? Tout cela pour soutenir l’Ukraine, un des pays les plus corrompus (Le Monde du 5 février 2016) ?
Dans Le Monde diplomatique de juin 2015, Jean-Pierre Chevènement explique que « la russophobie médiatique relève d’un formatage de l’opinion comparable à celui qui avait accompagné la guerre du Golfe en 1990-1991. Cette mise en condition de l’opinion repose sur l’ignorance et l’inculture s’agissant des réalités russes contemporaines, quand ce n’est pas sur une construction idéologique manichéenne et manipulatrice. »
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Ré-industrialisation = Etat-Stratège + Branches Professionnelles - Programme économique du FN #08
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Présentation du Collectif Croissance Bleu Marine
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L'avortement : une charge de plus en plus lourde pour le contribuable
Marisol Touraine l'avait annoncé à maintes reprises : conformément à son programme national d'action pour améliorer l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), 2016 sera l'année du remboursement intégral des actes y afférents (...) Voilà qui sera effectif dès le 1er avril 2016, comme l'indique l'arrêté publié ce jour au journal officiel, relatif "aux forfaits afférents à l'interruption volontaire de grossesse".
Ainsi, à partir du 1er avril 2016, la sécurité sociale prendra en charge des forfaits bien plus élevés que jusqu’à présent, englobant l'ensemble des actes préalables et ultérieures à l'IVG, ainsi que l'IVG instrumentale et médicamenteuse elle-même.
Ces forfaits varient en fonction des établissements publics ou privés, ainsi qu'en fonction du type d'avortement pratiqué, instrumental avec ou sans anesthésie générale, ou médicamenteux.
•Dans les établissements publics et privés à but non lucratif (mentionnés aux a, b, c de l'article L162-22-6 du code de la sécurité sociale) : le forfait prévu pour une IVG instrumentale augmente d'environ 30 euros par IVG. Le forfait prévu pour une IVG médicamenteuse augmente d'environ 90 euros par IVG.
•Dans les établissements privés ayant conclu "un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'Agence régionale de santé" (mentionnés au d de l'article L162-22-6 du code de la sécurité sociale) : le forfait prévu pour une IVG instrumentale augmente d'environ 30 euros par IVG. Le forfait prévu pour une IVG médicamenteuse augmente d'environ 60 euros par IVG.De manière générale, le forfait relatif à l'IVG médicamenteuse prend désormais en charge les investigations préalables par méthode échographique et biologique, les investigations ultérieures à l'intervention par méthode biologique, et éventuellement la réalisation d'une échographie de contrôle ultérieure à l'intervention. Le prix fabricant hors taxe des boîtes de comprimés utilisées pour procéder à une IVG médicamenteuse est moins cher de deux euros.
Autant de mesures qui pèseront lourd sur le contribuable qui finance désormais intégralement les 220 000 IVG réalisées par an. Une prise en charge totale qui n’a pas d’équivalent pour les femmes enceintes qui donneront naissance à leur enfant."
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Chaque immigré va nous coûter en moyenne 450.000 euros, selon une étude allemande
Hans-Werner Sinn, directeur de l’Institut Ifo de Munich pour la recherche économique, dresse un sombre tableau des coûts de l’accueil des demandeurs d’asile.
Selon les calculs des chercheurs de cet institut, l’Etat providence allemand va devoir débourser au moins 450 milliards d’euros pour le million de demandeurs d’asile qu’elle a laissé entrer.
Cela signifie 450.000 euros par immigré. Mais en vérité, ces coûts pourraient être encore beaucoup plus élevés.
Car les calculs sont vraisemblablement trop optimistes au sujet de l’arrivée des immigrés sur le marché du travail. La plupart d’entre eux n’ont aucune formation. Près de 20 % sont mêmes analphabètes. Comment imaginer qu’ils trouveront un emploi après leur régularisation administrative ?
Déjà aujourd’hui, en Allemagne, les immigrés représenteraient au moins 25 % des dépenses de l’aide sociale.
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Le 53e Salon International de l’Agriculture ne changera rien à la grande faillite du monde paysan
Loup Mautin, agriculteur en Normandie, écrit dans Nouvelles de France :
"Le grand rendez-vous agrico-médiatique annuel vient de fermer ses portes au parc des expositions de Paris. A l’heure du bilan, c’est le sentiment d’une immense occasion ratée qui prédomine. Nous avons vu les banderoles et les t-shirts, nous avons entendus les sifflets et les invectives, nous avons assisté au chahut des éleveurs sur le stand du ministère de l’agriculture, nous avons attendu le commissaire Phil HOGAN à la porte de sa voiture fuyant les lieux, mais tout cela nous laisse sur notre faim.
Vitrine artificielle d’un monde pourtant bien réel, le 53e Salon International de l’Agriculture ne changera rien à la grande faillite du monde paysan. 40% des exploitations françaises connaissent des difficultés financières et nombreuses sont celles qui disparaitront avant la fin de l’année… probablement sans bruit, mais avec leurs drames et leurs souffrances.
Il s’agit là d’un monde que nous connaissons bien et que nous aimons.
Ce sont les paysans du bout des chemins, ceux qui commencent tôt et finissent tard, les pieds dans la boue, les mains gelées et qui ne sont pas allés à Paris. D’ailleurs ils ne vont jamais à la capitale et en sont fiers. Ils ont bien le temps de s’arrêter quelques instants pour boire un café ou rendre un service mais leur travail les préoccupe. Les vêlages, la traite, les travaux des champs sont la priorité. Leur labeur les passionne même s’ils savent que tout cela ne rapporte rien en ce moment. Il faut pourtant tenir comme l’ont fait avant eux leurs parents et leurs grands-parents. Ils ne sont pas dépensiers et possèdent bien quelques économies accumulées lors des bonnes années, mais cette fois la crise est sérieuse. Ils ne le savent pas, mais ils ont été sacrifiés. Alors, ils disparaîtront car leur modèle a été jugé obsolète par l’UE. La lenteur des cycles naturels repoussera l’échéance et fera traîner la fin mais elle sera inéluctable. Contraints et forcés, ils éprouveront alors la honte car ils considèreront cette liquidation comme leur échec. Ils souffriront de la publicité qui en sera faite car à la campagne tout se voit et tout se sait, mais ils ne diront rien.
Les raisons de cette faillite sont connues. Elles tiennent, surtout, à l’implosion du modèle agricole français qui a perdu toutes ses protections au profit de la concurrence libre et non faussée du grand marché mondial sans frontières, sans régulation, sans quotas, promue par la commission européenne. Son modèle? Les usines agricoles allemandes, avec main d’œuvre bulgare payée à la roumaine, dont les produits ont donné le coup de grâce à nos éleveurs à qui on avait pourtant assuré que les tarifs étaient imbattables.
Il est encore temps d’éviter cet immense gâchis car la France est auto-suffisante dans de nombreuses productions et si nous protégions le marché français, que nous distribuions dans les restaurants et les cantines les produits de nos régions, nous arriverions à revaloriser nos produits.
Protégez-nous, rendez-nous notre souveraineté !"
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La décroissance dans un seul pays par Georges FELTIN-TRACOL
Interrogé au printemps 2013 par l’organe de presse trostko-bancaire Libération, un certain Vincent Liegey qui se revendique décroissant, déclarait : « Nous voulons une relocalisation ouverte. Il faut produire localement – cela a un sens écologique et humain -, mais garder les frontières ouvertes pour les biens et surtout pour les personnes : voyages et rencontres favorisent le bien-être et la culture (1). » Cette assertion est typique de la mentalité hyper-moderne, nomade et fluide de l’Occidental globalitaire. Son auteur croît s’opposer à la mondialisation en prônant une relocalisation ouverte. Il réalise une chimère, le glocal, et ne comprend pas que le tourisme intercontinental et l’immigration de peuplement empêchent de facto toute véritable relocalisation des activités, des productions, des biens, des investissements et des personnes. Grand naïf politique, le dénommé Liegey ne mentionne pas en plus l’impact écologique désastreux des transports touristiques de masse sur les écosystèmes. Si ses voyages s’effectuaient à pied, en vélo, en train ou à marine à voile, il serait cohérent. En revanche, s’il prend avions et bagnoles, la schizophrénie le guette !
Fort heureusement, et n’en déplaise à ce décroissant du samedi soir, les grands flux touristiques internationaux commencent à se tarir comme le signale le géographe Christophe Guilluy : « Rappelons que le tourisme international, qui n’a cessé de se développer et qui est une ressource économique importante pour bon nombre de pays, ne profite en réalité qu’à la marge aux populations autochtones. Notons par ailleurs que ce secteur économique peut avoir des conséquences particulièrement négatives sur l’environnement (dégradation des milieux naturels, empreinte écologique liée au transport…) et déstructurer les cultures et identités du plus grand nombre, notamment des plus modestes. On le voit, la mobilité des individus atteint aujourd’hui ses limites physiques et écologiques, mais aussi culturelles avec le déplacement de catégories moyennes et supérieures dans des zones souvent précarisées (2). » Dans une courte et charmante nouvelle, le journaliste Marc Dem envisageait la fin du monde moderne. « D’une trentaine d’accidents d’avions de ligne par an, on passa à soixante en un mois. Les appareils privés et les avions militaires furent atteints du même mal. On finit par interdire les vols, et la terre devint plus grande (3). » Limiter les trajets intercontinentaux, surtout s’ils sont commerciaux et touristiques, scandalise à coup sûr les « progressistes » de l’écologie de marché, mais absolument pas le principal théoricien de la décroissance, Serge Latouche, qui annonce une « autre réduction nécessaire : le tourisme de masse. L’âge d’or du consumérisme kilométrique est derrière nous (4) ». Cet universitaire venu du tiers-mondisme rejoint le catholique de tradition Marc Dem, puisqu’il ajoute : « Pour cause de pénurie de pétrole et de dérèglement climatique, voici ce que l’avenir nous promet : toujours moins loin, toujours moins souvent, toujours moins vite et toujours plus cher. À vrai dire, cela ne devient dramatique qu’en raison du vide et du désenchantement qui nous font vivre de plus en plus virtuellement alors que nous voyageons réellement aux dépens de la planète. Il nous faut réapprendre la sagesse des âges passés : goûter la lenteur, apprécier notre territoire (5). »
Il y a par conséquent une béance profonde fondamentale entre un soi-disant décroissant et le père de la décroissance en France. Serge Latouche prévient que « le “ bougisme ”, la manie de se déplacer toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus souvent (et pour toujours moins cher), ce besoin largement artificiel créé par la vie “ surmoderne ”, exacerbé par les médias, sollicité par les agences de voyages, les voyagistes et les tour-opérateurs, doit être revu à la baisse (6) ».
En revanche, ces deux catégories de décroissants s’accordent volontiers sur une conception irénique de la décroissance. Serge Latouche garde toujours un réel attachement à la sensibilité progressiste des Lumières. N’affirme-t-il pas que « la décroissance […] entend reprendre à frais nouveaux le programme d’émancipation politique de la modernité en affrontant les difficultés que pose sa réalisation (7) » ? Il confirme que pour lui, « la décroissance reprend de manière renouvelé […] le projet de l’émancipation de l’humanité des Lumières (8) ». Il modère son projet de société décroissante qui « implique certes une remise en question de l’individualisme exacerbé et la reconnaissance de l’héritage du passé, mais pas un retour à des féodalités et à des organisations hiérarchiques (9) ». Comme la très grande majorité des écologistes, il évacue tout concept de puissance et paraît ignorer l’essence du politique qui, selon Julien Freund, s’organise autour des polarités privé – public, commandement – obéissance et ami – ennemi (10).
Cette méconnaissance (voire ignorance) fâcheuse se retrouve chez des « écologistes intégraux » d’inspiration chrétienne pour qui « prôner l’écologie humaine, c’est promouvoir une “ éthique de la non-puissance ” (Jacques Ellul) (11) ». L’affirmation prouve une parfaite impolitique qui condamne à moyen terme la pérennité de toute collectivité humaine. Directeur de la thèse de Julien Freund en 1965, Raymond Aron rappelait qu’« il est facile de penser la politique, mais à une condition : en discerner les règles et s’y soumettre (12) », ce que ne font pas les écologistes.
Il manque encore à la décroissance tout une dimension politique et stratégique. De nombreux décroissants raisonnent toujours à l’échelle de leur potager dans le « village global » interconnecté alors que la raréfaction croissante des ressources inciterait à envisager au contraire une société fermée, qu’elle soit nationale ou bien continentale dans le cadre de l’« Europe cuirassée » chère à Maurice Bardèche. En effet, « c’est […] bien une société de rupture qu’il faut ambitionner, annonce l’anarcho-royaliste français Rodolphe Crevelle, quitte à mépriser tous les clivages politiques antérieurs, quitte à paraître donquichottesque ou ridicule, ou rêveur, ou utopique… (13) ». Nourris par les traductions anglaises des écrits de l’écologiste radical finlandais Pentti Linkola dans lesquels se conjuguent écologie, décroissance et puissance militaire, Rodolphe Crevelle et son équipe du Lys Noir soutiennent une vision singulière de l’« écolo-décroissance ». « La préservation de l’Homme ancien “ dans un seul pays d’abord ”, ouvre la perspective d’un isolat forteresse assiégé parce que celui-ci constituera le mauvais exemple, le mouton noir du monde, un démenti à la “ fête ” globale planétaire (14). » Certes, « il faut […] convenir que l’autarcie est une question d’échelle. Elle est particulièrement difficile à instaurer dans un petit pays sans diversité économique, elle est plus facile à supporter dans une grande économie diversifiée. Et on peut même affirmer que l’autarcie à l’échelle d’un continent riche peut compter aujourd’hui sur quelques défenseurs (15) ». Ils estiment non sans raison que « la France possède tous les moyens technologiques et humains de l’autarcie. Elle est même pratiquement un des seuls pays au monde à pouvoir organiser volontairement son propre embargo ! (16) ». « L’écologie extrême […] est notre dernière chance de discipline collective et d’argumentation des interdits, insiste Rodolphe Crevelle (17) ».
Avec des frontières réhabilitées, sans la moindre porosité et grâce à des gardiens vigilants, dénués de remords, la société fermée décroissante adopterait vite la notion de puissance afin de tenir à distance un voisinage plus qu’avide de s’emparer de ses terres et de ses biens. Elle pratiquerait une nécessaire auto-suffisance tant alimentaire qu’énergétique. Mais cette voie vers l’autarcie salutaire risque de ne pas aboutir si la population n’entreprend pas d’elle-même une révolution culturelle et un renversement complet des consciences. « Outre l’autarcie économique européenne, il faudrait mieux encore parler d’autarcie technique, d’auto-isolement sanitaire; d’un refus de courir plus loin et plus vite vers le précipice, vers le monde de “ science-fiction contemporaine ” qui s’est installé sur toute la planète dans la plus parfaite soumission des gauchistes et des conservateurs (18). » L’auto-subsistance vivrière deviendra un atout considérable en périodes de troubles politiques et socio-économiques. « Tant que la perspective d’un soulèvement populaire signifiera pénurie certaine de soins, de nourriture ou d’énergie, il n’y aura pas de mouvement de masse décidé, prévient le Comité invisible. En d’autres termes : il nous faut reprendre un travail méticuleux d’enquête. Il nous faut aller à la rencontre, dans tous les secteurs, sur tous les territoires où nous habitons, de ceux qui disposent des savoirs techniques stratégiques (19). »
« L’autarcie est en effet le seul moyen envisageable pour brider doucement le capitalisme chez soi quand celui-ci devient trop ravageur, trop destructeur de cultures remarquables et de sociabilités anciennes (20). » Pour sa part, Serge Latouche explique que « la société de décroissance implique un solide protectionnisme contre les concurrences sauvages et déloyales, mais aussi une large ouverture sur les “ espaces ” qui adopteront des mesures comparables. Si, comme le disait déjà Michel Torga en 1954, “ l’universel, c’est le local moins les murs ”, on peut réciproquement déduire que le local c’est l’universel avec des frontières, des limites, des zones tampon, des passeurs, des interprètes et des traducteurs (21) ».
Provocateur à souhait, Le Lys Noir aime saluer le modèle ruraliste autoritaire des Khmers Rouges. Or, mieux que l’ancien Kampuchéa démocratique, la conciliation réussie d’une relative décroissance à une exigence élevée de puissance politique, militaire et stratégique correspond parfaitement aux principes coréens du nord du Juche et du Songun. Surmont un embargo international draconien, la République démocratique et populaire de Corée s’est invitée d’office aux clubs très fermés des États détenteurs de la force nucléaire et des puissances spatiales (22).
Au risque de choquer encore plus les rédacteurs bien-pensants du mensuel La Décroissance, ces rêveurs d’un monde ouvert aux quatre vents, la décroissance n’est-elle pas finalement populiste, voire horresco referens poujadiste ? Admirateur du papetier de Saint-Céré, Rodolphe Crevelle pense qu’« aujourd’hui, Poujade serait peut-être décroissant; il plaiderait une honnête frugalité, la relocalisation, le commerce de proximité, l’agriculture biologique, le bio-carburant, la dénonciation des perversions de la grande distribution, le maintien des services publics en zone rurale, le “ small is beautiful ”, les gîtes ruraux, les maisons de pays et de terroir, la vente directe… (23) ». Nouvelle exagération de sa part ? Pas du tout, surtout si on comprend que « la décroissance est […] simplement une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont précédé à une critique radicale du développement et veulent dessiner les contours d’un projet alternatif pour une politique de l’après-développement. Son but est une société où l’on vivra mieux en travaillant et en consommant moins (24) ».
Pour une question d’efficacité, une économie élaborée sur des mesures décroissantes ne peut être que d’échelle nationale ou continentale en étroit lien organique avec les niveaux (bio)régional et local. Il ne faut pas omettre que « le local n’est pas un microcosme fermé, mais un nœud dans un réseau de relations transversales vertueuses et solidaires, en vue d’expérimenter des pratiques de renforcement démocratique (dont les budgets participatifs) qui permettent de résister à la domination libérale (25) ». On réactualise une pratique politique traditionnelle : « L’autorité en haut, les libertés en bas ». Faut-il pour autant valoriser lelocal ? Non, répond le Comité invisible pour qui le local « est une contraction du global (26) ». Pourquoi cette surprenante défiance ? Par crainte de l’enracinement barrésien ? Par indécrottable altermondialisme ? « Il y a tout à perdre à revendiquer le local contre le global, soutient l’auteur (collectif ?) d’À nos amis. Le local n’est pas la rassurante alternative à la globalisation, mais son produit universel : avant que le monde ne soit globalisé, le lieu où j’habite était seulement mon territoire familier, je ne le connaissais pas comme “ local ”, le local n’est que l’envers du global, son résidu, sa sécrétion, et non ce qui peut le faire éclater (27). »
Associée à la crise économique et à l’occupation bankstériste, l’immigration de peuplement de masse en cours va de plus en plus perturber nos vieilles sociétés européennes. « La sombre invasion, constate Crevelle, est bien notre unique et dernière occasion de mouvement collectif brutal… Notre dernière chance de solidification des peuples contre l’État et les marchés… (28) ». Une décroissance identitaire et autarcique comme vecteur de révolution des identités ancestrales enracinées d’Europe, voilà une belle idée explosive !
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : dans Libération, le 23 avril 2013.
2 : Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2014, pp. 118 – 119.
3 : Marc Dem, « La fin des haricots », dans 70 contes rapides, Les éditions Choc, 1989, p. 52.
4 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 70, 2010, p. 64.
5 : Idem, p. 65.
6 : Id., p. 65.
7 : Serge Latouche, Vers une société d’abondance frugale. Contresens et controverses sur la décroissance, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 76, 2011, p. 72.
8 : Idem, p. 82.
9 : Id., p. 82.
10 : cf. Julien Freund, L’essence du politique, Dalloz, 2004. On a déjà fait part de ces critiques politologiques dans Georges Feltin-Tracol, « Une revue quelque peu limitée », mis en ligne sur Europe Maxima, le 1er novembre 2015, et Georges Feltin-Tracol, « Petit traité de bioconservatisme », mis en ligne sur Europe Maxima, le 28 février 2016.
11 : Gaultier Bès (avec Marianne Durano et Axel Nørgaard Rokvam), Nos limites. Pour une écologie intégrale, Le Centurion, 2014, pp. 107 – 108.
12 : Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983, p. 136.
13 : Rodolphe Crevelle, Mon cher entre-soi. Écrits politiques d’un activiste, Éditions des Lys noirs, 2014, p. 448.
14 : Idem, p. 439.
15 : Id., p. 486.
16 : Id., p. 489.
17 : Id., p. 98.
18 : Id., p. 453.
19 : Comité invisible, À nos amis, La Fabrique, 2014, p. 96.
20 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 485.
21 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 76.
22 : cf. Georges Feltin-Tracol, « La Corée du Nord au-delà des clichés », mis en ligne sur Europe Maxima, le 24 janvier 2016.
23 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 16.
24 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 22.
25 : Idem, p. 77.
26 : Comité invisible, op. cit., p. 191.
27 : Idem, pp. 190 – 191.
28 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 335.