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économie et finance - Page 643

  • Poutine me fait peur…

    Il est temps de dire la vérité sur « l’abominable nouveau tsar du Kremlin »

    Il est grand temps de dénoncer haut et fort Vladimir Poutine. D’abord sur le plan économique. Car qu’a-t-il fait depuis 15 ans, concrètement ? Le pouvoir d’achat des Russes : il a doublé. L’inflation : passée de 100 % à presque rien.

     La balance commerciale : largement redressée et désormais excédentaire. Le taux d’emploi : en très forte hausse. La dette publique : passée de 90 % du PIB à 10 %. La pauvreté : divisée par 2. Bref, les chiffres parlent d’eux-mêmes : un échec lamentable.

    Au niveau politique : des élections régulières, de gros succès électoraux – bien loin de la situation de nos alliés en Chine ou en Arabie Saoudite. Évidemment, sa côte de popularité n’est jamais descendue sous les 65 % d’opinions positives, et elle est remontée à 80 % actuellement – tout ceci étant prévisible vu les chiffres économiques catastrophiques précédemment avancés. D’ailleurs, on se rend bien compte que les chiffres sont évidemment truqués, Obama plafonnant à 40 %, Hollande étant descendu à 15 %, et le taux d’approbation du Congrès américain venant de réussir l’exploit d’atteindre un seul chiffre, avec 9 % de satisfaction des Américains. [...]

    Olivier Berruyer - La suite sur Causeur

  • L’union européenne contre nos salaires

    Ex: http://www.terreetpeuple.com

    L’Europe libérale qui s’est construite à Bruxelles n’avait pas de prérogatives particulières pour agir directement sur les questions salariales, qui restaient du ressort de chaque pays, et de ses partenaires sociaux. Pourtant grâce aux différentes politiques économiques dictées aux gouvernements, qui ont accepté d’abandonner leurs prérogatives économiques, elle n’a cessé d’attaquer l’emploi et les salaires pour installer le libéralisme économique et ensuite permettre à l’euro de d’exister.

    Le projet européen, portait, sur ses fonds baptismaux (avec le traité de Rome), l’idée d’amélioration des conditions de vie. Il est temps de faire un bilan de ces promesses, et de voir quelle a été l’action réelle de cette Europe des marchands et des financiers, qui a sacralisé le règne de la mondialisation et des systèmes économiques ouverts, au détriment de la qualité de vie des peuples.

    Consciente des coups portés aux salaires et au pouvoir d’achat, l’UE n’ambitionne plus d’améliorer nos conditions de vie ; sa stratégie « UE 2020 » (* 1 p 99) envisage seulement de réduire la pauvreté ! Que de promesses trahies, que d’ambitions remisées ! Nous allons le détailler, par de nombreux moyens l’UE n’a cessé d’attaquer les salaires et de limiter leur progression.

    Ambitions de nivellement de la construction

    A la sortie de la guerre cette idée d’amélioration du niveau de vie fut martelée aux peuples européens, notamment dans l’article 2 du traité de Rome : « … conduire à un relèvement accéléré du niveau de vie ». Pour y parvenir sont notamment engagées des politiques visant à tenter de réduire les déséquilibres entre les différentes régions d’Europe. L’objectif sous jacent était d’éviter de laisser des zones pauvres, ou le chômage augmenterait, car on savait que si le chômage augmentait, certaines entreprises seraient tentées de délocaliser au sein du marché unique sans frontières (encore à naitre). Les économistes savaient aussi que les salariés seraient prêts à accepter des salaires plus bas… s’ils étaient confrontés durablement au chômage. Au début, ils ont tenté de lutter contre cela.

    La crise de 1973 avait fait de la lutte contre l’inflation une priorité absolue. La cible désignée est alors le salaire qui sera qualifié d’ennemi de l’inflation et de l’emploi (* 1 p 101), rien d e moins ! 1973 c’est aussi l’entrée dans l’UE de l’Angleterre convertie au néo libéralisme :  le monétarisme sera la nouvelle religion économique à laquelle tous vont se convertir, notamment Giscard et Pompidou qui priveront la France de son droit à battre monnaie, endettant ainsi durablement la France !

    L’Acte Unique de 1986 qui instituera le marché unique et la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux aura des conséquences lourdes ; car de fait l’harmonisation sociale voulue à travers le rééquilibrage des régions étant un échec, on va voir des entreprises se déplacer pour aller là où les coûts de production pourront être optimisés : certains cibleront des salaires plus bas, d’autres iront là où la fiscalité est plus favorable pour moins payer d’impôts. On constate ici un des échecs majeurs de l’objectif d’intégration économique et fiscale à l’intérieur de l’UE : les pays ne veulent pas que l’on touche à leurs avantages économiques. Les perdants ? Les salariés qui sont mis en compétition entre eux, mais l’euro n’était pas encore né ; les nations pouvaient encore jouer avec leurs monnaies et dévaluer pour compenser les chocs…

    De la fin du partage des gains de productivité…

    Naitra dans cette période l’idée centrale d’abandonner l’indexation des salaires sur les prix et l’inflation. C’est à partir de cette période (1983 en France, avec la désinflation compétitive = arrêt de l’évolution des salaires au même rythme que les prix) que les revenus du capital vont grossir au détriment des revenus du travail. C’est sous gouvernance socialiste que les revenus affectés au travail vont perdre 11 % et que les revenus affectés au capital vont regagner ces 11 % dans la répartition de la richesse produite (valeur ajoutée). La stratégie sera européenne, et nous avons tous été plumés de la même manière:

    … à la modération salariale

    L’autre conséquence du marché unique, c’est que désormais, on ne peut plus redistribuer les surplus en salaires, étant donné la concurrence salariale ; alors nait la politique de modération salariale, impulsée par l’UE. Avant on se battait pour se répartir les gains de productivité ; désormais les gains de productivité ne peuvent plus être redistribués aussi généreusement face à la rivalité apportée par l’ouverture des frontières, et on commence à se serrer la ceinture. Tout a été rendu possible par la « mauvaise fée » mondialisation.

    Des profits qui augmentent donc de 11 % et qui ne seront pas réinvestis dans la création d’entreprises, car ils iront directement dans la poche des actionnaires « spéculateurs ». Augmentant ainsi structurellement le chômage, avec une population qui augmente, et des investissements non réinvestis pour créer de l’emploi « productif ».

    Culpabilisation des salariés disposant d’un emploi…

    L’UE a ouvert les frontières et imposé la compétition avec des pays moins disants, et il faut alors il faudra s’estimer heureux d’avoir un emploi, apprendre à ne plus réclamer, et s’habituer à perdre ce qui avait été gagné.

    La stratégie née hier porte ses fruits aujourd’hui : désormais avoir un cdi est un problème et il faut flexibiliser le travail, pour permettre à ceux qui en ont un, de le partager avec ceux qui n’en ont pas. En 1994 (* 1 p 104) l’OCDE publiait sa stratégie pour l’emploi, centrée sur «l’accroissement de la flexibilité des coûts salariaux, la réduction de la sécurité de l’emploi (sic !), et la réforme des systèmes d’indemnisations du chômage ». Tout un programme repris par l’UE avec zèle.

    L’OCDE en 1996 incitait à suivre l’Angleterre où « la réduction des rigidités du marché du travail a permis une réduction du chômage structurel ». Bonne application des principes précédents.

    Alors on a commencé à fragiliser le statut du salarié, et à remettre en cause les contrats fixes. Se sont alors développés les contrats à temps partiels, les cdd, l’intérim…

    Au lieu d’harmoniser le niveau de vie par le haut, l’UE, meilleure élève de la mondialisation, précarise, flexibilise, et appauvrit ! Tel est son bilan, depuis bien trop longtemps.

    Sans pouvoir d’achat pas de consommation…

    La part des salaires dans la valeur ajoutée est revenue à des niveaux très inférieurs à ceux de 1960… (* 1 p 102). Si bien que nos ménages ne peuvent plus consommer comme avant. C’est forcément problématique dans une économie nationale ou la consommation représente 70 % de la valeur ajoutée générée chaque année.

    Là encore le germe du mal qui ronge notre économie a été semé il y a bien longtemps ! Et il ne va faire que s’amplifier dans les mois qui viennent. Car avec des salaires rabotés, la consommation trinque ; et si la consommation trinque, les entreprises trinquent aussi. Spirale infernale…

    Pourtant il faut continuer la rigueur salariale, car face à la mondialisation les libéraux nous disent que c’est le seul chemin viable. Alors pourquoi ne pas sortir du système ouvert et mondialisé, et revenir à quelque chose de moins grand, de mieux délimité et de plus protecteur ? Une Europe plus soucieuse de ses peuples et de ses propres intérêts !

    Au lieu de cela on s’enferme dans la course à la moins disance salariale… mais cela ne suffit pas à l’Europe libérale.

    Après les coûts salariaux voici arriver les coûts non salariaux !

    L’UE qui a imposé la baisse directe des coûts salariaux, agit désormais pour la réduction des coûts non salariaux qui font aussi la protection sociale et les services publics.

    Mais le libéralisme traque toutes les dépenses qu’il estime inutiles ; eh bien oui, car cet argent qui va au financement de la protection sociale ou des services publics cela pèse sur la compétitivité des entreprises, alors il faut le raboter encore ! Tant pis pour la solidarité avec ceux des nôtres qui n’ont rien : le règne de l’argent est institué.

    On l’oublie trop souvent l’instigateur de cette politique, ce fut jacques Delors avec son livre Blanc de 1993 (* 1 p 103) qui avait mis l’accent « sur la nécessaire réduction des coûts non salariaux ». En 1999 la suite logique de cette politique est d’encourager les états à réduire les cotisations sociales tout en maintenant le pouvoir d’achat immédiat, afin de lutter face aux compétiteurs américains ou asiatiques, dépourvus ou presque de protection sociale.

    Tant pis si on est malade, sans emploi, on touchera moins. C’est à cette époque qu’on a mis fin aux prés retraites, qui coutaient tant aux dépenses publiques.

    Depuis toujours l’UE sanctifie le libéralisme économique au détriment du bien être des peuples. Mais elle condamne les conséquences de ces mêmes politiques !

    Les bons élèves sur lesquels il faut prendre modèle ce sont bien sûr les Anglais, et parmi les nouveaux dans la classe, la Pologne ! Oui car ces deux pays ont des ratios de dépenses adaptées aux exigences des libéraux ! Sauf que dans ces pays là, et surtout chez les British la pauvreté des enfants se développe (600 000 de plus depuis les coupes budgétaires récentes du premier ministre Cameron) !  Et que les mêmes Anglais viennent se faire soigner en France tant leur système de soin est pourrit ! La même « Commission déplore la mauvaise qualité des infrastructures britanniques, le fort taux d’illettrisme, le faible niveau de qualification de nombreux travailleurs, le difficile accès aux gardes d’enfants, l’importance des emplois précaires, l’étendue de la pauvreté… L’Angleterre qui a les pieds dans l’eau car il fallait couper dans les dépenses d’entretien des infrastructures. En résumé, la Commission reproche aux Anglais de posséder les caractéristiques d’un pays libéral, celles-là même qu’elle recommande aux autres pays » (* 1 p 116 et 117). En Pologne, la pauvreté au travail est devenue très importante, et la difficulté pour accéder au système de chômage est tellement restrictive que la commission de l’UE (toujours elle) lui demande de l’adoucir !

    La trahison des syndicats et des élites

    En 1997 l’UE ambitionnait de promouvoir « le modèle social européen », qui nous différenciait de nos partenaires politiques, mais néanmoins rivaux économiques anglo-saxons. Mais dans le même temps on préparait l’arrivée de l’euro, qui entrera en scène en 1999.

    La BCE est la gardienne du temple ; c’est elle qui veille à ce que l’inflation ne dépasse pas les 2 % (contrairement à la FED américaine qui peut relancer l’économie, la BCE n’a pas cette mission salvatrice pour les peuples). Pour ce faire elle incite les Etats et les partenaires sociaux (syndicats de patrons et d’ouvriers) à la modération salariale, afin de garantir la stabilité des prix. On retrouve ici l’impardonnable choix des syndicats qui ont accompagné ce projet de mondialisation économique (autre forme d’internationalisation). En jouant le jeu de la mondialisation ils se sont pris dans les mailles de ce filet qui les rend quasiment inefficaces aujourd’hui, trahissant ainsi les plus modestes qu’ils devaient défendre !

    En 1998 la commission déclarait que « l’objectif de maintenir la modération salariale grâce à un renforcement du dialogue social » est à conserver !!! Les objectifs annoncés étaient de faire baisser de 20 à 30 % les salaires des activités peu qualifiées ! (* 2 P 123)

    La modération salariale sera mise en œuvre en France avec la loi sur les 35 h, puisque la contrepartie de la réduction du temps de travail ce furent pour les grosses entreprises 28 milliards annuels d’exonérations de cotisations sociales (exonérations Fillon qui sont versées aux entreprises qui versent des salaires inférieurs à 1,6 smic), et des gels de salaires sur plusieurs années. Le second volet des 35 H ce fut la généralisation de l’annualisation (modulation du temps de travail adapté aux périodes hautes et aux périodes basses, sur une année) : de fait les heures supplémentaires seront réduites dans de nombreux secteurs d’activités, et on aura ainsi permis de faire baisser le coût du travail, subtilement.

    Sans cette coalition composée des syndicats, des gouvernements nationaux et de la commission Européenne, rien n’aurait été possible (* 1 P 118). C’est cette coalition qui a rendu possible ces politiques. D’où cet affreux sentiment d’incapacité qui nait dans nombre d’organisations et de mouvements : on a l’impression qu’on ne peut rien faire ! Eh oui car en ayant accepté ces règles du jeu, effectivement on ne peut que subir… ou se révolter et exiger une révolution, pour changer l’époque et le socle qui la conditionne.

    De fait tous les gouvernements qui ont participé au pouvoir bien avant 1999, date de mise en service de l’euro, ont accepté de sacrifier les salaires. Ces derniers sont la seule variable d’ajustement avec les prix pour avoir une monnaie stable, nous le verrons un peu plus loin.

    Et le chômage alors ?

    L’OCDE indique que nos pays ne devraient pas avoir un taux de chômage inférieur à 10 %, c’est déjà le meilleur moyen d’empêcher que les salaires augmentent. Le taux de chômage n’accélérant pas l’inflation (NAIRU en anglais) est un indicateur économique surveillé depuis longtemps pour empêcher l’inflation des salaires.

    Mais leur cynisme va encore plus loin : pour les eurocrates et les libéraux, avoir un chômage élevé ne veut pas forcément dire qu’on ne trouve pas suffisamment de main d’œuvre, ou que l’on a une activité insuffisante... Eux pensent que c’est plutôt un ajustement prix/salaires qui doit se réaliser : si le chômage augmente c’est par ce que les prix et les salaires ne baissent pas assez (* 1 P 112/113). Alors ils mettent en œuvre des programmes pour moins indemniser les chômeurs, et ainsi les obliger à accepter les salaires plus bas que ne manqueront pas de leur proposer leurs futurs employeurs…

    C’est ce qu’a fait l’Allemagne avec ses célèbres lois Haartz (mini jobs et chômage indemnisé à 1 €/ heure), ce que tente de faire la France en ce moment. L’Elysée a même confirmé que Mr Haartz est venu présenter sa méthode au gouvernement Hollande fin janvier 2014…

    On voit ici se réaliser l’article 4 de la Charte sociale Européenne (* 2 p 120) : qui affirme « le droit à une rémunération suffisante pour assurer au travailleur et à sa famille un niveau de vie suffisant ». Non c’est une blague, la charte sociale est restée à l’état de projet et ni la CEE ni l’UE ne l’ont validé.

    Une Europe sociale pourtant plébiscité par la France lors du référendum de 2005, qui dira NON à plus de libéralisme. Sarko bafouera tout cela en 2008 en faisant voter le Congrès qui adoptera le traité au mépris de la volonté populaire (ce sont les mêmes qui conspuent la Suisse et ses référendums démocratiques).

    Ajuster les salaires et les prix pour sauver l’euro ?

    Avec la mise en place de l’union monétaire, d’autres problématiques sont apparues, car au sein d’un système de change fixe, il n’est plus possible de compenser les écarts de compétitivité entre pays par des dévaluations des monnaies nationales. Cela a remis au centre du débat la question de la compétitivité prix, et des salaires disparates dans la zone, qu’il faudrait donc encore raboter selon la doctrine libérale...

    Pour que la zone euro soit une Zone Monétaire Optimale (ZMO, concept développé par Robert Mundell) (* 3 p 72, 73), il faut remplir certains critères.

    Critères économiques : Intégration financière, Intégration fiscale

    Critères sociaux et politiques : Homogénéité institutionnelles, Similarités des comportements et des préférences

    Des mécanismes d’ajustement permettant de rétablir les équilibres si les critères d’harmonisation ci-dessus échouent : mobilité du travail, flexibilité des prix et des salaires.

    Quasiment aucun de ces critères n’ont pût être réalisés pleinement, alors on se sert des mécanismes d’ajustement, sur les prix et les salaires, pour que l’euro puisse se maintenir. Enfin pour les prix on essaye, nous y reviendront…

    Car si avant 1999, pour rétablir les déséquilibres constatés entre les pays, on pouvait jouer sur le taux de change de sa monnaie, désormais on ne peut plus dévaluer les monnaies nationales !

    Delors (toujours lui) et son livre blanc de 1993 relevait l’incohérence entre les objectifs fixés par les autorités monétaires nationales pour combattre l’inflation (et permettre l’arrivée de l’euro), et les hausses de salaires consenties (* 2 p 122).

    Le pacte pour l’euro plus signé en 2011 (* 1 p 109) par 23 gouvernements décrit les efforts que les états se demandent eux-mêmes pour préserver leurs modèles sociaux (humour ?) : suppression des mécanismes d’indexation des salaires, surveillance des coûts unitaire de main d’œuvre, ouverture à la concurrence de secteurs protégés (gaz, électricité, taxis (étonnant non, l’arrivée des VTC en concurrence aux taxis), services postaux, transports…). Il est aussi demandé de développer la fléxisécurité (= plus de flexibilité à opposer aux travailleurs et normalement plus de sécurité avec un meilleur accès à la formation (d’où la réforme récente) et des périodes de chômage mieux indemnisées (cause toujours).

    L’UE demandera aussi à « procéder à une fixation appropriée des salaires des fonctionnaires, en raison du signal que cela envoie au secteur privé ». (* 1 p 110). D’où le gel des indices depuis plusieurs années.

    L’UE engage des démarches pour déconstruire ce qui avait permis aux salaires de progresser, à savoir la négociation collective (* 1 p 111) : « la décentralisation des négociations salariales doit permettre à l’économie d’être plus flexible. Il s’agit de la colonne vertébrale des réformes européennes en matière de salaire ». Décentralisation des négociations cela veut dire quoi ?

    Cela veut dire qu’il ne devra plus y avoir de coup de pousse au SMIC par le gouvernement, par exemple, mais aussi qu’il faudra permettre de faire des entorses aux conventions collectives, ou bien même de permettre de signer des accords inférieurs au droit du travail ! Depuis 2008 un syndicat bienveillant, dans une entreprise, pourra signer des accords moins favorables que le droit du travail (sauf en ce qui concerne les salaires ou les classifications notamment).

    La Confédération Européenne des Syndicats (CES) (* 1 p 112 et 3 p 125) a bien sûr tenté de contester ce processus, mais une fois qu’on a livré le pouvoir aux eurocrates, il ne faut pas s’étonner si on est cocu ! Et pour ne pas sombrer et être balayés, ils entretiennent dans leurs troupes, le mythe du changement de l’UE par l’intérieur ; plutôt que de remettre en cause la mondialisation, ils continuent de la porter à bout de bras !

    Mais les prix ont augmenté avec l’arrivée de l’euro !

    Nous l’avons rappelé dans les conditions de contrôle de l’inflation, il fallait une stabilité des salaires et des prix. Cette condition est aussi essentielle pour maintenir le pouvoir d’achat des ménages européens. Hors le dispositif d’harmonisation et d’intégration ayant failli, la seule variable d’ajustement possible portait sur les prix et les salaires.

    Hors s’il s’avère que l’UE a bien rempli sa mission pour « défoncer » durablement les conditions d’évolutions des rémunérations, elle n’a pas mis en place les mêmes moyens pour contrôler l’évolution des prix.

    En France, on l’a vu, Fabius ministre de l’économie du moment (1999) nous avait juré que les prix étaient restés stables, et que l’arrivée de l’euro avait été neutre pour le pouvoir d’achat ! Encore une blague, décidément ! Toute cette stabilité des prix a été confirmée régulièrement, par l’institut des statistiques trafiquées, censée dire la vérité (ça ne se dit pas PRAVDA, la vérité officielle en langage soviétoïde ?), j’ai nommé l’Insee.

    Hors 60 millions de consommateurs, a régulièrement fait des études à la sortie des caisses qui démontrent que la vérité officielle en cachait une bien plus dramatique : les prix ont augmenté, et bien trop d’ailleurs. Chacune de ses publications fait trembler le pouvoir tant il est impossible de les démentir.

    Comment aurait il pût en être autrement dans une économie ou le prix des matières premières est dicté par les marchés ? Le miracle de la main qui régule tout n’a pas eu lieu : les spéculateurs spéculent sur toutes les matières premières, et les hausses sont répercutées dans le prix de revient et donc dans le prix que paye le consommateur final.

    Et le pouvoir d’achat à votre avis ???

    Contrairement à la théorie avancée en permanence par l’établissement, il semblerait « que la perte de compétitivité-prix relativement à la moyenne de la zone euro ne résulte pas d’une dérive salariale mais, pour l’essentiel, d’une augmentation des prix plus rapide » (*3 p 80).  Car si les prix ont augmenté plus vite que les salaires, alors forcément la marge de manœuvre des ménages s’est effritée. Pour la seconde fois en 2013, après 2012, l’INSEE a reconnu que le pouvoir d’achat était en baisse : parfois il devient difficile de nier le réel.

    http://france-inflation.com/pouvoir-achat.php

    Faut-il changer l’UE ? Conserver l’euro ?

    Les syndicats se sont lourdement fourvoyés en croyant pouvoir changer de l’intérieur L’UE. Ils comptaient créer un rapport de force suffisant ; ils n’y sont jamais parvenus. Leur responsabilité est immense, et en plus des 70 % des Français ne leur font plus confiance, c’est désormais à la base que cela vacille... Mais qui dit que l’objectif des dirigeants des confédérations n’était pas d’accompagner la mondialisation, cette autre internationale ?

    Nombreux sont ceux qui se sont succédés au pouvoir et qui n’ont eut de cesse de transformer l’Europe, et de la cuisiner toujours plus à la sauce libérale. Il n’y a vraiment rien à attendre du PS ni de l’UMP, ni du Centre ou du Front de gauche, qui aura permis la politique sociale libérale de Hollande. Tous entretiennent le simulacre de l’opposition démocratique, tout en continuant à organiser le transfert des richesses, d’une poche à une autre.

    L’euro est l’instrument de la paupérisation populaire, et il ne peut être maintenu en l’état, et en tout cas si la BCE ne joue pas le rôle d’outil pour relancer une économie, il est suicidaire que de vouloir maintenir la monnaie commune en l’état. Elle n’est pas adaptée à toutes les économies européennes.

    L’UE du marché unique, j’espère l’avoir mis suffisamment en évidence ici, a été un outil du libéralisme pour reprendre de la richesse aux peuples, et pour les envoyer pas forcément dans les poches des industriels et autres producteurs, mais pour la donner aux spéculateurs, profiteurs, et improductifs. Cette construction pèse tout aussi fortement sur les petites entreprises qui ne bénéficient d’aucun des avantages accordés aux multinationales.

    C’est tout ce système au visage éminemment antidémocratique, illégitime et insupportable qui se dévoile chaque jour un peu plus devant nous. Les peuples commencent à le comprendre, et présenterons un jour, il faut le croire, la facture.

    La première chose qui sera à faire sera évidemment de mettre fin à ce système économique totalement ouvert, sans plus aucune protections. Les multinationales créent leurs richesses dans nos pays, grâce aux infrastructures qu’ils refusent d’entretenir, avec des salariés qu’elles usent et qu’elles refusent de soigner décemment, puis vont les exporter dans des pays fiscalement plus avantageux ; cette prédation devra s’arrêter, car ils pillent, sans contribuer autant que le reste de la communauté, sans parler des 1000 milliards d’euro annuels d’évasion fiscale. Ceux qui contribuent localement devront être allégés, afin de favoriser le maintien des emplois chez nous. La France crève de son trop plein de charges publiques, dont une très grande partie est due au remboursement des intérêts de la dette pour près de 50 milliards d’euro par an, il ne faut jamais l’oublier et sans cesse le rappeler : si on n’avait pas ces sommes à rembourser, et que l’on faisait appel à l’épargne populaire, on n’aurait pas à raboter tous nos services publics ou nos systèmes sociaux (même s’il ne faut pas s’interdire de les amender ni de les réserver aux nôtres avant tout).

    Enfin et c’est un des points essentiels, il faudra nouer des partenariats pour s’affranchir des marchés ou l’avidité et le court terme règnent afin de se préserver au possible des hausses de prix liées à la spéculation. Enfin les salaires et le pouvoir d’achat devront être préservés, et ce devra être la préoccupation principale, comme nous le rappelle Francis Delaisi dans « La révolution Européenne »…

    Roberto Fiorini

    roby.fiorini@wanadoo.fr

    * 1 – IRES (INSTITUT DE RECHERCHES ECONOMIQUES ET SOCIALES) Revue de l’IRES n° 73/7

    * 2 – Chronique Internationale de l’IRES n° 60/13

    *3 – Revue de l’IRES n° 73/6

    Article publié dans Terre et Peuple magazine n° 59 :

    http://www.terreetpeuple.com/terre-et-peuple-magazine/terre-et-peuple-magazine-n59-printemps-2014/sommaire-tp-mag-n59.html?2d4883b0bf7db295e9826020acb22e07=0ced6156a0070428aa0ff28b5f7989dc

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/05/16/l-union-europeenne-contre-nos-salaires-5370738.html

  • Europe : “Sous-Smic” qui tapera le plus fort sur les jeunes ?

    Un sous-smic pour les jeunes ? L’idée lancée cette semaine par le patron du Medef en a fait bondir plus d’un. Pourtant, il n’est pas le seul à se poser la question. La Grèce et le Royaume-Uni font déjà trinquer les jeunes, en modulant le smic selon l’âge. Les patrons espagnols et allemands aimeraient bien les imiter…

    « Une marche d’escalier ». C’est ainsi que le président du Medef voit le salaire minimum en France. Le patron des patrons, Pierre Gattaz, a donc mis cette semaine les pieds dans le plat et le feu aux poudres à gauche, en proposant de raboter cette « marche »: il suggère l’instauration d’un sous-smic, dispositif « transitoire » et « temporaire » nécessaire à ses yeux pour relancer l’emploi en France.

    Pascal Lamy avant lui

    Une idée également défendue par l’ancien directeur de l’OMC, Pascal Lamy, le plus social-libéral des socialistes. Ce chantre de la flexibilité évoquait récemment les bienfaits potentiels pour l’économie française de « boulots pas forcément payés au smic »… D’autres, comme les économistes Élie Cohen, Philippe Aghion et Gilbert Cette, préconisent une évolution du salaire minimum, pour le rendre plus flexible et enrayer la « machine à chômeurs ».

    L’idée? Revenir sur l’acquis du salaire minimum (1.445 euros brut par mois, soit 1 128 euros net, en 2014), un frein à l’embauche pour les entreprises dans un contexte d’état d’urgence économique. Deux catégories de la populations sont ciblées: les personnes les plus éloignées de l’emploi et les jeunes.

    Il vaut mieux quelqu’un qui travaille dans l’entreprise avec un salaire un peu moins élevé que le smic, de façon temporaire et transitoire, plutôt que de le laisser au chômage. (…)  Avec un niveau de chômage à 11%, cela fait partie des pistes à explorer »,

    déclare ainsi Pierre Gattaz, qui, rappelle habillement Hervé Le Tellier du quotidien Le Monde, a peut-être une expérience biaisée à propos de l’embauche des jeunes: Pierre Gattaz est patron du Medef, comme son père Yvon avant lui et il est patron de l’entreprise Radiall, également comme son père avant lui. Pour lui, pas d’escalier à gravir, donc, il suffisait de prendre le plat passé par papa …

    « Une logique esclavagiste » pour Parisot

    Reste que l’idée d’un Smic au rabais pour les Français jugés les moins rentables (ou les plus susceptibles de l’accepter sans pouvoir la contester), recueille peu de soutiens politiques. Si Jean-François Copé considère sans surprise qu’un smic jeune a du « sens », à gauche et chez les syndicats, c’est la levée de bouclier. Même Laurence Parisot, ex présidente du Medef, un brin provoc, n’a pas hésité à dénoncer sur Twitter le projet de Gattaz-fils…

    Le gouvernement a, pour sa part, rapidement fermé la porte à cette mesure, par la voix de sa ministre de la Jeunesse et des Sports Najat Vallaud-Belkacem:

    Le smic jeunes, nous y sommes bien sûr fermement opposés. Le sujet de l’emploi des jeunes mérite mieux que cela. Je verrai prochainement Pierre Gattaz pour lui en parler ».

    La suggestion de Pierre Gattaz n’est pas vraiment nouvelle. Avant lui,  il y avait eu le Contrat première embauche (CPE) de Villepin en 2006 ou encore le Contrat d’insertion professionnelle (CIP) de Balladur en 1994. Deux réformes tombées aux oubliettes.

    Ailleurs en Europe aussi, certains ont tenté de mettre l’idée sur la table, avec toujours une même cible: les jeunes.

    Grèce: « génération 440 euros »

    Sur ce sujet, une fois encore, la Grèce est le laboratoire de l’Europe. Dès février 2012, les parlementaires ont voté une loi baissant drastiquement le salaire minimum des moins de 25 ans. Les « génération 700 euros », puis « génération 440 euros » net ont finalement laissé place à la génération rémunérée… au niveau du montant de l’allocation chômage à laquelle ils avaient droit.

    Le Smic a, en effet, été grignoté de 22% (passant de 751 à 586 euros brut, soit 487 euros net), assorti d’une diminution complémentaire de 10% prévue pour les jeunes de moins de 25 ans). Cette décision a été justifiée par le taux de chômage des jeunes (près de 60 %), deux fois plus élevé que celui des autres générations.

    Une décision pourtant d’autant plus injuste que les jeunes Grecs sont hautement qualifiés, diplômés et qu’ils maîtrisent souvent plusieurs langues étrangères. La réalité dépasse d’ailleurs souvent la dureté d’un salaire réduit: nombreux sont les emplois jeunes sans protection sociale ou au noir, tandis que les retards de paiement des salaires sont courants.

    Mais le pire est à venir: le KEDE, un organisme d’études proche des milieux gouvernementaux, vient de proposer que les entreprises prennent durant un an les jeunes à l’essai sans salaire, pour s’assurer, avant une éventuelle embauche, de leur compétitivité !

    Allemagne: Smic ou pas Smic pour les plus jeunes ?

    L’Allemagne est justement en train de se doter d’un salaire minimal généralisé et la question des exemptions fait débat. Les plus jeunes y auront-ils droit? La ministre du travail sociale-démocrate, Andrea Nahles, a présenté le 2 avril son projet durement négocié avec les membres conservateurs de la coalition. Ce texte prévoit une rémunération de 8,50€ brut de l’heure pour tous les secteurs d’activité et trois exceptions:

    • Les chômeurs de longue durée qui retrouvent un emploi pourront être rémunérés en dessous de ce smic horaire durant les six premiers mois de  leur contrat.
    • Les mineurs pourront être rémunérés en dessous de cette barre symbolique des 8,50€. Le but de la ministre du travail Andrea Nahles est d’inciter les jeunes à poursuivre leurs études et leurs formations au lieu d’entrer trop tôt sur le marché du travail.
    • Les stages de moins de 6 semaines échappent au Smic. En revanche, passées 6 semaines, les étudiants et apprentis recevront les 8,50€ de l’heure règlementaires.

    Les représentants du patronat allemand estiment que ces exceptions sont insuffisantes. Ils militaient notamment pour une exemption du Smic concernant les jeunes de moins de 21 ans et l’ensemble des stagiaires.

    Royaume-Uni: jusqu’à 40% de moins

    Depuis l’instauration du salaire minimum par le gouvernement de Tony Blair en 1999, une différenciation entre jeunes et adultes a été mise en place. Le salaire horaire minimum est actuellement de 3,72£ (4,39 euros) pour les 16-17 ans, 5,03£ (5,93 euros) pour les 18-20 ans et 6,31£ (7,44 euros) pour les autres.

    Un jeune de moins de 18 ans peut donc être rémunéré 41% de moins qu’un adulte de plus de 20 ans pour le même emploi. Le taux pour les 16-17 ans a été mis en place en 2004: le gouvernement s’est aperçu que de nombreux jeunes de cette classe d’âge étaient exploités par leurs employeurs.

    La principale polémique a eu lieu en 2012 lorsque, pour la première fois depuis leur création, ces deux taux « juniors » ont été gelés. La Commission des bas salaires (Low Pay Commission), décisionnaire en la matière, avait en effet estimé que les relever en cette période de crise provoquerait une forte hausse du chômage des jeunes.

    Une enquête publiée un mois plus tôt sur les années 2008-2010 était pourtant formelle: le salaire minimum des jeunes n’avait pas influé sur le nombre d’emplois, mais plutôt sur les revenus: une hausse de 3% des taux juniors avait entraîné une réduction d’environ 10% des heures travaillées, ce qui s’était traduit par une perte d’environ 7% des revenus.

    Espagne: les patrons font pression

    Le CEOE (équivalent du Medef français) a proposé le mois dernier au gouvernement espagnol de baisser le salaire minimum pour les jeunes. Selon Joan Rosell, président du patronat, cette mesure doit « aider » les chômeurs de moins de 25 ans à trouver du travail.

    Les syndicats se sont opposés en bloc à cette mesure et considèrent qu’elle ne ferait qu’accentuer l’appauvrissement des secteurs les plus défavorisés. En outre, ils ont rappelé un principe:

    En Espagne, il est inconstitutionnel d’établir, en fonction de l’âge, des différences de salaire ».

    Pour le moment, aucun projet de loi n’a été officiellement présenté. Il faut savoir qu’actuellement le chômage touche plus de 53% des moins de 25 ans. De plus, les stages (peu ou pas rémunérés pour la plupart) constituent plus de 40 % des nouvelles créations d’emplois en Espagne et aident déjà le gouvernement à se vanter d’une reprise fragile. Quant à ceux qui trouvent un emploi aujourd’hui en Espagne, ce n’est pas la joie: la moitié des offres d’emploi publiées propose un salaire de 1.000 euros ou moins.

    Avec un SMIC à 645 euros et plus d’un tiers de jeunes chômeurs diplômés de l’enseignement supérieur, les Espagnols ont eux trouvé, non sans ironie, une solution:

    En Espagne, pour trouver un emploi, tu as trois débouchés: par la mer, par la route ou par les airs ».

    MyEurop

    http://fortune.fdesouche.com/338579-europe-sous-smic-qui-tapera-le-plus-fort-sur-les-jeunes#more-338579

  • Si l’on cessait de crier haro sur les laboratoires pharmaceutiques ?

    Tous les dirigeants de laboratoires pharmaceutiques ne sont pas des Bernard Madoff en puissance.   

    Après trois ans d’enquête, les magistrats instructeurs ont notifié la fin de leurs investigations dans le volet principal de l’affaire du Mediator. Le Ministère public devrait rendre son réquisitoire définitif avant les vacances d’été… et un procès se tiendra en principe au premier semestre 2015. La Justice suit donc son cours et le nouveau président du laboratoire pharmaceutique Servier, après le décès de son fondateur, a confirmé que le groupe « assumera (ses) responsabilités »… si responsabilités il y a !

    Pour les médias, et donc pour une grande partie de l’opinion publique, la cause est entendue. Forcément entendue. Avant même les résultats connus de ces investigations et plus encore que la Justice ait tranché. Pourtant, prévient le nouveau patron de Servier le « dossier est très complexe parce qu’il est scientifique et on regarde souvent le passé avec les yeux d’aujourd’hui. »

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  • C’est un festival ! Palme d’or pour les comptes de l’UMP ?

    En Sarkozye, version fillonniste ou copéiste, on pensait avoir tout vu. Fortuitement, non. Et Le Figaro de reconnaître : « En pleine campagne présidentielle, le parti aurait dépensé près de vingt millions d’euros entre janvier et juin 2012 dans l’organisation de conventions dont certaines seraient fictives selon le quotidien Libération. »

    Des « montants très importants », admet Valérie Pécresse, secrétaire générale déléguée de l’UMP qui ajoute, sur le plateau de i>Télé : « Je suis sûre que Jean-François Copé aura à cœur de clarifier, de donner toutes les explications. » Bonne copine, avec ça…

    Cité par Les Échos, un poids lourd de l’UMP conclut : « C’est calamiteux pour la maison UMP à dix jours des européennes… » Sans blague ? Quant à Marine Le Pen, c’est évidemment sans grande surprise qu’elle qualifie l’UMP de « pétaudière ».

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  • L’échange des données fiscales sera fort inégal

     Le 6 mai 2014, les médias ont fait une découverte sensationnelle : celle de la mort du secret bancaire. La Suisse annonçait s’être engagée à l’échange automatique d’informations bancaires. Les « RIP» et autres condoléances ont fusé ; on a même vu circuler un «avis de décès du secret bancaire», histoire de conjurer le mal par le rire. Mais la découverte du décès intervient cinq ans après les faits.

    Pour ceux qui ont raté le début, le 13 mars 2009, les clients étrangers de la Suisse n’étaient plus couverts par le secret bancaire, la soustraction devenant un délit pénal comme la fraude. Berne acceptait le standard de l’OCDE en matière d’échange d’informations fiscales à la demande. A partir de là, tout a basculé.

    Le standard, au départ restrictif, a dérivé vers des «demandes groupées» et autres «schémas de faits», pour aboutir ce 6 mai à la norme maximale, dont une version légère existe déjà au sein de l’UE. Si le secret bancaire, garanti par l’art. 47 de la loi sur les banques de 1934, reste en vigueur, il n’est plus opposable depuis 2009 aux requêtes étrangères.

    Le Conseil fédéral a beau mettre en garde que la Suisse n’appliquera l’échange d’informations que si les autres Etats l’appliquent, y compris sur les structures souvent opaques que sont les trusts et les sociétés de domicile, les Etats ne seront pas égaux face à l’échange automatique. Seuls les pays ayant un levier politique suffisant obtiendront, dans les faits, des informations sur les comptes de leurs ressortissants, tandis qu’ils conserveront, dans les faits, des formes de secret sur les comptes étrangers qu’ils abritent.

    Aux Etats-Unis, chose impensable, les banques n’ont toujours pas de formulaire A pour l’identification des ayants droit économiques, la Limited Liability Company (LLC) pouvant toujours servir d’ayant droit. Les Etats-Unis ne figureront pourtant jamais sur la liste grise de l’OCDE.

    A l’heure actuelle, il est facile pour des pays comme l’Angleterre de contourner l’échange automatique en place au sein de l’UE, qui ne porte que sur les intérêts de l’épargne. Il est vrai que la Directive européenne sur la fiscalité de l’épargne se durcira dans l’année qui vient, et s’étendra désormais aux sociétés et aux trusts. Mais tout se jouera sur la possibilité d’opacifier les structures, en rendant légalement non identifiable la personne physique qui est derrière.

    La technique anglo-américaine de structuration de patrimoine se passe de secret bancaire. Mais sa force réside dans ces barrières élevées qu’elle érige à l’identification des individus derrière les montages, sous le secret fiduciaire et celui des avocats, très cher payés par les grandes fortunes, et impossibles à déjouer par les Etats.

    Les paradis fiscaux des grandes puissances garderont de cette manière intactes leurs industries offshore. Et les fortunes défiscalisées cachées dans les paradis fiscaux, estimées en 2012 à 31.000 milliards de dollars, ne seront pour l’essentiel jamais refiscalisées, ou alors extrêmement à la marge. 

    Singapour, qui a signé l’échange automatique en même temps que la Suisse, s’engage certes dans la forme, mais ses lois de confidentialité en matière de trusts internationaux restent imparables.

    Quant à l’accord Fatca, que les Etats-Unis exigent du reste du monde à partir de juillet 2014, il semble que le seul pays qui ne les appliquera pas… ce seront les Etats-Unis.

    Suite au lobbying de Citigroup, JPMorgan et des associations de banques de Floride et du Texas, les Etats-Unis ne livreront pas d’informations aux autres pays, en raison de l’enjeu commercial élevé que représentent, entre autres, les 50 milliards de dollars qui fuient le Mexique chaque année, et sur lesquels nulle coopération des banques américaines n’est envisagée.

    Les Etats-Unis exigeront en revanche unilatéralement les informations des pays signataires de Fatca, faute de quoi ils taxeront leurs entreprises à la source à 30%. Rappelons que la Russie et la Chine n’ont toujours pas signé Fatca, tandis que la Suisse n’a pu que s’y soumettre. Exactement comme dans le domaine commercial, l’échange d’informations fiscales sera totalement fonction de la puissance d’un pays.

    http://www.bilan.ch/myret-zaki/redaction-bilan/lechange-donnees-fiscales-sera-fort-inegal  

    Par Myret Zaki

    http://fortune.fdesouche.com/339569-lechange-des-donnees-fiscales-sera-fort-inegal#more-339569

  • Alstom : les délires du court-termisme

    L’attitude, à courte vue, du président de la République le conduit droit dans un piège.

    L’affaire Alstom fait la une des journaux mais on n’en parlera sans doute plus dans quelques semaines. La position du président de la République est frappante : elle conditionne, en substance, son choix au problème du maintien de l’emploi, même si d’autres aspects tels que la sécurité énergétique sont évoqués : « La solution qui sera la plus favorable à l’emploi en France. »

    Polémia

    Puissance industrielle et souveraineté technologique

    Bien entendu cette préoccupation est parfaitement légitime d’un point de vue politique immédiat. Mais dans le long terme, période dont personne ne semble plus se soucier aujourd’hui, c’est le problème de la puissance industrielle et, compte tenu du caractère stratégique de l’activité d’Alstom, celui de la souveraineté technologique de la France et donc de l’Europe qui est posé. Or c’est le maintien de cette puissance et de cette souveraineté qui garantira les emplois de demain et, bien entendu, pas seulement les emplois mais l’indépendance même de l’Europe.

    Curieusement cette analyse est absente de la plupart des discours ou commentaires que nous entendons sur ce sujet.

    L’Allemagne relais de la puissance américaine en Europe

    Or ce qui se prépare, avec ce qu’il faut bien appeler le dépeçage d’Alstom, c’est l’accélération du démantèlement industriel de l’Europe, démantèlement auquel échappe, pour le moment, l’Allemagne, non pas seulement par ses vertus propres qui sont réelles dans le domaine industriel, mais aussi parce qu’elle est, plus qu’on ne le croit habituellement, le relais de la puissance américaine en Europe continentale. Cette position explique pourquoi la chancelière est si prompte à considérer comme clos le débat sur les écoutes de la NSA qui pourtant la visait directement et à s’empresser de soutenir l’Accord sur le Grand Marché transatlantique (TTIP). En effet, cet accord, grâce à l’unification des normes qu’il institue, au sein de ce vaste ensemble géoéconomique, va permettre à son pays de réexporter, demain, en Europe depuis les Etats-Unis dans d’excellentes conditions de « compétitivité » des produits manufacturés, automobiles notamment, en profitant des bas salaires pratiqués dans les Etats du Sud.

    Il s’agira, en quelque sorte, pour nos voisins allemands, d’appliquer, à partir de l’autre rive de l’Atlantique, une politique symétrique de celle qu’ils poursuivent avec le succès que l’on sait au sein de leur zone d’influence en Europe centrale.

    L’essentiel : le patrimoine scientifique, technologique et industriel

    Pour en revenir au sort d’Alstom, même si la solution qui consiste à créer un grand pôle européen de l’énergie est séduisante, il n’est pas certain que, dans ce cas précis, et surtout dans l’immédiat, la fusion avec Siemens soit nécessairement la meilleure solution. L’image ressassée par les médias de « l’Airbus de l’énergie » est trompeuse car les deux entreprises sont peu complémentaires et très différentes par la taille.

    L’essentiel dans ce dossier qui devrait alerter au premier chef les gouvernants c’est le maintien et le développement d’un patrimoine scientifique, technologique et industriel exceptionnel.

    Comme le rappelle Alain Cardon (http://www.europe-solidaire.org/), l’un de nos meilleurs spécialistes des technologies de pointe : « Ce qui est effarant dans cette politique présidentielle de soumission à la prédation financière étrangère est l’incapacité à comprendre ce qu’est la valeur du niveau de compétence mondiale d’Alstom, ce que sont ses brevets exceptionnels et l’extrême compétence de ses ingénieurs français en R&D, tout cela que l’on va perdre à jamais, définitivement, pour n’avoir strictement plus rien et en se sachant donc incapable de pouvoir recréer cette compétence. Perdre Alstom est la perte définitive d’un domaine de compétence, une perte absolument définitive que l’on ne pourra plus jamais retrouver » (Site Europe Solidaire).

     Jean-Claude Empereur 3/05/2014

    http://www.polemia.com/alstom-les-delires-du-court-termisme/

  • Europe : 5 ans après la crise, la régulation du secteur financier a-t-elle avancé

    Les gouvernements des vingt pays les plus riches l’avaient promis : le secteur financier sera réformé, les banques mises sous contrôle. Plus de finance folle, de sauvetage bancaire ruineux, de mise en péril de l’économie par la spéculation débridée. Cinq ans après les déclarations du G20, où en est-on ? L’Union européenne a voté une dizaine de directives, sous la houlette de Michel Barnier. Bonus des banquiers, organisation des plans de sauvetage, supervision et contrôle… Tour d’horizon de cette difficile reprise en main, avec Thierry Philipponnat, secrétaire général de l’ONG Finance Watch, rare contrepouvoir au puissant lobby bancaire européen.

    L’union bancaire européenne a pour objectif d’éviter que de nouvelles faillites bancaires ne soient supportées par les contribuables. Son principe a été adopté par les eurodéputés le 15 avril. Est-ce une mesure satisfaisante ?

    Thierry Philipponnat [1] : La réforme de l’Union bancaire a pour objectif que la prochaine crise bancaire ne coûte pas d’argent au contribuable – contrairement à la crise de 2008 qui coûté 450 milliards d’euros aux pays européens. Et de casser le lien incestueux et complètement absurde entre les banques et les États : les banques financent les États mais comptent sur eux pour les sauver quand elles ont un problème. Après un an et demi de négociations, nous avons avancé dans la bonne direction. L’Union bancaire permet une surveillance unique des 130 plus grandes banques par la Banque centrale européenne (BCE). Et la remise à plat du système de « résolution », c’est-à-dire l’intervention publique lorsqu’une banque a des problèmes, avant qu’elle ne fasse faillite.

    Désormais, les pertes financières devront être absorbées par les actionnaires et les créanciers, avant que les déposants et contribuables ne soient mis à contribution. Cette nouvelle directive européenne [2] est un vrai progrès, elle met fin à « l’aléa moral », qui fait que les gagnants et les perdants n’étaient pas les mêmes : certains pouvaient gagner de l’argent mais pas en perdre !

     

    Quelles sont les limites de cette directive européenne ?

    Les pertes absorbées par les créanciers sont limitées à 8 % du bilan des banques. Ce chiffre est le fruit d’un compromis, très insatisfaisant : si une banque réalise une perte supérieure à 8 %, cela sera répercuté sur les contribuables. Ce pourcentage aurait suffit dans le passé, et suffira sans doute dans l’immense majorité des cas. Mais les actifs des banques en Europe représentent 45 000 milliards d’euros ! 8 % de 45 000 milliards, ce n’est pas rien (c’est l’équivalent du PIB de l’Allemagne, ndlr)… C’est donc un gros défaut de cette directive.

    Second défaut, cette directive introduit une flexibilité : l’instance en charge de la résolution pourra autoriser des exceptions concernant ces 8 %, s’il y a mise en péril de la stabilité financière. Il faut bien sûr pouvoir être souple en cas de crise ou de sauvetage bancaire.

    Mais si on commence par dire que dans certains cas particuliers, il est possible de ne pas appliquer la règle, dans le monde réel il y a de fortes chances pour qu’on ne l’applique pas du tout ! Un texte avec des conditions très strictes et incontournables aurait envoyé un signal clair à tous les acteurs, qui auraient adapté leur activité en conséquence. Tant qu’il y aura la possibilité que les États, donc les contribuables, soient appelés à la rescousse des banques, nous continuerons à alimenter ce système.

    En cas de faillite d’une banque, qui est chargé de faire appliquer ces règles ?

    Sheila Bair, qui a dirigé l’Autorité de résolution bancaire aux États-Unis pendant la crise, nous a fait cette recommandation : surtout ne laissez pas le système de résolution aux mains des politiques ! Les responsables politiques sont exposées à toutes les pressions, et vont quasi systématiquement vouloir sauver « leurs » banques nationales, même si cela coûte aux contribuables. Il faut à un moment que le processus soit technique, froid, implacable, avec des pilotes qui sauront s’adapter si besoin.

    La loi qui vient d’être votée, même si elle a été améliorée ces derniers mois, ouvre pourtant la porte à une possible intervention des États, par le biais du Conseil européen, dans les cas extrêmes.

    On comprend qu’il soit compliqué d’attendre que 28 États membres se mettent d’accord pour intervenir en cas de menace de faillite d’une banque, alors qu’il faut souvent réagir très vite. Mais l’intervention de responsables politiques n’est-elle pas une garantie « démocratique » ?

    L’objectif est de casser le lien entre les banques et les États. Si vous dites aux banques que ce sont les États qui auront le dernier mot sur leur sauvetage ou leur non-sauvetage, vous renforcez ce lien. C’est par exemple une incitation pour les grandes banques à acheter la dette émise par leur propre pays, afin d’entretenir cette dépendance, ce cercle vertueux pour elles mais vicieux pour la société. Ce mécanisme, qu’on observe depuis quelques mois, est en train de croître. Avec pour conséquence, l’augmentation de la fragmentation des marchés : les banques espagnoles financent l’État espagnol, les banques italiennes financent l’État italien, etc. 1750 milliards d’euros de dettes des États sont détenus par les banques en Europe, et par chaque banque dans son propre pays. C’est le contraire d’une « union bancaire » européenne. Si le mécanisme de résolution était beaucoup plus mécanique, dans la main de gens qui n’entrent pas dans des considérations nationales, on casserait ce lien.

    Le Parlement européen a également adopté l’an dernier le plafonnement des bonus, qui s’appliquera dès le 1er janvier 2015. La rémunération variable des banquiers ne pourra plus excéder le montant de leur rémunération fixe. C’est plutôt une bonne nouvelle ?

    C’est un sujet très important, ne serait-ce que symboliquement. Mais nous n’avons pas été au cœur du problème : la question centrale n’est pas que les banquiers et traders gagnent beaucoup d’argent, mais que cela vienne d’une situation « d’aléa moral ». On pourrait la résumer ainsi : « Face, je gagne, pile, tu perds »… Les banquiers gagnent de l’argent à cause d’un système asymétrique, où les pertes sont socialisées (reposent sur tous), mais les profits sont privatisés (bénéficient seulement à quelques uns). C’est le problème essentiel. Et les banques sont déjà en train d’inventer des mécanismes pour contourner cette nouvelle règlementation sur les bonus. L’imagination des juristes spécialisés sur ces questions n’a pas de limites !

    De nouvelles règles entrées en vigueur en 2013 imposent aussi aux banques de détenir un pourcentage minimum de fonds propres par rapport aux prêts qu’elles accordent et aux risques qu’elles prennent. Ces nouveaux « ratios de solvabilité », issus des accords internationaux de Bâle, sont-ils une garantie pour éviter de nouvelles faillites ?

    Ces accords [3] prévoient le renforcement des fonds propres des banques. Chaque banque doit désormais détenir 7 % de fonds propres « durs », facilement mobilisables, dans son bilan (par exemple, pour pouvoir prêter 100 millions d’euros, une banque doit disposer de 7 millions d’euros en fonds propres, ndlr). Ce ratio de fonds propres est calculé sur la base d’une pondération du risque : plus un prêt est risqué, plus il impacte le ratio et donc « pèse » sur les banques. Sauf que ce calcul de pondération est tout sauf une science exacte ! Les petites banques ont une méthode de calcul standardisée, et les grandes banques ont le droit de définir leurs propres méthodes de calcul ! Les autorités bancaires européennes ont sorti un rapport disant en substance aux banques : « Il faudrait peut-être arrêter de se moquer de nous »… Dans les accords internationaux de Bâle, une autre méthode de calcul était proposée. Cette méthode beaucoup moins facile à contourner s’appelle « l’effet de levier » : elle consiste à rapporter les fonds propres d’une banque à la totalité de ses actifs, sans pondération. C’est un calcul facile et rapide à faire.

    Mais suite à un lobbying effréné des banques qui ont expliqué que ce serait une catastrophe, les responsables européens ont choisi l’autre système de calcul…

    Quelles en sont les conséquences ?

    Cette question était traitée au Parlement en même temps que celle des bonus. Au moment où les députés européens ont approuvé le plafonnement des bonus des banquiers, ils lâchaient complètement sur l’effet levier, un sujet essentiel mais moins compréhensible pour le grand public. Nous avons raté l’occasion d’imposer un effet de levier strict, qui est la meilleure façon de discipliner les banques, et par répercussion de limiter les profits qui n’ont pas lieu d’être, et donc les rémunérations démesurées des banquiers. On a traité la conséquence, le bout de la chaîne, avec les bonus, mais pas la cause.

    Cette question de « ratio de fonds propres » et de pondération, qui semble très technique, a pourtant des conséquences importantes sur l’économie réelle…

    C’est une question centrale : si une entreprise obtient une meilleure note (par les agences de notation), cela impactera moins le taux de fonds propres de la banque qui lui prête de l’argent, grâce à ce fameux taux de pondération. Donc les banques ont tendance à prêter aux entreprises les mieux notées. Ce système nourrit les agences de notation. Et entretient ce phénomène pervers qui consiste à prêter de l’argent aux très grandes entreprises, qui ont une très bonne notation parce qu’elles sont solides, et de ne pas faire de crédits aux PME, peut-être moins bien notées mais qui sont essentielles pour l’emploi et ont tout autant besoin d’accès aux prêts bancaires.

    Le commissaire européen Michel Barnier a également présenté en janvier 2014 un projet de réforme du secteur bancaire, qui vise à limiter la taille des banques. L’objectif est d’opérer une séparation au sein des banques entre activités de dépôt (gestion de l’épargne des particuliers ou des entreprises, octroi de prêts) et activités de banque d’affaires (intervention sur les marchés financiers). Cette proposition de loi a-t-elle des chances d’aboutir ?

    La proposition de Michel Barnier a un immense mérite : elle reconnaît l’existence d’un problème, avec des banques « mixtes » (qui cumulent activités de dépôt et d’affaires) trop grandes et trop interdépendantes. Le Commissaire propose de donner pouvoir au superviseur – la Banque centrale européenne – de décider au cas par cas si les banques européennes sont trop grosses, trop complexes ou trop interconnectées, et donc représentent une menace pour l’économie. Le superviseur aurait alors le pouvoir d’intervenir pour « séparer » les activités des banques mixtes (cantonner les activités à risque dans une filiale séparée, ndlr [4]). Mais beaucoup de points techniques sont encore à discuter, et cette proposition est fragile. Surtout quand on voit la réaction assez violente de la France et de l’Allemagne, qui ont voté leurs propres « lois de séparation bancaire » en 2013, relativement vides… Certains États considèrent qu’il est impossible de toucher à « leurs » banques. Ils ne veulent absolument pas traiter les problèmes, ni les regarder en face.

    L’ex-ministre français des Finances, Pierre Moscovici, a jugé que cette proposition européenne était trop radicale. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et donc régulateur de la finance française, a jugé les propositions « irresponsables et contraires aux intérêts de l’économie européenne »… Quelle a été la réaction du lobby bancaire ?

    Le lobby bancaire européen s’est déchaîné sur ce sujet, il a sorti le grand jeu. Avec tous les arguments habituels. Notamment que la séparation des banques mettrait en péril l’économie, car les banques n’auraient plus les moyens de faire des prêts aux entreprises. Un argument du lobby bancaire repris par Christian Noyer, sans aucune nuance. C’est pourtant l’inverse qui est vrai. Aujourd’hui, seuls 10 % des actifs des banques en moyenne sont consacrés à des prêts aux entreprises, en Europe, et 15% à des prêts aux ménages (les 75% restants étant surtout consacrés aux placements sur les marchés financiers, ndlr). La Banque centrale européenne accorde des prêts aux banques à des taux extrêmement avantageux [5]. Une banque mixte recyclera instantanément cet argent dans les marchés financiers [6]. Une banque dont le seul métier est le prêt aux entreprises va prêter cet argent aux entreprises. Et fera bien mieux son travail de financement de l’économie réelle !

    Les banques « séparées » n’auraient plus les moyens d’intervenir sur les marchés financiers, ni d’acheter la dette de l’État, ce qui entrainerait des attaques spéculatives sur les dettes publiques, affirme aussi le lobby bancaire…

    Les plus grandes banques d’affaires du monde sont américaines. Elles se sont développés dans le régime de stricte séparation des activités bancaires commerciales et des activités d’affaires, instauré par le Glass Steagall Act (adopté en 1933, et abrogé par Bill Clinton en 1999). Pourquoi un régime de stricte séparation tuerait-il le métier de banque d’affaires, alors qu’il a permis aux banques américaines de prospérer ?

    Quant à l’argument concernant la dette de l’État, il a pour but de faire peur aux responsables politiques, mais il n’a aucune valeur technique. Quelque soit la taille des banques, petites boutiques ou grandes banques mixtes, elles peuvent finance la dette des États.

    Ce que les banques ne disent pas, c’est que la séparation des activités remettrait en cause une garantie implicite de l’État, dont bénéficient les banques « mixtes », comme le Crédit Agricole, BNP Paribas ou la Société générale, en France. Une garantie qui rapporte 200 à 300 milliards d’euros par an aux banques européennes !

    C’est la vraie question, effectivement. Cette garantie implicite leur permet d’emprunter des fonds à un meilleur taux sur les marchés financiers (comme ces banques collectent l’épargne des ménages et entreprises, les investisseurs anticipent le fait que l’État sera toujours là en cas de faillite, et cette garantie permet aux banques mixtes de bénéficier sur les marchés financiers de taux d’intérêts plus avantageux, ndlr). Les chiffres de cette garantie, évaluée notamment par une étude récente du FMI, sont absolument astronomiques (lire notre article).

    C’est une rente économique pour les plus grandes banques. On comprend qu’elles se battent pour la garder. Cet avantage nourrit l’expansion des banques précisément dans des secteurs d’activité qui sont les moins utiles à l’économie.

    Entre 2001 et 2011, le bilan des banques européennes a augmenté de 80 %. Dans le même temps, l’économie européenne a connu une croissance entre 25 et 30 %, soit 2,5 fois moins ! La croissance des banques est toujours plus déconnectée de l’économie réelle : 7 % des transactions sur les produits financiers dérivés sont réalisées entre des banques et des entreprises. Le reste, 93% des transactions, est un jeu entre financiers, nourri par cette garantie implicite des États aux grandes banques mixtes.

    On voit dans toutes ces réformes l’impact du très puissant lobby de l’industrie bancaire. Les responsables politiques sont-ils encore capables de lui résister ?

    Au niveau des institutions européennes, le lobbying du secteur bancaire est un énorme rouleau compresseur. C’est ce que montre le rapport de l’ONG Corporate Europe Observatory, qui a comptabilisé 1700 lobbyistes dans le secteur financier européen. En décembre 2013, Michel Barnier a interdit à ses équipes de recevoir les lobbyistes des banques, pour mettre fin aux pressions quotidiennes. Il a fermé la porte, mais les banques sont rentrées par les fenêtres, via les États.

    Malgré ce rouleau compresseur, la Commission européenne propose des textes qui ont plutôt de la tenue et un vrai objectif. Même si nous sommes les premiers, à Finance Watch, à en pointer les insuffisances. Le Parlement s’empare vraiment des dossiers, les travaille, réussit à faire avancer des questions, malgré les pressions. Mais le Conseil européen, composé des États membres, subit un phénomène relativement pervers : chaque État souffre d’une forme de capture par son industrie financière nationale, et s’érige en défenseur de ses champions nationaux, « ses » banques.

    Et chaque État va, à tour de rôle, bloquer l’avancée des dossiers au niveau du Conseil européen, ou les édulcorer de façon considérable. Les gens qui ont le pouvoir en Europe aujourd’hui ne représentent pas l’intérêt européen, mais les intérêts nationaux. Le phénomène de capture des responsables politiques par les lobbys bancaires est exacerbé par la gouvernance européenne déficiente.

    Comment le lobby bancaire fait-il pression sur les États ?

    Ce qui se passe dans les États est de nature un peu différente, ce qui rend le jeu encore plus complexe et biaisé. Il y a une grosse disproportion de moyens sur le terrain à Bruxelles, on ne joue pas à armes égales. Mais dans les États membres, ce sont des réunions entre PDG de banques et ministres, l’impact est beaucoup plus considérable. Et moins visible. En Allemagne, il y a une culture de proximité phénoménale entre les politiques et le système bancaire : 50 % des élus allemands, y compris des élus au Bundestag, sont administrateurs des caisses d’épargne de leur circonscription. En Grande-Bretagne, la capture est d’ordre intellectuel : la City (place financière de Londres) est une espèce de vache sacrée. Une décision qui coûte un centime à la City va être considérée comme mauvaise pour toute la Grande-Bretagne.

    En France, l’influence est plus discrète. Il faut regarder qui sont les personnes qui dirigent la Fédération bancaire française : des énarques et et des inspecteurs des finances, comme de l’autre côté, au ministère. Cela facilite les échanges, on se comprend à demi-mot. C’est une capture sociologique.

    L’organisation que vous dirigez, Finance Watch, a-t-elle des moyens suffisants pour faire contre-poids face à ces pressions du lobby bancaire ?

    Nous avons eu la chance de connaître un bon envol, depuis le démarrage il y a trois ans. Finance Watch répondait à un vrai besoin, au bon moment. L’organisation a été créée à l’appel de 22 puis 200 élus européens, de tous horizons politiques, qui ont souligné l’importance de rééquilibrer les débats sur ces questions. Cela donne une dynamique. Nous sommes très sollicités par les régulateurs, les gouvernements, les parlementaires, qui ont besoin d’un plaidoyer qui prenne en compte l’intérêt général.

    ___________________________________________________

    Notes :

    [1Secrétaire général de l’ONG européenne Finance Watch, Thierry Philipponnat a travaillé pendant 20 ans dans le secteur bancaire, puis a été responsable d’Amnesty international France. Il a été nommé en novembre 2013 au collège de l’Autorité des marchés financiers, en France

    [2Directive BRRD – Bank Recovery and Resolution Directive

    [3Le « paquet CRD IV », qui transpose dans le cadre législatif européen, par un règlement et une directive, les accords internationaux de Bâle III sur les nouvelles normes mondiales sur les fonds propres des banques, est entré en vigueur le 17 juillet 2013. Ces accords porte notamment le ratio de solvabilité global de 8% à 10,5% du bilan des banques. Et les exigences de fonds propres « durs », les plus mobilisables, passent de 2% à 7%

    [4La proposition intègre deux mesures phares : l’interdiction pour les banques, à partir de 2017, de spéculer pour leur propre compte sur les produits financiers s’échangeant sur les marchés (actions, obligations, produits financiers complexes…) et sur les matières premières. Et donner le pouvoir à la Banque centrale européenne d’imposer le cantonnement dans une filiale séparée des activités de marché jugées à haut risque, réalisées pour les clients des banques. Lire le détailici.

    [5Notamment via le LTRO, « Long term refinancing operations », prêts à long terme — trois ans — accordés aux banques par la Banque centrale européenne pour éviter un effondrement du crédit. Deux LTRO, d’un total de 1000 milliards d’euros, à taux très faible, ont été accordés en décembre 2011 et février 2012.

    [6Soit en achetant de la dette d’État, soit en replaçant les liquidités auprès de la Banque centrale européenne — c’est le serpent qui se mord la queue ! — soit en plaçant cet argent dans les marchés financiers en général.

    A lire Christian Chavagneux et Thierry PhilipponnatLa capture, Où l’on verra comment les intérêts financiers ont pris le pas sur l’intérêt général et comment mettre fin à cette situation, Editions La Découverte, 2014

    OBSERVATOIRES DES MULTINATIONALES

    http://fortune.fdesouche.com/339075-europe-5-ans-apres-la-crise-la-regulation-du-secteur-financier-a-t-elle-avance#more-339075

  • L'erreur fiscale du citoyen Valls


    Avec les purs opportunistes, et notre Premier ministre en fournit un exemple assez remarquable, on doit s'attendre à presque tout. Ils peuvent parfois accomplir le bien, éventuellement le comprendre. Ne doutons jamais de leur capacité à adopter le pire. Mais si le vent tourne contre leurs tendances supposées, si l'opinion profonde appelle des solutions salutaires, si les pressions les plus fortes s'exercent dans un sens raisonnable, on les voit parader du bon côté. Ils se mettent avantageusement en avant selon le conseil bien connu, reçu de Cocteau : "puisque ces événements nous dépassent feignons d'en être les organisateurs".

    Or, ces nouvelles recrues peuvent faire plus de mal que de bien à l'idée qu'ils viennent de rallier et qu'en général ils feignent, pour quelques temps, de défendre.

    Le supposé socialiste Valls vient donc de découvrir l'effet Laffer. Il en proclame donc une formulation désuète. Elle donna plus ou moins à sourire voici presque 20 ans. On se souvient en effet que Chirac la reprit à l'envi pendant la campagne présidentielle de 1995, entre deux publicités gratuites pour la consommation des pommes. Le candidat trompait alors son monde. Dépourvu de convictions, il n'y croyait pas, non plus probablement que l'actuel chef du gouvernement : "trop d'impôt tue l'impôt".Cette évidence devrait être en effet comprise par tout le monde.

    Ayant moi-même consacré un petit livre au sujet de la nécessaire Libération fiscale, écrit en 2011-2012, je n'ai pas l'impression d'avoir grand chose à apprendre, sur ce terrain. (1)⇓ Nos hommes politiques se révèlent par nature les piliers professionnels du parti dépensier. On ne leur devinera qu'un rôle de baromètres. Ce ne sont pas les girouettes qui tournent,  mais le vent. Ils indiquent la mode. Notre livre n'avait intéressé que quelques centaines de lecteurs et de spécialistes avertis. Notre protestation jusqu'ici demeurait confidentielle. Elle valait aux adversaires du Tout Fiscalisme à la française, un étiquetage éliminatoire. Car le qualificatif ultra-libéral semble plus encombrant encore que celui de fasciste.

    Mais désormais notre constat devient référence à condition d'être recyclé par ceux qui n'y croient guère et n'y connaissent pas plus.

    Retenons une idée troublante avancée par notre Catalan préféré. Elle suppose, de sa part comme chez ses conseillers, une méconnaissance abyssale de la question quand il suggère que l'on pourrait, que l'on devrait "faire sortir de l'impôt sur le revenu" les 650 000 foyers qui y sont récemment rentrés par le seul mécanisme de la non réévaluation des tranches. (2)⇓

    Deux points essentiels nous paraissaient en effet, dès 2011, devoir être soulignés :

    - d'une part le fait que "tout le monde en France" paye trop d'impôts, et pas seulement "les riches". C'est par cela que commence mon propos. Ceux qui croient échapper à l'impôt parce qu'ils ne payent pas l'IR sur leurs modestes gains, en supportent du matin au soir, grâce à la TVA, la CSG, ils contribuent aussi au financement de la sécurité sociale monopoliste par les cotisations prélevées d'autorité sur leurs feuilles de paye, etc.

    - d'autre part, si l'on examine les pistes possibles pour faire baisser la dépense publique, condition essentielle pour réduire la pression fiscale, elles passent toutes par le développement d'un courant d'opinion véritable et puissant.

    Dans de telles conditions la diminution du nombre de Français supportant l'impôt sur le revenu apparaît comme le pire des retours en arrière. Diminuons le poids d'ensemble des impôts, oui. Mais élargissons celui-là, même de façon symbolique à tous les citoyens, voilà qui me semble plus nécessaire encore. Tant que l'impôt sera présenté comme le problème des seuls supposés riches, difficile de croire que l'électorat prendra majoritairement conscience de la nécessité de l'alléger.

    JG Malliarakis

    Apostilles

    1)  cf. "L'épouse de Schröder perd des primaires en Allemagne""in "Le Figaro" en ligne 31 janvier 2012. 
    2)  cf. Journal télévisé de TF1, où il s'était invité le 11 mai.

    http://www.insolent.fr/2014/05/lerreur-fiscale-du-citoyen-valls.html