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économie et finance - Page 649

  • Hausse contenue du chômage pour le premier trimestre 2014

    Souvenons‑nous de la promesse du ministre des Finances Michel Sapin, à l’époque où il était ministre du Travail du gouvernement Ayrault, qui énonçait une « inversion de la courbe de la hausse du chômage » avant 2013. En réponse à cela, le président de la République a déclaré récemment n’avoir « aucune raison d’être candidat » en 2017 si le chômage ne baissait pas.

    La réalité économique semble cruelle : selon l’agence Pôle emploi, le nombre de chômeurs toutes catégories confondues s’élevaient en mars à 4.95 millions soit une augmentation de 11.8 % en un an. Le ministère du Travail évoque vaguement une « stabilisation » de la hausse et se garde d’avancer un pronostic concernant la baisse globale du chômage. Par ailleurs le gouvernement compte sur le pacte de responsabilité pour inverser cette courbe.

    En dernier lieu, il convient de noter que le nombre de personnes radiées des listes de chômeurs reste inconnu.

    http://fr.novopress.info/164744/hausse-contenue-du-chomage-premier-trimestre-2014/

  • La Banque centrale européenne: un problème démocratique pour l’Europe ?

    Clément Fontan a obtenu son doctorat en sciences politiques à l’IEP de Grenoble en décembre 2012. Dirigée par Sabine Saurugger, sa thèse analyse la manière dont la BCE a étendu son influence politique et ses compétences pendant la crise de la zone euro. Aujourd’hui ATER à l’IEP de Lille et au laboratoire du CERAPS, ses futurs projets de recherche portent sur la constitution d’un ordre économique européen spécifique, basé sur les politiques d’austérité.

    Lors de la crise de la zone euro, la Banque Centrale Européenne (BCE) ne s’est pas contentée de répondre aux risques de déstabilisation financière ; elle a aussi étendu son influence sur la gouvernance économique des pays européens et gagné des compétences de supervision bancaire. Situation problématique au regard de l’équilibre démocratique des pouvoirs dans l’espace européen.

    « Dans le cadre de notre mandat, la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro. Et croyez moi, cela sera suffisant ». Ces quelques mots de Mario Draghi, prononcés à Londres le 26 juillet 2012, ont été l’objet de la majorité des commentaires et des analyses sur l’action de la Banque Centrale Européenne (BCE) pendant la crise. En s’exprimant ainsi, le président de la BCE cherchait à stabiliser les taux d’intérêt des dettes souveraines et ainsi à limiter les risques de défaut sur les dettes des pays périphériques de la zone euro, ce qui menaçait l’existence même de la monnaie commune. Quelques jours après ce discours, la BCE précise cette orientation de politique monétaire en annonçant un nouvel instrument, l’Outrights Monetary Transactions (OMT), un programme d’achat potentiellement illimité des dettes souveraines sur les marchés secondaires (marchés d’échange de titre). Bien que ce programme n’ait encore jamais été activé, la menace qu’il a fait planer a permis aux États de la zone euro de se financer à moindre coût en décourageant les opérateurs de marchés de spéculer sur une montée des taux d’intérêt des dettes souveraines.

    Cette annonce a provoqué deux types de réaction qui illustrent bien la ligne de crête sur laquelle la BCE a dû se maintenir pendant la crise. D’une part, certains analystes ont estimé que l’intervention de Mario Draghi avait sauvé la zone euro, le Financial Times le nommant même personnalité de l’année. D’autre part, certains économistes et dirigeants allemands comme Otmar Issing ou Jens Weidmann [1] ont durement critiqué le programme OMT car ils estimaient que la BCE dépassait le cadre de son mandat uniquement focalisé sur la stabilité des prix et alimentait des risques d’aléa moral. Ici, l’aléa moral représente les incitations des États à dépenser plus qu’ils ne devraient car les interventions potentielles de la BCE annuleraient la « discipline du marché » qui restreint l’endettement public.

    Le débat public s’est ainsi été focalisé sur l’efficacité des instruments monétaires de la BCE au détriment d’une discussion de fond sur les conséquences politiques des contreparties demandées aux États membres pour ses interventions. Ainsi, comme toutes les mesures antérieures prises par la BCE pour répondre à la crise (sur lesquelles nous reviendrons plus loin), une éventuelle mise en œuvre de l’OMT serait attachée à des conditions spécifiques prenant la forme de mesures de rigueur qui ont pour but de flexibiliser le marché du travail et de réduire le déficit budgétaire par une baisse des dépenses étatiques. Ainsi, la BCE a été un des acteurs majeurs de l’imposition des politiques d’austérité dans les pays de la zone euro en difficulté financière (Grèce, Portugal, Irlande, Italie, Espagne, Chypre). Reformulons ainsi la citation de Mario Draghi en explicitant les conséquences implicites de l’intervention de la BCE : « Dans le cadre de notre mandat, la BCE est prête à faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’euro, [si vous faites ce que nous vous demandons de faire] ».

    Cette influence sans précédent de la BCE sur la gouvernance économique de la zone euro pose un problème démocratique important : son indépendance du pouvoir politique ne se justifie que par la restriction de ses compétences au champ monétaire. L’incursion de la banque centrale dans le champ économique limite ainsi encore davantage l’impact du vote des citoyens sur la distribution des richesses au sein de l’espace européen. La question politique majeure qui se pose alors à l’observateur de la BCE est la suivante : Dans quelle mesure la BCE est-elle en droit de contraindre les politiques budgétaires et réglementaires — sur lesquelles elle n’a aucun mandat — au nom du bon fonctionnement de la politique monétaire et des objectifs de stabilité financière ?

    Afin de répondre à cette question, il faut d’abord comprendre que la BCE est un acteur politique parmi d’autres, cherchant à défendre et promouvoir ses propres intérêts [2]. Ensuite, il s’agit d’analyser l’impact de la crise de la zone euro sur les rapports de force entre les différents acteurs de l’UEM et par là, la manière dont la BCE a géré les risques provoqués par la crise tout en exploitant les opportunités offertes.

    La BCE, un acteur politique renforcé par la crise

    Alors que les projets de création d’une monnaie unique européenne datent du rapport Werner de 1971, il a fallu attendre le début des années 1990 pour acter la création de la BCE avec la signature du traité de Maastricht et le 1er janvier 1998 pour qu’elle soit opérationnelle. Parmi les facteurs expliquant l’établissement de la première banque centrale supranationale au monde, le rôle joué par les idées économiques a été déterminant.

    D’abord, la création de la BCE s’inscrit dans un mouvement global, qui se déroule depuis les années 1980, de délégation des compétences monétaires à des banques centrales indépendantes. Ensuite, la BCE a été pensée à partir d’un modèle de banque centrale particulier, la Bundesbank, qui était alors la plus puissante en Europe. Afin d’obtenir l’accord des banquiers centraux et des négociateurs allemands sur la création de la monnaie unique, la BCE a donc bénéficié d’un haut niveau d’indépendance corrélé à une focalisation de ses responsabilités sur l’objectif de stabilité de prix. La combinaison de ces deux éléments se comprend ainsi : en échange d’un très faible contrôle exercé par les autorités politiques, la BCE se voit confier des responsabilités restreintes, focalisées sur le contrôle de l’inflation, au détriment d’autres missions traditionnelles des banques centrales comme le soutien à la croissance, le financement des États ou la supervision bancaire.

    Ce qu’il faut retenir ici est que la création et les caractéristiques de la BCE sont d’abord le résultat d’une conjonction paradigmatique particulière à un moment précis de l’histoire de l’intégration européenne. Les agents de la BCE vont alors avoir un intérêt particulier à la protection et à la diffusion de ces idées parmi les autres acteurs de l’UEM. La raison est simple, les éléments idéels qui ont participé à « faire » la BCE peuvent tout aussi bien contribuer à la défaire. Ainsi, les différents présidents de la BCE ont appelé, depuis la création de la monnaie unique, à mener des réformes structurelles destinées à flexibiliser les différents marchés des biens et du travail et à strictement respecter les règles inscrites dans le Pacte de stabilité et de croissance. Il existe aussi des raisons « matérielles » à la défense de ces principes : si les États perdent la confiance des opérateurs de marché et ne peuvent plus se refinancer leur dette auprès de ceux-ci, ils pourraient forcer la banque centrale à racheter directement leurs bons du trésor (monétisation des dettes). Cependant, avant le début de la crise financière, la BCE ne disposait pas de leviers leur permettant d’exercer de pression sur les décideurs politiques de l’UEM en faveur de l’implémentation de ces réformes ; ce moment particulier de reconfiguration des systèmes politiques va changer la donne.

    Les risques et les opportunités provoquées par la crise de la zone euro

    Pendant la crise, la BCE a dû faire face à un paradoxe majeur : elle devait répondre aux risques d’effondrement de la zone euro tout en prenant en compte les tensions engendrées par ses nouveaux instruments monétaires au sein du Conseil des gouverneurs [3].

    À partir de mai 2010, la BCE fait face à la transformation de la crise bancaire en crise souveraine en rachetant les dettes souveraines sur les marchés secondaires afin de stabiliser leurs cours par l’instrument du Securities Market Program (SMP). Cet instrument va lui attirer les critiques des partisans du modèle conservateur de politique monétaire, incarné par la Bundesbank. En effet, par le rachat des dettes souveraines, la BCE franchit une ligne rouge que la banque centrale allemande n’avait jamais dépassée depuis les années 1970 et ravive le tabou de la monétarisation de la dette. Ainsi, en réaction au SMP, deux membres importants du Conseil des gouverneurs de la BCE démissionnent : Axel Weber, alors directeur de la Bundesbank, et Jürgen Stark, représentant de l’orthodoxie monétaire au sein du directoire. Le jour de l’annonce de la démission de ce dernier, l’euro atteint sa plus basse valeur depuis six mois et l’index couvrant 90% de la capitalisation boursière mondiale (FTSE All-world index) chute de 3,07%.

    Afin de faire face à ces tensions, la BCE n’est pas resté inactive : elle a paramétré le SMP de manière à protéger sa réputation originelle, basée sur le modèle de la Bundesbank. Ce paramétrage révèle le caractère politique de l’action de la BCE pendant la crise ; elle ne s’est pas contentée de maintenir les canaux de transmission de sa politique monétaire comme elle l’a prétendu mais elle a aussi cherché à protéger son héritage institutionnel et par là, son autonomie.

    En effet, son utilisation du SMP est restée très limitée, notamment en comparaison avec des programmes similaires des banques centrales américaines et anglaises, ce qui a pu nuire à son efficacité [4]. De plus, la BCE n’a rendu public que le montant hebdomadaire de ses opérations, sans préciser dans le détail la composition des bons du trésor rachetés sur les marchés secondaires. En effet, la BCE a justifié le SMP comme une opération technique destinée à rétablir le bon fonctionnement des canaux de transmission de la politique monétaire ; elle ne pouvait pas dévoiler publiquement que ses achats concernaient exclusivement les bons du trésor des pays en difficulté financière [5] (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie). Cette révélation aurait mis en cause le principe d’unicité de sa politique monétaire (pas de différenciation selon les pays) et aurait suscité des tensions internes encore plus vives.

    Cette protection de sa réputation orthodoxe a alors permis à la BCE d’exploiter la crise financière comme une fenêtre d’opportunité pour étendre son influence sur la gouvernance des politiques économiques des pays de la zone euro. Deux caractéristiques des moments de crise expliquent comment ce glissement des banquiers centraux hors de leur champ de compétences original a été possible.

    D’abord, une crise financière provoque un dérèglement des situations routinières dans un système politique et augmente la valeur de certaines ressources stratégiques détenues par les acteurs. Dans le cas de la BCE, sa position d’interface entre les marchés financiers et les autorités politiques combinée à la mise sous pression des États par les opérateurs de marché va lui permettre de peser sur des décisions sur lesquelles elle ne pouvait pas avoir d’influence en temps normal.

    Ensuite, les périodes de crise sont des événements uniques qui entraînent une montée de l’incertitude chez les dirigeants par rapport à leurs propres grilles de lecture économique et aux solutions à y apporter. Les agents de la BCE ont alors participé au cadrage de la crise financière comme une crise budgétaire et fiscale afin qu’elle puisse étendre son influence au-delà du domaine monétaire, de manière plus décisive qu’auparavant [6].

    L’impact de la BCE sur la gouvernance économique européenne

    Le moyen le plus visible par lequel les agents de la BCE ont étendu leur influence sur la gouvernance économique de la zone euro est son monopole sur les liquidités [7]. En temps normal, les capacités d’intervention des banquiers centraux sur les marchés ne sont qu’un outillage technique mais elles acquièrent une dimension politique particulière en temps de crise. En effet, quand les États et les banques commerciales n’arrivent plus à se refinancer sur les marchés, la BCE peut exercer une pression coercitive sur les dirigeants étatiques qui dépendent de son intervention pour éviter un effondrement de leur système bancaire ou une incapacité à rembourser leurs emprunteurs.

    Cette pression coercitive des banquiers centraux peut s’exercer de manière officielle aussi bien qu’officieuse. D’abord, la BCE a utilisé ses instruments de rachat de titres souverains à destination des pays ayant fait une demande d’aide financière à leurs partenaires de la zone euro (Grèce, Irlande, Portugal, Chypre), conditionnée à la bonne mise en œuvre des réformes demandées en contrepartie. Dans ce cas, le contrôle des réformes demandées est exercé in situ, dans le cadre des missions de la « troïka » en collaboration avec les agents du Fond Monétaire International (FMI) et de la Commission Européenne.

    Ensuite, la BCE a utilisé le SMP de manière davantage officieuse et bilatérale, notamment dans le traitement des tensions sur les dettes italiennes et espagnoles à partir d’août 2011. Dans les deux cas, les dirigeants de la BCE ont envoyé une lettre aux chefs de gouvernements en leur précisant les réformes à mettre en œuvre en contrepartie de l’achat de titres. La divulgation non prévue de la lettre à destination de Silvio Berlusconi par le Corriere Della Serra est en ce sens un document d’archive exceptionnel : les pressions coercitives officieuses à effet immédiat des banques centrales ne sont que très rarement révélées sur l’espace public. La lettre dévoile que la BCE appelle non seulement à réformer des domaines très éloignés de leurs compétences monétaires (libéralisation des services publics, réglementation du marché du travail, système de santé) mais aussi qu’elle précise que ces mesures doivent être adoptées par décret gouvernemental au détriment de la voie parlementaire.

    Le contrôle de ces contreparties politiques et budgétaires par la BCE n’appartient pas seulement à l’ordre du discours. La remise en cause de certaines mesures dans la dernière phase de leur mise en œuvre en octobre 2011 par Silvio Berlusconi a ainsi participé à sa chute en novembre 2011. En effet, le 7 novembre, les taux d’intérêts associés à la dette italienne atteignent des records historiques mais ne provoquent pas l’intervention de la BCE sur les marchés secondaires. Cette retenue, voulue comme une manière de faire respecter la conditionnalité de ses achats, a été un des facteurs ayant provoqué la démission du chef de gouvernement italien le même jour. Dès l’annonce du retrait de Silvio Berlusconi, la BCE réactivait le SMP et rachetait des bons du trésor italien.

    Par ailleurs, afin d’obtenir des liquidités de la part de la BCE lors de leurs opérations de refinancement, les banques commerciales déposent des titres en contreparties. Pendant la crise, la BCE a utilisé son pouvoir de définir quels titres sont acceptés lors de ces opérations pour faire pression sur la gouvernance économique européenne. L’exemple le plus significatif est celui du débat portant sur la possibilité de faire un défaut partiel sur les dettes des pays secourus financièrement. Soulevée par N. Sarkozy et A. Merckel en octobre 2010, cette option avait pour but d’alléger les coûts du remboursement de la dette grecque et des mécanismes d’aide financière supportés par les citoyens et contribuables de la zone euro en opérant une décote sur la valeur des titres détenus par les opérateurs de marchés privés. Étant donné que la BCE possédait elle-même des titres pouvant être soumis à une décote et que cette option mettait en cause la place centrale des marchés dans le fonctionnement des sociétés, elle s’est positionnée très rapidement en défaveur d’un défaut partiel sur la dette grecque. Bien que la BCE ait été le seul acteur refusant cette option, elle a su peser dans les négociations en menaçant de ne plus accepter les bons du trésor grec dans ses opérations de refinancement, ce qui aurait signifié un effondrement immédiat de l’ensemble du secteur bancaire grec et des risques importants de contagion vers les autres pays. Même si le gouvernement grec a effectué une décote importante sur la valeur de ses titres de dette souveraine, la menace de la BCE lui a permis d’obtenir deux concessions importantes : cette option est restée limitée au seul cas grec alors que les dirigeants l’envisageaient pour d’autres pays, et les titres détenus par la BCE ne sont pas concernés par la décote. En d’autres mots, dans l’exercice de leur rôle de préteur en dernier ressort, les banquiers centraux ont exercé une pression unilatérale sur l’ensemble des dirigeants de la zone euro afin de les forcer à respecter la « discipline des marchés », au détriment des coûts sociaux engendrés par le refinancement de la dette auprès des citoyens.

    Au-delà de leur monopole sur les liquidités bancaires, les agents de la BCE ont aussi étendu leur influence au sein des enceintes de l’UEM de manière moins coercitive, par leur expertise sur les questions financières et leur autorité morale sur les représentants étatiques. Lors de mes recherches, j’ai pu effectuer des entretiens avec des agents du Comité Économique et Financier (CEF), une arène cruciale dans la gouvernance de l’UEM qui réunit les conseillers des ministères des finances, ainsi que des agents de la BCE et de la Commission, dont la fonction est de préparer les conseils Ecofin et Européens afférant à la gestion de la crise. Ces entretiens ont révélé que les représentants de la BCE, ici les membres du directoire siégeant au CEF, ont joué un rôle crucial, à la fois dans le timing des décisions prises par les autorités européennes pour répondre à la crise, mais aussi dans le contenu de celles-ci.

    En effet, les représentants étatiques considèrent que les agents de la BCE ont un point de vue de praticien sur les marchés et que leur expertise est plus fiable que les régulateurs nationaux ou que les experts des ministères des finances. Par exemple, J.-C. Trichet a convaincu les chefs d’État de créer le Fonds Européen de Stabilité Financière [8] (FESF) en mai 2010 en les avertissant des risques de contagion de la crise grecque à l’ensemble de la zone euro. Or, du fait de la reconnaissance de cette expertise et de leur indépendance du pouvoir politique, les représentants de la BCE sont perçus par les représentants étatiques comme des acteurs neutres, ne cherchant pas le gain politique, à l’inverse des agents de la Commission Européenne. Par ailleurs, à partir du moment où la crise a été cadrée comme une crise budgétaire et fiscale, les positions passées des représentants de la BCE en faveur de l’orthodoxie budgétaire ont gagné une dimension quasi prophétique et leur ont permis de renforcer leur autorité morale au sein du CEF. La réputation orthodoxe des agents de la BCE leur a notamment permis de gagner la confiance des négociateurs allemands et de les convaincre de participer à la création du FESF, ce que les agents de la Commission ne parvenaient pas à faire. Ils ont ainsi endossé le rôle de créateur d’alliances entre les dirigeants étatiques aux intérêts opposés, rôle que la Commission Delors avait joué lors de la création de l’euro.

    La centralité des représentants de la BCE dans le processus de résolution de crise explique pourquoi ils ont été perçus comme faisant partie des solutions à la crise sans en avoir été une des causes. Cependant, ces perceptions sont contestables ; un rapport de l’OCDE montre notamment que les politiques monétaires passées ont été la principale cause de la formation de bulles immobilières et par là, de la fragilisation des pays touchés par la crise [9]. Par ailleurs, l’image de neutralité associée au statut d’expert est trompeuse : la mobilisation d’arguments experts est une stratégie classique des acteurs ne disposant pas de légitimité électorale pour peser sur la prise de décision.

    Pourtant, l’autorité morale de la BCE et la reconnaissance de son expertise financière ont joué un rôle central dans son acquisition des compétences de supervision financière. Débutée après la chute de Lehman Brothers, la réorganisation du système européen de supervision financière a consacré une place centrale à la BCE qui avait été privée de ces responsabilités à sa création [10]. Ce phénomène s’est d’abord observé lors de la constitution du groupe De Larosière, rassemblant huit personnalités « expertes » — en majeure partie d’anciens banquiers centraux — en charge de proposer des réformes du système européen de supervision financières en amont du processus législatif, puis lors de la création du Comité Européen de Risque Systémique, dont le président est celui de la BCE, et enfin de la création du futur Mécanisme Unique de Supervision qui déléguera la responsabilité finale de la supervision de chaque institution bancaire à la BCE en novembre 2014.

    Les décideurs nationaux et les organes supranationaux avaient des motivations bien différentes pour mettre la BCE au centre de cette réforme. Pour les décideurs nationaux, la reconnaissance de l’expertise financière développée au préalable par la BCE leur permettait d’ « importer » à moindre coût cette caractéristique au sein des nouveaux organes de supervision. Pour la Commission Européenne et le Parlement Européen, l’autorité morale de la BCE envers les États a été la principale raison de leur soutien au transfert ; ils pouvaient ainsi s’assurer que les nouveaux organes supranationaux puissent avoir un impact au niveau national ce qu’une structure ad hoc aurait eu plus de difficultés à accomplir. La BCE a ainsi su jouer sur la diversité des motivations des décideurs et législateurs européens pour étendre progressivement ses compétences de supervision et devenir l’acteur le plus important dans ce domaine en Europe.

    Le docteur Frankenstein et sa créature

    Que retenir de cette analyse politique de l’action de la BCE pendant la crise de la zone euro ? D’abord, les perceptions et les idées des acteurs politiques ont joué un rôle central lors de la prise de décision en temps de crise. Loin de la vision idéalisée des théories de l’intégration européenne qui affirment que la délégation des politiques monétaires est un processus voulu et maîtrisé par les États, l’analyse de la gestion de la crise révèle un processus incertain où le processus de transfert de compétences et le gain d’influence de la BCE dépassent les décideurs politiques. En effet, aucun dirigeant ne pouvait imaginer lors de la création de l’euro que la BCE pourrait un jour forcer la mise en œuvre de réformes socio-économiques au sein de leurs espaces nationaux.

    On peut ainsi interpréter l’évolution institutionnelle et politique de la BCE pendant la crise en se référant à l’ouvrage gothique de Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Mû par la volonté d’améliorer le monde à travers la science, le docteur Frankenstein donne naissance à une créature, faite de morceaux de tissus humains épars, qui échappe progressivement à son contrôle et bouleverse l’existence de son créateur. De manière similaire, afin de faire face aux crises de change des années 1980 et d’éviter le retour des crises inflationnistes des années 1970, les décideurs européens ont créé la BCE sur le modèle de la Bundesbank en lui octroyant un niveau d’indépendance très élevé. Celle-ci s’est progressivement émancipée de son champ de compétences initial pendant la crise et elle bouleverse aujourd’hui l’organisation socio-économique des pays européens en imposant des politiques d’austérité strictes. Or, la qualité de la démocratie européenne dépend de la capacité d’influence des citoyens sur les choix gouvernementaux. L’intervention d’une banque centrale indépendante imposant des politiques souvent rejetées par les citoyens concernés altère le bon fonctionnement de la démocratie européenne et risque ainsi de nuire au projet d’intégration européenne de manière générale. Dans le cadre du dialogue monétaire avec le Parlement Européen, ce dernier a d’ailleurs invité la BCE à « réaliser une auto-évaluation critique portant sur tous les aspects de son activité », y compris son impact sur la gouvernance économique [11], sans disposer pour autant de leviers de pression sur celle-ci.

    Enfin, le Parlement précise aussi que le gain de compétences de supervision financière devrait être corrélé à un renforcement du contrôle démocratique sur la BCE et de la transparence sur ses activités. En effet, ces nouvelles missions risquent d’accentuer la porosité déjà existante des trajectoires professionnelles entre le milieu des banques centrales et celui des institutions financières privées, ce qui augmente alors les conséquences négatives d’une éventuelle « capture » de la BCE par les intérêts privés financiers. La créature de Maastricht pourrait ainsi, si l’on ne prend pas garde, devenir malgré sa mission un nouveau vecteur des intérêts financiers privés sur l’organisation des sociétés européennes.

    Clément Fontan

    Pour en savoir plus

    Mark Blyth, Austerity : the history of a dangerous idea. Oxford, Oxford University Press, 2013.

    Clément Fontan, « L’art du grand écart : le modèle ordo-libéral de la BCE face à la crise », Gouvernement et Action Publique, en cours de publication, 2014.

    Clément Fontan, « Frankenstein en Europe : l’impact de la BCE sur la gestion de la crise de la zone euro », Politique Européenne, No.42, pp.11-33, 2014

    Frédéric Lebaron, « Quand le gardien du Temple devient le sauveur des marchés financiers »

    Wolfgang Streeck et Amin Schäfer (eds.), Politics in the Age of Austerity, Hoboken, John Wiley & Sons, 2013.

    Source : http://www.laviedesidees.fr/La-BCE-un-probleme-democratique.html ET

    Clément Fontan, « La BCE : un problème démocratique pour l’Europe ? », La Vie des idées, 15 avril 2014. ISSN : 2105-3030. URL : : http://www.laviedesidees.fr/La-BCE-un-probleme-democratique.html

    [1] Issing est un économiste aux positions orthodoxes marquées et ancien membre du directoire de la Bundesbank (1990-1998) et de la BCE (1998-2006). Weidmann est le directeur de la Bundesbank depuis 2011, et à ce titre membre du Conseil des gouverneurs de la BCE.

    [2] En cela, cette approche se rapproche de travaux classiques de science politique, notamment ceux appartenant aux courants néo-institutionnalistes ou du constructivisme stratégique. Les travaux de N. Jabko sur la Commission européenne peuvent notamment être signalés : Nicolas Jabko, L’Europe par le marché, histoire d’une stratégie improbable, Paris, Presses de Sciences-Po, 2009.

    [3] La politique monétaire de la zone euro est gérée par une structure fédérale : le système européen des banques centrales qui réunit l’ensemble des banques centrales nationales et la BCE. Les décisions sont prises au sein du Conseil des gouverneurs, qui réunit les directeurs des banques centrales nationales et les six membres du directoire, l’organe exécutif de la BCE.

    [4] Le but des programmes d’achat de titres est de convaincre les opérateurs de marchés financier de la détermination de la banque centrale à effectuer ses achats afin de décourager toute activité spéculative, voir Paul De Grauwe, « The European Central Bank as Lender of Last Resort in the Governement Bond Markets », CESifo Economic Studies,No. 59 (3), pp. 520-535, 2014.

    [5] La corrélation entre les variations des taux d’intérêts des dettes souveraines et des montants hebdomadaires de titres achetés permet néanmoins aux chercheurs et aux journalistes financiers de déterminer la destination des achats de la BCE.

    [6] Ce cadrage n’avait rien d’évident car les racines de la crise sont davantage à trouver dans la mauvaise gestion du risque des secteurs financier et bancaire privés que dans les dépenses étatiques incontrôlées des États. Sur ce sujet, lire l’explication très convaincante de Mark Blyth, Austerity : the history of a dangerous idea. Oxford, Oxford University Press, 2013.

    [7] La BCE exerce ainsi la fonction traditionnelle des banques centrales de « préteur en dernier ressort », c’est-à-dire d’autorité supérieure aidant au refinancement des établissements bancaires exposés au manque de liquidité sur les marchés monétaires. Par extension, cette notion peut aussi s’appliquer au marché obligataire souverain.

    [8] Le FESF est un mécanisme d’aide financière ad hoc capitalisé à hauteur de 500 milliards d’euros mis en place par les autorités de la zone euro en mai 2010. Il a été remplacé depuis par le Mécanisme Européen de Stabilité. Dans les deux cas, les prêts sont conditionnés à la mise en œuvre de réformes de rigueur.

    [9] Rudiger Ahrend, Boris Cournède, Robert W. Price, Monetary Policy, Market Excesses and Financial Turmoil. oecd Economics Department Working Papers, n° 597, 2008.

    [10] La séparation entre politique monétaire et supervision financière a été effectuée au nom de l’orthodoxie monétaire (tout autre objectif que la stabilité des prix peut nuire à celle-ci). La BCE a essayé de protéger sa réputation orthodoxe en effectuant un cloisonnement essentiellement symbolique entre ces deux activités, notamment lors des interventions du président de la BCE au Parlement Européen.

    [11] La proposition de résolution du Parlement Européen sur le rapport annuel de la BCE est disponible ici.

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFAlVZklkFuMQoulnJ.shtml

  • MONSANTO CONTRE LES PEUPLES Un peu de clarté dans le marécage

    On se souviendra de la sentence d’Henry Kissinger : « Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez le peuple, contrôlez la monnaie et vous contrôlerez le monde. ». En contrôlant la nourriture, Monsanto veut contrôler les peuples. Le Chili comme le Mexique s’y sont opposés. Certes, quelques hirondelles ne font pas le printemps, mais une résistance commence à germer en Amérique Latine.

    Monsanto, bloqué au Chili 

    Le gouvernement chilien a l’habitude de s’aligner sur les Etats-Unis. Derrière le coup d’Etat de Pinochet, la trahison de l’Argentine dans son conflit avec la Grande Bretagne pour les îles malouines, et l’Alliance du Pacifique, on trouve toujours la tour noire étatsunienne. La Présidente Bachelet vient cependant, sur Monsanto, de changer d’attitude (1). Le 17 mars de cette année, le gouvernement chilien a annoncé le retrait du projet connu sous la dénomination de « loi Monsanto » sur la privatisation des semences paysannes et la non adhésion à la Convention UPOV 91 sur la protection de l’obtention des végétaux.

    Ce projet de loi avait été déposé au parlement en 2009 par la présidente elle-même au cours de sa précédente administration. Le mouvement Via Campesina (2) qui a éveillé la population aux dangers des OGM a permis à de nombreux hommes politiques de comprendre enfin les méfaits du pillage de la nature et le « racket » des populations à partir de droits de reproduction forgés de toutes pièces, sans aucune légitimité.

    Au Mexique, Monsanto veut liquider le juge qui lui déplaît 

    La multinationale Monsanto, veut détruire les catégories de maïs qui poussent au Mexique, en répandant ses OGM stérilisateurs partout, de sorte qu’entre le hasard et la malveillance, tous les types de maïs soient finalement pollués, ce qui serait le pactole pour l’entreprise. Action Collective, composée de savants et de paysans, a obtenu que Monsanto ne puisse continuer la culture des grains génétiquement modifiés. La décision des juges est honorable et juste: il y a un « risque de préjudices importants pour l’environnement ». 

    La réaction des « monsantistes » a été de mettre en cause le juge (3). On reconnaît là une des méthodes d’un pouvoir totalitaire. Si un magistrat est indocile, on le le salit et on le remplace. C’est la situation que vient de connaître Mexico, où le juge Zaleta qui a confirmé l’interdiction des produits stérilisants Monsanto, est agressé par la firme qui a demandé, avec son impudence habituelle, de démettre le juge. Il se vérifie une fois de plus que l’investissement dans l’homme est ce qu’il y a de plus noble. le juge Jaime Manuel Marroquin Zaleta est un héros des temps modernes.

    Au Vénézuela, le peuple vit mieux

    Dernier exemple de rayon de soleil, le cas du Vénézuela ou l’influence de Monsanto fonctionne encore à plein rendement. Le Président Madero se flatte que, maintenant, 64% de la richesse produite soit distribuée au peuple. Il estime que depuis 1999, l’oligarchie alors en place n’a pu volé des sommes qui se chiffrent en billions et qui sont aujourd’hui distribuées au peuple Vénézuélien.

    La finance mondialiste ne supporte plus que des pays réussissent leur développement en suivant une autre voie que la sienne. Pour cela aussi, la Russie est attaquée, et demain viendra le tour de la Chine si elle continue à progresser. L’Europe couchée est par contre applaudie. L’empire de la servitude est en même temps l’empire du néant. Là où passe ce pouvoir totalitaire, la stérilité s’installe…

    Auran Derien

    Source :http://metamag.fr/metamag-1996-MONSANTO-CONTRE-LES-PEUPLES.html

    (1) http://www.brujitafr.fr/article-le-chili-torpille-la-loi-monsanto-grace-aux-activistes-indigenes-et-associations-paysannes-locales-123311057.html

    (2) http://viacampesina.org/fr/

    (3) http://www.shiftfrequency.com/christina-sarich-monsanto-demands-removal-of-mexican-judge-over-gm-maize-ban/

    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EFAlyyZVpyIlNVYfYR.shtml

  • Grèce : Les malades non assurés ne sont plus pris en charge

    Le gouvernement grec n’a pas fourni de traitements aux patients atteints d’hépatite, ce qui met en péril la santé publique nationale. Huit patients non assurés atteints de l’hépatite B et C risquent de voir leur état se dégrader fortement, car ils ne peuvent plus se permettre d’acheter leurs médicaments, met en garde l’hôpital communautaire à Elliniko en Grèce.

    « Malheureusement, notre hôpital ne peut plus fournir sans interruption à ces patients les traitements extrêmement coûteux dont ils ont besoin. Ces personnes sont donc confrontées à de graves complications et risquent aussi de transmettre leurs maladies à d’autres. Cette situation problématique affecte sérieusement la santé publique », indique l’hôpital dans le journal Enet..

    La clinique a accusé le ministère grec de la Santé de s’être engagé dans une « politique irresponsable et stupéfiante » responsable de ruptures de stocks des traitements d’urgence aux patients atteints de maladies contagieuses graves, comme l’hépatite.

    Il y a un mois, la clinique a envoyé une lettre au ministère de la Santé et au secrétariat général du gouvernement pour les alerter quant à la situation critique des huit patients. Elle attend toujours une réponse des autorités.

    « De nouveau, nous demandons au ministère de la Santé de prendre les mesures qui devraient s’imposer, et publiquement cette fois-ci. Ces personnes doivent immédiatement recevoir une attention médicale redoublée et le ministère devrait s’engager à ce que le système de santé publique couvre d’autres cas semblables.Si ce n’est pas le cas, notre société court un grave danger.

    L’attitude du ministère montre non seulement qu’il est dénué d’empathie, mais elle révèle également une politique irresponsable et stupéfiante. On ne peut ignorer les patients atteints de maladies graves et contagieuses », a déclaré l’hôpital.

    L’hôpital d’Elliniko, fondé en décembre 2011, a accueilli des milliers de patients qui se sont vus refuser l’accès à des soins de santé publique gratuit dans d’autres établissements, par exemple, des chômeurs de longue durée et des personnes démunies. L’hôpital refuse les dons en espèce et le soutien d’entreprises, mais accepte cependant des dons de médicaments.

    Le mois dernier, le gouvernement grec et la troïka ont fait l’objet de critiques, car ils niaient l’ampleur des conséquences engendrées par les coupes sans précédent opérées dans les budgets en matière de santé.

    Selon un rapport publié par The Lancet, des professeurs de l’université d’Oxford, de Cambridge et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine ont indiqué que le gouvernement grec se fourvoyait quand il a déclaré que la réduction des dépenses publiques n’avaient aucun impact négatif sur la santé publique.

    EuroActiv

    http://fortune.fdesouche.com/337095-grece-les-malades-non-assures-ne-sont-plus-pris-en-charge#more-337095

  • Droite et gauche, un théâtre soumis aux caprices des Saoudiens ?

    Le ministre Renaud Donnedieu de Vabres a décidé le 27 avril 2007 de donner au théâtre impérial le nom de son mécène.   

    Vestige du Second Empire, le théâtre impérial Napoléon III (théâtre du château de Fontainebleau), petit bijou architectural construit entre 1854 et 1857 à la demande de Napoléon III, est en cours de restauration ; l’ouverture est prévue pour 2015.

    En revanche – il faudra s’y habituer –, il changera de nom pour devenir le théâtre Cheikh Khalifa ben Zayed Al Nahyane, car ce sont les Émirats arabes unis qui ont sorti le chéquier pour sa restauration. On nous a bien aidés, alors il faut leur rendre la monnaie de leur pièce…

    D’ailleurs, personne ne s’en cache, c’est écrit noir sur blanc sur le site officiel :  : « Dans le cadre d’un accord passé entre le gouvernement français et celui de l’émirat d’Abou Dabi, parallèle à celui créant le musée universel du Louvre Abou Dabi, une enveloppe de 5 millions d’euros reconductible a été allouée par Son Altesse le Cheikh Khalifa ben Zayed al Nahyane au financement de la restauration du théâtre impérial du château de Fontainebleau. En reconnaissance de cette action, le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, a décidé le 27 avril 2007, en présence de l’autorité de la Culture et du Patrimoine d’Abou Dabi, Son Altesse Cheikh Sultan ben Tannoun al Nahyane, de donner au théâtre impérial le nom de son mécène. »

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  • 600 millions d’euros déversés sur les banlieues ethniques

    Quelque 600 millions d’euros du programme d’investissement d’avenir (PIA) seront accordés aux « zones sensibles », a annoncé lundi le ministre de la Ville Najat Vallaud-Belkacem qui souhaite « mettre le paquet sur l’emploi » dans les « quartiers populaires » (c’est-à-dire immigrés).

    Préférence étrangère ? Maintien de la « paix sociale » par l’argent ?
    Il s’agit quoiqu’il en soit de créer encore une quantité d’emplois bidons pour contenter les déracinés venus en France pour des raisons économiques…

    http://www.contre-info.com/600-millions-deuros-deverses-sur-les-banlieues-ethniques

  • Le fossé entre riches et pauvres n’a jamais été aussi grand :

    Jamais le monde n’a produit autant de richesses qu’à l’heure actuelle. Si cette richesse était répartie de manière égale entre tous et partout dans le monde, une famille avec trois enfants disposerait d’un revenu de 2.870 euros par mois et d’un patrimoine (épargne, valeur du logement…) de 125.000 euros.

    Nous parlons bien ici de tous les gens sur la planète : Africains, Asiatiques, Européens, Américains, etc. 2.870 euros par mois et un patrimoine de 125.000 euros, voilà qui est étonnamment élevé. Ce n’est certes pas assez pour vivre dans le luxe, mais bien suffisant pour que tous les êtres humains disposent d’un logement confortable, d’électricité, d’eau potable et de sanitaires, également via des méthodes écologiques.

    Il y a donc assez pour que tout le monde puisse mener une vie plus que décente. Et, pourtant, dans le monde, un être humain sur trois ne dispose pas de dispositif sanitaire de base, et un sur quatre n’a pas accès à l’électricité. Un sur sept vit dans un bidonville, un sur huit a faim et un sur neuf n’a pas accès à l’eau potable.[1] Autre manière d’expliquer les choses : avec une répartition égale de la richesse, tout le monde disposerait de 23 dollars par jour. Et, pourtant, 2,4 milliards de gens doivent vivre avec moins de 2 dollars par jour et 1,2 milliard même avec moins de 1,25 dollar.[2]

    Le problème n’est donc pas qu’il n’y a pas assez de richesse, mais que celle-ci est répartie de manière scandaleusement inégale. Aujourd’hui, 85 personnes possèdent autant que 3,6 milliards de gens ensemble.[3] Le 1% le plus riche possède près de la moitié de toute la richesse du monde alors que 70% les plus pauvres en possèdent 3%. Les très riches possèdent chacun une fortune moyenne d’1,6 million de dollars, soit 700 fois plus que la plus grande partie de la population mondiale.[4]

    Un bon 32.000 milliards de dollars sont à l’abri dans les paradis fiscaux.[5] C’est 130 fois plus que ce qui est annuellement nécessaire pour atteindre les objectifs du millénaire pour le développement (OMD) des Nations unies et éradiquer la pauvreté la plus forte dans le monde. Jamais auparavant le contraste entre ce que l’économie mondiale a à offrir et ce qu’elle donne effectivement pour répondre aux besoins de base n’avait été aussi grand, aussi criant qu’à l’heure actuelle.

    Prospère Belgique

    En Belgique, ou j’habite, le revenu moyen disponible pour une famille avec deux enfants est de 8.000 euros par mois, et le patrimoine moyen d’une telle famille est un petit 800.000 euros.[6] Des chiffres qui paraissent également étonnamment élevés mais, à nouveau, il s’agit de moyennes qui cachent une répartition extrêmement inégale.

    D’un côté, le 1% des Belges les plus riches possèdent 40 fois autant que le Belge moyen. Les dix familles les plus riches de notre pays disposent ensemble d’un patrimoine de 42 milliards d’euros, environ autant que les 2 millions de Belges les plus pauvres. Le patrimoine des familles De Spoelberch, De Mévius et Vandamme correspond exactement au budget total de l’assurance maladie en 2012.[7]

    De l’autre côté, 1 Belge sur 5 court le risque de tomber dans la pauvreté ou dans l’exclusion sociale.[8] Une famille sur 5 avec un bas revenu doit reporter des soins médicaux pour des raisons financières.[9] Et il n’est pas du tout rare que des gens doivent travailler à un rythme inhumain pour à peine 1.300 euros par mois. Au vu de la haute prospérité de la richesse de notre pays, c’est inacceptable.

    Le fossé entre riches et pauvres en Belgique n’a jamais été aussi grand, et il continue de se creuser. Les dernières vingt années, les revenus des 30% les plus pauvres ont baissé de 10% alors que le pourcent le plus riche a vu son revenu augmenter de 30%.[10] Durant cette période, le nombre de pauvres a doublé.[11] C’est la conséquence de deux éléments : d’abord, les allocations et salaires ont été gelés ou augmentent moins vite que la prospérité ; ensuite, le capital bénéficie de toujours plus d’avantages fiscaux. Ces dernières trente années, la part salariale dans le PNB (la richesse nationale) a baissé de 67 à 62%, alors que la part du capital a presque doublé, passant de 6 à 10%.[12]

    Pas la crise pour tout le monde

    C’est la crise qui est ici le grand malfaiteur. Dans le capitalisme, une crise revient à un grand nettoyage brutal et chaotique de l’économie. La facture est invariablement imposée aux travailleurs et aux plus faibles de la société. En d’autres termes, une crise économique est un excellent moyen pour organiser un transfert du travail au capital, des pauvres vers les riches. Les réductions des salaires dans les années 1980 en sont un bon exemple. Si, aujourd’hui, les salaires constituaient une part aussi grande du PIB qu’en 1981, chaque travailleur gagnerait environ 950 euros de plus par mois.[13]

    Le krach financier de 2008 est la répétition du même phénomène. Rien qu’en Europe, 4 millions d’emplois ont disparu à cause de la crise.[14] Dans le monde, 64 millions de gens ont été poussés dans l’extrême pauvreté.[15] Dans presque tous les pays européens, le fossé entre riches et pauvres a augmenté, et même particulièrement fort en Irlande et en Espagne.[16] Actuellement, l’Europe compte 120 millions de pauvres, et 100 à 150 millions de personnes vivent sur le fil du rasoir. Il s’agit donc au total de 43 à 53% de la population ! En outre, avoir un emploi n’est plus suffisant. En Europe, une personne qui travaille sur 10 vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.[17]

    Surtout dans les pays périphériques, la politique d’économies menée depuis 2008 a causé de véritables ravages. Les revenus moyens n’ont pas non plus été épargnés. En Italie, le pouvoir d’achat a baissé de 12%, en Espagne et en Grande-Bretagne (!), de 22%, et en Grèce, même de 33%.[18] Au Portugal, les salaires ont baissé de 12% ;[19] en Grèce, les salaires des fonctionnaires ont même dégringolé de 35%.[20] Aujourd’hui, 31% des Grecs vivent sous le seuil de pauvreté et 27% risquent d’y tomber.[21] En Espagne, la pauvreté pourra atteindre 40% d’ici 2022.[22]

    En Belgique aussi, la pauvreté continue à augmenter. Aujourd’hui, dans ce pays prospère, 24.000 personnes ont besoin de l’aide alimentaire de la Croix-Rouge.[23] Certes, le rythme de cette augmentation a été moins rapide que dans les pays périphériques, parce que nous sommes restés 541 jours sans gouvernement et que des économies n’ont pu être décidées durant cette période. Deuxièmement, chez nous, les syndicats sont plus forts que dans la plupart des pays voisins.

    Pour les super-riches, la crise a en tout cas été une bénédiction. Jamais auparavant il n’y a eu autant de super-riches (fortune de plus de 22 millions d’euros) dans le monde. En Europe, 4.500 ont rejoint la liste, en Belgique, 60.[24] Les « individus très riches » (high-net-worth individual, avec des moyens d’investissements de plus d’un million de dollars) ont vu leur richesse croître d’au moins 41% depuis 2008.[25] Clairement, ce n’est pas la crise pour tout le monde.

    Une question de civilisation

    Ce fossé est un véritable scandale. Pour l’économiste internationalement renommé Jeffrey Sachs, une redistribution fondamentale de la richesse est une question de « civilisation ».[26] Mais il y a aussi des raisons sociales, économiques et même politiques pour entamer la lutte contre ce fossé. En premier lieu, l’inégalité dans un pays entraîne toute une série d’effets néfastes. Cela raccourcit la vie des gens, les rend plus malheureux, augmente la criminalité, le nombre de grossesses d’adolescentes et d’addictions aux drogues, et cela stimule la consommation excessive.[27]

    Economiquement, une grande inégalité aggrave la crise, puisque des bas revenus signifient moins de pouvoir d’achat, ce qui est néfaste pour la consommation globale et donc aussi pour les investissements.

    Il y existe un important parallèle entre notre époque et la Grande Dépression des années 1930. Entre 1920 et 1928, la part des 5% les plus riches est montée de 24 à 33%. Un an plus tard, c’était l’explosion. En 1983, cette part était de 22% et, en 2008, de 33%, soit précisément le niveau de l’année avant le grand krach.[28] Pour les mêmes raisons, les économies ne sont pas une bonne idée. Elles augmentent le fossé, rallongeant et empirant donc la crise. Mais peut-être est-ce bien le but ?[29]

    Pour finir, un fossé trop grand entre riches et pauvres crée également un danger politique, davantage dissimulé. L’inégalité économique croissante et le recul des revenus bas et moyens suscite le mécontentement et l’agitation dans une large couche de la population. Selon The Economist, dans au moins 65 pays, il existe une possibilité haute à très haute d’agitation et de révolte, comparable avec celles du Printemps arabe.[30] Il n’est donc guère étonnant qu’à Davos, l’élite des riches décideurs, tout comme le président Obama et le chef du FMI, commencent à vraiment s’en inquiéter.[31]

    Ils n’ont pas encore réalisé qu’il ne s’agit pas ici d’un excès ou d’un débordement, mais bien d’une erreur-système ou d’un vice de construction. Il est grand temps pour quelque chose de nouveau.

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  • Budget : « Les gains de productivité ont des limites », prévient le chef d’état-major des armées

    Ramener le déficit public en-dessous du seuil de 3% du PIB en 2015 afin de respecter les engagements européens de la France et les critères de convergence de la monnaie unique établis par le traité de Maastricht. Tel est l’objectif du Plan de stabilité qui, présenté le 23 avril en Conseil des ministres, par Michel Sapin et Christian Eckert, prévoit 50 milliards d’économies sur la période 2015-2017.
    Selon l’échéancier de ce plan, il faudra trouver 21 milliards d’euros en 2015, 16 milliards en 2016 et 13 milliards en 2017. Mais le ministre des Finances et des Comptes publics a indiqué qu’un effort supplémentaire de 4 milliards d’économies devait être réalisé dès cette année, étant donné que les finances de la France, mises sous surveillance par la Commission européenne, ont dérapé l’an dernier, avec un déficit de 4,3% au lieu des 4,1% attendus. Les détails seront précisés dans le collectif budgétaire de juin prochain.
    Cet « effort net de redressement supplémentaire » devrait être financé par des économies dans la dépense publique. Le gouvernement compte sur la sous-exécution des dépenses de l’assurance-maladie constatée en 2013 (1 milliard) ainsi que sur les effets des décisions prises par les partenaires sociaux au sujet de l’assurence-chômage. Des prestations (retraitres, allocations logement) pourraient être gelées et le recours à la réserve de précaution de 7 milliards, abondée par des gels de crédits, est envisagé.
    Et cette éventualité est susceptible de se traduire par des coupes dans le budget du ministère de la Défense, puisqu’il contribue, comme les autres, à cette réserve de précaution…
    Or, la trajectoire financière de la Loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit de maintenir ce dernier à 31,4 milliards d’euros jusqu’en 2016 (c’est à dire qu’il ne prend pas en compte l’inflation) et de l’augmenter légèrement par la suite. Pour cela, les armées doivent supprimer 34.000 postes et compter sur 6,1 milliards de recettes exceptionnelles (REX), aléatoires par définition. En un mot comme en cent, ce montage est fragile et la moindre encoche est susceptible de le faire s’effondrer.
    D’où l’avertissement lancé par le chef d’état-major des armées (CEMA), le général Pierre de Villiers contre tout coup de rabot qui affecterait le budget de la Défense, comme cela s’est vu trop souvent par le passé.
    « Si on supprime des crédits sur les trois prochaines années en-deçà de ce qui est prévu à l’heure actuelle, on supprimera du physique. C’est mécanique », a-t-il en effet affirmé en marge d’un déplacement à Washington. « Les gains de productivité, ça a des limites », a-t-il insisté.
    Avec le Livre blanc sur la défense publié il y a tout juste un an et la LPM qui en découle, l’armée français a une « feuille de route qui est claire », a fait valoir le général de Villiers. « Tout cela est cohérent avec une enveloppe qui est calculée au plus juste et on a eu des difficultés à tailler le costume », a-t-il expliqué.
    Aussi, si jamais les ressources financières espérées par les armées devaient être moindres que prévu, « ce serait un autre projet », a-t-il dit. « Tout est possible, simplement il faudra le dire », a ajouté le CEMA.
    Pour autant, le général de Villiers a aussi précisé qu’il ne disposait pas, « à ce stade », d’éléments sur d’éventuelles coupes budgétaires, « les arbitrages n’(ayant) pas été faits ». Aussi, en la matière, il vaut mieux prendre les devants. Et c’est ce qu’il a fait.

    Source : http://www.opex360.com/2014/04/24/budget-les-gains-de-productivite-ont-des-limites-previent-le-chef-detat-major-des-armees/

    http://www.voxnr.com/cc/politique/EFAlVZuZyyvKQahsrj.shtml

  • Les bonus des mastodontes de la City font encore des vagues

    Veto du gouvernement à l’augmentation du plafond des rémunérations variables chez RBS, vives critiques des actionnaires de Barclays : les bonus des mastodontes de la City continuent de faire des vagues au Royaume-Uni.

    “Le gouvernement a été très clair. Notre approche de la rémunération doit être équilibrée alors que nous émergeons de la crise financière“. Tapant du poing sur la table, le ministère britannique des Finances a opposé une fin de non-recevoir à la Royal Bank of Scotland (RBS), dont l’État détient 81% du capital depuis son sauvetage à grand frais en 2008.

    La banque, qui n’a pas encore sorti la tête de l’eau malgré une cure de redressement drastique et a accusé une nouvelle perte massive de près de 9 milliards de livres (environ 10,9 milliards d’euros) l’an dernier, a indiqué vendredi qu’elle aurait souhaité relever le plafond des bonus de ses banquiers.

    La loi européenne sur le plafonnement des bonus stipule que la rémunération variable des banquiers ne peut plus excéder le montant de leur rémunération fixe, mais permet toutefois aux établissements de la porter au maximum au double de la rémunération fixe, à condition que les actionnaires soient d’accord.

    Problème pour RBS, UKFI, l’entité publique gérant les participations de l’Etat dans le secteur bancaire, a informé la banque qu’elle voterait contre toute résolution allant dans ce sens lors de l’assemblée générale du 25 juin, l’obligeant donc à enterrer le projet purement et simplement.

    La banque a eu beau invoquer que tous ses “principaux concurrents au Royaume-Uni et en Europe” allaient le faire et que ce projet était “compris” par les actionnaires institutionnels présents à son capital. En vain.

    “RBS va dans la bonne direction” grâce à la stratégie de son nouveau patron, Ross McEwan, “mais elle n’a pas achevé sa restructuration et reste détenue en majorité par l’Etat. Une augmentation du plafonnement des bonus ne peut donc pas se justifier” et le gouvernement s’assurera que “la rémunération totale et la rémunération moyenne par personne baissera cette année chez RBS”, a insisté un porte-parole du Chancelier de l’Échiquier, George Osborne.

    “Il y a quelques années, les bonus étaient hors de tout contrôle, les banques ont eu besoin d’être sauvées et l’économie se contractait“, a-t-il rappelé.

    George Osborne est pourtant opposé à la loi sur le plafonnement des bonus que le Royaume-Uni a attaqué devant la justice européenne, car il juge que cette mesure aura pour effet pervers d’augmenter la rémunération fixe des banquiers, mais “tant qu’elle existe, nous nous assurerons qu’elle est appliquée“, a fait valoir son porte-parole.

    Le bon élève Lloyds Banking Group, dont l’Etat se désengage alors que son redressement est en très bonne voie, aura lui le droit d’augmenter le plafond de ses bonus, a en revanche fait savoir le gouvernement.

    Chez Barclays, la question des bonus a également fait des vagues jeudi lors de l’assemblée générale du groupe, près d’un quart des actionnaires ayant voté contre les rémunérations versées au titre de l’an dernier. Une représentante de la société d’investissement Standard Life a notamment souligné ne pas être “convaincue que le montant des bonus de 2013 était dans l’intérêt des actionnaires“.

    Barclays avait suscité une intense polémique en février en annonçant une hausse de près de 10% des bonus à 2,378 milliards de livres (2,8 milliards d’euros), alors que son bénéfice avant impôts a chuté de 32% l’an dernier et que sa division banque d’investissement, ancienne vache à lait du groupe, est tombée dans le rouge au quatrième trimestre. Cette hausse des bonus avait d’autant plus choqué l’opinion que la banque avait annoncé parallèlement la suppression de 10.000 à 12.000 emplois supplémentaires cette année.

    Mais la banque assume et justifie ces gratifications exceptionnelles par le besoin de garder ses banquiers les plus talentueux, qui pourraient sinon se faire débaucher dans un “environnement extrêmement compétitif“. Des banquiers qui pourraient toutefois être beaucoup moins nombreux à l’avenir, Barclays s’apprêtant, selon des médias et des analystes, à annoncer dans deux semaines des milliers de suppressions d’emplois dans sa banque d’investissement.

    AFP (via Bilan)

    http://fortune.fdesouche.com/337577-les-bonus-des-mastodontes-de-la-city-font-encore-des-vagues#more-337577

  • C’est quoi le Partenariat transatlantique ? Dix réponses pour mesurer le danger

    TAFTA, TTIP, PTCI… Ce qui se trame derrière ces sigles et dans les négociations secrètes entre l’Union européenne et les États-Unis, c’est la liquidation progressive du pouvoir des États et des citoyens face aux multinationales. Il est urgent de n’en rien ignorer.

    Comment ça s’appelle ?

    APT (Accord de partenariat transatlantique), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), PTCI (Partenariat transatlantique sur le commerce et l’Investissement) TAFTA (Trans Atlantic Free Trade Agreement) tout à la fois. Le diable se loge dans les acronymes et la confusion sert les promoteurs de l’opération. Certains opposants réfutent la notion de partenariat et préconisent l’appellation Grand marché transatlantique (GMT), qui a le mérite d’être explicite.

    Qu’est-ce que c’est ?

    Un traité de libre-échange actuellement en négociation (depuis juillet 2013) entre l’Union européenne et les États-Unis, qui vise en principe à abaisser les droits douaniers, mais cherche surtout à unifier un grand marché transatlantique. C’est le dernier épisode en date d’un processus d’intégration mis à l’agenda depuis l’éclatement du bloc de l’Est, ayant pour objectif l’harmonisation des législations, des règlementations et des normes – avec des arrière-pensées géopolitiques, comme le souci de contrecarrer l’expansion économique de la Chine.

    Est-ce qu’on nous cache tout ?

    Presque tout. C’est en secret qu’en juin 2013, Le Conseil de l’UE (chefs d’État et de gouvernement) a confié un mandat de négociation à la Commission européenne. Et c’est aussi sans aucun contrôle possible de la part des parlementaires européens, ni aucune consultation des citoyens. Sans grande mobilisation médiatique non plus, le débat est donc largement escamoté, ce qui arrange grandement les promoteurs du GMT.

    C’est grave ?

    Oui, très grave.

    D’accord, mais plus précisément ?

    En résumé, le GMT aboutirait à un dramatique abandon de souveraineté de la part des États, au profit d’un pouvoir accru des entreprises multinationales. Le gigantesque marché unique attendu d’un futur traité serait aussi défini comme une instance supranationale dont les règles auront vocation à s’aligner (par le bas) en faveur d’un maximum de libéralisation et de dérégulation, et à se substituer aux législations et aux instances nationales, privant celles-ci de leur pouvoir de décision et les populations de tout moyen de contrôle démocratique.

    L’abaissement des droits de douane est-il un prétexte ?

    Pour une large part, dans la mesure où ils sont d’ores et déjà très réduits entre les deux zones (2% en moyenne)… sauf pour certains secteurs comme l’agriculture, dans lesquels les États-Unis ont tout intérêt à voir s’effacer les absurdes réticences européennes à l’encontre de la viande aux hormones, des poulets désinfectés au chlore, des OGM ou des pesticides. Dans ce domaine, l’abandon des législations de l’UE, protectrices pour les consommateurs, conduirait à la généralisation du modèle intensif d’agriculture et d’élevage, avec des conséquences sanitaires et environnementale incalculables.

    D’ailleurs, s’agit-il seulement de droits de douane ?

    Non, bien sûr : les "obstacles" à la "liberté" du commerce désignent aussi les barrières réglementaires (ou "barrières non-tarifaires"). Justement, le mandat de la Commission se donne pour objectif « d’éliminer les obstacles inutiles au commerce et à l’investissement y compris les obstacles non tarifaires existants ». L’harmonisation attendue pourra ainsi affecter, au-delà des biens marchands, le secteur des services et par extension les législations du travail jugées trop protectrices, mais aussi s’étendre au champ de la propriété intellectuelle, de la protection des données personnelles et à des domaines comme l’éducation et les autres services publics. Seule la culture, après intervention du gouvernement français, est exclue du périmètre – et encore partiellement, puisque cette exclusion ne concerne que l’audiovisuel, et temporairement puisqu’il s’agit d’une simple suspension.

    L’objectif global est-il donc d’inféoder les États et les citoyens aux intérêts privés du commerce international ?

    Bingo. En plaçant les traités internationaux au-dessus des législations nationales, le commerce international se livre à une vaste opération de destruction de la souveraineté juridique des États, qui permet déjà aux grandes entreprises d’attaquer ces derniers. C’est ainsi que la société américaine Lone Pine Resources réclame 250 millions de dollars d’indemnité au gouvernement canadien, dont le moratoire sur la fracturation hydraulique pour l’exploitation des gaz de schiste contreviendrait à la liberté d’entreprendre garantie par l’ALENA (accord de libre-échange entre la Canada, les États-Unis et le Mexique). Les exemples de ce genre abondent, comme celui de cette société suédoise qui demande près de 4 milliards d’euros à l’Allemagne pour avoir décidé de sortir du nucléaire (voir aussi la vidéo ci-dessous). Les litiges de ce genre se règlent devant des tribunaux arbitraux indépendants des justices nationales, et le mandat de la Commission européenne vise à établir un mécanisme arbitral "investisseur-État" qui se substituerait aux juridictions démocratiques.

    Heureusement, le Parti socialiste au pouvoir ne peut cautionner un tel processus de dumping social, fiscal et environnemental, conduisant à aggraver les délocalisations, le démantèlement de la protection sociale et des services publics, l’abandon de la souveraineté démocratique des peuples au profit des intérêts privés, n’est-ce pas ?

    Ah ah ah. Au nom de la lutte contre le protectionnisme et des dogmes libéraux en vigueur, l’ancienne ministre du Commerce extérieur Nicole Bricq s’est faite l’ardente défenseure des négociations, et le PS ne craint de se ranger aux côtés de l’UMP dans ce combat. François Hollande a même déclaré à Barack Obama que rien ne s’opposait à « aller vite » dans ce dossier.

    Le combat est-il perdu d’avance ?

    Bien sûr que non. Le texte final devra être adopté, à l’horizon 2016, par le Parlement européen et le Conseil de l’UE, avant d’être ratifié dans chaque pays. Il faut se souvenir de la mise en échec de l’AMI (Accord multilatéral sur l’investissement) à la fin des années 90, et de l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) à la fin de la décennie suivante. Un vaste front d’organisations et de partis s’oppose au projet, notamment au travers du collectif Stop TAFTA, plusieurs collectivités se sont déclarées "zones hors Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement". La prise de conscience s’étend et laisse une chance de ne pas abandonner le dossier aux lobbies. Ah, et puis des élections européennes ont bientôt lieu, donnant une occasion de se mobiliser, aussi bien au cours de la campagne qu’au moment du vote.

    P.-S.

    http://www.oragesdacier.info/