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économie et finance - Page 681

  • Affaire Hollande-Gayet-Trierweiler : 3 millions d'euros de dégâts à l'Elysée ?

    Le cliché de la scène de ménage ! Alors que Valérie Trierweiler se remet de ses émotions au pavillon de la Lanterne, dans le parc du château de Versailles, après une semaine de repos à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, une folle rumeur court sur le Net et revient sur la rixe qui aurait opposé François Hollande et son ex-compagne, quand celle-ci a appris la liaison du chef de l'Etat avec Julie Gayet. 
    Les couloirs semblent résonner dans le palais de l'Elysée. Une rumeur court depuis ce mardi sur Internet, et revient sur la scène de ménage qui aurait eu lieu entre le président de la République, et la journaliste Valérie Trierweiler. Une dispute qui ne se serait pas déroulée sans casse. Ainsi, le site lecolonel.net relate donc, à partir d'un témoignage, anonyme, évidemment, la dispute entre les deux membres du couple présidentiel. 
    Valérie Trierweiler, dans une colère folle, aurait saccagé le bureau présidentiel 
    D'après ce site, qui rapporte les propos "d'un haut fonctionnaire du Mobilier National, condisciple d'un ami", le Mobilier National aurait été appelé en urgence dans la matinée du vendredi 10 janvier dernier, afin de procéder à quelques aménagements de la déco présidentielle, qui aurait subi des dégradations. Des dégradations, qui selon le fonctionnaire dont lecolonel.net rapporte les propos, auraient été causées par Valérie Trierweiler, qui, emportée dans une colère folle en apprenant la liaison de François Hollande avec l'actrice Julie Gayet - on peut la comprendre - aurait fait voler en éclats quelques vases de la manufacture de Sèvres, des pendules précieuses, ainsi que quelques "objets d'arts de très grande valeur artistique et historique"
    Des dégâts estimés à trois millions d'euros 
    L'ex-concubine du président aurait même cherché à se jeter sur le chef de l'Etat, avant d'être écartée par le service de sécurité, et aurait terminé sa crise de nerfs dans le Boudoir d'Argent, la pièce adjacente au bureau présidentiel, où elle aurait continué "son oeuvre destructrice". L'Elysée n'étant pas équipé de meubles à monter soi-même, achetés chez Ikea, et ne faisant pas appel à Valérie Damidot pour changer la décoration, le Mobilier National aurait estimé le coût des dégâts à trois millions d'euros, meubles précieux et oeuvres d'art obligent... 
    Et le site Internet lecolonel.net de se poser la question : qui paie ? Il y a fort à parier qu'une telle rumeur ne sera sans doute jamais confirmée, et reléguée au rang des secrets de l'Histoire.

    Source

    http://www.oragesdacier.info/2014/01/affaire-hollande-gayet-trierweiler-3.html

  • Le paterfamilias immolé

    Eh bien, la représentation nationale se décarcasse. Voilà plus de six mois qu’elle phosphore sur un thème de toute première urgence : l’égalité hommes-femmes. Oui, d’accord, cette égalité est depuis longtemps inscrite dans le marbre de la loi. Oui, d’accord, tant d’outrances ont déjà été proférées sur le sujet que nombre de femmes souhaitent maintenant être moins égalisées. Mais bon, l’objectif du projet de loi était clair : il s’agissait d’abord d’« assurer la pleine effectivité des droits des femmes qui sont déjà garantis dans les lois existantes ». En d’autres termes, il fallait passer une deuxième couche, afin que l’on comprenne bien l’ambition du législateur : transformer l’espèce humaine jusqu’à résoudre définitivement les questions de genre. Demain, nous serons tous des hongres. Ou mieux, tous des femmes, quand la parthénogénèse permettra la reproduction sans l’intervention encombrante des mâles. En attendant, la loi encourage le « premier parent » - autrefois appelé le « père » - à solliciter un congé de pater-maternité, afin de prendre une part égalitaire dans les guili-guili, les langes, les biberons et les rots. D’ici peu, il y sera obligé, sous peine d’être embastillé. Dans notre pays, on ne plaisante pas avec l’égalité des sexes. Ni avec l’élevage des nourrissons.

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  • « L’Allemagne a détruit le marché de la zone euro »

    Par

    Interview publiée dans AGRAPRESSE, n°3429-3430, pp. 7-9, 13 janvier 2014.

    (PROPOS RECUEILLIS PAR YANNICK CURT)

    Pour Jacques Sapir, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et auteur de l’ouvrage Faut-il sortir de l’euro[1], la réussite de l’Allemagne tient beaucoup au fonctionnement de la monnaie unique, au détriment des pays du sud de l’Europe.

    Depuis plusieurs années, avec la campagne pour l’élection présidentielle 2012 en point d’orgue, la quasi-totalité de la classe politique parle d’un modèle allemand vers lequel la France devrait tendre. Qu’est ce que ce modèle ?

    L’Allemagne n’est pas un modèle : on ne peut parler de modèle que si on peut le généraliser. Or, on constate que les solutions qui ont été adoptées en Allemagne ne peuvent fonctionner que parce que les pays qui l’entourent ne les ont pas adoptées. C’est la différence de l’Allemagne qui fait son succès, si tout le monde l’imitait, ce serait un échec généralisé.

    Pourquoi?

    Parce que l’Allemagne a appliqué dans le cadre de la zone euro une politique de cavalier solitaire. Alors que tous les pays procédaient à des relances économiques à partir de 2002, l’Allemagne a décidé de baisser ses salaires, c’est à dire de reporter sur les ménages toute une partie des charges qui étaient payées par ses entreprises, réduisant ainsi sa consommation. Elle a pu le faire parce que, dans le même temps, la consommation des pays qui l’entourent continuait d’augmenter. Si tout le monde avait appliqué la méthode allemande, cela aurait créé une crise gravissime dans la zone euro dès 2003/2004. On voit bien qu’il y a quelque chose de non généralisable.

    Vous mettez aussi en avant la démographie déclinante de l’Allemagne…

    Il y a une divergence massive entre la France et l’Allemagne : quand il y a 650 à 680 000 jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi en France, il y en a moins de 350 000 en Allemagne. Nous avons calculé ce que serait le taux de chômage de l’Allemagne si elle avait la même dynamique démographique que le France : elle aurait 1,5 à 2 millions de chômeur en plus.

    La suite ici http://russeurope.hypotheses.org/1924

  • Traité transatlantique : Un typhon qui menace les Européens

    Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent.

    Ignacio Garcia Bercero (gauche) représentant l’Union Européenne et Michael Froman (droite) représentant les États-Unis lors du deuxième cycle de négociations de l’accord en novembre 2013

    Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout État qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.

    Imagine-t-on des multinationales traîner en justice les gouvernements dont l’orientation politique aurait pour effet d’amoindrir leurs profits ? Se conçoit-il qu’elles puissent réclamer — et obtenir ! — une généreuse compensation pour le manque à gagner induit par un droit du travail trop contraignant ou par une législation environnementale trop spoliatrice ?

    Si invraisemblable qu’il paraisse, ce scénario ne date pas d’hier. Il figurait déjà en toutes lettres dans le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les vingt-neuf États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (1). Divulguée in extremis, notamment par Le Monde diplomatique, la copie souleva une vague de protestations sans précédent, contraignant ses promoteurs à la remiser. Quinze ans plus tard, la voilà qui fait son grand retour sous un nouvel habillage.

    L’accord de partenariat transatlantique (APT) négocié depuis juillet 2013 par les États-Unis et l’Union européenne est une version modifiée de l’AMI. Il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants.

    D’après le calendrier officiel, les négociations ne devraient aboutir que dans un délai de deux ans. L’APT combine en les aggravant les éléments les plus néfastes des accords conclus par le passé. S’il devait entrer en vigueur, les privilèges des multinationales prendraient force de loi et lieraient pour de bon les mains des gouvernants. Imperméable aux alternances politiques et aux mobilisations populaires, il s’appliquerait de gré ou de force, puisque ses dispositions ne pourraient être amendées qu’avec le consentement unanime des pays signataires. Il dupliquerait en Europe l’esprit et les modalités de son modèle asiatique, l’accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, TPP), actuellement en cours d’adoption dans douze pays après avoir été ardemment promu par les milieux d’affaires américains.

    A eux deux, l’APT et le TPP formeraient un empire économique capable de dicter ses conditions hors de ses frontières : tout pays qui chercherait à nouer des relations commerciales avec les États-Unis ou l’Union européenne se verrait contraint d’adopter telles quelles les règles qui prévalent au sein de leur marché commun.

    Tribunaux spécialement créés

    Parce qu’elles visent à brader des pans entiers du secteur non marchand, les négociations autour de l’APT et du TPP se déroulent derrière des portes closes. Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l’administration. Rien ne doit filtrer. Instruction a été donnée de laisser journalistes et citoyens à l’écart des discussions : ils seront informés en temps utile, à la signature du traité, lorsqu’il sera trop tard pour réagir.

    Dans un élan de candeur, l’ancien ministre du commerce américain Ronald (« Ron ») Kirk a fait valoir l’intérêt « pratique » de « préserver un certain degré de discrétion et de confidentialité (2) ». La dernière fois qu’une version de travail d’un accord en cours de formalisation a été mise sur la place publique, a-t-il souligné, les négociations ont échoué — une allusion à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une version élargie de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) ; le projet, âprement défendu par M. George W. Bush, fut dévoilé sur le site Internet de l’administration en 2001. A quoi la sénatrice Elizabeth Warren rétorque qu’un accord négocié sans aucun examen démocratique ne devrait jamais être signé (3).

    L’impérieuse volonté de soustraire le chantier du traité américano-européen à l’attention du public se conçoit aisément. Mieux vaut prendre son temps pour annoncer au pays les effets qu’il produira à tous les échelons : du sommet de l’État fédéral jusqu’aux conseils municipaux en passant par les gouvernorats et les assemblées locales, les élus devront redéfinir de fond en comble leurs politiques publiques de manière à satisfaire les appétits du privé dans les secteurs qui lui échappaient encore en partie.

    Sécurité des aliments, normes de toxicité, assurance-maladie, prix des médicaments, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d’auteur, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration : pas un domaine d’intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé. L’action politique des élus se limitera à négocier auprès des entreprises ou de leurs mandataires locaux les miettes de souveraineté qu’ils voudront bien leur consentir.

    Il est d’ores et déjà stipulé que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Nul doute qu’ils veilleront scrupuleusement à honorer cet engagement. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet de poursuites devant l’un des tribunaux spécialement créés pour arbitrer les litiges entre les investisseurs et les États, et dotés du pouvoir de prononcer des sanctions commerciales contre ces derniers.

    L’idée peut paraître invraisemblable ; elle s’inscrit pourtant dans la philosophie des traités commerciaux déjà en vigueur. L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi condamné les États-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins », pour l’indication du pays d’origine sur les viandes importées, ou encore pour l’interdiction du tabac parfumé au bonbon, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM).

    La nouveauté introduite par l’APT et le TTP, c’est qu’ils permettraient aux multinationales de poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur abattage commercial.

    Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l’environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d’affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d’une société.

    Ce système « investisseur contre État », qui semblait rayé de la carte après l’abandon de l’AMI en 1998, a été restauré en catimini au fil des années. En vertu de plusieurs accords commerciaux signés par Washington, 400 millions de dollars sont passés de la poche du contribuable à celle des multinationales pour cause d’interdiction de produits toxiques, d’encadrement de l’exploitation de l’eau, du sol ou du bois, etc. (4). Sous l’égide de ces mêmes traités, les procédures actuellement en cours — dans des affaires d’intérêt général comme les brevets médicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat et les énergies fossiles — font grimper les demandes de dommages et intérêts à 14 milliards de dollars.

    L’APT alourdirait encore la facture de cette extorsion légalisée, compte tenu de l’importance des intérêts en jeu dans le commerce transatlantique. Trois mille trois cents entreprises européennes sont présentes sur le sol américain par le biais de vingt-quatre mille filiales, dont chacune peut s’estimer fondée un jour ou l’autre à demander réparation pour un préjudice commercial. Un tel effet d’aubaine dépasserait de très loin les coûts occasionnés par les traités précédents. De leur côté, les pays membres de l’Union européenne se verraient exposés à un risque financier plus grand encore, sachant que quatorze mille quatre cents compagnies américaines disposent en Europe d’un réseau de cinquante mille huit cents filiales. Au total, ce sont soixante-quinze mille sociétés qui pourraient se jeter dans la chasse aux trésors publics.

    Officiellement, ce régime devait servir au départ à consolider la position des investisseurs dans les pays en développement dépourvus de système juridique fiable ; il leur permettait de faire valoir leurs droits en cas d’expropriation. Mais l’Union européenne et les États-Unis ne passent pas précisément pour des zones de non-droit ; ils disposent au contraire d’une justice fonctionnelle et pleinement respectueuse du droit à la propriété. En les plaçant malgré tout sous la tutelle de tribunaux spéciaux, l’APT démontre que son objectif n’est pas de protéger les investisseurs, mais bien d’accroître le pouvoir des multinationales.

    Procès pour hausse du salaire minimum

    Il va sans dire que les avocats qui composent ces tribunaux n’ont de comptes à rendre à aucun électorat. Inversant allègrement les rôles, ils peuvent aussi bien servir de juges que plaider la cause de leurs puissants clients (5). C’est un tout petit monde que celui des juristes de l’investissement international : ils ne sont que quinze à se partager 55 % des affaires traitées à ce jour. Evidemment, leurs décisions sont sans appel.

    Les « droits » qu’ils ont pour mission de protéger sont formulés de manière délibérément approximative, et leur interprétation sert rarement les intérêts du plus grand nombre. Ainsi de celui accordé à l’investisseur de bénéficier d’un cadre réglementaire conforme à ses « prévisions » — par quoi il convient d’entendre que le gouvernement s’interdira de modifier sa politique une fois que l’investissement a eu lieu. Quant au droit d’obtenir une compensation en cas d’« expropriation indirecte », il signifie que les pouvoirs publics devront mettre la main à la poche si leur législation a pour effet de diminuer la valeur d’un investissement, y compris lorsque cette même législation s’applique aussi aux entreprises locales. Les tribunaux reconnaissent également le droit du capital à acquérir toujours plus de terres, de ressources naturelles, d’équipements, d’usines, etc.

    Nulle contrepartie de la part des multinationales : elles n’ont aucune obligation à l’égard des États et peuvent engager des poursuites où et quand cela leur chante.

    Certains investisseurs ont une conception très extensive de leurs droits inaliénables. On a pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Égypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, l’Alena servant dans ce dernier cas à protéger le droit de polluer du groupe américain Renco (6). Autre exemple : le géant de la cigarette Philip Morris, incommodé par les législations antitabac de l’Uruguay et de l’Australie, a assigné ces deux pays devant un tribunal spécial. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly entend se faire justice face au Canada, coupable d’avoir mis en place un système de brevets qui rend certains médicaments plus abordables. Le fournisseur d’électricité suédois Vattenfall réclame plusieurs milliards d’euros à l’Allemagne pour son « tournant énergétique », qui encadre plus sévèrement les centrales à charbon et promet une sortie du nucléaire.

    Il n’y a pas de limite aux pénalités qu’un tribunal peut infliger à un État au bénéfice d’une multinationale. Il y a un an, l’Équateur s’est vu condamné à verser la somme record de 2 milliards d’euros à une compagnie pétrolière (7). Même lorsque les gouvernements gagnent leur procès, ils doivent s’acquitter de frais de justice et de commissions diverses qui atteignent en moyenne 8 millions de dollars par dossier, gaspillés au détriment du citoyen. Moyennant quoi les pouvoirs publics préfèrent souvent négocier avec le plaignant que plaider leur cause au tribunal. L’État canadien s’est ainsi épargné une convocation à la barre en abrogeant hâtivement l’interdiction d’un additif toxique utilisé par l’industrie pétrolière.

    Pour autant, les réclamations n’en finissent pas de croître. D’après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le nombre d’affaires soumises aux tribunaux spéciaux a été multiplié par dix depuis 2000. Alors que le système d’arbitrage commercial a été conçu dès les années 1950, il n’a jamais autant rendu service aux intérêts privés qu’en 2012, année exceptionnelle en termes de dépôts de dossiers. Ce boom a créé une florissante pépinière de consultants financiers et d’avocats d’affaires.

    Le projet de grand marché américano-européen est porté depuis de longues années par le Dialogue économique transatlantique (Trans-Atlantic Business Dialogue, TABD), un lobby mieux connu aujourd’hui sous l’appellation de Trans-Atlantic Business Council (TABC). Créé en 1995 sous le patronage de la Commission européenne et du ministère du commerce américain, ce rassemblement de riches entrepreneurs milite pour un « dialogue » hautement constructif entre les élites économiques des deux continents, l’administration de Washington et les commissaires de Bruxelles. Le TABC est un forum permanent qui permet aux multinationales de coordonner leurs attaques contre les politiques d’intérêt général qui tiennent encore debout des deux côtés de l’Atlantique.

    Son objectif, publiquement affiché, est d’éliminer ce qu’il appelle les « discordes commerciales » (trade irritants), c’est-à-dire d’opérer sur les deux continents selon les mêmes règles et sans interférence avec les pouvoirs publics. « Convergence régulatoire » et « reconnaissance mutuelle » font partie des panneaux sémantiques qu’il brandit pour inciter les gouvernements à autoriser les produits et services contrevenant aux législations locales.

    Injuste rejet du porc à la ractopamine

    Mais au lieu de prôner un simple assouplissement des lois existantes, les activistes du marché transatlantique se proposent carrément de les réécrire eux-mêmes. La Chambre américaine de commerce et BusinessEurope, deux des plus grosses organisations patronales de la planète, ont ainsi appelé les négociateurs de l’APT à réunir autour d’une table de travail un échantillon de gros actionnaires et de responsables politiques afin qu’ils « rédigent ensemble les textes de régulation » qui auront ensuite force de loi aux États-Unis et dans l’Union européenne. C’est à se demander, d’ailleurs, si la présence des politiques à l’atelier d’écriture commercial est vraiment indispensable…

    De fait, les multinationales se montrent d’une remarquable franchise dans l’exposé de leurs intentions. Par exemple sur la question des OGM. Alors qu’aux États-Unis un État sur deux envisage de rendre obligatoire un label indiquant la présence d‘organismes génétiquement modifiés dans un aliment — une mesure souhaitée par 80 % des consommateurs du pays —, les industriels de l’agroalimentaire, là comme en Europe, poussent à l’interdiction de ce type d’étiquetage.

    L’Association nationale des confiseurs n’y est pas allée par quatre chemins : « L’industrie américaine voudrait que l’APT avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité. » La très influente Association de l’industrie biotechnologique (Biotechnology Industry Organization, BIO), dont fait partie le géant Monsanto, s’indigne pour sa part que des produits contenant des OGM et vendus aux États-Unis puissent essuyer un refus sur le marché européen. Elle souhaite par conséquent que le « gouffre qui se creuse entre la dérégulation des nouveaux produits biotechnologiques aux Etats-Unis et leur accueil en Europe » soit prestement comblé (8). Monsanto et ses amis ne cachent pas leur espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d’imposer enfin aux Européens leur « catalogue foisonnant de produits OGM en attente d’approbation et d’utilisation (9) ».

    L’offensive n’est pas moins vigoureuse sur le front de la vie privée. La Coalition du commerce numérique (Digital Trade Coalition, DTC), qui regroupe des industriels du Net et des hautes technologies, presse les négociateurs de l’APT de lever les barrières empêchant les flux de données personnelles de s’épancher librement de l’Europe vers les États-Unis (lire La traque méthodique de l’internaute révolutionne la publicité). « Le point de vue actuel de l’Union selon lequel les États-Unis ne fournissent pas une protection de la vie privée “adéquate” n’est pas raisonnable », s’impatientent les lobbyistes.

    A la lumière des révélations de M. Edward Snowden sur le système d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (National Security Agency, NSA), cet avis tranché ne manque pas de sel. Toutefois, il n’égale pas la déclaration de l’US Council for International Business (USCIB), un groupement de sociétés qui, à l’instar de Verizon, ont massivement approvisionné la NSA en données personnelles : « L’accord devrait chercher à circonscrire les exceptions, comme la sécurité et la vie privée, afin de s’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves au commerce déguisées. »

    Les normes de qualité dans l’alimentation sont elles aussi prises pour cible. L’industrie américaine de la viande entend obtenir la suppression de la règle européenne qui interdit les poulets désinfectés au chlore. A l’avant-garde de ce combat, le groupe Yum !, propriétaire de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC), peut compter sur la force de frappe des organisations patronales. « L’Union autorise seulement l’usage de l’eau et de la vapeur sur les carcasses », proteste l’Association nord-américaine de la viande, tandis qu’un autre groupe de pression, l’Institut américain de la viande, déplore le « rejet injustifié [par Bruxelles] des viandes additionnées de bêta-agonistes, comme le chlorhydrate de ractopamine ».

    La ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les États membres de l’Union, la Russie et la Chine. Pour la filière porcine américaine, cette mesure de protection constitue une distorsion de la libre concurrence à laquelle l’APT doit mettre fin d’urgence.

    « Les producteurs de porc américains n’accepteront pas d’autre résultat que la levée de l’interdiction européenne de la ractopamine », menace le Conseil national des producteurs de porc (National Pork Producers Council, NPPC). Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les industriels regroupés au sein de BusinessEurope dénoncent les « barrières qui affectent les exportations européennes vers les États-Unis, comme la loi américaine sur la sécurité alimentaire ». Depuis 2011, celle-ci autorise en effet les services de contrôle à retirer du marché les produits d’importation contaminés. Là encore, les négociateurs de l’APT sont priés de faire table rase.

    Il en va de même avec les gaz à effet de serre. L’organisation Airlines for America (A4A), bras armé des transporteurs aériens américains, a établi une liste des « règlements inutiles qui portent un préjudice considérable à [leur] industrie » et que l’APT, bien sûr, a vocation à rayer de la carte. Au premier rang de cette liste figure le système européen d’échange de quotas d’émissions, qui oblige les compagnies aériennes à payer pour leur pollution au carbone. Bruxelles a provisoirement suspendu ce programme ; A4A exige sa suppression définitive au nom du « progrès ».

    Mais c’est dans le secteur de la finance que la croisade des marchés est la plus virulente. Cinq ans après l’irruption de la crise des subprime, les négociateurs américains et européens sont convenus que les velléités de régulation de l’industrie financière avaient fait leur temps.

    Le cadre qu’ils veulent mettre en place prévoit de lever tous les garde-fous en matière de placements à risques et d’empêcher les gouvernements de contrôler le volume, la nature ou l’origine des produits financiers mis sur le marché. En somme, il s’agit purement et simplement de rayer le mot « régulation » de la carte.

    D’où vient cet extravagant retour aux vieilles lunes thatchériennes ? Il répond notamment aux vœux de l’Association des banques allemandes, qui ne manque pas d’exprimer ses « inquiétudes » à propos de la pourtant timide réforme de Wall Street adoptée au lendemain de la crise de 2008. L’un de ses membres les plus entreprenants sur ce dossier est la Deutsche Bank, qui a pourtant reçu en 2009 des centaines de milliards de dollars de la Réserve fédérale américaine en échange de titres adossés à des créances hypothécaires (10). Le mastodonte allemand veut en finir avec la réglementation Volcker, clé de voûte de la réforme de Wall Street, qui pèse selon lui d’un « poids trop lourd sur les banques non américaines ». Insurance Europe, le fer de lance des sociétés d’assurances européennes, souhaite pour sa part que l’APT « supprime » les garanties collatérales qui dissuadent le secteur de s’aventurer dans des placements à hauts risques.

    Quant au Forum des services européens, organisation patronale dont fait partie la Deutsche Bank, il s’agite dans les coulisses des pourparlers transatlantiques pour que les autorités de contrôle américaines cessent de mettre leur nez dans les affaires des grandes banques étrangères opérant sur leur territoire. Côté américain, on espère surtout que l’APT enterrera pour de bon le projet européen de taxe sur les transactions financières.

    L’affaire paraît d’ores et déjà entendue, la Commission européenne ayant elle-même jugé cette taxe non conforme aux règles de l’OMC (11). Dans la mesure où la zone de libre-échange transatlantique promet un libéralisme plus débridé encore que celui de l’OMC, et alors que le Fonds monétaire international (FMI) s’oppose systématiquement à toute forme de contrôle sur les mouvements de capitaux, la chétive « taxe Tobin » n’inquiète plus grand monde aux États-Unis.

    Mais les sirènes de la dérégulation ne se font pas entendre dans la seule industrie financière. L’APT entend ouvrir à la concurrence tous les secteurs « invisibles » ou d’intérêt général. Les États signataires se verraient contraints non seulement de soumettre leurs services publics à la logique marchande, mais aussi de renoncer à toute intervention sur les fournisseurs de services étrangers qui convoitent leurs marchés.

    Les marges de manœuvre politiques en matière de santé, d’énergie, d’éducation, d’eau ou de transport se réduiraient comme peau de chagrin. La fièvre commerciale n’épargne pas non plus l’immigration, puisque les instigateurs de l’APT s’arrogent la compétence d’établir une politique commune aux frontières — sans doute pour faciliter l’entrée de ceux qui ont un bien ou un service à vendre au détriment des autres.

    Depuis quelques mois, le rythme des négociations s’intensifie. A Washington, on a de bonnes raisons de croire que les dirigeants européens sont prêts à n’importe quoi pour raviver une croissance économique moribonde, fût-ce au prix d’un reniement de leur pacte social.

    L’argument des promoteurs de l’APT, selon lequel le libre-échange dérégulé faciliterait les échanges commerciaux et serait donc créateur d’emplois, pèse apparemment plus lourd que la crainte d’un séisme social. Les barrières douanières qui subsistent encore entre l’Europe et les États-Unis sont pourtant « déjà assez basses », comme le reconnaît le représentant américain au commerce (12). Les artisans de l’APT admettent eux-mêmes que leur objectif premier n’est pas d’alléger les contraintes douanières, de toute façon insignifiantes, mais d’imposer « l’élimination, la réduction ou la prévention de politiques nationales superflues (13) », étant considéré comme « superflu » tout ce qui ralentit l’écoulement des marchandises, comme la régulation de la finance, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’exercice de la démocratie.

    Il est vrai que les rares études consacrées aux conséquences de l’APT ne s’attardent guère sur ses retombées sociales et économiques. Un rapport fréquemment cité, issu du Centre européen d’économie politique internationale (European Centre for International Political Economy, Ecipe), affirme avec l’autorité d’un Nostradamus d’école de commerce que l’APT délivrera à la population du marché transatlantique un surcroît de richesse de 3 centimes par tête et par jour… à partir de 2029 (14).

    En dépit de son optimisme, la même étude évalue à 0,06 % seulement la hausse du produit intérieur but (PIB) en Europe et aux États-Unis à la suite de l’entrée en vigueur de l’APT. Encore un tel « impact » est-il largement irréaliste, dans la mesure où ses auteurs postulent que le libre-échange « dynamise » la croissance économique ; une théorie régulièrement réfutée par les faits. Une élévation aussi infinitésimale serait d’ailleurs imperceptible. Par comparaison, la cinquième version de l’iPhone d’Apple a entraîné aux États-Unis une hausse du PIB huit fois plus importante.

    Presque toutes les études sur l’APT ont été financées par des institutions favorables au libre-échange ou par des organisations patronales, raison pour laquelle les coûts sociaux du traité n’y apparaissent pas, pas plus que ses victimes directes, qui pourraient pourtant se compter en centaines de millions. Mais les jeux ne sont pas encore faits. Comme l’ont montré les mésaventures de l’AMI, de la ZLEA et certains cycles de négociations à l’OMC, l’utilisation du « commerce » comme cheval de Troie pour démanteler les protections sociales et instaurer la junte des chargés d’affaires a échoué à plusieurs reprises par le passé. Rien ne dit qu’il n’en sera pas de même cette fois encore.

     

    Le Monde Diplomatique

    (1) Lire «  Le nouveau manifeste du capitalisme mondial  », Le Monde diplomatique, février 1998.

    (2) «  Some secrecy needed in trade talks : Ron Kirk  », Reuters, 13 mai 2012.

    (3) Zach Carter, «  Elizabeth Warren opposing Obama trade nominee Michael Froman  », Huffington Post, 19 juin 2013.

    (5) Andrew Martin, «  Treaty disputes roiled by bias charges  », Bloomberg, 10 juillet 2013.

    (6) «  Renco uses US-Peru FTA to evade justice for La Oroya pollution  » (PDF), Public Citizen, 28 novembre 2012.

    (7) «  Ecuador to fight oil dispute fine  », Agence France-Presse, 13 octobre 2012.

    (8) Commentaires sur l’accord de partenariat transatlantique, document du BIO, Washington, DC, mai 2013.

    (10) Shahien Nasiripour, «  Fed opens books, revealing European megabanks were biggest beneficiaries  », Huffington Post, 10 janvier 2012.

    (11) «  Europe admits speculation taxes a WTO problem  », Public Citizen, 30 avril 2010.

    (12) Courrier de M. Demetrios Marantis, représentant américain au commerce, à M. John Boehner, porte-parole républicain à la Chambre des représentants, Washington, DC, 20 mars 2013, http://ec.europa.eu

  • La déflation risque de créer de nouveaux problèmes à l’économie globale

    PARIS (NOVOpress) - La déflation, c’est quoi exactement ? Il s’agit de la baisse continue du niveau de prix des actifs, ce qui se traduit par une diminution de l’indice des prix à la consommation. Les actifs retenus sont de trois sortes : les biens et les services, les actifs immobiliers et mobiliers, autrement dit les titres tels que des actions et obligations. L’explication des grands cycles de déflation est marquée par plusieurs aspects : Le premier est la montée de l’endettement des entreprises et des ménages qui nourrit la croissance des créances douteuses des banques. Le second est la liquidation des dettes, qui d’une part assainit les bilans bancaires, mais qui ralentit considérablement la distribution de nouveaux crédits aux entreprises. Le troisième point qui découle du second se traduit par une forte aggravation des faillites des entreprises les plus fragiles et une augmentation du chômage. On entre alors dans le cercle vicieux de l’économie, où la faiblesse de la consommation nourrit celle de l’investissement et engendrer une croissance économique molle.

     

    Il n’a pas fallu longtemps pour que les prévisions optimistes de nouvel an sur l’augmentation de la croissance de l’économie mondiale en 2014 subissent un coup sévère. Dans un discours au National Press Club de Washington mercredi, la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde a prévenu que le renforcement des tendances déflationnistes créé un risque sérieux pour l’économie mondiale.

    « Avec une inflation inférieure aux objectifs de nombreuses banques centrales, nous voyons un risque croissant de déflation, qui pourrait se révéler désastreux pour la reprise, » a-t-elle dit. « Si l’inflation est le génie, la déflation est l’ogre qui doit être combattu de façon décisive. »

    Mais Christine Lagarde n’a proposé aucune initiative politique pour répondre à ce problème sinon la poursuite jusqu’à un avenir indéterminé des programmes d’assouplissements quantitatifs (QE) de la Réserve fédérale américaine et des autres banques centrales, qui ont mis des milliers de milliards de dollars d’argent à des taux d’intérêt très bas à la disposition des banques et des institutions financières, sans rien faire pour susciter une reprise économique réelle.

    « Les banques centrales ne devraient revenir à des politiques monétaires plus conventionnelles que lorsqu’une croissance robuste sera fermement ancrée, » a-t-elle dit. Le Financial Times a fait remarquer qu’avec la crainte qu’ont les banquiers centraux de simplement prononcer le mot “déflation”, Lagarde est la première autorité de haut rang dans le domaine à pointer le risque international de plus en plus net d’une chute des prix et d’une crise déflationniste similaire à celle qui affecte l’économie japonaise depuis ces vingt dernières années.

    Le taux d’inflation que visent la plupart des grandes banques centrales est de 2% par an. Mais l’inflation aux USA est autour de 1%, à peu près comme au Japon où l’on n’a atteint ce chiffre en partant d’un niveau proche de zéro qu’après un an d’Abenomics par lesquelles le gouvernement d’Abe et la Banque du Japon se sont engagés dans une politique consistant à doubler la quantité d’argent dans le pays.

    L’inflation en Europe est encore plus faible. Le taux annuel d’augmentation des prix dans la zone euro est tombé à seulement 0,8% en décembre, pendant que le taux de chômage se maintenait à 12%.

    L’inquiétude principale de Christine Lagarde et des autres responsables de la finance est que la déflation risque de saper les fondations du système de prêts et de toute la finance. Si les prix chutent ou n’augmentent qu’à un taux très lent, les emprunteurs potentiels hésitent à s’endetter, par crainte que leur charge de la dette en valeur réelle n’augmente avec le temps. De même, la déflation augmente la charge de la dette de ceux qui ont déjà emprunté.

    Les mises en garde de Christine Lagarde sur le risque de déflation interviennent une semaine après que le président de la Banque centrale (BCE) Mario Draghi a affirmé qu’il était prématuré de déclarer que la crise européenne est finie, contestant les commentaires du président de la Commission européenne José Manuel Barroso, qui disait qu’en 2014 la zone euro laisserait la crise financière derrière elle. Draghi a déclaré que « l’économie européenne reste fragile et que la BCE souligne fortement qu’elle maintiendra une position accommodante de sa politique monétaire aussi longtemps que nécessaire. » S’il n’a pas prononcé le mot, cela a été largement interprété comme un signe certain que le président de la BCE s’inquiète de plus en plus des pressions déflationnistes au sein de la zone euro et de l’incapacité des banques centrales à les contrer.

    Stephen King, chef économiste à la banque HSBC, écrit dans le Financial Times : « Mario Draghi a peut-être donné des assurances la semaine dernière que la zone euro n’est pas confrontée comme le Japon à une décennie perdue de déflation, mais, franchement, ses assurances ne sont pas terriblement convaincantes. »

    Il a fait remarquer qu’avec des taux d’intérêt officiels à zéro ou presque, des baisses supplémentaires de l’inflation « feront augmenter les taux d’intérêt réels, rendront la dette moins supportable et, pour le système financier, menaceront d’augmenter le nombre de prêts qui ne sont pas remboursés. Un système financier qui est déjà fragile, comme l’est la zone euro aujourd’hui, finira alors dans une position encore pire. Les premiers signes de reprise économique pourraient alors se révéler n’être rien de plus qu’une fausse bonne nouvelle. » « Une inflation plus basse entraine une croissance plus faible », a-t-il noté, tandis que « le système de crédit est lentement asphyxié. »

    L’insistance de Christine Lagarde sur l’idée que ce n’est pas le moment de mettre fin au soutien accordé par la banque centrale américaine aux marchés financiers a été reprise dans un discours prononcé le même jour que son intervention au National Press Club par le président de la réserve fédérale de Chicago, Charles Evans.

    À plusieurs moments lors de ses remarques, il a réaffirmé que « la politique monétaire très accommodante de la Réserve fédérale devait rester en place encore quelques temps,” ajoutant que, “nous avons besoin d’une politique monétaire exceptionnelle pour finir les tâches à accomplir. »

    Dans la version officielle, les tâches à accomplir sont de ramener l’économie américaine à ce qui était auparavant considéré comme un niveau normal de croissance économique et de faire baisser le chômage. Mais à tous points de vue, l’accomplissement de ces tâches n’avance pas.

    Si le taux officiel de chômage aux USA a chuté au cours de l’année passée, c’est en grande partie parce que de plus en plus de personnes abandonnent tout simplement et purement la recherche d’emploi en raison de la rareté des emplois disponibles. En d’autres termes, le fonctionnement de l’économie américaine devient de plus en plus pervers, avec un taux de chômage plus faible qui indique en fait une aggravation de la situation économique pour des millions de personnes.

    Les seuls bénéficiaires du programme de la Réserve fédérale sont les ultra-riches, qui profitent actuellement de la crise qui se creuse et s’approfondit. Jeudi, le Wall Street Journal a indiqué des bonus en augmentation pour les banquiers américains, sous le titre : “Les récompenses en actions des banquiers décollent” D’après le journal, les bonus chez Goldman Sachs, ont augmenté de 600 millions de dollars au cours de l’année passée en raison de la montée du prix des actions des banques.

    Comme l’a reconnu Christine Lagarde dans son intervention, depuis 2009, 95% des gains de revenus aux USA sont allés au 1% le plus riche de la population. « Ce n’est pas une recette de stabilité et de durabilité », a-t-elle dit. « La croissance globale est en petite vitesse », elle a développé une dépendance de plus en plus forte aux marchés émergents pour « maintenir l’économie mondiale à flot. » Durant les 5 dernières années, ils ont représenté les trois quarts de la croissance mondiale, mais maintenant un nombre croissant de marchés émergents sont en train de ralentir.

    Un rapport de la Banque mondiale cette semaine indique que toute fermeture soudaine du robinet financier dans les principaux pays capitalistes risquerait de voir l’afflux de capitaux dans ces zones se contracter de plus de 80%, ce qui provoquerait des dommages économiques majeurs et entraînerait ces pays dans la crise. Loin de voir une reprise de l’économie, les premières semaines de l’année 2014 ont clairement montré que l’effondrement mondial du système économique mondial s’intensifie, avec des conséquences dévastatrices supplémentaires pour les peuples.

    http://fr.novopress.info/153388/deflation-risque-creer-nouveaux-problemes-leconomie-globale/#more-153388

  • [EXCLUSIVITÉ FORTUNE] – Libor : La manipulation des taux interbancaires était connue 3 ans avant que n’éclate le scandale

    L’affaire de la modification, par des responsables de banques, des taux de référence sur lesquels se fondent de nombreux prêts comme de nombreux autres produits financiers ou hypothèques, a éclaté au grand jour en 2012. Mais trois économistes l’avaient établie dans une étude datant de 2009. En voici la preuve.
    Lorsqu’éclate au grand jour la nouvelle de la manipulation, à l’été 2012, nombreux sont les chefs de grandes institutions financières et les dirigeants politiques du monde entier, à crier au scandale.

    Pourtant, des doutes avaient bel et bien circulé dans les hautes sphères de la finance quant à la manipulation du taux Libor. Ces doutes avaient été mis noir sur blanc [en 2009] par trois économistes, dont l’un travaillant au FMI.

    Officiellement, cependant, tout éclate trois ans plus tard, en juin, lorsque la deuxième banque britannique, Barclays, reconnaît la faute de ses dirigeants et accepte de payer 453 millions de dollars aux autorités britanniques et américaines pour clore une affaire civile dans laquelle la Barclays était accusée d’avoir manipulé le Libor (London Interbank Offered Rate), qui est le taux de référence régissant les prêts interbancaires, mais qui gouverne aussi les taux d’intérêt sur de nombreux produits financiers, y compris les hypothèques, essentiellement dans des monnaies autres que l’euro.

    Évidemment, ce règlement lui semble à son avantage. Rapidement, cependant, s’ensuit l’une des plus grandes enquêtes ayant jamais eu lieu dans le domaine financier. Non seulement parce que les anomalies touchent même d’autres taux de référence tels que l’Euribor ou le Tibor (Tokyo), mais aussi parce qu’on touche là à la mesure de paramètres jouant un rôle fondamental.

    Si la chose est importante pour ceux qui paient l’hypothèque, elle l’est davantage encore en raison de la nature stratégique du Libor. Lequel est le point de référence pour quelque 800.000 milliards de dollars en produits dérivés, produits structurés et prêts à taux variable. Le mécanisme de détermination de ce taux Libor est assez artisanal.

    Il prévoit qu’un groupe de banques (leur nombre pouvant varier d’un minimum de 6 à un maximum de 18) communique à Reuters – intervenant en tant qu’agent de la BBA, l’Association des banquiers britanniques – les taux d’intérêt auxquels ils sont prêts à emprunter [à prêter en fait, NdT] des fonds sur le marché interbancaire.

    Si les valeurs de ces taux doivent être déterminées par le jeu de l’offre et de la demande, elles peuvent néanmoins résulter de simples estimations. Or, les retoucher d’un seul point de base (0,01% p.a.) peut envoyer d’une poche à une autre des milliards et ce, en seulement quelques secondes. Tant et si bien que la bombe ne s’est pas arrêtée là. Dans un court laps de temps, de nombreuses banques se sont retrouvées dans le collimateur.

    Et en décembre dernier, la Commission européenne en est venue à accuser un cartel de six groupes, comprenant RBS, le Crédit Agricole, HSBC, la Deutsche Bank et JP Morgan. Leurs amendes cumulées se sont élevées à 1,7 milliards d’euros. Ces institutions se sont empressées de condamner et de blâmer ces comportements de manipulation, prétendant naturellement tomber des nues.

    Pourtant, trois économistes, deux de la BCE et le troisième du FMI, lesquels ont publié en décembre [2013] une étude sur de possibles indices alternatifs, plus résilients aux manipulations, avaient clairement dit le contraire. Nul n’a semblé s’en étonner. Mais ce n’est pas tout. En 2009, ces trois économistes, Vincent Brousseau, Alexandre Chailloux (au FMI depuis 2005) et Alain Durré, avaient déjà publié un document sur les taux interbancaires, en affirmant explicitement (lire le document) la présence de distorsions et de manipulations des taux Libor [et Euribor NdT].

    Le débat sur d’éventuelles distorsions des Libor / Euribor a été alimenté par des informations anecdotiques – dit l’étude – provenant d’autres segments du marché, comme les taux d’intérêt implicites dans les prix des swaps de change, ou encore des informations sur les prix recueillies dans le marché de New York par certains courtiers mandatés pour ce faire par la Réserve fédérale“.

    Déjà l’année précédente, deux autres économistes cités par le même texte avaient, par exemple, “montré que les taux sur le dollar résultant de swaps de base ont dévié sensiblement du Libor en période de stress de liquidité“. Ce débat a conduit Brousseau, Durré (qui est également affilié à l’Université de Lille) et Chailloux à une série d’analyses complexes, afin de détecter les symptômes statistiques d’éventuelles irrégularités dans les taux BOR.

    Ils concluent qu’après l’effondrement de Lehman Brothers, quelque chose de profondément anormal (“deeply unusual” dans le texte) s’est produit, mais que la période d’observation est trop courte et que le mécanisme implique trop de variables pour que l’on puisse en donner une description proprement scientifique. Mais l’anomalie a été repérée et ils appellent à la recherche de solutions.

    Certes, mais…

    Près de deux ans après le scandale, près de cinq ans après le repérage de ces étranges distorsions, il est impossible de ne pas se demander pourquoi il a fallu trois ans pour faire, du débat de départ, une enquête des autorités. Et qu’a donc fait le FMI, à l’époque dirigé par Dominique Strauss-Kahn, durant ce long laps de temps ?

    Bien sûr, il n’était pas du ressort de ces économistes de porter plainte, mais il était bel et bien de leur ressort d’alerter qui de droit. Mais d’abord et avant tout, ce qui va importer le plus au consommateur final est ceci : si le jeu avait été arrêté trois ans plutôt, combien de milliards déplacés en dehors des règles auraient pu éviter de l’être ? Le risque, cependant, est que les réponses à ces questions soient elle-mêmes manipulées, tout autant que le Libor.

    Article original en italien : Il Fatto Quotidiano

    Traduction réalisée par l’équipe de Fortune. Reproduction et diffusion encouragées sous réserve de mentionner notre site en source.

    Lire également : La réforme du Libor risque de le rendre plus complexe

    http://fortune.fdesouche.com/325802-exclusivite-fortune-libor-la-manipulation-des-taux-interbancaires-etait-connue-3-ans-avant-que-neclate-le-scandale#more-325802

  • Quels Bonnets Rouges participeront à Jour de Colère ?

     

    BXgwtoaCcAA6UDU.png large A quelques jours de la manifestation Jour de Colère le 26 janvier à Paris, quels Bonnets Rouges de Bretagne y participeront ? On entend un peu de tout. Certes, on peut remarquer sur la page soutien de Jour de Colère la présence de Bonnets Rouges de manière générale. Mais la question se pose surtout sur  le mouvement le plus important de ceux qui ont commencé la lutte contre l’écotaxe en octobre dernier.

    Dans un communiqué sorti le 15 janvier, les Bonnets Rouges « officiels » du comité Vivre, décider, travailler en Bretagne ont annoncé qu’ils ne participeraient pas à Jour de Colère : « Cette manifestation intitulée « Jour de Colère » ne correspond ni aux objectifs ni aux valeurs des Bonnets Rouges tels qu’ils sont exposés dans la charte des Bonnets Rouges ». Le mouvement est dans une optique bretonne et pour l’instant se concentre sur les Etats-Généraux de Bretagne (...)

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  • Réforme du congé parental : un texte déconnecté de la réalité des familles

    Communiqué du Mouvement Mondial des Mères

    "Le projet de loi sur l’Egalité homme-femme, qui va être débattu à l’Assemblée Nationale à partir du 20 janvier, veut encourager les familles à partager le congé parental entre les deux parents. Pour cela, il compte modifier l’allocation de congé parental.

    Actuellement, l’allocation, appelée CLCA (complément de libre choix d’activité), peut être versée pendant 6 mois pour une première naissance et jusqu’au 3ème anniversaire de l’enfant pour les naissances suivantes.

    Désormais, la nouvelle allocation, rebaptisée PreParE  (Prestation Partagée d’Education) pourra être versée pendant 6 mois à chaque parent pour un premier enfant (ce qui est un progrès). Mais à partir du 2ème enfant, chacun des deux parent devra prendre au minimum 6 mois de congé parental s’ils veulent bénéficier de cette allocation jusqu’aux 3 ans de leur enfant. Sinon, ils ne pourront en bénéficier que jusqu’à ses 2 ans et demi.

    Le Mouvement Mondial des Mères France (MMM France) souligne l’incohérence de cette réforme qui risque de laisser des dizaines de milliers de familles sans solution, et en particulier les plus modestes d’entre elles.

    Il est vrai qu’à ce jour les parents qui font le choix du congé parental sont à 96% des femmes. On pourrait croire que le « stéréotype de genre » est la principale raison de ce déséquilibre et qu’un peu de volontarisme peut favoriser un rééquilibrage.

    C’est méconnaître un grand nombre de critères qui sont pris en compte par les familles qui font le choix du congé parental, notamment dans le cas des 280.000 parents qui le prennent  à plein temps :

    - La faiblesse du salaire au regard du coût d’un mode de garde : une étude de la CAF de janvier 2013 indique que le revenu moyen avant congé parental à plein temps des femmes était de 783 euros par mois seulement. Pour nombre de mères aux revenus modestes, le calcul salaire - mode de garde (du petit dernier mais également du ou des plus grands) est rapidement fait. Le choix de rester à la maison jusqu’aux 3 ans de l’enfant semble dès lors logique. Dans 79% des cas (et c’est heureux), le conjoint a un salaire plus conséquent dont la famille ne saurait se passer : le partage du congé parental ne sera pas possible pour ces familles.

    - L’absence de poste fixe : une étude de la DREES de janvier 2010 indique que 40% des parents qui bénéficient de l’allocation de congé parental n’ont pas de travail fixe : ils étaient avant le congé parental en CDD, en intérim ou au chômage. Comment le 2ème parent pourra-t-il prendre à son tour 6 mois de congé parental si le 1er parent n’est pas assuré d’avoir un emploi pendant ce temps-là ?

    - Dans un certain nombre de familles, l’un des deux parents a un métier qui n’est pas compatible avec la prise d’un congé parental : artisan, commerçant, agriculteur, profession libérale, chef d’entreprise, frontalier,… Ces parents ne pourront pas prendre 6 mois de congé parental quel que soit leur désir de le faire.

    Que feront alors les parents lorsqu’ils se verront privés d’allocation aux 2 ans et demi de leur enfant ? Comment trouveront-ils tous un mode de garde ou une place à l’école, surtout lorsqu’on sait que l’une des raisons qui motive la prise d’un congé parental est l’absence de mode de garde disponible (dans 30% des cas) et que l’on peut prévoir que les crèches et les assistantes maternelles ne prendront pas en priorité des enfants pour quelques mois seulement.

    Le MMM France est favorable à la possibilité pour les familles de s’organiser librement. Si le gouvernement souhaite malgré tout encourager le partage du congé parental entre les deux parents, nous demandons que soit prise en compte la réalité des familles et que des dérogations soient accordées :

    - aux familles modestes qui ont un écart de salaire d’au moins 15% entre les deux parents ;

    - aux familles dont l’un des conjoints a une profession incompatible avec la prise d’un congé parental (artisan, commerçant, entrepreneur, profession libérale, étudiant, frontalier…)

    - aux familles dont l’un des conjoints n’a pas de poste fixe.

    - aux assistant(e)s maternel(le)s en activité

    Des amendements ont été déposés dans ce sens. A l’heure où on nous annonce une baisse de la natalité française, nous espérons que le bon sens l’emportera lorsque les députés devront voter.

    Le MMM (Make Mothers Matter) est une ONG apolitique et non confessionnelle qui aide les mères à jouer leur rôle dans la famille, le quartier et la société et qui fait entendre leur voix à l’ONU, dans les instances européennes et dans plus de 35 pays."

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/2014/01/r%C3%A9forme-du-cong%C3%A9-parental-un-texte-d%C3%A9connect%C3%A9-de-la-r%C3%A9alit%C3%A9-des-familles.html

  • Le sauvetage de l'euro va coûter 69 milliards à la France d'ici 2015

    Dans le pacte de stabilité qui va être transmis à Bruxelles, Bercy explique que les mesures prises pour aider les pays en difficulté de la zone euro pèseront pour 68,7 milliards d'euros d'ici à 2015. Ce montant devrait toutefois constituer un plafond.
    Porter secours à ses voisins a un prix. La France a ainsi participé aux différents mécanismes de sauvetage permettant de préserver l'intégrité de la zone euro, alourdissant sa dette en conséquence.
    Le programme de stabilité qui va être transmis à Bruxelles, le 17 avril dernier, chiffre le poids de ces aides sur les finances publiques françaises à 62,5 milliards d'euros d'endettement pour 2013, soit 3 points de PIB.
    Dans le détail, sur ces 62,5 milliards, 11,4 milliards sont liés à des prêts bilatéraux accordés par la France à la Grèce, dans le cadre du premier plan de sauvetage du pays méditerranéen , en mars 2010. 38 milliards d'euros seront dus aux emprunts du Fonds européens de stabilité financière (FESF), que la France garantit à hauteur de 21,83%.
    Enfin, 13 milliards d'euros seront consacrés à la capitalisation du Mécanisme européen de stabilité (MES), l'autre fonds de secours de la zone euro.
    Et l'année prochaine, l'ardoise va encore s'alourdir: les montants engagés par la France représenteront 68,7 milliards d'euros.
    43 milliards d'euros pour la Grèce seule 
    Mais ce dernier chiffre n'augmentera plus ensuite. En effet, le FESF n'émettra plus aucune dette, étant désormais remplacé par le MES. Quant à ce dernier fonds, les États membres ne doivent comptabiliser dans leurs comptes publics que l'argent qu'ils ont mis en jeu pour le doter en fonds propres. Or la France assumera, dès 2014, sa part entière dans le capital, soit 16,3 milliards sur les 80 milliards d'euros.
    Le pacte de stabilité prévoit même que l'endettement de la France dû au soutien financier de la zone euro diminue ensuite, en 2016, à 67,5 milliards d'euros.
    Le document table, en effet, sur les premiers remboursements de l'Irlande et du Portugal, à partir de 2015. Mais cette dernière hypothèse semble désormais à oublier: le 12 avril dernier , les ministres des Finances de l'Union européenne ont donné leur feu vert à un allongement des prêts accordés aux deux pays. Ce qui va ainsi reporter le versement de leurs premiers remboursements. 
    Par ailleurs, sur un total de 68,7 milliards d'euros, la Grèce représente à elle seule 43 milliards d'euros (11,4 milliards de prêts bilatéraux et 31,6 milliards de prêts du FESF garantis par la France). Un chiffre que BFMBusiness.com avait révélé dès novembre dernier.
     

  • La saloperie que nous n’achèterons pas : le dopant quotidien

    Le 24 octobre 2013, les députés ont voté une taxe sur les boissons énergisantes d’une euro par litre. Par souci de santé publique ? On peut en douter. Car si ces doux breuvages provoquent des problèmes cardiaques et neuro-comportementaux, il suffirait de les bannir. Ce qui était le cas pour la boisson phare des hommes pressés, le « Red bull » (taureau rouge), avant que les libéraux adeptes du « il est interdit d’interdire » n’autorisent la commercialisation en France des cannettes explosives (en 2008), tout en se donnant bonne conscience avec l’inscription de la mention « à consommer avec modération, déconseillé aux enfants et aux femmes enceintes ». 
         Le marché des boissons énergisantes a depuis connu une croissance fulgurante. Le nombre de marques se multiplie, aux noms tous plus conviviaux les uns que les autres : Burn intense energy (avec des flammes sur la cannette), Ginger Energy (avec des flammes sur la cannette), Energy drink, Monster energy khaos, Monster ripper, Dark dog... Les publicités présentent sans détour ces produits en doses dopantes : « de la taurine et de la caféine pour garder la patate », « la boisson la plus diabolique de la planète », « bourrée d’énergie », « explosive », « coup de fouet », « vous donne la pêche d’enfer », « vivifie le corps et l’esprit », « vous donne des ailes quel que soit le moment où vous en avez besoin », etc. 
         Mais le culte de la performance s’est étendu jusque sur les emballages des produits de consommation les plus ordinaires. Le dopage s’est génétalisé. Il suffit d’entrer dans un supermarché pour être martelé d’exhortations à la puissance. Un jus de fruit multivitaminé « contribue à votre tonus », une boisson chaude vous apporte votre « énergie du matin ». Des barres de céréales ou des pruneaux d’Agen, « concentrés d’énergie », assurent vitalité et équilibre. « Rayonnez au quotidien » et « croquez la vie à pleines dents » avec des substances 100% energy », « fitness » et « fine ligne ». Même une tisane, c’est une « pause vitalité ». Même l’eau fouette notre corps, avec des bouteilles « high energy », « high protein », permettant « d’entretenir son capital osseux » et même de se forger « un corps tout neuf ». « Equipez votre corps », va jusqu’à ordonner une transhumaniste boisson bleue. 
         Sous la douche, le moindre shampoing est présenté par les perroquets du marketing comme un produit vivifiant, relaxant, nourrissant, régénérant, stimulant, tonifiant, euphorisant. « Vous vous sentez comme revigoré. » Après un rasage détonnant, assuré par des Formule Un quatre lames, des « Power fusion » ou des « Mach 3 turbo », déboulent les après-rasages « réveil express », « anti-fatigue, anti-cernes, anti-rides ». « Effet ultra-frais », comme un dentifrice « fraîcheur » et « haleine pure » qui entretient le « capital buccodentaire ». Les marques dynamiques de déodorants affirment un « caractère sport » : « pur ani-mâle », « team force », « cool kick », « pure game ». 
         Dans les vitrines des pharmaciens, dès que les feuilles mortes se ramassent à la pelle des affiches nous proposent les petites pilules miracles pour rester dans le vent. « Des états grippaux vous empêchent d’avancer ? » Interdit de paresser au lit, une-deux une-deux voilà un comprimé providentiel. Un rhume ? Un médoc pour rester dans les starting-block. Dépression ? Un cacheton. Vous vieillissez ? Achetez de la crème, « anti ride, anti tâche, anti relâchement : l’anti âge absolu ». 
         Soyez en parfait état de marche, c’est un ordre. Un impératif martelé partout. Ce discours thérapeutique permanent appelle à se dépasser, rester toujours dynamique, mobilisé, jeune, sportif, puissant, per-for-mant. Pour suivre le rythme de la croissance et tenir les « chocs de compétitivité », bien se placer dans la course à la concurrence généralisée, résister au stress. Adapté, efficace, motivé, robot sans défaut et enjoué. Jusqu’à ce que, pour les plus zélés des soldats du PIB, les doses de caféine, de ginseng ou de vitamines ne suffisent plus. Il leur reste alors des drogues pas encore vendues en supermarché, comme la cocaïne ou autres psychotropes. Se défoncer pour foncer, c’est une pratique de plus en plus courante au travail ces dernières années, selon les observations médicales. 
         L’escargot de la décroissance préfère se traîner et refuser cette accélération permanente. Reconnaître ses limites physiques, accepter les défaillances de son corps, la vieillesse, la maladie, et la mort. Fatigués ? On arrête tout, on se met au lit ! 


    La Décroissance N° 105

    http://www.oragesdacier.info/2014/01/la-saloperie-que-nous-nacheterons-pas.html