Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

géopolitique - Page 580

  • La Chine en action: vers la chute du dollar

    Auran Derien, enseignant

    Ex: http://metamag.fr

    Pour un monde dé-dollarisé

    Depuis le début de 2016, la Banque Centrale de Chine a mis en fonctionnement un système interbancaire de ventes et d’achats d’or. Deux institutions, filiales de la Banque Centrale, se partagent les responsabilités.

    Le marché interne de l’or est sous la responsabilité de la Shanghai Gold Exchange (SGE) ; le marché interbancaire est administré par le China Foreign Exchange Trading System (CFETS). Si on sait que la Chine est le principal pays détenteur d’or dans le monde, la quantité exacte n’en est pas connue, de sorte que les nouvelles institutions vont améliorer la liquidité interbancaire de l’or tout en favorisant la création de nouveaux marchés pour le métal.

    Jusqu’alors, les banques chinoises ne pouvaient négocier de l’or entre elles. Chacune avait seulement la possibilité d’acheter du métal au Shanghai Gold Exchange, institution monopolistique par laquelle passaient toutes les demandes. Désormais, dix banques vont intervenir sur deux niveaux. Quatre banques, associées au groupe Australia and New Zealand Banking group (ANZ) feront fonctionner le marché primaire. Six autres banques participeront à un marché secondaire. Il est toujours interdit d’exporter de l’or mais en même temps la Banque Centrale en achète en moyenne 20 tonnes chaque mois depuis 2015.

    Fin de la confiance dans le dollar

    De telles manœuvres renforcent l’analyse selon laquelle les gens civilisés de par le monde se lassent des transactions liées au dollar. Depuis 2014, les contrats entre la Chine et la Russie ont éliminé l’usage du dollar. Les Chinois ont réduit leurs énormes réserves de cette monnaie en achetant, à travers le monde, des actifs de toutes sortes. Ils se paient l’Europe, notamment les entreprises utilisant une technologie qui les intéresse, tant en France qu’en Allemagne.

    De plus, en France ils cherchent à installer une tête de pont à partir de laquelle déverser leurs produits sur toute l’Europe, bénéficiant d’une part des mêmes avantages que les multinationales (pas d’impôts, etc.), d’autre part en utilisant le label “made in France” sur l’essentiel de leur production importée qu’ils revendraient dans le monde comme si elle était locale. La City de Londres, depuis octobre 2014, coopère avec la Chine pour émettre des obligations libellées enRenminbi, et de nouvelles institutions bancaires, telles la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures (AIIB) vont permettre à divers pays de s’éloigner peu à peu des voyous de la Banque Mondiale.

    On peut donc déduire que les Chinois veulent garder une porte de sortie au cas très probable où les bulles gigantesques construites par la finance globalitaire se dégonfleraient plus ou moins rapidement. L’or serait une base de négociation monétaire face à l’incertitude qui suivrait la chute du dollar ou de l’Euro. Les titres publics américains sont déjà considérés comme sans valeur car Janet Yellen, qui parle au nom de la Réserve Fédérale américaine prétend que les taux d’intérêt seront maintenus ou augmentés alors que chacun constate le délabrement de l’économie américaine et de l’occident en général. Tout y est faux, mensonger ; ce spectacle incarne parfaitement la révélation monothéiste : le réel n’existe pas, seule la parole  doit s’imposer ici, les indices officiels trafiqués.

    Dans une situation de déliquescence de l’économie occidentale et de perte de prestige des financiers transcendentaux, l’or retrouvera la fonction qu’il eut depuis l’origine du monde : être une référence, un soutien, une forme de richesse. La Chine, achetant de l’or, se sépare de dollars pourris tout en laissant se dévaluer sa monnaie car toutes les monnaies se dévaluent au temps de la création monétaire débridée imposée par la finance mondialiste. Mais le mécanisme est innovateur. Le prix de l’or est déterminé en yuans, il existe un commerce interbancaire pour le métal, de sorte que le yuan dispose d’une cotation “absolue” en or, indépendante de celle en dollar. Les changes flexibles demeurent puisqu’il n’est pas possible aujoud’hui de fixer des règles équitables pour le système monétaire international. Reste que le prix du yuan en or est un meilleur indice de la valeur du yuan que le cours du yuan en dollar.

    Stimuler les exportations en changeant les flux

    Cette nouvelle chinoiserie entre aussi en concurrence avec une institution dépendant des démons financiers de Londres. Le pouvoir financier a toujours voulu le monopole de l’émission de monnaie. La Chine offre une alternative : le prix de l’or en renmibi plutôt que celui fixé à Londres en dollars. Selon la logique de l’arbitrage, il pourrait en résulter assez rapidement un transfert des transactions vers la Chine qui, offrant un meilleur taux, inciterait la plupart des agents à vendre leur or contre yuans. L’expansion du yuan permettrait d’acheter plus de biens et services et donc, peu à peu, stimulerait le commerce extérieur chinois.

    Le « goldman sachs » a testé sa capacité de nuisance le 16 février de cette année en attaquant le prix de l’or et en reprenant son discours éculé sur le manque d’avenir d’un métal que par ailleurs ils achètent systématiquement. Le système bancaire des « criminels en col blanc » promeut une escroquerie permanente, les certificats d’or (un bout de papier) aussi bons que l’or physique. Cette petite crapulerie touchera à sa fin si le système chinois fonctionne bien, permettant l’achat / vente d’or physique plutôt que les confettis papier de goldman sachs et cie.

    La guerre monétaire fondée sur la création ex nihilo va-t-elle finalement favoriser la Chine dont la monnaie est désormais liée au cours de l’or que les démons de Londres ne seront plus les seuls à déterminer selon leurs intérêts ?

    Chacun espère que la voie vers la dé-dollarisation du monde soit sans retour et que ceux qui ont créé cette arme de destruction massive cesseront peu à peu de nuire.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2016/03/05/la-chine-en-action-vers-la-chute-du-dollar-5768436.html

  • Des élèves entendus par la gendarmerie pour savoir ce que leur prof avait dit "au sujet de la Russie et de Vladimir Poutine"

    Oui, nous sommes dans la France sous Hollande :

    "Ce professeur d’histoire et de langue bretonne du collège Sainte-Anne à Sainte Anne d’Auray – en Bretagne – n’en revient toujours pas. Revenant de vacances, Pascal G. a appris avec stupéfaction que ses élèves de troisième année de collège avaient été auditionnés par la gendarmerie. Motif de l’enquête ? La façon dont l’enseignant aurait présenté la Russie contemporaine durant ses cours".

    Lahire

    http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html

  • Sur Numero Zéro d'Umberto Eco, en hommage /Théories du complot : l'inutile découverte

    par François-Bernard Huyghe
    Ex: http://www.huyghe.fr
    Dans son dernier roman Numéro zéroUmberto Eco décrit la rédaction d'un futur quotidien au début des années 90. On y bidonne tout, des horoscopes aux avis mortuaires, et le journal, aux rédacteurs ringards et aux moyens restreints, et il n'est en réalité pas destiné à paraître. Il servira plutôt d'instrument de chantage à un capitaine d'industrie : il menacera ceux qui lui font obstacle de lancer des révélations scandaleuses ou des campagnes de presse. 
    Cette histoire, et cette critique un peu convenue des médias "classsiques" se croise avec la naissance d'une théorie que l'on dirait aujourd'hui conspirationniste : un des journalistes commence à se persuader que ce n'est pas Mussolini qui a été exécuté et dont on a vu le cadavre pendu par les pieds à la Piazzale Loreto en 1945, mais un sosie. Partant de détails du récit des derniers jours ou de l'autopsie qui ne colleraient pas, le journaliste ne cesse de trouver des bizarreries dans l'histoire de ce cadavre. Par ailleurs, le vrai cadavre du Duce, enterré secrètement  a été effectivement enlevé par un commando de jeunes néo fascistes pour finir remis à sa famille en 1957. Un essai de Sergio Luzzato, récemment traduit, "le corps du Duce" analyse d'ailleurs cette histoire vraiment très romanesque de cadavre caché, enlevé, encombrant, honoré, retrouvé, etc.
    Et Eco de décrire la construction d'une théorie par le journaliste qui part du postulat que les partisans n'ont pas tué le bon Mussolini. Dans un pays  où l'on pratique beaucoup le "dietrismo" (l'art d'imaginer de tortueuses manœuvres derrière -dietro- la version "officielle" de l'Histoire), cela marche bien. Tous les ingrédients qui nourrissent les bonnes conversations de table en Italie - Vatican, affaire Gelli, organisation Gladio chargée de faire du "stay behind" en cas d'invasion soviétique, tentative de putsch du prince Borghese bizarrement annulée, inévitable attentat de la Piazza Fontana et autres massacres d'innocents qui le suivront, autres "coïncidences", contradictions et affaires jamais expliquées sur fond de manipulations et stratégie de tension... Évidemment le journaliste se fait assassiner. 
    Et c'est à ce moment que le livre, par ailleurs astucieux et entraînant, pose une hypothèse intéressante qui pourrait être que trop de complot tue le complot. 
    Dans "Le pendule de Foucault", bien des années avant "Da Vinci Code", Eco imaginait un délirant qui, partant d'éléments faux, construisait une explication de l'Histoire par des manœuvres secrètes, Templiers, groupes ésotériques et tutti quanti. À la fin du livre, l'enquêteur se faisait également tuer, et l'auteur nous révélait à la fois que les constructions mentales sur une histoire occulte, qu'il avait fort ingénieusement illustrée pendant les neuf dixièmes du livre, étaient fausses, mais qu'il y avait aussi des dingues pour les prendre au sérieux. Et tuer en leur nom. 
    Ici, dans "Numéro zéro", il se passe presque l'inverse. Le lecteur (qui n'a pas pu échapper aux nombreux livres et articles sur les théories du complot  ne croit pas une seconde aux hypothèses du journaliste. Quand il est assassiné, son collègue (l'auteur parlant à la première personne) se sent menacé. Mais, coup de théâtre, à ce moment est diffusée une émission de la BBC "Opération Gladio" (authentique : on peut voir sur You Tube ce documentaire de près de deux heures et demi. présenté pour la première fois en 1992, année où est sensé se dérouler le livre). Or, le documentaire, truffé d'interviews des acteurs, révèle d'effroyables histoires sur une supposée armée secrète d'extrême droite, en rapport avec la CIA, le MI6, l'État italien et autre, exécute secrètement crimes et massacres, y compris en tentant de les faire attribuer leurs méfaits à l'extrême gauche. Ce qui, soit dit en passant, devrait nous rappeler que la théorie du complot n'est pas un monopole des populistes de droite.
    "Numéro zéro" se termine un peu en queue de poisson, du moins du point de vue narratif : puisque toutes ces histoires de complot sont notoires, plus personne n'a de raison de tuer personne, et l'histoire se finit bien.
    Mais le paradoxe soulevé mérite l'attention. Il y a des dizaines de théories sur l'assassinat de Kennedy, à peu près autant sur les massacres des années de plomb. Parmi toutes ces théories, il y en a forcément une qui doit être vraie mais nous ne saurons sans doute jamais laquelle.
    En revanche, l'inflation des révélations et pseudo-révélations a produit quelque chose qui ressemble à une incrédulité résignée de masse. Il faut s'habituer à l'idée qu'une vaste partie de la population puisse simultanément se persuader d'être abusée par les mensonges fabriqués par des appareils politiques et médiatiques et ne pas se révolter, ou du moins accepter de continuer à subir un système qu'ils croient profondément perverti et néanmoins indépassable. Comme si Eco nous suggérait que, quand tout le monde sait qu'il y a secret, ce que cache le secret n'a plus aucune importance.

  • Géopolitique du système des banques centrales

    Intéressante analyse rédigée par Valérie Bugault (source).

    Géopolitique du système des banques centrales


    Genèse de l’ordre bancaire oligarchique : du système des banques centrales aux institutions financières internationales

    Mayer Amschel Bauer, fondateur de la dynastie Rothschild : «Donnez-moi le contrôle de la monnaie d’une nation, et je n’aurai pas à m’occuper de ceux qui font les lois

    Par Valérie Bugault – le 21 février 2016

    La notion de banque centrale suppose une centralisation des questions monétaires entre les mains de banquiers centraux contrôlés par des banquiers privés. Le règlement des questions monétaires est donc, par construction, dévoué à la satisfaction des intérêts bien compris des propriétaires majoritaires des principales banques privées 1.

    L’existence d’une banque centralisée aux mains d’acteurs financiers privés, qui régit la monnaie dite d’État et qui réglemente plus ou moins directement le secteur des banques privées est le cœur nucléaire de la question monétaire. Les banques centrales 2 sont le centre névralgique de l’organisation du système financier actuel.

    Ce concept dit de banque centrale s’est volontiers paré des vertus de l’orthodoxie financière pour s’imposer de façon définitive aux yeux du public. Ainsi, s’est répandue l’idée générale selon laquelle le concept de banque centrale indépendante est justifié par la nécessité de lutter contre un excès d’utilisation, par les hommes politiques, de ce qu’il est convenu d’appeler la planche à billets. Deux constats factuels s’opposent de façon rédhibitoire à l’adoption d’une telle justification.

    Le premier constat est que le concept même de banque centrale véhicule une illusion d’indépendance développée et entretenue par des acteurs bancaires. Les banques centrales ont en effet toujours été indépendantes des élus politiques, mais elles n’ont jamais été indépendantes des banquiers qui les contrôlent. Dit autrement, le système actuel des banques centrales est, par construction, indépendant de tout contrôle populaire de type politique, mais au contraire sous la totale dépendance du contrôle capitalistique initial. D’un point de vue conceptuel logique, la recherche d’une orthodoxie financière de l’État peut passer par bien d’autres moyens que celui de remettre les clefs du coffre à un groupe homogène de personnes.

    La recherche de l’orthodoxie budgétaire serait, par exemple, bien mieux atteinte par l’organisation de contre-pouvoirs assortie d’une indépendance statutaire réelle des contrôleurs. Les gardiens du coffre public, qui manient l’argent du public, devraient ainsi rendre régulièrement des comptes sur l’impact de leur politique sur la masse des individus constituant l’État. Cet organisme de contrôle pourrait être composé de représentants de la société civile, hors banquiers. Cet organisme aurait les pouvoirs juridiques et politiques de sanctionner les gardiens du coffre lorsque les effets des politiques monétaires suivies seraient durablement et/ou diamétralement contraires aux intérêts économiques des individus auxquels elles s’imposent et à la fluidité du commerce bien compris – c’est-à-dire dans le sens où le commerce profite à tous les acteurs, et non aux seuls propriétaires des plus grands cartels.

    Lire la suite

  • La Zone Grise: Daech, le vivre-ensemble ou les Croisades

    Dabiq, le fanzine de l’Etat Islamique, a dévoilé cette année un concept important pour comprendre leur stratégie: la Zone Grise. La Zone Grise est un éditorial de 10 pages décrivant la zone « entre chien et loup » que beaucoup de musulmans occupent aujourd’hui dans le monde. C’est la zone entre le bien et le mal, entre le Califat et les Nations. C’est la zone du non-choix, de l’hésitation, de la compromission quotidienne, des petits arrangements avec soi-même.

    Et c’est la zone qui met mal à l’aise tout le monde. Trois théories s’opposent:

    Théorie n°1: La Grande Clarification

    George Bush et Daech sont d’accord: « Soit vous êtes avec nous, soit vous êtes avec les terroristes »

    C’est la théorie de la Grande Clarification. Chacun dans son camp. On se met sur la gueule et que le meilleur gagne. Tactique gagnante du FLN en Algérie (les « gentils » pied-noirs se sont fait virer tout aussi bien que les « méchants », et tous les « collabos » pourchassés, assassinés) ou encore d’Isabelle la Catholique en Espagne (Reconquista qui n’a pas fait dans le détail, les juifs d’Espagne faisant partie du nettoyage)

    Théorie n°2: Le vivre-ensemble

    Vous en êtes convaincu, Daech est un dévoiement de l’Islam, les terroristes ne sont que des déséquilibrés, la République est la plus forte, « United We Stand », Esprit Charlie, es-tu là ?, etc.

    Sans le savoir, vous êtes partisan de la Grande Clarification, car pour vous il est évident que les musulmans de France ont déjà choisi leur camp, celui de la France, du Progrès, des Lumières.

    Michel Houellebecq a lui décrit une fin alternative pour cette théorie dans son livre « Soumission ». La conséquence logique si le pari sur le « ralliement » des masses musulmanes s’avérait faux.

    Théorie n°3: Business as usual

    L’important, c’est le Business. Chercher les ressources là où elles sont, mettre des gouvernements favorables aux multinationales, effacer les frontières. La Zone Grise ? Il n’y a pas de zone, pas de communauté, pas de Nation, mais que des individus nomades consommateurs.

    Lire la suite

  • Trêve syrienne : les Russes en force, les Turcs sous pression

    Beaucoup de personnes se demandent pourquoi l’axe Russie-Damas-Iran-Hezbollah a accepté un cessez-le-feu en Syrie alors qu’il était en phase de reconquête.
    Il y a plusieurs raisons à cela et de fins observateurs les ont déjà données : négocier en position de force, remettre Assad au centre du jeu (plus personne ne demande son départ), couper l’herbe sous le pied aux Saoudo-turcs…

    Pour ma part, l’un des éléments qui me paraît le plus important est, selon une antique tactique russe, le saucissonnage de la rébellion.

    L’opposition à Assad est en ruines et divisée comme jamais entre ceux (minoritaires mais médiatiques) qui ont accepté la trêve et ceux, les djihadistes (majoritaires), qui la refusent. Désormais, toute ambiguïté est levée et le « camp du Bien » ne trouvera rien à y redire : ceux qui continuent le combat contre Assad sont des terroristes qu’il faudra traiter comme tel.

    On imagine l’immense malaise dans les salles de rédaction de la mafia médiatique occidentale… Déjà, des craquelures apparaissent dans des publications pourtant peu favorables à la position russe (Politico, Boston Globe, même Fox News qui nous fait un timide pas de danse).

    Cette trêve permet ainsi de mettre le camp du Bien face à ses contradictions et de révéler au grand jour qui est qui en Syrie et qui soutient qui. Or, il n’aura fallu qu’un jour à la Turquie pour se faire prendre le doigt dans le pot de confiture !

    Déjà terriblement isolée par une politique dont tout le monde reconnaît maintenant le caractère désastreux et sous forte pression économique de la part de Moscou, la Turquie d’Erdogan a tout perdu en Syrie. Non seulement il n’est évidemment plus question de renverser Assad depuis l’intervention automnale russe, mais il n’est même plus possible de faire quoi que ce soit contre les Kurdes ni d’avoir une quelconque voix au chapitre sur le futur syrien depuis la bourde du 24 novembre. Un flop retentissant dont il n’est pas sûr qu’Erdogan se remettre…

    Or, à peine le cessez-le-feu entré en vigueur, voilà que le sultan semble avoir fait une nouvelle ânerie. Tell Abyad, tenue par les YPG kurdes, a été bombardée depuis le territoire turc. L’armée turque s’est empressée de nier toute implication (on a connu Ankara moins beaucoup timide il n’y a pas si longtemps…), mais l’important est que les Russes se sont aussitôt tournés vers les Américains pour leur demander des explications.

    Et là, plus de faux fuyant possible. Si leur allié turc rompt la trêve si difficilement obtenue et dont les Etats-Unis sont l’un des garants, ils se verront dans l’obligation d’agir. Pour Moscou, mettre Washington en face de ses énormes contradictions et enfoncer un coin peut-être définitif entre l’OTAN et la Turquie n’est pas le moindre des avantages de cette cessation des hostilités.
    Observatus geopoliticus

    Source: Chroniques du Grand jeu
    http://www.voxnr.com/cc/etranger/EuVyllkAEASDeZMTWD.shtml

  • La réalité derrière l’arc-en-ciel de l’Afrique du Sud

    Lorsque le 5 décembre 2013, le gouvernement sud-africain annonce officiellement la mort de « Madiba Nelson Mandela », c’est un hommage quasi-unanime que rend la communauté internationale à celui qui avait contribué par son combat quotidien,  à la chute du système de ségrégation raciale (apartheid), mis en place en 1948. Mais derrière ce manichéisme, dont la presse nous abreuve depuis des décennies, la réalité est moins multicolore qu’elle n’y paraît sous l’arc-en-ciel sud-africain. Décryptage d’un pays qui s’enfonce lentement vers l’explosion.

    Le 27 avril 1994, les premières élections législatives multiraciales portent au pouvoir l’African National Congress (ANC) de Nelson Mandela qui remporte 63% des suffrages loin devant les 20% du très blanc National Party de Frederik de Klerk et  du zoulou Inkhata Freedom Party avec 11% des voix. Après avoir passé 18 ans sur l’île-prison de Robben Island où il était enfermé depuis le procès de Rivonia en 1964, 6 ans dans une prison près de Paarl et ses 2 dernières années en résidence surveillée,  Nelson Mandela prête enfin serment comme le premier Président noir de l’Afrique du Sud. C’est le dernier pays de l’Afrique, dirigé par des blancs (afrikaners), a enfin avoir accordé à sa majorité noire le droit de vote après le Zimbabwe en 1980 et la Namibie en 1990. Avec son arrivée au pouvoir, le pays peut désormais oublier ses 3 ans de guerre civile (1991-1994) qui ont précipité les ethnies les unes contre les autres, les noirs contre les afrikaners ou divisé tous les partis politiques sur les alliances à adopter. L’ANC avait alors basé le programme de sa campagne sur une Afrique du Sud non raciale, sociale et égalitaire.

    Dès le début de sa présidence, Mandela va subir les pressions, non seulement de la part des cadres de l’ANC mais aussi des tenants de l’ancien régime. Les premiers reprochent au héros de la lutte contre l’apartheid et prix  Nobel de la paix d’avoir une attitude trop conciliante vis-à-vis des afrikaners quand ces derniers lui reprochent à leur tour de tenter de supprimer la culture boer. Au sein du gouvernement multiracial qui a consacré la nomination de 2 vice-présidents (Thabo Mbeki pour l’ANC et De Klerk pour le NP), c’est la crispation. Il éclate en juin 1996 après la proclamation de la nouvelle constitution. Aucune des demandes du NP n’a été satisfaite, de l’enseignement libre en afrikaans au droit des patrons de fermer leurs usines en cas de grève. Marginalisé, le NP va se dissoudre en 2004 et laisser ses membres les plus conservateurs, rejoindre le Freedom Front. Ce parti d’extrême-droite de l’afrikanerdom qui avait accepté de rejoindre in extrémis les élections contre la vaine promesse d’un référendum sur la création d’un volkstaat (état)  blanc.

    La mise en place de l’Affirmative action, qui impose un certain quota de blancs, noirs, indiens dans les entreprises, va jeter dans les rues des milliers de petits blancs que l’ancien système protégeait à outrance. Si le gouvernement accélère la construction de centaines de milliers de logements avec accès à l’eau potable, la réforme agraire de redistribution des terres tarde à venir et le programme social est rapidement abandonné au profit d’un choix économique plus libéral. La corruption entre de plein fouet dans le gouvernement avec ce scandale qui va forcer Winnie Madikezla-Mandela à démissionner de son poste de vice-ministre de la Culture, seulement quelques mois après sa prise de fonction. L’épouse de Nelson Mandela est sulfureuse, suspectée d’avoir organisé le meurtre d’un opposant au sein de l’ANC et tient régulièrement un discours très radical qui plaît aux noirs issus des townships mais qui déplaît fortement à l’ANC. La politique étrangère du pays sera un échec palpable qui écornera l’image de Mandela. Lors de son départ du pouvoir (1999), sa présidence est jugée internationalement plus que mitigée. On est loin de l’image édulcorée voulue par le film « Invictus », produit par l’acteur Clint Eastwood, montrant copieusement un Nelson Mandela réussissant à rassembler pacifiquement les ennemis d’hier sous son aile. Les tensions raciales demeurent présentes comme les inégalités sociales qui ont renforcé le pouvoir des principaux syndicats de gauche comme la COSATU.

    L’après-Mandela a vu se succéder le falot Thabo Mbeki (1999-2008)  dont la présidence rejeta  systématiquement en bloc la thèse selon laquelle le syndrome d’immunodéficience ne serait pas lié au VIH, accusant les groupes pharmaceutiques de se faire de l’argent sur le dos de l’Afrique et refusant tous traitements anti-rétroviraux (l’Afrique du Sud a été toutefois  le premier pays d’Afrique à légaliser l’homosexualité).  Puis le fantasque et controversé Jacob Zuma  qui incarne aujourd’hui  « l’appétit insatiable d’enrichissement et de pouvoir qui règne parmi les cadres de l’ANC ». Avec 42% de jeunes de moins de 30 ans, la hausse constante des prix, une croissance en berne,  le népotisme qui frappe le gouvernement,  cette mosaïque d’ethnies et de clans qu’est l’Afrique du Sud menace aujourd’hui d’éclater dangereusement.

    De nouvelles velléités indépendantistes ont refait surface avec des rois traditionnels qui ne cachent plus leur volonté de recouvrir ces indépendances acquises du temps de l’apartheid et qui les avaient érigés en bantoustans autonomes. Une partie de l’électorat noir s’est de nouveau radicalisé (notamment parmi les étudiants qui n’hésitent pas à s’attaquer aux statues représentant des figures du panthéon afrikaner) et a rejoint les rangs du populiste de gauche Julius Malema, dont le mouvement est devenu le second parti d’opposition noir lors des élections de 2014. Expulsé de l’ANC, cet ambitieux politicien, toujours coiffé d’un béret rouge révolutionnaire, ne cache pas son admiration pour Robert Mugabe, président du Zimbabwe (qui a ruiné économiquement son pays), ni sa haine des afrikaners à qui il a promis à chacun une balle. Sa verbe fait mouche auprès des déçus de l’ANC qui peine à réduire ces fameuses inégalités et les townships qui restent encore une mauvaise vitrine de l’Afrique du Sud post-apartheid. Pourtant le pays reste encore très attractif pour ses voisins avec un revers de médaille. L’immigration en masse, notamment dans les régions minières, a provoqué de fortes tensions l’année dernière avec des émeutes anti –migrants ou des grèves qui se sont terminées dans le sang comme avec la répression de Marikana en 2014 (34 morts, 78 blessés).

    La mort de Nelson Mandela a brisé tous les remparts de tolérance que cette figure tutélaire imposait naturellement à l’Afrique du Sud. Si les tensions raciales n’ont pas encore mené le pays vers une guerre civile, les disparités demeurent. Aucune des communautés ne se mélange encore. Pis les afrikaners se sont réfugiés dans des quartiers résidentiels ultra –sécurisés avec la nouvelle classe émergente de de la bourgeoisie noire (Blacks diamonds) ou dans des villes-forteresse, refusant le moindre contact avec des africains (Orania). Avec 45 meurtres par jour en moyenne, le pays reste l’un des états de l’Afrique australe les plus dangereux.  2000 à 4000 fermiers blancs ont été tués depuis 1994. Démobilisés avec la fin de l’apartheid, les anciens guérilleros de l’aile militaire de l’ANC (Umkonto We Sizwe ou fer de lance de la nation) ou du PanAfrican Congress se sont reconvertis en meurtriers. Pour protester contre ce qu’ils considèrent comme « un génocide », les leaders afrikaners ou des chanteurs connus ont lancé conjointement une campagne appelée « Octobre rouge » (2013). Drapeaux de l’ancienne Afrique du Sud, protection des monuments liés à l’histoire boer, les afrikaners (8% de la population) réclame toujours l’établissement d’un Volkstaat.  Le violent assassinat en 2010 du trublion leader du mouvement de résistance afrikaner (AWB), Eugène Terreblanche, a laissé une extrême-droite orpheline mais néanmoins toujours présente dans la vie politique du pays.  Fracturée en divers groupes, elle a essayé d’organiser depuis 1994 des tentatives de déstabilisation, sans grands succès. Son vote est tout aussi divisé  lors des élections et se reporte majoritairement vers le Democratic Party, qui bien que multiracial et premier parti d’opposition, a placé une afrikaner (Helen Zille) à la tête de la province du Cap depuis 2009.

    Leur situation en Afrique du Sud reste pourtant toujours dominante. 80 % des entreprises sont toujours dirigées par des afrikaners, « le chômage touche plus de 25 % de la population noire, contre environ 5 % chez les Blancs », ils ont accès à un meilleur enseignement  et gagne toujours 6 fois plus qu’une famille noire tout comme la communauté indienne d’Afrique du Sud qui dirige les activités commerciales du pays. Mais pour les plus conservateurs d’entre eux qui restent actifs au Freedom Front ou au National Front, les afrikaners sont victimes « d’un apartheid à l’envers » et craignent que le pays ne devienne un nouveau Zimbabwe.  

    En 2016, le pays va donc devoir faire face à d’importants défis. Acteur majeur des BRICS (organisation composée du Brésil, la Russie, l’Inde et de la Chine), l’Afrique du sud connaît déjà de fortes tensions sociales et raciales (en février des émeutes entre noirs et afrikaners ont éclaté sur le campus de l’université de Pretoria), une monnaie (Rand) qui a chuté  et perdu ¼ de sa valeur face au dollar, un président accusé de corruption et contesté au sein même de l’ANC, déjà victime d’une scission de son parti en 2008. Si le pays reste encore un des géants du continent africain, les espoirs des 1994 se sont définitivement envolés. L’Afrique du Sud est désormais au bord de la guerre civile et les élections municipales prévues en août 2016 vont être déterminantes pour l’avenir du pays.  

    La nation arc-en-ciel a définitivement enterré Nelson Mandela ! Elle écrit un nouveau chapitre de son histoire déjà bien tumultueuse.

    Frédéric de Natal

    http://www.vexilla-galliae.fr/actualites/europe-international/1834-la-realite-derriere-l-arc-en-ciel-de-l-afrique-du-sud

  • La diplomatie française : tradition et rupture (entretien avec Roland Dumas)

  • Donald Trump. Qu'il accède rapidement à la Maison Blanche

    Quel que soit le jugement porté sur « le Donald » et ses idées, l'Europe si elle voulait échapper à l'atlantisme qui l'étouffe, devrait fortement souhaiter son élection à la présidence américaine. Article mis-à-jour au 24/02

    Note au 24/02/2016
    Depuis la première publication de cet article le 16/12/2015, Donald Trump s'est révélé être un personnage très doué. Il paraît désormais capable, volontairement ou non, de bousculer le Système incarné dans le monde par l'Amérique. Ses succès électoraux répétés montrent qu'il recueille de plus en plus d'appuis dans un corps politique populaire qu'il est difficile de caractériser précisément, mais qui paraît très éloigné des soutiens traditionnels du Parti Républicain. Au contraire, ses électeurs paraissent proches sur beaucoup de points des électeurs votant pour Bernie Sanders.

    Nous attendrons les résultats des élections présidentielles proprement dites pour hasarder un essai d'analyse du phénomène Trump et des raisons de son succès. Disons seulement, à la date du 24/02, que, surtout s'il gagne le “Super Tuesday” , The Donald confirmerait d'une façon extrêmement puissante la probabilité qu'il soit désigné comme candidat républicain. Nous suivrons évidemment attentivement le suite des évènements.

    Concernant les Démocrates, il paraît encore peu probable que Bernie Sanders soit nommé leur candidat, tellement fortes sont les pressions du Système pour éliminer (y compris peut-être physiquement, un accident est vite arrivé) un candidat si loin de représenter les intérêts que sert encore Hillary Clinton. Disons seulement que si Clinton réussissait, à coup de corruptions et de chantages, à éliminer Sanders, elle trouverait en Trump un adversaire tout à fait capable de la ridiculiser.
    Dans le camp des Républicains, il semble, quelques semaines avant le début des primaires, que Donald Trump recueille une majorité de suffrages. Ceci n'a rien d'étonnant lorsque l'on constate l'inexistence de ses concurrents, dont en ce qui nous nous concerne nous avons peine aujourd'hui à retenir le moindre nom. Tous sont les représentants d'une Amérique néo-conservatrice, militariste, dominée par les puissances financières, n'ayant que du mépris pour les autres Etats du monde, les Etats européens en premier lieu.

    Mais à supposer que ce soit les Démocrates qui l'emportent, leur championne très probable, Hillary Clinton, ne se distinguera en rien des plus dangereux des Républicains. Au contraire, s'appuyant sur son expérience politique, elle les dépassera en militarisme, provocations à l'égard de la Russie, mépris de l'Europe, haine des milieux politiques américains dits alternatifs qui sauvent actuellement l'honneur de l'Amérique. Du fait de son nom, Clinton, comme du fait de son sexe, elle pourra donner quelques illusions sur son ouverture d'esprit, notamment dans les milieux européens atlantistes. Ils déchanteront vite.

    Une présidence Hillary Clinton maintiendrait en fait l'Europe pendant des années au niveau qui est le sien aujourd'hui, celui de sous-colonie américaine. De plus, elle enfermerait l'Europe dans une hystérie anti-russe dont pour le moment, certains gouvernements européens cherchent à se dégager.

    Cependant  Donald Trump à la Maison Blanche ne serait-il pas pire encore pour les Européens? Au pouvoir, «  The Donald » n'échapperait sans doute pas malgré son bagout, aux forces de l' « Etat profond » qui le contraindraient à rester dans la ligne des intérêts américains les plus obtus. A moins que...

    ...A moins que, emporté par son hubris, il n'émette quelques propositions de bon sens qui seraient utiles non seulement à l'Amérique mais aux Européens, se rapprocher de Moscou et de Pékin par exemple. Tout Démocrate qu'il soit, Obama s'est révélé jusqu'à ce jour incapable de le faire, poussant le monde aux bords d'une 3e guerre mondiale. Un Donald pourrait peut-être y réussir.
    ...A moins que aussi, dans le chahut permanent qu'il provoquerait s'il restait fidèle à son tempérament, de véritables mouvements de contestation sur un mode Occupy Wall Street amélioré ne puissent réapparaître et se faire entendre de tous ceux, aux Etats-Unis comme en Europe, qui rejettent en entier ce qu'ils nomment le Système.

    Notes
    * Sur Donald Trump et l'immigration provenant des pays du Moyen-Orient, voir notre article 

    http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=2007&r_id=

    * Le point de vue du World Socialist Web Site. L'élection de Trump ouvrirait  les yeux de ceux qui l'ignoreraient encore sur ce qu'est en fait le système américain.

    http://www.wsws.org/en/articles/2015/12/10/pers-d10.html

    * Sur Hillary Clinton, un jugement que nous ne sommes pas loin de partager

    http://lesakerfrancophone.net/hillary-clinton-la-candidate-de-wall-street/

    * Sur France Inter, au 7/9 du 18/12, Bernard Guetta, chargé de la chronique Géostratégie, s'est permis de comparer Trump à Poutine, en disant qu'au fond rien ne séparait les deux hommes. Il est honteux de constater que sur une radiodiffusion nationale, un chroniqueur important se permette de lancer des attaques ad hominem aussi vicieuses, sans que personne ne réagisse. Mais ceci pourrait s'expliquer par la découverte horrifiée que l'éventualité évoquée à la fin de notre article, un rapprochement entre Trump devenu Président des Etats-unis, et Vladimir Poutine, ne serait pas impossible.

    Jean Paul Baquiast 16/12/2015