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géopolitique - Page 855

  • Soumis et imprévoyants

    Nous l’avons souvent dit ici,  les Etats-Unis  défendent farouchement  leurs intérêts et on ne saurait le leur reprocher.  Mais ce n’est certainement pas une raison pour que nos gouvernements successifs acceptent sans broncher  que notre pays soit traité comme une République bananière, trahissant ainsi   de nouveau le mandat que leur a confié le peuple souverain. Nouvelle illustration de l’attitude  de dhimmitude qui est celle de la gauche atlantiste devant l’hyperpuissante américaine,  l’ahurissante affaire du refus de la France, comme d’autres pays de l’UE, de survol de l’avion du président bolivien Evo Morales. Au motif que son  appareil était soupçonné d’abriter l’ex agent de la NSA Edward Snowden,  à la recherche d’un asile politique,  celui-ci a été contraint d’atterrir à Vienne (Autriche).

    L’Equateur  le Venezuela, l’Argentine, le Chili,  le Brésil ont exprimé  par la voie diplomatique leur mécontentement et leur solidarité avec leur homologue bolivien. L‘Union des nations sud-américaines (Unasur, qui regroupe 12 pays), a fait part de sa « solidarité » et de son « indignation » , indique un communiqué du ministère des Affaires étrangères du Pérou qui exerce la présidence tournante de l’organisation. Depuis Caracas, l’Alba (Alliance bolivarienne pour les peuples, qui compte huit membres autour du Venezuela) a critiqué « une situation grave due à l’impérialisme nord-américain et ses alliés européens ».

    Les partisans du président Evo Morales, nationaliste indigéniste campant sur des positions plutôt altermondialistes, partisan  de la décroissance et lié aux  régimes vénézuélien et cubain par une même opposition aux Etats-Unis,  ont organisé hier  une manifestation devant ambassade de  France à La Paz. Des drapeaux   français ont été brûlés, des pierres ont été jetées sur fond de slogans hostiles  à notre pays.

    Le quotidien Le Monde l’a relevé, « l’autorisation d’accès au territoire national fait partie des droits régaliens des Etats. Mais une interdiction après décollage d’un avion transportant un président et qui a fait approuver son plan de vol au préalable semble sans précédent. »

    Avec une hypocrisie toute socialiste, Laurent Fabius  « a téléphoné à son homologue bolivien pour lui faire part des regrets de la France suite au contretemps occasionné pour le président Morales par les retards dans la confirmation de l’autorisation de survol du territoire par l’avion du président », a indiqué le porte-parole du ministère, Philippe Lalliot.

    Car depuis BerlinFrançois Hollande  a vendu la mèche.  Il a confirmé qu’il était  suspendu au feu vert de Washington interdisant tout départ de Edward Snowden. Il a ainsi  avoué avoir « immédiatement donné l’autorisation de survol de la France à l’avion transportant le président bolivien, Evo Morales », uniquement quand il a appris que ce dernier était à bord de l’appareil sans l’ancien agent américain, car « Il y avait des infos contradictoires sur les passagers qui étaient à bord ».

     Bref,  M. Hollande  joue aussi bien le rôle de féal  de Washington que ne le fit en son temps M. Sarkozy,  accusé en septembre 2006   par un Laurent Fabius alors dans l’opposition d’être « le futur caniche du président des Etats-Unis »…Le changement c’est pas maintenant.

    La dernière réaction un peu digne et virile  face aux activités d’espionnages récurrentes des Américains  à notre endroit fut celle de Charles Pasqua en 1995, alors ministre de l’Intérieur . Considérant que les Etats-Unis avaient eu un «comportement inamical, venant de services alliés», cinq Américains (notamment  quatre diplomates, dont le chef de poste de la CIA à Paris) qui «se livraient à des activités incompatibles avec le statut sous lequel ils résidaient en France» avaient été expulsés. Ils étaient accusés d’espionnage militaro-économique, notamment dans le domaine des télécommunications.

    A contrario,  en mai 2012, quelques jours avant le second tour de l’élection présidentielle, le piratage des réseaux informatique de l’Elysée par les Etats-Unis n’avait entrainé aucune réactions,  alors même que des notes secrètes des plans stratégiques avaient été récupérés sur des disques durs, que  des ordinateurs  de proches conseillers de Nicolas Sarkozy avaient été fouillés rapportait l’Express…

    Sur cette  question   plus générale de l’espionnage électronique dont la France fait l’objet,  il s’agit  de rappeler quelques vérités. Car si l’espionnage  militaro-économique entre « bons alliés » a toujours été de mise,  il existe toute de même des méthodes pour  s’en prémunir, malgré les moyens colossaux dont disposent les services de renseignements américains comparés aux nôtres.

     D’abord cette évidence : Il ne faut pas s’étonner  que les agences yankees   piochent, analysent et fouillent  dans  les données sensibles électroniques   émanant de nos pays…quand elles sont  hébergées  stockées par les grands groupes américains qui sont en position ultra dominante et quasi hégémonique. Elles n’ont qu’à demander pour se  servir.

     Il s’agirait aussi  d’avoir une production de composants logiciels/électroniques franco-françaises… afin de ne pas devoir les acheter à l’étranger ! 

     Autre constat, la  nécessité de la mise sur pied d’un chantier national consistant à  sécuriser  les WAN/MAN Français. Il est impératif  de de dresser une digue  solide capable de résister aux attaques informatiques internationalisées  auxquelles ce livrent régulièrement la Chine, les États-Unis mais aussi d’autres Etats.

     Bref, là encore constate Bruno Gollnisch,  tout est question d’autorité, de souveraineté, de volonté politique ; toutes choses dont sont singulièrement dépourvues les politiciens de l’UMPS. Les enseignements de l’Histoire sont impitoyables : malheur aux peuples dont les  chefs  ont la main molle et qui comptent sur les autres pour assurer la sécurité des nations dont ils ont la charge.

    http://www.gollnisch.com

  • Panorama du Moyen-Orient

    George Corm, économiste libanais, est un des éminents spécialistes du Moyen-Orient et de la Méditerranée. Outre son statut de consultant économique et financier international, il est professeur depuis 2001 à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, dans le cursus des sciences politiques. Ses ouvrages les plus célèbres sont L’Europe et l’Orient (La Découverte) ; Orient-Occident, la fracture imaginaire (La Découverte) ; La question religieuse au XXIè siècle (La Découverte) ; Le nouveau gouvernement du monde, idéologie, structures, contre-pouvoirs (La Découverte) ; Pour une lecture profane des conflits (La Découverte) ; Le Proche-Orient éclaté 1956-2012, 2 volumes (Folio/histoire). Ils sont traduits en plusieurs langues.

    Le Moyen-Orient est en pleine recomposition. Comment expliquez-vous cette évolution ? Etait-elle en germe, et depuis quand ?
    Il y a beaucoup d’observateurs qui pensent en effet que nous sommes dans l’ère de la fin des accords franco-britanniques dits Sykes-Picot (1916) qui ont balkanisé ce qu’on appelait, au début du siècle passé, les provinces arabes de l’Empire ottoman. Ou d’autres qui parlent de période de transition de régimes autoritaires vers des régimes de type démocratique. Je pense que dans les deux cas, nous sommes loin de tels scénarios. En effet, la remise en cause des Etats existants paraît quand même assez difficile, sauf à généraliser des situations de chaos partout. Si nous prenons le modèle syrien, ou éventuellement le modèle libyen où il y a emploi massif d’armes venues de l’extérieur, à la limite on peut dire qu’il y a des zones d’influences qui se mettent en place sous l’égide des grands acteurs régionaux et internationaux. Mais enfin je ne vois pas d’Etats disparaître de la carte et de nouveaux Etats être créés et reconnus, comme cela a pu être le cas avec l’ex-Yougoslavie. Probablement si nous étions en contact géographique direct avec l’Europe, ceci aurait pu arriver, mais sur l’autre rive de la Méditerranée cela paraît quand même nettement plus difficile. D’un autre côté, pour ce qui est de la transition vers la démocratie, le problème qui se pose aujourd’hui est essentiellement celui de la nature des mouvances islamiques sur lesquelles les milieux européens et américains ont misé depuis bien des années. Ces mouvances, trop souvent idéalisées, ont désormais montré leur vrai visage, celui d’un autoritarisme et d’un désir de contrôle des libertés individuelles.
    Nous avons donc un problème aigu, important, qui va déterminer l’avenir : est-ce que les mouvances de type modernistes, laïques ou attachées aux libertés individuelles et qui refusent le référent religieux dans le fonctionnement d’un système politique vont pouvoir s’affirmer face aux mouvances islamiques ? On peut être inquiet si l’on prend en compte le fait que ces dernières jouissent jusqu’ici de l’appui total de l’Occident et qu’elles bénéficient en outre de très importants financements en pétrodollars, en provenance des royautés et émirats pétroliers alliés des Etats-Unis et de l’Europe. Ce sera donc une très longue bataille, très intéressante. C’est cette bataille qui va décider du sort du monde arabe et de la possibilité pour ces pays arabes d’établir non seulement de véritables règles démocratiques, mais aussi une véritable indépendance par rapport aux forces régionales et internationales.

    Concernant la crise syrienne, de nombreux acteurs sont impliqués (Qatar, Arabie Saoudite, Turquie, Israël). Pourquoi ?
    Mais vous avez oublié dans cette liste la France, l’Angleterre, les Etats-Unis ! J’ai eu l’occasion d’expliquer dans diverses interviews que dès le départ, il y a une différence fondamentale entre la révolte syrienne et ce qui s’est passé en Tunisie, en Egypte et au Yémen. En Syrie, vous aviez un malaise rural important depuis 2007, du fait d’une série d’années de sècheresse, puis du fait que le gouvernement a voulu faire plaisir au Fonds Monétaire International et aux pays occidentaux, et qui s’est mis à supprimer pas mal des subventions dont jouissait l’agriculture. Les observateurs de terrain en Syrie savaient que le monde rural, autrefois très privilégié par le régime et qui avait longtemps constitué sa base essentielle, commençait vraiment à connaître un état de mécontentement grandissant.
    Quand vous regardez où ont eu lieu les manifestations en Syrie, quelle était la composition sociale des manifestants et quel était leur nombre, on voit bien qu’ils étaient des ruraux pauvres dans des régions rurales pauvres périphériques, situées aux frontières avec la Jordanie et la Turquie. Les images parlaient d’ailleurs d’elles-mêmes. Elles contrastaient avec les grandioses manifestations de masse, tunisiennes, yéménites ou égyptiennes, où tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge étaient au rendez-vous. On a très vite assisté à l’arrivée d’armes aux mains des groupes d’opposants qui se sont constitués sur le terrain. De plus, il y a eu le déchaînement d’une guerre médiatique absolument spectaculaire contre le régime syrien. Or, les manifestations de masse en Syrie ont eu lieu en faveur du régime et contre l’opposition armée ; dans ces manifestations on a vu toutes les classes sociales, tous les groupes d’âge et de très nombreuses femmes…
    C’est donc une différence absolument fondamentale par rapport aux autres situations de révoltes dans le monde arabe. Par ailleurs, l’armée ne s’est nullement effondrée et elle a fait face avec de plus en plus de détermination et de violence à l’arrivée, de l’international, de combattants qu’on appelle à tort Djihadistes, parce que lorsque des musulmans tuent d’autres musulmans, cela n’est pas un djihad. On a donc eu en Syrie un scénario qui s’est mis en place qui est en train d’aboutir à une destruction systématique de la société syrienne et de sa richesse matérielle (infrastructures, habitations, potentiel industriel). C’est une répétition de ce que la communauté internationale a fait subir à l’Irak et demain nous verrons – comme cela s’est passé en Irak ou auparavant au Liban – que sous prétexte de reconstruction, le pays sera pillé par des grosses entreprises de BTP arabes ou turques ou internationales. On a déjà vu cela au Liban où, au sortir des quinze ans de violence entre 1975 et 1990, le pays a été enfoncé dans une dette invraisemblable et où après vingt-deux ans de reconstruction il n’y a toujours pas d’eau ou d’électricité courantes ! Et en Irak, malgré son énorme richesse pétrolière, les grandes infrastructures d’eau et d’électricité ne sont toujours pas complètement reconstruites. Il faut donc s’attendre à un même scénario en Syrie.
    Par ailleurs, il faut bien voir que les données internes syriennes sont tout à fait secondaires dans le conflit, car la Syrie est devenue un champ d’affrontement colossal entre, d’un côté les deux grandes puissances montantes, la Chine et la Russie, ainsi que l’Iran, et de l’autre les pays occidentaux, l’OTAN… dont le but est très clairement de faire sauter les derniers verrous anti-israéliens de la région, ces derniers verrous étant essentiellement constitués de l’axe Iran-Syrie-Hezbollah qu’on appelle, pour le dénigrer et pour donner dans le sensationnel, « l’arc chiite ». Beaucoup d’analyses se font à base de sensationnel communautaire qui est instrumentalisé pour faire croire que le conflit est entre chiites et sunnites à l’échelle régionale, alors qu’il s’agit d’un problème de géopolitique très profane. Il y a aussi des considérations pétrolières et gazières qui entrent en jeu.

    Pensez-vous qu’un embrasement régional pourrait avoir lieu dans le contexte de la crise syrienne, notamment au Liban ?
    Déjà en 2007, dans la revue Futurible, j’avais évoqué un scénario de troisième guerre mondiale éventuelle, déclenchée autour la question du développement de la capacité nucléaire iranienne. Car les passions anti-iraniennes étaient déjà d’une virulence peu commune qui n’a pas baissé de registre. Le reproche fait à l’Iran étant sa rhétorique anti-israélienne et surtout son aide au Hezbollah libanais passant par la Syrie. Aussi, l’axe Iran, Syrie, Hezbollah est-il considéré depuis des années comme à abattre dans les milieux de l’OTAN. Or, il faut bien voir que même si cet axe est réduit ou affaibli ou disparaît, il rebondira ou sera reconstitué différemment, et ceci tant que l’Etat israélien continuera de se comporter comme il se comporte vis-à-vis des Palestiniens qui continuent d’être dépossédés de ce qu’il leur reste de terre, mais aussi vis-à-vis des Libanais qu’ils ont énormément fait souffrir entre 1968 (date du premier bombardement contre le pays) et 2000, lorsque l’armée israélienne est forcée de se retirer du pays après 22 ans d’occupation, puis tente en 2006 de supprimer le Hezbollah par une série de bombardements massifs qui durent 33 jours.
    On a déjà assisté, à plusieurs reprises, à l’espoir d’avoir « débarrassé » le Moyen-Orient des forces hostiles à la domination israélo-américaine de la région. Ils ont tous été déçus. Cela a été le cas lors de la seconde invasion du Liban par Israël en 1982, qui a abouti à l’exil de l’OLP en Tunisie et dans d’autres pays loin des frontières israéliennes. Puis, cela a été le cas avec la conférence de Madrid et les accords israélo-palestiniens d’Oslo en 1993. Enfin cela a recommencé avec l’invasion de l’Irak en 2003 qui a fait penser que le Moyen-Orient serait en paix grâce à l’élimination de Saddam Hussein. C’est pour cela que je parle des « passions » américaines et européennes en faveur d’Israël, qui empêchent toute possibilité raisonnable de rendre aux Palestiniens leurs droits. Tant que cette situation n’est pas réglée conformément aux lois internationales, et non pas par la force, le Moyen-Orient va rester en ébullition avec tous ces risques d’affrontements dont nous parlons, et qui peuvent effectivement s’embraser.
    Ceci dit, il faut bien voir que dans ces passions, la folie n’est pas totale, c’est-à-dire que les Etats-Unis, après des déploiements militaires qui leur ont coûté énormément (Afghanistan et Irak) et où curieusement ils ne sont pas venus à bout de Al Qaïda, n’ont plus envie d’aventures militaires extérieures. Ce qui est une bonne chose. Maintenant, ils ont trouvé des relais régionaux qui sont notamment la Turquie, qui avait l’air prête à se battre jusqu’au bout contre la Syrie, quatre ans seulement après avoir signé des accords de coopérations, d’amitiés, de fraternité, de libre échange avec ce pays. Ils ont trouvé également les pétrodollars qui financent les armées de combattants venus de l’extérieur.
    L’on s’attendait, dans ces Etats intervenants extérieurs, à ce que l’armée syrienne s’effondre rapidement et tout le régime avec. Mais cela n’est pas arrivé, à la surprise générale de tous ceux qui connaissaient très mal le contexte syrien. Et aujourd’hui, l’armée semble reprendre le dessus militairement. Toutefois, tant que le gouvernement syrien ne pourra pas contrôler ses frontières, qui sont très longues avec la Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban, les combats et la destruction de la Syrie vont continuer. Quant à ce projet de conférence à Genève, ce n’est qu’un mauvais théâtre. Il me rappelle celui d’il y a quarante ans, lorsque les soviétiques réclamaient une conférence internationale sur la Palestine à laquelle ils se seraient associés. Or, il n’y a eu qu’une seule séance orpheline d’apparat, les Américains et les Israéliens ne souhaitant pas accorder de l’influence à l’URSS dans ce conflit. Donc je suis très sceptique face à ce projet de conférence. Jusqu’ici, nous voyons des rencontres américano-russes sur la Syrie pour organiser une conférence entre les parties au conflit, mais sitôt la réunion terminée, les déclarations des parties au conflit contredisent la volonté d’apaisement.
    Concernant les retombées sur le Liban, elles sont très intéressantes. Le gouvernement libanais a prétendu sagement vouloir rester neutre dans le conflit syrien. Ceci en application du slogan qui existe depuis des années : « le Liban d’abord ». Il s’agit d’ailleurs d’un slogan que même l’OLP avait adopté après sa sortie de Beyrouth en 1982 en vertu duquel « la Palestine d’abord ». On le trouve aussi en Irak après l’invasion américaine et on l’entend dans les milieux de l’opposition syrienne. Or, l’on a vu combien ce slogan a abouti à affaiblir les dirigeants de l’OLP qui sont impuissants devant la colonisation, mais à affaiblir aussi l’Irak.
    Au Liban, ceux qui ont porté ce slogan ne l’appliquent pas, puisqu’ils sont les premiers à s’impliquer militairement par l’envoi de combattants dans la situation syrienne, de même que le Hezbollah le fait, l’arrivée de son armement dépendant largement de la survie du régime syrien, et donc aussi à terme sa propre survie. C’est pourquoi je pense que l’insécurité va demeurer sur toutes les zones géographiques libanaises limitrophes à la Syrie, puisque les combattants vont et viennent. Tout cela alors que l’armée israélienne est toujours surpuissante et a vraisemblablement des velléités d’intervenir à nouveau au Liban dans l’espoir de réussir à faire disparaître le Hezbollah. Cependant, je ne pense pas que l’insécurité va se propager sur tout le territoire. Certes, il y a à Saïda ce cheikh salafiste, radical et anti-Hezbollah qui veut faire le coup de feu contre ce parti. Il est brusquement apparu sur la scène libanaise depuis un an, vraisemblablement financé par les pétrodollars saoudien ou Qatari. La ville de Saïda connaît donc une période troublée, mais dans l’ensemble, la population de la ville est calme, à l’inverse de la ville de Tripoli, qui peut se laisser gagner par le radicalisme islamique. Par contre, plus inquiétant est le délitement des institutions de l’Etat. Mais le Liban sait s’autogérer.

    Que pensez-vous de la situation du pouvoir hachémite en Jordanie ?
    Je crois que les Israéliens doivent continuer à se gratter la tête : faut-il essayer de faire un Etat palestinien en Transjordanie, ce qui est un vieille idée d’Ariel Sharon pour régler le problème palestinien, et ce qui permettrait du même coup d’expulser les Palestiniens restés dans ce qui est devenu le territoire d’Israël. Ou bien faut-il mieux conserver cet allié fidèle des Etats-Unis qu’est la monarchie jordanienne, qui garantit la sécurité de la frontière avec Israël. Mais comme je ne suis pas dans le secret de la pensée stratégique israélienne, je n’ai pas de réponse.

    Après le deuxième mandat de Barack Obama, voit-on un repositionnement de la politique américaine concernant le Moyen-Orient ?
    Non, quand on regarde les Etats-Unis et qu’on cherche à déterminer leurs objectifs principaux, on constate ceci : un, la sécurité d’Israël, et donc qu’Israël puisse continuer de coloniser comme elle le fait depuis 1967. Deux, empêcher l’Iran d’avoir l’armement nucléaire. Dans le sillage évidemment, démanteler l’axe Iran-Syrie-Hezbollah, et ce toujours pour la sécurité d’Israël. Et puis, le contrôle des routes d’approvisionnement pétrolier, et le maintien de l’hégémonie que l’Europe a eu puis que les Etats-Unis ont de concert avec l’Europe sur toute cette zone hautement stratégique pour l’économie et la géopolitique mondiales. C’est très simple à décrypter. Quand Barack Obama a fait son célèbre discours au Caire en 2009, il était dans la droite ligne de la politique américaine traditionnelle, il n’en a pas bougé d’un iota. Ce n’est pas le fait d’inclure la citation de deux versets du Coran dans le texte du discours qui exprime un changement de politique, ce que peut être certains ont naïvement pensé ! Mais simplement les Etats-Unis, comme je disais, sont aujourd’hui beaucoup plus prudents, et cet Etat n’a pas envie de nouvelles aventures militaires extérieures, ce qui est le facteur qui calme le jeu. En tous cas, entre la politique du président George W. Bush et celle de Barack Obama, les mêmes constantes sont affirmées. Lors de son récent voyage en Israël, ce dernier a prononcé des paroles inconditionnellement favorables à l’Etat d’Israël et à sa politique, comme l’ont fait tous les présidents successifs, à l’exception d’Eisenhower et plus accessoirement George Bush père et son ministre des Affaires étrangères, James Baker, qui a protesté énergiquement contre la continuation de la colonisation et a même annulé des aides américaines à l’Etat d’Israël.
    George Corm et Sixtine de Thé http://www.voxnr.com

  • Bolivie : les indiens refusent le calumet de La Paz

     

    Bolivie : les indiens refusent le calumet de La Paz

    04/07/2013 – 16h00
    LA PAZ (NOVOpress/Bulletin de réinformation) – Le combat contre la dénaturation du mariage a pu focaliser notre regard sur la politique intérieure ; mais grâce à l’ancien agent de la CIA Snowden, on découvre qu’à l’extérieur aussi, notre gouvernement patauge.

    En effet, alors que Snowden nous a donné les preuves de l’espionnage américain de nos antennes diplomatiques, le gouvernement n’a rien trouvé de plus intelligent que d’empêcher le survol de notre territoire par l’avion transportant le président de Bolivie, Evo Morales, sous prétexte d’une rumeur infondée disant que Snowden s’y trouvait.

     

    Le résultat ne s’est pas fait attendre : les dirigeants d’Amérique latine se réunissent en urgence, la Bolivie porte plainte devant l’ONU. Pour l’ambassadeur de la Bolivie auprès de l’ONU il s’agit d’un cas de «violation des règles du droit international». Notre ambassade à La Paz fait l’objet de jets de pierres. Pire même, notre drapeau a été brûlé sans la moindre réaction de notre part.

    Les pays d’Amérique latine sont indignés. Pour le ministre vénézuélien des Affaires étrangères le déroutement en plein vol de l’avion vers Vienne (Autriche) – où il a du attendre 13 heures – a mis en danger la vie du président Bolivien : «C’est un attentat contre la vie du président Morales» a-t-il déclaré. L’alignement de la France sur les intérêts américains a également été dénoncé.

    La France subit une humiliation diplomatique en étant obligée de s’excuser platement.

    En attendant, Hollande explique benoîtement depuis Bruxelles que même si nous sommes une passoire pour les grandes oreilles US, il faut continuer à négocier le traité de commerce UE‑USA, sans mots dires.

    http://fr.novopress.info

  • Le marché transatlantique, cimetière des nations

     

    Excellent texte de Pierre Hillard (livres ici) pour  Boulevard Voltaire :

    Après l’annonce par le président Obama, en février 2013, du lancement d’un marché transatlantique, les événements se sont accélérés les 17-18 juin lors de la réunion du G8 en Irlande du Nord. Avant de rentrer à Washington, le président américain a fait un détour, comme par hasard… à Berlin afin de régler avec la chancelière Merkel les derniers points permettant l’assujettissement du Vieux Continent aux financiers de Wall Street. La France n’oppose plus de résistance. Des secteurs étant plus égaux que d’autres, nos responsables politiques n’hésitent pas à sacrifier des pans entiers du patrimoine (industrie, agriculture, secteur public, environnement, normes sanitaires…) à l’exclusion de la sacro-sainte « exception culturelle ». Nos artistes ont beau se proclamer « citoyens du monde », l’ouverture a ses limites.

    Tant pis pour l’ouvrier de Michelin ou l’agriculteur de l’Aveyron : ils devront goûter aux joies des normes transatlantiques standardisées made in USA appelées à être les références pour le monde entier. C’est le point clef de l’affaire. Sans oublier les droits de douane en voie d’évaporation qui vont décapiter des secteurs clefs de notre industrie et de notre agriculture. Il s’agit d’appliquer à toutes les strates des sociétés occidentales des mesures calquées sur les intérêts et les normes régissant le modèle américain. Ces normes édictées par l’activité intense des lobbies anglo-saxons à Bruxelles reposent toutes sur le principe du libéralisme le plus effréné. Cette situation n’est que la conséquence d’un long travail fait en amont.

    Les élites anglo-saxonnes ont toujours voulu assujettir l’Europe à leur profit. Un prince du mondialisme comme Cecil Rhodes (1853-1902), fondateur de l’industrie diamantaire De Beers, rêvait d’aboutir à cet idéal, marchepied vers la gouvernance mondiale. Il est à l’origine de la création des « bourses d’étude Cecil Rhodes » permettant le recrutement d’étudiants animés d’un esprit sans frontières et capables d’occuper les postes clefs de la société en vue de la promotion de cet idéal. L’Américain Clarence Streit (1896-1986), bénéficiaire de la « bourse d’étude Cecil Rhodes » en 1920, fut pour le système une extraordinaire recrue. Journaliste au New York Times et taraudé par le dogme d’un monde démocratique sans frontières, il n’hésita pas à travailler étroitement avec les fils spirituels de Cecil Rhodes (membres actifs du mondialisme anglais) Lionel Curtis et Philip Kerr. Cette émulation – avec les relais et les soutiens financiers de haut vol qui vont de pair – permit à Streit la publication en 1939 d’un livre clef, véritable Bible du transatlantisme, Union Now et au sous-titre révélateur : « Proposition pour une union fédérale des démocraties de l’Atlantique Nord ». Son livre et ses activités multiples comme la création de « The Association to Unite the Democracies » influencèrent de nombreux dirigeants comme les présidents Roosevelt et Truman, mais aussi le secrétaire d’État John Foster Dulles ou encore Jean Monnet. Cependant, son activité au lendemain de la Seconde Guerre mondiale prit une ampleur encore plus vive.

    Outre sa contribution à la création du « Comité pour une union atlantique » en 1949 qui joua un rôle important dans la création de l’OTAN, Streit propulsa sa vision d’un bloc atlantique en favorisant la rédaction d’une « Déclaration pour une unité atlantique » en octobre 1954. Les objectifs défendus sont très actuels : élimination de tous les obstacles au commerce, tarifs douaniers réduits et instauration d’une économie propre à la Communauté atlantique. Les soutiens à cette Déclaration furent d’éminentes personnes comme le général William J. Donovan (patron des services secrets américains, l’OSS, durant la Seconde Guerre mondiale), le président Truman, le général George C. Marshall, Lionel Curtis, Julian Huxley (premier président de l’UNESCO, fondateur du WWF et frère d’Aldous), Maurice Allais, Michel Debré, Edmond Giscard d’Estaing (père de Valéry) ou encore le général Maxime Weygand [PDF]. Une deuxième « Déclaration pour une unité atlantique » vit le jour en novembre 1962. Renforçant les objectifs de la première, elle précisait, outre le partenariat commercial entre « la Communauté économique européenne et l’Amérique du Nord comme socle d’une communauté économique atlantique », qu’il fallait favoriser entre autres la création d’une « Haute Cour de justice atlantique » [PDF]. Parmi la liste des signataires, on trouve des gaullistes comme Jacques Rueff et Maurice Schumann, le socialiste Guy Mollet (partisan de l’union franco-anglaise en septembre 1956) ou encore les fondateurs et les dirigeants de la très mondialiste Paneurope comme Michel Habib-Deloncle et Louis Terrenoire. Rappelons que le trésorier de la Paneurope France dans les années 1960 s’appelait Georges Pompidou.

    Au vu des exemples du passé, nous comprenons mieux la vigueur du projet de marché atlantique prêt à dissoudre la France et les nations européennes.

    http://www.contre-info.com

  • Hollande crée un grave incident diplomatique en se comportant en larbin des Etats-Unis

    Les autorités françaises avaient interdit mardi à l’avion qui ramenait le président bolivien Morales vers son pays, de traverser notre espace aérien.
    Evo Morales avait du faire demi-tour vers Vienne et y patienter 13h, avant de pouvoir repartir.

    Motif ? La clique d’Hollande avait peur que l’avion ne transporte Edward Snowden, le consultant de la NSA qui a révélé le scandale de l’espionnage massif par les Etats-Unis de tout un tas de pays. Les USA veulent récupérer Snowden pour trahison, et celui-ci cherche un pays où se réfugier.

    Les socialistes sont d’habitude peu sourcilleux de qui traverse ou envahit le territoire national.

    Mais surtout, qu’est-ce qui pouvait bien justifier ce grave et exceptionnel affront envers le président bolivien ?
    La France n’était-elle pas censée être furieuse du traitement que lui ont réservé les agences de renseignement américaines ?
    En réalité, même si Hollande dit dans les interviews qu’il n’est pas content (pour un peu, il bouderait…), il montre là à quel point il est inféodé aux Etats-Unis…

    http://www.contre-info.com/

  • Egypte: un coup d'Etat militaire en cours (proche de Morsi)

    Les événements en cours en Egypte représentent un "coup d'Etat militaire", estime Essam Al-Haddad, conseiller du président Mohammed Morsi pour les affaires internationales.
     
    "Appelons les choses par leur nom. Ce qui se passe actuellement est un coup d'Etat militaire", a indiqué M. Al-Haddad sur son page Facebook.
     
    Selon lui, aucun coup d'Etat militaire ne peut se dérouler sans effusion de sang.
     
    Le Caire et d'autres villes égyptiennes ont été mardi le théâtre d'affrontements violents entre les partisans et les adversaires de Mohamed Morsi. Ces accrochages ont fait au moins 20 morts et plus de 200 blessés.

    http://fr.rian.ru

  • Les leçons amères à tirer de l’affaire Prism

    Ex: http://www.infoguerre.fr

    La divulgation du système d’espionnage américain par l’ex consultant de la NSA Edward Snowden ouvre une brèche beaucoup plus importante que l’affaire Wikileaks dans le système de croyance édifié par les Etats-Unis aux lendemains de la seconde guerre mondiale.  L’affaire Prism a fait voler en éclats les fondements mêmes du credo sur la démocratie. On pourrait la résumer en trois actes d’accusation : violation de secrets d’Etats étrangers, accès illimité aux informations économiques de pays concurrents, lecture potentielle des données personnelles des citoyens du monde sur les réseaux sociaux.

    Les preuves fournies par le citoyen américain Edward Snowden remettent en cause le discours que les Etats-Unis affichent depuis leur création sur la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Si l’affaire Wikileaks a fait de la diplomatie américaine une référence mondiale qui faisait passer au second plan les autres discours diplomatiques, l’affaire Prism ramène les Etats-Unis à la case départ de la Real Politik. Suite à ces révélations, la démocratie américaine ne peut plus prétendre être un modèle pour les autres peuples du monde car elle fait le contraire de ce qu’elle dit, ne serait-ce qu’en ne respectant pas le secret de correspondance qui fut une des libertés élémentaires arrachées aux régimes absolutistes ou totalitaires.


    Cette situation nouvelle a déjà des conséquences spectaculaires. Elle mine la légitimité populaire des élites politiques des démocraties occidentales qui s’étaient habituées silencieusement depuis des décennies à assumer le poids et le prix de la surveillance américaine de leur comportement. Il n’est pas étonnant que les premières réactions politiques de rejet de l’attitude américaine viennent d’Allemagne par la voix du gouvernement fédéral. A cette posture diplomatique s’ajoute la publication par le magazine Der Spiegel de nouveaux éléments sur le ciblage par l’espionnage américain de l’Union Européenne mais aussi de la France. Contrairement à la France, l’Allemagne a une stratégie de puissance qui lui permet aujourd’hui de s’affirmer de manière beaucoup plus mature sur la scène internationale. L’absence de réaction de l’Elysée au début de l’affaire et le motus bouche cousue de la classe politique, de gauche comme de droite pendant la première période de la crise, en dit long sur notre attentisme à l’égard des Etats-Unis d’Amérique.


    L’affaire Prism a pris tout ce petit monde à contrepied. La France a du mal à se penser en dehors de son statut de petite moyenne puissance aux marges de l’empire dominant, position parfois ô combien inconfortable comme le démontre l’affaire Prism. Le fait que nous soyons incapables d’élever la voix aux côtés de l’Allemagne, « redimensionne » la valeur de nos attributs de puissance militaire et diplomatique. Sans armes nucléaires, sans fauteuil au conseil de Sécurité de l’ONU, l’Allemagne fait mieux que nous. Puissance bridée depuis 1945, elle a renversé son statut de vaincu en statut de puissance assistée (économiquement et militairement) au cours de la guerre froide pour maintenir l’équilibre des forces entre l’Est et l’Ouest. La chute du Mur et la réunification lui ont donné un nouvel élan au sein de la dynamique européenne. Berlin, contrairement à Paris, sait jouer le double jeu. Plus proche des Etats-Unis par le lien transatlantique hérité de la guerre froide, sa voix porte d’autant plus fort lorsqu’elle est la première à demander des comptes aux Etats-Unis.


    L’absence de réaction française jusqu’à l’intervention officielle de Laurent Fabius ce dimanche est l’instrument de mesure parfait de notre véritable place dans le concert des nations. Contrairement à Berlin, Paris semblait attendre patiemment la fin de cette tempête informationnelle. Mais les dernières révélations sur l’espionnage de l’Union Européenne et même de la France ont brisé le mur du silence, du moins à gauche car la droite a encore du mal à se faire entendre sur ce dossier. Les images d’un Barack Obama qui essaie de substituer à l’image dégradante de son empire, celle du premier Président noir des Etats-Unis en voyage en Afrique du Sud, ne suffisent plus à masquer ce scandale à rebondissement. Certes, on peut toujours rêver dans l’hexagone en se demandant qui osera revenir un jour sur ce statut instable de vassal de l’empire, jamais assumé devant l’électorat. Le seul dirigeant politique français à s’être démarqué de cette dépendance à l’égard des Etats-Unis fut le général de Gaulle. Et il n’est pas inutile de rappeler qu’il était à l’époque très isolé dans son propre camp sur ce dossier majeur.

  • Le prix de la vérité

    Alors que la presse internationale traite les informations d’Edward Snowden comme des révélations sur le programme PRISM et feint de découvrir ce que tout le monde pouvait savoir depuis longtemps, Thierry Meyssan s’intéresse au sens de cette rébellion. De ce point de vue, il attache beaucoup plus d’importance au cas du général Cartwright, également mis en examen pour espionnage.

     

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    Ancien commandant de la force de frappe US, ancien chef d’état-major adjoint interarmes, ancien conseiller militaire du président Obama, le général Cartwright est accusé d’espionnage : il aurait fait fuiter au New York Times des informations sur la guerre secrète contre l’Iran de manière à prévenir une guerre inutile.

    Les fonctionnaires états-uniens, civils ou militaires, qui encourent 30 ans minimum de réclusion pour avoir révélé à la presse des secrets d’État US, sont-ils des « lanceurs d’alerte » exerçant un contre-pouvoir dans un système démocratique ou des « résistants à l’oppression » d’une dictature militaro-policière ? La réponse à cette question ne dépend pas de nos propres opinions politiques, mais de la nature de l’État US. Cette réponse change totalement si l’on se concentre sur le cas de Bradley Manning, le jeune soldat gauchiste de Wikileaks, ou si on y intègre le cas du général Cartwright, conseiller militaire du président Obama, mis en examen jeudi 27 juin 2013 pour espionnage.

    Ici, un retour en arrière est nécessaire pour comprendre comment on passe de l’« espionnage » au profit d’une puissance étrangère à la « déloyauté » face à une organisation criminelle qui vous emploie.

    Pire que la censure : la criminalisation des sources

    Le président des États-Unis et Prix Nobel de la paix, Woodrow Wilson, tenta de donner à l’Exécutif le pouvoir de censurer la presse lorsque la « sécurité nationale » ou la « réputation du gouvernement » sont en jeu. Dans son discours sur l’état de l’Union (7 décembre 1915), il déclara : « Il y a des citoyens des États-Unis ... qui ont versé le poison de la déloyauté dans les artères mêmes de notre vie nationale, qui ont cherché à traîner l’autorité et la bonne réputation de notre gouvernement dans le mépris ... à détruire nos industries ... et à avilir notre politique au profit d’intrigues étrangères .... Nous sommes sans lois fédérales adéquates .... Je vous exhorte à faire rien de moins que de sauver l’honneur et le respect de soi de la nation. De telles créatures de la passion, de la déloyauté, et de l’anarchie doivent être écrasées  » [1].

    Cependant, le Congrès ne le suivit pas immédiatement. À la suite de l’entrée en guerre des États-Unis, il vota l’Espionage Act, reprenant l’essentiel de l’Official Secrets Act britannique. Il ne s’agit plus de censurer la presse, mais de lui couper l’accès à l’information en interdisant aux dépositaires des secrets d’État de les communiquer. Ce dispositif permet aux Anglo-Saxons de se présenter comme des « défenseurs de la liberté d’expression », alors qu’ils sont les pires violateurs du droit démocratique à l’information, défendu constitutionnellement par les pays scandinaves.

    Le silence, pas le secret

    De la sorte, les Anglo-Saxons restent moins bien informés de ce qui se passe chez eux que ne peuvent l’être les étrangers. Par exemple, durant la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada purent ainsi maintenir le secret chez eux sur le Projet Manhattan de construction de la bombe atomique, alors qu’il employait 130 000 personnes pendant 4 ans et qu’il était largement pénétré par les services secrets étrangers. Pourquoi ? Parce que Washington ne préparait pas cette arme pour cette guerre, mais pour la suivante, contre l’Union soviétique. Comme l’ont montré les historiens russes, la capitulation du Japon fut reportée jusqu’à ce qu’Hiroshima et Nagasaki soient détruites, comme avertissement à l’URSS. Si les États-uniens avaient su que leur pays disposait d’une telle arme, leurs dirigeants auraient eu à l’utiliser pour en finir avec l’Allemagne et non pas pour menacer l’allié soviétique au détriment des Japonais. En réalité, la Guerre froide commençait avant la fin de la Seconde Guerre mondiale [2].

    En matière de secret, on observera que Staline et Hitler furent informés du Projet Manhattan dès son lancement. Ils disposaient en effet d’agents dans la place. Tandis que Truman n’en fut pas informé en sa qualité de vice-président, mais seulement au dernier moment, après le décès du président Roosevelt.

    La véritable utilité de l’Espionage Act

    Quoi qu’il en soit, l’Espionage Act ne traite que secondairement d’espionnage comme le montre sa jurisprudence.

    En période de guerre, il sert à sanctionner les opinions dissidentes. Ainsi, en 1919, la Cour suprême a admis dans les affaires Schrenck contre États-Unis, et Abrams contre États-Unis que le fait d’appeler à l’insoumission ou à ne pas intervenir contre la Révolution russe tombait sous le coup de l’Espionage Act.

    En période de paix, la même loi sert à empêcher les fonctionnaires à rendre publics un système de fraudes ou des crimes commis par l’État, même lorsque leurs révélations sont déjà connues, mais pas encore attestées.

    Sous l’administration de Barack Obama, l’Espionage Act aura été invoqué 8 fois, un record en temps de paix. Laissons de côté le cas de John Kiriakou, un officier de la CIA qui a révélé l’arrestation et la torture d’Abou Zoubeida. Loin d’être un héros, Kiriakou est en réalité un agent provocateur de l’Agence chargé de faire accroire le public aux pseudos aveux extorqués à Zoubeida pour justifier a posteriori la « lutte contre le terrorisme » [3].

    Éliminons également le cas de Shamal Leibowitz, dans la mesure où ses révélations ne furent jamais diffusées au public. Restent 6 cas qui nous enseignent sur le système militaro-policier US.

    Stephen Jin-Woo Kim a confirmé à Fox News que la Corée du Nord préparait un test nucléaire, malgré les menaces US ; une confirmation qui ne portait aucun tort aux USA sinon celui de souligner leur incapacité à se faire obéir par la Corée du Nord. Dans un autre contexte, cette information avait déjà été diffusée par Bob Woodward sans provoquer de réactions.

    Thomas Andrew Drake a révélé la gabegie du programme Trailblazer à un membre de la Commission du Renseignement de la Chambre des représentants. Il lui a été reproché d’avoir informé les parlementaires chargés de surveiller les agences de renseignement de ce que la NSA jetait secrètement des milliards par les fenêtres. Trailblazer visait à trouver un moyen d’implanter des virus sur n’importe quel ordinateur ou téléphone portable. Il n’a jamais fonctionné.

    Dans la même veine, Edward Snowden, un employé du cabinet juridique Booz Allen Hamilton, a rendu publics divers documents de la NSA attestant de l’espionnage US en Chine aussi bien que de celui des invités au G20 britannique. Surtout, il a montré l’ampleur du système d’écoutes militaire des téléphones et du web, auquel nul ne peut échapper fut-il président des États-Unis. La classe politique US le décrit comme « un traître à abattre », uniquement parce que ses documents empêchent la NSA de continuer à nier devant le Congrès des activités connues de tous de longue date.

    Bradley Manning, un simple soldat, a transmis à Wikileaks les vidéos de deux bavures de l’armée, 500 000 rapports de renseignement des bases militaires en Afghanistan et en Irak, et 250 000 câbles sur les renseignements recueillis par les diplomates US lors de conversations avec des hommes politiques étrangers. Rien de tout cela n’a d’importance capitale, mais cette documentation donne une piètre idée des ragots récoltés par le département d’État et qui servent de base à sa « diplomatie ».

    Jeffrey Alexander Sterling est un employé de la CIA qui révéla au New York Times « l’Opération Merlin ». Plus étonnant, le général James Cartwright était le numéro 2 des armées, en sa qualité de chef d’état-major adjoint interarmes, et un conseiller proche du président au point d’être surnommé « le général d’Obama ». Il aurait révélé, l’an dernier, au New York Times « l’Opération Jeux Olympiques », et vient d’être placé sous enquête, selon CNN.

    Sterling et Cartwright ne croient pas au mythe israélien de « la bombe atomique des mollahs ». Ils ont donc tenté de désamorcer la guerre dans laquelle Tel-Aviv tente de précipiter leur pays. « L’Opération Merlin » consistait à faire parvenir à l’Iran de fausses informations sur la fabrication de la bombe. En réalité, il s’agissait de pousser l’Iran à engager un programme militaire nucléaire de manière à justifier a posteriori l’accusation israélienne [4]. Quant à « l’Opération Jeux Olympiques », elle consistait à implanter les virus Stuxnet et Flame dans la centrale de Natanz, pour en perturber le fonctionnement, notamment les centrifugeuses [5]. Il s’agissait donc de bloquer le programme nucléaire civil de l’Iran. Aucune de ces révélations n’a porté atteinte aux intérêts US, mais aux ambitions d’Israël.

    De grands résistants

    Une opposition de salon nous présente les hommes mis en cause au nom de l’Espionage Act comme des « lanceurs d’alerte » (whistleblower), comme si les États-Unis d’aujourd’hui étaient une réelle démocratie et qu’ils alertaient les citoyens de quelques erreurs à corriger. En réalité, ils nous apprennent qu’aux États-Unis, du simple soldat (Bradley Manning) au numéro 2 des armées (le général Cartwright), des hommes tentent comme ils le peuvent de lutter contre un système dictatorial lorsqu’ils découvrent en être un rouage. Face à un système monstrueux, ils sont à placer au niveau de grands résistants comme l’Amiral Canaris ou le comte de Stauffenberg.

     

    Notes :
    are citizens of the United States ... who have poured the poison of disloyalty into the very arteries of our national life ; who have sought to bring the authority and good name of our Government into contempt ... to destroy our industries ... and to debase our politics to the uses of foreign intrigue.... [W]e are without adequate federal laws.... I am urging you to do nothing less than save the honor and self-respect of the nation. Such creatures of passion, disloyalty, and anarchy must be crushed out.”

    [2] « La Seconde Guerre mondiale aurait pu prendre fin en 1943 » « Si l’Armée rouge n’avait pas pris Berlin... » et « La Conférence de Yalta offrait une chance qui n’a pas été saisie », entretien de Viktor Litovkine avec Valentin Faline, Ria-Novosti/Réseau Voltaire, 30 mars, 1er et 6 avril 2005.

    [3] « Abou Zoubeida, la "balance d’Al-Qaida" », et « La torture occultée : Lee Hamilton, John Brennan et Abou Zoubeida », par Kevin Ryan, Traduction Maxime Chaix, Réseau Voltaire, 17 janvier et 25 février 2013.

    [4] State of War : The Secret History of the CIA and the Bush Administration, par James Risen, Free Press, 2006.

    [5] « Obama Order Sped Up Wave of Cyberattacks Against Iran », par David E. Sanger, The New York Times, 1er juin 2012. « Did America’s Cyber Attack on Iran Make Us More Vulnerable ? », par Marc Ambinder, The Atlantic, 5 juin 2012. « The rewards (and risks) of cyber war »,par Steve Call, The New Yorker, 7 juin 2012. « U.S., Israel developed Flame computer virus to slow Iranian nuclear efforts, officials say », par Ellen Nakashima, Greg Miller et Julie Tate, The Washington Post, 19 juin 2012.

  • Pas beau, le Nobel

    Chronique de Hervé Kempf
    Monsieur le Président du comité Nobel, j’ai l’honneur de vous demander respectueusement de retirer le prix que vous avez attribué en 2009 au sieur Obama.
    Ledit individu, en sa qualité de président des Etats-Unis, s’est en effet livré depuis quatre ans à diverses activités bellicistes qui démentent les espoirs que l’on avait mis en lui, et qui avaient justifié la remise de votre prix. Usage intensif de drones assassins en Afghanistan et au Pakistan, incapacité à fermer la prison de Guantanamo, extension d’un programme de surveillance des communications électroniques des citoyens sont autant de témoignages du caractère inapproprié de l’attribution de votre prestigieuse distinction.
    De surcroît, monsieur le Président, l’action sur le changement climatique promise par l’impétrant avait été un des arguments essentiels conduisant à votre choix, un mois avant la conférence de Copenhague sur le climat en 2009. Or, l’individu susnommé n’est pas étranger, loin de là, au sort funeste qu’a connu cette conférence en laquelle le monde mettait tant d’espoir. Et depuis, l’action du lauréat sur le climat n’a pas été brillante. Il a échoué, comme dans bien d’autres domaines, à imposer le marché des émissions dans lequel il croyait si fermement, et ne compte guère à son actif qu’une norme de réduction de la consommation des véhicules neufs.
    M. Obama est certes un beau parleur, un comédien hors pair. Le discours qu’il a délivré avec solennité le 25 juin est truffé d’images et de paroles capables de faire frémir ses auditeurs. Mais comme au théâtre où les hallebardes brandies avec énergie se révèlent en carton-pâte, l’emphase dudit individu recouvre des pas si modestes qu’ils sonnent comme un nouveau recul.
    Car enfin, monsieur le Président du comité Nobel, qui peut croire que l’annonce d’un “mémorandum” demandant à l’Agence de protection de l’environnement de prévoir de nouvelles normes d’émissions des futures centrales électriques est à la mesure de l’immense problème climatique, où le rôle des Etats-Unis est si important ? Que quelques mesures sur l’efficacité énergétique ou un soutien compté aux énergies renouvelables changeront la donne ? On est au point où il n’est pas même certain que les Etats-Unis atteindront en 2020 l’objectif adopté à Copenhague de réduire de 17 % leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2005. Quant à les diminuer de 80 % à l’horizon 2050, comme le recommandent les climatologues, il n’est même plus évoqué dans le discours, tant il paraît fantasmagorique dans les conditions actuelles.
    En fait, Barack Obama ne montre aucun désir de réfréner véritablement la consommation énergétique de son pays ; il salue l’exploitation polluante de son pétrole de schiste ; il néglige les émissions de méthane engendrées par l’extraction de gaz de schiste. Un authentique Prix Nobel de la paix engagerait ses concitoyens sur les voies de l’avenir et de la transformation. Un politicien standard ne fait que les conforter dans leur conservatisme. Sa prudence prépare les douloureux chocs à venir.

    Hervé Kempf, Le Monde.fr 29.06.2013 http://www.polemia.com/

  • Syrie : pourquoi pas une solution chrétienne ?

    Depuis plus de deux années, la Syrie s’autodétruit chaque jour un peu plus. Près de cent mille morts, des millions de réfugiés et de déplacés, un patrimoine historique et architectural multiséculaire détruit. Des atrocités sans nom commises tant par les forces du régime que par les groupes armés de l’opposition. Une guerre civile qui ressemble de plus en plus à une guerre de religion entre musulmans sunnites et musulmans chiites et alaouites. Une montée en puissance, au sein de l’opposition armée, des groupes extrémistes, financés et armés par des monarchies arabes rétrogrades. Une implication croissante de la milice chiite libanaise Hezbollah, soutenue par l’Iran, avec tous les risques que cette intervention aux côté du régime de Damas fait courir à la fragile stabilité du Liban voisin.

    La communauté internationale, profondément divisée entre États-Uniens, Européens, Russes, Chinois, Turcs et Arabes, s’est montrée impuissante et incapable de trouver un début de solution. Et ce n’est pas la décision de certains États occidentaux, dont la France, d’armer les rebelles qui permettra à la Syrie de sortir de la crise.

    Certes, le régime des Assad Père et Fils était, et reste, dictatorial. Oui, ce régime a massivement et durablement violé les droits de l’homme. Ce régime est effectivement contrôlé par un clan issu d’une minorité religieuse, celle des alaouites. Mais une telle situation est-elle unique dans le monde arabe ? L’Arabie saoudite et le Qatar, qui ont juré la perte du régime de Damas, sont-ils des exemples de démocratie et de respect des libertés ? À Bahreïn, le régime en place n’est-il pas, lui aussi, issu d’une minorité religieuse et n’a-t-il pas réprimé son « printemps arabe », dans l’indifférence internationale ? Que dire de la situation prévalant en Irak, « libéré » depuis dix ans de sa dictature ? Y meurt-on aujourd’hui moins qu’à l’époque de Saddam ? Les droits des minorités religieuses ou ethniques y sont-ils moins bafoués ?

    Les chrétiens, qui sont les plus anciens habitants de la Syrie mais qui ne représentent que 10 % de la population, assistent impuissants à la destruction de leur patrie. De plus en plus, ils sont victimes de ce conflit inter-musulman dans lequel ils ne souhaitent pas prendre parti. Soupçonnés de soutenir le régime en place par les uns, de ne pas dénoncer la rébellion par les autres, ils sont suspects aux yeux de tous. Nombre d’entre eux préfèrent quitter ce pays dans lequel ils vivent depuis deux millénaires.

    Ces chrétiens pourraient contribuer à sortir le pays du gouffre. Une personnalité chrétienne irréprochable, acceptable tant par l’opposition que par le régime, pourrait être désignée pour diriger un gouvernement de transition inclusif. Le fait d’être chrétien permettrait à une telle personnalité de ne pas être perçue comme une menace, ni par les sunnites, ni par les alaouites. Cela contribuerait aussi à rassurer la communauté chrétienne quant à sa place au sein de la société dans la Syrie de demain. Une telle solution pourrait aussi être acceptable tant par les puissances occidentales que par la Russie. Elle aurait en outre l’avantage de mettre un coup d’arrêt aux ambitions des groupes les plus radicaux, qui ont pour but d’imposer leur ordre religieux au détriment de la majorité de la population loin de partager leur obscurantisme.

    Une solution irréaliste ? Aujourd’hui, nul n’est en mesure de l’emporter militairement. Fort heureusement, la victoire militaire d’un camp ne serait en effet que le début d’une nouvelle tragédie.

    Hervé Cheuzeville dans Boulevard Voltaire

    http://fr.altermedia.info/