Charles-André Ramuz, professeur de macro-économie et de finances publiques à l’Université de Lausanne, nous éclaire sur les tenants et aboutissants de la crise chypriote.
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Charles-André Ramuz, professeur de macro-économie et de finances publiques à l’Université de Lausanne, nous éclaire sur les tenants et aboutissants de la crise chypriote.
Moscou semble fatiguée de la politique de Washington visant à empêcher la domination de la Russie sur le marché européen, écrit, jeudi 25 avril, le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Carte des différents gazoducs existants ou en projet dans le sud de l’Europe, légendée en allemand mais néanmoins claire (cliquer dessus pour l’agrandir) – Source : http://www.geostrategicforecasting.com
A tel point que les scientifiques de Skolkovo ont proposé un plan pour régler les conflits énergétiques actuels. A cause de la Russie et des Etats-Unis, les problèmes énergétiques provoquent des conflits, bien qu’aucun pays ne soit directement menacé par les agissements de l’autre.
Une perception plus rationnelle des marchés pétro-gaziers internationaux permettrait aux deux camps de créer, dans le meilleur des cas, les conditions favorables pour des investissements conjoints. Au pire des cas, de réduire la résistance active d’un camp contre chaque mouvement de l’autre, estiment les auteurs d’un rapport intitulé Les relations russo-américaines et le marché des hydrocarbures en Eurasie, largement repris par des agences de presse. Selon eux, les dirigeants américains doivent permettre aux hommes politiques russes et européens, ainsi qu’aux responsables européens et aux chefs de Gazprom, de déterminer eux-mêmes les conditions de leur coopération énergétique.
«Cette coopération ne doit pas être basée sur une politique et des déclarations inutiles, voire hostiles», remarquent les spécialistes.
Il n’y a aucune raison pour ne pas soutenir les projets Nord Stream et South Stream et aucune, non plus, pour la Russie de continuer à s’opposer à Nabucco. Pire encore, le soutien de Nabucco par les Américains saborde la confiance des dirigeants de compagnies énergétiques européennes envers les Etats-Unis. Ils sont préoccupés par une telle approche de la situation.
Nabucco, l’Azerbaïdjan [...] doute également [de ses] perspectives. C’est ce qu’a déclaré récemment le vice-président du groupe azerbaïdjanais Socar (State oil company of Azerbaijan republic), Elchad Nassirov. «Le projet Nabucco s’est déjà rétréci pour devenir Nabucco West et il n’est pas évident que même ce projet soit réalisé […]. Nous pouvons confirmer que l’UE et les membres du projet Nabucco sont incapables de trouver des fonds nécessaires pour construire ce gazoduc», a-t-il indiqué.
Initialement évalué à 7,9 milliards d’euro, le coût du projet Nabucco a ensuite atteint 12, puis 20 milliards d’euros, a rappelé le responsable. «Que ces 20 milliards d’euros signifient-t-ils pour l’Union européenne qui paie plus de 20 milliards d’euros de trop par an, parce qu’il n’y a qu’un seul fournisseur sur le marché ? Que ces 20 milliards d’euros signifient-t-ils pour l’Otan composé principalement des pays membres de l’UE ? C’est le coût de trois semaines d’opérations militaires en Irak. Ces fonds ne donneraient pas d’effet en Irak, mais ils permettraient à l’Europe de se protéger contre tout changement dans le secteur énergétique», a poursuivi M. Nassirov.
Appelé à concurrencer le projet russe South Stream, le gazoduc Nabucco doit acheminer le gaz de la mer Caspienne vers l’Europe en contournant la Russie. Privilégié par l’Union européenne et les Etats-Unis, il est censé réduire la dépendance de l’UE vis-à-vis des
importations gazières russes.
Les travaux de construction de Nabucco auraient dû commencer en 2011 et se terminer en 2014. Mais la réalisation du projet a été reportée à maintes reprises en raison d’absence [de] fournisseurs de gaz pour ce pipeline.
L’Azerbaïdjan envisage d’exporter près de dix milliards de mètres cubes de gaz par an en Europe dans le cadre de la deuxième étape d’exploitation de son gisement gazier Shah Deniz. A l’heure actuelle, le consortium pour l’exploitation du gisement étudie deux variantes de transport de gaz vers l’Europe – par le gazoduc Nabucco West, qui est une variante du projet Nabucco, trois fois moins longue et beaucoup moins coûteuse, et le gazoduc TAP (Trans-Adriatic Pipeline).
Le TAP, le département d’Etat américain y est-il favorable ? Il a mis en garde Athènes contre une coopération énergétique avec Moscou. Un haut responsable du département d’Etat a déclaré au gouvernement grec qu’une cession du consortium gazier Depa au Groupe russe Gazprom serait indésirable, car elle ferait de la Grèce «l’otage» du Kremlin dans le domaine énergétique. La Russie fournissant près de 90% du gaz consommé par la Grèce, Washington estime que le rachat de Depa permettrait à Moscou de renforcer sa domination sur le marché énergétique de la région.
La coopération avec la Russie pourrait remettre en cause la construction du gazoduc transadriatique appelé à acheminer du gaz azerbaïdjanais vers l’Europe du sud via la Grèce. La Grèce, l’Albanie et l’Italie ont déjà signé à Athènes un accord intergouvernemental consacrant leur intention de réaliser le projet TAP. La cérémonie de [...] signature s’est déroulée en présence du sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires européennes Eric Rubin.
La Grèce envisage de privatiser le conglomérat Depa et l’opérateur du réseau de transport gazier Defsa. Trois compagnies sont actuellement en lice pour le rachat des entreprises grecques : les Groupes russes Gazprom et Sintez, ainsi que la compagnie publique
azerbaïdjanaise Socar.
Pendant ce temps, les compagnies russes continuent à étendre [leurs ramifications]. Le premier Groupe pétrolier russe, Rosneft, compte construire une usine de gaz naturel liquéfié (GNL) dans l’Extrême-Orient en 2018-2019. En février 2012, le Russe, Rosneft, et l’Américain, ExxonMobil, ont signé un mémorandum sur l’évaluation de la viabilité économique d’un projet d’usine GNL dans l’Extrême-Orient russe. Une source proche du dossier a alors fait savoir que l’usine pourrait être implantée à Sakhaline. La capacité initiale de l’usine s’élèverait à cinq millions de tonnes par an.
La Russie doit s’abstenir de réactions trop émotionnelles face aux échecs des Etats-Unis. Les hommes politiques russes et les dirigeants des compagnies énergétiques doivent également reconnaître que la révolution de schiste aux Etats-Unis et le déclin économique mondial modifieront l’organisation des marchés gaziers. C’est pratiquement inévitable et la Russie devra s’y adapter.
Ces tendances ne reflètent aucun «complot» des Etats-Unis contre les intérêts de la Russie. Il n’y a rien de personnel – c’est seulement les affaires.
Selon les analystes interrogés, l’idée des auteurs du rapport [est] bienveillante mais pas réaliste. En particulier, les experts estiment que dans la situation actuelle la Russie doit rester neutre envers toute action des Etats-Unis, en poursuivant les projets prévus et en établissant des relations favorables avec l’Europe en termes d’hydrocarbures. Il est primordial pour la Russie de ne pas mélanger la coopération énergétique et les relations politiques. En ce qui concerne Nabucco, sa nécessité est dictée par la volonté de l’Europe de réduire sa dépendance énergétique envers la Russie par des livraisons de gaz directes en provenance des pays d’Asie centrale.
Or, toutes [ces] questions se trouvent dans la sphère d’intérêts de l’Europe et de la Russie et la participation des Etats-Unis aux négociations, sous quelque prétexte que ce soit, ne peut être qu’une tentative d’influer sur la situation géopolitique dans la région.
La Tribune (Algérie) http://fortune.fdesouche.com/
Excellent dossier d’Egalité et Réconciliation sur les attentats de Boston. Tout y est.
Marathon de Boston : la piste de « l’État profond »
Les deux explosions du marathon de Boston ont suscité dès le premier jour beaucoup de commentaires sur divers sites Internet et forums de discussion. Un certain nombre d’internautes, reconvertis en journalistes ou même en enquêteurs, ont relayé énormément d’« informations », dont certaines ont contredit l’enquête des autorités. Les médias maintream, avides d’une narration émotive et partisane, ont eu également le plus grand mal à dessiner pour leur public des pistes explicatives qui ne relèvent pas de la pure spéculation ; ils furent peu aidés dans leur tâche par des enquêteurs officiels avares de révélations. Au final, la piste de « l’État profond » reste plus que jamais ouverte. Retour sur les deux premières semaines d’un storytelling cahotique.
Lundi 15 avril
Le lundi 15 avril, à 14 h 49 [1], alors que le chronomètre du marathon de Boston indique 4 h 09 min 43 s de course, une bombe explose dans la foule de spectateurs massés à quelques mètres de la ligne d’arrivée, située sur Boylston Street. Treize secondes plus tard, une seconde explosion a lieu dans la même rue, à 190 mètres en amont sur le trajet de la course.
La suite ici
À Athènes, les nationalistes du parti « Aube dorée » organisaient une distribution gratuite de nourriture aux Grecs.
Insupportable pour les autorités, qui reprochent à cette solidarité nationale un caractère discriminatoire pourtant logique. Le maire a donc fait envoyer la police anti-émeute pour empêcher les nationalistes de nourrir le peuple, préférant affamer celui-ci !
Rony Brauman*
La mort guette le régime syrien comme elle le fait pour les rebelles. Mais sur la ligne de front de la guerre, l’armée du régime n’est pas d’humeur à se rendre - et affirme n’avoir pas besoin d’armes chimiques.
Des nuages bas pèsent lourdement sur le sommet montagneux de la ligne front de l’armée syrienne à l’extrême nord de la Syrie.
La pluie vient juste de remplacer la neige, transformant cette forteresse lourdement protégée en un marécage de boue et de mares stagnantes où les soldats assurent leurs postes de guet avec le vent dans le visage, leurs vieux chars T-55 - les vieux chevaux de bataille du Pacte de Varsovie des années 1950 - gouttent sous les averses, leurs traces dans la boue, maintenant seulement utilisés comme des pièces d’artillerie. Ce sont des "tanks pourris" - debeba Khurda - dis-je au colonel Mohamed, commandant de l’unité des forces spéciales de l’armée syrienne à travers ce paysage morne, et il me sourit. "Nous les utilisons pour la défense statique", dit-il franchement. "Ils ne se déplacent pas."
Avant la guerre - ou "la crise" tel que les soldats du président Bachar al-Assad sont convenus de l’appeler - Jebel al-Kawaniah était une station de transmission de télévision. Mais quand les rebelles anti-gouvernementaux l’ont capturée, ils ont fait sauter les tours, coupé la forêt de sapins autour pour créer une zone de tir libre et construit des remparts de terre pour les protéger des tirs gouvernementaux. L’armée syrienne a combattu pour reprendre pied sur le haut des coteaux en octobre dernier, dans le village de Qastal Maaf - qui se trouve maintenant aplati et brisé sur l’ancienne route de la frontière turque à Kassab - et a pris d’assaut le plateau qui est maintenant sa ligne de front.
Sur leurs cartes, l’armée syrienne a baptisé "le Mont Kawaniah", selon ses propres coordonnées militaires. Il est devenu "le Point 45" - Le point 40 se trouve à l’est dans l’ombre de la montagne - et ils déploient leurs troupes dans des tentes sous les arbres des deux collines voisines. Je grimpe sur un des T-55 et je peux les voir à travers l’averse. Il y a des explosions sourdes dans la vallée et les crépitements occasionnels de tirs d’armes légères, et de manière plutôt déconcertante, le colonel Mohamed souligne que la forêt la plus proche est toujours entre les mains de ses ennemis, à peine à 800 mètres. Le soldat assis dans la tourelle de char avec une mitrailleuse lourde ne quitte pas des yeux les arbres.
C’est toujours une expérience étrange que de se tenir parmi des soldats de Bachar al-Assad. Ce sont les "méchants" du régime, d’après le reste du monde - même si en vérité la police secrète du pays méritent ce titre - et je suis bien conscient que ces hommes ont été informés qu’un journaliste occidental viendrait dans leurs retranchements et leurs casemates. Ils me demandent de n’utiliser que leurs prénoms, de peur que leurs familles puissent être tuées, ils me permettent de prendre toutes les photos que je souhaite, mais pas d’images de leurs visages - une règle que les rebelles demandent parfois aux journalistes de respecter pour la même raison - mais tous les soldats et officiers à qui j’ai parlé, dont un général de brigade, m’ont donné leurs noms complets et leurs identifiants.
Cet accès à l’armée syrienne était presque inimaginable il y a seulement quelques mois de cela, et il y a de bonnes raisons à cela. L’armée croit qu’elle en est aux derniers moments de la reconquête sur l’Armée syrienne libre, les combattants islamistes d’al-Nusra, et différents satellites d’Al-Qaïda qui détenaient jusqu’à présent une grande partie de la campagne syrienne. Du point 45, ils sont à peine à trois kilomètres de la frontière turque et ont l’intention de prendre le terrain les en séparant. En dehors de Damas, ils ont mené des combats sanglants pour reprendre deux banlieues rebelles. Alors que je rôdais à travers les positions des sommets des montagnes, les rebelles étaient sous la menace de perdre la ville de Qusayr à l’extérieur d’Homs sur fond d’accusations de l’opposition de mort de nombreux civils. La route principale menant de Damas à Lattaquié sur la côte méditerranéenne a été rouverte par l’armée. Et les troupes de la ligne de front que j’ai rencontrées au point 45 étaient une race différente d’hommes que ces soldats qui étaient devenus corrompus après 29 ans de semi-occupation du Liban, qui ont fait retraite en Syrie sans une guerre pour se battre en 2005, la discipline des soldats autour de Damas était une blague plutôt que qu’une menace pour qui que ce soit. Les forces spéciales de Bachar al-Assad semblent maintenant convaincus, impitoyables, politiquement motivés, un danger pour leurs ennemis, leurs uniformes impeccables, leurs armes propres. Les Syriens ont depuis longtemps pris l’habitude des allégations d’Israël - inévitablement suivie par l’écho machinal de Washington - que des armes chimiques auraient été utilisées par les forces de Bachar al-Assad, comme un agent du renseignement l’a remarqué caustiquement à Damas : "Pourquoi devrions-nous utiliser des armes chimiques alors de nos avions Mig et leurs bombes causent infiniment plus de destructions ?" Les soldats en poste au point 45 admettaient les défections vers l’Armée syrienne libre, les pertes énormes de leurs propres hommes - inévitablement appelés "des martyrs"- et ne faisaient pas mystère de leurs propres décomptes de morts pour les combats perdus et gagnés.
Leur dernier "martyr" au point 45 a été abattu par un tireur d’élite rebelle il y a deux semaines, un soldat de deuxième classe des Forces spéciales âgé de 22 ans nommé Kamal Aboud originaire de Homs. Lui au moins est mort en soldat. Le Colonel Mohamed parlait tristement des soldats en congé dans leur famille qui, dit-il, ont été exécutés au couteau quand ils sont entrés en territoire ennemi. Je me rappelle que l’ONU a porté des accusations de crimes de guerre contre cette armée et je me rappelle le colonel Mohamed - qui a quatre blessures de balles aux bras qui montrent qu’il mène ses soldats de l’avant, pas à partir d’un bunker - dont les soldats étaient sûrement destinés à libérer le plateau du Golan de l’occupation d’Israël. Israël est au sud, lui dis-je, et ici vous vous battez au nord vers la Turquie. Pourquoi ?
"Je sais, mais nous combattons Israël. J’ai rejoint l’armée pour combattre Israël. Et maintenant, je me bats contre les instruments d’Israël. Et les instruments de l’Arabie saoudite et du Qatar, ainsi de cette façon nous nous battons pour le Golan. Il s’agit d’un complot et l’Occident aide les terroristes étrangers qui sont arrivés en Syrie, les mêmes terroristes que vous essayez de tuer au Mali." J’ai entendu cela avant, bien sûr. Le "moamarer", la conspiration s’invite dans toutes les interviews en Syrie. Mais le colonel admet que les deux tanks syriens T-55 - les mêmes modèles antiques que ses propres chars - qui font feu sur le Point 45 chaque matin, sont une paire de tanks, que ses ennemis ont pris pour leur artillerie à l’armée gouvernementale et que ses adversaires sont des hommes originaires de l’armée de Bachar al-Assad.
Sur la route de Qastel Maaf, un général me dit que sur la route de la frontière turque, l’armée vient de tuer dix Saoudiens, deux Egyptiens et une Tunisienne – on ne me montre pas de papiers pour le prouver - mais les soldats au Point 45 me montrent les trois radios téléphones qu’ils ont capturés sur leurs ennemis. L’un est marqué "HXT Commercial Terminal", les deux autres sont fabriqués par Hongda et les instructions sont en turc. Je leur demande s’ils écoutent les communications des rebelles. "Oui, mais nous ne les comprenons pas", dit un major. "Ils parlent en turc et nous ne comprenons pas le turc." Alors sont-ils Turcs ou Turkmène syriens dans les villages à l’est ? Les soldats ont un haussement d’épaules. Ils disent qu’ils ont entendu des voix parlant arabe avec des accents libyen et yéménite. Et étant donné que les dirigeants bienveillants de l’OTAN sont désormais obsédés par "les djihadistes étrangers" en Syrie, je pense que ces soldats syriens peuvent bien dire la vérité.
Les chemins de cette belle campagne du nord du pays cachent la brutalité des combats. Des grappes de roses rouges et blanches étouffent les murs des maisons abandonnées. Quelques hommes entretiennent les quantités d’orangeraies qui rougeoient autour de nous, une femme peigne ses cheveux longs sur un toit. Le lac de Balloran scintille dans le soleil printanier entre les montagnes encore surmontées d’une poudre neigeuse. Cela me rappelle, froidement, la Bosnie. A plusieurs kilomètres des villages sont encore occupés, une commune chrétien grecque orthodoxe de 10 familles avec une église dédiée à l’apparition de la Vierge à une femme du nom de Salma, un village alaouite musulman, puis un village musulman sunnite, près de la ligne de front mais qui coexistent encore, un fantôme de l’ancienne Syrie laïque non-sectaire en où toutes les parties s’engagent – avec une crédibilité toujours décroissante – à son retour une fois que la guerre sera finie.
Maintenant, je suis dans un village dévasté appelé Beit Fares où des centaines de soldats syriens patrouillent dans les forêts environnantes, et un autre général pèche dans sa poche et me montre une vidéo de téléphone portable militaire de combattants morts. "Tous sont étrangers", dit-il. Je regarde attentivement lorsque la caméra s’attarde sur les visages barbus, certains tordus par la peur, d’autres dans le sommeil sans rêve de la mort. Ils ont été entassés. Et, le plus sinistre de tout, j’observe une botte militaire qui s’abat par deux fois sur les têtes des morts. Sur le mur de la tranchée, quelqu’un a écrit : "Nous sommes des soldats d’Assad – allez au diable, vous les chiens des groupes armés de Jabel al-Aswad et Beit Shrouk."
Ce sont les noms d’une chaîne de minuscules villages encore aux mains des rebelles - vous pouvez voir les toits de leurs maisons du Point 45 - et le Colonel Mohamed, un vétéran de 45 ans de la guerre du Liban entre 1993 et 1995, liste les autres : Khadra, Jebel Saouda, Zahiyeh, al-Kabir, Rabia ... Leur destin les attend. Quand je demande aux soldats combien de prisonniers ils ont fait dans leurs combats, "aucun !" répondent-ils d’une voix forte. Quoi, demande-je, même quand vous affirmez avoir tué 700 "terroristes" dans un engagement ? "Aucun !", répondent-ils à nouveau.
En face d’un bâtiment de l’école criblée de balles se trouve une maison pulvérisée. "Un chef terroriste local y est mort avec tous ses hommes," déclare le colonel. "Ils refusaient de se rendre."
Je doute qu’ils en aient eu la chance. Mais à Beit Fares, certains rebelles s’étaient enfuis plus tôt cette année, ainsi que - c’est ce que dit le général Wasif de Lattaquié - avec leur propre chef local, un homme d’affaires syrien. Nous marchons d’un pas lourd dans la villa en ruine de cet homme sur les hauteurs de ce village turkmène abandonné - "les habitants sont aujourd’hui dans des camps de réfugiés turcs," me dit le général - et il semble que l’homme d’affaires était riche. La villa est entourée de vergers irrigués de citronniers, pistaches et figuiers. Il y a un terrain de basket, une piscine vide, des balançoires pour enfants, une fontaine de marbre cassée - dans laquelle il y a encore des boîtes marquées en turc de feuilles de vigne farcies – et des salons ornés de marbre, des cuisines et une plaque délicate en arabe au-dessus de la porte d’entrée stipulant : "Que Dieu bénisse cette maison." Il semble qu’il ne l’ait pas fait.
Je cueille des figues du verger de l’homme d’affaires absent. Les soldats font la même chose. Mais elles ont un goût amer et trop aigre et les soldats les recrachent, préférant les oranges qui pendent le long des routes. Le général Fawaz parle à un collègue et soulève une roquette explosée pour l’inspecter. Elle est fabriqué localement, la soudure n’est pas professionnelle - mais identique à tous les roquettes Qassam que les Palestiniens du Hamas tirent sur Israël depuis la bande de Gaza. "Quelqu’un de Palestine a expliqué aux terroristes comment les fabriquer", explique le général Fawaz. Le colonel Mohamed remarque tranquillement que quand ils ont fait irruption dans le village, ils ont trouvé des voitures et des camions avec des plaques militaires turques - mais pas de soldats turcs.
Il y a une étrange relation avec la Turquie ici. Recep Tayyip Erdogan peut condamner Bashar al-Assad, mais la gare frontière turque la plus proche, à trois kilomètres reste ouverte, le seul poste frontalier reliant encore la Turquie et le territoire syrien contrôlé par le gouvernement. Un des officiers se réfère à une vieille histoire sur le calife omeyyade Muawiya qui a dit qu’il gardait un mince morceau de ses propres cheveux "pour me connecter à mes ennemis." "Les Turcs ont laissé une frontière ouverte avec nous", dit l’officier, "afin de ne pas couper les cheveux de Muawiya." Il ne sourit pas et je comprends ce qu’il veut dire. Les Turcs veulent toujours maintenir une connexion physique avec le régime de Bashar al-Assad. Recep Tayyip Erdogan ne peut pas être certain que Bachar al-Assad perde cette guerre.
Beaucoup de soldats montrent leurs blessures ; plus précieuses à leurs yeux, je pense, que des médailles ou des insignes de grade. Par ailleurs, les militaires ont déjà retiré leur insigne d’or sur la ligne de front - contrairement à l’amiral Nelson, ils ne veulent pas être touchés par des tireurs d’élite rebelles du petit matin. L’aube semble être l’heure de la mise à mort. Sur une chaussée, un sous-lieutenant me montre ses blessures. C’est l’entrée d’une balle en dessous de son oreille gauche. De l’autre côté de sa tête, une cicatrice violette cruelle pointe vers le haut de son oreille droite. Il a été touché à travers le cou et a survécu. Il a été chanceux.
Il y avait donc des soldats des forces spéciales qui patrouillaient vers une mine cachée, un engin explosif improvisé dans le langage occidental. Un jeune officier démineur syrien dans Qastal Maaf me montre les deux obus métalliques qui ont été enterrés sous la route. L’un d’eux est presque trop lourd pour que je puisse le soulever. Le détonateur est étiqueté en turc. Une antenne reliée aux explosifs a été pendue du haut d’un poteau électrique pour qu’un rebelle puisse la faire exploser à distance. Un appareil détecteur de mine - "tout notre équipement est russe," se félicitent les soldats - a alerté la patrouille de la présence des explosifs avant que les soldats ne marchent dessus.
Mais la mort plane sur l’armée syrienne, tout comme elle hante leurs ennemis. L’aéroport de Lattaquié est aujourd’hui un lieu de lamentation permanente. A peine suis-je arrivé que je trouve des familles pleurant leur visage déchiré par la peine en face de la gare, en attendant que les corps des soldats, des fils, des frères ou des maris, des chrétiens pour la plupart, mais des musulmans aussi, la côte méditerranéenne est le fief des chrétiens et des alaouites chiites et d’une minorité de musulmans sunnites. Une femme chrétienne est retenue par un vieil homme alors qu’elle tente de se coucher sur la route, les larmes coulant sur son visage. Un camion près du hall de départ est chargé de couronnes mortuaires.
Un général en charge des familles endeuillées de l’armée me dit que l’aéroport est trop petit pour ce deuil de masse. "Les hélicoptères apportent nos morts ici de partout dans le nord de la Syrie", dit-il. "Nous devons nous occuper de toutes ces familles et leur trouver un logement, mais parfois je me rends à domicile pour leur parler de la mort d’un fils et de constater qu’ils ont déjà perdu trois autres fils comme martyrs. C’est trop." Oubliez le soldat Ryan. Je vois à côté de la tour de contrôle un soldat blessé clopiner sur un pied, un bandage recouvrant partiellement son visage, son bras autour d’un camarade alors qu’il boite vers le terminal.
Les statistiques militaires que l’on m’a montrées suggèrent que 1900 soldats de Lattaquié ont été tués dans cette guerre terrible, 1500 autres de Tartous. Mais vous devez additionner les statistiques des villages mixtes alaouites et chrétiens dans les collines au-dessus de Lattaquié pour comprendre le coût individuel. A Hayalin, par exemple, le village de 2000 âmes a perdu 22 soldats avec 16 autres portés disparus. En termes réels, c’est 38 morts. Beaucoup ont été tués à Jisr al-Shughur en Juin 2011, lorsque l’armée syrienne a perdu 89 morts dans une embuscade rebelle. Un villageois appelé Fouad explique qu’il y avait un survivant qui est venu d’un village voisin. "Je lui ai téléphoné pour demander ce qui était arrivé aux autres hommes", dit-il. "Il m’a dit : "Je ne sais pas parce qu’ils m’ont arrachés les yeux." Il m’a dit que quelqu’un l’avait emmené et il pensait qu’il allait être exécuté, mais s’est retrouvé dans une ambulance et a été transporté à l’hôpital de Lattaquié." Un mort de Jisr al-Shughur a été retourné à Hayalin, mais la famille a révélé que son cercueil ne contenait que ses jambes." Le dernier martyr de Hayalin a été tué il y a deux jours seulement," me dit Fouad. "C’était un soldat appelé Ali Hassan. Il venait de se marier. Ils ne pouvaient même pas retourner son corps."
Les 24 hélicoptères de combat syriens qui palpitent sur l’aire de stationnement au-delà du terminal projettent la puissance du matériel du gouvernement. Mais les soldats racontent leurs propres histoires de peur et d’intimidation. Que les forces rebelles menacent les familles des soldats du gouvernement est un fait établi depuis longtemps. Mais un soldat de deuxième classe m’a raconté tristement la façon dont son frère aîné a été contraint de le convaincre de déserter l’armée. "Quand j’ai refusé, ils ont cassé les jambes de mon frère", m’a-t-il dit. Quand j’ai demandé si d’autres personnes avaient partagé cette expérience, un jeune soldat de deuxième classe de 18 ans m’a été apporté. Les officiers m’ont proposé de quitter la salle quand je lui parlais.
C’était un jeune homme intelligent, mais son récit était raconté d’une manière simple et directe. Son discours n’était pas une mise en scène de propagande. "Je viens de la province d’Idlib et ils sont venus voir mon père et lui ont dit qu’ils avaient besoin de moi là-bas," m’a-t-il dit. "Mais mon père a refusé et leur a dit : ‘Si vous voulez mon fils, amenez-le ici - et si vous le faites, vous ne me trouverez pas ici pour le saluer.’ Alors mon père a envoyé la plupart de sa famille au Liban. Mon père et ma mère sont toujours là et ils sont toujours menacés." J’ai dis aux officiers plus tard que je ne croyais pas que tous les transfuges syriens avaient fait défection en raison de menaces contre leur famille, que certains soldats doivent être profondément en désaccord avec le régime. Ils sont d’accord, mais insistent sur le fait que l’armée reste forte.
Le colonel Mohamed, qui mêle la stratégie militaire avec la politique, dit qu’il voit le "complot" étranger contre la Syrie comme une répétition de l’accord Sykes-Picot de la Première Guerre mondiale, lorsque la Grande-Bretagne et la France ont secrètement décidé de diviser le Moyen-Orient - y compris la Syrie - entre eux. "Maintenant, ils veulent faire la même chose", dit-il. "La Grande Bretagne et la France veulent donner des armes aux terroristes pour nous diviser, mais nous voulons avoir une Syrie unie dans laquelle tout notre peuple vive ensemble, démocratiquement, sans tenir compte de leur religion, mais vivant en paix ... "Et puis vint la crise."... Sous la direction de notre champion le Docteur Bashar al-Assad."
Mais ce n’est pas aussi simple que cela. Le mot "démocratie" et le nom de Bashar al-Assad ne vont pas bien ensemble dans une grande partie de la Syrie. Et je pense plutôt que les soldats de ce qui est officiellement appelé l’Armée arabe syrienne se battent pour la Syrie plutôt que pour Bashar al-Assad. Mais ils sont combatifs et peut-être, à l’heure actuelle, sont-ils en train de gagner une guerre impossible à gagner. A Beit Fares, je monte sur le parapet une fois de plus et la brume se lève au large des montagnes. Cela pourrait être la Bosnie. Le pays est à couper le souffle, les collines gris-vert roulent dans les montagnes de velours bleu. Un petit coin de paradis. Mais les fruits le long de cette ligne de front sont amers en effet.
Robert Fisk,
Vendredi 26 Avril 2013.
source : They may be fighting for Syria, not Assad. They may also be winning
LOCARN (NOVOpress Breizh) – A la fois centre de formation – une formation en cours concerne de futurs dirigeants de coopératives de production – et think tank spécifiquement breton de réflexion en matière de stratégie économique, l’Institut de Locarn – basé dans les Côtes-d’Armor - recevait, le 26 avril dernier, Hervé Juvin (phtoto). Auteur de plusieurs ouvrages (Produire le Monde, Gallimard, 2008 ; Le Renversement du monde – Politique de la crise, Gallimard, 2010) cet économiste et géopoliticien natif de Bretagne publiera en septembre prochain un nouvel essai intitulé « La grande séparation ».
Selon notre conférencier, l’Europe, malgré ses difficultés actuelles, conserve un capital considérable et unique, notamment dans le domaine des infrastructures mais aussi au plan des mentalités – l’honnêteté et l’amour du travail bien fait par exemple -, en matière de coopération entre systèmes publics et systèmes privés ou de fiabilité des institutions. Tous ces traits de la société européenne constituent une richesse considérable qu’on ne retrouve pas dans le reste du monde.
Quand il évoque l’avenir de l’Union Européenne, Hervé Juvin considère que sa déconstruction est en cours. Puissant levier de rapprochement entre des pays meurtris, le spectre de la guerre a aujourd’hui disparu et l’Union européenne a déçu de manière considérable depuis une douzaine d’années. Il pense que son explosion est possible à très court terme.
A défaut d’explosion, l’UE est vouée à disparaître par dissolution dans un espace infini et sans frontières. C’est, observe le conférencier, ce que souhaitent les Etats-Unis qui sont, à son avis, les vrais maîtres de l’UE. Pour reconstruire un nouveau système européen, il faudra selon lui remplacer les traités existants et créer des noyaux durs entre un nombre limité d’Etats qui mettront un terme au « détricotage » en cours, par les instances libérales/libertaires européennes, des Etats et des institutions.
Ce « détricotage », affirme Hervé Juvin, ne profite qu’au marché, donc aux multinationales, mais il se heurte à la forte résilience des nations historiques et à la résistance des peuples face au constructivisme de la commission de Bruxelles. Il note au passage qu’on n’observe pas de formation d’une identité européenne et que l’effet Erasmus est nul : ce sont en effet les 18-30 ans qui sont les plus favorables au rétablissement des frontières nationales.
Pour ce qui concerne le reste du monde, Hervé Juvin a évoqué la faillite remarquable de la politique américaine en Irak et en Afghanistan – et en Lybie, puisque Sarkozy y a livré sa propre guerre « de démocratisation » avec la bénédiction des USA. Le résultat concret de ces guerres a été d’entraîner un chaos inter-ethnique et inter-religieux.
Au plan intérieur, la situation économique des USA n’est pas aussi bonne que les médias le disent. Les infrastructures (routes, ponts, voies ferrées …) américaines sont extrêmement délabrées et le pays présente des signes de sous-développement dans de vastes secteurs sociologiques et géographiques. Et la mainmise que les USA avaient, depuis le début du XIXème siècle, sur l’Amérique du Sud – doctrine Monroe – n’est plus qu’un lointain souvenir. Les Yankees sont très mal vus dans cette partie du monde et les Sud-Américains privilégient le partenariat avec les Européens auxquels s’offre une opportunité historique au plan économique mais aussi géopolitique.
Concluant sa brillante intervention sur une note localiste, Hervé Juvin a vivement encouragé Alain Glon, président de l’Institut de Locarn, qui envisage une reprise des activités collectives gérées en Bretagne par des multinationales (transports scolaires, etc.) par des sociétés coopératives qui seraient financées par des fonds bretons. A Locarn aussi, manifestement, le localisme et le coopératisme sont dans l’air du temps.
F. Arondel http://fr.novopress.info
Il s’agit de la négociation demandée à l’Union européenne (UE) par les Etats-Unis d’Amérique (EU) d’un accord bilatéral de libre échange.
Derrière cet intitulé apparemment anodin, se cache la volonté de l’empire, d’assurer la domination sans partage de ses industries culturelles, notamment cinématographiques de ses Majors, par la soumission de l’UE aux règles de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) qui n’admettent pas l’exception culturelle.
Si les Etats-Unis obtenaient entière satisfaction, ils auraient enfin leur revanche triomphale sur la France, le Québec, l’OIF, principaux promoteurs de la convention UNESCO du 20 octobre 2005.
Convention bête noire des Etats-Unis, contre laquelle ils avaient été les seuls, avec leur indéfectible allié Israël, à voter.
Convention contre laquelle ils ont continué à lutter avec acharnement - par accords bilatéraux de libre échange imposés à des Etats faibles signataires de ladite convention UNESCO (Maroc, Cambodge, et plusieurs autres...) pour effacer leur grave défaite diplomatique et promouvoir leurs énormes intérêts financiers en ce domaine.
Si l’UE acceptait les conditions états-uniennes, c’est la France qui souffrirait le plus gravement de cette soumission, car elle a toujours su jusqu’à ce jour exempter de ces règles impériales ses propres industries culturelles, notamment la belle vitalité de sa création et de sa distribution cinématographiques, d’autant plus gênante pour les Majors que les protections et subventions françaises contribuent, par les coproductions, à tenir la tête hors de l’eau des cinémas européens, africains, et autres, qui n’ont pas su protéger leur cinéma de la domination des Etats-Unis.
Malheureusement, les Etats européens membres de l’UE ont délégué à celle-ci, à la Commission de Bruxelles, leurs pouvoirs de négociation avec l’OMC et avec les Etas-Unis en matière d’accords touchant au dogme intangible de la concurrence libre et non faussée. La négociation au nom des Etats européens est donc menée par le "Commissaire européen" compétent, actuellement M. Karel de Gucht. Or, dans leur grande majorité, les Etats européens ont déjà renoncé à vraiment protéger leurs industries culturelles, ou sont prêts à le faire pour obtenir un accès plus large de leurs produits au marché états-unien dans les autres domaines. La France en est donc hélas réduite à faire le siège de partenaires européens a priori mal disposés, et de ce Commissaire qui adhère pleinement à l’idéologie dominante, et dont le pouvoir de négociation et de conviction sera faible en ce qui concerne la défense de l’ex-"exception cultuelle française".
La France elle-même est divisée sur ce sujet, et nos gouvernements, depuis quelques années, ne sont pas a priori hostiles à l’empire anglo-saxon ni à son relais bruxellois. Heureusement, le monde culturel français semble se mobiliser et exercer les pressions nécessaires. La résolution jointe du Sénat en est la première manifestation officielle. Cette démarche ne peut que recueillir le soutien très actif de nos associations de promotion du français et de la Francophonie.
Albert Salon - Avenir de la Langue Française
On nous promet « l’apocalypse » si nous sortons de l’Euro (Moscovici) ! Il ne me semble pas que nous vivions l’apocalypse avant 2002 et que, si apocalypse il y a c’est surtout depuis l’Euro pour des pays comme la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, Chypre, l’Espagne… et bientôt nous.
Je ne sais pas si Bernard Tapie serait en mesure d’imposer un tel processus mais, ce dont je suis persuadé, c’est que cette solution inquiètera bien davantage l’Europe du nord que ne l’inquiète aujourd’hui notre situation catastrophique et qui le deviendra plus encore si nous poursuivons sur le même chemin impraticable et semé d’ornières.
Manuel Gomez http://www.francepresseinfos.com/
Cinq hommes ont été condamnés lundi au Kosovo à des peines d’un an avec sursis à huit ans de prison pour leur implication dans un réseau de trafic d’organes humains dont la plaque tournante était une clinique de la banlieue de Pristina (capitale de cette province).
Les donateurs, originaires de Turquie et de pays de l’ancienne Union soviétique, étaient attirés vers une clinique qui leur promettait le versement de 10 à 12.000 euros. Les receveurs d’organes, des Israéliens pour la plupart, versaient entre 80.000 et 100.000 euros. Certains donateurs n’ont jamais reçu l’argent promis. Le scandale a éclaté à la fin 2008 quand un Turc, visiblement souffrant après avoir été opéré, a été intercepté à l’aéroport de Pristina.
L’affaire a d’autant plus gagné en notoriété qu’elle a fait écho aux accusations de trafic d’organes humains visant l’ex-guérilla albanophone de l’Armée de libération du Kosovo, en lutte contre l’armée serbe à la fin des années 1990. L’ALK est accusée d’avoir opéré des prisonniers – serbes notamment – et vendu leurs organes en Albanie voisine. Un rapporteur du Conseil de l’Europe, Dick Marty, a déclaré que les deux affaires étaient liées et touchaient aux plus hautes sphères du pouvoir au Kosovo, dirigé par l’ex-guérilla.
Mais Dick Marty n’a pas souhaité témoigner à la demande de l’accusation, ce que le tribunal a regretté. Une équipe composée d’experts européens et dirigée par le procureur américain Clint Williamsondoit rendre un rapport en 2014 sur les accusations de Dick Marty. Les cinq condamnations prononcées lundi ne concernent que des ressortissants kosovars. Le directeur de la clinique Medicus, l’urologue Lutfi Dervishi, a été condamné à huit ans de prison pour crime organisé et trafic d’êtres humains. Son fils, Arban, a écopé de sept ans et trois mois. Un anesthésiste a été condamné à trois ans fermes et deux autres prévenus à un an avec sursis.Deux mandats d’arrêt ont été émis à l’encontre de deux autres suspects, un chirurgien turc, et le cerveau présumé du réseau, l’Israélien Moshe Harel. Fatos Bytyci; Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Pascal Liétout