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La droite n’a plus d’autre choix que de tendre la main au RN
Par Adrien Rodier, membre du bureau politique du mouvement Racines d’Avenir ♦ Après les élections européennes, Breizh-Info a publié la tribune d’Adrien Rodier, membre du mouvement politique d’union des droits créé par Erik Tegnér. Son postulat est simple : Les Républicains sont condamnés s’ils ne choisissent pas de s’unir avec le RN autour des valeurs qu’ils partagent.
Les résultats de ce dimanche 26 mai portent en eux une teneur à la fois destructrice et salvatrice. Jamais dans l’histoire de la Ve République nous n’avions vu les deux partis dits « de gouvernement » pointer au soir d’une élection avec des scores si faibles. Cet aspect destructeur n’est que l’aboutissement d’une recomposition entamée depuis l’élection présidentielle, et renforçant ce nouveau clivage progressiste/populiste.
Cependant, ce résultat porte paradoxalement le germe d’un nouvel espoir. Il montre que cet électorat favorisant hiérarchiquement son portefeuille au détriment de ses valeurs a majoritairement rejoint Emmanuel Macron depuis 2017.
Ne reste plus que cette droite décomplexée, patriote et attachée à ses principes. L’histoire montre que ce sont les partis qui s’adaptent aux électeurs et non l’inverse.
Une prise de conscience doit donc s’opérer au sommet.
Car aujourd’hui Les Républicains butent sur deux écueils : leur incarnation et leur orientation. Concernant le premier point, Laurent Wauquiez – malgré un choix audacieux et louable de choisir comme tête de liste François-Xavier Bellamy – est très clairement menacé, les prochaines heures étant décisives. Est-ce que l’éjection de Laurent Wauquiez ferait entrer LR dans une nouvelle crise politique ? Rien n’est moins sûr tant le désert de personnalités à même d’assumer ces responsabilités est grand. Et ce n’est certainement pas Gérard Larcher – tenant de cette droite molle – qui serait à même d’insuffler une nouvelle dynamique. La stratégie d’alliance conventionnelle avec le centre est non seulement obsolète mais nuisible, ce cas de figure permettant d’atteindre seulement 11 % des voix avec l’UDI, soit trois fois moins qu’en 2007.
L’orientation, quant à elle, reste le point central de cette humiliante défaite. L’obstination constante à vouloir esquiver tout rapprochement avec le Rassemblement National – même philosophique – tend à faire de ce parti « l’idiot utile de La République En Marche ». Emmanuel Macron étant assuré en cas de nouveau duel avec Marine Le Pen au second tour, que peu importe le candidat LR, ce dernier appellera au « front républicain » à l’instar de François Fillon.
Cela serait non seulement délétère, mais préjudiciable à l’avenir de la France, l’immigration et le communautarisme atteignant un paroxysme sous peu irrémédiable.
Empêcher la réélection d’Emmanuel Macron doit donc être une priorité.
Les prochaines élections – communales et régionales – feront office de révélateur. LREM ne dispose d’aucune assise locale tandis que Les Républicains sont traditionnellement bien implantés localement. Mais ces derniers risquent de subir le délitement qui les atteint au niveau national. De nombreuses communes et/ou régions seront menacées par LREM ou le RN, les alliances choisies révéleront la réelle orientation que souhaite prendre ce parti aujourd’hui marginalisé.
L’intérêt de la France doit primer sur cette barrière morale imposée par la gauche.
Adrien Rodier 02/06/2019
Source : Breizh-Info
Crédit photo : Domaine public
La gauche a l’habitude que la droite lui serve uniquement de punching-ball. Cette époque est terminée

Steve Bannon a longuement été interrogé dans le dernier numéro de L’Incorrect. Extrait :
Vous vous apprêtez à fonder une école de formation en Italie dans une ancienne abbaye. Dans un reportage diffusé par la télévision française, Benjamin Harnwell, présenté comme votre « bras droit en Europe », dit que vous voulez former des « gladiateurs ». Quel est le but de ce centre ?
De tous les projets sur lesquels je travaille, c'est celui qui me passionne le plus. Je suis en désaccord idéologique total avec George Soros, mais il est un point sur lequel j’éprouve une grande admiration pour lui : il a mis ses idées en action et il a obtenu des résultats. Ce qu’il a fait pour la gauche, que ce soit à travers ses ONG, les partis politiques, les entreprises de médias, a eu un impact énorme ! C’est ce qui manque à la droite : un endroit où enseigner les fondements de la culture judéo-chrétienne, c’est-à-dire notre civilisation, et la façon de les défendre et de les propager. Que ce soit dans l’art, la musique, l’économie ou la finance.
J’appelle ça une école de gladiateurs parce que les gladiateurs n’avaient pas que de la force ou des capacités techniques. Le plus important pour eux était la clarté de leur esprit. Ce dont on a besoin, c’est d'un entraînement spirituel qui aide à la concentration de l’esprit. Nous apprendrons à donner des interviews, à promouvoir ses idées dans une société médiatisée, à débattre, à être poussés dans ses retranchements en plaçant nos étudiants en quasi-situation réelle, c'est-à-dire en les plongeant dans un environnement hostile que nous créerons à l’école. Lorsqu’ils en sortiront, ils pourront revenir à ce qu’ils faisaient avant en étant prêts à défendre les idées judéo-chrétiennes dans le monde moderne. De tout ce que j’ai fait, rien n’a autant, énervé la gauche que cela. NBC m’a demandé quel était le but de cette école et quand j’ai répondu que c’était d’enseigner les valeurs judéo-chrétiennes, le journaliste a explosé devant la caméra : « C’est une idée tellement radicale, pour quoi voulez-vous faire ça ? » Je lui ai demandé : « Pourquoi ça vous rend si dingue ? » C’est notre culture et ça rend la gauche dingue. Ils ont l’habitude de cogner et que la droite ne réponde pas. Ils ont l’habitude que la droite leur serve uniquement de punching-ball. Cette époque est terminée. On va commencer à entraîner les gens afin qu’ils rendent coup pour coup.
Des islamistes en liberté : expulsons-les !
Élections européennes 2019 : les 79 candidats du Rassemblement National.
La droite est sonnée, mais elle doit se ressaisir !
Tout est perdu pour l’instant, y compris l’honneur.
Laurent Wauquiez que, pour ma part, je n’ai jamais sous-estimé avait fait un bon choix avec François-Xavier Bellamy dont les défauts, dans la campagne des élections européennes, étaient plutôt le signe d’une qualité intellectuelle et humaine rare. Mais, sur le plan politique, la liste LR s’est trouvée de plus en plus dans une impasse, serrée par un implacable étau entre LREM et le RN.
Ils s’en donnent à cœur joie, tous ces charognards qui se délectent de la défaite des LR.
La sale satisfaction des ministres « transfuges de la droite » constituant leur départ opportuniste de 2017 comme la preuve de leur lucidité en 2019. Allant même jusqu’à inciter les personnalités qui comptent au sein de LR – pour Raffarin, c’est déjà fait ! – à les rejoindre pour rendre encore plus achevée la suite de l’échec-victoire du président de la République (Le Monde).
L’éblouissement face à l’intelligence politique et au brillant cynisme d’Emmanuel Macron qui, après avoir laminé la gauche, semble avoir fait de même avec la droite républicaine. Et il faudrait tendre l’autre joue ?
Comme s’il fallait admirer l’artiste qui, avec persévérance et talent, est parvenu à institutionnaliser le duel de son camp avec un RN qui, par ailleurs, ne cesse pas de progresser, de sorte que le plafond de verre présumé certain en 2022 et garantissant sa réélection ne sera peut-être pas aussi solide que l’espère le président de la République.
Une stratégie à court terme, fondée sur le fait que la moitié des électeurs de François Fillon a voté en faveur de la liste présidentielle, va entraîner un glissement intéressé, en vue des municipales, vers LREM de la part des Républicains désireux de sauver leur mise.
Ce souci des positions à sauvegarder est humain mais sera, immédiatement, un handicap grave pour réfléchir à une droite rénovée. À la fois assurée et ouverte. Fière de ses convictions mais ne les assenant pas sur la société comme une épée de Damoclès, mais telle une authentique chance démocratique.
Encore faut-il que LR ne joue pas perdant en estimant inéluctable, fatal son déclin. En se persuadant, pour donner bonne conscience à son impuissance, que tout se trouve chez le président de la République et qu’il ne laisserait plus aucun espace à ses adversaires.
Même si on admet la pertinence provocatrice de la saillie de Gaspard Gantzer pour qui « aujourd’hui, Macron est un combo entre Trudeau et Sarko », en la prenant au pied de la lettre, elle permet d’entrevoir que, contre la tendance « Trudeau », LR a trop négligé d’ouvrir un front décisif (Valeurs actuelles). En effet, bizarrement, ce parti a été tellement offensé de voir le Président crédité de mener une politique de droite qu’il ne l’a attaqué que sur ce terrain alors que la gauche, chez Macron, aurait été beaucoup plus vulnérable. Parce que, de la vision judiciaire à l’approche « sociétale », elle existe et trouble.
Quant au côté « Sarko », il ne faut rien exagérer.
D’abord, l’ancien Président, au nom d’une complicité avec Emmanuel Macron – d’ailleurs réciproque : tout est bon pour affaiblir LR et surtout Laurent Wauquiez, détesté par les deux -, a refusé de s’exprimer clairement et publiquement pour la liste Bellamy de sorte qu’ainsi, il a conforté le travail de sape du président de la République contre elle par le biais indirect de sa focalisation sur le RN.
Ensuite, si la première année du mandat – contrat de travail et réforme de la SNCF – n’a pas été sans faire référence à des combats que la droite au pouvoir aurait dû mener, elle n’a pas opéré un tel bouleversement que seraient devenues inutiles toutes autres avancées dans ce domaine.
Le champ qui demeure pour une démarche conservatrice cohérente est étendu. Courageuse, populaire, respectueuse des majorités, attachée à poser son regard et son action sur l’ensemble de la vie politique et sociale, sur le fonctionnement trop négligé des institutions régaliennes – notamment police et Justice -, sur l’univers culturel et sur le monde médiatique – au fond, sur toute cette immense part dont la droite s’est débarrassée parce que lâchement, par paresse, elle a considéré que la gauche en était propriétaire.
Il y a une page démocratique sur laquelle le nouveau monde devait écrire. Elle est toujours vierge puisque l’ancien monde, depuis deux ans, pour l’intégrité, la morale civique et politique, les nominations, les combines, les dépendances, le poids d’intérêts mettant à mal l’éthique de gouvernement, nous a offert un triste tableau de la République. Si la droite acceptait d’admettre que ces dérives ne sont pas inévitables, consubstantielles au jeu politique, elle aurait de quoi se réconcilier avec l’opinion publique.
Cette révolution impose d’abord de cesser d’imaginer que les jeux sont faits. Emmanuel Macron n’est pas plus la fin de la politique française que la chute du mur de Berlin n’a été celle de la vie internationale.
Elle exige aussi qu’on quitte les chemins du vaudeville, un Gérard Larcher obligé de contourner un Laurent Wauquiez qui s’enkyste dans un poste, pour lequel il n’est plus légitime à cause de son fiasco politique, afin de réunir la droite et le centre dans une délibération collective dont on espère qu’elle n’aboutira pas à un macronisme bis.
Il serait tout de même extravagant que, par exemple, un Bruno Retailleau, un Jean-François Copé ou un Xavier Bertrand qui pensent dans leur coin ne puissent pas, dans une confrontation de bon aloi, redéfinir la droite comme une idée neuve pour demain. Encore trois ans jusqu’en 2022 !
Est-il concevable, aussi, sans être qualifié de fasciste, de glisser dans la réflexion la piste d’une union des droites quand, un jour peut-être, le retrait de Marine Le Pen aura dédiabolisé cette éventualité ?
Il est terrible de constater comme la déroute crée une étrange fascination. Comme si, un temps, elle ne laissait pour alternative que de sombrer doucement ou de s’abandonner pieds et poings liés à l’adversaire, aussi suave et rouée que soit l’emprise présidentielle. Et, surtout, sa volonté prioritaire, et même plus dissimulée, de « pomper » ce qu’il y a de meilleur à droite pour ajouter à ses ministres transfuges des prises politiques de fond d’une tout autre portée.
La droite est « sonnée ». Mais elle doit se ressaisir en trouvant – sur un mode adapté – ce qui lui fait totalement défaut aujourd’hui : une identité, une intelligence, la croyance en son utilité et sa nécessité.
Si elle a un peu d’orgueil, elle ne se laissera pas humilier ainsi de toutes les manières. Et, d’abord, elle ne se quittera pas elle-même.
Extrait de : Justice au Singulier
https://www.bvoltaire.fr/la-droite-est-sonnee-mais-elle-doit-se-ressaisir/
Charles Gave : « L’état de la droite en France est absolument abominable »
Notre capacité à nier le danger devient spectaculaire

De Paul-Marie Coûteaux dans La Nef :
Quiconque s’est un jour penché sur l’Histoire ne peut qu’être frappé par la capacité des hommes à s’aveugler devant les dangers collectifs qui les menacent, et les plus immédiats. On pense à l’espèce d’obstination avec laquelle les Français (et les Anglais) refusèrent de voir, au long des années trente, la montée du péril allemand – péril pourtant annoncé dès les premières victoires d’Hitler (près de 38 % aux élections de juillet 1932), et d’autant plus évident que son effrayant programme Mein Kampf avait été publié en 1925. Rares furent ceux qui s’alarmèrent – l’Action française dès 1930, ou le futur Pie XII qui, bien en vain, écrivait en 1929 : « C’est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin. » L’aveuglement des Européens fut si constant que, en 1939 encore, alors qu’Hitler violait les accords de Munich signés six mois plus tôt en envahissant la Bohême et la Moravie, le Premier britannique, Neville Chamberlain, répugnant à s’entendre avec Staline, n’accepta son offre d’alliance qu’après des mois de tergiversations, envoyant des plénipotentiaires par le bateau le plus lent qu’il avait trouvé : en août, las d’attendre, Staline finit par accepter l’offre d’alliance de Ribbentrop et signa le traité qui ouvrit à Hitler l’invasion de la Pologne, plongeant l’Europe dans les ténèbres que l’on sait.
Aveuglements
Ces aveuglements sont fréquents dans l’Histoire : les Français du XVIIIe siècle dénigrèrent le « renversement d’alliance » au profit de l’Autriche contre l’empire prussien naissant (ce fut l’une des causes de la Révolution, et de l’impopularité de « l’Autrichienne »), mais la suite prouva que c’était bien la Prusse qui était dangereuse. De même, quand Caton l’Ancien, effrayé par la prospérité de Carthage, achevait tous ses discours par le fameux « Delenda est Carthago », on raillait son entêtement de vieillard, alors même que la cité punique violait les traités de paix et attaquait Massinissa. Et qui ne se souvient des arguties des Byzantins qui, assiégés par les Turcs, n’en poursuivaient pas moins les querelles théologiques qui les séparaient sans cesse davantage de Rome et des royaumes d’Occident, seuls capables de les défendre ? « Discussions byzantines » : on en fit un proverbe, il ne servit d’aucune leçon. Comme me le dit un jour un de mes maîtres de jeunesse, Jacques Ellul : « Au début, les peuples commencent par aimer leurs envahisseurs ; quand ils se réveillent, il est souvent trop tard. » Bien des Français aimaient l’Allemagne, comme ils aimèrent, derrière leurs « philosophes », la jeune Prusse, les Romains la magnifique Carthage, comme les Byzantins, avant qu’ils ne la renversent, avaient conclu de multiples accords avec les Turcs…
De même aujourd’hui, on ne veut pas voir avec quelle constance, l’islamisme fait la guerre aux chrétiens dans le monde entier […] Notre capacité à nier le danger devient spectaculaire : la chute de l’État islamique est fréquemment mise en relation avec la diminution des attentats pour conclure fièrement que la menace islamique régresse. C’est méconnaître (mais comment les connaître, quand tout est caché ?) les énormes progrès que font dans le monde entier les réseaux islamistes, dont les effectifs auraient au mieux triplé depuis deux ans, dont les « trésors de guerre » (reconvertis souvent en placements boursiers) deviennent si imposants qu’ils constituent l’une des plus grandes puissances financières du monde, dont les réserves en armes de plus en plus lourdes, des massifs d’Afghanistan aux forêts d’Afrique centrale, ne cessent de croître : méconnaître en un mot que le péril, loin d’être écarté parce que les stratégies changent, est plus grave d’année en année.
Il y a pire : notre refus collectif de voir et nommer le danger fait commettre aux dirigeants des pays de civilisation chrétienne des erreurs stratégiques stupéfiantes : oui, la France, sur ordre de MM. Sarkozy et Juppé, puis Hollande et Fabius, a bel et bien fourni des armes à des « rebelles syriens » qui étaient en réalité des conscrits du djihad ; oui l’UE continue à accorder à la Turquie de substantiels « crédits de pré-adhésion », les négociations d’adhésion n’étant toujours pas suspendues malgré les innombrables provocations d’Erdogan qui vient d’obtenir que l’Allemagne naturalise les familles polygames et invoque ouvertement la grandeur de l’Empire ottoman, lequel soumit pourtant une partie de l’Europe à un joug atroce. Oui, M. Trump se trompe d’adversaire en choisissant pour ennemi prioritaire et obsessionnel l’Iran, alors que les foyers islamistes sont en Turquie et dans les pays du Golfe, avec lesquels nous entretenons les meilleurs rapports, ses menaces de déclencher l’apocalypse sur l’ancienne Perse ne faisant que jeter de l’huile sur le feu islamiste. À moins que ce ne soit son but…
https://www.lesalonbeige.fr/notre-capacite-a-nier-le-danger-devient-spectaculaire/
Nouveaux clivages certes
Toute une partie, que l'on situe à droite sur l'éventail des opinions politiques, restera toujours convaincue de l'absence de nouveauté sous le soleil. Pour un réactionnaire digne de ce nom, les choses ne sauraient se reproduire qu'à l'identique. Pour son adversaire de gauche, au contraire, on repartira toujours à zéro, car les leçons du passé, outre que l'idéologie cherchera de façon perpétuelle à en effacer la mémoire, ne servent à rien.
La cause de la vérité et de la liberté ne peut se confondre, bien sûr, avec ces deux types d'aveuglements symétriques. Héraclite semble l'avoir déjà située dans les fulgurants fragments qui nous ont été transmis, à plus de 2 500 ans de distance, aux alentours de la 70e olympiade : "la seule chose qui ne change pas c'est le changement".
Des clivages évolutifs, on pourrait en évoquer pas mal.
D'autres reviendront à reprendre le combat des mêmes contre les mêmes, sous des apparences différentes.
Ainsi l'affaire Vincent Lambert déchaîne-t-elle de vraies passions. Sans doute n'existerait-elle pas sans le progrès médical des dernières décennies. Or, elle recrée un partage des eaux, à la fois inédit et renouvelé, entre défense de la vie et hantise de la déchéance.
Plus radicalement, de la Baltique à l'Andalousie la plupart des études réalistes de l'opinion[1] placent, bien avant l'écologisme des bobos encadrant des bébés, l'immigration en tête des préoccupations citoyennes. Nos technocrates et nos toutous médiatiques peuvent bien se refuser à nommer son corollaire, l'islamisme, cela demeure bien central aux yeux des Européens.
Qu'on permette à l'auteur de cette chronique de se répéter lourdement, et d'observer, à nouveau, qu'il s'agit bien de la fracture la plus nette et la plus profonde[2]. Elle a remplacé, aujourd'hui, celles qui se sont succédé au royaume des Lys, depuis la réunion des États Généraux en 1789.
Cette question s'est bel et bien installée dans le débat public avec le discours prophétique d'Enoch Powell (1912-1998). Prononcé au congrès conservateur de 1968, il assura la célébrité de son auteur autour d'une citation de Virgile, redoutant des flots de sang. Cette transgression des mots d'ordre politiquement corrects valut à l'orateur d'être banni de la droite britannique. Bien des observateurs considèrent que c'est bien sa descendance qui l'a emporté lors du vote en faveur du Brexit en juin 2016.
En France, après avoir stagné dans les années 1970, le mouvement de la flamme tricolore prit son essor, Mitterando regnante, dans les années 1980. Il avait adopté, entre-temps, ce cheval de bataille controversé inventé par François Duprat, lui-même rappelé au Ciel en 1974. Mais 45 ans plus tard, mesurant la progression continue de la protestation, on considère encore comme un succès d'avoir engrangé 25 % des suffrages autour d’une revendication qu'approuvent 65 % des électeurs.
Une phrase, banale et même très plate dans son énoncé, a donc été prononcée par le Premier ministre Édouard Philippe au soir de ce 26 mai, supposé crépusculaire pour le parti de M. Wauquiez : "Les anciens clivages ne sont plus. De nouveaux sont apparus."[3]
Préemptant la fin de l'opposition entre droite et gauche et des deux partis, "qui ont gouverné la France pendant plus de 50 ans", l’ancien maire du Havre appelle en fait à la macronisation d'une droite en déshérence. Peut-être, le chef du gouvernement envisage-t-il aussi un renforcement du poids des supposés conservateurs-réformateurs au sein de la coalition au pouvoir. On laisse courir la rumeur de sa candidature unificatrice contre Anne Hidalgo à Paris.
Le 12 juin on pourra mesurer l'ampleur de sa vision du monde, sans aucun doute fascinante pour le petit peuple et grisante pour son élite éclairée. Il s'exprimera en effet, si Dieu nous prête vie, dans le cadre du discours de politique générale qu'en principe il s'apprête à prononcer devant l'Assemblée nationale.
Dès maintenant il promet la reprise du programme présidentiel de 2017, largement avorté jusqu'ici.
On verra bien ce jour-là quelle relance des réformes envisage de réactiver le pouvoir actuel, installé en 2017 sur ce mot d'ordre. On pressentira sans doute sa préoccupation teintée d'électoralisme, en vue du prochain scrutin municipal. Cette tare, mais aussi cette sauvegarde du régime, étreint comme d'habitude nos gouvernants.
On s'emploie trop souvent à présenter pour essentiels les débats économiques.
Or, on les envisage toujours, en notre Hexagone, sous l'angle des interventions étatiques. On ne veut jamais y voir la supériorité de la liberté des individus, plus intelligente que la contrainte des réglementations : ce choix décisif réapparaîtra bientôt.
JG Malliarakis
Apostilles
[1] Lire à ce sujet l'article très important de Dominique Reynié [titre probablement choisi par la rédaction du Figaro et d’ailleurs trompeur] : "Les citoyens européens ne veulent pas la fin de l’Union."
[2] cf. L'Insolent du 24 mai : "Petit bilan de campagne"
[3] cf. "Edouard Philippe capitalise sur les ruines de LR et sort renforcé"
Le Rassemblement national est désormais un parti du Système
« J’ai siphonné les voix du Front national », se vantait Nicolas Sarkozy, après son élection en 2007. On se demande ce qu’il siphonne, désormais, contemplant la débâcle de son parti aux élections européennes.
Du côté du Rassemblement national, on peut dire, à juste titre : mission accomplie. Au terme d’une lutte de plus de quarante ans, ce parti fondé sur un nom – Le Pen – et sur un thème – l’immigration – vient de s’imposer comme le champion unique de la droite populaire.
De fait, selon un sondage Ifop-Fiducial pour Paris Match, CNews et Sud Radio publié ce mercredi 29 mai, Emmanuel Macron et Marine Le Pen s’opposeraient de nouveau, avec des scores supérieurs à ceux de 2017, si le premier tour de l’élection présidentielle avait lieu dimanche prochain.
Renforcé par l’état sécuritaire du pays, qui lui donne raison tous les jours, autant et plus que par la tactique de LREM visant à en faire son adversaire principal, le Rassemblement national se maintient en tête des suffrages, élection après élection, dans les scrutins proportionnels.
Le changement de nom, en 2018, fut une opération bénéfique. Parvenu à ces sommets électoraux, il ne s’agit plus de faire « front » contre mais d’unir et de rassembler pour la conquête réelle du pouvoir, qui est en soi un exercice de pacification et d’unité.
Les Républicains, de leur côté, sont pris en étau entre le parti libéral libertaire créé par Emmanuel Macron et le RN, parti conservateur et populaire. Leur réservoir de voix s’amenuise comme peau de chagrin. La bourgeoisie mondialisée a choisi son camp, et la bourgeoisie conservatrice, espèce aussi brillante que menacée, pèse moins de deux millions de voix.
Il est temps de le constater : la compétition au suffrage universel tendant inexorablement au bipartisme, RN et LREM font désormais système. Le Rassemblement national est le nouveau parti de la droite.
Ce nouveau statut est un défi pour le RN. Encore structuré comme une tribune d’opposition, le parti doit se doter des cadres, locaux et nationaux, qui rendront l’alternance crédible et rassurante.
Des cadres qui ne se satisfassent pas de réagir, de critiquer, de dénoncer, mais des cadres qui proposent, rassemblent, construisent, perçoivent la complexité de l’action, savent l’inscrire dans le temps long, travaillent avec compétence et lucidité.
https://www.bvoltaire.fr/le-rassemblement-national-est-desormais-un-parti-du-systeme/