Le délire transhumaniste de l’homme immortel, augmenté, prolongé, remplacé pièce par pièce, se fait plus discret face au retour de la mort dans une société qui s’évertuait à l’oublier. La mort arrive en moyenne plus tard, la médecine peut en reculer la date, mais elle demeure tellement inéluctable qu’on permet même au médecin d’en adoucir la venue, sinon de la précipiter. Le lien statistique évident entre l’âge des malades et le risque mortel introduit une inégalité naturelle qu’on avait tendance à oublier dans les idéologies obsédées par la non-discrimination.
Cette discrimination naturelle est, d’ailleurs, reprise par la société amenée à être moins égalitaire qu’elle le prétend, lorsque la rareté des moyens, des lits ou des respirateurs, par exemple, amène à faire un « tri » entre les malades que l’on va soigner et ceux pour lesquels on choisit d’arrêter les thérapeutiques actives. Cette inégalité n’est, d’ailleurs, pas la seule qui apparaît crûment dans la parenthèse désenchantée que nous vivons. Le choix du médecin, de l’hôpital, du traitement, le lieu où l’on est confiné, les obligations professionnelles ou encore les conséquences sociales de la cessation d’une activité créent de nombreuses variations sur le thème du confinement égal pour tous. Faut-il ajouter que l’État n’est manifestement pas capable de le faire appliquer à tous et partout !