Le mot est grec à l'origine. Il signifie faille, béance. Le chaos précède l'origine du monde.
« Au commencement fut le chaos... ». Il était une matière sans forme avant la création de la Terre.
En politique, on l'associe au désordre. En mai 68, le général de Gaulle utilisait pour le mot chaos le terme chienlit. Kant dans sa vision de la morale définit le mal de façon universelle ainsi : « est mal ce qui crée le chaos si chacun agit de la même façon ».
De nos jours, on ne peut plus utiliser ce terme sans faire référence à la théorie du chaos.
• La théorie du chaos
Née dans les années 70, elle a été une nouvelle composante de la physique après la relativité et la mécanique quantique.
À la fin du XIXème siècle, Poincaré avait déjà étudié ou plutôt abordé la question de la sensibilité aux conditions initiales avec son étude sur le problème à N corps (N> 3). Le problème à 3 corps consiste à l'étude du mouvement gravitationnel avec par exemple le système Soleil-Terre-Lune. Se pose alors la question de la stabilité. Un corps peut en percuter un autre ou une planète pourrait sortir du système solaire. On n'est plus dans la prévisibilité déterministe de Laplace. Le mouvement des planètes n'est plus réglé comme une horloge comme le laissait supposer la mécanique classique. On appelait Dieu le grand Horloger. Il fallait accepter l'idée d'indétermination. Trouver des lois de probabilités, c'est déjà mettre de l'ordre dans le désordre. Le chaos est sans lois de probabilités.
On introduit dans cette théorie du chaos le temps caractéristique : temps au bout duquel les écarts sont multipliés par dix dus à des modifications initiales.
Le mouvement des planètes de notre système suivant les calculs de Jacques Laskar est chaotique. La théorie du chaos enseigne aussi que la Terre sans la Lune pourrait même se trouver couchée sur sa trajectoire. Notre système est complet. Une autre planète le déstabiliserait.
• La météorologie
La théorie du chaos avec comme application la météorologie a gagné en notoriété. Le nombre de facteurs intervenant est très grand. On relie toutes les variables par des équations connues et classiques comme les lois des gaz parfaits et les équations de Navier-Stokes (lois d'écoulement pour la mécanique des fluides). Edouard Lorenz a construit un modèle à douze variables. Il s'aperçut que les évolutions diffèrent avec des conditions initiales très proches. La météorologie est donc un système chaotique. Les conditions initiales variant parfois de façon infime donnent des évolutions très divergentes au bout d'un certain temps, ce qu'on a appelé plus communément l'effet papillon.
• L'attracteur de Lorenz
C'est un système de trois variables soumises à trois équations différentielles. Le système est représenté par un point dans l'espace à trois dimensions. L'évolution du système en fonction des données initiales est déterminée par les équations de Lorenz.
La trajectoire s'enroule autour de deux anses, l'une puis l'autre de façon aléatoire sans que l'on puisse prévoir laquelle des deux anses.
Les trajectoires, quelles que soient les conditions initiales, vont vers une région limitée de l'espace.
Il y a donc à la fois hasard et nécessité.
• Application de la théorie du chaos à un modèle de population
On utilise la notion de suite pour ceux qui connaissent un peu les mathématiques.
La population est donnée à un instant n en fonction de la population à l'instant n-1.
Un = 4a Un-1 (1- Un-1)
Pour des situations initiales très peu différentes, les évolutions divergent fortement. On a donc affaire à un système chaotique.
Pour des valeurs de a différentes, les courbes sont aussi très différentes.
La théorie du chaos, comme tout domaine de la physique, fait appel aux mathématiques. Elle s'est considérablement développée avec l'apparition des ordinateurs qui ont permis des simulations.
Elle rassemble une somme de résultats mathématiques.
En reprenant les modèles mathématiques de la physique établie, la théorie du chaos constate l'instabilité par rapport aux conditions initiales et l'existence d'attracteurs. On sort du pur déterminisme laplacien. Il y a de l'imprévisibilité. Ce déterminisme avait été appuyé par le théorème de Cauchy-Lipchitz qui énonçait une trajectoire bien établie une fois les conditions initiales données. Il existe de plus un temps T aux bornes de prévision. Au-delà de ce temps, on ne peut plus rien prévoir. Ce temps s'appelle temps caractéristique ou horizon de Lyapaunov. Cette théorie s'est développée grâce bien sûr à des modèles qu'on a pu faire tourner sur des ordinateurs de plus en plus puissants.
Le Chaos en dehors de la théorie du chaos
La théorie du chaos a imposé sa conception du chaos, mais nous allons voir chez Nietzsche une version du chaos hors de la physique.
« Il faut encore avoir du chaos en soi pour pouvoir enfanter une étoile qui danse » (FN).
Le chaos est propice à la création artistique. Le bouillonnement intérieur est la condition d'une gestation. C'est la genèse d'une œuvre. Le petit employé de bureau « bien ordonné » ne produira jamais rien.
« Le préjugé foncier est de croire que l'ordre, la clarté, la méthode doivent tenir à l'être vrai des choses, alors qu'au contraire, le désordre, le chaos, l'imprévu n'apparaissent que dans un monde faux ou insuffisamment connu, bref, sont une erreur ; c'est là un préjugé moral, qui vient de ce que l'homme sincère, digne de confiance, est un homme d'ordre, de principes et a coutume d'être somme toute, un être prévisible et pédantesque. Mais il est tout à fait impossible de démonter que « l'en soi » des choses se comporte selon cette définition du fonctionnaire modèle ».
Il est certain que parfois l'éducation des enfants est un étouffoir de l'imagination et de la créativité. Une réflexion souvent entendue de la part des parents et professeurs : « Il faut les cadrer ».
Ce n'est que la mise en place de l'ordre qui stérilise. Trop d'interdits non seulement créent des névroses, mais empêchent toute création.
Patrice GROS-SUAUDEAU
Science et techniques - Page 42
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Le Chaos
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Vers l'homme virtuel
L'homme contemporain va davantage se transformer dans les trente prochaines années que durant les deux millénaires nous précédant. Les choses évoluent bien plus vite que l'on ne l'imagine. Tout l'avenir se dirige vers une sorte d'humanité normalisée faite de robots androïdes. Plusieurs axes se développent. Et la prospective n'est nullement difficile à faire même si le citoyen moyen n'a pas envie d'y penser et l'assimile à de la science-fiction.
De l'homme formaté à l'homme « biologique »
Le premier d'entre eux est l'homme sociétal, c'est-à-dire normalisé par la société. C'est le politiquement correct, la pensée unique et clonée. Le citoyen moyen ne s'intéresse plus qu'à ses besoins élémentaires et à ses loisirs. Métro, boulot, dodo, repos. Un abrutissement par le sport et les médias.
C'est le conditionnement pavlovien, les réflexes conditionnés : à chaque fois que je passe devant mon bocal de poissons rouges, ils se précipitent vers moi, même si je ne leur donne rien à manger. Les lecteurs de Présent reçoivent jour après jour le vaccin et l'antidote de cette mise en condition ; ceci afin d'échapper au nivellement des intelligences, des mœurs et des coeurs voulu par Big Brother.
Puis vient l'homme biologique créé artificiellement par la fécondation in vitro et élevé en couveuses. La procréation naturelle doit être ainsi remplacée par les éprouvettes et ; séparée complètement de la sexualité. Développer la FIV fait partie du programme proposé par le parti socialiste : la maternité est aliénante, place à la machinerie biologique. Il y a aussi le clonage. Nous avons très largement dessiné les contours de cet « homme nouveau » dans nos articles précédents.
L'homme génétique
Il en est de même de l'homme génétique. Notre organisme est formé de cellules qui contiennent un noyau. Celui-ci renferme les chromosomes. Modifier les chromosomes est létal, c'est-à-dire entraîne la mort cellulaire. Le professeur Lejeune en son temps avait fente de supprimer le fameux chromosome 21 responsable de la trisomie. Les divisions cellulaires ont cessé de se faire. Il en sera de même avec les cellules reproductrices. Le sexe de l'homme est lié au chromosome XY ; XX chez la femme. Vouloir faire un garçon d'une fille et inversement est une véritable folie contraire à la nature.
L'homme génétique se profile aussi. Dans les chromosomes se trouvent les gènes. L'ensemble de ceux-ci se nomme le génome. Quand ils sont porteurs de maladies, l'idée est de les remplacer par des gènes sains. C'est à ce jour l'échec quasi total : l'Association de lutte contre la Myopathie s'est positionnée sur ce créneau depuis 30 ans sans obtenir le moindre succès. Les gènes, sans entrer dans les détails, sont formés de chaînes d'acides désoxyribonucléiques ou ADN. Ce sont des longs filaments de quatre acides aminés mélangés entre eux : Adénite, Thymine, Cytosine, Cuanidine. Il est possible d'agir à ce niveau par le séquençage de l'ADN sur une zone donnée, et de pronostiquer de nombreuses maladies mais surtout leurs potentialités d'apparition. La possibilité de changer des séquences malades est possible : c'est la fameuse « chirurgie du gène ». L'ADN induit la formation des protéines de l'organisme dites de transcription. Celles-ci permettent la synthèse des tissus. Il est possible de modifier le message donné. Un changement minime de ces protéines peut aboutir à des cellules intestinales ou des neurones. En pratique il sera possible de développer à la demande le volume cérébral ou musculaire. En clair : développer des surdoués ou des Monsieur Muscles. Ceci conjointement aux fécondations in vitro usant de gamètes sélectionnés.
Parallèlement, il est possible d'acheter sur internet des spermatozoïdes, de Schwarzenegger par exemple - ce qui donnera après le croisement de beaux bébés probablement musclés mais sans plus d'intelligence. De même il est possible d'acheter des embryons « à la carte ». Voici donc un pas important vers l'homme parfait appelé de leurs vœux par certains et progressivement obtenu par manipulations biologiques très simples.
Mieux encore, Venter a réussi à transposer des génomes entiers de cellules d'organismes - en pratique des bactéries ou des vers - pour les insérer dans d'autres organismes. Plus encore, il a réussi à séparer l'un de l'autre chacun des acides aminés ATGC comme s'il avait enlevé des milliards de perles d'un collier de 3 mètres de long. Puis il les a réenfilées, si on peut dire, pour faire un autre collier tout aussi long mais différent. Il a ainsi réalisé un nouveau génome inconnu à ce jour créant par là un organisme nouveau, une nouvelle bactérie, un nouvel être vivant surnommé Synthia. Il se fait fort de remonter dans l'échelle des êtres vivants pour aboutir à l'homme lui-même soit en créant des gamètes (ovules et spermatozoïdes), soit des embryons.
Le cerveau, un organe qui évolue
Il est possible désormais de supprimer la mémoire des souris puis de la leur faire revenir. Il en est de même des souvenirs agréables et désagréables que ce rongeur peut avoir et a pu avoir par le passé, en pratique des automatismes. Apparemment dans cette affaire, il y a un effet seuil. Autrement dit, ces petits rongeurs n'auront jamais une mémoire d'éléphant. Tout ceci repose sur la plasticité du cerveau. C'est d'ailleurs à ce niveau que se situe la justification scientifique de l'idéologie du gender. Toute idéologie se doit d'inventer son Lyssenko. L'idée est simple. Élevez une fille comme un garçon, son cerveau se transformera et il deviendra un garçon. Les encéphales de deux nouveau-nés de sexes différents à la naissance seraient très proches et peu sensibles aux modifications hormonales (ce qui reste à prouver et va à l'encontre du message génétique).
Le cerveau de l'homme pèse 1,4 kg environ. Nous n'en exploiterions qu'un dixième. Ce qui explique que par l'IRM (imagerie par résonance magnétique) des personnes alcooliques chroniques ayant un comportement normal peuvent avoir le cerveau littéralement atrophié. Mais il existe aussi des appareillages qui descendent au niveau des neurones constituant le cerveau ; ce qui peut être utile par exemple pour limiter les dégâts de l'ablation d'une tumeur cérébrale. Chaque neurone a un long prolongement appelé axone, sorte de câblage qui va jusqu'à l'extrémité du corps. Il se termine par des zones de jonction appelées synapses. Une seule cellule neuronale peut comporter jusqu'à 20 000 synapses entrant en contact avec les synapses d'autres cellules. Leur nombre total est estimé entre dix et cent milliards. Et chaque synapse peut envoyer jusqu'à 40 000 informations par secondes. Or le nombre de synapses diminuerait de 30 millions chaque seconde, bien plus qu'il ne s'en crée. Ce qui tend à prouver qu'à chaque seconde le cerveau a tendance, globalement, à involuer. Il se détruit très régulièrement y compris au niveau de l'espèce. C'est l'avis du Pr Marc Jeannerod, neurophysiologiste, membre de l'Académie des Sciences, fondateur de l'Institut des Sciences cognitives. « Il n'y a pas de néo-neurogénèse », écrit-il (in Sciences et Avenir, sept. 2007). Quoi qu'il en soit, la complexité du cerveau laisse à penser qu'il est impossible de réaliser un tel ensemble par la simple biologie. C'est alors qu'intervient l'informatique.
Nous avons tous constaté que le moindre ordinateur bon marché a une puissance bien supérieure à celle de l'homme ; il intègre des milliards d'informations, des dizaines de dictionnaires de traduction par exemple. Disons que pour le moins, il est capable de mémoriser, de dialoguer, de stocker, d'analyser en quelques secondes plus d'éléments que l'homme ne le fera dans toute une vie.
Le projet SyNapse
IBM entend prouver que les PC de demain pourront réfléchir et réagir de manière plus humaine que l'homme lui-même et veut réaliser un ordinateur capable de faire un tel exploit. Les ingénieurs du géant américain de l'informatique basé à New York ont annoncé avoir réussi à mettre au point le prototype d'une nouvelle génération de puces informatiques « cognitives ». Particularité de celles-ci : elles fonctionnent comme un cerveau. Une perspective qui rendrait possible une multitude de nouvelles applications pour ces machines faites de circuits et transistors. Par exemple, nous savons déjà que les banques font appel à des ordinateurs hautement programmés qui décident de vendre ou d'acheter des actions en bourse. Certes, souvent ils se trompent. Mais l'homme encore plus. IBM a appelé du nom SyNapse (1) le projet visant à réaliser ce que les synapses font chez les humains. Il s'agit ni plus ni moins que de fabriquer un cerveau artificiel capable de raisonner comme un humain. Par comparaison, les simples jeux d'échecs informatisés achetés 30 euros fonctionnent selon le même principe : il est impossible de les battre. De même, nos voitures ont des robots parlants qui prévoient les bouchons de la circulation par système global de positionnement (GPS).
Toutes les parties de SyNapse portent les mêmes noms que ceux utilisés en neurologie. L'arrivée sur le marché de tels appareils intelligents est prévue pour 2015. À quoi ceci peut-il servir ? À la même chose que le cerveau humain. Prévoir le temps qu'il fera, régler les problèmes mécaniques, biologiques ou sentimentaux.
Y aura-t-il encore des hommes demain ?
Conjointement la médecine a fait des progrès étonnants. Il est désormais possible de numériser les rêves et visualiser les pensées sur écran informatique. Ceci se nomme « l'imagerie interne », qui permettra par exemple de regarder ce que pense un homme dans le coma. À ce jour la vision oculaire a été numérisée. En pratique il s'agit de consigner ce qui se passe dans la tête. Des chercheurs de Berkeley en enregistrant l'activité cérébrale par imagerie médicale ont mis au point un logiciel qui apprend à reconnaître les formes et les couleurs que perçoivent les individus testés. Il est capable de reconstruire un contenu une vidéo complète de l'activité cérébrale. L'image numérisée peut bien sûr être transposée en données informatiques classiques. C'est la porte grande ouverte à l'enregistrement des pensées et à la compréhension du fonctionnement cérébral. Ceci se nomme « l'interface cerveau-machine ». Ce mot suppose l'inter-réaction entre l'homme et la machine. Et à terme la possibilité par retour de modifier les pensées.
Dans quelques années il sera possible d'imaginer que le projet SyNapse pourra bénéficier de telles découvertes. Les pensées seront littéralement injectées dans un ordinateur qui lui-même a déjà des possibilités infinies de réflexion grâce à SyNapse. En pratique le fonctionnement de l'intelligence humaine sera numérisé et stocké sur des microprocesseurs. Nous rejoignons alors les thèses de Nick Bostrôm qui dirige l'« Institut pour le futur de l'humanité » de l'Université d'Oxford. Les transhumanistes vont plus loin encore. Ils affirment qu'avec la miniaturisation exponentielle des microprocesseurs, tous les cerveaux de l'espèce humaine pourraient se concentrer dans une valise. Ce qui est certainement faux car les microprocesseurs ne sont pas indéfiniment réductibles.
Les robots pensants
Existent déjà au Japon des robots capables de répondre à un certain nombre de demandes et d'effectuer quelques actes courants de la vie comme préparer le thé. Paris Match a présenté un homme qui vivait avec une femme robot. Il pouvait échanger quelques mots avec elle, lui faire effectuer quelques actes courants et « elle » était capable de le satisfaire sexuellement. Mais disons que pour aller au-delà il faudrait que la mécanique se perfectionne. Des robots joueurs de billard ou violonistes ont été mis au point. Mais ceux-ci sont incapables de se débrouiller si leur environnement change et ils sont inaptes à avoir d'autres activités. Au Japon, Self Organizing Incrémental Neural Network (SOBVN) est un robot capable de s'adapter, de trier ce qui lui est demandé. Il devient de plus en plus intelligent car il se réfère à des expériences antérieures pour effectuer des actes qu'il n'a pas encore appris. Il est même capable de se mettre en contact avec d'autres robots pour demander des conseils qu'il intégrera dans sa mémoire. Si par exemple il est incapable de préparer le thé, il répondra qu'il ne sait pas mais va l'apprendre. Il se branchera de lui-même sur le Web et prendra contact avec un autre robot sachant effectuer une telle action et il l'apprendra. Exactement comme on apprend à un enfant à ranger ses jouets ou la table de multiplication. Il crée en lui-même un véritable réseau neuronal qui lui permet de s'adapter à l'environnement.
iCub est un petit robot ressemblant à un enfant de trois ans et demi. Il a été mis au point par une vingtaine d'universités conjointes car le projet est ouvert librement au monde entier. Il aurait actuellement l'intelligence d'un enfant de son âge. Il est capable de voir, d'apprendre, de réagir au toucher et même connaît l'anglais. C'est un être humain artificiel. Mais présentement la mécanique n'est pas encore au point car il ne marche qu'à quatre pattes. À quoi sert-il ? À apprendre comment la pensée se développe.
Fantôme d'humains
L'aéroport d'Orly est en train de s'équiper d'hologrammes. De quoi s'agit-il ? Vous cherchez la plateforme d'embarquement de votre avion. Une charmante personne vous répondra avec précision et politesse. En réalité vous avez devant vous un personnage virtuel qui vous accueille. Il n'est qu'une sorte de robot- image sans consistance, un fantôme. Il semble vrai, et le sera plus encore quand il sera réalisé en trois dimensions. Voilà qui est certes fort amusant. Dans la saga de La guerre des étoiles, Ben Kénobi apparaît de cette manière plusieurs fois. Cela se nomme téléportation sans dématérialisation du modèle. Avantages de l'hologramme humain d'Orly : économie de personnel et pas d'agression possible. Il est impossible de tuer une telle image virtuelle.
L'homme bionique
Pourquoi parler de la robotique et de l'hologramme ? La séquence est la suivante. SyNapse, le superordinateur à intelligence humaine, intègre les pensées et l'intelligence des hommes grâce à la numérisation de l'IRM. Le tout collecté sur un microprocesseur. Ce dernier a déjà des capacités programmées considérables. Il est implanté sur notre robot japonais SOINN possédant déjà des masses de données informatiques. SyNapse peut être aussi intégré à des hologrammes. À quoi arriverons-nous ? À un androïde infiniment plus intelligent que l'homme lui-même. Ce dernier sera littéralement largué par sa création et il pourra, s'il n'y prend garde, en devenir l'esclave ; mais surtout il sera devenu inutile. Un temps viendra où les hommes ne seront plus faits d'une âme d'une chair et de sang comme Dieu l'a voulu mais de métaux et de circuits informatiques. Ce sera la fin de notre humanité devenue virtuelle. Et peut-être même les cerveaux qui la dirigent. La réalité dépassera la science-fiction. Même Aldous Huxley ne l'avait pas prévu.
Reste à savoir qui tiendra le manche de la valise rassemblant toute l'humanité que certains veulent voir disparaître : Dieu ou un homme.
Jean-Pierre Dickès Présent du 22 octobre 2011
Président de l'Association catholique des Infirmières et Médecins www.acimps.org
(1) SyNapse : Systems ofNeuromorphic Adaptive Plastic Scalable Electronics. -
Science sans conscience n'est que ruine de l'homme
Lorsque la science se met au service du Meilleur des mondes, elle détruit l'humanité.
« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme », écrivait déjà Rabelais. Et cette ruine de l'âme fait la ruine de l'Homme. Comme l'écrit Jacques Attali dans un article dont Monde et Vie a précédemment rendu compte(1), les progrès techniques découlent des « valeurs » sur lesquelles se construit sous nos yeux le Meilleur des mondes « et s'orientent dans le sens qu'elles exigent ». Autrement dit, ils se mettent au service de ces prétendues valeurs (dans certains cas, car il ne s'agit pas ici de refuser le progrès scientifique en soi mais l'usage qui peut en être fait). À cet égard, Attali constate une progression de la pilule à la gestation pour autrui (GPA), autrement dit les mères porteuses, en passant par la procréation médicalement assistée (PMA). De la séparation de la sexualité et de la procréation, nous en arrivons en effet au divorce de la procréation et de la maternité.
Attali prévoit l'émergence à terme d'une « humanité unisexe », où des individus quasiment similaires, nantis pour les uns d'ovules, pour d'autres de spermatozoïdes, les mettront en commun pour faire naître des enfants, « seul ou à plusieurs, sans relation physique, et sans même que nul ne les porte. »
Science-fiction ? Reportons-nous à ce qu'écrivait dans l'un de nos récents numéros(2) le docteur Jean-Pierre Dickès : « on travaille actuellement à ce que l'on appelle une ectogenèse, un développement de l'embryon hors du sein maternel. L'utérus artificiel est devenu une réalité. » Dans le même article, le docteur Dickès évoquait aussi ; les travaux du docteur Craig Venter visant à créer un nouveau génome humain, ou encore la possibilité de « réaliser » (selon son expression) un enfant à partir du génome de deux femmes : il existe déjà dans le monde une trentaine d'enfants qui ont deux mères biologiques et le procédé est en cours de validation en Angleterre, précisait-il.
Le clonage humain est au bout du même chemin scientifique : pourquoi ne pas reproduire son double et accéder ainsi à une contre-façon de cette immortalité, à laquelle l'homme aspire mais dont Dieu seul était le maître jusqu'à présent ?
Cette vieille tentation luciférienne de la créature qui voudrait prendre la place du Créateur, ce rêve prométhéen, ne seraient-ils pas enfin, grâce à la science, à portée de main ? Le diable a endossé une blouse blanche ; et l'homme se rêve dieu.
Quand on touche à la génétique, une autre tentation se fait rapidement jour, celle de l'eugénisme. Si l'homme devient son propre créateur, pourquoi ne se créerait-il pas parfait et tout-puissant ?
Pour y parvenir, on commencera par éliminer les éléments défectueux, d'abord par le « dépistage » du handicap dans le sein maternel et l'avortement - mais rapidement, de manière moins archaïque, par la procréation artificielle et le tri génétique.
L'enfant choisi sur catalogue
Là encore, l'expérience est en cours et le progrès en marche. Aux États-Unis, où 1 % des bébés sont « produits » par PMA, existent déjà des cliniques telles que le Fertility Institute à Los Angeles, dirigé par le docteur Jeffrey Steinberg. Sur les 800 femmes qui y eurent recours à une fécondation in vitro (FIV) en 2009, écrit un journaliste du Monde Magazine qui y a réalisé un reportage(3), « 700 étaient en parfaite santé et auraient pu avoir un enfant de façon naturelle. Elles ont décidé de subir cette intervention coûteuse, contraignante et peut-être risquée dans un seul but : choisir le sexe de leur bébé. » Aux États-Unis, en effet, « le diagnostic génétique des embryons réalisé à l'occasion d'une FIV est légal quelles que soient les motivations des futurs parents. Trois jours après la fécondation de l'ovule, on prélève une cellule de l'embryon pour examiner son code génétique. » Reste à choisir à la carte : fille ou garçon ? Coût total de l'opération : 25 000 dollars.
Mais pourquoi s'en tenir au sexe de l'enfant ? Le docteur Steinberg a voulu proposer aux parents de choisir aussi la couleur des yeux de leur progéniture, mais une polémique déclenchée par les médias l'a obligé à y renoncer. Provisoirement, sans doute... Car il se prend à rêver : après tout, « depuis la nuit des temps, les parents rêvent d'avoir des enfants vigoureux, beaux, intelligents. Ils sont prêts à tous les sacrifices pour les aider à réussir dans la vie. »
Le docteur Zeringue exerce lui aussi dans une clinique californienne, où il propose aux couples un forfait à coût réduit (12 500 euros tout de même) pour pratiquer une FIV.
Pour pouvoir pratiquer ce « hard discount » de la fécondation in vitro, il a imaginé de promouvoir le don d'embryons surnuméraires offerts par les couples ayant déjà eu un enfant grâce à la PMA, et même de créer lui-même des embryons dans sa clinique - j'ai failli écrire : sa cuisine -, à partir de dons de sperme et d'ovules. « La clinique devient ainsi propriétaire des embryons, qu 'elle peut ensuite revendre, explique un article paru sur le site internet du consulat de France à Atlanta. Les futurs parents ont la possibilité de sélectionner leur embryon selon le profil de chaque donneur (taille, couleur des yeux...). Une fois que la clinique a réuni plusieurs couples s'accordant sur la même "combinaison" sperme/ovule, elle obtient alors par FIV une dizaine d'embryons (comme dans une FIV classique) qu'elle va ainsi répartir à travers les différents couples, chacun obtenant 2 ou 3 embryons provenant de la même fécondation. (...) Cependant, en faisant le choix de passer par cette clinique, les parents, qui payent moins cher, acceptent d'avoir un enfant avec lequel ils n 'auront aucun lien génétique et qui aura sûrement plusieurs frères et sœurs biologiques dans d'autres familles. » Mariages et incestes possibles à la clef...
Au bout du compte, le Meilleur des mondes recrée l'homme en le réduisant à la matière ; il n'est toujours pas parvenu à le doter d'une âme.
Hervé Bizien monde & vie 19 mars 2013
1.Monde et Vie n° 872, mars 2013
2.Monde et Vie n° 871, février 2013
3.Yves Eudes, La clinique des bébés sur mesure, Le Monde Magazine, juillet 2007 -
Écoracialisme (6) - Une géopolitique des écosystèmes
Voici, aujourd’hui, publié en avant-première, le sixième extrait du prochain livre de Frédéric Malaval, Ecoracialisme.
Après avoir présenté dans son introduction sa thèse selon laquelle des évolutions irrépressibles obligeront les différentes races humaines à vivre dans leur écosystème d’origine, Frédéric Malaval a développé plusieurs argumentaires qui se construisent à partir d’observations sur la société humaine, sur un certain confort de vie après les grandes calamités du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, sur « l’insondable origine des peuples » et, enfin, dans son cinquième extrait, sur une certaine modernité venue tout droit des Etats-Unis au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Dans ce sixième extrait, publié ci-après, son approche se fixe sur une géopolitique directement issue des écosystèmes, avec évidemment une évolution qui se fait et se défait au gré des ressources naturelles de la planète. polemia
(…) Cette approche écosystémique permet aussi d’éclairer la géopolitique associée aux deux révolutions industrielles des XIXe et XXe siècles.
La première révolution industrielle est la conséquence de l’utilisation du charbon dans les machines à feu, objet de la thermodynamique. (…) La seconde révolution industrielle a comme origine la substitution du pétrole au charbon comme combustible alimentant les machines à feu.
(…) Mais alors que l’utilisation du charbon repose sur la maîtrise politique des territoires où se déroule la première révolution industrielle, le recours au pétrole va changer la donne géopolitique. Il y a alors rupture avec une géopolitique traditionnelle associant territoire et ressources. Le jeu géopolitique est modifié par le recours au pétrole. En effet, de nombreux Etats n’ont pas ou plus la maîtrise politique des territoires où se situe cette ressource à l’origine des caractéristiques écosystémiques de leur société. Ce découplage alimente toute la géopolitique depuis les années 1930, période où le pétrole s’impose comme l’énergie du futur. Une nouvelle vision de la Seconde Guerre mondiale en est issue. Celle-ci opposa des empires (USA, Russie soviétique, Royaume-Uni, France, Chine) ayant la maîtrise politique des territoires où se situait cette nouvelle ressource, à des nations qui n’en disposaient pas (Allemagne, Japon, Italie). L’effort de guerre de l’Allemagne ne pouvait s’appuyer que sur les ressources pétrolières de Roumanie, l’obligeant à une stratégie reposant sur la Blitzkrieg, incapable qu’elle était de soutenir une guerre longue. Les trop faibles ressources naturelles du Japon et de l’Italie les plaçaient dans la même situation à l’origine du Pacte Antikomintern (1936) et le rêve de se retrouver ensemble, installés sur les gigantesques ressources de l’Eurasie centrale.
Cette approche éclaire les grands mouvements de cette période à l’origine du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. L’Italie engagea le mouvement en cherchant à conquérir les pétroles de la Libye ; l’Allemagne au printemps 1942 s’associa à l’Italie dans sa lutte contre le Royaume-Uni pour maîtriser l’Afrique du Nord tout en s’engageant au même moment vers les champs de pétrole du Caucase de la Russie soviétique. Le Japon, de son côté, optait pour la conquête des pétroles de l’Asie du Sud-Est (Philippines, Malaisie) après avoir été refoulé en Sibérie à la bataille de Khalkhin-Gol en 1939, là aussi contre la Russie soviétique. Par manque de ressources durables, ces trois protagonistes échouèrent dans leurs tentatives d’accéder au pétrole, laissant aux empires en place la maîtrise du monde. Le différentiel démographique entre les deux blocs n’est pas le seul responsable de ces défaites. Malgré les hautes qualités de leurs armées, l’impossibilité d’accéder au pétrole participa à leur échec.
(…) L’actualité rend compte quotidiennement des mouvements dont la finalité poursuit le jeu engagé dans les années 1930 et dont la justification est le découplage entre ressources énergétiques et souveraineté politique. Avant d’envisager la fin du pétrole comme énergie de référence, sa maîtrise politique est vitale pour les sociétés modernes ultra-complexes (ou ultra-artificialisées, c’est pareil) ne possédant pas cette énergie sur leur sol ou voulant empêcher les autres d’y accéder. C’est le grand jeu géopolitique depuis 1950. Une sorte d’écopolitique… Or, les données de cette écopolitique changent fondamentalement avec les évolutions que l’extension de la technosphère a permises sur l’ensemble de la planète. Le plus important est la forte croissance démographique que cela a engendrée en tous points du globe. La conséquence la plus directe est la fin de la suprématie européenne, tant démographique que technologique.
La question démographique a déjà été traitée. La question technologique mérite une attention particulière car elle est déterminante pour qu’un peuple existe en soi.
(…) Aujourd’hui, des savants berbères, arabes, turcs ou perses, mais qui travaillent souvent en Europe ou en Amérique, sont réputés dans de nombreux domaines. Ainsi, l’invention de la logique floue en mathématiques est attribuée à un Iranien. Mais il travaille en Amérique. Un constat s’impose : de l’Atlantique à l’Océan indien, le monde musulman a les personnalités pour maîtriser les techniques qui firent la force des Européens chrétiens.
Quant aux Africains, régulièrement stigmatisés pour leur refus d’embrasser la Modernité, leurs contributions les plus fameuses sont le téléphone cellulaire, le réfrigérateur, l’ascenseur, etc. Dans les années 1890, l’illustre Thomas Edison perdit même un procès contre un inventeur africain à qui il contestait l’invention du système de télégraphie à induction. Granville T. Woods gagna finalement les droits du brevet. Depuis, Woods est au monde africain ce qu’Edison est au monde européen.
(…) La conclusion à tirer de cette évocation est que la techno-science n’est plus l’apanage des Européens. Tous les peuples possèdent la capacité de créer une technosphère. Mais pour des raisons que les spécialistes étudient, ils avaient initialement refusé de surartificialiser leurs écosystèmes. Cela était-il nécessaire d’ailleurs ? La Modernité européenne, en revanche, a fait ce choix. Pourquoi les autres ne l’ont-ils pas fait ? Par sagesse écologique sans doute. En des temps où chaque peuple vivait sur le territoire dont il était issu, cela n’empêchant pas les mouvements intraclimatiques, une certaine forme de cohérence collective préservait les fondamentaux de chaque civilisation, forcément adaptée aux contraintes naturelles irrépressibles qu’elle vivait. Les cités grecques, par exemple, ne cessaient de se faire la guerre avant que Rome ne leur apportât la Pax romana IIe siècle av. JC), mais elles prenaient soin d’éviter de le faire pendant la période des récoltes les obligeant à des luttes brèves et violentes. Ceci est à l’origine du modèle grec de la guerre. En outre, les peuples étaient isolés les uns des autres : mers, montagnes et déserts limitant les migrations interclimatiques. En Europe, cet équilibre fut transgressé. Cela a permis à cette civilisation d’envahir l’écosphère, de détruire les autres civilisations, mais pas les peuples. Or, ceux-ci réagissent maintenant à la fois par la démographie et par la technologie.
(…) Le rêve d’une société mondiale unifiée par un ordre marchand sous la tutelle des Etats-Unis s’effrite chaque jour. Des manifestations quotidiennes de ces fractures saturent la Toile. Ainsi, en avril 2011, Superman décidant de renoncer à sa nationalité américaine pour embrasser « la citoyenneté du monde » provoqua une réaction d’indignation d’Américains refusant la symbolique associée à cette mutation. Même dans la matrice de la Mondialisation, le peuple s’interroge sur l’abandon des identités d’essence nationale.
Aujourd’hui, l’alternative apparaît limpide, reléguant dans les oubliettes de l’Histoire tous les autres antagonismes. A la mondialisation capitaliste est opposée une approche plus particulariste, mais qui se cherche encore. Alors que le monde est pensé par l’oligarchie mondiale européenne comme unifié par la mondialisation, il est en train de se fractionner. Les contraintes de tous ordres, mais surtout celles relevant de l’écologie, vont imposer à chaque peuple, dans un monde de 10 milliards d’habitants maîtrisant tous la technologie, de réintégrer son espace d’évolution naturel. Cela permettra, d’une part, de limiter autant que faire se peut l’artificialisation des écosystèmes et, d’autre part, de bénéficier des atouts « militaires » que donne le fait de vivre sur son sol pour s’opposer à d’éventuelles tentatives de conquête de peuples exogènes. Tout cela est positif car au sentiment de supériorité européen va succéder un monde diversifié où chaque peuple inséré dans son écosystème d’origine limitera ainsi son artificialisation au niveau suffisant lui permettant de vivre. La paix durable voulue par la Modernité se réalisera par la PostModernité. La fameuse guerre des civilisations que nous promettent les uns et les autres est donc un leurre car elle n’est écologiquement pas possible.
Frédéric Malaval Polémia 26/03/2013
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La Veuve Noire et "1984"
Cray Black Widow
On comprend bien que la traque aux terroristes et aux pédophiles motive une surveillance plus étroite des transmissions sur Internet, mais à tout le moins cette lutte légitime est le wagon de tête d'un train bien plus long qui officialise une surveillance inavouable au bénéfice des ayant-droits sur contenu (ils sauveront la Hadopi) mais surtout bien évidemment à celui des polices les plus basses. Médiapart peut s'inquiéter.
Si la propriété intellectuelle dans un monde aussi maillé que le Village Global reste un vaste débat, le flicage à grand débit d'Internet n'en est plus un, à voir ce qui se passe dans des pays équipés comme la Chine et la Russie. Voici quelques exemples triés par Korben tiré du draft de l'UIT :
- Détecter et bloquer des protocoles comme Bittorrent ;
- Détecter et bloquer la transmission de fichiers contenant des digital rights management (DRM) (gestion des droits numériques) ;
- Détecter et bloquer la transmission de fichiers en provenance d'une personne ou d'un serveur ciblé ;
- Détecter et bloquer la transmission de messages Session Initiation Protocol (SIP) contenant certains mots clés (protocole standard de gestion de sessions en télécommunications multimédia) ;
- Identifier certains serveurs en analysant les paquets qui circulent sur le réseau (pour probablement pouvoir le bloquer ensuite ou envoyer la police le débrancher) ;
- Mesurer le trafic engendré par certaines applications ou protocoles, pour le filtrer, le bloquer ou mettre de la qualité de service (QoS) ;
- Détecter et bloquer certains paquets de logiciels ou de jeux précis ;
- Identifier les gros uploaders de fichiers sur Bittorrent ;
- Identifier et bloquer la voix sur protocole Internet (VoIP) en peer to peer (P2P) selon certains critères ;
- Détecter un utilisateur précis de VoIP en P2P
Pour mieux comprendre il faut aller voir la NSA. Disons déjà que ce n'est pas un service secret puisque ses activités ont fait l'objet d'un reportage fouillé sur Arte le 24 novembre (clic). Au pire ce serait un service discret. La batterie de supercalculateurs Cray Black Widow abrités par l'agence permet de filtrer toutes les conversations provenant des Etats-Unis ou venant des Etats-Unis. On cible un interlocuteur, un réseau, un lieu, on enregistre tout, on écoute à l'envi, on note, on détruit, puis on patrouille les communications sur la base de mots-clés, comme le réseau Echelon en Europe, Essaim en France. Les supercalculateurs vous trient des millions de conversations par seconde en moins de temps qu'il n'en faut pour appuyer sur un bouton. C'est ce traitement super-efficace, le DPI, que viennent vendre à l'UIT des professionnels de l'espionnage que sont Alcatel-Lucent par exemple. L'intérêt des pouvoirs publics est tel qu'il semble plus facile de lutter contre le réchauffement de la planète que contre le flicage généralisé de nos conversations. On assiste à une mondialisation du Patriot Act de George W. Bush.
Pour faire bon poids, signalons aux naïfs qu'un portable éteint dans leur poche peut être activé à distance par l'opérateur et servir de micro ou de GPS à l'envers. L'imagination humaine est sans limites et la puissance cérébrale de l'espèce vaincra l'Ordre à la fin, mais avouons que ce sera sacrément dur. Pendant ce temps, passent dans les lucarnes de petits journalistes, affairés à de petites histoires dérisoires qui sentent le pipi, et tellement contents d'être là. Ils trahissent d'une certaine façon.
On attend avec intérêt la contribution et la décision de Mme Fleur Pellerin, ministre en charge de l'économie numérique auprès d'Arnaud Montebourg, qui jusqu'à récemment plaidait pour une confidentialité accrue des données personnelles transitant sur Internet et pour garantir la fameuse neutralité du Net. Elle prépare un texte d'application en France, mais avec la meilleure volonté du monde il sera sans valeur à l'autre bout du fil : « Je pense que nous pouvons nous engager à proposer au Parlement dans le courant de l'année 2013, vraisemblablement au premier semestre, un projet de loi sur ces questions, sur un corpus de règles qui permettrait de garantir la protection des données personnelles et la vie privée sur Internet ». Par chance, elle est capable et motivée. Fin de la session à Dubaï le 14 décembre. -
Nombre d’or
Le nombre d’or est tiré de la suite mathématique de Fibonacci (1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, 55, 89, 144…) : chaque terme est égal à la somme des deux nombres qui l’ont immédiatement précédé.
Plus on va loin dans la série, plus le résultat de la division d’un nombre par le précédent tend vers 1,618 (nombre d’or). Inversement, si l’on divise un nombre de la suite par le suivant, on obtiendra un résultat qui tend vers 0,618 (ratio d’or).
Le nombre d’or a été utilisé dans le domaine de l’art (peinture, architecture, musique…), mais on le rencontre également dans la nature (de la spirale logarithmique d’une coquille d’escargot à celle d’une galaxie, en passant par les proportions du corps ou du visage humain).
Dans le domaine de l’analyse technique, le nombre d’or, ou le ratio d’or, est utilisé pour évaluer le potentiel des cycles (extension des vagues de 1,618 ou correction des vagues de 0,618).
Ainsi, par exemple, la vague C mesure très souvent 1,618 fois l’amplitude de la vague 1. Les ratios de Fibonacci sont employés en pourcentage : 38,2 %, 50 % ou 61,8 %.
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Ce que le numérique fait au travail… et réciproquement
C’est essentiellement sous l’angle de l’emploi et de la crise économique que la question du travail se pose aujourd’hui dans les médias. Or depuis les années 90, les économies des pays de l’OCDE se caractérisent par une croissance faible (ponctuée de crises économiques régulières) et un taux de chômage élevé. Le temps de travail a diminué de manière constante, l’emploi à temps partiel a augmenté ainsi que le chômage longue durée. La part du travail dans le Produit intérieur brut a elle aussi diminué. De là à croire que le travail rapporte moins, il n’y a qu’un pas…
Une crise du marché de l’emploi qui cache des évolutions plus profondes des pratiques de travail
Vis-à-vis de ces “tendances de fond” observées sur deux décennies dans presque tous les pays de l’OCDE, l’impact des technologies numériques est habituellement pointé à deux titres :
- Elles constituent le principal support de la globalisation, de la mise en réseau de l’économie et de sa financiarisation, produisant en particulier une très forte interdépendance et une mise en concurrence mondiale des économies comme l’expliquait déjà Manuel Castells dans La société en réseau ;
- Elle accélère la croissance de la productivité du travail ; productivité qui transforme les tâches, les fonctions nécessaires à l’activité, et en particulier en diminue le nombre. Dès 1995, Jérémy Rifkin dans La fin du travail prévoyait que les TIC, ayant gagné tous les pans de l’économie (suite à l’informatisation massive des entreprises et des marchés financiers durant les années 80) conduiraient à une productivité très forte des entreprises, et une “croissance sans emploi”.
Aujourd’hui même, l’économie numérique, secteur de grande productivité et porteur de croissance, se révèle peu créatrice d’emplois, à l’image de la Silicon Valley en perte nette d’emplois depuis 15 ans. Les auteurs de l’Age de la Multitude y voient là les signes d’un affaiblissement du “travail” au profit de “l’activité” :
“Depuis dix ans, on croit que le numérique va créer des emplois. Or il crée peu d’emplois directs, et contribue plutôt à supprimer des bureaucraties ou des rentes. L’optimisation sans précédent qu’il permet (dans le domaine de la consommation, des services) devrait contribuer à faire baisser le travail, au sens ancien du terme. Mais pas l’activité : car en amont du travail proprement dit (produire un service, un bien, un contenu), on voit se développer toute une activité de veille, d’autoformation, d’e-réputation, de connexion, d’échanges, d’expérimentations…”.
Derrière les problématiques d’emploi pourraient bien se cacher des évolutions profondes de ce qui pourrait/devrait être reconnu comme du “travail productif”.
Le numérique, à l’origine d’un malentendu croissant entre les individus et les organisations ?
Des débuts de l’informatisation des entreprises (années 80/90) à la démocratisation des outils (à partir des années 2000), le numérique a outillé des évolutions successives dans les manières d’organiser le travail et de le contrôler, dans les manières de produire et de commercialiser, générant beaucoup de changements, et donc de tensions.
Le développement des systèmes d’informations (les progiciels de gestion intégrés, les environnements de développement intégrés…) a souvent été synonyme de gains de productivité, mais aussi de nouvelles formes de bureaucratie, de taylorisme, et de surveillance.
Le découpage (unbundling) possible de toute la chaîne de valeur a permis de nouvelles souplesses dans la production (le mode projet, la “production juste-à-temps”) mais a aussi facilité les externalisations, les délocalisations…
L’individualisation des équipements, leur portabilité et l’informatique dans les nuages sont en train de modifier les conditions de travail comme le soulignait la récente note d’analyse du Centre d’analyse stratégique sur l’impact des TIC sur les conditions de travail, et d’en faire éclater l’unité de temps et de lieu. On travaille plus facilement à distance, en mobilité, à des heures décalées. Un des effets les plus communément ressentis est celui d’un brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie privée : on travaille de chez soi, on gère des communications personnelles – téléphone, sms, tweet – pendant les heures de travail. On amène au travail son équipement personnel (le phénomène Bring your own device, Byod), plus performant, moins bridé. On utilise l’équipement professionnel à des fins personnelles (films, jeux pour enfants…).
Cela engendre en particulier deux tensions :
1. Celle liée à l’injonction paradoxale d’une “autonomie sous contrôle” faite au travailleur connecté : d’un côté on attend de lui autonomie, prise d’initiative, responsabilité, et de l’autre on contrôle en temps réel ses résultats, ses déplacements, ses communications…
2. Celle liée à la coexistence dans le temps et dans l’espace des activités contraintes, choisies, personnelles, de loisirs, etc. Si le “travail-gagne pain” ne réussit pas sa mue en “sources d’épanouissement ou réalisation de soi“, il court le risque d’un investissement moindre de la part des individus. Le rapport au travail se construit aujourd’hui, et peut-être plus fortement encore chez les jeunes générations, autour d’attentes expressives et relationnelles très fortes.
Cette dernière tension pourrait en outre être renforcée par une montée des revendications autour du “travail gratuit” (qu’on appelle le digital labor). L’économie sous-jacente aux réseaux est en train de mettre à jour de nouvelles formes de production de valeur, basées sur la captation des traces d’usages. Par là, c’est la notion même de “travail” qui est bousculée puisque toutes activités développées sur les réseaux (la production ou le partage de contenu, les réseaux sociaux, la navigation, les recherches…) constituent une forme de travail gratuit alimentant “l’Internet-Factory”. Cette tension montante entre travail et activité est forte de conséquences, car “l’activité” n’est pas encore source de revenus, alors même qu’elle est sous-tendue par des dépenses publiques importantes d’éducation, de protection sociale, d’accès aux réseaux… Si de nouvelles fiscalités se cherchent autour de la captation des données, cela ne constitue d’un début de réponse.
En attendant, le malentendu entre les organisations et les individus va croissant. Les entreprises avouent leurs difficultés à obtenir de leurs collaborateurs l’engagement et l’audace qu’elles en espèrent. Les individus disent ne pas trouver dans les organisations, le contexte pour “se réaliser”. Ils se sentent souvent peu écoutés, mal reconnus dans leurs efforts. Ils s’investissent moins dans des entreprises qui, sentent-ils, investissent moins en eux.
La flexibilité n’a pas été cet opérateur magique attendu, entre les attentes des entreprises en matière d’adaptation aux fluctuations des marchés, et les aspirations des individus, en matière d’autonomisation et de construction d’itinéraire professionnel diversifié et sécurisé.
Pour éviter le divorce, il devient urgent de re-questionner ce qu’est le travail à l’ère du numérique, au regard de ses différentes caractéristiques : production de richesse, obtention de revenu, liberté de création, épanouissement personnel, obtention de droits et de protection…
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Le gaz de schiste : bulle spéculative ou solution miracle ?
Un peu partout dans le monde, des voix s’élèvent pour dénoncer le mythe du gaz de schiste. Outre la bulle spéculative qu’elle est en train de produire, cette escroquerie ne sera pas sans lourdes conséquences pour les États-Unis. En effet, l’Administration Obama s’est auto-persuadée que le pays se dirigeait vers une indépendance énergétique durable.
- Avec un beau graphique, c’est très convaincant
Il n’y a pas de débat sur le gaz de schiste ; s’agit-il d’un miracle de la technologie US, comme nous le crient sur tous les toits les médias anglo-saxons, ce qui relèverait d’un exploit prométhéen, ou bien d’une vulgaire bulle spéculative gonflée par les tenants de la gouvernance financière, thèse défendue par le centre de réflexion géostratégique DeDefensa.org, qui a son siège à Bruxelles [1] ?
Or ce débat a tout lieu d’être, puisque c’est de sa conclusion que dépend la nouvelle place imprenable à laquelle aspirent les USA : puissance énergétique globale capable de rivaliser avec la Russie et l’OPEP, si la manne gazière se confirme, ou tentative publicitaire piteuse pour retarder la décadence de la jadis superpuissance unipolaire ?
Un ami banquier haut placé qui demande à garder l’anonymat est d’avis que le fracking (la fracturation de la roche à 4 000 m de profondeur, grâce à une énorme quantité d’eau) est une autre opération d’intox, car ce n’est absolument pas viable. Il ajoute que les investissements en fracking sont un gouffre, et que les liquidités générées par la vente de pétrole ne suffisent pas à financer la croissance nécessaire à cette nouvelle industrie, parce que les puits ouverts par fracking s’épuisent très vite ; pour une production soutenue à un certain niveau, il faut ouvrir constamment de nouveaux puits. C’est indispensable et ne suffira guère qu’à maintenir un niveau de production donné.
« Ce procédé n’offre pas les avantages de la production traditionnelle de pétrole, qui a été source prodigue de liquidités nettes, servant à l’expansion de la production ou à l’investissement dans d’autres secteurs. Non, le fracking dévore toutes les ressources ; il lui faut des emprunts gargantuesques, et un jour, cela provoquera une crise. Au final, cela s’avèrera être tout juste une nouvelle manœuvre de Wall Street pour attirer les petits investisseurs, qui cherchent désespérément des placements rentables, et se jetteront sur le miroir aux alouettes. »
Le raisonnement est fort convaincant, d’autant plus qu’Aubrey McClendon, fondateur de Chesapeake Energy, le plus grand producteur de gaz naturel aux US, vient de se voir obligé de démissionner, par ses investisseurs, faute de produire des bénéfices, tandis que l’entreprise s’est gravement endettée ; c’est un effondrement financier qui découle de la chute des prix du gaz naturel, et du manque de liquidités [2].
De son côté, le site DeDefensa.org annonce la fin du mythe de la révolution par le gaz de schiste d’ici à 18 ou 24 mois au grand maximum. Il a déjà créé une rubrique « shalegas-gate » et considère la production de puits comme « l’arme de destruction massive » [qui viendra à bout des USA], en revenant sur le retentissant échec de Chesapeaky Energy. Bref, les EUR (estimated ultimate recovery), dividendes finaux estimés, ont été très surestimés [3].
Les pétrogéologues et géophysiciens indépendants qui ont dénoncé le mirage des EUR ont bien entendu été évacués des grandes conférences internationales sur le thème Pétrole et Gaz. Mais la chasse aux sorcières n’a pas suffi à faire taire les sceptiques, et le New York Times a été contraint d’avancer l’idée que peut-être les chiffres de l’industrie gazière étaient manipulés [4].
On a assisté à une énorme production de gaz naturel aux États-Unis ces dernières années, ce qui a rendu possible une analyse affinée de la production des puits perforés, et l’on découvre que la production a été bien inférieure aux pronostics.
Le géologue Arthur Berman, qui a travaillé pour Amoco (société pétrolière de Chicago, l’ex-Standard Oil) pendant 25 ans, a analysé trois domaines historiques : Barnett, Fayetteville et Haynesville ; il dévoile l’hyperinflation que connaissent les EUR, et que l’on cache aux investisseurs éblouis à souhait par les banquiers, et qui ne connaissent rien aux subtilités du gaz de schiste.
Aux antipodes, on a un rapport de l’Agence Internationale pour l’Énergie — qui a été plusieurs fois surprise à mener des opérations de désinformation — qui annonce tout de go que les grandes exploitations de gaz associée au pétrole à Eagle Ford, Utica, Marcellous et Bakken doivent permettre aux USA de devenir le premier producteur de pétrole en 2017, avant l’Arabie saoudite [5].
Mais DeDefensa cite à son tour l’ingénieur géologue texan Gary Swindell, qui divise par deux la production des fabuleux puits d’Eagle Ford [6].
Et l’agence britannique Reuters quant à elle émet des doutes sur le fabuleux secret de l’Utah, les champs miraculeux d’Utica [7].
Quoi qu’il en soit, et malgré les faits probants, l’industrie gazière dédaigne les experts isolés qui osent s’en prendre à l’infaillibilité de l’AIE.
Pourtant, comme le souligne DeDefensa l’agence gouvernementale US Geological Survey a publié en août 2012 un rapport qui corrobore les découvertes des sceptiques, qui accèdent désormais au rang de réalistes [8]. En fait, DeDefensa, fort pessimiste, doute des capacités techniques à l’œuvre, et non plus seulement des chiffres allègrement empilés par le chef de l’AIE, Fath Birol, l’économiste discutable qui a annoncé le 12 novembre 2012 qu’en 2017 les US seraient le premier producteur mondial de pétrole.
Le gaz de schiste fera donc sans doute partie du panier énergétique états-unien, mais ce ne sera pas un perturbateur du jeu géopolitique, car les USA n’exporteront pas de GNL (gaz naturel liquéfié). La Russie ne va pas se voir menacée sur le marché européen, et les projets australiens de gaz naturel liquéfié pourront être menés à leur terme.
Qui plus est, le gaz de schiste ne sera pas bon marché, de sorte que ses prétentions à révolutionner la donne stratégique vont peut-être faire du Mexique néolibéral (représenté par un gouvernement incapable de recul) le dindon de la farce.
Alfredo Jalife-Rahme http://www.egaliteetreconciliation.fr
Traduction : Maria Poumier
Source : La Jornada (Mexique)
Notes
[1] DeDefensa.org est le site internet de la revue DDE Crisis, disponible sur abonnement 22, rue du Centenaire, B-4624 Fléron, Belgique. Tél. : + 32 4 355 05 50, Fax : + 32 4 355 08 35.
[2] « Breakingviews : SEC goes where Chesapeake board feared to tread », par Christopher Swann, Reuters, 1er mars 2013. « La SEC a assigné à comparaître l’ex-patron de Chesapeake », AFP, 1er mars 2013.
[3] « Gaz de schiste : à la “bulle” nul n’échappera... », I, II, III, DeDefensa.org, 16 novembre 2012, 11 et 16 janvier 2013.
[4] Le 26 juin 2011, le New York Times a mis en ligne quantité de documents officiels posant de sérieux doutes sur les espoirs mis dans le gaz de schiste.
[5] World Energy Outlook 2012, Agence Internationale pour l’Énergie, 12 novembre 2012.
[6] Cité in « $8 Natural Gas : We’re Right On Schedule », par Richard Finger, Forbes, 14 octobre 2012.
[7] « Insight : Is Ohio’s "secret" energy boom going bust ? », par Edward McAllister et Selam Gebrekidan, Reuters, 22 octobre 2012.
[8] Variability of Distributions of Well Scale Estimated Ultimate Recovery for Continuous (Unconventional) Oil and Gas Resources in the United States, U.S. Geological Survey Oil and Gas Assessment Team. Document téléchargeable.
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La science contre l'utopie
Pourquoi la biologie se voit-elle traitée de science réactionnaire et fasciste ? Sans doute, parce qu'en étudiant l'homme scientifiquement et honnêtement, elle fait pièce aux utopistes rousseauistes, marxistes et aux nouveaux loups enfarinés qui prennent aujourd'hui leur relève.
Henri de Lesquen et le Club de l'Horloge nous présentent ici une admirable synthèse de la science moderne et aussi le fruit de leurs réflexions. Gros ouvrage (313 pages avec les notes et la bibliographie), aucune illustration graphique mais de nombreux exemples et les références aux travaux des savants les plus prestigieux (et les plus sérieux) de notre époque.
Nous ne présenterons pas au lecteur l'aspect pédagogique de leur ouvrage ; nos auteurs, qui comptent parmi les vraies « grosses têtes » françaises, démontrent absolument tout ce qu'ils avancent et démontent les hérésies de l'idéologie égalitaire (1).
C'est la faute à Rousseau
La première partie de ce livre se nomme fort justement : « L'utopie et la mort ». Elle démolit, avec une précision féroce, l'utopie de l'égalitarisme. Le doux (?) Jean-Jacques Rousseau porte la responsabilité des crimes de la révolution française et, indirectement, de tous ceux (combien de millions d'êtres ont disparu dans ce colossal holocauste ?) commis par la prise et le maintien au pouvoir des communistes. L'excellent style de ses ouvrages, entre autres « le Contrat social » et «l'Emile», cache ses erreurs de pensée - et leur flou - mais aussi sa haine sous-jacente contre la société. On connaît la ritournelle : l'homme naît naturellement bon, la société le rend mauvais. Aux origines, l'homme vivait seul dans une nature amicale puis il rejoignit ses semblables et se pervertit. Pauvre Jean-Jacques ! Il oublie - et pourtant la science de son époque ne l'ignorait point - que l'homme vécut en société depuis les origines et que la nature n'a rien d'un jardin à l'anglaise. Et l'homme est naturellement agressif. Qu'on le change donc et le « doux philosophe » aboutit au despotisme, s'en réclame même ; et de préciser : « ... tous les particuliers redeviennent égaux parce qu'ils ne sont rien ». Autrement dit, pour Rousseau, 1 n'est pas 1 mais 0 égale 0.
Marx et quelques autres
Rousseau croyait en la déchéance de l'homme. Marx voulait le renvoyer au paradis perdu. On connaît le sort de ses prétendues théories scientifiques (le socialisme scientifique opposé, O dérision, au socialisme utopiste !); huit ans après leur publication, sa théorie sur la valeur du travail tombait en désuétude et elle représentait la base de tout son édifice ; mais comme le font remarquer nos auteurs, les doctrines de Marx s'emboîtent comme les poupées russes : purement économiques, elles contiennent un sous-produit social selon lequel l'individu, élément statistique, doit être considéré comme négligeable. Marx a déduit, de faits isolés, des règles générales et on connaît le sort de son réductionnisme : rien de ce qu'il a prévu ne s'est réalisé. Pire, en s'inspirant d'autres travaux, comme ceux de Darwin, il a mal compris, il a cru que l'homme était indéfiniment malléable, qu'il suffisait de l'éduquer pour en faire l'homme nouveau, l'homo communiste. Ses successeurs ont cru que Lyssenko leur apportait la solution finale : la transmissibilité des caractères acquis (comme si en coupant un bras à plusieurs générations successives de singes, on obtiendrait enfin un chimpanzé manchot !). Quant à Pavlov, expérimentant sur des animaux de laboratoire au moyen d'un système de « récompense-punition », il devait faire progresser l'acquisition de nouveaux comportements (dés lors, il suffisait de combiner les travaux des deux hommes ... ).
L'utopie du XXe siècle
Tout comme les idées de Rousseau, la doctrine marxiste-léniniste débouche fatalement sur l'utilisation de la violence et de l'oppression. Les goulags soviétiques, les génocides d'Indochine et du Cambodge le montrent à foison. Jamais le prolétariat n'a été soumis à une pression aussi dure et aussi avilissante par une stratification de classes, une hiérarchie pire que celle des tsars. Le marxisme passe de mode. Direction : les poubelles de l'histoire mais comme notre intelligentsia - quoi qu'elle s'en défende - ne respecte que la force, elle se tourne vers une nouvelle utopie venue d'Amérique du Nord. Elle y influença considérablement les penseurs et les hommes politiques ; elle refuse pudiquement la responsabilité des crimes du marxisme ; elle a impressionné les « nouveaux philosophes » qui croient de moins en moins en Marx au bénéfice de Rousseau («... de Scylla on retourne en Carybde », remarquent nos auteurs). Mais ne nous y trompons pas : cette nouvelle utopie nous promet les affreux lendemains de la terreur française et des camps de concentration soviétiques ou chinois. Ces loups enfarinés continuent à prêcher, contre toute évidence, l'utopie de, l'égalitarisme et son corollaire, l'environnementalisme.
Un rat = un homme
Cet égalitarisme forcené amène les nouveaux utopistes à faire table rase de toutes les hiérarchies et aboutit tout aussi fatalement au collectivisme. Mais enfin ces censeurs ne sont pas spécialement des imbéciles ; ils se rendent compte que la science moderne contredit formellement leurs élucubrations. Peut-être faut-il voir là le ressentiment de gens qui se sentent d'une façon ou de l'autre opprimés ou encore le moyen idéal de réaliser leur volonté de puissance à leur bénéfice ? En fait, nos auteurs voient en toute idéologie une « combinaison, souvent explosive, d'une passion et de l'esprit de système ». Une de ces théories parmi les plus dangereuses est le behaviourisme (ou théorie du comportement). Utilisant des animaux de laboratoire sélectionnés (ils ont éliminé ceux vraiment trop rebelles à leurs expériences), ils ont tiré de méthodes de laboratoire uniquement (jamais, ils n'ont expérimenté sur des animaux sauvages), les grands principes de leur fausse science : on peut apprendre n'importe quoi à n'importe qui ; chaque être humain naît avec en place de cerveau une « page blanche » que le milieu et les circonstances remplissent ; il suffit de le faire dans le « bon sens » pour aboutir à la société idéale. Que les autres sciences, les vraies, comme la biologie ou l'éthologie, les contredisent, aucune importance : par distorsion, ils modifient le sens des mots (comme, par exemple, pour l'hérédité qui, pour eux, n'existe pas) ou qualifient leurs contradicteurs de sciences non-neutres, donc engagées, lisez fascistes.
Et pourtant ...
... chaque homme est un individu physiquement, moralement et intellectuellement différent des autres. Les découvertes de la génétique nous ont montré les rôles des chromosomes et décrit les différences génétiques. Force est donc, malgré les «répugnances» des égalitaires, à l'impact de l'hérédité et à celui de l'éducation spécialement au sein de cette « niche écologique » qu'est la famille (Voici d'ailleurs une des raisons pour laquelle la famille sert de cible aux autoritaristes-égalitaristes). Les recherches modernes ont démontré qu'il existe une certaine part d'héréditabilité de l'intelligence (étudiée par des méthodes comme la mesure du quotient d'intelligence - le Q.l. -, apparemment un «facteur g» représentant l'intelligence générale). Autre élément mais qui mérite des études supplémentaires : l'héritabilité de certains caractères de la personnalité.
Résumons très fort : l'individu subit la culture de la société où il vit : elle lui est imposée quelle que soit sa biologie propre. Mais dissocier ces deux ordres de fait revient à commettre un sophisme, c'est-à-dire à oublier que le tout n'est pas la somme de ses parties.
Autre erreur : raisonner à partir d'un individu moyen ou statistique, en oubliant les personnalités qui, par leur envergure, ont influencé le cours de l'histoire (Napoléon, par exemple).
L'homme est un animal
Jean Rostand le dit et il situe même assez facilement notre espèce humaine dans ce règne. Proches de nous sont les primates, au point que, chez eux, il a été possible de repérer nos groupes sanguins les plus répandus et de donner du sang de chimpanzé, sans inconvénient par voie intraveineuse, à un homme. Mais, et retenons bien ceci, tout l'homme n'est pas dans l'animal. Ainsi, des chimpanzés font preuve d'intelligence, mais « seule la pensée conceptuelle et le langage qui apparaît avec elle rendent la tradition indépendante de la présence de son objet en créant le symbole libre lui permet de communiquer des faits et des raisonnements dans la disponibilité matérielle des objets qui le concernent » (Conrad Lorenz). Et, répétons-le une fois de plus, le tout est plus que la somme de ses parties, du moins dans les sciences humaines.
Comprendre l'homme
Les behaviouristes ont obtenu tous leurs succès en travaillant sur des bêtes de laboratoires, sélectionnées et dégénérées, jamais sur des animaux en liberté. Cette lacune sera comblée par la nouvelle école : appliquant leurs trouvailles à l'homme, elle va découvrir l'explication de bien des secrets de la loi naturelle. Rappelons les principaux : la toute-puissance de l'instinct, condition de la liberté comme l'a montré Lorenz, et surtout l'agressivité.
L'agressivité, cette méconnue
C'est une pulsion qui fait agir spontanément l'homme et l'animal. Elle ne dépend pas d'une série de frustrations (quoique le cas soit parfois possible) mais définir l'agressivité revient à se poser la question : « A quoi le mal est-il bon ? ». Disons que selon Lorenz, « c'est un instinct de combat (...) dirigé contre son propre congénère ». Soit, mais encore ? Ses fonctions principales :
• elle sert à organiser une vie autonome au sein de l'espèce ; la sociabilité permet à l'homme de vivre avec les autres tout en s'affirmant comme autonome au sein de la société.
• elle contribue au développement culturel en permettant la répartition des tâches et l'équilibre de la vie.
• elle maintient l'équilibre psychique en utilisant le potentiel énergétique de chacun (comme, par exemple, la recherche scientifique).
• elle confirme son impact sur le monde extérieur (esprit de recherche, de découverte ... ).
A l'inverse, on peut affirmer que, là où l'agressivité est trop durement réprimée, naissent les névroses issues des frustrations.
Nécessaire, mais ...
Si, chez l'animal, cet instinct d'agressivité reste réduit à des limites raisonnables (si on peut dire !), il n'en va pas de même chez ses frères supérieurs. Il importe d'inhiber cet instinct, de le ritualiser, de le canaliser en quelque sorte pour l'empêcher de devenir purement destructeur. Le canaliser ? Oui, mais comment ? Vers des disciplines sportives, vers la recherche scientifique, la découverte et l'exploration de l'espace (jadis, les tournois de chevalerie remplirent admirablement leur fonction de ritualisation).
A notre époque, cette canalisation devient d'autant plus indispensable que l'entassement urbain supprime la distance de sécurité à laquelle des humains peuvent se supporter. Les petits loubards de quartier sont là pour le démontrer mais l'utopie égalitariste préfère accuser la société et s'attendrir sur leur triste sort que sur celui de leurs victimes (comme ce fut le cas de l'assassin d'un enfant !).
La dominance
L'instinct de dominance mène à établir une hiérarchie entre les individus, hiérarchie indispensable si l'on veut voir fonctionner la société. Si l'on en veut un exemple irréfutable, il suffit de regarder une organisation qui se veut égalitaire, celle qui proclame la dictature du prolétariat : l'U.R.S.S. En réalité, pour faire fonctionner n'importe quel type d'organisation humaine, il faut laisser agir cet instinct de dominance qui aboutit à la hiérarchie, indispensable conservatrice des élites qui doivent mener les affaires publiques.
Nature ou culture
Le rousseauisme renaît. Il prend des formes diverses dont l'écologie et le Club Méditerranée (la « civilisation égalitaire, artificielle et provisoire des cocotiers, de l'île perdue, du paradis retrouvé »). Mais ce retour à la nature suppose un abandon des valeurs culturelles, une récession de notre civilisation jusqu'à l'abrutissement total. Que l'on se souvienne des différents « enfants sauvages » dont le premier baptisé Victor et trouvé en 1800 : les dégâts cérébraux dus au manque de formation intellectuelle sont toujours irréparables. « L'homme à l'état de nature, ce n'est pas un rêve, c'est un cauchemar. » En bref : la culture seule permet à l'homme de développer son cerveau pour répondre aux défis que lui lance la nature. Or les théories égalitaires et leurs sous-produits, le manque de contraintes culturelles de la civilisation, font naître cette « tiédeur mortelle des sentiments » dont parle Lorenz.
Et de plus, hélas, le laxisme des faux princes qui nous gouvernent leur fait oublier que gouverner, c'est contraindre et, à force d'accorder trop de liberté, ils finiront par tuer la Liberté.
La caféaulaitisation
Barbarisme. A tous les points de vue. Les utopistes égalitaristes veulent mélanger toutes les races humaines pour obtenir un être humain couleur café-au-Iait et aux yeux légèrement bridés. Du coup, et les mondialistes s'en pourlèchent d'avance les babines, les barrières nationales tomberont et l'humanité connaîtra la paix. La paix éternelle, celle des tombeaux car, dans ce cas, l'homme cessera d'exister et cédera la place à une peuplade de robots au service de quelques poignées d'illuminés.
Le pari de la liberté
Notre humanité, notre monde, notre cosmos disparaîtront un jour mais de mort naturelle. En attendant cet inéluctable perspective, nous devons nous défendre contre le péril mortel que nous fait courir l'égalitarisme. Existe-t-il un remède ? Certes. Cultivons notre liberté et ses responsabilités en suivant les leçons de la loi naturelle, celle surtout de la hiérarchie qui crée les élites. Une nouvelle chevalerie surgira qui sauvera notre monde. C'est ce grand livre passionnant qui le démontre.
A. SITTINGER
(1) : Henry de Lesquen et le Club de l'Horloge: «La politique du vivant», Albin Michel, Paris, 1979.
Qu'est-ce que l'éthologie ?
Malgré l'anthropologie (étude de l'homme) qui se consacrait plutôt à l'étude physique de notre espèce, l'ethnologie (rattachée à la sociologie) qui s'adonnait plus à l'étude de peuplades africaines ou polynésiennes qu'à l'espèce elle-même, la véritable science de l'homme faisait peu de progrès. Les premières notions d'éthologie vinrent des Anglo-Saxons et le terme «ethology» a pris aujourd'hui le sens de biologie du comportement.
C'est une science comparative : elle observe le comportement des animaux pour y découvrir l'origine et la fonction de ces comportements (à partir d'animaux d'espèces différentes).
Parmi ses plus grands représentants, citons Lorenz et Eibl-Eibesfeldt qui rencontrèrent d'ailleurs de très vives critiques de la part des «savants» behaviouristes et marxistes dont ils contredisaient les assertions fallacieuses en se basant sur des faits scientifiques.
Lyssenko ou l'évolution contrôlée
En 1937, Trofim Lyssenko, agronome soviétique, s'en prend à la génétique classique (fasciste, bien sûr). Il affirme sa théorie selon laquelle il est possible de rendre héréditaire les caractères acquis. Tout simplement : si vous coupez la queue à plusieurs générations de souris, vous finirez par obtenir des souris naissant dépourvues de cet ornement. De même, si vous formez des générations de bons citoyens soviétiques, chacun spécialisé dans sa tâche, vous obtiendrez des bons citoyens par droit de naissance. Une armée de robots. Les vrais savants (russes) qui osèrent le contredire périrent dans les camps de concentration et maintenant encore, l'économie et l'agriculture soviétiques ne se sont pas remises des élucubrations de ce charlatan.
Un aspect de l'égalitarisme moderne
« Echec et maths », ainsi ont baptisé ce chapitre les spirituels auteurs de « La politique du vivant » et d'expliquer : la mathématique moderne fait appel à des notions de la théorie des ensembles ; cette sorte de philosophie des mathématiques s'adresse aux mieux doués en cette matière, capables d'un haut degré d'abstraction : pour les autres, elle est susceptible de provoquer non seulement des échecs graves mais encore ce que Stella Baruk, elle-même ancien professeur, a nommé une « névrose mathématique ».
Comme les parents, formés aux mathématiques classiques, s'avèrent incapables d'aider leurs enfants, les plus pauvres en seront victimes puisque les classes les plus aisées seront seules capables de payer des « Cours de rattrapage ». Signalons, pour être justes, que la Belgique, toujours à l'avant-pointe du progrès en matière d'égalitarisme, a fait supprimer les examens, ce qui permet d'éviter de faire redoubler une classe : on est tous égaux, non ?
le nouvel EUROPE MAGAZINE mars/avril 1979Lien permanent Catégories : actualité, culture et histoire, lobby, Science et techniques, tradition 0 commentaire -
Le règne technocratique :
«Les dimensions de l’entreprise néo-radicaliste, avec ses ambitions, ses rouages, ses tentacules européennes, son arsenal financier, cette volonté de vampiriser les masses s’apparente beaucoup à une prise de pouvoir totalitaire » Dominique de Roux
L'instabilité, l'hétérogénéité du personnel politique des IIIe et IVe Républiques ont en effet permis l'apparition d'une nouvelle classe dont la Ve République devait consacrer le règne. Le changement régulier du personnel administratif, non seulement empêche une intégration locale de celui-ci mais rend le service parfaitement anonyme. Telle est l'origine du transfert progressif des pouvoirs aux technocrates. La planification devait les conduire à proposer un Etat apparemment plus fort et plus stable : ce fut l'origine de la Ve République. Dans le même temps, le secteur privé devait suivre une évolution analogue avec la prise en main progressive des entreprises par les « managers ». Le capital privé, familial, dissout dans l'anonymat, leur laissait la place. Dès lors il n'y a plus de grandes différences entre les secteurs publics et privés, ni même entre les mentalités...
Et l'on pouvait considérer avec Pierre DEBRAY qu'il n'y a qu'une bureau-technocratie qui se définit comme « le gouvernement collégial de commis irresponsables (au sens patrimonial du terme) choisis selon les critères de la compétence technique ou supposée ». Ainsi existe-t-il un groupe cohérent, puissant, permanent, privilégié, une caste dirigeante. « Le pouvoir est accaparé, la fonction publique asservie. » On ne saurait être plus clair. Mais c'est le « Pays Réel » qui subit cet état de choses. L'Administration s’est substituée à ses organes et se comporte avec eux comme si elle avait affaire à des individus dotés chacun d'un conseil judiciaire, d'où le « maquis administratif et procéduriel » dans lequel l'Etat se débat et qui l'empêche finalement de jouer son rôle. En fait, cette mentalité technocratique se révèle radicalement opposée aux exigences de notre civilisation et de notre être national. Pierre DEBRAY le dit très bien : « La mentalité bureau-technocratique, qui fait passer le quantitatif avant le qualitatif, le rationnel avant le vital, le mécanique avant le volontaire, apparaît ainsi comme un obstacle principal au progrès humain. »
Pour ce faire, on maintiendra volontairement un niveau qualitatif bas de la production (voitures, pneus, immeubles...), on développera plus que de raison l'automation avec ses conséquences : ruine de l'artisanat et de la propriété du métier, disparition de la satisfaction professionnelle, cause de profonds malaises, dégradation qualitative et quantitative des loisirs, etc. Enfin, le déracinement le plus inhumain est au programme : les régions sous-développées et excentrées sont condamnées au dépérissement, selon la logique inévitable du système capitaliste qui se développe en se concentrant. Ainsi assiste-t-on à une véritable prolétarisation des régions : l'Ouest, par exemple. Ou encore des professions toutes entières : agriculteurs, artisans, commerçants, etc.
Mais « ... à vouloir tout niveler, on développe le complexe des minorités et on risque des réactions violentes », nous prévenait J.-F. GRAVIER dans « La Question Régionale ». Or la France est une Union de minorités et communautés où l'Etat dominé par la technocratie ne joue plus son rôle historique de serviteur de la société. « Nous ne voulons plus être à la merci des bureaux parisiens », expliquent les paysans qui barrent les routes. Sur les Côtes, grondent les pêcheurs contre les décisions du super-club technocratique de BRUXELLES.
Le 18 février 1971, cent mille viticulteurs des pays d'Oc ont manifesté. Un d'entre eux expliquait à Francis PANAZZA (du « MERIDIONAL- LA FRANCE ») les raisons du mécontentement. « Le Marché Commun, disait-il, n'est qu'une foire d'empoigne sans solidarité aucune, où on nous a fait entrer de force pour pouvoir signer un règlement financier qui profitait à d'autres. » Les opérations « escargots » autour de la capitale, des agriculteurs et des transporteurs routiers, représentent la lassitude professionnelle face à la destruction de notre économie par les financiers de l’Europe…On pourrait ainsi passer en revue toutes les professions, y compris les professions libérales. Toutes ont à souffrir de la bureaucratisation de l'Etat.Beaucoup vivent sous la menace d'être elles-mêmes bureaucratisées. Il existe donc en France des aspirations professionnelles. Il y existe des aspirations fédéralistes étouffées par la centralisation de l'appareil jacobin de l'Etat. Il y existe des aspirations universitaires : défigurées par les excès minoritaires, elles n'en sont pas moins légitimes. Ces aspirations ont toutes un même but : obtenir des libertés concrètes, les arracher au pays légal, dans l’ordre traditionnel français. C'est regroupés derrière les drapeaux français, et non derrière les drapeaux rouges, noirs ou verts de l'internationale, de l'Europe ou de l'anarchie, que défilaient les viticulteurs de Béziers.