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Science et techniques - Page 44

  • Ce que le numérique fait au travail… et réciproquement

    C’est essentiellement sous l’angle de l’emploi et de la crise économique que la question du travail se pose aujourd’hui dans les médias. Or depuis les années 90, les économies des pays de l’OCDE se caractérisent par une croissance faible (ponctuée de crises économiques régulières) et un taux de chômage élevé. Le temps de travail a diminué de manière constante, l’emploi à temps partiel a augmenté ainsi que le chômage longue durée. La part du travail dans le Produit intérieur brut a elle aussi diminué. De là à croire que le travail rapporte moins, il n’y a qu’un pas…

    Une crise du marché de l’emploi qui cache des évolutions plus profondes des pratiques de travail

    Vis-à-vis de ces “tendances de fond” observées sur deux décennies dans presque tous les pays de l’OCDE, l’impact des technologies numériques est habituellement pointé à deux titres :

    • Elles constituent le principal support de la globalisation, de la mise en réseau de l’économie et de sa financiarisation, produisant en particulier une très forte interdépendance et une mise en concurrence mondiale des économies comme l’expliquait déjà Manuel Castells dans La société en réseau ;
    • Elle accélère la croissance de la productivité du travail ; productivité qui transforme les tâches, les fonctions nécessaires à l’activité, et en particulier en diminue le nombre. Dès 1995, Jérémy Rifkin dans La fin du travail prévoyait que les TIC, ayant gagné tous les pans de l’économie (suite à l’informatisation massive des entreprises et des marchés financiers durant les années 80) conduiraient à une productivité très forte des entreprises, et une “croissance sans emploi”.

    Aujourd’hui même, l’économie numérique, secteur de grande productivité et porteur de croissance, se révèle peu créatrice d’emplois, à l’image de la Silicon Valley en perte nette d’emplois depuis 15 ans. Les auteurs de l’Age de la Multitude y voient là les signes d’un affaiblissement du “travail” au profit de “l’activité” :

    Depuis dix ans, on croit que le numérique va créer des emplois. Or il crée peu d’emplois directs, et contribue plutôt à supprimer des bureaucraties ou des rentes. L’optimisation sans précédent qu’il permet (dans le domaine de la consommation, des services) devrait contribuer à faire baisser le travail, au sens ancien du terme. Mais pas l’activité : car en amont du travail proprement dit (produire un service, un bien, un contenu), on voit se développer toute une activité de veille, d’autoformation, d’e-réputation, de connexion, d’échanges, d’expérimentations….

     

    Derrière les problématiques d’emploi pourraient bien se cacher des évolutions profondes de ce qui pourrait/devrait être reconnu comme du “travail productif”.

    Le numérique, à l’origine d’un malentendu croissant entre les individus et les organisations ?

    Des débuts de l’informatisation des entreprises (années 80/90) à la démocratisation des outils (à partir des années 2000), le numérique a outillé des évolutions successives dans les manières d’organiser le travail et de le contrôler, dans les manières de produire et de commercialiser, générant beaucoup de changements, et donc de tensions.

    Le développement des systèmes d’informations (les progiciels de gestion intégrés, les environnements de développement intégrés…) a souvent été synonyme de gains de productivité, mais aussi de nouvelles formes de bureaucratie, de taylorisme, et de surveillance.

    Le découpage (unbundling) possible de toute la chaîne de valeur a permis de nouvelles souplesses dans la production (le mode projet, la “production juste-à-temps”) mais a aussi facilité les externalisations, les délocalisations…

    L’individualisation des équipements, leur portabilité et l’informatique dans les nuages sont en train de modifier les conditions de travail comme le soulignait la récente note d’analyse du Centre d’analyse stratégique sur l’impact des TIC sur les conditions de travail, et d’en faire éclater l’unité de temps et de lieu. On travaille plus facilement à distance, en mobilité, à des heures décalées. Un des effets les plus communément ressentis est celui d’un brouillage des frontières entre vie professionnelle et vie privée : on travaille de chez soi, on gère des communications personnelles – téléphone, sms, tweet – pendant les heures de travail. On amène au travail son équipement personnel (le phénomène Bring your own device, Byod), plus performant, moins bridé. On utilise l’équipement professionnel à des fins personnelles (films, jeux pour enfants…).

    Cela engendre en particulier deux tensions :

    1. Celle liée à l’injonction paradoxale d’une “autonomie sous contrôle” faite au travailleur connecté : d’un côté on attend de lui autonomie, prise d’initiative, responsabilité, et de l’autre on contrôle en temps réel ses résultats, ses déplacements, ses communications…

    2. Celle liée à la coexistence dans le temps et dans l’espace des activités contraintes, choisies, personnelles, de loisirs, etc. Si le “travail-gagne pain” ne réussit pas sa mue en “sources d’épanouissement ou réalisation de soi“, il court le risque d’un investissement moindre de la part des individus. Le rapport au travail se construit aujourd’hui, et peut-être plus fortement encore chez les jeunes générations, autour d’attentes expressives et relationnelles très fortes.

    Cette dernière tension pourrait en outre être renforcée par une montée des revendications autour du “travail gratuit” (qu’on appelle le digital labor). L’économie sous-jacente aux réseaux est en train de mettre à jour de nouvelles formes de production de valeur, basées sur la captation des traces d’usages. Par là, c’est la notion même de “travail” qui est bousculée puisque toutes activités développées sur les réseaux (la production ou le partage de contenu, les réseaux sociaux, la navigation, les recherches…) constituent une forme de travail gratuit alimentant “l’Internet-Factory”. Cette tension montante entre travail et activité est forte de conséquences, car “l’activité” n’est pas encore source de revenus, alors même qu’elle est sous-tendue par des dépenses publiques importantes d’éducation, de protection sociale, d’accès aux réseaux… Si de nouvelles fiscalités se cherchent autour de la captation des données, cela ne constitue d’un début de réponse.

    En attendant, le malentendu entre les organisations et les individus va croissant. Les entreprises avouent leurs difficultés à obtenir de leurs collaborateurs l’engagement et l’audace qu’elles en espèrent. Les individus disent ne pas trouver dans les organisations, le contexte pour “se réaliser”. Ils se sentent souvent peu écoutés, mal reconnus dans leurs efforts. Ils s’investissent moins dans des entreprises qui, sentent-ils, investissent moins en eux.

    La flexibilité n’a pas été cet opérateur magique attendu, entre les attentes des entreprises en matière d’adaptation aux fluctuations des marchés, et les aspirations des individus, en matière d’autonomisation et de construction d’itinéraire professionnel diversifié et sécurisé.

    Pour éviter le divorce, il devient urgent de re-questionner ce qu’est le travail à l’ère du numérique, au regard de ses différentes caractéristiques : production de richesse, obtention de revenu, liberté de création, épanouissement personnel, obtention de droits et de protection…

    Lire la suite de l’article sur Internet Actu

    http://fortune.fdesouche.com

  • Le gaz de schiste : bulle spéculative ou solution miracle ?

    Un peu partout dans le monde, des voix s’élèvent pour dénoncer le mythe du gaz de schiste. Outre la bulle spéculative qu’elle est en train de produire, cette escroquerie ne sera pas sans lourdes conséquences pour les États-Unis. En effet, l’Administration Obama s’est auto-persuadée que le pays se dirigeait vers une indépendance énergétique durable.

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    Avec un beau graphique, c’est très convaincant

    Il n’y a pas de débat sur le gaz de schiste ; s’agit-il d’un miracle de la technologie US, comme nous le crient sur tous les toits les médias anglo-saxons, ce qui relèverait d’un exploit prométhéen, ou bien d’une vulgaire bulle spéculative gonflée par les tenants de la gouvernance financière, thèse défendue par le centre de réflexion géostratégique DeDefensa.org, qui a son siège à Bruxelles [1] ?

    Or ce débat a tout lieu d’être, puisque c’est de sa conclusion que dépend la nouvelle place imprenable à laquelle aspirent les USA : puissance énergétique globale capable de rivaliser avec la Russie et l’OPEP, si la manne gazière se confirme, ou tentative publicitaire piteuse pour retarder la décadence de la jadis superpuissance unipolaire ?

    Un ami banquier haut placé qui demande à garder l’anonymat est d’avis que le fracking (la fracturation de la roche à 4 000 m de profondeur, grâce à une énorme quantité d’eau) est une autre opération d’intox, car ce n’est absolument pas viable. Il ajoute que les investissements en fracking sont un gouffre, et que les liquidités générées par la vente de pétrole ne suffisent pas à financer la croissance nécessaire à cette nouvelle industrie, parce que les puits ouverts par fracking s’épuisent très vite ; pour une production soutenue à un certain niveau, il faut ouvrir constamment de nouveaux puits. C’est indispensable et ne suffira guère qu’à maintenir un niveau de production donné.

    « Ce procédé n’offre pas les avantages de la production traditionnelle de pétrole, qui a été source prodigue de liquidités nettes, servant à l’expansion de la production ou à l’investissement dans d’autres secteurs. Non, le fracking dévore toutes les ressources ; il lui faut des emprunts gargantuesques, et un jour, cela provoquera une crise. Au final, cela s’avèrera être tout juste une nouvelle manœuvre de Wall Street pour attirer les petits investisseurs, qui cherchent désespérément des placements rentables, et se jetteront sur le miroir aux alouettes. »

    Le raisonnement est fort convaincant, d’autant plus qu’Aubrey McClendon, fondateur de Chesapeake Energy, le plus grand producteur de gaz naturel aux US, vient de se voir obligé de démissionner, par ses investisseurs, faute de produire des bénéfices, tandis que l’entreprise s’est gravement endettée ; c’est un effondrement financier qui découle de la chute des prix du gaz naturel, et du manque de liquidités [2].

    De son côté, le site DeDefensa.org annonce la fin du mythe de la révolution par le gaz de schiste d’ici à 18 ou 24 mois au grand maximum. Il a déjà créé une rubrique « shalegas-gate » et considère la production de puits comme « l’arme de destruction massive » [qui viendra à bout des USA], en revenant sur le retentissant échec de Chesapeaky Energy. Bref, les EUR (estimated ultimate recovery), dividendes finaux estimés, ont été très surestimés [3].

    Les pétrogéologues et géophysiciens indépendants qui ont dénoncé le mirage des EUR ont bien entendu été évacués des grandes conférences internationales sur le thème Pétrole et Gaz. Mais la chasse aux sorcières n’a pas suffi à faire taire les sceptiques, et le New York Times a été contraint d’avancer l’idée que peut-être les chiffres de l’industrie gazière étaient manipulés [4].

    On a assisté à une énorme production de gaz naturel aux États-Unis ces dernières années, ce qui a rendu possible une analyse affinée de la production des puits perforés, et l’on découvre que la production a été bien inférieure aux pronostics.

    Le géologue Arthur Berman, qui a travaillé pour Amoco (société pétrolière de Chicago, l’ex-Standard Oil) pendant 25 ans, a analysé trois domaines historiques : Barnett, Fayetteville et Haynesville ; il dévoile l’hyperinflation que connaissent les EUR, et que l’on cache aux investisseurs éblouis à souhait par les banquiers, et qui ne connaissent rien aux subtilités du gaz de schiste.

    Aux antipodes, on a un rapport de l’Agence Internationale pour l’Énergie — qui a été plusieurs fois surprise à mener des opérations de désinformation — qui annonce tout de go que les grandes exploitations de gaz associée au pétrole à Eagle Ford, Utica, Marcellous et Bakken doivent permettre aux USA de devenir le premier producteur de pétrole en 2017, avant l’Arabie saoudite [5].

    Mais DeDefensa cite à son tour l’ingénieur géologue texan Gary Swindell, qui divise par deux la production des fabuleux puits d’Eagle Ford [6].

    Et l’agence britannique Reuters quant à elle émet des doutes sur le fabuleux secret de l’Utah, les champs miraculeux d’Utica [7].

    Quoi qu’il en soit, et malgré les faits probants, l’industrie gazière dédaigne les experts isolés qui osent s’en prendre à l’infaillibilité de l’AIE.

    Pourtant, comme le souligne DeDefensa l’agence gouvernementale US Geological Survey a publié en août 2012 un rapport qui corrobore les découvertes des sceptiques, qui accèdent désormais au rang de réalistes [8]. En fait, DeDefensa, fort pessimiste, doute des capacités techniques à l’œuvre, et non plus seulement des chiffres allègrement empilés par le chef de l’AIE, Fath Birol, l’économiste discutable qui a annoncé le 12 novembre 2012 qu’en 2017 les US seraient le premier producteur mondial de pétrole.

    Le gaz de schiste fera donc sans doute partie du panier énergétique états-unien, mais ce ne sera pas un perturbateur du jeu géopolitique, car les USA n’exporteront pas de GNL (gaz naturel liquéfié). La Russie ne va pas se voir menacée sur le marché européen, et les projets australiens de gaz naturel liquéfié pourront être menés à leur terme.

    Qui plus est, le gaz de schiste ne sera pas bon marché, de sorte que ses prétentions à révolutionner la donne stratégique vont peut-être faire du Mexique néolibéral (représenté par un gouvernement incapable de recul) le dindon de la farce.

    Alfredo Jalife-Rahme http://www.egaliteetreconciliation.fr

    Traduction : Maria Poumier

    Source : La Jornada (Mexique)

    Notes

    [1] DeDefensa.org est le site internet de la revue DDE Crisis, disponible sur abonnement 22, rue du Centenaire, B-4624 Fléron, Belgique. Tél. : + 32 4 355 05 50, Fax : + 32 4 355 08 35.

    [2] « Breakingviews : SEC goes where Chesapeake board feared to tread », par Christopher Swann, Reuters, 1er mars 2013. « La SEC a assigné à comparaître l’ex-patron de Chesapeake », AFP, 1er mars 2013.

    [3] « Gaz de schiste : à la “bulle” nul n’échappera... », I, II, III, DeDefensa.org, 16 novembre 2012, 11 et 16 janvier 2013.

    [4] Le 26 juin 2011, le New York Times a mis en ligne quantité de documents officiels posant de sérieux doutes sur les espoirs mis dans le gaz de schiste.

    [5] World Energy Outlook 2012, Agence Internationale pour l’Énergie, 12 novembre 2012.

    [6] Cité in « $8 Natural Gas : We’re Right On Schedule », par Richard Finger, Forbes, 14 octobre 2012.

    [7] « Insight : Is Ohio’s "secret" energy boom going bust ? », par Edward McAllister et Selam Gebrekidan, Reuters, 22 octobre 2012.

    [8] Variability of Distributions of Well Scale Estimated Ultimate Recovery for Continuous (Unconventional) Oil and Gas Resources in the United States, U.S. Geological Survey Oil and Gas Assessment Team. Document téléchargeable.

  • La science contre l'utopie

    Pourquoi la biologie se voit-elle traitée de science réactionnaire et fasciste ? Sans doute, parce qu'en étudiant l'homme scientifiquement et honnêtement, elle fait pièce aux utopistes rousseauistes, marxistes et aux nouveaux loups enfarinés qui prennent aujourd'hui leur relève.

    Henri de Lesquen et le Club de l'Horloge nous présentent ici une admirable synthèse de la science moderne et aussi le fruit de leurs réflexions. Gros ouvrage (313 pages avec les notes et la bibliographie), aucune illustration graphique mais de nombreux exemples et les références aux travaux des savants les plus prestigieux (et les plus sérieux) de notre époque.
    Nous ne présenterons pas au lecteur l'aspect pédagogique de leur ouvrage ; nos auteurs, qui comptent parmi les vraies « grosses têtes » françaises, démontrent absolument tout ce qu'ils avancent et démontent les hérésies de l'idéologie égalitaire (1).

    C'est la faute à Rousseau
    La première partie de ce livre se nomme fort justement : « L'utopie et la mort ». Elle démolit, avec une précision féroce, l'utopie de l'égalitarisme. Le doux (?) Jean-Jacques Rousseau porte la responsabilité des crimes de la révolution française et, indirectement, de tous ceux (combien de millions d'êtres ont disparu dans ce colossal holocauste ?) commis par la prise et le maintien au pouvoir des communistes. L'excellent style de ses ouvrages, entre autres « le Contrat social » et «l'Emile», cache ses erreurs de pensée - et leur flou - mais aussi sa haine sous-jacente contre la société. On connaît la ritournelle : l'homme naît naturellement bon, la société le rend mauvais. Aux origines, l'homme vivait seul dans une nature amicale puis il rejoignit ses semblables et se pervertit. Pauvre Jean-Jacques ! Il oublie - et pourtant la science de son époque ne l'ignorait point - que l'homme vécut en société depuis les origines et que la nature n'a rien d'un jardin à l'anglaise. Et l'homme est naturellement agressif. Qu'on le change donc et le « doux philosophe » aboutit au despotisme, s'en réclame même ; et de préciser : « ... tous les particuliers redeviennent égaux parce qu'ils ne sont rien ». Autrement dit, pour Rousseau, 1 n'est pas 1 mais 0 égale 0.

    Marx et quelques autres
    Rousseau croyait en la déchéance de l'homme. Marx voulait le renvoyer au paradis perdu. On connaît le sort de ses prétendues théories scientifiques (le socialisme scientifique opposé, O dérision, au socialisme utopiste !); huit ans après leur publication, sa théorie sur la valeur du travail tombait en désuétude et elle représentait la base de tout son édifice ; mais comme le font remarquer nos auteurs, les doctrines de Marx s'emboîtent comme les poupées russes : purement économiques, elles contiennent un sous-produit social selon lequel l'individu, élément statistique, doit être considéré comme négligeable. Marx a déduit, de faits isolés, des règles générales et on connaît le sort de son réductionnisme : rien de ce qu'il a prévu ne s'est réalisé. Pire, en s'inspirant d'autres travaux, comme ceux de Darwin, il a mal compris, il a cru que l'homme était indéfiniment malléable, qu'il suffisait de l'éduquer pour en faire l'homme nouveau, l'homo communiste. Ses successeurs ont cru que Lyssenko leur apportait la solution finale : la transmissibilité des caractères acquis (comme si en coupant un bras à plusieurs générations successives de singes, on obtiendrait enfin un chimpanzé manchot !). Quant à Pavlov, expérimentant sur des animaux de laboratoire au moyen d'un système de « récompense-punition », il devait faire progresser l'acquisition de nouveaux comportements (dés lors, il suffisait de combiner les travaux des deux hommes ... ).

    L'utopie du XXe siècle
    Tout comme les idées de Rousseau, la doctrine marxiste-léniniste débouche fatalement sur l'utilisation de la violence et de l'oppression. Les goulags soviétiques, les génocides d'Indochine et du Cambodge le montrent à foison. Jamais le prolétariat n'a été soumis à une pression aussi dure et aussi avilissante par une stratification de classes, une hiérarchie pire que celle des tsars. Le marxisme passe de mode. Direction : les poubelles de l'histoire mais comme notre intelligentsia - quoi qu'elle s'en défende - ne respecte que la force, elle se tourne vers une nouvelle utopie venue d'Amérique du Nord. Elle y influença considérablement les penseurs et les hommes politiques ; elle refuse pudiquement la responsabilité des crimes du marxisme ; elle a impressionné les « nouveaux philosophes » qui croient de moins en moins en Marx au bénéfice de Rousseau («... de Scylla on retourne en Carybde », remarquent nos auteurs). Mais ne nous y trompons pas : cette nouvelle utopie nous promet les affreux lendemains de la terreur française et des camps de concentration soviétiques ou chinois. Ces loups enfarinés continuent à prêcher, contre toute évidence, l'utopie de, l'égalitarisme et son corollaire, l'environnementalisme.

    Un rat = un homme
    Cet égalitarisme forcené amène les nouveaux utopistes à faire table rase de toutes les hiérarchies et aboutit tout aussi fatalement au collectivisme. Mais enfin ces censeurs ne sont pas spécialement des imbéciles ; ils se rendent compte que la science moderne contredit formellement leurs élucubrations. Peut-être faut-il voir là le ressentiment de gens qui se sentent d'une façon ou de l'autre opprimés ou encore le moyen idéal de réaliser leur volonté de puissance à leur bénéfice ? En fait, nos auteurs voient en toute idéologie une « combinaison, souvent explosive, d'une passion et de l'esprit de système ». Une de ces théories parmi les plus dangereuses est le behaviourisme (ou théorie du comportement). Utilisant des animaux de laboratoire sélectionnés (ils ont éliminé ceux vraiment trop rebelles à leurs expériences), ils ont tiré de méthodes de laboratoire uniquement (jamais, ils n'ont expérimenté sur des animaux sauvages), les grands principes de leur fausse science : on peut apprendre n'importe quoi à n'importe qui ; chaque être humain naît avec en place de cerveau une « page blanche » que le milieu et les circonstances remplissent ; il suffit de le faire dans le « bon sens » pour aboutir à la société idéale. Que les autres sciences, les vraies, comme la biologie ou l'éthologie, les contredisent, aucune importance : par distorsion, ils modifient le sens des mots (comme, par exemple, pour l'hérédité qui, pour eux, n'existe pas) ou qualifient leurs contradicteurs de sciences non-neutres, donc engagées, lisez fascistes.

    Et pourtant ...
    ... chaque homme est un individu physiquement, moralement et intellectuellement différent des autres. Les découvertes de la génétique nous ont montré les rôles des chromosomes et décrit les différences génétiques. Force est donc, malgré les «répugnances» des égalitaires, à l'impact de l'hérédité et à celui de l'éducation spécialement au sein de cette « niche écologique » qu'est la famille (Voici d'ailleurs une des raisons pour laquelle la famille sert de cible aux autoritaristes-égalitaristes). Les recherches modernes ont démontré qu'il existe une certaine part d'héréditabilité de l'intelligence (étudiée par des méthodes comme la mesure du quotient d'intelligence - le Q.l. -, apparemment un «facteur g» représentant l'intelligence générale). Autre élément mais qui mérite des études supplémentaires : l'héritabilité de certains caractères de la personnalité.
    Résumons très fort : l'individu subit la culture de la société où il vit : elle lui est imposée quelle que soit sa biologie propre. Mais dissocier ces deux ordres de fait revient à commettre un sophisme, c'est-à-dire à oublier que le tout n'est pas la somme de ses parties.
    Autre erreur : raisonner à partir d'un individu moyen ou statistique, en oubliant les personnalités qui, par leur envergure, ont influencé le cours de l'histoire (Napoléon, par exemple).

    L'homme est un animal
    Jean Rostand le dit et il situe même assez facilement notre espèce humaine dans ce règne. Proches de nous sont les primates, au point que, chez eux, il a été possible de repérer nos groupes sanguins les plus répandus et de donner du sang de chimpanzé, sans inconvénient par voie intraveineuse, à un homme. Mais, et retenons bien ceci, tout l'homme n'est pas dans l'animal. Ainsi, des chimpanzés font preuve d'intelligence, mais « seule la pensée conceptuelle et le langage qui apparaît avec elle rendent la tradition indépendante de la présence de son objet en créant le symbole libre lui permet de communiquer des faits et des raisonnements dans la disponibilité matérielle des objets qui le concernent » (Conrad Lorenz). Et, répétons-le une fois de plus, le tout est plus que la somme de ses parties, du moins dans les sciences humaines.

    Comprendre l'homme
    Les behaviouristes ont obtenu tous leurs succès en travaillant sur des bêtes de laboratoires, sélectionnées et dégénérées, jamais sur des animaux en liberté. Cette lacune sera comblée par la nouvelle école : appliquant leurs trouvailles à l'homme, elle va découvrir l'explication de bien des secrets de la loi naturelle. Rappelons les principaux : la toute-puissance de l'instinct, condition de la liberté comme l'a montré Lorenz, et surtout l'agressivité.

    L'agressivité, cette méconnue
    C'est une pulsion qui fait agir spontanément l'homme et l'animal. Elle ne dépend pas d'une série de frustrations (quoique le cas soit parfois possible) mais définir l'agressivité revient à se poser la question : « A quoi le mal est-il bon ? ». Disons que selon Lorenz, « c'est un instinct de combat (...) dirigé contre son propre congénère ». Soit, mais encore ? Ses fonctions principales :
    • elle sert à organiser une vie autonome au sein de l'espèce ; la sociabilité permet à l'homme de vivre avec les autres tout en s'affirmant comme autonome au sein de la société.
    • elle contribue au développement culturel en permettant la répartition des tâches et l'équilibre de la vie.
    • elle maintient l'équilibre psychique en utilisant le potentiel énergétique de chacun (comme, par exemple, la recherche scientifique).
    • elle confirme son impact sur le monde extérieur (esprit de recherche, de découverte ... ).
    A l'inverse, on peut affirmer que, là où l'agressivité est trop durement réprimée, naissent les névroses issues des frustrations.

    Nécessaire, mais ...
    Si, chez l'animal, cet instinct d'agressivité reste réduit à des limites raisonnables (si on peut dire !), il n'en va pas de même chez ses frères supérieurs. Il importe d'inhiber cet instinct, de le ritualiser, de le canaliser en quelque sorte pour l'empêcher de devenir purement destructeur. Le canaliser ? Oui, mais comment ? Vers des disciplines sportives, vers la recherche scientifique, la découverte et l'exploration de l'espace (jadis, les tournois de chevalerie remplirent admirablement leur fonction de ritualisation).
    A notre époque, cette canalisation devient d'autant plus indispensable que l'entassement urbain supprime la distance de sécurité à laquelle des humains peuvent se supporter. Les petits loubards de quartier sont là pour le démontrer mais l'utopie égalitariste préfère accuser la société et s'attendrir sur leur triste sort que sur celui de leurs victimes (comme ce fut le cas de l'assassin d'un enfant !).

    La dominance
    L'instinct de dominance mène à établir une hiérarchie entre les individus, hiérarchie indispensable si l'on veut voir fonctionner la société. Si l'on en veut un exemple irréfutable, il suffit de regarder une organisation qui se veut égalitaire, celle qui proclame la dictature du prolétariat : l'U.R.S.S. En réalité, pour faire fonctionner n'importe quel type d'organisation humaine, il faut laisser agir cet instinct de dominance qui aboutit à la hiérarchie, indispensable conservatrice des élites qui doivent mener les affaires publiques.

    Nature ou culture
    Le rousseauisme renaît. Il prend des formes diverses dont l'écologie et le Club Méditerranée (la « civilisation égalitaire, artificielle et provisoire des cocotiers, de l'île perdue, du paradis retrouvé »). Mais ce retour à la nature suppose un abandon des valeurs culturelles, une récession de notre civilisation jusqu'à l'abrutissement total. Que l'on se souvienne des différents « enfants sauvages » dont le premier baptisé Victor et trouvé en 1800 : les dégâts cérébraux dus au manque de formation intellectuelle sont toujours irréparables. « L'homme à l'état de nature, ce n'est pas un rêve, c'est un cauchemar. » En bref : la culture seule permet à l'homme de développer son cerveau pour répondre aux défis que lui lance la nature. Or les théories égalitaires et leurs sous-produits, le manque de contraintes culturelles de la civilisation, font naître cette « tiédeur mortelle des sentiments » dont parle Lorenz.
    Et de plus, hélas, le laxisme des faux princes qui nous gouvernent leur fait oublier que gouverner, c'est contraindre et, à force d'accorder trop de liberté, ils finiront par tuer la Liberté.

    La caféaulaitisation
    Barbarisme. A tous les points de vue. Les utopistes égalitaristes veulent mélanger toutes les races humaines pour obtenir un être humain couleur café-au-Iait et aux yeux légèrement bridés. Du coup, et les mondialistes s'en pourlèchent d'avance les babines, les barrières nationales tomberont et l'humanité connaîtra la paix. La paix éternelle, celle des tombeaux car, dans ce cas, l'homme cessera d'exister et cédera la place à une peuplade de robots au service de quelques poignées d'illuminés.

    Le pari de la liberté
    Notre humanité, notre monde, notre cosmos disparaîtront un jour mais de mort naturelle. En attendant cet inéluctable perspective, nous devons nous défendre contre le péril mortel que nous fait courir l'égalitarisme. Existe-t-il un remède ? Certes. Cultivons notre liberté et ses responsabilités en suivant les leçons de la loi naturelle, celle surtout de la hiérarchie qui crée les élites. Une nouvelle chevalerie surgira qui sauvera notre monde. C'est ce grand livre passionnant qui le démontre.
    A. SITTINGER
    (1) : Henry de Lesquen et le Club de l'Horloge: «La politique du vivant», Albin Michel, Paris, 1979.

    Qu'est-ce que l'éthologie ?
    Malgré l'anthropologie (étude de l'homme) qui se consacrait plutôt à l'étude physique de notre espèce, l'ethnologie (rattachée à la sociologie) qui s'adonnait plus à l'étude de peuplades africaines ou polynésiennes qu'à l'espèce elle-même, la véritable science de l'homme faisait peu de progrès. Les premières notions d'éthologie vinrent des Anglo-Saxons et le terme «ethology» a pris aujourd'hui le sens de biologie du comportement.
    C'est une science comparative : elle observe le comportement des animaux pour y découvrir l'origine et la fonction de ces comportements (à partir d'animaux d'espèces différentes).
    Parmi ses plus grands représentants, citons Lorenz et Eibl-Eibesfeldt qui rencontrèrent d'ailleurs de très vives critiques de la part des «savants» behaviouristes et marxistes dont ils contredisaient les assertions fallacieuses en se basant sur des faits scientifiques.

    Lyssenko ou l'évolution contrôlée
    En 1937, Trofim Lyssenko, agronome soviétique, s'en prend à la génétique classique (fasciste, bien sûr). Il affirme sa théorie selon laquelle il est possible de rendre héréditaire les caractères acquis. Tout simplement : si vous coupez la queue à plusieurs générations de souris, vous finirez par obtenir des souris naissant dépourvues de cet ornement. De même, si vous formez des générations de bons citoyens soviétiques, chacun spécialisé dans sa tâche, vous obtiendrez des bons citoyens par droit de naissance. Une armée de robots. Les vrais savants (russes) qui osèrent le contredire périrent dans les camps de concentration et maintenant encore, l'économie et l'agriculture soviétiques ne se sont pas remises des élucubrations de ce charlatan.

    Un aspect de l'égalitarisme moderne
    « Echec et maths », ainsi ont baptisé ce chapitre les spirituels auteurs de « La politique du vivant » et d'expliquer : la mathématique moderne fait appel à des notions de la théorie des ensembles ; cette sorte de philosophie des mathématiques s'adresse aux mieux doués en cette matière, capables d'un haut degré d'abstraction : pour les autres, elle est susceptible de provoquer non seulement des échecs graves mais encore ce que Stella Baruk, elle-même ancien professeur, a nommé une « névrose mathématique ».
    Comme les parents, formés aux mathématiques classiques, s'avèrent incapables d'aider leurs enfants, les plus pauvres en seront victimes puisque les classes les plus aisées seront seules capables de payer des « Cours de rattrapage ». Signalons, pour être justes, que la Belgique, toujours à l'avant-pointe du progrès en matière d'égalitarisme, a fait supprimer les examens, ce qui permet d'éviter de faire redoubler une classe : on est tous égaux, non ?
    le nouvel EUROPE MAGAZINE mars/avril 1979

  • Le règne technocratique :

    «Les dimensions de l’entreprise néo-radicaliste, avec ses ambitions, ses rouages, ses tentacules européennes, son arsenal financier, cette volonté de vampiriser les masses s’apparente beaucoup à une prise de pouvoir totalitaire » Dominique de Roux

    L'instabilité, l'hétérogénéité du personnel politique des IIIe et IVe Républiques ont en effet permis l'apparition d'une nouvelle classe dont la Ve République devait consacrer le règne. Le changement régulier du personnel administratif, non seulement empêche une intégration locale de celui-ci mais rend le service parfaitement anonyme. Telle est l'origine du transfert progressif des pouvoirs aux techno­crates. La planification devait les conduire à proposer un Etat apparemment plus fort et plus stable : ce fut l'origine de la Ve République. Dans le même temps, le secteur privé devait suivre une évolu­tion analogue avec la prise en main progressive des entreprises par les « managers ». Le capital privé, familial, dissout dans l'anonymat, leur laissait la place. Dès lors il n'y a plus de grandes différences entre les secteurs publics et privés, ni même entre les mentalités...

    Et l'on pouvait considérer avec Pierre DEBRAY qu'il n'y a qu'une bureau-technocratie qui se définit comme « le gouvernement collégial de commis irresponsables (au sens patri­monial du terme) choisis selon les critères de la compétence technique ou supposée ». Ainsi existe-t-il un groupe cohérent, puissant, permanent, privilégié, une caste dirigeante. « Le pouvoir est accaparé, la fonction publique asservie. » On ne saurait être plus clair. Mais c'est le « Pays Réel » qui subit cet état de choses. L'Administration s’est substituée à ses organes et se comporte avec eux comme si elle avait affaire à des individus dotés chacun d'un conseil judiciaire, d'où le « maquis administratif et procéduriel » dans lequel l'Etat se débat et qui l'empêche finalement de jouer son rôle. En fait, cette mentalité technocratique se révèle radicalement opposée aux exigences de notre civilisation et de notre être national. Pierre DEBRAY le dit très bien : « La menta­lité bureau-technocratique, qui fait passer le quantitatif avant le qualitatif, le rationnel avant le vital, le mécanique avant le volon­taire, apparaît ainsi comme un obstacle principal au progrès humain. »
    Pour ce faire, on maintiendra volontairement un niveau qualitatif bas de la production (voitures, pneus, immeubles...), on développera plus que de raison l'automation avec ses consé­quences : ruine de l'artisanat et de la propriété du métier, disparition de la satisfaction professionnelle, cause de profonds malaises, dégradation qualitative et quantitative des loisirs, etc. Enfin, le déracinement le plus inhumain est au programme : les régions sous-développées et excen­trées sont condamnées au dépérissement, selon la logique inévitable du système capitaliste qui se développe en se concentrant. Ainsi assiste-t-on à une véritable prolétarisation des régions : l'Ouest, par exemple. Ou encore des professions toutes entières : agriculteurs, artisans, commerçants, etc.
    Mais « ... à vouloir tout niveler, on développe le complexe des minorités et on risque des réactions violentes », nous prévenait J.-F. GRAVIER dans « La Question Régionale ». Or la France est une Union de minorités et commu­nautés où l'Etat dominé par la technocratie ne joue plus son rôle historique de serviteur de la société. « Nous ne voulons plus être à la merci des bureaux parisiens », expliquent les paysans qui barrent les routes. Sur les Côtes, grondent les pêcheurs contre les décisions du super-club technocratique de BRUXELLES.
    Le 18 février 1971, cent mille viticulteurs des pays d'Oc ont manifesté. Un d'entre eux expliquait à Francis PANAZZA (du « MERIDIONAL- LA FRANCE ») les raisons du mécontentement. « Le Marché Commun, disait-il, n'est qu'une foire d'empoigne sans solidarité aucune, où on nous a fait entrer de force pour pouvoir signer un règlement financier qui profitait à d'autres. » Les opérations « escargots » autour de la capitale, des agriculteurs et des transporteurs routiers, représentent la lassitude professionnelle face à la destruction de notre économie par les financiers de l’Europe…On pourrait ainsi passer en revue toutes les professions, y compris les professions libérales. Toutes ont à souffrir de la bureaucratisation de l'Etat.

    Beaucoup vivent sous la menace d'être elles-mêmes bureaucra­tisées. Il existe donc en France des aspirations professionnelles. Il y existe des aspirations fédéralistes étouffées par la centralisation de l'appareil jacobin de l'Etat. Il y existe des aspirations universi­taires : défigurées par les excès minoritaires, elles n'en sont pas moins légitimes. Ces aspirations ont toutes un même but : obtenir des libertés concrètes, les arracher au pays légal, dans l’ordre traditionnel français. C'est regroupés derrière les drapeaux fran­çais, et non derrière les drapeaux rouges, noirs ou verts de l'internationale, de l'Europe ou de l'anarchie, que défilaient les viticulteurs de Béziers.

    http://www.actionroyaliste.com

  • Le vieux monde et l'enfance

    Remboursement intégral de l'avortement, eugénisme, recherches sur l'embryon, adoption d'enfants par les couples homosexuels : les menaces sur l'enfance se multiplient, sous-tendues par une conception matérialiste et utilitariste de l'être humain.
    En 1966, Gilbert Cesbron écrivit un livre au titre prophétique : C'est Mozart qu'on assassine racontait l'histoire d'un jeune garçon de sept ans brisé et déraciné par le divorce et les querelles de ses parents. Au fil du temps, les manières d'assassiner Mozart se sont multipliées et ont été légalisées, à commencer par l'avortement devenu droit des femmes, qu'il est question de rembourser intégralement en dépit du vertigineux déficit de la Sécurité sociale. La mort des enfants à naître figure ainsi parmi les objectifs prioritaires du gouvernement. Le socialisme est une épée de Damoclès suspendue sur la tête des enfants.
    Les menaces, ces temps-ci, se multiplient, même sur des sujets qui paraissaient avoir été, sinon réglés, du moins temporairement pacifiés : est-il si urgent de revenir, déjà, sur la loi de bioéthique du 7 juillet 2011, en reposant la question de l'autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, ces expériences sur le vivant qui le détruise ?
    L'autorisation deviendra la règle
    La lecture du compte rendu analytique de la séance du 15 octobre au Sénat, au cours de laquelle a été discutée une proposition de loi du sénateur Françoise Laborde (groupe RDSE, radicaux de gauche), contient des aveux intéressants. La proposition vise à remplacer le principe d'interdiction des recherches sur l'embryon avec dérogations exceptionnelles, figurant dans la loi de juillet 2011, par un régime d'autorisation encadrée - il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l'autorisation deviendra la règle.
    « Les tenants de l'interdiction voient dans le fœtus un être humain en puissance, a expliqué Françoise Laborde. Selon cette logique, il aurait fallu maintenir une interdiction totale, sans dérogation. Si l'embryon est une personne humaine potentielle, la seule potentialité ne suffit pas à constituer cette personne. Le potentiel de vie (...) n'existe pas en soi ; il est fonction de la nature et du projet du couple pour lequel l'embryon est conçu en assistance médicale à la procréation. »
    Remarque préliminaire : les tenants de l'interdiction ne voient pas dans le fœtus « un être humain en puissance », mais un être humain tout court. Au contraire, pour Françoise Laborde, c'est finalement le projet du couple qui fait de l'embryon une personne. C'est donc d'une certaine manière son utilité.
    Cette réification de l'être humain se retrouve dans le raisonnement de Gilbert Barbier, rapporteur de la commission des affaires sociales et lui aussi radical de gauche, qui observe qu' « il s'agit d'embryons surnuméraires voués à la destruction après cinq ans de conservation. » Par conséquent, autant les utiliser...
    Le verbe utiliser est expressément employé par Muguette Dini (groupe Union centriste et républicaine). Après avoir précisé que, pour elle, « L'embryon est un amas de cellules indifférenciées ayant au maximum cinq jours d'existence », elle poursuit : « D'où viennent ces embryons ? Ils ne sont plus utilisés dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation En France, 160000 embryons surnuméraires ne font pas l'objet d'un projet parental. Qui décidera de leur sort ? Les parents, au terme de cinq ans. Ce sont donc, de toute façon, des embryons destinés à la destruction qui serviront à la recherche. »
    Suit une contradiction flagrante : « Sait-on comment les embryons non désirés sont détruits ? Ils sont décongelés sur une paillasse avant d'être jetés ! Une collègue, qui a recouru à l'AMP, l'a découvert avec horreur ». Pourquoi être horrifiée, s'il ne s'agit que d'un amas de cellules ?
    Curieusement, le sénateur Barbier aborde lui aussi un terrain mouvant en déclarant : « Si, demain, la recherche sur les cellules souches induites progresse, celle sur les cellules souches embryonnaires prendra fin. Le texte est donc conforme à la convention d'Oviedo. » Voire. L'article 2 de la dite convention d'Oviedo sur les droits de l'Homme et la biomédecine, est ainsi rédigé : « Primauté de l'être humain. L'intérêt et le bien de l'être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. » Qu'en est-il, en l'occurrence ?
    Et que penser de l'intervention du socialiste Bernard Cazeau, qui déclare : « Les laboratoires partout dans le monde, ont au reste centré leur recherches sur les cellules souches embryonnaires. Allons-nous donner à nos chercheurs let moyens de lutter à armes égales ou faudra-t-il nous en remettre à l'industrie américaine ou japonaise ? » Est-elle compatible avec la convention d'Oviedo ?
    L'injustice est notre affaire a tous
    Mme Dini, décidément en verve, est en revanche parfaitement logique lorsqu'elle dit : « Je peux comprendre ceux qui considèrent que l’on ne peut toucher à la vie humaine mais alors, il faut revenir à l'interdiction totale, sinon, c’est l'hypocrisie. » C'est la première question qui se pose, en effet : peut-on toucher à la vie humaine ? La deuxième question est celle de la conception matérialiste de l'homme qui conduit à l’utiliser et à lui accorder du prix en fonction de son utilité.
    Des réponses à ces deux questions découlent non seulement les expériences sur l'embryon, mais aussi l'avortement, les tendances eugénistes qui conduisent à dépister pour le supprimer les enfants trisomiques, et plus généralement la mentalité utilitaire qui réduit l'enfant - comme d'ailleurs la femme ou l’homme adultes - à un simple moyen, comme on le voit dans le cas de l'adoption par les couples homosexuels.
    « Que ce monde soit absurde, c'est l’affaire des philosophes et des humanistes. Mais qu’il soit injuste, c'est notre affaire à tous », a écrit Gilbert Cesbron.
    Eric Letty  monde & vie . 20 octobre 2012

  • Les armes à l'uranium appauvri : un crime contre l'Humanité américain (par Vincent Reynouard

  • La vision du monde technico-scientifique

    La science est la recherche de la connaissance exacte des phénomènes. En découvrant les liens entre les phénomènes, c’est-à-dire en observant les conditions de leur apparition, elle a l’impression qu’elle les a expliqués. Ce type de mentalité apparaît dans une Haute Culture après l’achèvement de la pensée religieuse créative, et le début de l’extériorisation. Dans notre Culture, ce type de pensée ne commença à s’affirmer qu’au milieu du XVIIe siècle, dans la Culture Antique, au Ve siècle avant J.C. La principale caractéristique de la première pensée scientifique, du point de vue historique, est qu’elle se dispense d’équipement théologique et philosophique, l’utilisant seulement pour remplir l’arrière-plan, auquel elle ne s’intéresse pas. Elle est donc matérialiste dans son essence, au sens où toute son attention est tournée vers les phénomènes et non vers les réalités ultimes. Pour une époque religieuse les phénomènes sont sans importance comparés aux grandes vérités spirituelles, pour une époque scientifique c’est l’opposé qui est vrai.

    La technique est l’utilisation du macrocosme. Elle accompagne toujours une science en plein épanouissement, mais cela ne veut pas dire que toute science est accompagnée d’une activité technique, car les sciences de la Culture Antique et de la Culture Mexicaine n’avaient rien de ce que nous appelons compétence technique. Dans le premier stade de Civilisation, la Science prédomine et précède la technique dans toutes ses tentatives, mais au début du XXe siècle la pensée technique commença à s’émanciper de cette dépendance, et aujourd’hui la science sert la technique et non plus l’inverse.

    Dans une Epoque de Matérialisme, c’est-à-dire une époque anti-métaphysique, il était tout naturel qu’un type de pensée anti-métaphysique comme la science devienne une religion populaire. La religion est une nécessité pour l’homme de Culture, et il bâtira sa religion sur l’économie, la biologie ou la nature si l’Esprit de l’Epoque exclut la vraie religion. La Science fut la religion dominante des XVIIIe et XIXe siècles. Si on était autorisé à douter des vérités des sectes chrétiennes, on n’était pas autorisé à douter de Newton, Leibniz et Descartes. Quand le grand Goethe contesta la théorie newtonienne de la lumière, il fut traité d’excentrique et d’hérétique.

    La Science fut la religion suprême du XIXe siècle, et toutes les autres religions, comme le darwinisme et le marxisme, se référaient à ses grands dogmes-parents comme base de leurs propres vérités. « Non-scientifique » devint un terme de damnation.

    Après ses débuts timides, la science franchit finalement le pas consistant à présenter ses résultats non comme un simple arrangement ou une simple classification mais comme les vraies explications de la Nature et de la Vie. Avec ce pas, elle devint une vision-du-monde, c’est-à-dire une philosophie complète avec une métaphysique, une logique et une éthique pour les croyants.

    Toute science est une reformulation profane des dogmes précédents de la période religieuse. C’est la même âme culturelle qui avait formé les grandes religions qui refaçonne son monde à l’époque suivante, et cette continuité est donc absolument inévitable. La Science Occidentale en tant que vision-du-monde est simplement la religion occidentale sous une forme profane et non sacrée, naturelle et non surnaturelle, découvrable et non révélée.

    Comme la religion occidentale, la science était clairement sacerdotale. Le savant est le prêtre, l’instructeur est le frère convers, et un grand systématiseur est canonisé, comme Newton ou Planck. Toute forme de pensée occidentale est ésotérique, et ses doctrines scientifiques ne firent pas exception. La populace était maintenue en contact avec « les progrès de la science » par l’intermédiaire d’une littérature populaire qui faisait sourire les grand-prêtres de la science.

    Au XIXe siècle, la science accrédita l’idée de « Progrès », et lui donna sa marque particulière. Le contenu du « Progrès » devait être technique. Le « Progrès » devait consister en plus de vitesse, plus de bruit, plus d’exploitation du monde matériel ad infinitum. Cela montrait déjà la future domination de la technique sur la science. Le « Progrès » ne devait pas être d’abord plus de connaissance, mais plus de technique. Toute vision-du-monde occidentale lutte pour l’universalité, et celle-ci déclara donc que la solution des problèmes sociaux ne devait pas être cherchée dans la politique et dans l’économie, mais dans la science. Des inventions furent promises qui rendraient la guerre trop horrible pour que les hommes s’y engagent, et ils cesseraient donc de faire la guerre. Cette naïveté était un produit naturel d’une époque qui était forte en sciences naturelles, mais faible en psychologie. La solution du problème de la pauvreté était la machinerie, et encore la machinerie. Les horribles conditions qui étaient nées d’une Civilisation de la machine devaient être soulagées par plus de machines. Le problème de la vieillesse devait être surmonté par le « rajeunissement ». On décréta que la mort était seulement un problème de pathologie, non de sénilité. Si toutes les maladies étaient supprimées, on ne pourrait plus mourir de rien.

    Les problèmes raciaux devaient être résolus par l’« eugénisme ». La naissance des individus ne devait plus être laissée au Destin. Les prêtres scientifiques décideraient des choses comme les parents et la naissance. Aucun événement extérieur ne serait permis dans la nouvelle théocratie, rien d’incontrôlé. Le temps devait être « maîtrisé », toutes les forces naturelles mises sous contrôle absolu. Il n’y aurait pas d’occasions de guerre, chacun tenterait de devenir un scientifique, pas de rechercher le pouvoir. Les problèmes internationaux disparaîtraient, puisque le monde deviendrait une immense unité scientifique.

    Le tableau était complet, et pour le XIXe siècle matérialiste, imposant : toute la Vie, toute la Mort, toute la Nature, réduites à un ordre absolu, sous la garde de théocrates scientifiques. Tout se passerait sur cette planète tout comme dans l’image des cieux que les astronomes scientifiques avaient dessinée pour eux-mêmes ; une régularité sereine régnerait – mais cet ordre serait purement mécanique, totalement sans but. L’homme serait scientifique seulement pour être scientifique.


    II

    Quelque chose arriva, cependant, pour perturber le tableau, et pour montrer que lui aussi portait la marque de la Vie. Avant la Première Guerre Mondiale, la désintégration des fondements psychiques de la grande structure avait déjà commencé. La Guerre Mondiale marque, dans le domaine de la science comme dans tout autre domaine de la vie occidentale, une césure. Un monde nouveau surgit de cette guerre – l’esprit du XXe siècle se présenta comme successeur de toute la vision mécaniste de l’univers, et de tout le concept du sens de la Vie, comme étant l’acquisition de la richesse.

    Avec une rapidité vraiment étonnante, étant donné les décennies de sa puissance et de sa suprématie, la vision mécaniste pâlit, et les principaux esprits, même dans ses disciplines, se détournèrent des vieux et évidents articles de la foi matérialiste.

    Comme c’est habituellement le cas pour les mouvements historiques, les expressions d’une âme supra-personnelle, le point de la plus haute puissance, des plus grandes victoires, est aussi le début de sa chute rapide. Les personnes superficielles prennent toujours la fin d’un mouvement pour le début de sa domination absolue. Ainsi Wagner était regardé par beaucoup comme le début d’une musique nouvelle, alors que la génération suivante savait qu’il avait été le dernier musicien occidental. La disparition de toute expression de Culture est un processus graduel – néanmoins il y a des tournants, et le rapide déclin de la science en tant que vision-du-monde commença avec la Première Guerre Mondiale.

    Le déclin de la science en tant que discipline mentale avait largement précédé la Guerre Mondiale. Avec la théorie de l’Entropie (1850) et l’introduction de l’idée d’irréversibilité dans son image, la science était sur la route qui devait culminer avec la relativité physique et la franche admission de la subjectivité des concepts physiques. De l’Entropie vint l’introduction des méthodes statistiques dans la science systématique, le début de l’abdication spirituelle. Les statistiques décrivaient la Vie et le vivant ; la stricte tradition de la science occidentale avait insisté sur l’exactitude dans la description mathématique de la réalité, et avait donc méprisé ce qui n’était pas susceptible d’une description exacte, comme la biologie. L’entrée des probabilités dans la science anciennement exacte est le signe que l’observateur commence à s’étudier lui-même, à étudier sa propre forme comme conditionnant l’ordre et la descriptibilité des phénomènes.

    Le pas suivant fut la théorie de la radioactivité, qui contient aussi de forts éléments subjectifs et requiert le calcul de probabilités pour décrire ses résultats. L’image scientifique du monde devint encore plus raffinée, et encore plus subjective. Les disciplines anciennement séparées se rapprochèrent lentement – mathématiques, physique, chimie, épistémologie, logique. Les idées organiques s’imposèrent, montrant une fois de plus que l’observateur avait atteint le point où il étudiait la forme de sa propre Raison.

    Un élément chimique avait maintenant une durée de vie, et les événements précis de sa vie sont imprévisibles, indéterminés. L’unité même de l’événement physique, l’« atome », qui était encore considéré comme une réalité au XIXe siècle, devint au XXe siècle un simple concept, dont la description des propriétés était constamment changée pour suivre et étayer les développements techniques. Autrefois, chaque expérience montrait simplement la « vérité » des théories dominantes. C’était aux jours de la suprématie de la science en tant que discipline au-dessus de la technique, son enfant adoptif. Mais avant le milieu du XXe siècle, chaque nouvelle expérience provoqua une nouvelle hypothèse de la « structure atomique ». Ce qui était important dans le processus, ce n’était pas l’hypothétique château de cartes qui était érigé par la suite, mais l’expérience qui avait eu lieu avant.

    On n’avait aucun scrupule à avoir deux théories irréconciliables l’une avec l’autre, pour décrire la « structure » de l’« atome » ou la nature de la lumière. La matière-sujet de toutes les sciences séparées ne pouvait plus être gardée mathématiquement claire. Les vieux concepts comme la masse, l’énergie, l’électricité, la chaleur, la radiation, fusionnèrent en un seul autre, et il devint toujours plus clair que ce qui était étudié était en fait la raison humaine, dans son aspect épistémologique, et l’âme occidentale dans son aspect scientifique.

    Les théories scientifiques atteignirent le point où elles ne signifiaient rien de moins que l’effondrement complet de la science en tant que discipline mentale. On projeta l’image que la Voie Lactée était formée de plus d’un million d’étoiles fixes, parmi lesquelles beaucoup ont un diamètre de plus de 93.000.000 miles ; cela à nouveau non pas comme un centre cosmique stationnaire, mais lui-même en mouvement vers Nulle Part à la vitesse de plus de 600 kilomètres par seconde. Le cosmos est fini, mais illimité ; sans limites, mais limité. Encore cette exigence du vrai croyant de la vieille foi médiévale : credo quia absurdum, mais l’indétermination mécanique ne peut pas susciter ce genre de foi, et les grand-prêtres ont apostasié. Dans l’autre direction, l’« atome » a des dimensions tout aussi fantastiques – un dix millionième de millimètre de diamètre, et la masse d’un atome d’hydrogène représente par rapport à un gramme d’eau ce que représente la masse d’une carte postale par rapport à la masse de la Terre. Mais cet atome est formé d’« électrons », le tout formant une sorte de système solaire, dans lequel les distances entre les planètes sont aussi grandes, en proportion de leur masse, que dans notre système solaire. Le diamètre d’un électron est d’un trois milliardième de millimètre. Mais plus il est étudié de près, plus il devient spirituel, car le noyau de l’atome est une simple charge d’électricité, n’ayant ni poids, ni volume, ni inertie ni aucune autre propriété classique de la matière.

    Dans sa dernière grande saga, la science dissout ses propres fondements psychiques, et quitta le monde des sens pour passer dans le monde de l’âme. Le temps absolu fut dissout, et le temps devint fonction de la position. La masse se spiritualisa en énergie. L’idée de simultanéité fut rejetée, le mouvement devint relatif, les parallèles se coupèrent, deux distances ne purent plus être considérées comme absolument égales. Tout ce qui avait jadis été décrit, ou qui s’était décrit, par le mot Réalité, se dissout dans le dernier acte du drame de la science en tant que discipline mentale.


    Les gardiens de la science en tant que discipline mentale, l’un après l’autre, abandonnèrent les vieilles positions matérialistes. Dans le dernier acte, ils finirent par voir que la science d’une Culture donnée a pour objet réel la description, en termes scientifiques, du monde de cette Culture, un monde qui est à nouveau la projection de l’âme de cette Culture. Par l’étude même de la matière, on parvint à la connaissance profonde que la matière est seulement l’enveloppe de l’âme. Décrire la matière c’est se décrire soi-même, même si les équations mathématiques drapent le processus d’une objectivité apparente. Les mathématiques elles-mêmes ont succombé en tant que description de la Réalité : leurs fières équations sont seulement des tautologies. Une équation est une identité, une répétition, et sa « vérité » est un reflet de la logique de papier du principe d’identité. Mais c’est seulement une forme de notre pensée.

    La transition entre le matérialisme du XIXe siècle et la nouvelle spiritualité du XXe siècle ne fut donc pas une bataille, mais un développement inévitable. Cette vive et froide discipline mentale retourna le couteau contre elle-même à cause d’un impératif intérieur à penser d’une manière nouvelle, d’une manière anti-matérialiste. La matière ne peut pas être expliquée d’une manière matérialiste. Toute sa signification vient de l’âme.

    III

    De ce point de vue, le matérialisme apparaît comme un grand négatif. Il fut un grand effort spirituel pour nier l’esprit, et cette négation de l’esprit était en elle-même l’expression d’une crise de l’esprit. Il fut la crise de Civilisation, la négation de la Culture par la Culture.

    Pour les animaux, ce qui apparaît – la matière – est la Réalité. Le monde des sensations est le monde. Mais pour l’homme primitif, et a fortiori pour l’homme de Culture, le monde se divise en Apparence et en Réalité. Tout ce qui est visible et tangible est perçu comme un symbole de quelque chose de supérieur et d’invisible. Cette activité symbolisante est ce qui distingue l’âme humaine des formes de Vie moins compliquées. L’homme possède un sens métaphysique comme marque de son humanité. Mais c’est précisément la réalité supérieure, le monde des symboles, du sens et du but, que le Matérialisme niait en totalité. Qu’était-ce donc, à part une grande tentative d’animaliser l’homme en identifiant le monde de la matière à la Réalité et en le fondant en lui ? Le matérialisme ne fut pas vaincu parce qu’il était erroné ; il mourut simplement de vieillesse. Il n’est pas erroné même maintenant – il s’adresse simplement à des sourds. Il est passé de mode, et est devenu la vision-du-monde de cousins de provinces.

    Avec l’effondrement de sa Réalité, la science occidentale en tant que discipline mentale a accompli sa mission. Son sous-produit, la science en tant que vision-du-monde, appartient maintenant au passé. Mais l’un des résultats de la Seconde Guerre Mondiale fut qu’une nouvelle stupidité apparut : le culte de la technique en tant que philosophie de la Vie et du monde.

    La technique dans son essence n’a rien à voir avec la science en tant que discipline mentale. Elle a un but : extraire de la puissance physique à partir du monde extérieur. Elle est, pour ainsi dire, une politique de la Nature, à distinguer de la politique humaine. Le fait que la technique procède à partir d’une hypothèse aujourd’hui et d’une autre demain montre que sa tâche n’est pas la formation d’un système de connaissance, mais la soumission du monde extérieur à la volonté de l’homme occidental. Les hypothèses à partir desquelles elle procède n’ont aucun lien réel avec ses résultats, mais fournissent simplement des points de départ pour que l’imagination des techniciens puisse réfléchir à des voies nouvelles pour de nouvelles expériences et pour extraire encore plus de puissance. Certaines hypothèses sont bien sûr nécessaires ; ce qu’elles sont précisément est secondaire.

    La technique est donc encore moins capable que la science de satisfaire le besoin d’une vision-du-monde à cette époque. Puissance physique – pour quoi faire ?

    L’époque elle-même fournit la réponse : la puissance physique pour des buts politiques. La science est passée dans le rôle de fournisseuse de terminologie et d’idées pour la technique. La technique est à son tour la servante de la politique. Déjà en 1911, l’idée d’« énergie atomique » était dans l’air, mais c’est l’esprit de la guerre qui donna pour la première fois à cette théorie une forme concrète, avec l’invention en 1945, par un Occidental inconnu, d’un nouvel et puissant explosif dont les effets dépendent de l’instabilité des « atomes ».

    La technique est pratique ; la politique est sublimement pratique. Elle n’a pas le moindre intérêt à savoir si un nouvel explosif dépend des « atomes », des « électrons », des « rayons cosmiques », ou des saints et des démons. Le mode de pensée historique qui inspire le véritable homme d’Etat ne peut pas prendre trop au sérieux la terminologie d’aujourd’hui lorsqu’il se rappelle avec quelle rapidité celle d’hier fut abandonnée. Un projectile qui peut détruire une ville de 200.000 habitants en une seconde – c’est pourtant une réalité, et elle concerne le domaine des possibilités politiques.

    C’est l’esprit de la politique qui détermine la forme de guerre, et la forme de guerre influence ensuite la conduite de la politique. Les armes, la tactique, la stratégie, l’exploitation de la victoire – toutes ces choses sont déterminées par l’impératif politique de l’époque. Chaque époque forme l’entièreté de ses expressions pour elle-même. Ainsi pour le XVIIIe siècle riche en formes, la guerre était aussi une forme stricte, une séquence de positions et de développements, comme la forme musicale contemporaine des variations sur un thème.

    Une étrange aberration survint dans le monde occidental après le premier emploi d’un nouvel explosif en 1945. Elle était essentiellement attribuable aux vestiges de la pensée matérialiste, mais elle contenait aussi d’anciennes idées mythologiques. L’idée surgit que ce nouvel explosif risquait de faire exploser toute la planète. Au milieu du XIXe siècle, quand l’idée du chemin de fer fut mise à l’étude, les médecins dirent qu’un mouvement aussi rapide provoquerait des troubles cérébraux, et que même la vision d’un train passant à toute vitesse pourrait le faire ; en outre le soudain changement de pression de l’air dans les tunnels pourrait causer des attaques.

    L’idée que la planète pourrait exploser était simplement une autre forme de la vieille idée, présente dans de nombreuses mythologies, occidentales et non-occidentales, de la Fin du Monde, du Ragnarök, du Götterdämmerung, du Cataclysme. La science s’empara aussi de cette idée, et l’enveloppa dans la Seconde Loi de la Thermodynamique. Les adorateurs de la technique imaginèrent beaucoup de choses concernant le nouvel explosif.

    Ils ne comprirent pas que ce n’était pas la fin d’un processus, mais le commencement.

    Nous nous trouvons au début de l’Epoque de la Politique Absolue, et l’une de ses demandes est naturellement celle d’armes puissantes. Par conséquent, la technique reçoit l’ordre de tout faire pour fournir des armes absolues. Elle n’y parviendra jamais, cependant, et le fait de croire qu’elle y parviendra trahit simplement un matérialiste, c’est-à-dire, au XXe siècle, un provincial.

    Le culte de la technique est complètement inapproprié pour l’âme de l’Europe. L’impulsion formative de la Vie humaine ne vient pas plus de la matière aujourd’hui qu’elle n’en venait jadis. Au contraire, la manière même de faire des expériences avec la matière, et la manière de l’utiliser, sont des expressions de l’âme. La naïve croyance des adorateurs de la technique qu’un explosif pourrait détruire la Civilisation Occidentale jusqu’aux fondations est le dernier souffle du Matérialisme. Cette Civilisation a fait cet explosif, et elle en fera d’autres – ils ne l’ont pas faite, et ils ne feront ou déferons jamais la Civilisation Occidentale. La matière ne pourra jamais détruire la Civilisation Occidentale, pas plus qu’elle ne l’a créée.

    C’est encore du matérialisme de confondre une civilisation avec des usines, des maisons, et l’ensemble des installations. La Civilisation est une réalité supérieure, se manifestant à travers les populations humaines, et à l’intérieur de celles-ci, à travers une certaine strate spirituelle, qui incarne au plus haut point l’Idée vivante de la Culture. Cette Culture crée des religions, des formes d’architecture, des arts, des Etats, des Nations, des Races, des Peuples, des armées, des poèmes, des philosophies, des sciences, des armes et des impératifs intérieurs. Tous sont de simples expressions de la Réalité supérieure, et aucun ne peut la détruire.

    L’attitude du XXe siècle envers la science et la technique est claire. Elle ne leur demande pas de fournir une vision-du-monde – elle la trouve ailleurs – et elle rejette positivement toute tentative de faire une religion ou une philosophie à partir du matérialisme ou du culte de l’atome. Elle les utilise cependant, au service de sa volonté-de-puissance illimitée. L’Idée est primordiale, et pour la réaliser, la supériorité en armes est essentielle pour compenser l’immense supériorité numérique des ennemis de l’Occident.

    Francis P. Yockey http://www.voxnr.com

    Source : Extrait du livre de Francis P. Yockey, Imperium (1948)

     

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