Mais l’histoire est cruelle et, comme le disait Merleau-Ponty : « Le politique n’est jamais aux yeux d’autrui ce qu’il est à ses propres yeux […].
Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d’infamie, l’une et l’autre imméritées. »
Sans nous arrêter à ce sentiment d’injustice, il est temps pour nous d’analyser, au-delà d’une personne, l’échec du macronisme.
Par Jean-Marc Ghitti, philosophe, professeur agrégé et docteur, auteur aux éditions de Minuit et aux éditions du Cerf. I
l a écrit récemment un essai : Gilets jaunes, un signe de notre temps (Améditions, janvier 2019).
Il n’en a pas moins bénéficié d’une majorité parlementaire écrasante.
Sans tenir compte de ce concours de circonstance, il s’est enivré de la situation.
Il n’a pas compris que son pouvoir signifiait, non pas le signe de son destin personnel, mais la pathologie de nos institutions qui appelait une réforme immédiate.
La non-représentativité de l’Assemblée nationale, le pouvoir exorbitant concentré à l’Élysée et la toute-puissance de l’exécutif au détriment du législatif ont été les vices institutionnels sur lesquels le macronisme a pu se donner l’illusion de sa propre force.
Le jeune président a réuni autour de lui tous ceux qui mettaient leur réussite personnelle au-dessus de leur enracinement politique et étaient prêts à trahir leur appartenance.
Le macronisme a pu donner à certains l’illusion d’être un centre politique.
Mais, du centrisme, il ne partageait aucune valeur.
Il aura été plutôt un conglomérat de carriéristes sans foi ni loi pour qui le ni droite ni gauche n’était pas un désir gaullien de se placer au-dessus des partis, ni même une sagesse inspirée par la modération et la juste mesure, mais bien le désir inquiétant d’en finir avec la politique au nom d’un pragmatisme à courte vue, d’un économisme libéral sans valeur et d’un individualisme de la réussite personnelle.
La nouvelle équipe a cru pouvoir réduire la démocratie à quelques consultations électorales espacées le plus possible dans le temps.
Les salles de rédaction de la grande presse parisienne, parfaite expression de cette bourgeoisie, ont alors mis les moyens médiatiques au service du gouvernement macronien, et d’autant plus facilement que les propriétaires affairistes de ces organes y trouvaient également leur compte.
Sur cette base sociologique ainsi confortée, le macronisme s’est pris pour la France sans douter le moins du monde de sa légitimité.
On l’a vu adopter sans réflexion une conception activiste de la politique en faisant passer à marche forcée tout un train de mesures sans prendre le soin ni les expliquer, ni d’y associer les acteurs politiques du pays, écartant les maires, les syndicats, la deuxième chambre et tous les autres relais. Or, gouverner ne signifie pas appliquer un programme à la lettre, sans tenir compte ni des circonstances, ni des oppositions, ni du débat parlementaire, ni de la capacité des gens concernés à mettre en œuvre des ordres venus d’en haut.
En marche a pensé pouvoir conduire, sous la houlette d’un président activiste, une transformation autoritaire du pays par la force de la contrainte juridique.
La France ne s’est pas laissée réduire à cette fausse représentation de soi et ne s’est pas identifiée à cette image par laquelle on a voulu la manipuler.
Là où il y a de l’humain, il y a de l’inconscient !
Ce président ivre d’orgueil ne clamait si fort sa légitimité que parce qu’il n’en était pas convaincu lui-même.
C’est ce qu’il avouait dans ses maladresses, lapsus et actes manqués, dont le plus significatif aura été, dans l’affaire Benalla, cette fanfaronnade : « Qu’ils viennent me chercher ! »
Comment mieux dire qu’inconsciemment il ne se sentait pas à sa place à l’Élysée ?
Formule malheureuse, que les forces les plus invisibilisées du pays ont pris à la lettre, en se mettant en marche sur le palais présidentiel et en marchant, semaine après semaine, à seule fin de moduler une unique revendication : Macron dégage !
Quand la réalité sociale et historique d’un pays est déniée et rendue invisible par l’aveuglement des ambitieux, il est forcé, par une loi nécessaire et sans exception, qu’elle revienne se manifester avec angoisse et violence.
Mais la négation et le recouvrement du pays réel est si essentiel au macronisme qu’il n’a pas pu s’en départir.
Il a voulu finasser et faire des distinctions qui n’ont pas lieu d’être entre les violents, les manifestants pacifiques mais actifs et les soutiens passifs du mouvement.
Le propre d’un mouvement social, c’est que ces trois catégories sont liées et solidaires.
Le macronisme a voulu apporter une réponse pénale à un problème politique, ce qui était un déni supplémentaire ne pouvant que renforcer la contestation.
Peu à peu tous les masques sont tombés.
Le gouvernement de la France, apeuré, aux abois, s’est enfoncé dans une dérive sectaire mettant en scène son chef adulé lors d’une tournée médiatique nommée « Le grand débat. »
Les organes de la presse officielle ont montré leur vrai visage : ils se sont livrés à une manipulation de l’information et l’opinion, se comportant en pures et simples relais de la communication gouvernementale, tentant de faire diversion en parlant d’autre chose comme il est de stratégie habituelle en période de troubles, et allant jusqu’à colporter des mensonges d’État.
On n’a pas craint de recourir à des manœuvres d’intimidation contre l’opposition politique et contre la presse indépendante : perquisitions, plaintes, disqualification de la parole dissidente.
On a fait voter, en urgence, des lois de police et on a instrumentalisé l’institution judiciaire, en lui donnant des consignes de sévérité exceptionnelle, au mépris de la séparation des pouvoirs.
Mais surtout, tout au long de ce mouvement de radicalisation, le macronisme s’est historiquement et définitivement associé à la répression politique.
Si bien que désormais, quels que soient les soubresauts par lesquels il pourra encore se maintenir au pouvoir, le macronisme porte la marque indélébile d’un recours à la violence qui en signe l’échec.
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