Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 38

  • Tribune libre : Démystifier le "choc des civilisations"

    Des événements tels que la parution des caricatures du prophète publiées par Charlie Hebdo et le film L’Innocence des Musulmans relancent régulièrement le débat sur un potentiel "choc des civilisations". Celui-ci tend souvent à être réduit à un simple affrontement entre un Occident sécularisé et un monde musulman tenté par le fanatisme religieux.

    Pourtant, la pensée du créateur du concept, Samuel Huntington (1), s’avère être beaucoup plus complexe : il n’a nullement la volonté de réduire les relations internationales à ce simple phénomène et ne prophétise en aucun cas un inéluctable affrontement entre ces civilisations. L’auteur lui-même invitait donc à relativiser son propre concept et les presque deux décennies qui se sont écoulées depuis sa parution confirment d’ailleurs que ses prévisions se sont révélées en grande partie aléatoires. 

    Pour Samuel Huntington, le choc des idéologies (nazisme, communisme, capitalisme) a été un accident dans l’histoire : les civilisations sont condamnées à s’affronter et le concept de choc des civilisations explique la majeure partie des relations internationales. Il le définit cependant comme un paradigme permettant de simplifier les relations internationales pour se raccrocher à un modèle mais, comme il l’affirme lui-même, ce modèle n’a pas vocation à tout expliquer. Un parallèle peut être fait avec le concept de guerre froide : la majeure partie des relations internationales se sont inscrites dans ce concept de 1945 à 1989 mais de nombreux éléments, par exemple les décolonisations, ne s’y inscrivent que partiellement ou même pas du tout.

    En outre, l’ouvrage de Samuel Huntington ne se limite en aucun cas à une dichotomie entre Occident et monde musulman. S’il définit neuf civilisations différentes, de manière d’ailleurs relativement douteuse puisqu’il se borne au critère religieux, les potentialités conflictuelles entre la Chine et les Etats-Unis sont selon lui bien plus préoccupantes.

    Ainsi, réduire toute question relative aux relations entre l’Occident et le monde arabe, voire à l’ensemble des relations internationales, uniquement au choc des civilisations revient à une réduction simplificatrice de la pensée de l’auteur du concept

    Par ailleurs, le choc des civilisations n’a nullement le caractère belliqueux qu’on tend abusivement à lui prêter. Samuel Huntington appelait ainsi les Occidentaux à se méfier de leurs tendances à l’universalisme : "La croyance occidentale dans la vocation universelle de sa culture a trois défauts majeurs : elle est fausse, elle est immorale et elle est dangereuse". C’est pourquoi, logiquement, la meilleure façon selon lui d’éviter ce choc des civilisations était de pratiquer une politique de non-ingérence dans les autres civilisations. On est là bien loin du "wilsonisme botté" des néoconservateurs américains ! 

    En dehors de la nécessaire relativité à prendre suite à la lecture de l’ouvrage d’Huntington, on peut également s’apercevoir que 16 ans après sa parution, nombre de ses prévisions se sont révélées hasardeuses.

    Ainsi, Samuel Huntington estimait que l’explosion démographique du monde musulman génèrerait un stress social lui-même facteur d’accroissement de l’emprise de la religion sur les sociétés. Si effectivement la plupart des pays musulmans disposent encore d’une population jeune, ils sont cependant en passe de réaliser leur transition démographique (par exemple, le taux de fécondité de l’Iran est largement inférieur à celui des Etats-Unis).  Et, comme le souligne Emmanuel Todd (2), c’est peut-être justement cette transition démographique, entrainant une émancipation des femmes et un accroissement de l’éducation des plus jeunes, qui génère un stress interne aux sociétés musulmanes dans lesquelles, en conséquence, les pouvoirs traditionnels et religieux se retrouvent confrontés à une érosion de leur influence. Ce phénomène s’en trouve démultiplié par ce qu’Amin Maalouf (3) décrivait en 2009 comme étant une crise de légitimité interne liée à l’autoritarisme des régimes politiques en place, conduisant par la suite au fameux Printemps arabe. Car finalement, cette "crise" est bien plus interne à ces sociétés que tournée contre l’Occident : les victimes du fanatisme religieux sont bien plus nombreuses chez les musulmans que chez les occidentaux tandis que l’immense majorité des musulmans établis dans des pays occidentaux adhère massivement à la sécularisation de la société. 

    Ainsi, le "choc des civilisations" ne peut être considéré, au mieux, que comme un paradigme permettant de donner une clé de compréhension partielle et imparfaite des relations internationales. Il ne saurait être considéré comme un concept absolu, d’autant plus que dans ce cadre il pourrait bien prendre un aspect auto-constructiviste (4). Le sage conseil d’Amin Maalouf prend alors tous son sens : "Toute théorie de l’Histoire est fille de son temps ; pour comprendre le présent, elle est fort instructive ; appliquée au passé elle se révèle approximative, et partiale ; projetée vers l’avenir, elle devient hasardeuse, et quelques fois destructrice." (5)

     Cdt Alain MESSAGER http://www.theatrum-belli.com

    Ancien stagiaire de l’Ecole de guerre (2011-2012), le commandant Alain Messager suit actuellement une formation de master spécialisé "management de la maintenance" à l’Ecole nationale supérieure des Arts & Métiers dans le cadre de l’enseignement militaire supérieur scientifique et technique (EMSST). Il s’exprime ici à titre personnel. 

    NOTES : 

    (1) Samuel Huntington, Le Choc des civilisations, Odile Jacob 1996.

    (2) Emmanuel Todd, Après l’empire, Folio 2004.

    (3) Amin Maalouf, Le Dérèglement du monde¸ Le Livre de poche 2009.

    (4) Cf. Tzetan Todorov, La peur des barbares,

    (5) Amin Maalouf, Ibid., page 269.

  • Mali, Diabaly, les renforts français arrivent… lentement et les jihadistes s’accrochent

    Depuis hier soir, les accrochages aux alentours et dans la petite ville de Diabaly sont montés en puissance au point de se transformer en un affrontement majeur depuis bientôt 12 heures. Débordée, l’armée malienne a dû une fois de plus faire appel aux troupes françaises : ce sont d’abord les commandos du COS (1re RPIMa) qui sont intervenus en reconnaissance offensive, suivis d’une compagnie de marsouins, d’un escadron du 1er RHP, peut-être d’éléments de la Légion (REC), avec appui aérien massif. Les combats, très durs, parfois même au corps à corps, durent encore (1). Comme nous l’écrivions précédemment, c’est maison par maison qu’il faut déloger l’ennemi jihadiste terré dans Diabaly.

    VAB des marsouins à Markala cet après-midi (photo : Céline Martelet - RMC- journaliste embarquée)

    A 15 heures (heure de Paris), des journalistes sur place signalaient la montée en ligne d’éléments du 21e RIMa partis renforcer les forces spéciales au contact avec les islamistes à Diabaly. Un appui héliporté a été aussi signalé, sans pour autant savoir s’il s’agit d’hélicoptères maliens (Mi-24D) ou français (Gazelle).

    Toute communication a été coupée depuis 10h00 ce matin avec la bourgade. Il pourrait s’agir d’une conséquence des frappes aériennes françaises. Ainsi, la ville de San, à l’est de Ségou et hors zone de combat, a connu toute la journée plusieurs coupures d’électricité. Dans le nord, il n’y aurait plus de courant à Gao.

    Peu d’éléments ont filtré quant au déroulement des combats sur Diabaly. On évoque maintenant la présence de plus d’un millier de combattants islamistes sur le secteur de la bourgade malienne ; et des renforts pourraient arriver dans le courant de la nuit. Dans l’après-midi, de source militaire malienne et française, on apprenait que les forces françaises auraient affronté « des enfants-soldats, certains âgés de 12 ans » et que le islamistes utilisaient « les populations comme boucliers ». C’est possible, mais cela reste à vérifier puisqu’aucun observateur indépendant n’est en mesure de confirmer cette information.

    Cette carte anglophone est très utile pour comprendre la position stratégique de Diabaly

    Apparemment, ces derniers jours, ce sont les combattants arabes, de la nébuleuse que l’on désigne commodément sous le dénominatif d’AQMI, qui ont renforcé les Touaregs islamistes d’Ansar Dine ; des jihadistes encore plus aguerris et d’une résistance notable face au feu français, ce qui a étonné jusqu’à l’état-major à Paris. Si on ajoute que ces bandes armées sont familiarisées depuis longtemps avec le terrain sur lequel elles évoluent, sans oublier leur souplesse d’engagement, on peut mesurer le degré de difficulté que rencontrent en ce moment nos troupes à leur contact, sans hélicoptères d’assaut Tigre, ni drones, ni appui d’artillerie tactique de type mortiers de 120.

    Les frappes aériennes n’ont pas cessé de la journée. Guidée par un Bréguet Atlantique-II (comme les troupes au sol), l’aviation française a détruit des « véhicules blindés », dans la nuit et ce matin, dans le « fuseau Ouest » (nord de Diabaly). Il s’agit pour l’essentiel de matériels récupérés par les combattants islamistes à Gao ou dans une autre ville de garnison capturée à partir d’avril dernier, parmi lesquels des BRDM-2 et des BTR-60PB. Plusieurs pick-up surmontés de lance-roquettes multiples de 122 et 107 mm bricolés par les ex-insurgés libyens figurent aussi au tableau de chasse des pilotes de Rafale et Mirage 2000D.

    Plus en arrière de Diabaly, le bourg de Markala, juste au nord de Ségou, a été transformé en base logistique avancée pour les troupes au sol, avec un poste de secours (VAB sanitaire). Pour l’heure, on ne nous signale aucune perte du côté français.

    Les hélicoptères Tigre sont à Bamako, ils devraient être opérationnels au plus tôt demain ou après-demain, comme les drones de surveillance Harfang. Devant la situation plus difficile que prévue, des renforts en troupes seraient attendus de métropole pour les prochains jours, si le ministère de la Défense leur déniche assez de transports aériens.

    L’info sur place continue d’être verrouillée : l’accès aux abords de la ligne de front est toujours interdit à la presse internationale. Pour des raisons de sécurité, affirme-t-on sur place… En fait, Paris comme Bamako tentent de minimiser le fait que cette ligne de front est fluctuante et sans doute encore très perméable à d’éventuelles infiltrations de katiba jihadistes. Et sans doute cherchent-ils à contrôler l’information au maximum. De nombreux check-points ont été mis en place entre Ségou et Mopti-Sévaré, avec contrôle des véhicules et des personnes par l’armée malienne. A défaut de pouvoir se battre avec efficacité, les militaires maliens savent faire la police sur ordre de… Paris !

    http://www.nationspresse.info

    (1) Information démentie, ce soir, par le ministère de la Défense à Paris. Au lecteur de juger par lui-même la valeur de ce type de démenti tardif…

  • Pour une Europe iconoclaste

    Depuis octobre 2006 paraît tous les deux mois la revue politique et culturelle, nationale et identitaire, Synthèse nationale dirigée par Roland Hélie. Disposant d’un site Internet et tenant une manifestation annuelle de rencontres, d’échanges, de discussions et de réflexions dans la capitale, voilà qu’elle dispose dorénavant d’une maison d’éditions. Celle-ci vient de publier un ouvrage collectif d’auteurs français, espagnols, belges et hongrois. « Ce livre, écrit Roland Hélie, publié à l’occasion de la VIe Journée nationale et identitaire organisée par Synthèse nationale le 11 novembre 2012 à Paris » rassemble les réponses à quatre principales questions que leur pose le directeur du bimestriel.

     

    La palette des intervenants est large. Elle témoigne de la diversité, de l’hétérogénéité même, du courant national et identitaire. On a la surprise de ne compter que 28 signatures, mais trente est un nombre rond plus satisfaisant. En plus, il faut prendre en compte l’introduction de Roland Hélie et le trentième point de vue est nécessairement celui du lecteur. Si l’on établit une typologie – sommaire et un peu grossière – des tendances qui s’y expriment, on remarque que le royalisme n’a qu’un seul représentant : Franck Abed. Les nationaux sont cinq (Francis Bergeron, Pierre Descaves, Bruno Mégret, Martin Peltier et Jean-Claude Rolinat), huit proviennent de la « nébuleuse néo-droitiste » (Gabriele Adinolfi, Patrick Parment, Philippe Randa, Gilbert Sincyr, Robert Spieler, Pierre Vial et deux rédacteurs réputés d’Europe Maxima, Pierre Le Vigan et Georges Feltin-Tracol), neuf du nationalisme sous toutes ses facettes (Serge Ayoub, Thibaut de Chassey,  André Gandillon, Olivier Grimaldi, Pieter Kerstens, Luc Pécharman, Alain Renault, Hervé Van Laethem et Gabor Vona, le président du Jobbik hongrois) et cinq sont hors-catégorie (Lionel Baland, Nicolas Gauthier, Dr Bernard Plouvier, Enrique Ravello) ainsi qu’un conservateur naïf, Marc Rousset, qui plaide pour l’espéranto comme langue de la construction européenne !

     

    Comme il est habituel dans ce genre de livre, les réponses sont variées et inégales tant par leur pertinence que par leur qualité. On est en revanche heureusement surpris par la volonté de tous de remédier à la panne (à l’impasse ?) européenne. Si, pour Alain Renault, « la question “ européenne ” n’est plus seulement géographique mais avant tout biologique » du fait de l’immigration de peuplement, Patrick Parment constate que « les partis sont des gestionnaires de carrière », donc les premiers responsables de la nullité politique, alors que Franck Abed affirme avec justesse que « la République en France est le parti de l’étranger ».

     

    Immigration et domination des formations politiciennes favorisent dans les faits un « désarmement moral, énonce Francis Bergeron, [qui] se juxtapose ou se confronte à l’expansionnisme idéologique (islam), territorial (immigration extra-européenne), démographique (forte natalité d’un côté, valorisation de l’avortement et de l’homosexualité de l’autre), moral (vision optimiste et dynamique, volonté entrepreneuriale d’un côté, et le “ tous fonctionnaires ”, de l’autre) ». Plus qu’économique, le mal qui frappe l’Europe est surtout existentiel. Notre continent « se trouve aujourd’hui au bas de l’échelle, dominée par n’importe quel État d’Asie, tout juste bonne à servir de musée et de parc d’entertainment aux touristes du monde, s’indigne Martin Peltier ». « Une civilisation meurt, ajoute Pierre Le Vigan, quand ses élites ne comprennent pas la nature d’un processus en cours, ou quand elles en sont complices – ce qui est le cas. Les élites sont le moteur du productivisme effréné, de la mondialisation capitaliste, de la consommation et consumation de la planète par l’homme. »

     

    Par ailleurs, « l’Europe de Bruxelles, qu’il faut considérer comme illégitime car elle ne correspond pas à la volonté des peuples européens, bernés et domestiqués par un conditionnement mental permanent, subit les conséquences de sa dépendance à l’égard des forces mondialistes, estime Pierre Vial. Elle paie le prix de la perte de sa liberté ». Plus définitif encore, Enrique Ravello affirme que « l’actuelle Union européenne est le plus grand ennemi de l’Europe ainsi que des peuples et des pays qui la constituent : elle est mondialiste, néo-libérale et soumise aux États-Unis ». Cette américanisation des esprits lobotomisés fait dire à Nicolas Gauthier qu’« en tant qu’Européen de l’espèce maurrassienne, je me sens plus chez moi à Téhéran qu’à New York ».

     

    Paradoxalement pourtant, la crise actuelle de l’Europe est plus que nécessaire, elle est même salutaire. « Par “ crise ”, rappelle Gabriele Adinolfi, nous entendons ce que le mot signifie au sens étymologique, c’est-à-dire passage, transformation, ou si vous voulez, un changement radical guidé du haut. » Le sursaut réclamé se traduira par une « Reconquête, prévient Robert Spieler, [qui] sera, sur tous les plans, européenne ou ne sera pas ». « L’Europe que nous voulons, déclare pour sa part Gilbert Sincyr, pourrait se définir en trois mots : identitaire, autonome et solidaire. » Le Vigan confirme le propos en prévenant qu’« il est temps de réhabiliter le local car l’universel qui prétendrait se passer du local tuerait la vie elle-même de sa chair ». « La fin de l’État-nation et de la démocratie (Adinolfi) » favorise la renaissance du local. « Face à la restructuration dirigiste, mondialiste, esclavagiste, classiste, supranationale, il est possible seulement de recréer l’organicité sociale à la base et d’agir pour que le changement en cours soit ancrée dans le local et encore pour que le local fasse aussi fonction de freinage dans la course culturelle et politique permettant qu’une souveraineté continentale, expression d’identités locales, surgisse à la place de la dimension cosmopolite (Adinolfi). »

     

    Les contraintes du réel invitent à procéder par paliers successifs. « Le souverainisme national ne me paraît pas tenable à long terme, mais il peut être une étape avant de construire une Europe autocentrée, un protectionnisme européen, une maîtrise européenne des frontières, un souverainisme européen en d’autres termes, pense Le Vigan. » Si le cadre de l’État-nation fait défaut, agissons autrement. Pour Serge Ayoub, « Troisième Voie se concentre essentiellement sur la formation d’une communauté des travailleurs aptes à faire face à la crise. La B.A.D. (Base autonome durable), la pénétration syndicale, l’autonomisation économique par rapport au système, voilà des réponses adéquates à la situation économique que la France va affronter ».

     

    L’action doit prendre de nouvelles formes. Gabriele Adinolfi nous suggère de « procéder dans un esprit néo-sorelien, mais aussi néo-gibelin, à la création de coopératives liées à des territoires donnés et aux catégories sociales. Il faut envisager la création de caisses d’épargne ou de banques de secours mutuel qui financent la production par les investissements des classes productives elles-mêmes. » L’objectif doit tendre vers « une Europe identitaire et solidariste (aux bons sens des termes) [qui] est la seule solution pour pouvoir sortir de cette crise », affirme Hervé Van Laethem qui juge que « seule une troisième voie économique entre le libéralisme sauvage et le dirigisme socialiste pourra nous sauver de ce qui s’annonce comme une tragédie sociale. Et seule une idéologie profondément anticapitaliste, comme l’est le solidarisme, permettra de mettre en place une telle politique ». Cette troisième voie est aussi défendue par Georges Feltin-Tracol qui assure que « notre Europe saura concilier la puissance et la décroissance et s’inspirera de l’expérience de Fiume avec Gabriele d’Annunzio, du modèle suisse et de l’exemple de la Corée du Nord ! ».

     

    Ce livre impose finalement une « certitude, croit Roland Hélie : la fin de notre civilisation et de notre identité ne sont pas une fatalité ». Espérons que nos compatriotes européens prendront conscience des périls et riposterons le moment venu.

     

    Bastien Valorgues http://www.europemaxima.com/

     

    • Sous la direction de Roland Hélie, Face à la crise : une autre Europe ! 30 points de vue iconoclastes, Les Bouquins de Synthèse nationale (116, rue de Charenton, F – 75012 Paris), 2012, 163 p., 18 €.

  • Otages français en Algérie : Najat contredit François !

     

    Pas sûr que Najat soit vraiment à sa place...

    Que se passe-t-il au niveau de la com’ gouvernementale ? Après les multiples cafouillages concernant le Mali, voilà que pour la crise des otages en Algérie, la porte-parole du gouvernement n’a pas hésité à contredire le président de la République. Alors que François Hollande confirmait la présence de Français sur le site gazier d’In Anemas lors d’un point-presse, Najat Vallaud-Belkacem affirmait exactement le contraire…

    8 h 30 – « Pas de confirmation de Français ». La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem affirme qu’il n’y a pas de confirmation de la présence de Français parmi les 41 otages retenus sur place depuis 24 heures.

    Source

  • COMMENT L'ETAT DETRUIT LE LOGEMENT (archive)

    Les offensives du gouvernement contre le logement ne s'arrêtent jamais. Voici quelques-unes parmi les plus récentes.
    Dans la liste des nouveaux impôts se trouve un projet de taxation accrue des plus-values réalisées à l'occasion de la vente de résidences secondaires. Il est tout à fait normal de faire une plus-value lorsque l'on vend une habitation quelle qu'elle soit et il est immoral que les politiciens taxent ces plus-values de quelque façon que ce soit. Autre projet : surtaxer les loyers des chambres de bonne quand ce loyer ne convient pas au gouvernement pour une raison pour une autre ; il en résultera une nouvelle pénurie ou des transactions au noir ! Le Président de la République « veut » une France avec 70 % de propriétaires au lieu de 58 % aujourd'hui. De quoi se mêle-t-il ? Si le logement était libéré, chacun, selon les circonstances choisirait librement d'être propriétaire ou locataire. Il en résulte la promotion du PTZ ou prêt à taux zéro, nous rappelant le triste exemple des subprime aux USA qui avaient pour but de vendre des logements à des personnes ne pouvant pas acheter.
    Ces toutes dernières mesures font suite à un déluge de dispositions qui, depuis 2007, forment des obstacles considérables à la construction nécessaire de logements valables.

    DES DISPOSITIFS DESTRUCTEURS
    Le gouvernement dirige étroitement les loyers, ce qui va jusqu'à un quasi blocage du type « loi 1948 » : erreur fatale. En conséquence et pour, soi-disant, aider les propriétaires bailleurs, il déclenche une floraison de dispositifs avec leurs complications et leur arbitraire : Robien, Scellier, Scellier BBC, Scellier social, Scellier meublé. Dans la réalité, c'est autant de pièges pour ces propriétaires bailleurs, l'essentiel des avantages fiscaux étant captés par les intermédiaires. Le droit au logement opposable (DALO), entré en application le 1er janvier 2008. est un concept socialiste. Quand une personne se trouvant sur le territoire français n'est pas logée ou logée d'une façon qui ne la satisfait pas, elle a le droit de se retourner contre l'État à l’aide d’une instance juridique pour exiger un logement qui lui convienne. Bien sûr, cette innovation est liée aux logements sociaux dont l'État prétend avoir la charge et qui constituent une sorte de verrue communiste dans le paysage français. Cette verrue est bien connue au fond de l'Afrique et susceptible, suivant la phrase d'un socialiste pur et dur, d'attirer en France toute la misère du monde. L'extension sans fin de ces logement sociaux s'est accrue par la pression sur les maires, menacés d'une arme fiscale ; ces innombrables logements sont, à la fois, signe et cause de la dégradation du patrimoine immobilier. Ce DALO t crée à l’intérieur de la France des besoins nouveaux et artificiels, aggravant la lancinante pénurie.
    L'on pourrait citer encore le zonage du territoire ; il existe tant de zones enchevêtrées que la complexité des démarches pour construire un logement est inextricable. Parmi ces zones, se trouvent les régions classées au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce classement tout à fait inutile se propage sur la terre entière depuis 1972 date de sa création. La vallée de la Loire, par exemple, a été classée. Les conséquences sont extrêmement importantes sur le plan des formalités car le classement conduit à des délais supplémentaires pour l'étude des dossiers et aussi à des décisions tout à fait arbitraires. Rappelons que ce système a pour objectif évident bien que non déclaré d'enrichir l'Unesco, monstre administratif ruineux, qui compte 175 directeurs et 1000 consultants !
    Un promoteur avait évalué il y a quelques années à 25 % du prix du logement le coût des formalités administratives. La conséquence est la réduction des surfaces disponibles ou des pertes de qualité. Les chanceux qui disposent de grandes surfaces ne s'en aperçoivent guère. Pour celui qui n'a que 10 M2, c'est dramatique.
    Le résultat est pitoyable. Suivant les statistiques de la fondation de l'abbé Pierre, 2 600 000 Français(sic) seraient mécontents de leur logement. Comment se fait-il que dans ce pays bénéficiant de tant de possibilités un telle catastrophe puisse exister ?

    LE VOLONTARISME COUPABLE DE L'ETAT
    L'unique explication est le volontarisme coupable de l'État qui s'incarne dans un double attelage ministériel : Madame Nathalie Kosciuszko, ministre du logement, est flanquée de Monsieur Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement. Ce fabuleux attelage pèse lourdement par son existence même sur le marché du logement : impôts abusifs et règlementations obscures détruisent le dit marché. L'attelage s'accompagne d'une foule d'organisations « bourreaucratiques » publiques comme des « Agences Départementale de l'Information sur le Logement Si l'on multiplie par le nombre de départements et si l'on ajoute une foule d'autres organismes parasitaires, le coup de massue frappant les candidats locataires et propriétaires est meurtrier à souhait.
    Provenant de l'action négative des ministres, les causes de la calamité sont si nombreuses qu'il est difficile de les inventorier : il s'en ajoute beaucoup à celles qui viennent d'être mentionnées.
    Citons l'impossibilité de faire partir sans délai le locataire mauvais payeur (En Belgique, c'est immédiat et, de ce fait, l'on trouve à se loger) et l'obligation des diagnostics sans véritable intérêt qui majorent de 2 % les coûts.
    Il existe, même, grâce à l'imagination des énarchos-socialos au pouvoir et sous la pression des écolos, une trouvaille absolument incroyable : c'est le logement « idéologique » ; suivant la doctrine officielle de tels logements « économisent la planète » ! En d'autres termes, les candidats au logement sont incités à faire plaisir aux caciques du prétendu réchauffement climatique rattaché à une cause humaine et parmi eux à Jean-Louis Borloo. L'incitation comporte une foule d'aides de natures diverses en vue d'encourager les travaux désignés arbitrairement comme écologiques : ce sont des « aides vertes ».
    Un exemple de l'orientation « idéologique » du logement est la maison « BBC ». Ces initiales désignent la maison basse consommation. La construction est terriblement compliquée et ces logements BBC coûtent 15 % de plus que les autres. Certes, ce surcoût est pratiquement compensé par des avantages fiscaux. Il en résulte un double effet de ruine pour un acteur du logement : il perd sa liberté de choix alors que celle-ci dans un domaine aussi important fait partie de la richesse et il souffre, comme d'autres, du matraquage des impôts nécessaires pour compenser les avantages fiscaux.

    LIBERER LE LOGEMENT
    La solution à la calamité existe et est connue de tous les économistes : libérer complètement le logement en laissant le marché jouer dans tous les domaines est la seule façon de gérer le problème. Une des causes profondes du désastre Français vient de ce que l'horrible calamité, comme beaucoup d'autres, est le terreau où politiques et chefs syndicalistes cultivent leur fausse gloire et leur vraie richesse grâce aux remèdes mensongers qu'ils appliquent.
    Quelqu'un a remarqué que, du temps d'Henri IV et de Sully, les gens s'enrichissaient car, malgré son pouvoir, le Roi ne « tracassait pas les particuliers ». C'est une phrase extraordinaire. A présent nous sommes soumis à un millier de « Princes » qui fabriquent à leur usage un pouvoir quasi absolu grâce auquel ils nous tracassent de tous les cotés.
    Nous vous en prions : cessez de nous tracasser et nous serons tous logés à notre gré !
    Michel de Poncins. http://libeco.net/

  • De F. Mitterrand à F. Mitterrand

    Lorsque Cyril Collard, l'auteur du livre et du film « Les Nuits Fauves» était mort du SIDA, François Mitterrand avait écrit à ses parents : « votre fils est un exemple pour la jeunesse française ». Il n'y avait pourtant dans le livre de Cyril Collard que des descriptions de parties de sodomie avec des maghrébins. François Mitterrand n'avait quand même pas songé à en faire un ministre de la culture pour tous ses faits d'arme. Sarkozy l'a fait avec son neveu puisque le livre « La Mauvaise Vie » n'est qu'un réchauffé du livre de Cyril Collard où s'exprime tout le masochisme que peut parfois éprouver un homosexuel, ce qui rappelle aussi Michel Foucault  qui allait dans des bordels américains pour assouvir toutes ses turpitudes masochistes que par pudeur nous ne décrirons pas.
    Comme Sarkozy n'a dans le fond aucune vision politique ou culturelle pour la France, il s'était cru malin de faire un coup médiatique en accrochant à son blason le nom de Mitterrand. Il a sans doute pensé que cette affaire ne lui avait pas fait assez de tort et il a donc ajouté l'affaire de son fils.
    Le Président parait-il ne boit pas d'alcool, mais il n'en a pas besoin car le pouvoir rend ivre. Il a pensé détenir le pouvoir absolu comme Néron nomma son cheval consul. Son fils au dernier moment a fait marche arrière sur les recommandations de son père et surtout des sondages.
    Sarkozy est-il de droite ? Rien que poser la question est déjà montrer que la réponse est problématique.
    Il ne faut pas oublier que Sarkozy comme Balladur vient de l'Orient et n'a pas les mêmes codes que les politiciens français traditionnels. Thierry Desjardin, ancien rédacteur en chef du Figaro, trouvait que le Président avec ses Ray-Ban ressemblait à un proxénète levantin. La trahison et la fourberie font partie de leur culture politique. Toute la carrière politique de Sarko a été l'application de cette sourate du Coran : « baise la main que tu ne peux mordre ». Récompenser les traîtres devient monnaie courante sous le Sarkozisme. La fameuse division ami/ennemi chère à Carl Schmitt pour décrire la politique n'a plus guère de sens. L'exemple achevé du traître est Eric Besson. Après avoir trahi son camp et baisé la main de Sarkozy, il a abandonné sa femme pour une jeunette tunisienne de 22 ans. Pour se dédouaner et cacher sa honte, n'a-t-il pas déclaré que combattre le Front National l'avait toujours excité au plus haut point ! Cela n'empêche pas son ex femme dans son malheur de crier vengeance dans tous les médias et sur tous les plateaux de télé ou de radio. Il faut reconnaître que les ministres de l'ouverture savamment choisis par un génie de la politique font du bruit avec leur vie privée.
    Au milieu de toutes ces affaires sordides, la seule constante économique importante est le chômage. La crise est finie, répètent les cyniques ou les imbéciles heureux. Tout va donc pour le mieux sauf si vous êtes au chômage, mais les chômeurs ont-ils de l'importance ? Mauriac disait « ce qui arrive aux autres est sans importance ».
    La Rochefoucauld allait encore plus loin dans cette vision : « Les hommes ont assez de force pour supporter les maux des autres ». Voilà dans les faits comment est pensée la question du chômage.
    En politique, la symbolique est parfois plus importante que la chose en elle-même comme dans l'affaire « Jean Sarkozy ».
    Il faut aussi reparler de la nouba du Fouquet's où le Président élu avait invité tous les « pétés de thune » de France ou d'ailleurs. Il faut souligner que lorsque François Mitterrand avait déposé une gerbe de fleurs sur la tombe de Jean Moulin une fois élu, cela avait infiniment plus de classe et d'allure sur le plan politique même pour ceux qui n'aimaient pas Mitterrand ou la symbolique du Panthéon, ce cimetière de francs-maçons.
    Cette boum ou surprise partie au Fouquet's n'annonçait rien de bon pour la France où de façon officielle on célébrait pour la première fois sans vergogne la religion du veau d'or.
    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • Des droits contre l'homme

    On trouve dans les déclarations de 1789 et de 1948 des articles qui sont l'aboutissement d'une tradition de jurisprudence. Ce que nous condamnons, c'est la fausse conception de l'homme dans laquelle ces articles se trouvent insérés et qui a inspiré quelques autres articles réellement condamnables.
    L'exemple d'une déclaration des droits avait été donné dès 1778 par les auteurs de la Déclaration d'indépendance des États-Unis, mais au moins désignaient-ils Dieu comme l'auteur des droits inaliénables. Les Constituants français de 1789, eux, se sont contentés dans le préambule de placer leur déclaration « en présence et sous les auspices de l'Être suprême », ce qui ne les engageait à rien...
    Libres et égaux...
    L'article 1er est sot : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. » Maurras l'a fait remarquer : l'homme laissé libre, donc seul, en venant au monde n'aurait aucune chance de vivre. La naissance est un beau spectacle d'autorité nécessaire et d'inégalité protectrice. D'ailleurs, liberté et égalité sont un couple impossible : là où la liberté est illimitée, les forts écrasent les faibles ; là où l'égalité règne, il faut obliger tout le monde à passer sous la même toise...
    La déclaration de 1948 corrige très légèrement cette conception abstraite de l'individu. Elle remplace « hommes » par « êtres humains » (art. 1). Ils ont donc un être et ne sont plus de simples atomes, ils ont une « dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine » (préambule). Mais leurs « droits égaux et inaliénables » sont, dans l'énoncé, juxtaposés à cette dignité ; ils ne sont pas explicitement fondés en elle. Donc on est toujours dans l'individualisme comme en 1789.
    Le conflit institutionnalisé
    L'article 2 de 1789 est un brûlot : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. » C'est du pur Rousseau : chacun est sur terre pour y chercher sa satisfaction personnelle, il ne doit obéir qu'à lui-même, donc ne se lier à la société que dans la mesure où il y trouve son intérêt, selon les termes d'un "contrat social".
    Les droits dits « de l'homme et du citoyen » doivent être compris comme ceux du citoyen en tant qu'homme, non ceux de l'homme en tant que citoyen. Car "l'Homme", dans la nation, n'est plus héritier (débiteur), mais créancier (sujet de droits).
    Le rôle de l'État devient alors de conserver à tous cette possibilité pour chacun de ne vivre que pour et selon soi. Il sort ainsi de sa mission traditionnelle qui est de gérer le bien commun par-dessus les biens particuliers, et toute question politique ou sociale se trouve posée en termes de droits, donc dans un climat conflictuel. Résultat : des lobbies peuvent s'organiser pour paralyser l'État. Sans compter qu'une société où tout est droits voit se multiplier les déprimés, les aigris, les névrosés, ceux pour qui toute malchance est une injustice. Allons plus loin : comment une société fondée sur le droit de vivre chacun pour soi peut-elle faire comprendre aux immigrés que s'intégrer à une nation, cela se mérite ?
    Vient ensuite (toujours en 1789) la liste des « droits ». D'abord la liberté, posée sans complément, donc comme un absolu. C'est oublier que la liberté ne vaut que par l'usage que l'on en fait. De cet oubli découle la mise sur le même plan de « toutes les opinions ». (« Mêmes religieuses », précise l'article 10, comme si la religion n'était rien de plus qu'une opinion !... La Terreur n'était pas loin.)
    Suivent, entre autres droits, la liberté de parler et d'imprimer, puis la propriété, tous droits mieux garantis par le Décalogue (Tu ne mentiras pas, tu ne voleras pas...) que par une déclaration qui en est la caricature. Déclarer la propriété comme un droit absolu, et non par rapport au bien commun, donc sans responsabilités sociales, est source de graves conflits.
    La liberté selon la déclaration de 1948 est apparemment plus réaliste. Elle parle des droits de la famille (art. 16), du droit des parents de choisir le genre d'éducation pour leurs enfants (art. 26), mais ce même article dit que l'éducation doit former au respect des Droits de l'Homme, ce qui n'est pas une garantie contre une école étatique imposant son idéologie.
    Quant à la liberté de religion et de culte, fondée sur le droit individuel, elle est plus celle de « changer de religion » (art. 18) que celle de rester ferme dans sa foi envers et contre tout. Cet article peut aussi bien être invoqué pour réclamer la liberté du culte que pour obliger un peuple à renoncer à toute référence religieuse. On comprend pourquoi les États communistes n'ont jamais eu de difficulté à adopter les fameux Droits de l'Homme...
    Le lit d'Hitler
    Signalons en outre que la déclaration de 1948 énonce le « droit à la vie » (art. 3), juste avec le droit à la liberté et à la sûreté de la personne, mais là encore dans un contexte individualiste, ledit droit à la vie peut tout aussi bien servir à défendre l'enfant à naître qu'à ériger la vie elle-même en un droit dont on peut user à sa guise, voire en décidant pour soi-même ou pour les autres à partir de quand la vie commence ou cesse de mériter d'être vécue. Quand le droit à la vie est égal au droit à la liberté, donc fermé à toute référence transcendante, la qualité de la vie prend le pas sur le sens de la vie, et cette vie n'est plus protégée réellement contre l'avortement, l'euthanasie, et toute forme d'eugénisme.
    Venons-en à l'article 3 de la déclaration de 1789 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. » Un chef-d'oeuvre d'abstraction démentielle. Attention, ce texte n'a rien de "souverainiste" : quand le peuple est souverain, la nation n'est pas comprise comme la communauté historique de destin, elle est le peuple en corps dressé face au roi qui en août 1789 n'en était déjà plus la tête. De la très rousseauiste « volonté générale » (art. 6) massifiée, tout doit "émaner".
    Alors, tout reposant sur l'individu, il faut détruire ou affaiblir les organismes naturels (familles, paroisses, corporations, provinces qui encadraient l'individu) pour ne plus laisser subsister que l'État, centralisateur à outrance, seul habilité à définir la liberté. Cela afin que chacun, n'ayant plus de lien particulier, puisse être "vertueux" et se fondre dans la volonté générale. Déconnecté des forces vives où il puisait sa sève, le citoyen a dès lors vocation à être interchangeable, et bientôt "mondialisé".
    Le joug collectif
    Écrasant ainsi les individus concrets sous le joug d'une entité collective, cet article 3 a été dès 1792 une machine de guerre contre tout pouvoir ne venant pas d'en-bas (le roi, les prêtres, les nobles, les pères de famille).
    L'article 6 allait dans le même sens en accordant les dignités à des citoyens « sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » : comme aucune transcendance n'est plus reconnue pour juger des critères de la "vertu" ou de la pureté de tel individu ou groupe, cela peut déboucher sur une espèce de république des purs ou des génies, voire sur le culte du surhomme et de la race supérieure, comme sur toutes formes de populicides. Car la "volonté générale" peut facilement devenir celle des purs, de ceux qui se sont le plus dépouillés d'eux-mêmes pour coller à l'idéologie du moment. Des bourreaux de la Vendée à Hitler, les Droits de l'Homme ont déjà une morbide postérité.
    La déclaration de 1948 se contente de remplacer « volonté générale » par « volonté du peuple » (art. 21), et de préciser qu'il faut des élections libres... Elle ne corrige rien de fondamental. Disons même qu'elle sacralise à outrance les Droits de l'Homme, devenus « la conscience de l'humanité », « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples » (préambule) . Donc une super-religion qui n'a rien d'une chance pour l'avenir du monde...
    MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 4 au 17 décembre 2008

  • deux contrepoisons : la philosophie existentielle et l’enracinement national

    Quelles sont les armes idéologiques à la disposition de ces forces pour libérer le peuple de l’emprise du « Gestell ». Nous allons étudier quatre armes : la philosophie existentielle, l’idée de Nation, l’information expérimentale et la tradition religieuse de l’Occident. Ces quatre armes correspondent aux quatre causes de la métaphysique d’Aristote : cause formelle, cause matérielle, cause motrice et cause finale.

    1/ La philosophie existentielle
    La philosophie existentielle a des précurseurs comme Saint Augustin ou Pascal. Mais elle s’est développée plus tardivement en réaction contre la philosophie des Lumières centrée sur les prétentions du « moi » et de la « raison » de fonder tout le savoir et toute l’action humaine. Ce sont ces prétentions qui ont conduit peu à peu au système du Gestell qui a réduit les hommes à devenir de simples matières premières du système techno-économique.
    En général, on considère que le fondateur des philosophies existentielles est le danois Kierkegaard. Kierkegaard prenait partie pour l’individu contre le déterminisme historique de Hegel. C’est le philosophe « anti-système » par excellence. On peut citer aussi Nietzsche, Heidegger et Patocka. Tous ces philosophes distinguent la vie authentique de l’homme libre de la vie inauthentique de l’homme asservi à un système. Ce sont des philosophes de la libération et du retour aux sources, autrement dit de l’enracinement. Nous allons nous en tenir au plus grand d’entre eux, à notre avis, Martin Heidegger.

    Le Gestell
    Heidegger a parfaitement identifié l’adversaire du peuple qui n’est pas un homme mais un système avec une gouvernance oligarchique, celle du Gestell.
    Notre monde actuel est caractérisé par la domination sur les hommes du « Gestell », terme utilisé par Heidegger pour désigner le système de mobilisation des hommes et des choses dans une perspective uniquement utilitaire. Ce système s’est développé exclusivement en Occident et s’est ensuite étendu au monde tout entier mais c’est l’Occident qui lui est le plus soumis, en l’absence de traditions contraires dues à des cultures différentes.

    Que devient l’homme dans le système du Gestell ?
    L’homme voit niée son essence qui consiste en l’ouverture à l’être, exprimée par la méditation sur le sens de la vie. L’homme du Gestell ne médite plus, il ne fait plus que calculer. Il vit « le nez dans le guidon » en se consacrant exclusivement à des tâches de production et de consommation. Son cerveau rationnel est voué au calcul et son cerveau reptilien est voué à l’Erlebnis, c’est-à-dire la satisfaction instinctive vécue dans l’instant. Il n’est plus qu’une « bête calculatrice », décrite par Ernst Jünger comme « le travailleur ». Il travaille « bêtement ». Il est étranger à la « Stimmung » la tonalité fondamentale affective qui baigne l’existence humaine douée de sens. Autrement dit, l’homme est menacé de perdre son humanité même. Il est pour le Gestell la plus importante des matières premières.

    Que deviennent les libertés ?
    Pour être une parfaite matière première, il est nécessaire que les hommes soient égalisés, interchangeables. Cet objectif inhumain n’est jamais présenté comme tel mais est paré des belles apparences de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations. Cette lutte conduit directement à la réduction des libertés. Le Gestell tue ce qui reste de liberté humaine. Ce fut évident sous les formes totalitaires du communisme et du fascisme. Mais de façon plus insidieuse, on arrive métaphysiquement au même résultat dans les sociétés occidentales actuelles prétendument libérales. Le système utilise l’égalitarisme pour tuer la liberté.

    Que devient la démocratie ?
    Dans le système du Gestell, la démocratie est vidée de son sens au profit de la « gouvernance oligarchique ». Cette gouvernance s’attache à faire en sorte que l’homme soit soumis aux quatre idoles que sont la technique, l’argent, la masse et l’ego qui assurent la permanence de la domination du Gestell.

    Que devient l’égalité ?
    L’égalité devant la loi est remise en cause par la volonté de nivellement qui passe entre autres par les politiques dites de discrimination positive. Le mérite individuel est mis en parenthèse.

    Que devient la nation ?
    La nation est niée car elle est un élément de différenciation par les racines qui gêne l’objectif de réduire les hommes à l’état de matières premières interchangeables pour l’économie.

    Que devient la propriété ?
    La propriété est aussi un élément d’enracinement et de différenciation et gêne donc l’objectif d’uniformisation des hommes dans la masse. En pratique, la propriété authentique est remise en cause par des formes de pseudo propriétés comme celles des sociétés anonymes (le mot est révélateur) où le pouvoir est dans les mains de salariés managers qui ne recherchent que des buts de profit à très court terme. C’est le règne du « court-termisme » !

    Que devient la paix ?
    La paix a perdu son sens depuis que la guerre a été mise hors la loi. Car le mot paix n’a plus de sens si le mot de guerre perd le sien. C’est comme le jour qui n’a de sens que par rapport à la nuit ! (Héraclite). En pratique, la guerre se développe autour des objectifs du Gestell : pour le contrôle des ressources pétrolières au Moyen Orient par exemple !  Mais le discours de l’oligarchie qui gère le Gestell masque toujours la réalité au nom de « valeurs » mises en avant à des fins de manipulation. On ne dira jamais que l’on fait la guerre pour contrôler des sources d’énergie mais pour « défendre les valeurs de la démocratie » démocratie niée par ailleurs par le système de « gouvernance » oligarchique dont la commission de Bruxelles est un bon exemple.

    Que devient la sécurité ?
    Les migrations organisées par la logique du Gestell (il faut que les matières premières humaines soient totalement mobiles au moindre coût !) créent des situations de déracinement qui secrètent la délinquance et l’insécurité. Le Gestell par nature laisse prospérer le crime lorsqu’il correspond à une logique de profit à court terme comme c’est le cas avec le trafic de drogue. La morale de l’Erlebnis (plaisir instantané satisfaisant le cerveau reptilien) favorise le comportement délinquant infantile (déresponsabilisation). La morale du calcul fonctionnel comme formule de la volonté de puissance pour la puissance aboutit à la perte du sens moral fondé sur la tonalité affective. L’affectivité est un obstacle au tout calcul et au tout instinct. Dans ce contexte de déshumanisation, l’insécurité se développe partout où le Gestell est la force dominante.

    Que devient la famille ?
    La famille est un élément d’enracinement et une institution fondée sur l’affectivité donc elle a une essence contradictoire avec celle du Gestell. Ce dernier va donc la détruire sans le dire en mobilisant les forces du cerveau reptilien (soit disant liberté sexuelle) et du cerveau calculateur (l’ego au-dessus de tout). Cela entraine la chute démographique de l’Occident donc l’auto destruction du système lui-même à moyenne échéance.
    Le Gestell débouche donc sur l’inhumain. Il l’a montré avec les deux dernières guerres mondiales et avec les systèmes totalitaires. Mais le Gestell a survécu à la chute de ces derniers systèmes. Mais il n’est pas possible de construire durablement sur de l’inhumain comme les crises financières, démographiques ou autres le montrent. Le Gestell contient donc une contradiction interne qui peut permettre à l’homme de s’en libérer. Cette libération ne peut se faire que dans des crises douloureuses comme Heidegger l’a annoncé. Alors, les citoyens prennent conscience du danger contenu dans le Gestell. C’est pour l’oligarchie le « populisme ». Ce mouvement ramène l’homme à son essence au sein du quadriparti (racines, idéaux, personne humaine, retour du sacré). Tout ce qui va dans ces quatre directions contribue à libérer l’homme de la tyrannie du Gestell.
    Mais Heidegger ne pense pas que la victoire de l’identité humaine sur le Gestell se fera sans heurts. La prise de conscience permettant de sortir du Gestell ne peut se faire que par des crises et des souffrances.
    Dans le chapitre « dépassement de la métaphysique » d’Essais et Conférences[1], Heidegger écrit : « le déclin s’accomplit à la fois par l’effondrement du monde marqué par la métaphysique et par la dévastation de la terre, résultat de la métaphysique[2]. Effondrement et dévastation trouvent l’accomplissement qui leur convient, en ceci que l’homme de la métaphysique, l’animal calculateur s’installe comme bête de travail. Cette installation confirme l’extrême aveuglement de l’homme touchant l’oubli de l’être. Mais l’homme veut être lui-même le volontaire de la volonté de volonté, pour lequel toute vérité se transforme en l’erreur même dont il a besoin, afin qu’il puisse être sûr de se faire illusion. Il s’agit pour lui de ne pas voir que la volonté de volonté ne peut rien vouloir d’autre que la nullité du néant, en face de laquelle il s’affirme sans pouvoir connaître sa propre et complète nullité.
    Avant que l’être puisse se montrer dans sa vérité primordiale, il faut que l’être comme volonté soit brisé, que le monde soit renversé, la terre livrée à la dévastation et l’homme contraint à ce qui n’est que travail. C’est seulement après ce déclin que devient sensible la durée abrupte du commencement. Dans le déclin, tout prend fin. Tout c’est-à-dire l’étant dans l’horizon entier de la vérité de la métaphysique. Le déclin s’est déjà produit. Les suites de cet événement sont les grands faits de l’histoire mondiale qui ont marqué ce siècle.
    La vérité cachée de l’être se refuse aux hommes de la métaphysique. La bête de travail est abandonnée au vertige de ses fabrications, afin qu’elle se déchire elle-même, qu’elle se détruise et qu’elle tombe dans la nullité du néant ».

    Le Geviert
    Quelle est la politique qui serait celle d’un monde libéré du Gestell ? Une politique qui permette à l’homme d’habiter dans le « Geviert », le quadriparti. En effet, pour Heidegger, l’homme n’est pas dissociable de l’être et de son environnement. L’homme fidèle à son essence est inséré dans le « Geviert » dont les quatre pôles sont la terre, le ciel, la Divinité et les hommes. L’homme, pour Heidegger, est en habitant sur la terre, sous le ciel, face à Dieu et parmi les autres hommes.
    La terre, ce sont ses racines, famille, lignée, patrie. Il est « jeté » à sa naissance dans le monde et bénéficie d’un héritage terrestre envers lequel il est endetté, qu’il l’admette ou non.
    Le ciel correspond au déroulement du temps dans lequel l’homme formule un projet à partir de ses racines.
    Le Dieu face auquel l’homme se mesure donne le sens final de sa vie.
    Les hommes sont les mortels avec lesquels il vit de façon responsable. Tout ceci forme un monde sans lequel l’homme est déshumanisé. La politique de l’homme qui retrouve son essence humaine consiste à « ménager » le Geviert, à le respecter. Cela suppose de faire une place à ce qui ne se calcule pas : l’héroïsme, la générosité, l’amour du don de l’être, toutes sortes de valeurs cultivées autrefois par le clergé et l’aristocratie, mais aussi par le petit peuple, mais qui ont été reniées par les fonctionnaires bourgeois du Gestell. C’est là la part de vérité de Marx lorsqu’il écrit : « la grande bourgeoisie a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, l’enthousiasme chevaleresque et la sentimentalité petite bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste ».
    L’habitation dans le Geviert suppose la relativisation des quatre idoles du Gestell qui sont la technique, l’argent, la masse et l’ego au profit des racines chaleureuses, des idéaux gratuits, de la personnalité et du Sacré divin. Le ménagement du Geviert doit être conduit selon Heidegger par des personnalités dont la vocation est celle du don : le prêtre, le soldat qui est aussi homme d’Etat, le penseur et le poète.

    2/ les institutions d’enracinement : Famille, lignée, patrie, nation

    a/ La nation, socle sur lequel l’homme vient habiter.
    Je dis bien l’homme, pas l’animal. L’animal ne connaît pas la nation. L’absence de conscience nationale est de ce point de vue une régression historique, voire anthropologique. L’animal calculateur du Gestell (pompeusement appelé rationnel) ignore aussi la nation. Il n’est en effet qu’une matière première pour la production (calcul) et pour la consommation (satisfaction des instincts). Ce n’est pas étonnant car le Gestell déshumanise l’homme
    Qu’est-ce que la Nation ? A notre avis, la notion est dérivée de la « polis » grecque. Selon Michel Haar [3] , « la polis est la place essentielle de l’homme grec, l’espace où il vient à lui-même, à son histoire (..) c’est à l’intérieur de la polis que l’art, la techné, de même que la relation aux dieux, dans les œuvres, le culte, les liturgies théâtrales et les sacrifices prennent sens et trouvent place ». Aristote a pu dire que l’homme est « zoon politikon » ce qui ne veut pas dire que l’homme est politique mais qu’il est un vivant habitant une cité nation. C’est une erreur de dire de la polis qu’elle est cité état. Son essence est, comme le montre Thucydide dans la « Guerre du Péloponnèse » dans les hommes et dans les dieux. Son essence n’est pas dans le sol ni dans les lois qui définissent l’Etat. Quand Athènes change de régime politique et donc de lois, et ce fut fréquent, elle reste Athènes. Thémistocle demande au peuple d’embarquer sur les bateaux et de laisser les Perses occuper la ville. Car Athènes est là où il y a des Athéniens.

    À présent, c’est l’inverse, La France serait là où il y a l sol et les lois ; on se désintéresse des hommes et de la divinité. C’est le matérialisme du Gestell : avec un sol et des lois, on peut obtenir des résultats économiques. Par contre, les dieux sont inutiles et les hommes interchangeables. On peut dire que l’article de notre constitution qui dit que la souveraineté est dans la nation est caduc. La souveraineté a été transférée à des normes fixées par l’oligarchie sur le sol français. Le peuple ne la maîtrise plus.
    Notre conception de la nation est un produit de l’histoire, de notre histoire issue des Grecs et des romains et remaniée au fil du temps. Dire que la nation date de la révolution et n’existait pas sous Jeanne d’Arc est une aberration.
    Mais alors, si la nation est un contrepoison à l’idéologie du Gestell, qu’est-elle donc ? Pour répondre à cette question, il faut la mettre en relation avec deux événements clés qui font la vie humaine dans son essence, la vie et la mort.

    b/ Naissance et mort
    1/ Il y a comme le suggère l’étymologie, tout d’abord, un lien entre naissance et nation. La nation se compose des personnes issues par filiation des mêmes familles. C’est le droit du sang et non du sol qui est déterminant. De même, la patrie est la terre des pères. Il y a indiscutablement une connexion entre l’idée de famille et l’idée de nation. La nation est un ensemble de familles, voir de tribus. C’est la famille qui permet à la nation de survivre dans le temps. La famille dans le temps s’appelle la lignée. La cause finale de la famille est la reproduction. Le mariage n’est que la cause formelle, l’amour la cause motrice et la sexualité la cause matérielle, pour utiliser les catégories d’Aristote.

    2/ Le lien entre la mort et la nation.
    Pas de nation sans naissances donc sans familles. Pas de nation non plus sans un rapport particulier avec la mort. Pour Heidegger, l’homme est d’abord un mortel et non un animal calculateur (animal « raisonnable » n’est qu’un embellissement rhétorique pour animal calculateur). L’animal ignore qu’il mourra un jour : il ne meurt pas, il périt ! Seul l’homme peut mourir y compris volontairement. Dans le Christianisme, le Dieu meurt : c’est en cela qu’il s’est vraiment fait homme ! L’armée est une institution sacrée car elle gère la mort. C’est pourquoi il y a des monuments aux morts pour raviver le souvenir de ceux qui sont morts pour la nation. Le soldat est d’abord celui qui donne sa vie, qui offre son sang à la nation. Il n’est rien de plus haut que d’offrir sa vie pour défendre ce que l’on aime.
    Par la mort, le soldat sauve la nation. Par la naissance, la famille sauve la nation. Ces deux institutions sont pour cela sacrées, et non un simple « contrat ». Dans le Gestell, la famille est un simple contrat utilitaire, quasi commercial, et le soldat est un contractuel mercenaire. Le mercenaire peut être un étranger, non le véritable soldat, comme on le voit avec l’utilisation généralisée des mercenaires par l’armée américaine en Irak.

    C’est tout le problème de « la guerre à l’américaine » : on cherche le maximum de rendement et la notion d’honneur est évacuée comme archaïque car non purement utilitaire. Cela donne notamment le bombardement indistinct des civils et des militaires par l’aviation. Auschwitz et le Goulag furent des choses abominables mais ont été instrumentalisés pour faire oublier Hiroshima et Dresde : des bombardements massifs de villes peuplées essentiellement de vieillards, de femmes et d’enfants, non de soldats. Les crimes sont les mêmes (assassinat de civils désarmés) mais l’idéologie veut exempter les anglo-américains. De plus, dans le Gestell, tous les hommes sont interchangeables. La distinction soldat/ civil est effacée au même titre que la distinction national/ étranger ! Après tout, pour le Gestell, les civils comme matière premières participent aussi à l’effort de guerre, dans les usines par exemple, et on peut donc les tuer pour des raisons fonctionnelles.

    3/ L’habitation dans la nation.
    Heidegger insiste sur le fait que l’homme n’est pas séparable du monde qui l’entoure et qui le pénètre. Il y a co appartenance entre le monde et l’homme à travers l’être. Etre, c’est habiter. Or, l’homme habite dans la nation qui établit un lien communautaire entre l’individu et le collectif. Ce lien est affectif, comme l’a montré le sociologue Tönnies. C’est pourquoi le Gestell s’acharne à détruire ce lien, soit en le relativisant (société multiculturelle) soit en l’asséchant (tout réduire au marché et à l’échange utilitaire, élimination du don). On ne veut dans le système du Gestell n’avoir à faire qu’à des masses et des egos, ni nations, ni personnes humaines véritables.
    Michel Haar décrit bien cette situation : « le règne des masses fait partie du gigantesque, c’est-à-dire de ce par quoi le quantitatif devient une qualité propre. Il ne faut pas comprendre ce règne seulement comme un phénomène social, démographique ou politique, bien que le collectivisme ou l’américanisme en soient les manifestations les plus frappantes. La massification suppose une mutation logique du sujet qui prélude à son effacement. Le citoyen (national) d’autrefois est maintenant réprimé et embrigadé dans le Nous qui par l’intermédiaire des moyens d’information de masse normalise et standardise toutes les possibilités de décisions économiques et politiques. (..) L’homme ne subsiste plus que comme un matériau exploitable et manipulable aux seules fins de la conservation et de l’accroissement de tels ensembles
    Désormais installé sur toute la planète (..) où les conditions d’existence tendent hâtivement à s’uniformiser, l’homme habite-t-il encore quelque part ? Le « où » de son habitation semble anéanti. L’habitation est l’incarnation dans un lieu d’une relation spécifique à l’ensemble du monde. Habiter, c’est être, et être, c’est habiter. C’est pourquoi l’oubli de l’être est aussi l’oubli de l’habitation. (..) se déplaçant de plus en plus souvent et de plus en plus rapidement, l’homme tend à perdre ses attaches avec un lieu familier rassemblant son être et dont son être dépend, lieu natal ou lieu d’élection. Pourtant, ce n’est pas la planétarisation qui menace ou détruit le lieu familier, c’est inversement l’absence de terre familière (Heimatlosigkeit : absence de patrie) à demi avouée, à demi niée, de l’homme relativement à son essence est compensée par la conquête organisée de la terre (..) La Heimatlosigkeit (absence de patrie) a donc une double signification ; c’est le manque d’enracinement de l’existence et des œuvres dans une terre particulière (les productions de la culture se standardisent et s’universalisent toujours davantage dans le mauvais sens) ; c’est plus profondément une perte de familiarité de l’homme avec lui-même (..) La subjectivité ne lui assure plus de point d’appuis ou d’assisse.  Il se voit contraint de fuir le vide de son identité métaphysique par le pur accroissement quantitatif de puissance. (..) Mais l’homme techniquement aliéné ne peut pas sortir de son aliénation par une prise de conscience : celle-ci lui est interdite. L’errance constitue un esclavage plus radical que toute aliénation ».
    C’est pourquoi il faut que l’homme moderne subisse la crise de façon douloureuse pour pouvoir prendre conscience des conditions du salut. Ces conditions sont pour Heidegger le détachement à l’égard des choses (Gelassenheit) et l’ouverture au mystère de notre existence qui le conduiront à penser, c’est-à-dire à questionner, et donc à remettre en cause le Gestell.
    On se trouve donc, selon Heidegger, en présence de deux types d’hommes, l’animal calculateur et le « mortel » ! Le premier est destructeur de la nation : elle empêche en effet de rendre les hommes totalement interchangeables en tant que matières premières. Le mortel au contraire trouve un sens à sa vie car la possibilité de la mort accroît sa valeur, et même un sens à sa mort comme c’est le cas d’un héros.
    Par contre, en détruisant la nation, le Gestell ramène l’homme au calcul et à l’animalité. Le calcul fait-il la supériorité de l’homme sur l’animal ? Toute notre tradition civilisatrice le nie : le martyr chrétien ou le héros guerrier qui peuvent parfois fusionner comme chez Jeanne d’Arc, ne calculent pas dans un but utilitaire pour donner un sens à leur vie !
    Les composants de la nation sont multiples : Dans le cas de la France, selon le général De Gaulle, il y a la race blanche (dans sa majorité), la langue latine, la culture d’origine gréco-romaine et la religion chrétienne. Par contre, ni l’argent, ni la technique, ni la science, ni même le droit ne font la nation (en supprimant le droit de propriété, les communistes ont mutilé les hommes mais ils n’ont pas fait disparaître la Russie. Par contre, si vous enlevez un des quatre critères de De Gaulle, la France ne serait plus la France !

    4/ Le ménagement (schonen) de la nation
    Heidegger explique dans son extraordinaire livre « Essais et conférences » ou « Recueillement » ce qu’est le ménagement du quadriparti.[4]
    Le quadriparti est constitué de la terre, du ciel, de la divinité et des hommes. Ménager le quadriparti consiste à « sauver la terre », à sauver les racines au lieu de les exploiter jusqu’à épuisement. Ménager le quadriparti, c’est accueillir le ciel comme ciel, donc respecter le déroulement du temps, le murissement des choses, ne pas faire de révolution. Ménager le quadriparti, c’est attendre le Divin comme tel et ne pas tomber dans l’adoration des idoles, dans la superstition. Enfin, ménager le quadriparti, c’est conduire les mortels en dehors de la futilité et de la dispersion afin qu’ils existent conformément à leur être propre. Ce quadruple ménagement est ce que Heidegger appelle pratiquer l’habitation. Ménager la nation correspond surtout au premier volet de ce programme, à savoir sauver la terre et les racines d’une exploitation dévastatrice.
    Ménager la nation, la respecter, est un moyen de lutter contre l’uniformisation et la déshumanisation du monde : cela suppose comme on l’a vu, de conserver le caractère sacré de la famille procréatrice et de l’armée, les deux institutions indispensables à la survie nationale car gérant la naissance et la mort.

    Cela suppose aussi d’inverser les priorités du Gestell qui règnent aujourd’hui :
    - mettre l’homme avant le sol.
    - mettre Dieu avant le droit. Car la liberté ne donne de bons fruits que si le sacré est respecté, par exemple, le caractère sacré de la vie humaine. La liberté sans aucun sens du Sacré mène vite au crime.
    - mettre l’identité (qui rassemble) avant l’égalité (qui disperse) comme le montre Heidegger dans Essais et Conférences : « l’homme habite en poète[5] » : « L’identité écarte tout empressement à résoudre les différences dans l’égal ; l’identité rassemble le différent dans une union originelle. L’égal au contraire disperse dans l’unité fade de l’un simplement uniforme »
    - mettre l’histoire avant l’instant. Exister au sein d’une nation suppose la connaissance de son histoire et sa prise en charge affective.
    Finalement, nous avons trouvé deux premiers contrepoisons à l’idéologie du Gestell, la philosophie existentielle et l’enracinement dans la nation. Il y a encore deux autres contrepoisons : l’un est politique (la démocratie directe), l’autre est religieux (restauration du Sacré) : ces deux derniers thèmes seront vus dans le prochain chapitre.
     Yvan Blot http://www.insoc.fr
    [1] Essais et conférences, Gallimard, p.82
    [2] Dévastation pour Heidegger est plus que destruction. La destruction touche le passé. La dévastation, en outre, empêche un avenir de se construire : la dévastation est élimination de la mémoire donc de l’identité
    [3] Michel Haar, « Heidegger et l’essence de l’homme » Millon, 2002 p.221
    [4] Op.cit. p.178
    [5] Essais et conférences, Chapitre : « l’homme habite en poète » op.cit. p.23
    Dans la précédente conférence, nous avons vu les forces de résistances sociologiques à l’oligarchie. Il s’agit à présent de voir quelles sont les armes idéologiques à la disposition de ces forces pour libérer le peuple de l’emprise du « Gestell ». Nous allons étudier quatre armes : la philosophie existentielle, l’idée de Nation, l’information expérimentale et la tradition religieuse de l’Occident. Ces quatre armes correspondent aux quatre causes de la métaphysique d’Aristote : cause formelle, cause matérielle, cause motrice et cause finale.

  • Entre 3 et 6 millions d’illétrés, cette maladie qui ronge la société française(archive 1991)

    De récents sondages, d'origines différentes, tendent à prouver qu'en France il existe, selon les uns trois millions, selon les autres six millions de personnes qui ne savent pratiquement pas lire, ou écrire, sinon ni lire ni écrire. Ces chiffres paraissent énormes; pourtant, ils sont peut-être inférieurs à la réalité. Il semble, en effet, difficile de recenser les victimes de cette maladie nouvelle, qu'on nomme illettrisme pour marquer une nuance avec sa « cousine germaine » l'analphabétisme. On ne peut qu'enregistrer les progrès du phénomène et en discerner les causes. L'illettrisme, qui apparaît comme un retour en arrière de la société, est paradoxalement le résultat des techniques modernes, lesquelles supposent pourtant une bonne maîtrise de l'écrit.
    Six septembre dernier, à Genève, Federico Mayor, directeur général de l'Unesco, monte à la tribune pour ouvrir la Conférence internationale de l'éducation et déclare:
    - Le nombre d'analphabètes continue de croître. De quelque 700 millions en 1960, il est passé en 1990 à 948 millions.
    Dans la voix du directeur général, perce la crainte que ce nombre n'atteigne le milliard en l'an 2000. Impressionné par ce cri d'alarme, Laurent Mossu, correspondant du Figaro en Suisse, enquête auprès des spécialistes de la question et confirme :
    « Près d' un milliard de personnes restent en marge de la connaissance. Cela signifie que plus d'un quart de la population adulte ne sait ni lire ni écrire. Plus de cent millions d'enfants en âge de fréquenter l'école primaire n'y vont jamais. Des dizaines de millions d'autres abandonnent leurs études avant la fin du cycle primaire, souvent même sans atteindre la troisième, voire la seconde année. Et l'inégalité est frappante entre les sexes, puisque le taux d'analphabétisme dans la population masculine est estimé à 19,4 % pour l'ensemble du monde, contre 33,6 % pour les femmes. »
    ANALPHABÈTES, OU ILLETTRÉS ?
    Pour ceux qui, par confort intellectuel, tendraient à croire que le fléau frappe uniquement des contrées pas encore entièrement touchées par les bienfaits de la civilisation et la culture de la société de consommation, Laurent Mossu disperse l'illusion :
    « Les pays industrialisés ont longtemps nié l'existence de l'illettrisme dans leur société, réputée trop avancée pour sécréter semblable fléau. Et, pourtant, en 1990, il y aurait environ 32 millions d'analphabètes, ce qui représente 3,3 % des individus de plus de quinze ans dans le monde. »
    Sur sa lancée, le journaliste fournit des précisions qui cernent le problème dans notre Occident
    « Aux Etats-Unis, les chiffres publiés vont de 5 à 25 %. Une enquête effectuée récemment au Canada montre que 25 % des adultes éprouvent de grosses difficultés à lire et à écrire. En France, il y aurait entre 2 et 8 millions d'analphabètes. »
    Pour ce qui concerne notre pays, l'énorme fourchette trahit l'inévitable imprécision des évaluations, mais il est à craindre que la dernière estimation soit la plus vraie. En revanche, si l'on se réfère au langage officiel en vigueur, le terme «analphabètes» se révèle impropre. C'est d'«illettrés», qu'il convient de parler. Lorsqu'il prend, en 1987, la présidence du Groupe Permanent de Lutte contre l'Illettrisme (GPLI), François Bayrou, député CDS, précise la nuance à un reporter du Point :
    « Les sociologues, sans beaucoup de respect pour l'étymologie, ont spécialisé les mots «illettré»  et «analphabète». Un analphabète, c'est quelqu'un qui n'a jamais appris à lire et à écrire. L'iIIettré, lui, maîtrise mal l'écrit, ne parvient pas à s'en servir comme d'un instrument normal de communication. Il peut, par exemple, signer; mais il ne pourra pas comprendre un texte simple, ou répondre par écrit à un questionnaire, remplir un imprimé. Peut-être n' a-t-il jamais su. Peut-être - c'est plus probable - a-t-il oublié, a-t-il, avec le temps, perdu cette faculté. »
    UN PROBLÈME RÉVÉLÉ PAR L'ARMÉE
    François Bayrou ne cherche pas à noircir le tableau mais souhaite attirer l'attention sur les conséquences du fait :
    « L'illettré vie avec un handicap qui devient plus grave chaque jour. Car cette société, au contraire de ce qu' on dit parfois, est de plus en plus la société de l'écrit. Regardez, par exemple, la révolution informatique, qui s'introduit dans tous les postes de travail et repose entièrement sur l'écrit. L'illettré est donc de plus en plus marginalisé, repoussé loin de toute insertion professionnelle, sociale et souvent civique. »
    Bien que la gravité de la situation fût perçue depuis longtemps dans d'autres pays, bien que l'urgence de tenter d'enrayer le mal fût évidente chez nous, il y a moins d'une décennie que les pouvoirs publics français en ont pris conscience. Un document officiel démontre leur lacune : l'enquête du Parlement européen demandant à chaque pays membre de la communauté combien il comptait d'illettrés.
    C'était en 1979. À cette époque, deux hommes veillaient sur les destinées de la France : M. Valéry Giscard d'Estaing présidait la République et se targuait d'écrire sur Flaubert ; M. Raymond Barre limitait les appétits de sa rondeur au fauteuil de Premier ministre et tâchait d' adapter les problèmes de l'heure à ses théories de professeur d'économie politique. Leurs adversaires accusaient M. Giscard d'Estaing de morgue et M. Barre de suffisance, leurs ministres et leurs fonctionnaires craignaient que de telles assertions ne fussent pas totalement calomnieuses ; aussi nul ne courait le risque de parler d'illettrisme à ces deux intellectuels qui, d'ailleurs, eussent pu le confondre avec le Lettrisme, école poétique du temps de leur jeunesse, prônant la priorité du son sur les mots et lancée à la fin des années 40 par leur contemporain Isidore Isou. Rien d'étonnant donc qu'à l'enquête du Parlement européen, la réponse officielle de la France fût :
    - Aucun !
    Sans doute la prudence commande-telle de douter parfois de la parole des technocrates qui nous gouvernent, car à l'aube des années 80, le ministère de la Défense s'inquiète devant la répétition d'un phénomène : sur les 400 000 recrues environ de chaque contingent, régulièrement près de 30 000 éprouvent de telles difficultés devant l'écriture et même la lecture, qu'il ne paraît pas abusif de les classer parmi les illettrés. Le Groupe Permanent de Lutte contre l'Illettrisme fondé en 1984, par Pierre Mauroy, prend alors corps et l'Insee (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques) lâche ses enquêteurs.
    20 A 25 % DES FRANÇAIS SERAIENT CONCERNÉS
    Des sondages sont effectués au cours de l'hiver 86-87. Voici leur résultat : « Selon l'Insee, 3,3 millions d'adultes vivant en France sur un total de 37 millions - soit un peu plus de 9% - ont de graves difficultés à lire, écrire ou parler le Français, 400 000 d'entre eux cumulant l'incapacité de lire et d'écrire. »
    Le Figaro assortit la publication de ce score d'un commentaire « L'étude de l'Insee différencie population née en France et immigrés, concernés de manière différente. En chiffres, la première est la plus fortement touchée : 1,9 million contre 1,4 million pour les immigrés. Mais en pourcentage, 31% de cette population d'origine étrangère - estimée globalement à 4 600 000 individus - est touchée par l'une ou l'autre de ces incapacités majeures, contre 6% des nationaux. Parmi les illettrés adultes nés en France, une faible partie - 205 800 - ne sait pas lire ou a du mal à écrire, en ayant perdu l'habitude, mais il s'agit en général de personnes n'ayant jamais été scolarisées. »
    Le 27 octobre 1988. Le Monde, sous la signature de Philippe Bernard, fait état de son côté d'une autre enquête, menée par le Groupe Permanent de Lune contre l'Illettrisme :
    « L'étude du GPLI distingue trois degrés d'illettrisme 2,2 millions de personnes, soit 5,3% de la population adulte, éprouvent de très sérieuses difficultés à la fois pour lire et écrire, Elles sont incapables de lire une offre d'emploi, de rédiger un curriculum vitae, ou une note manuscrite simple.
    Ce noyau dur de l'illettrisme se recrute surtout parmi les personnes âgées ; il est constitué à 47,4% de plus de soixante quatre ans.
    « D'autre part, 4% de la population adulte maîtrisent mal la lecture uniquement. Ces personnes sont incapables de comprendre un texte simple, même lu à haute voix.
    Enfin, 11,5% de la population adulte éprouvent des difficultés à l'écriture seulement. Ces personnes ne parviennent presque pas à former des lettres ou font un nombre de fautes tel (plus d'une faute sur trois mots) que la phrase ne peut être comprise par quelqu'un qui n'en avait pas une connaissance préalable, Si les difficultés d'écriture diminuent avec l'âge, elles sont légèrement plus importantes chez les plus jeunes : les dix-huit/vingt-quatre ans sont plus nombreux (10,6%) que les vingt-cinq/quarante-neuf ans (8,4%) à mal écrire, alors qu'ils maîtrisent convenablement la lecture.
    Au total, l'ensemble des formes d'illettrisme toucherait, selon l'enquête, plus d'un adulte sur cinq. »
    Toujours en 1988, Jean-Pierre Vélis, ancien rédacteur en chef adjoint de la revue l'Education, publie aux Editions du Seuil un essai percutant : La France illettrée, L'auteur présente son livre comme un plaidoyer au nom des silencieux par manque d'instruction, mais à force de détails son analyse des mécanismes du système tient du réquisitoire. Sur le nombre des personnes atteintes en France d'illettrisme, Jean-Pierre Vélis se montre prudent, tout en approchant les estimations des sondages :
    « Le chiffre exact, dit-il, est inconnu, car les illettrés se cachent souvent par honte et leur nombre dépend du critère retenu. Pour ma part, je classe parmi les illettrés les personnes qui ont des difficultés pour remplir un formulaire administratif, déchiffrer un plan d'autobus, remplir un chèque, comprendre une note de téléphone, décrypter une offre d'emploi, etc. Avec ces critères, l'Armée estime à 15 ou 20% la proportion des recrues du contingent ayant des difficultés de lecture-écriture. L'Education nationale évalue de 20 à 25 % la part des élèves qui entrent en classe de sixième avec ces mêmes difficultés. Grosso modo, ce sont donc 20 à 25% des Français qui, à des degrés divers, sont concernés. »
    LES JEUNES DÉSAPPRENNENT A LIRE
    Sur le point essentiel des élèves de sixième, Jean-Pierre Vélis se voit rejoint par Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Enseignement dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac :
    « Cinquante pour cent des enfants qui entrent en sixième connaissent des difficultés en français et en calcul. Près de 25% ont des problèmes plus graves, notamment en lecture ; ils ne lisent pas à une vitesse normale et ne comprennent pas bien ce qu'ils lisent. L'explication de ces statistiques inquiétantes ne peut être simple. Certaines causes tiennent à la rigidité du système et particulièrement au caractère par trop uniforme et non personnalisé de l'enseignement. Pour la maîtrise de la langue, on constate que le temps consacré au français à l'école primaire a baissé, depuis 1945, de 33,3 % ; l'équivalent de quatre heures par semaine. »
    EN 1914, 35 % DES CONSCRITS ÉTAIENT ANALPHABÈTES
    Dans le même numéro de l'Evénement du Jeudi, Jean-Pierre Chevènement, futur ministre de la Défense et à l'époque ancien ministre de l'Enseignement du gouvernement précédant celui de Jacques Chirac, donne un avis, en partie assez proche de celui de Michèle Alliot-Marie dans la recherche des causes de l'illettrisme :
    « Bien que le niveau intellectuel des jeunes Français ait globalement augmenté depuis vingt ans, comme l'a récemment montré une enquête de l'Insee, il est de fait aujourd'hui qu'un certain nombre de jeunes qui ont pourtant appris à lire à l'école perdent cette capacité. Pourquoi ? Sans doute parce que leur apprentissage a été insuffisant. Il ne faut pas se le cacher, l'accent n'a pas été mis sur la maîtrise de la lecture à l'école... Et puis, il y a dans l'illettrisme la manifestation d'une non-insertion sociale, Les illettrés d'aujourd'hui sont souvent des jeunes au chômage et qui n'ont connu que cela. Ils ont désappris parce qu'en fait, ils n'ont jamais eu à utiliser ce qu'ils avaient appris. Ici la solution est plus globale, c'est la nécessité de lutter contre le chômage en utilisant tous les moyens disponibles. »
    Lorsqu'il s'entretient avec Pierre-Yves Le Priol, de La Croix, Jean-Pierre Vélis, qui demeure le spécialiste numéro un de l'illettrisme, semble à la fois ne partager qu'à moitié les points de vue des deux ministres et entendre aller plus loin qu'eux dans l'étude des responsabilités :
    « Contrairement à une idée reçue, l'Education nationale n'est pas si mauvaise. Il existe seulement une course de vitesse entre les prestations qu'elle offre et les besoins dus au développement technologique. La France a connu une réelle démocratisation de l'enseignement en 1914. 35% des conscrits étaient analphabètes. Ces gens pourraient s'insérer facilement dans les emplois sans qualification, emplois de plus en plus rares aujourd'hui. »
    Ce rappel de facilités révolues - et ce depuis à peine un quart de siècle - l'amène à constater :
    « Plus que la responsabilité de l'Ecole, c'est l'étroite corrélation entre l'origine sociale et l'illettrisme qui choque. On est plus facilement illettré dans un milieu social marginalisé où l'écrit est absent, où les parents eux-mêmes sont souvent illettrés et ne peuvent soutenir la scolarité de leurs enfants. D'ailleurs, le récit des illettrés est toujours le même : issus des milieux les plus pauvres, ils ont été isolés dans un coin de la classe, marginalisés dès l'année essentielle du cours préparatoire, puis expédiés vers des filières d'exclusion (CCPN, SES, CPA, etc). Là, ils se bloquent psychologiquement dans un refus de l'école et du savoir, ils revendiquent cette différence que donne une identité ; il est plus valorisant pour eux d'être un cas dans l'univers des illettrés qu'un nul dans l'univers des lettrés. »
    BEAUCOUP NE SAVENT MÊME PAS LIRE UN BULLETIN DE VOTE
    Certes, ces propos mettent l'accent sur une interprétation personnelle, et parole de saint laïque n'est pas toujours parole d'Evangile, mais ils n'en valaient pas moins d'être cités. De même que ce que répond Jean-Pierre Vélis quand on lui demande si la lecture va devenir moins indispensable en raison de « l'explosion audiovisuelle » :
    « Non, c'est là une contre-vérité. Lire et écrire, ce n'est pas seulement faire "b-a ba", c'est accéder à des mécanismes mentaux. Tant qu'il n'a pas acquis ces mécanismes, l'illettré reste sur le sable. Même une émission de télévision a été préalablement "écrite" par son producteur : Ne pas savoir lire, c'est peut-être savoir consommer de l'image, mais ce ne sera jamais devenir créateur : »
    La télévision, dans le procès de l'illettrisme, Guy Bayet, ancien président de la société des agrégés, la mettrait volontiers en accusation :
    « Elle ne constitue pas un bon moyen pour apprendre la lecture, et il est consternant de voir sur les écrans des fautes d'orthographe comme, par exemple, "Pyrénées" avec deux "n" durant tel bulletin météorologique. Surtout, l'on ne sait plus étudier en silence, on travaille souvent sur fond sonore ou audiovisuel, ce qui provoque un très gros taux d'inattention.»
    D'autres soutiennent que la télévision ne participe guère aux progrès de l'illettrisme car, affirment-ils, pour comprendre vraiment ses images, il importe de connaître la lecture.
    Et l'illettrisme est-il réellement en progression ?
    Certains en doutent. Tel Christian Baudelot, professeur de sociologie à l'université de Nantes, qui confie ses réserves à Hervé de Saint-Hilaire du Figaro :
    « Les chiffres paraissent effrayants, mais il faut garder sa lucidité. Les documents de l'Armée, remarquable source d'information sur la question, prouvent que la France n'a jamais compté autant de personnes sachant lire et écrire, En 1960, 12% des conscrits étaient illettrés contre moins de 8% en 1988. Près de la moitié des illettrés ont plus de 65 ans. On n'arrête pas de lancer des cris d'alarme à tord et à travers, sans prendre la peine d'analyser les statistiques. Un exemple : un enfant sur cinq, nous dit-on, qui entre en sixième ne lit pas couramment. Mais on oublie de préciser qu'il y a aujourd'hui dix fois plus d'enfants de dix ans sachant lire qu'il y a cinquante ans. A titre de comparaison, en 1880, 85% de la population n'avaient pas de certificat d'études. » Christian Baudelot poursuit : « Autres chiffres : en 1945, 4% seulement des représentants d'une classe d'âge donnée étaient titulaires du baccalauréat contre 31% des personnes nées en 1965 et après. Je suis désolé, mais on ne peut parler d'augmentation de l'illettrisme en France. Quant aux analphabètes, ils représentent environ 0,5% de la population. Il faut cesser de dire n'importe quoi. Reste que l'illettrisme est un phénomène scandaleux. »
    Peut-être Christian Baudelot réduit-il un peu trop sa portée. Peut-être aussi certains ont-ils intérêt à la gonfler, Beaucoup d'illettrés, assure-t-on, ne savent même pas lire un bulletin de vote. Mais si quelqu'un leur conseille d'offrir leurs suffrages à un ami qui leur veut du bien ? Ne suffirait-il pas alors d'indiquer la couleur ?
    Sur ce point, si la question lui était ou s'il se la posait, quelle pourrait être l'opinion de M. Lionel Jospin, notre pittoresque ministre de l'Education nationale, qui proposa un jour de réserver aux illettrés 10% des stages de formation professionnelle ?
    • Luc Lanvin :  le Choc du Mois. Janvier 1991

  • Politiques d’austérité : Tout était déjà écrit par l’OCDE… dès 1996

    Un rapport au contenu stupéfiant a été rédigé en 1996 par le Centre de Développement de l’ auquel adhèrent la France et la grande majorité des pays dits du « Nord », « occidentalisés », mais surtout actuellement « ensablés »

    Le Centre de Développement a pour objectif  dans ses activités de recherche, « d’identifier et d’analyser les problèmes qui vont se poser à moyen terme, dont les implications concernent aussi bien les pays Membres de l’OCDE que les pays non membres, et d’en dégager des lignes d’action pour faciliter l’élaboration de politiques adéquates ».

    Le titre de ce rapport est « la faisabilité politique de l’ », autrement dit comment faire en sorte que les décisions difficiles à supporter pour le peuple ne créent pas de troubles et n’empêchent pas les réélections de ceux qui les ont prises.

    Autant vous dire que ce rapport est édifiant et d’un cynisme absolu. Dans ce rapport, pudiquement appelé Cahier N°13, l’auteur, M. Morrisson explique quelles sont les meilleures stratégies pour que les décisions qui seront forcément impopulaires  en raison d’une « passent bien ou mieux », au cas ou TINA (There Is No Alternative) ne serait pas assez convaincante.

    L’auteur, a la délicatesse d’illustrer et/ou d’argumenter ces stratégies par ce qui s’est fait dans certains pays avec ou sans succès.

    Florilège:

    - « Les cinq études par pays du Centre de Développement confirment l’intérêt politique de certaines mesures de stabilisation : une politique monétaire restrictive, des coupures brutales de l’investissement public ou une réduction des dépenses de fonctionnement ne font prendre aucun risque à un gouvernement. »

    - « Les coupures dans les budgets d’investissement ne suscitent habituellement aucune réaction, même lorsqu’elles sont très sévères. »

    - « La libéralisation des échanges — une mesure recommandée avec insistance par la — illustre ces réactions opposées dont le gouvernement peut tirer parti. Certes, il existe toujours un front protectionniste assez large et puissant, même s’il est hétérogène. Il rassemble les industriels des secteurs protégés (et leurs salariés), les hauts fonctionnaires qui veulent garder leur pouvoir (sans parler des cas de corruption que permet l’octroi de licences d’importation), les syndicats et les partis de gauche, les partis marxistes étant les plus opposés et, dans certains pays, les partis nationalistes pour lesquels l’importation de certains biens est synonyme d’occidentalisation.

    A l’opposé, le gouvernement est soutenu par ceux qui bénéficient de la libéralisation : les industriels exportateurs, les agriculteurs, les artisans qui peuvent s’approvisionner plus facilement et moins cher et enfin les consommateurs. L’histoire des politiques de libéralisation confirme ces résistances mais montre qu’elles ne sont pas dangereuses au point de remettre en question l’ouverture. »

    - « La politique de libéralisation interne, pour l’agriculture ou le secteur financier, ne suscite pas non plus d’opposition politique très forte »

    - « Ainsi, toute politique qui affaiblirait ces corporatismes (syndicats par exemple) serait souhaitable : d’un point de vue économique, cela éliminerait des entraves à la croissance et, politiquement, le gouvernement gagnerait une liberté d’action qui peut lui être précieuse en période d’ajustement »

    - « Il est possible aussi d’atténuer l’impact d’une hausse de prix par des distributions de denrées alimentaires pour rémunérer la main-d’œuvre embauchée sur les chantiers des travaux publics. Enfin, il ne faut jamais augmenter les prix à des moments difficiles pour les ménages, comme les fins de mois ou les fêtes religieuses »

    - « Après cette description des mesures risquées, on peut, à l’inverse, recommander de nombreuses mesures qui ne créent aucune difficulté politique. Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique. Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse.

    On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. » [...] Et il y en a comme ça 42 pages.

    Ah oui, veuillez désormais parler s’il vous plaît d’ajustement. Non pas de licenciement abusif, d’exploitation, de bas salaires, de mutations forcées, de baisse de qualité de service, de baisse ou blocage de salaire,… Mais d’ A-JUS-TE-MENT.

    Rendons grâce à M Morrisson cependant qui écrit dans son cahier: « L’intérêt politique de ces mesures ne signifie pas qu’elles sont les plus « rationnelles ou les plus justes » [...]

    Petite précision tout de même au bénéfice de L’OCDE qui prend soin de préciser en tête du rapport cahier: « LES IDÉES EXPRIMÉES ET LES ARGUMENTS AVANCÉS DANS CETTE PUBLICATION SONT CEUX DES AUTEURS ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT CEUX DE L’OCDE OU DES GOUVERNEMENTS DE SES PAYS MEMBRES. » Ouf, l’honneur est sauf.

    Sauf que figurez-vous, c’est ce qui est en train de se passer depuis 1996 avec une accélération depuis 2008, date du début de la crise programmée.

    Blogapares  http://fortune.fdesouche.com/