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  • Bruno Gollnisch participait à un débat sur le “mariage gay” dans l’émission Mots Croisés

    Sous le titre  « La renaissance de Bruno Gollnisch, l’émergence de Marion Maréchal», le site du quotidien Le Monde clôturait ( ?) hier la série de la centaine d’articles consacrés à la présence du FN  dans l’immense  manifestation de ce dimanche contre le mariage homosexuel. Son auteur, Abel Mestre, est au nombre des journalistes se voulant des témoins attentifs (ce qui ne veut pas toujours dire, loin s’en faut, objectif)  de « l’extrême droite » et du FN comme l’atteste son blog « droites extrêmes ».

    Il réaffirmait  hier  à ses lecteurs que Bruno  « reste très populaire à la base du FN »et  qu’il a pris « les rênes » du cortège du FN.  Le député européen FN et Président de l’AEMN – le député britannique Nick Griffin, président du BNP et membre dirigeant  l’AEMN était aussi  présent à la manifestation  dimanche-     était en tout cas  également présent  hier soir sur le plateau de Mots croisés sur France 2.

     Yves Calvi a réuni pour cette émission partisans et détracteurs de cette loi.  Bruno Gollnisch ainsi pu débattre a avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Henri Guaino, député UMP des Yvelines, Barbara Pompili, députée EELV de la Somme, l’abbé Pierre-Hervé Grosjean, du diocèse de Versailles, et  l’avocat militant progressiste Emmanuel Pierrat …

    Retrouvez l’émission dans son intégralité en cliquant ici ou sur l’image ci-dessous.

    2013-01-14-mots-croises-bruno-gollnisch

     http://www.gollnisch.com

  • Le ministre britannique des Finances lance un ultimatum à l’Union européenne

    Dans une interview accordée au quotidien allemand Die Welt, George Osborne, le ministre britannique des Finances, a estimé que l’Union européenne devait changer si elle voulait que la Grande-Bretagne en reste membre.

    Le chancelier britannique de l’Échiquier, George Osborne, est clair : « Je souhaite vraiment que la Grande-Bretagne reste membre de l’UE mais pour que nous restions dans l’Union européenne, l’UE doit changer ». La citation a été confirmée par le Trésor britannique à Londres.

    Cette déclaration, sous forme d’ultimatum, marque un durcissement de la position du gouvernement britannique. Le chef du gouvernement britannique est sous la pression de certains membres de son parti conservateur qui veulent obtenir l’organisation d’un référendum sur une éventuelle sortie du pays de l’UE. Mais cette perspective n’est pas du goût des Américains. Le secrétaire d’État adjoint aux Affaires européennes d’Obama, Philip Gordon, a en effet mis en garde la Grande-Bretagne contre un tel référendum et affirmé que la présence du Royaume-Uni dans l’UE était importante pour les intérêts américains.

    http://www.nationspresse.info

  • Nouveau livre de Bernard Lugan : Mythes et manipulations de l’histoire africaine

    Sortie du nouveau livre de Bernard Lugan : Mythes et manipulations de l’histoire africaine, mensonges et repentance.

    IMPORTANT : Ce livre édité par l’Afrique Réelle n’est pas disponible dans les librairies ou les sites de commandes en ligne. Seule l’Afrique Réelle le distribue.

    Présentation de l’ouvrage

    L’indispensable outil de réfutation des mythes qui alimentent la repentance.

    Depuis un quart de siècle les connaissances que nous avons du passé de l’Afrique et de l’histoire coloniale ont fait de tels progrès que la plupart des dogmes sur lesquels reposait la culture dominante ont été renversés. Cependant, le monde médiatique et la classe politique demeurent enfermés dans leurs certitudes d’hier et dans un état des connaissances obsolète : postulat de la richesse de l’Europe fondée sur l’exploitation de ses colonies ; idée que la France devrait des réparations à l’Algérie alors qu’elle s’y est ruinée durant 130 ans ; affirmation de la seule culpabilité européenne dans le domaine de la traite des Noirs quand la réalité est qu’une partie de l’Afrique a vendu l’autre aux traitants ; croyance selon laquelle, en Afrique du Sud, les Noirs sont partout chez eux alors que, sur 1/3 du pays, les Blancs ont l’antériorité de la présence ; manipulation concernant le prétendu massacre d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961 etc. Le but de ce livre enrichi de nombreuses cartes en couleur, est de rendre accessible au plus large public le résultat de ces travaux universitaires novateurs qui réduisent à néant les 15 principaux mythes et mensonges qui nourrissent l’idéologie de la repentance. [...]

    Pour le commander ici

    http://www.actionfrancaise.net

  • La longue collaboration des socialistes à la construction d’une Europe libérale

    En France, l’UMP s’occupe du sale boulot en matière de dérégulation et laisse la culture et le sociétal au PS.

    Cette dichotomie malsaine, qui en réalité dénote l’absence totale de différences idéologiques entre ces deux partis, ne se retrouve pas dans la construction européenne, œuvre destructrice du cadre national, qui est le fait quasi exclusif de la social-démocratie.

    L’UE a permis aux trois grandes libertés, liberté de circulation des marchandises, des capitaux et des personnes, de prospérer sans entrave. Les socialistes, censés limiter l’impact de la libéralisation de l’économie, ont en fait largement collaboré à sa mise en œuvre.

    Cette énumération en offre la preuve irréfutable :

    • 1/ Traité de Rome (1957) : Guy Mollet, Président du Conseil, majorité SFIO.
    • 2/ Accords de Schengen (1985) : Laurent Fabius, Premier ministre, majorité PS.
    • 3/ Acte unique européen (1986) : Laurent Fabius, Premier ministre, majorité PS ; Jacques Delors, PS, président de la Commission européenne.
    • 4/ Traité de Maastricht (1992) : Pierre Bérégovoy, Premier ministre, majorité PS ; Jacques Delors, PS, président de la Commission européenne.
    • 5/ Traité d’Amsterdam (1997) : Lionel Jospin, Premier ministre, majorité PS.
    • 6/ Création de la BCE (1998) : Lionel Jospin, Premier ministre, majorité PS.
    • 7/ Création de la zone euro (1999) : Lionel Jospin, Premier ministre, majorité PS.
    • 8/ Sommet de Lisbonne (2000) : Lionel Jospin, Premier ministre, majorité PS.
    • 9/ Traité de Nice (2001) : Lionel Jospin, Premier ministre, majorité PS.
    • 10/ Sommet de Barcelone (2002), Lionel Jospin, Premier Ministre, majorité PS.
    • 11) Ratification du Traité de Lisbonne (2008), approuvée grâce à l’appui du PS.
    • 12) MES et TSCG : Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, majorité PS.

    À tous ceux, qui comme Emmanuel Todd voyait dans le hollandisme un caractère révolutionnaire, il est désormais temps de sortir de la naïveté prépubère ou de la subversion de confort.

    http://www.egaliteetreconciliation.fr

  • Week-end militant très actif pour les Identitaires

     

    Week-end militant très actif pour les Identitaires

    PARIS (NOVOpress) - Samedi et dimanche, les militants identitaires ont été très actifs. Avec deux rendez-vous importants à la clé. Une conférence de presse de Génération Identitaire pour présenter la campagne Génération Solidaire. Et la participation dimanche à la Manif’ pour tous.

    Arnaud Delrieux (Porte-parole de Générations Identitaire), Pierre Larti (Porte-parole du Projet-Apache / Génération Identitaire Paris) et Damien Rieu (Porte-parole de Génération Identitaire) ont donné le coup d’envoi de la campagne d’hiver « Génération Solidaire » lors d’une conférence de presse à Paris (photo ci-dessus), ce samedi 12 janvier.

    La campagne Génération Solidaire s’articule autour du principe suivant : « Pour les nôtres qui passent l’hiver dans la rue : Génération identitaire, Génération solidaire ! »

    Constatant que « déjà responsable de livrer notre économie à la prédation des marchés mondialisés, l’Etat semble aussi vouloir choisir entre les bons et les mauvais pauvres : d’une part, les clandestins qui s’invitent de force dans notre pays, usent et abusent de notre générosité, squattent et profanent nos églises ; d’autre part, les Européens qui crèvent la gueule ouverte dans la rue dans l’indifférence générale. Entre deux catégories de miséreux, le pouvoir socialiste a fait son choix. » C’est pourquoi : « Ça tombe bien, Génération Identitaire aussi : les nôtres avant les autres ! »

    Les militants identitaires lors de la Manif' pour tous

    Les militants identitaires lors de la Manif’ pour tous

    Dimanche, 300 militants du Bloc Identitaire et de Génération Identitaire s’étaient donnés rendez-vous pour un cortège commun lors de la manifestation contre le mariage gay de ce dimanche 13 janvier. Un cortège aussi déterminé que festif, qui a sut mettre l’ambiance dans la foule des manifestants !

    Sans oublier les militants de Cannes Identitaire qui ont occupé la permanence du député-maire pour dénoncer l’insécurité…

    Crédit photos : Génération Identitaire

    http://fr.novopress.info

  • La raison à l’épreuve des grandes crises historiques

    La Révolution française ? « Une folie de possession satanique » pour Baader, un « virus d’une nouvelle espèce inconnue » d’après Tocqueville. En plein XXe siècle, le Français François Furet et l’États-unien Richard Pipes resserviront à leurs lecteurs la phrase de Tocqueville pour décrire la Russie révolutionnaire. Selon cette logique simplificatrice, si Jacques Roux a écrit que « l’égalité n’est qu’un vain fantôme quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort sur son semblable », c’est probablement parce qu’il était fou. Le professeur de philosophie Domenico Losurdo nous montre qu’il a toujours été plus facile, et bien moins embarrassant, d’attribuer les grandes crises historiques à la simple folie – collective ou individuelle – plutôt que d’analyser leur contexte politique et social.

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    Comment expliquer la grande crise historique qui débute avec la Révolution française et qui, un quart de siècle plus tard, se conclut (provisoirement) avec le retour des Bourbons ? Friedrich Schlegel et la culture de la Restauration n’ont de cesse de dénoncer la « maladie politique » et le « fléau contagieux des peuples » qui font rage à partir de 1789 ; mais c’est Metternich même qui met en garde contre la « peste » ou le « cancer » qui dévaste les esprits [1]. Pour être plus exacts – renchérit cet autre idéologue de la Restauration qu’est Baader – nous sommes en présence d’une « folie de possession satanique » ; au renversement de l’Ancien régime a succédé non pas la démocratie mais bien la « démonocratie » [2], c’est-à-dire le pouvoir de Satan.

    Plus tard, après la vague de la révolution de 1848 et surtout de la révolte ouvrière, Tocqueville va développer l’approche psychopathologisante : ce qui va expliquer « la maladie de la Révolution française » est la propagation d’un « virus d’une espèce nouvelle et inconnue » [3]. Dans les Souvenirs, faisant référence au moment où commence à monter l’agitation qui débouchera sur les journées de juin, le libéral français fait dire à « un médecin de mérite qui dirigeait alors un des principaux hôpitaux de fous de Paris » : « Quel malheur et qu’il est étrange de penser que ce sont des fous, des fous véritables qui ont amené ceci ! Je les ai tous pratiqués ou traités. Blanqui est un fou, Barbès est un fou, Sobrier est un fou, Huber surtout est un fou, tous fous, monsieur, qui devraient être à ma Salpêtrière et non ici ». Tocqueville ajoute ensuite : « J’ai toujours pensé que dans les révolutions et surtout dans les révolutions démocratiques, les fous, non pas ceux auxquels on donne ce nom par courtoisie, mais les véritables, ont joué un rôle politique très considérable » [4].

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    Alexis de Tocqueville, 1805-1859. Les défenseurs du libéralisme, dont Raymond Aron et Richard Pipes, ainsi que l’historien François Furet, célèbrent son analyse de la Révolution française, qu’il qualifie simplement de « maladie ».

    La référence à des forces en quelque sorte infernales ne fera pas défaut non plus : dans les journées de juin, Tocqueville entend résonner « une musique diabolique » dans les quartiers qui s’apprêtent à résister et qui appellent les habitants à la lutte en sonnant la « générale ». Les habitants écoutent et se préparent avec un « air sinistre », en perdant leurs traits humains. Voilà s’agiter de façon insensée une « vieille femme » qui ressemble à une sorcière : « L’expression hideuse et terrible de son visage me fit horreur, tant la fureur des passions démagogiques et la rage des guerres civiles y étaient bien peintes ».

    Au lendemain de la Commune de Paris, l’approche psychopathologique célèbre son triomphe avec Taine :

    « S’il y a pour les corps des maladies épidémiques et contagieuses, il y en a aussi pour les esprits, et telle est alors la maladie révolutionnaire. Elle se rencontre en même temps sur tous les points du territoire, et chaque point infecté contribue à l’infection des autres [...] De toutes parts la même fièvre, le même délire et les mêmes convulsions indiquent la présence du même virus, et ce virus est le dogme jacobin. » [5]

    C’est non seulement la Commune mais tout le cycle révolutionnaire français qui est mis sur le compte du « virus » et de l’« altération de l’équilibre normal des facultés » [6]. Jetons un regard à tel ou tel acteur de la révolution : « Le médecin reconnaîtrait à l’instant un de ces fous lucides que l’on n’enferme pas, mais qui n’en sont que plus dangereux » (VII, 205). En effet, Marat se comporte comme « ses confrères de Bicêtre » (VII, 208). Comme on peut voir, nous sommes passés de la Salpetrière de Tocqueville à Bicêtre, mais l’explication des crises révolutionnaires continue à être recherchée dans les asiles. Aux yeux de Taine aussi la folie révolutionnaire a quelque chose de diabolique. Si Voltaire est un « démon incarné », Saint-Just est le protagoniste d’une sorte de rite satanique : « Écraser et dompter devient une volupté intense, savourée par l’orgueil intime, une fumée d’holocauste que le despote brûle sur son propre autel ; dans ce sacrifice quotidien, il est à la fois l’idole et le prêtre, et s’offre des victimes pour avoir conscience de sa divinité » [7].

    Le cycle qui débute en Russie en 1905 est comparable au cycle révolutionnaire français. La culture dominante va alors réactualiser le « diagnostic » déjà opéré. Le « virus d’une espèce nouvelle et inconnue » migre de France en Russie : c’est ainsi, dans un renvoi explicite à Tocqueville, qu’argumentent François Furet et le soviétologue états-unien Richard Pipes [8].

    La lecture en termes psychopathologiques des grandes crises historiques est de nos jours tellement répandue qu’on peut la remarquer jusque dans les catégories centrales du discours politique. En 1964, Adorno voit dans le « totalitarisme psychologique » le fondement du totalitarisme proprement dit : il y a des individus qui « n’ont à leur disposition qu’un moi faible et ont par conséquent besoin, comme substitut, de l’identification à un grand collectif et de sa couverture ». Non seulement s’évanouissent alors la situation objective, la géopolitique et l’histoire, mais les idéologies mêmes ne jouent aucun rôle : « Les caractères soumis à l’autorité sont évalués de façon totalement erronée alors qu’ils sont construits à partir d’une idéologie politico-économique déterminée » [9].

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    Hannah Arendt (1906-1975)

    La dérive psychologiste finit par émerger aussi chez Arendt. Récurrente est, en effet, dans les Origines du totalitarisme la dénonciation du « mépris totalitaire pour la réalité et les faits en eux-mêmes », pour la « folie » dont la « société totalitaire » fait preuve. Celle-ci n’est pas la poursuite avec des méthodes brutales et sans aucun scrupule moral d’objectifs en tous cas logiquement compréhensibles. Non, dans le totalitarisme nous avons affaire à des « paranoïaques » [10] : « L’agressivité du totalitarisme ne naît pas de l’appétit de puissance et son expansionnisme ardent ne vise pas l’expansion pour elle-même, non plus que le profit ; leurs raisons sont uniquement idéologiques : il s’agit de rendre le monde plus cohérent, de prouver le bien-fondé de son sur-sens » (p. 810). En d’autres termes, le totalitarisme est la folie qui veut la folie.

    Nous voici ramenés en quelque sorte à la culture de la Restauration, comme il ressort d’un détail ultérieur. Concernant les « régimes totalitaires » (non seulement le régime hitlérien mais aussi le stalinien), Arendt fait intervenir la catégorie de « mal absolu », que ne peuvent « plus expliquer les viles motivations de l’intérêt personnel, de la culpabilité, de la convoitise, du ressentiment, de l’appétit de puissance et de la couardise » (p. 811) et qui ne peut donc pas être expliqué rationnellement. Le Satan dont parle la culture de la Restauration est ici devenu le mysterium iniquitatis.

    Mais pourquoi l’approche psychologisante doit-elle être considérée comme erronée et mystificatrice ? Voyons ce qui se passe aux États-Unis, à la veille de la guerre de Sécession, c’est-à-dire de ce tragique conflit qui finit par déboucher sur une révolution abolitionniste. Chez les champions du Sud esclavagiste, on compare les abolitionnistes aux Jacobins, eux-mêmes affectés par la folie. Mais une nouveauté intervient ici. À présent on fait aussi un diagnostic psychopathologique pour les esclaves. Le nombre des esclaves fugitifs augmente et les idéologues de l’esclavage s’étonnent : comment est-il possible que des gens « normaux » se soustraient à une société aussi bien ordonnée ? Nous voici clairement en présence d’un esprit troublé. Mais de quoi s’agit-il ? En 1851, Samuel Cartwright, éminent chirurgien et psychologue de Louisiane, partant du fait qu’en grec classique drapetes est l’esclave fugitif, conclut triomphalement que le trouble psychique qui pousse les esclaves noirs à la fuite est précisément la drapétomanie [11]. D’autres idéologues constatent que les esclaves n’obéissent plus aux ordres des maîtres avec la même célérité qu’auparavant. Le diagnostic psychopathologisant intervient de nouveau : la maladie en question est maintenant la « dysesthésie », c’est-à-dire l’incapacité des esclaves à comprendre et réagir avec célérité aux ordres du maître [12].

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    Friedrich Wilhelm Nietzsche (1844-1900)

    Au XIXe siècle nous voyons se développer une autre révolution, la révolution féministe. Et de nouveau nous tombons sur la dénonciation de la folie et de la dégénérescence qui serait au fondement de cette nouveauté inouïe. C’est un grand philosophe, Friedrich Nietzsche, qui parle des protagonistes de cette révolution comme de femmes ratées qui méconnaissent leur nature de femmes et sont même incapables d’engendrer : « “Emancipation de la femme” – voilà ce qu’est la haine instinctive de la femme ratée c’est-à-dire incapable d’enfantement, contre la femme d’une bonne tenue ». La polémique contre le mouvement féministe est si âpre qu’elle pousse le philosophe à des déclarations d’un philistinisme désarmant. Les « émancipées » seraient des « femmes manquées » ou bien « celles qui n’ont pas l’étoffe pour avoir des enfants » [13]. On peut en tirer une conclusion : historiquement, il ne s’est trouvé de défi à l’oppression qui n’ait été taxé de folie, de déformation de la santé et de la normalité.

    Du reste, le diagnostic psychopathologisant se caractérise par son côté arbitraire. On peut le constater jusque chez les grands auteurs. En 1950, en publiant ses études sur la « personnalité autoritaire », Adorno souligne la « corrélation entre antisémitisme et anticommunisme » et ajoute ensuite : « Durant les dernières années tout le mécanisme de propagande en Amérique a été consacré à développer l’anticommunisme dans le sens d’une "terreur" irrationnelle » [14]. A ce moment-là, ceux qui ont été affectés de troubles psychiques sont les anticommunistes ; en 1964, par contre, Adorno insèrera justement les communistes, avec les fascistes, parmi les personnalités intrinsèquement autoritaires et enclines au totalitarisme !

    Le diagnostic psychopathologique prend régulièrement pour cible  les champions de la révolution,  jamais ceux de la guerre

    Il vaut aussi la peine de noter que le diagnostic psychopathologique prend régulièrement pour cible les champions de la révolution, jamais ceux de la guerre. Les fous sont Robespierre et les Jacobins, mais pas les Girondins fauteurs de la guerre, dont les conséquences dévastatrices pour la liberté civile et politique sont dénoncées de façon anticipée et avec une grande lucidité justement par Robespierre. Les fous sont les bolcheviques qui invoquent la Révolution pour mettre fin à la boucherie de la Première Guerre mondiale, pas ceux qui, en prolongeant la participation de la Russie à cette boucherie, n’hésitent pas à sacrifier des millions de personnes et à provoquer dans le pays une crise politique, économique et sociale aux proportions épouvantables. Plus encore, la Première Guerre mondiale est saluée non seulement en Russie mais dans tout l’Occident comme un moment de régénérescence spirituelle exaltante, et les plus grands intellectuels de l’époque s’engagent dans cette œuvre de célébration et de transfiguration !

    Enfin. Nous avons vu Tocqueville identifier dans l’œuvre d’un « virus d’une espèce nouvelle et inconnue » la cause de l’interminable cycle révolutionnaire français. Mais pourquoi l’auteur de cette explication ne pourrait-il pas être soumis lui aussi à un diagnostic psychopathologique ? Pour démontrer la folie de la « race des révolutionnaires qui semble nouvelle dans le monde » et qui est à l’œuvre en France, il observe que celle-ci « non seulement pratique la violence, le mépris des droits individuels et l’oppression des minorités, mais, ce qui est nouveau, professe qu’il doit en être ainsi » (II, 2, p. 337). Et voyons à présent comment le libéral français célèbre la première guerre de l’opium :

    « C’est un grand événement, surtout si l’on songe qu’il n’est que la suite, le dernier terme d’une multitude d’événements de même nature qui tous poussent graduellement la race européenne hors de chez elle et soumettent successivement à son empire ou à son influence toutes les autres races […] ; c’est l’asservissement de quatre parties du monde par la cinquième. Ne médisons pas de notre siècle et de nous-mêmes ; les hommes sont petits mais les événements sont grands ».

    Ou bien voyons quel comportement suggère Tocqueville à l’armée française engagée dans la conquête de l’Algérie :

    « Détruire tout ce qui ressemble à une agrégation permanente de population, ou en d’autres termes à une ville. Je crois de la plus haute importance de ne laisser subsister ou s’élever aucune ville dans les domaines d’Abd-el-Kader » (le leader de la résistance). » [15]

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    En 1839, le parlement britannique décide l’envoi d’un corps expéditionnaire dans la province chinoise de Canton pour défendre… le commerce de l’opium, vendu comme drogue par les Etats-uniens et les Britanniques mais interdit en Chine depuis 1729. C’est le début de la première guerre de l’opium (de 1838 à 1842), célébrée par Tocqueville comme « un grand événement ».

    Dans ces deux déclarations résonne cette célébration de la violence et de la loi du plus fort reprochée à la « race des révolutionnaires » à l’œuvre en France. En d’autres termes, c’est de façon non seulement arbitraire mais aussi dogmatique que procèdent les fauteurs de l’approche psychopathologique : ils ne s’appliquent pas à eux-mêmes les critères qu’ils font valoir pour les autres.

    On pourrait objecter avec Furet que le caractère pathologique de la violence jacobine (et bolchevique) réside dans le fait qu’elle dévore ses propres fils. Si ce n’est que la dialectique de Saturne est bien présente dans la Réforme protestante et dans la première révolution anglaise et se manifeste aussi, avec des modalités particulières, dans la révolution américaine. À l’occasion de la Guerre de Sécession, les deux camps se réclament de la lutte pour l’indépendance conduite conjointement contre la Couronne anglaise. Les abolitionnistes se réfèrent au principe proclamé par la Déclaration d’indépendance d’après lequel « tous les hommes ont été créés égaux » et à l’incipit solennel de la Constitution de Philadelphie dans lequel le « peuple des États-Unis » déclare vouloir ultérieurement « perfectionner l’Union ». La propagande de la Confédération revendique l’héritage de la lutte des patriotes contre un pouvoir central oppressif, souligne la centralité du thème des droits de chaque État singulier dans le processus de fondation et dans la tradition juridique du pays, et fait remarquer que Washington, Jefferson et Monroe étaient tous des propriétaires d’esclaves. Les deux camps opposés déclarent avancer dans la trace des Pères Fondateurs, mais cela n’évite pas le choc et le rend même plus âpre. Pas de doute : dans ce cas aussi, Saturne dévore ses enfants.

    Par ailleurs, il faut noter que les colons américains protagonistes de la guerre d’indépendance contre le gouvernement de Londres sont définis par leurs contemporains anglais, que ce soit dans un jugement positif ou négatif, comme « les dissidents du désaccord ». Et si Burke dénonce la « maladie » française dès la toute première phase de la révolution [16], Mallet du Pan met en cause pour cette révolution l’« inoculation américaine » [17]. Comme on le voit, le renvoi à la dialectique de Saturne et à la psychopathologie pour expliquer les révolutions n’a pas attendu le jacobinisme pour venir au jour !

    Mais posons-nous maintenant une question : quel est le point de départ de la folie idéologique qui aurait fait rage d’abord dans le cycle révolutionnaire français puis dans le cycle révolutionnaire russe ? Furet comme Pipes partent de la France des Lumières et des sociétés de pensée. Et c’est de la même façon qu’argumente Taine, que nous avons vu critiquer Voltaire en tant que démon incarné et qui voit la France révolutionnaire « enivrée par la mauvaise eau-de-vie du Contrat social » de Rousseau [18]. Peut-on à présent considérer comme terminée la recherche à rebours des origines du maudit virus révolutionnaire ? Pas du tout ! Bien avant la révolution qui liquide en France l’Ancien régime, survient en Allemagne la Guerre des paysans qui, conduits par Müntzer, s’insurgent contre les feudataires et veulent abolir la servitude de la glèbe. Les protagonistes de cette révolution sont stigmatisés par Luther comme des « prophètes fous » (tolle Propheten) qui excitent la « populace folle » (tolle Pöbel), comme des « visionnaires » (Schwärmerer, Geister, Schwarmgeister), des fous qui ont totalement perdu le sens de la réalité [19]. Mais cette campagne contre l’ex-disciple devenu fou n’empêche pas Luther d’être à son tour classé par Nietzsche parmi les « esprits malades », à savoir parmi les « épileptiques des idées » (avec Savonarole, Luther, Rousseau, Robespierre et Saint-Simon) (L’Antéchrist, 54).

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    Hippolyte Adolphe Taine (1828-1893). Pour lui, la France révolutionnaire est « enivrée par la mauvaise eau-de-vie du Contrat social » de Rousseau.

    Oui, selon Nietzsche, pour trouver les premières origines de la maladie révolutionnaire il convient de procéder bien plus à rebours que ne le font les critiques habituels de la révolution : la folie qui voudrait l’avènement d’un monde parfait et égalitaire et qui condamne la richesse et le pouvoir en tant que tels, a commencé déjà à se manifester avec le christianisme et même, auparavant encore, avec les prophètes juifs. Convaincu de la longue durée du cycle révolutionnaire qui fait rage en Occident, Nietzsche invite à procéder finalement au règlement de comptes avec « ces milliers d’années d’un monde-cabanon » [monde asilaire] et avec les « maladies mentales » qui font rage à partir du « christianisme » (L’Antéchrist, 38). On pourrait lire cette conclusion comme l’involontaire reductio ad absurdum de l’interprétation psychopathologisante du conflit politique et, en particulier, des grandes crises historiques. Mais n’oublions pas que Nietzsche déclare être « passé par l’école de Tocqueville et de Taine » (B, III, 5, p.28), et qu’il a avec ce dernier des rapports épistolaires empreints d’une estime réciproque [20].

    Par ailleurs, de nos jours encore, dans le sillage du philosophe allemand, un illustre historien des religions (Mircea Eliade) et un éminent philosophe (Karl Löwith) expliquent la folie sanguinaire du XXe siècle en partant de loin, de très loin : tout aurait commencé en des temps assez reculés avec le refus du mythe de l’éternel retour et avec l’avènement de la vision unilinéaire du temps et de la foi dans le progrès qui l’accompagne : tout aurait commencé avec, une fois de plus, l’affirmation de la culture juive et chrétienne. La tendance à liquider les grandes crises historiques (et en dernière analyse l’histoire universelle) en tant qu’expressions de folie caractérise la culture actuelle de façon peut-être plus forte encore que la culture de la Restauration.

    Mais comment expliquer le fait que les explosions de folie se manifestent plus fréquemment et à une plus vaste échelle dans certains pays que dans d’autres ? On connaît chez Tocqueville la tendance à célébrer un sens moral et pratique supérieur et un plus fort attachement à la liberté qui caractériseraient les citoyens états-uniens, en opposition aux Français. C’est-à-dire que la lecture psychopathologique du conflit tend à déboucher dans une lecture d’empreinte ethnologique (et de tendance raciale). C’est une tendance qui se manifeste aussi avec force dans l’historiographie et dans la culture contemporaine. Selon Norman Cohn (2000, p. 21), l’Angleterre « se fait remarquer par une absence quasi-totale de tendances chiliastiques » et de « chiliasme révolutionnaire », qui par contre font rage entre France et Allemagne [21]. Plus radical dans la dérive ethnologique (et en dernière analyse, raciale) est Robert Conquest (2001, p.15), qui voit dans la France et dans la Russie (et dans l’Allemagne) les lieux des « aberrations mentales », desquelles s’avèrent par contre immunes les révolutions anglaise (on ne parle que de la Glorious Revolution de 1688) et américaine. De plus, la civilisation authentique trouve son expression la plus achevée dans la « communauté de langue anglaise » et le primat de cette communauté a son fondement ethnique précis, constitué par les « Angloceltes » [22]. Alors une question se pose ici : pourquoi donc le culte des « Angloceltes » devrait-il être plus acceptable que le culte des « aryens » cher en particulier aux nazis ?

    Donc. Pour se rendre compte de l’absurdité du renvoi à la psychopathologie, il suffit de réfléchir au fait que le caractère catastrophique de la crise révolutionnaire en Russie a été prévu avec des décennies d’anticipation par des auteurs très différents entre eux. En 1811, de Saint-Pétersbourg encore ébranlée par la révolte paysanne de Pougatchev, Maistre voit se profiler une révolution (cette fois appuyée par des « Pougatchevs d’Université », c’est-à-dire par des intellectuels d’origine populaire) d’une ampleur et d’une radicalité à faire pâlir la Révolution française. En 1859 Marx prévient : si la noblesse continue à s’opposer à une réelle émancipation des paysans, il en émergera un cataclysme social « sans précédents dans l’histoire ». En 1905, même le premier ministre russe Serge Witte s’exprime en termes similaires !

    On peut faire des considérations analogues pour la crise qui a débouché en Allemagne sur l’avènement au pouvoir de Hitler. Peu de temps après la signature du Traité de Versailles, le maréchal Ferdinand Foch observe : « ce n’est pas la paix, ce n’est qu’un armistice pour vingt ans ». L’impérialisme allemand n’allait pas tarder à tenter sa revanche ; et il va d’autant plus facilement obtenir un consensus de masse que les vainqueurs de la Première Guerre mondiale se montrent vindicatifs et myopes. À cette même période le grand économiste John Maynard Keynes, qui a fait partie de la délégation anglaise à Versailles, met en garde contre les conséquences d’une « paix carthaginoise » :

    « La vengeance, j’ose le prévoir, ne tardera pas. Rien ne pourra alors retarder longtemps cette guerre civile finale entre les forces de la réaction et les convulsions révolutionnaires désespérées ; face à quoi les horreurs de la dernière guerre allemande disparaîtront dans le néant et détruiront, quel que soit le vainqueur, la civilisation et le progrès de notre génération ». [23]

    Donc : « Que le ciel nous protège tous ! » Une épreuve de force allait se profilant pour l’hégémonie encore plus brutale et barbare que celle qui avait fait rage au cours du premier conflit mondial.

    Le nazisme se caractérise aussi par sa prétention à reprendre la tradition coloniale pour la réaliser aussi, dans ses formes les plus barbares, en Europe orientale. Eh bien, à partir déjà du XIXe siècle la culture européenne la plus avancée s’est posée une question angoissante : que serait-il arrivé si les méthodes de gouvernement et de guerre à l’œuvre dans les colonies avaient fini par s’imposer aussi dans les métropoles ? Le génocide même des Juifs n’advient pas du tout de façon improvisée. Qu’il nous suffise de dire que dans la Russie ravagée par la guerre civile, les Juifs, stigmatisés en marionnettistes du bolchevisme, deviennent les victimes de massacres déchaînés par les troupes blanches appuyées par l’Entente : c’est le « prélude » – observent d’éminents historiens – de ce qui sera ensuite la « solution finale » [24].

    Concluons. La lecture psychopathologisante des grandes crises historiques permet d’une part de liquider comme une expression de folie le gigantesque processus d’émancipation qui va de la Révolution française (des Lumières même) à la Révolution d’Octobre ; d’autre part, elle porte le Troisième Reich au compte d’une personnalité malade individuelle (Hitler), en absolvant indirectement le système politico-social et la tradition idéologique qui l’ont produit. La critique de la lecture psychopathologisante (voire démonologique) des grandes crises historiques est aujourd’hui un devoir essentiel de la critique de l’idéologie et de la lutte pour la raison.

     

    Traduction :  Marie-Ange Patrizio

    Extrait de Psychopathologie et démonologie. La lecture des grandes crises historiques de la Restauration à nos jours, essai publié dans la revue Belfagor. Rassegna di varia umanità, dirigée par Carlo Ferdinando Russo, Editions Leo S. Olschki, Florence, mars 2012, p. 151-172.

    Comme on le sait, Belfagor a fermé. Avec cet hommage je remercie mon ami Carlo Ferdinando Russo et toute la rédaction pour l’hospitalité qui m’a souvent été offerte.
    Domenico Losurdo

    L’article original a été publié le 14 décembre 2012 sur le blog de l’auteur : http://domenicolosurdo.blogspot.fr/

    [1] cf. Heinrich von Treitschke, Deutsche Geschichte im neunzehnten Jahrhundert, Leipzig, 1879-1894, vol. III, p. 153.

    [2] Benedikt F. X. von Baader, Sämtliche Werke, présenté par F. Hoffmann et alt. (Leipzig 1851-1860), réédition anastatique, Scientia, Aalen, vol. 6, pp. et 26.

    [3] Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes, présentées par J. P. Mayer, Gallimard, Paris, 1951 et suivantes, vol. XIII, 2, pp. 337-38.

    [4] Pour les Souvenirs nous renvoyons le lecteur à l’anthologie de Tocqueville de F. Mélonio et J. C. Lamberti, Laffont, Paris, 1986, pp. 798 et 812.

    [5] Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine (1876-94), Hachette, Paris, 1899, vol. 6, p. 64.

    [6] Ibidem., vol. 5, pp. 21 et suivantes.

    [7] Ibidem.,vol. 7, pp. 205, 208 et 347-8 et vol. 1, p. 295.

    [8] Domenico Losurdo, Le révisionnisme en histoire. Problèmes et mythes, traduit de l’italien par Jean-Michel Goux, Albin Michel, Paris, 2006, chap. 1,1.

    [9] Theodor W. Adorno, Eingriffe. Neun kritische Modelle, Suhrkamp, Frankfurt a. M., 1964, pp. 132-3.

    [10] Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism (1951) Harcourt, Brace & World, New York, 3° ed., 1966, pp. 457-9.

    [11] Cf. Emily Eakin, Is Racism Abnormal ? A Psychiatrist Sees It as a Mental Disorder, in International Herald Tribune du 17 janvier 2000, p. 3.

    [12] Wyn C. Wade, The Fiery Cross. The Ku Klux Klan in America, Oxford University Press, New York-Oxford, 1997, p. 11.

    [13] Ecce Homo, « Pourquoi j’écris de si bons livres ».

    [14] Cf. Theodor W. Adorno, Studies in the Authoritarian Personality, in Id., Gesammelte Schriften, Suhrkamp, Frankfurt a. M., vol. 9, 1, p. 430.

    [15] Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes, cit., vol. 2, 2, p. 337 ; vol. 6, 1, p. 58 et vol. 3, 1, p. 229.

    [16] Domenico Losurdo, Controstoria del liberalismo, Laterza, Roma-Bari, 2005, chap. VIII, § 7.

    [17] Alphonse Aulard, Histoire politique de la Révolution française (1926), Scientia, Aalen (reproduction anastatique), 1977, p. 19, note 1.

    [18] Cf. Hippolyte Taine, Les origines de la France contemporaine, cit., vol. 4, p. 262.

    [19] Martin Luther, Ermahnung zum Frieden auf die zwölf Artikel der Bauernschaft in Schwaben (1525), in Die Werke, présenté par Kurta Aland, Klotz-Vandenhoeck & Ruprecht, Stuttgart-Göttingen, 1967, vol. 7, pp. 165, 168, 174 et 180 ; Martin Luther, Daß diese Worte : Das ist mein Leib etc. noch feststehen. Wider die Schwarmgeister (1527), in Werke, présenté par Diaconus Dr. Buchwald et alt., Schwetschke, Braunschweig, 1890, vol. 4, pp. 342 et suivantes.

    [20] Domenico Losurdo, Nietzsche, il ribelle aristocratico. Biografia intellettuale e bilancio critico, Bollati Boringhieri, Torino, 2002, cap. 28, § 2 .

    [21] Cf. N. Cohn, The Pursuit of the Millennium (1957), tr. it., de Amerigo Guadagnin, I fanatici dell’Apocalisse, Comunità, Torino, 2000, p. 21.

    [22] R. Conquest, Reflections on a Ravaged Century (1999), tr. it., de Luca Vanni, Il secolo delle idee assassine, Mondadori, Milano, 2001, pp. 15, 275 et suivantes et 307.

    [23] John M. Keynes, The economic consequences of the peace (1920), Penguin Books, London, 1988, pp. 56 et 267-68.

    [24] Cf. Domenico Losurdo, Staline. Histoire et critique d’une légende noire, traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio, Aden, Bruxelles, 2011, chap. 3, 1 et 5, 6.

  • Le Gouvernement connaît les vrais chiffres sur le nombre de personnes présentes aux manifs de hier…

    “À la nuit tombée, ils corrigeaient le chiffre à la hausse en considérant que la mobilisation a franchi la barre du million de personnes. Ce qui en ferait, en termes de fréquentation, le troisième plus important rassemblement dans la capitale en trente ans, juste derrière le défilé pour la révision de la loi Falloux en 1994 et celui pour la défense de l’école libre de 1984, où un million d’hommes, de femmes et d’enfants avaient battu le pavé parisien pour faire reculer le pouvoir socialiste.”

     

    source Le Figaro

  • Mali : l’armée française pour repousser les groupes islamistes … et défendre les intérêts de Total ?

    S’exprimant de manière officielle, à l’Elysée, le  président de la République française, François Hollande a confirmé vendredi l’engagement des forces armées françaises au Mali. Dans une déclaration, le chef de l’Etat a par ailleurs  affirmé vendredi que l’opération de lutte contre des “terroristes” durerait “le temps nécessaire” , sans plus de précision.

     

    But affiché : repousser les combattants islamistes qui contrôlent le nord du Mali, assurer la sécurité de la population malienne et celle des 6.000 ressortissants français présents dans le pays.

     

    Parallèlement, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a indiqué vendredi que cette opération avait notamment pris la forme d’une “intervention aérienne” , sans confirmer la présence de forces africaines. Le ministre avait auparavant  précisé que la France  avait été  saisie “d’une demande d’appui aérien et militairepar le Mali.

    L’Elysée a précisé que la décision du président Hollande avait été prise vendredi « matin en accord avec le président malien Dioncounda Traoré ». Ajoutant  que le Parlement serait   “saisi dès lundi ” de sa décision d’intervention. La France intervient “en liaison avec les Nations unies, car nous intervenons dans le cadre de la légalité internationale” , a par ailleurs tenu à  préciser François Hollande.

    Un responsable de l’armée malienne  a par ailleurs indiqué que des troupes nigérianes étaient  également  engagées. Le Sénégal -  pays  voisin -  n’a « pas de troupes combattantes » au Mali, a pour sa part  démenti vendredi soir un responsable de l’armée sénégalaise. Le président de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a indiqué quant à lui dans un communiqué avoir autorisé vendredi l’envoi immédiat de troupes au Mali.

    Mais au final, l’intervention de la France pourrait être également due à d’importants enjeux  économiques et financiers, encore une fois sur fond de forte odeur de pétrole et de gaz. Pure coïncidence ou remake d’un scénario proche de  celui prévalant en Afghanistan ? … Voire mise à exécution d’une stratégie du chaos  menée par  les  lobbies pétroliers et militaires  américains en échange de  soutiens financiers   de  campagnes  électorales US  pour éviter  une avancée  trop  importante  de majors pétrolières étrangères  concurrentes ?   Allez savoir  ….

     

     

     

    Reste  que la carte d’implantation d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) au Sahel correspond à tout point   à celle du  bassin de Taoudeni …large de 1,5 million de kilomètres carrés, partagé entre le Mali, l’Algérie, la Mauritanie et le Niger …. Les récentes découvertes de richesses minières  contenues  dans  cette zone  provoquent en effet depuis quelques mois un vif intérêt pour cette région.

     

     

    Jean François Arrighi de Casanova, directeur Afrique du Nord de Total avait  ainsi fait état d’immenses découvertes gazières dans le secteur, freinant la progression du puits vers la zone pétrolière, en Mauritanie et le conduisant même à parler “d’un nouvel Eldorado“.

    En février 2011, la presse algérienne indiquait que le groupe français Total et le groupe énergétique national algérien Sonatrach avaient dans leurs besaces plusieurs projets au Sahel. L’essentiel semblant être pour les deux groupes de « rafler » le plus de projets possibles, au Mali et au Niger.

     

    Rappelons  parallèlement qu’à trois mois de l’élection présidentielle au Mali, le gouvernement, déjà confronté aux enlèvements d’al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et à la menace d’une crise alimentaire, avait dû faire face à une nouvelle rébellion touareg puis à un coup d’état.

     

    Ces attaques étant alors les premières de ce type depuis un accord ayant mis fin à la rébellion mais également depuis le retour de Libye de centaines d’hommes armés ayant combattu aux côtés des forces du leader libyen Mouammar Kadhafi.

     

    En avril 2011, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton s’était prononcée quant à elle  en faveur d’une aide de 25 millions de dollars pour les rebelles libyens. Aide qui n’inclurait pas la fourniture d’armes … si l’on en croyait ses propos.

     

    Des subsides destinées  à permettre aux rebelles de lutter contre les mercenaires de Kadhafi. Ces derniers étant en grande partie des milliers de jeunes Touareg, recrutés pour apporter leur soutien au dirigeant libyen, selon  la presse.

    Une situation qui inquiétait d’ores et déjà grandement le Mali, lequel redoutait dès cette période des répercussions dans la région, et plus particulièrement au Sahel,  tout juste  identifié  – hasard de calendrier ? – comme un nouvel eldorado pétrolier.

    Précisons que ces populations nomades originaires du Mali, du Niger, et de l’Algérie ont, depuis les années 80, trouvé refuge auprès de  l’ex dirigeant libyen lui promettant de sécuriser le Sud-Soudan, en échange de sa protection.

     

    «Nous sommes à plus d’un titre très inquiets. Ces jeunes sont en train de monter massivement (en Libye). C’est très dangereux pour nous, que Kadhafi résiste ou qu’il tombe, il y aura un impact dans notre région », avait ainsi déclaré Abdou Salam Ag Assalat, président de l’Assemblée régionale de Kidal (Mali). « Tout ça me fait peur, vraiment, car un jour ils vont revenir avec les mêmes armes pour déstabiliser le Sahel » avait-t-il ajouté.

     

    Situation d’autant plus inquiétante que Mouammar Kadhafi aurait pu être également tenté – la manne pétrolière aidant – de recruter auprès des jeunes Touaregs du Mali et du Niger, avais-je alors indiqué.

     

    A Bamako et à Niamey, des élus et des responsables politiques craignaient d’ores et déjà à l’époque que la chute de Kadhafi provoque un reflux massif de réfugiés touaregs dans une région du Sahel déjà très fragile, une situation qui pourrait conduire à une déstabilisation de la région …  redoutaient-ils alors.

     

    Le Blog Finance  http://fortune.fdesouche.com

  • Jünger et l'Allemagne secrète

     rivoli10.jpgEn tête de sa compagnie, en 1941, Ernst Jünger, capitaine dans la Wehrmacht, défile à cheval rue de Rivoli. 

    La polémique qui s'est déclenchée à propos d'Ernst Jünger, remet à l'avant-plan, une fois de plus, les fantasmes nés de la guerre civile européenne et du passé qui ne passe pas, mais, pire encore, les fantasmes plus insidieux générés par l'incompréhension totale de nos contemporains face à l'histoire politique et culturelle de ce siècle. À Jünger qui est aujourd'hui, à 100 ans, le plus grand écrivain européen vivant, on a reproché d'être, dans le fond, un complice des nazis. Pour clarifier cette question, il nous apparaît opportun de récapituler, depuis le début, l'histoire des activités politiques et culturelles de Jünger, le héros de la Première Guerre mondiale, un des rares soldats de l'armée impériale, avec Rommel, à avoir reçu la plus haute décoration militaire allemande, l'Ordre “Pour le Mérite”.

    Le thème des premières œuvres littéraires de Jünger est l'expérience de la guerre, dont témoigne notamment son célèbre roman Orages d'acier. Ces livres de guerre lui ont permis de devenir en peu de temps l'un des écrivains les plus lus et les plus fameux de l'Allemagne. En outre, Jünger est rapidement devenu l'un des chefs de file du nouveau nationalisme, suscité par les conditions de paix très dures imposées à l'Allemagne. Il réussit à forger une série de mythes politiques représentant la synthèse ultra-révolutionnaire de tout ce que la droite allemande avait produit à cette époque.

    Ordre ascétique et mobilisation totale

    L'écrivain évoluait entre les bureaux d'études de l'armée, les groupes paramilitaires et nationaux-révolutionnaires, et réussissait à fusionner plusieurs projets politiques : celui du philologue Wilamowitz visant la création d'un État régi par un Ordre ascétique ou une caste sélectionnée d'hommes de culture et de science, celui de Spengler visant le contrôle et la domination des nouvelles formes technologiques en train de transformer le monde, celui du poète Stefan George chantant une nouvelle aristocratie, celui de Moeller van den Bruck axé sur la nécessité de rénover de fond en comble le “conservatisme” ou plutôt sur la nécessité de lancer une “révolution conservatrice”, formule inventée par le poète Hugo von Hoffmannsthal et traduite par Jünger en termes ultra-nationalistes et guerriers.

    Pourtant, Jünger, influencé par la furie iconoclaste de Nietzsche, propose à l'époque de détruire totalement la société bourgeoise, ce qui lui permet d'utiliser aussi les mythes politiques de la gauche, dont l'idée bolchévique suggérée par Lénine, soit la mobilisation totale et militaire de l'État, utilisée auparavant en Allemagne par le Général Erich Ludendorff [organisateur de l'économie de guerre en 1916] ; chez Jünger, cette mobilisation totale deviendra la mobilisation totale de tout ce qui est allemand. Enfin, il utilise le mythe du travailleur-soldat, déjà loué par Trotsky ; Jünger l'adopte et le propose, transformé par la pensée du philosophe Hugo Fischer. Cette synthèse de Lénine, Trotsky et Fischer deviendra Le Travailleur, au moment même où Jünger est l'allié du national-bolchévique Ernst Niekisch. Il faut encore noter que la pensée philosophique et politique de Heidegger a été profondément influencée par ce célébrissime essai de Jünger, qui moule audacieusement en une puissante unité philosophique la technique, le nihilisme et la volonté de puissance.

    Parallèlement, l'écrivain se propose d'unifier tous les mouvements nationalistes allemands ; c'est cette intention qui explique sa tentative initialement favorable à Hitler ; il suffit de penser à la dédicace rédigée de son livre de 1925, Feuer und Blut (Feu et Sang) à l'intention du “Führer national” Adolf Hitler, même si l'année précédente, il avait désapprouvé la décision des nazis d'adopter des méthodes légales et craint une trahison nationale-socialiste à l'égard de la pureté des idéaux nationaux-révolutionnaires. Quoi qu'il en soit, en 1927, Hitler propose à Jünger un siège au Parlement, mais l'écrivain ne l'accepte pas parce qu'il refuse le parlementarisme et toute forme de parti. Après 1933, Jünger se retire complètement de la politique parce qu'il est trop élitaire, aristocratique et révolutionnaire pour accepter qu'un mouvement de masse s'accapare de ses idées ; par ailleurs, il se sent trop impliqué dans bon nombre d'idées nationalistes pour pouvoir critiquer ouvertement le nouveau régime.

    En 1939, cependant, Jünger semble vouloir intervenir directement, de manière critique, dans le régime nazi, en publiant son roman Sur les falaises de marbre. Selon un philosophe allemand contemporain, Hans Blumenberg, Jünger a rassemblé dans ce roman toutes les allusions aux événements de l'époque dans un scénario mythique, surtout après l'élimination des opposants à Hitler lors de la “Nuit des longs couteaux”, décidant ainsi de n'opposer plus qu'une résistance animée par la pure force de l'esprit. Un spécialiste plus connu du nazisme, George L. Mosse affirme que Jünger, dans ce roman, rejette les idées de sa jeunesse et retourne au protestantisme. En réalité, les choses sont beaucoup plus complexes.

    L'Ordre des Maurétaniens

    De fait, Jünger, en 1938, dans la seconde version de son livre Le cœur aventureux, fait allusion pour la première fois au mystérieux Ordre des Maurétaniens, une élite mystique de mages savants et guerriers, qui deviendra le protagoniste collectif du roman Sur les falaises de marbre, et, par la suite, de tous les autres romans de l'auteur. En premier lieu, nous devons souligner que Jünger et les révolutionnaires nationalistes de sa génération sont obsédés par le mythe politique d'un Ordre qui régit l'État et guide les masses. Les Maurétaniens sont à mi-chemin entre les Templiers et les Chevaliers Teutoniques, ils sont l'incarnation de ce mythe.

    Donc, en 1938, Jünger écrit qu'au lieu de rester coincé dans ses chères études, il va s'introduire dans le milieu des Maurétaniens, qu'il définit comme des polytechniciens subalternes du pouvoir, parmi lesquels il nomme Goebbels et Heydrich, un des chefs de la SS. Ce n'est dès lors pas un hasard si Carl Schmitt écrit, dans son journal, que les Maurétaniens sont une allégorie des SS. Jünger, en outre, ajoute textuellement qu'« une équipe sélectionnée des nôtres est au travail dans les lieux secrets du plus secret Thibet ». Effectivement, à cette époque, existait une organisation culturelle liée à la SS, dénommée l'Ahnenerbe (Héritage des Ancêtres), qui organisait entre autres choses des expéditions plus ou moins secrètes au Thibet, et était reçue par le Dalaï Lama en personne. Par ailleurs, il faut signaler que cette structure avait été mise sur pied, au départ, par un ami de Jünger, Friedrich Hielscher, le chef spirituel des jeunes nationalistes allemands, avant d'être incluse par Himmler dans les institutions SS. Mais quand paraît le roman-pamphlet Sur les falaises de marbre, certains nazis, ignorant ces faits, réclament la tête de Jünger, qui sera défendu par le “Maurétanien” Goebbels, et ensuite par Hitler lui-même, qui, ne l'oublions pas, avait confessé à Rauschning, stupéfait et atterré, avoir fondé un Ordre mystérieux. Nous sommes donc en présence d'un mystère historiographique et politique du XXe siècle.

    Conflit interne chez les Maurétaniens ?

    Le roman de Jünger est probablement le témoignage d'un conflit politique et culturel qui se déroulait à l'intérieur du noyau dirigeant national-socialiste, et aussi, sans doute, à l'intérieur même de cet Ordre mystérieux, pour savoir comment imposer et diriger la politique intérieure et extérieure du IIIe Reich. Jünger, qui plus est, considère que l'un des protagonistes du roman, le Maurétanien Braquemart, est semblable à Goebbels, et que la figure démoniaque et destructive du Forestier peut être ramenée à Staline. Ensuite, en 1940, il attribue la victoire fulgurante des troupes allemandes en France à la Figure du Travailleur, décrite dans son livre Der Arbeiter. En 1942, il fait rééditer son essai sur La mobilisation totale, au moment même où Hitler mobilise totalement et désespérément tout ce qui est allemand. Ce conflit interne entre les Maurétaniens, dans lequel Jünger entendait bel et bien intervenir en publiant son roman-pamphlet, s'est avivé pendant la durée du conflit, à cause des conséquences catastrophiques de la guerre voulue par Hitler et non par les autres membres de l'Ordre des Maurétaniens. Voilà pourquoi Jünger et son ami Hielscher en sont arrivés à comploter contre le Führer : ils voulaient désespérément éviter le destin tragique qui allait frapper l'Allemagne, ou au moins l'atténuer.

    Le 20 juillet 1944

    Jünger, en effet, fut l'un des organisateurs de la tentative de coup d'État du 20 juillet 1944, qui aurait dû avoir lieu après l'attentat contre Hitler. À Paris, où il est officier d'état-major dans le Haut Commandement des troupes d'occupation, centre du complot contre Hitler, Jünger écrit l'essai La Paix qui est, en fait, le texte politique essentiel de ce complot, et dont le manuscrit avait été lu et approuvé par Rommel, le seul officier supérieur capable de mettre un terme à la guerre sur le front occidental et à affronter la guerre civile. Mais le complot échoue, Rommel est contraint au suicide parce qu'il est condamné à mort. Le Maurétanien Hielscher est arrêté à son tour. Jünger semble vouloir nous dire que le Prince Sunmyra, un des auteurs malchanceux de l'attentat contre le Forestier dans le roman-pamphlet, peut être comparé au Colonel von Stauffenberg, l'auteur malchanceux de l'attentat contre Hitler. Claus von Stauffenberg, héros de la “Résistance allemande”, était un disciple de Stefan George, donc un représentant de ces Maurétaniens qui s'étaient donné le devoir de préserver l'Allemagne secrète. Et Hitler ne pouvait pas condamner à mort l'Allemagne secrète, incarnée dans l'œuvre et la personne de Jünger.

    ► Antonio Giglio, Vouloir n°123-125, 1995.http://www.archiveseroe.eu

     (article extrait de l'Italia settimanale n°13/1995)

  • Jean Baudrillard

    Peu de temps avant sa mort, pour résumer son itinéraire, il disait avoir été « pataphysicien à 20 ans, situationniste à 30, utopiste à 40, transversal à 50, viral et métaleptique à 60 ». Dans son oeuvre, on parle de simulacres, de virus, de stratégies fatales, d’attracteurs étranges, de séduction. Autant dire que la sociologie de Jean Baudrillard n’est pas une sociologie comme les autres.
    Né à Reims en 1929, dans une famille d’origine paysanne et ardennaise (mais son père était gendarme), il est remarqué dès l’école primaire par ses instituteurs et intègre le lycée en bénéficiant d’une bourse. Un professeur de philosophie l’initie alors à la « pataphysique » d’Alfred Jarry, ce qui lui servira plus tard à « rompre avec tout un faux sérieux philosophique ». En 1948, Jean Baudrillard se retrouve en hypokhâgne au lycée Henri IV à Paris, mais tourne bientôt le dos au concours d’entrée à Normale supérieure pour aller s’établir comme ouvrier agricole, puis comme maçon, dans la région d’Arles. Revenu dans la capitale, il achève ses études à la Sorbonne, passe une agrégation d’allemand et devient professeur de lycée. Quelque temps lecteur à l’université de Tübingen, le jeune germaniste traduit Peter Weiss, Bertolt Brecht, Karl Marx, mais aussi des poèmes de Hölderlin, restés inédits.
    Il rompt cependant bientôt avec l’enseignement secondaire et entreprend une thèse de doctorat sous la direction de Henri Lefebvre, en même qu’il suit les cours de Roland Barthes à l’École pratique des hautes études. Lefebvre, qui vient d’être exclu du parti communiste, est à cette époque célèbre pour sa théorie de la « vie quotidienne ». Baudrillard est alors proche de Guy Debord et des situationnistes. La « révolution culturelle » l’intéresse aussi : en 1962, il fonde avec Félix Guattari une éphémère Association populaire franco-chinoise.
    Sa thèse sur le « système des objets », qui lui vaut en 1967 les félicitations d’un jury composé de Lefebvre, Roland Barthes et Pierre Bourdieu, sera publiée l’année suivante chez Gallimard. Il entame alors un enseignement de sociologie à l’Université de Nanterre, dans le département d’Henri Lefebvre. Parallèlement, il participe à la création de la revue Utopie, avec Hubert Tonka et Isabelle Auricoste, et du groupe Aérolande. Avec Jacques Donzelot, il participe aux événements de Mai 68. « On descendait de la transcendance de l’histoire dans une espèce d’immanence de la vie quotidienne », dira-t-il plus tard. C’est pour lui une époque difficile, où il connaît la pauvreté.
    Par la suite, il fondera avec son ami Paul Virilio la revue Traverses, continuera d’enseigner à Nanterre jusqu’en 1986, puis à Paris IX Dauphine, où il sera jusqu’en 1990 directeur scientifique de l’Institut de recherche et d’information socio-économique (Iris).
    Ses premiers livres, Le système des objets (1968) et La société de consommation (1970) sont des essais de sociologie critique, relevant encore d’une critique néomarxiste de la société.
    Baudrillard , qui se passionne pour la sémiologie, c’est-à-dire la science des signes, y combine certaines idées de Henri Lefebvre et de Roland Barthes, mais aussi de Veblen et de Herbert Marcuse, avec les acquis du structuralisme et de la psychanalyse lacanienne. Il s’emploie à corriger Marx en montrant que le capitalisme consumériste diffère profondément du capitalisme du XIXe siècle, en ce sens qu’il sécrète des formes d’aliénation tout à fait nouvelles : non plus aliénation matérielle du travail, mais aliénation mentale par la marchandise.
    Ce qui intéresse en fait Baudrillard, c’est la façon dont les objets sont « vécus », c’est-à-dire la façon dont le système de consommation ordonne les relations sociales. En termes plus abstraits : « Les objets sont des catégories d’objets qui induisent des catégories de personnes ». Consommer, c’est d’abord manipuler des signes et se poser soi-même par rapport à ces signes. Ce n’est donc pas tant l’objet que l’on consomme que le système des objets lui-même (« On ne consomme jamais l’objet en soi, on manipule toujours les objets comme ce qui vous distingue »). Dans la société de consommation, le choix ne relève pas de la liberté, mais de l’intégration aux normes de la société, et donc de la contrainte. La publicité, qui crée l’illusion de s’adresser à chacun, reproduit la standardisation de l’objet qu’elle présente, puisque tout le monde finit par acheter le même produit que son voisin. Le système des objets, ainsi défini comme homogénéisant, finit par réifier le consommateur, qui se transforme lui-même en objet.
    Baudrillard analyse donc la société de consommation comme un phénomène global, comme un système où toutes les relations sociales sont déterminées par la circulation des marchandises et le fait que tout ce qui est produit doit être consommé. La société de consommation, c’est l’« échange généralisé ». Sa conclusion est que la consommation, loin d’être une simple pratique matérielle, « est une activité de manipulation systématique des signes », ce qui signifie que « pour devenir un objet de consommation, il faut que l’objet devienne signe ». Ce qui explique aussi que la consommation soit sans limites : allant bien au-delà des besoins, elle aspire à toujours plus de signes. « C’est finalement parce que la consommation se fonde sur un manque qu’elle est irrépressible ».
    En 1972, dans Pour une critique de l’économie politique du signe, Baudrillard constate qu’Adam Smith et Karl Marx, comme leurs disciples libéraux et marxistes, se sont bornés à distinguer entre la valeur d’usage d’un objet (sa valeur fonctionnelle et « naturelle ») et sa valeur d’échange (sa valeur économique et marchande). Il y ajoute la valeur symbolique de l’objet, qui est une valeur acquise en relation avec un autre sujet, et sa valeur de signe par rapport aux objets. Un beau stylo, par exemple, peut servir à écrire (valeur d’usage), valoir l’équivalent d’une semaine de salaire (valeur d’échange), être offert en cadeau (valeur symbolique) ou conférer un statut social (valeur structurale par rapport au système des objets).
    L’ouvrage lui vaut une extraordinaire renommée et va aussi faire de lui l’un des intellectuels français les plus lus et les plus commentés à l’étranger, notamment aux États-Unis, où Sylvère Lotringer, une Française devenue professeur à l’Université Columbia, se démène pour le faire connaître. Baudrillard va dès lors voyager un peu partout dans le monde, où des dizaines de livres lui seront bientôt consacrés, alors qu’en France son insolente ironie vis-à-vis des académismes et son tempérament d’inclassable lui vaudront longtemps la sourde hostilité de beaucoup.
    Le miroir de la production, en 1973, signe sa rupture définitive avec le marxisme. Baudrillard affirme que le marxisme n’est qu’un miroir de la société bourgeoise qui, comme les libéraux, place la production au centre de la vie sociale et ne peut, de ce fait, fournir la base d’une critique radicale du système de la marchandise. « Le marxisme, dira-t-il, n’est que l’horizon désenchanté du capital ».
    Avec L’échange symbolique et la mort (1976), Baudrillard sort complètement du domaine de l’économie politique. Constatant que les sociétés dominées par les seules valeurs marchandes, basées sur l’échange de signes et de biens, sont incapables de répondre à l’exigence symbolique, il abandonne alors la logique sémiotique pour celle d’un système symbolique, prolongeant en cela les travaux de Marcel Mauss et de Georges Bataille.
    Le terme même d’« échange symbolique » dérive de ce que Bataille appelait l’« économie générale », où la dépense somptuaire et la destruction sacrificielle prennent le pas sur les notions de production et d’utilité. Baudrillard prône alors une « critique aristocratique » du capitalisme, qui emprunte aussi à Nietzsche, et donne en exemple les sociétés « primitives » traditionnelles où régnait, non pas l’échange marchand, mais le système du don et du contredon si bien décrit par Marcel Mauss, base de l’échange symbolique définie par la triple obligation de donner, de recevoir et de rendre.
    C’est dans ce livre que Baudrillard soutient pour la première fois que les sociétés occidentales ont subi une « précession de simulacre », en ce sens qu’elles sont passées successivement de l’ère de l’original à l’ère de la copie – on pense ici au célèbre texte de Walter Benjamin sur « L’oeuvre d’art à l’ère de la reproduction mécanique » –, puis à celle d’un « troisième ordre de simulacre », où la copie remplace l’original et finit par devenir plus « réelle » que lui. Détachée de toute référence à l’original, la copie devient en fait pur simulacre, à la façon dont, dans une nouvelle de Borges, la carte remplace le territoire. Et comme ce simulacre ne fait qu’engendrer d’autres simulacres, la société toute entière devient elle-même un champ de simulacres. Dans l’oeuvre de Baudrillard, c’est un tournant capital.
    Dans les années 1980, Baudrillard réfléchit de plus en plus aux techniques de communication et à la nature des relations sociales qu’elles déterminent. La célèbre formule de Marshall McLuhan : « Le médium est le message », lui sert de fil conducteur : la forme des médias compte plus que leur contenu. C’est ce qui fait leur pouvoir de séduction.
    Contrairement à Michel Foucault, qui s’intéresse avant tout à la généalogie des formes du pouvoir, Baudrillard (qui a publié en 1977 un Oublier Foucault) voit dans l’idée de séduction, et donc de simulation, une notion qui, une fois élargie, aide à comprendre la société actuelle : « La séduction représente la maîtrise de l’univers symbolique, alors que le pouvoir ne représente que la maîtrise de l’univers réel ». Il prend également ses distances vis-à-vis de la « micropolitique du désir » d’un Gilles Deleuze ou de l’« économie libidinale » d’un Jean-François Lyotard. La séduction, tient-il à souligner, est tout autre chose que le désir (De la séduction, 1979).
    À partir de cette époque, Baudrillard montre comment la modernité, fondée sur la notion de production, a cédé le pas à la postmodernité, où règne la simulation, terme par lequel il faut entendre les modes de représentation culturels qui « simulent » la réalité : la télévision, le cyber-espace, la réalité virtuelle, les effets spéciaux, les jeux vidéo, les écrans interactifs.
    Aujourd’hui, dit Baudrillard, nous sommes entrés dans une ère complètement nouvelle, où la reproduction sociale (le traitement de l’information, la communication, les industries « cognitives », etc.) a remplacé la production comme mode principal d’organisation de la société, et où les identités se construisent elles-mêmes par l’appropriation des images, des modèles et des codes dominants.
    Dans le monde actuel, affirme Baudrillard, non seulement toute transcendance s’est évanouie, mais la définition même du réel est devenue problématique. C’est ce dont témoigne l’incessante prolifération des représentations virtuelles du monde. La virtualité tend à l’illusion parfaite, et c’est en cela qu’elle s’apparente à une copie qui ne renvoie plus à l’original. Baudrillard, dans son langage, parle d’« extermination du réel par son double ».
    Dès lors, c’est le principe de réalité qui disparaît. Car la réalité n’est elle-même rien d’autre qu’un principe. Délivrée de son principe, la réalité implose de manière exponentielle, tandis que se met en place un monde où règne la seule virtualité. En d’autres termes : le vrai est effacé ou remplacé par les signes de son existence. On est au-delà de l’illusion (ou de la « fausse conscience »), car l’illusion se définit encore par rapport à une réalité qui a disparu.
    Désormais, Baudrillard n’hésite donc plus à proclamer que « le réel n’existe plus ». Et c’est cette « disparition de la réalité », présentée comme un « crime parfait » étudié comme tel dans le livre qui porte ce titre (1995), qui va désormais nourrir l’essentiel de sa réflexion. Le réel s’évapore sous nos yeux. Comment cela est-il possible ?
    Pour les situationnistes, la société du spectacle se définissait avant tout comme aliénation généralisée. Baudrillard assure que ce stade est dépassé, car il n’y a plus à distinguer entre le « spectacle » et les spectateurs. Disparition du spectacle, donc disparition de la scène – au profit de l’obscène. Le passage de la scène à l’obscène, c’est le passage de la vision banale de la fatalité à la vision fatale de la banalité, de la connaissance à l’information, de l’hystérie à la schizophrénie, de la finitude à la métastase. C’est le stade où tout le monde communie dans l’« extase de la communication ». « Il n’y a plus de scène de la marchandise : il n’y en a plus que la forme obscène et vide. Et la publicité est l’illustration de cette forme saturée et vide », écrit-il dans Simulacres et simulation (1981).
    Dès que la réalité ne débouche plus sur rien qui la dépasse, il ne lui reste plus qu’à se démultiplier, à se cloner elle-même, à se reproduire indéfiniment sans plus renvoyer à rien.
    Elle est alors privée de fin, aux deux sens du terme. Lorsqu’un signe n’a plus d’échange avec la réalité qu’il signifie, il s’hypertrophie, s’enfle, se multiplie tout seul en métastases jusqu’à signifier tout ou rien. Tout est alors frappé d’un même principe d’incertitude : l’information, le travail, la vérité, le statut social, le langage, la mémoire, l’oeuvre d’art, etc., ce qui interdit l’exercice rationnel et traditionnel de la pensée. Le réel est remplacé par des simulacres qui ne cessent de s’auto-engendrer et de s’auto-reproduire. Ce n’est plus la réalité qui dépasse la fiction, mais la fiction qui dépasse le réel !
    Baudrillard s’empare de certains mots pour leur donner une portée nouvelle. Le virus lui paraît un terme emblématique qui renvoie aussi bien aux ordinateurs qu’aux épidémies, aux modes et aux réseaux : nous vivons une époque « virale », dont le sida et la « vache folle », les « hackers » informatiques, le terrorisme global et les « autoroutes de l’information » sont autant d’illustrations. Après la valeur symbolique et la valeur-signe, Jean Baudrillard, dans La transparence du mal (1990), affirme que la valeur est entrée dans le stade « fractal » ou « viral » : elle irradie dans toutes les directions sans faire référence à quoi que ce soit. Elle n’est plus valeur, mais épidémie du signe. Tout prend ainsi une forme virale et épidémique : « Les réseaux, Internet, c’est de la métastase illimitée ! »
    Mettant met fin aux oppositions réglées du bien et du mal, du vrai et du faux, du signifiant et du signifié, la postmodernité se caractérise donc, non seulement par la bien connue « disparition des repères », mais par l’avènement d’un « immense processus de destruction du sens ». La thèse de Baudrillard est que, dans les actuelles sociétés occidentales, la technologie de l’information a abouti à l’émergence, non pas du « village global » dont parlait Marshall McLuhan, mais d’un monde où le sens est effacé, où le « réel » est réduit aux seuls signes autoréférentiels de son existence, tandis que la société devient elle-même une structure « opaque ». La modernité, c’était le temps des explosions, révolutionnaires ou autres. La postmodernité, c’est le temps de l’implosion.
    Implosion du sens dans les médias. « Nous sommes dans un univers où il y a de plus en plus d’information, et de moins en moins de sens ». Les médias sont devenus une « gigantesque force de neutralisation, d’annulation du sens ». « L’information, contrairement à ce qu’on croit, est une sorte de trou noir, c’est une forme d’absorption de l’événement ».
    Implosion du social dans les masses. Les sociétés occidentales sont d’abord passées de la caste à la classe, puis de la classe à la masse. Aujourd’hui, les masses ne sont pas aliénées, mais opaques : recherchant le spectacle plus que le sens, elles se transforment en « majorités silencieuses » qui absorbent l’énergie sociale sans la réfléchir ou la restituer, qui avalent tous les signes et les font disparaître elles aussi dans un « trou noir ».
    L’homme devient lui-même un « pur écran » qui absorbe tout ce que distillent les réseaux. La machine, autrefois, aliénait l’homme. Avec l’écran interactif, l’homme n’est plus aliéné, mais devient lui-même partie d’un réseau intégré. « Nous sommes dans l’écran mondial. Notre présent se confond avec le flux des images et des signes, notre esprit se dissout dans la surinformation et l’accumulation d’une actualité permanente qui digère le présent lui-même ».
    L’homme virtuel est un « handicapé moteur, et sans doute aussi cérébral ». « L’écran interactif, explique Baudrillard, transforme le processus de communication, de relation de l’un à l’autre, en un processus de commutation, c’est-à-dire de réversibilité du même au même. Le secret de l’Interface, c’est que l’Autre y est virtuellement le Même […] On est passé de l’enfer des autres à l’extase du même, du purgatoire de l’altérité aux paradis artificiels de l’identité ». « L’image de l’homme assis et contemplant, un jour de grève, son écran de télévision vide, vaudra un jour comme une des plus belles images de l’anthropologie du XXe siècle » !
    À l’instar de Jean-François Lyotard annonçant la fin des « grands récits » qui avaient soustendu la modernité, Baudrillard assure que les idéologies, à l’époque postmoderne, ne sont plus elles aussi que des systèmes de signes, c’est-à-dire des simulacres. Elles n’ont plus cours parce que nous sommes déjà « passés au-delà ». La croyance au progrès, héritée des Lumières, s’est muée en simple « psychologie humanitaire », les droits de l’homme sont le « degré zéro de l’idéologie ».
    C’est ce que n’ont pas compris les partis politiques, que Baudrillard déclare « en état de survie artificielle » : « Ils ne vivent plus que des signes de leur existence et tentent de faire perdurer une société bancale, qui ne sait plus où elle va ni sur quoi elle roule ». Dans La gauche divine (1985), Jean Baudrillard se moque plus spécialement des socialistes, devenus des « confessionnels, qui n’ont à offrir sur scène que le pathétique sentimental de la bonne foi et de l’échec », et des communistes qui ont abandonné toute perspective révolutionnaire pour défendre un moralisme radicalisé. La gauche, finalement, en est réduite à gérer le travail de deuil de ses idéaux. L’arrivée du PS au pouvoir ne fut que « la délivrance d’un enfant caché que le capital aurait fait dans le dos à la société française ».
    Le pouvoir lui-même, ajoute Baudrillard dans À l’ombre des majorités silencieuses, « est seulement là pour masquer le fait qu’il n’existe plus ». Quant à l’Etat, en accédant à sa forme « extatique », il est devenu transpolitique comme d’autres deviennent transsexuels !
    L’histoire, enfin, a cessé d’être une succession continue d’événements localisables dans une perspective linéaire. Elle n’est plus « poussée par un développement, mais par une excroissance complètement indéterminée et incontrôlable ». Il y a toujours des événements, ou plutôt des « enjeux événementiels », mais ces événements ne font plus une histoire. En ce sens, nous sommes bel et bien sortis de l’histoire, non au sens de la « fin de l’histoire » imprudemment annoncée par Francis Fukuyama, mais au sens de la cohérence globale. Nous sommes passés du temps linéaire au temps chaotique. Marx avait inventé les « poubelles de l’histoire ». Aujourd’hui, dit Baudrillard, c’est l’histoire elle-même qui est devenue une poubelle.
    La simulation généralisée a tué le réel, mais l’a remplacé par une hyperréalité. Baudrillard veut dire par là que, non seulement le simulacre n’est pas inférieur à ce qu’il simule, mais qu’il en représente au contraire la forme exacerbée ou paroxystique, une forme plus réelle que le réel. La réplique de la grotte de Lascaux, visitée par les touristes, est déjà devenue plus réelle que l’original. Le centre Beaubourg, qualifié par Baudrillard d’« opérateur circulaire parfait », met en scène l’« hyperréalité de la culture », à la façon dont l’hypermarché met en scène l’« hyperréalité de la marchandise », ou les grands médias interactifs l’« hyperréalité de la communication ». Dans Les stratégies fatales (1983), Baudrillard donne d’autres exemples de cette hyperréalité, qui fait que la mode est désormais plus belle que la beauté, la pornographie plus sexuelle que le sexe, le terrorisme plus violent que la violence, la séduction plus artificielle que l’artifice, l’obscénité plus visible que le visible.
    En 1986, une tournée outre-Atlantique, au coeur de l’hyperréalité, lui inspire un essai superbe intitulé Amérique. Constatant qu’aux Etats-Unis la permissivité va de pair avec un hypermoralisme social, qui fait de toute voix ou attitude dissidente une pathologie à éradiquer, il y définit le jogging comme une forme de suicide, dit qu’en Amérique personne ne regarde la télévision car c’est l’écran lui-même qui regarde les téléspectateurs, et affirme que la vitesse « crée de purs objets » car elle est la « forme extatique du mouvement ». L’Amérique est pour lui à la fois le modèle de la modernité, la dernière des sociétés primitives et l’« utopie achevée ».
    Durant les années 1990, dans une série de petits ouvrages incisifs, auxquels s’ajoutent les cinq volumes de ses Cool Memories, recueil de pensées fulgurantes entrecoupées d’aphorismes souvent mélancoliques, Jean Baudrillard éprouve systématiquement sa théorie en la confrontant aux grands et petits événements médiatiques. Il le fait à sa manière, caustique, provocatrice et jubilatoire, empreinte d’une ironie cinglante et d’une allégresse sarcastique, portée par un non-conformisme à toute épreuve et ne dédaignant jamais de provoquer les pensées convenues et la bienpensance dominante.
    Rapportée aux événements, sa grille de lecture implique toujours un pas de côté, un déplacement de perspective, à la recherche d’un paradoxe éclairant. C’est cet écart déroutant qui lui permet d’aller toujours à l’essentiel, sans s’arrêter aux jugements de valeur, de montrer que l’événement renvoie toujours à autre chose qu’à lui-même. Il s’agit au fond, dit Baudrillard, d’« aller par anticipation au bout d’un processus, pour voir ce qui se passe au-delà ».
    En 1991, il publie La guerre du Golfe n’a pas eu lieu (Galilée), dont le titre retentissant suscite bien des commentaires. Il y explique que la guerre suppose un principe de sacrifice incompatible avec la recherche d’une guerre à « zéro mort » (dans le camp des assaillants), ainsi que la reconnaissance d’un ennemi non réductible au rôle de « voyou ». Guerre chirurgicale et « asexuée », la première guerre du Golfe n’a « jamais eu lieu », en ce sens qu’elle a moins été affaire de combats que de spectacle.
    En novembre 2001, son texte sur « L’esprit du terrorisme », paru dans Le Monde, provoque à nouveau des remous dans l’intelligentsia parisienne. Si la première guerre du Golfe a été pour lui un non-événement, les attentats du 11 septembre lui apparaissent au contraire comme l’« événement absolu » – mais aussi comme un « obscur objet de désir » qui a « radicalisé le rapport de l’image à la réalité ».
    Baudrillard scandalise en affirmant que le néo-terrorisme global, qui « se nourrit de ce qu’il veut détruire », est « l’acte qui restitue une singularité irréductible au coeur d’un système d’échange généralisé ». « La tactique du terroriste, écrit-il encore, est de provoquer un excès de réalité et de faire s’effondrer le système sous cet excès de réalité ». S’y ajoutent quelques remarques typiquement baudrillardiennes : « Quand les deux tours se sont effondrées, on avait l’impression qu’elles répondaient au suicide des avions-suicides par leur propre suicide ». Ou encore : « Le spectacle du terrorisme impose le terrorisme du spectacle ».
    Les critiques que lui valut cet article (auquel ont fait suite plusieurs essais sur le même sujet) témoignent en fait d’une incompréhension de sa méthode. Ce qu’entendait dire Baudrillard, c’est que l’Occident peut faire la guerre au terrorisme, mais qu’il n’a pas de réponse symbolique à lui apporter. Au désir de mort des terroristes, il ne peut pas répondre par la mise en scène de son propre désir de mort.
    L’Occident se pose comme l’empire du Bien, ce qui l’empêche de voir que dans la vie des hommes rien n’est univoque ou unidirectionnel, que tout est ambivalent. Tout ce qui s’actualise potentialise son contraire, sa « part maudite » (Georges Bataille). « À un moment donné, dit Baudrillard, cette part d’ambivalence prend le dessus, tandis que l’autre part se décompose d’elle-même. C’est ce qui est arrivé au communisme, qui a sécrété sa propre ambivalence et qui, avec la chute du Mur de Berlin, est arrivé au bout de sa décomposition ». En d’autres termes, plus on cherche à évacuer le symbolique, plus il a tendance à faire retour. La puissance symbolique est en effet « toujours supérieure à celle des armes et de l’argent ». Une société qui, convaincue de sa supériorité, veut instaurer partout l’empire du Même et refuse sa « part maudite », crée les conditions de sa propre disparition. « Celui qui vit par le Même périra par le Même », écrit Baudrillard (Écran total, 1997).
    Comme Philippe Muray, Baudrillard a toujours pensé le plus grand mal du discours du Bien. « Nous croyons naïvement, explique-t-il, que le progrès du Bien, sa montée en puissance dans tous les domaines, correspond à une défaite du Mal. Personne ne semble avoir compris que le Bien et le Mal montent en puissance en même temps, et selon le même mouvement […] Le Bien ne réduit pas le Mal, ni l’inverse d’ailleurs : ils sont à la fois irréductibles l’un à l’autre et leur relation est inextricable […] Le mal absolu naît de l’excès du Bien, d’une prolifération sans frein du Bien, du développement technologique, d’un progrès infini, d’une morale totalitaire, d’une volonté radicale et sans opposition de bien faire. Ce Bien se retourne dès lors en son contraire, le Mal absolu ». Le Mal, pourrait-on dire, résulte d’une irrésistible pulsion de revanche sur les excès du Bien.
    Plus généralement, Baudrillard pense que, « depuis peut-être un siècle, l’Occident a travaillé à la dégradation de ses propres valeurs, à les éliminer, à les abolir », ce qui fait qu’il se retrouve aujourd’hui au degré zéro de la puissance symbolique, en sorte que c’est ce degré zéro qu’il veut imposer au reste du monde. Convaincu d’être porteur des seules valeurs universelles concevables, l’Occident veut les étendre à toute la planète, ce qui le porte à délégitimer comme perverses ou archaïques toute singularité qui s’y oppose, « y compris cette forme de singularité qu’est la mort elle-même ». L’Occident veut au fond négocier l’altérité, et enrage de ne pouvoir parvenir.
    « La seule manière de résister au mondial, c’est la singularité », disait Baudrillard en 2002. « Ce qui peut faire échec au système, ce ne sont pas des alternatives positives, ce sont des singularités. Or, les singularités ne sont ni bonnes ni négatives. Elles ne sont pas une alternative, elles sont d’un autre ordre […] Elles peuvent être le meilleur et le pire. On ne peut donc les fédérer dans une action historique d’ensemble. Elles font échec à toute pensée unique et dominante, mais elles ne sont pas une contre-pensée unique – elles inventent leur jeu et leurs propres règles du jeu ». Le terrorisme représente incontestablement l’une de ces singularités, sur le versant de l’extrême violence. Baudrillard n’en fait nullement l’apologie. Il demande seulement qu’on prenne bien conscience de sa nature. Le terrorisme est une réponse symbolique paroxystique à l’universalité abstraite.
    S’inscrivant en faux contre les thèses de Samuel Huntington à propos de l’affrontement de l’islam et de l’Occident, Baudrillard écrit encore : « Il ne s’agit pas d’un choc des civilisations, mais d’un affrontement, presque anthropologique, entre une culture universelle indifférenciée et tout ce qui, dans quelque domaine que ce soit, garde quelque chose d’une altérité irréductible. Pour la puissance mondiale, tout aussi intégriste que l’orthodoxie religieuse, toutes les formes différentes et singulières sont des hérésies. A ce titre, elles sont vouées soit à rentrer de gré ou de force dans l’ordre mondial, soit à disparaître. La mission de l’Occident (ou plutôt de l’ex-Occident, puisqu’il n’a plus depuis longtemps de valeurs propres) est de soumettre par tous les moyens les multiples cultures à la loi féroce de l’équivalence. Une culture qui a perdu ses valeurs ne peut que se venger sur celles des autres […] L’objectif est de réduire toute zone réfractaire, de coloniser et de domestiquer tous les espaces sauvages, que ce soit dans l’espace géographique ou dans l’univers mental » (Power Inferno).
    La pensée critique doit selon Baudrillard devenir « radicale ». « La radicalité, écrit-il, c’est aller à la racine des choses […] La radicalité, ce n’est pas en savoir toujours davantage sur le réel, mais passer de l’autre côté ». Et c’est précisément ce qu’il n’a cessé de faire. Il n’a jamais cessé d’être un penseur « extrême », jusque dans ses dernières extrémités. D’où ses prises de position sur les sujets les plus divers, toujours servies par un sens aigu de la formule. Radicalisme libérateur.
    Sur le clonage : « Le sexe s’était déjà libéré de la reproduction, aujourd’hui c’est la reproduction qui se libère du sexe […] N’est-ce pas une pulsion de mort qui pousserait les êtres sexués à régresser vers une forme de reproduction antérieure à la sexuation ? ». Mais aussi : « On ne parle du clonage qu’en termes biologiques. Or, il me semble qu’il a déjà été précédé par un clonage mental : le système de l’école, de l’information et de la culture de masse permet de fabriquer des êtres qui deviennent une copie conforme les uns des autres ».
    Sur le référendum à propos du projet de Constitution européenne : « Le oui lui-même n’est plus exactement un oui à l’Europe, ni même à Chirac ou à l’ordre libéral. Il est devenu un oui au oui, à l’ordre consensuel, un oui qui n’est plus une réponse, mais le contenu même de la question ».
    Sur les émeutes des banlieues : « L’immigration et ses problèmes ne sont que les symptômes de la dissociation de notre société aux prises avec elle-même […] Une société elle-même en voie de désintégration n’a aucune chance de pouvoir intégrer ses immigrés, puisqu’ils sont à la fois le résultat et l’analyseur sauvage de cette désintégration ».
    Cette approche ironique, opposée aux donneurs de leçons comme à tout esprit de système, n’a évidemment pas valu que des amis à Jean Baudrillard. Ses adversaires l’ont tour à tour accusé d’apolitisme et d’irrationalisme, de misogynie et d’homophobie, voire d’être un réactionnaire amoral ou un cynique conservateur. En 1990, on lui avait reproché d’avoir exhumé la pensée de Joseph de Maistre dans La transparence du Mal. En 1996, sa dénonciation de la « nullité prétentieuse de l’art contemporain » lui valut de perdre la chronique dont il disposait à Libération. En 2005, un pamphlet d’une consternante bêtise, signé Thomas Florian, allait jusqu’à le présenter comme un « faux penseur recyclant tous les poncifs de la pensée réactionnaire », et son oeuvre comme un « amas nauséabond » ! Le magazine homosexuel Têtu fut plus récemment le seul à se réjouir de sa disparition.
    Baudrillard avait répondu à ses critiques en mai 1997, dans un article intitulé « La conjuration des imbéciles » : « Ne peut-on plus proférer quoi que ce soit d’insolite, d’insolent, d’hétérodoxe ou de paradoxal sans être automatiquement d’extrême droite (ce qui, il faut bien le dire, est un hommage à l’extrême droite) ? Pourquoi tout ce qui est moral, conforme et conformiste, et qui était traditionnellement à droite, est-il passé à gauche ? » « La lâcheté intellectuelle, remarquait-il aussi, est devenue la véritable discipline olympique de notre temps ».
    D’autres ont pu trouver qu’il « exagérait », sans réaliser que ce grand amateur de cinéma et de science-fiction – il est explicitement cité dans le célèbre film des frères Warschawsky, Matrix, que l’on a présenté (imprudemment) comme une illustration de ses thèses –, passionné de surcroît par la photographie depuis les années 1980 (sa première grande exposition s’est tenue à Paris en l’an 2000), ne faisait peut-être que décrire les prodromes de l’« hyperréalité » qui vient.
    « Si on échappe à la mort, on échappe forcément à la vie », disait Baudrillard. Généreux, solitaire, curieux de tout, auteur de plus d’une cinquantaine de livres, lui qui avait si souvent décrit les processus « viraux » à l’oeuvre dans la société, a finalement été emporté par les métastases le 6 mars dernier. Prenant la parole à ses obsèques, au cimetière du Montparnasse, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, visiblement pris au dépourvu par le retentissement mondial de sa disparition, avouait au terme de sa brève allocution qu’il n’était guère familier de son oeuvre : « J’aurais bien voulu parler avec Jean Baudrillard… Maintenant, il me reste à le lire ». Il serait temps.
    Alain de Benoist Nouvelle Ecole, 2008
    Les premiers livres de Jean Baudrillard ont été publiés chez Gallimard, les plus récents aux éditions Galilée et aux éditions Sens & Tonka.
    Un « Cahier de l’Herne », dirigé par François L’Yvonnet, lui a été consacré en 2005, avec des textes de Michel Maffesoli, Edgar Morin, Philippe Muray, Jean-Baptiste Thoret, Jean Nouvel, etc. (Éditions de l’Herne, 328 p., 49 €).