Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 46

  • Hollande régresse

    Réformer les institutions, pourquoi pas. Mais pas dans ce sens-là et pas comme ça.

    Si l’on reprend l’histoire de la Ve république, on constate qu’il est parfois regrettable, mais en tout cas très habituel, qu’un président en début de mandat envisage de réviser la constitution.

    En somme, il était assez normal que François Hollande se laisse tenter à son tour, comme il s’en est expliqué le 7 janvier lors de ses voeux au Conseil constitutionnel. « J’entends, a-t-il alors déclaré, mettre fin au statut de membre de droit du Conseil Constitutionnel des anciens présidents de la République. Je proposerai donc d’y mettre un terme mais uniquement pour l’avenir ». Par ailleurs, il a évoqué, pêle-mêle, la consolidation de l’indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, la suppression de la Cour de justice de la République, déclarant en revanche avoir renoncé à l’idée du “parrainage citoyen” des candidats à la présidentielle. Enfin, toujours très normalement, notre président normal a émis le souhait « que ces dispositions soient adoptées par le Parlement réuni en Congrès, dans les mois qui viennent ».

    Soyons honnêtes : la plupart de ces propositions – et notamment la plus emblématique d’entre elles, la suppression des membres de droit du Conseil constitutionnel -, apparaît techniquement pertinente. En vertu de l’actuel article 56 alinéa 2 de la constitution, font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel . Cette règle avait été instituée en 1958 pour des raisons à la fois conjoncturelles (fournir au président Coty, qui s’était obligeamment retiré devant De Gaulle, une fonction au sein de l’État), et politiques (le prestige de la fonction présidentielle exigeant que ses anciens titulaires ne se retrouvent pas à la rue… ). À l’époque, elle paraissait d’ailleurs d’autant moins contestable que le Conseil constitutionnel était conçu comme un organe politique, principalement chargé d’éviter une rechute dans le régime d’assemblée. Cependant, petit à petit, la situation s’est très profondément modifiée, et à la suite d’évolutions jurisprudentielles et de révisions constitutionnelles riches de conséquences, le Conseil constitutionnel s’est transformé en une véritable Cour, au même titre que ses homologues étrangers : répondant aux voeux du chef de l’État, Jean-Louis Debré, évoquait d’ailleurs, le 7 janvier dernier, “l’achèvement de la juridictionnalisation du Conseil”, réalisée depuis 2010. [...]

    Frédéric Rouvillois - La suite sur Causeur

    http://www.actionfrancaise.net

  • Le pseudo mariage homo : Un projet de destruction sociétale

     

    Tribune libre de Paysan savoyard

    Le projet de légalisation du mariage homosexuel mérite d’être combattu et de susciter une mobilisation vigoureuse. Il révèle en effet la volonté du gouvernement de procéder dans les mois qui viennent à un certain nombre de réformes sociétales, inspirées par les conceptions libérales-libertaires et le relativisme moral. En attaquant l’institution familiale, pierre angulaire de notre société, le projet de mariage homo s’en prend par là même à l’identité française.

    • L’usage systématique de méthodes hypocrites

    Commençons tout d’abord par souligner que le projet de mariage homosexuel est le fruit des méthodes hypocrites et duplices utilisées depuis des décennies par les groupes qui en sont les promoteurs.

    Le projet est présenté comme offrant « le mariage pour tous » afin de provoquer la sympathie et l’approbation réflexe de tous ceux qui se mobilisent dès que le principe d’égalité paraît mis en cause. En réalité, première hypocrisie, le projet ne vise que les homosexuels puisque les lois en vigueur, auxquelles le projet ne touche pas, interdisent le mariage polygame par exemple, ou le mariage entre frères et sœurs.
    Hypocrisie ensuite parce qu’il se présente comme un texte destiné à ouvrir le mariage aux personnes de même sexe, paraissant par là même constituer une simple requalification du PACS. En réalité le texte qui sera discuté à l’assemblée nationale à partir du 29 janvier franchit une étape décisive  puisqu’il autorise dans le même temps l’homoparentalité et l’adoption. Hypocrisie enfin parce que les promoteurs du projet avancent masqués en niant qu’un futur projet de loi autorisant la procréation médicale assistée est d’ores et déjà prévu.

    Ils avaient déjà procédé de la même manière en 1999 en affirmant que le PACS était destiné à régler des difficultés matérielles et qu’il n’avait pas vocation à déboucher sur le mariage homosexuel. En réalité le but des groupes qui sont à l’origine de ces projets est bien d’aboutir finalement à la reconnaissance pleine et entière de l’homoparentalité, à l’autorisation de la procréation médicale assistée et le moment venu à celle des mères porteuses.

    Ils choisissent de procéder par étapes successives pour ne pas provoquer d’opposition trop massive et pour accoutumer l’opinion à percevoir cette évolution comme inéluctable.

    Ce projet est porté par des groupes activistes qui ne représentent qu’une partie des points de vue de la « communauté homosexuelle ». Mais ces groupes mènent, depuis des décennies désormais, une action intense et permanente de lobbying. En étant présents dans les lieux stratégiques (cabinets ministériels et partis politiques, médias, instances de réflexion instituées par les pouvoirs publics, comités d’éthique des hôpitaux…) et en s’entourant de juristes spécialisés, ils parviennent à exercer une influence sans rapport avec leur importance numérique.

    Dans le même temps, sur ce dossier comme sur d’autres, l’appareil de propagande du Système fonctionne à plein régime. Par exemple le journal Le Monde, qui jouit (abusivement) du statut de journal de référence, mène depuis vingt ans un travail de propagande constante en faveur de l’homosexualité et désormais de l’homoparentalité (on peut le constater en effectuant le décompte impressionnant des « unes », tribunes et analyses orientées qu’il a consacrées au sujet). 

    • Un projet qui portera préjudice aux enfants concernés

    Si le projet de mariage homosexuel est détestable, c’est notamment parce qu’il autorise les couples homosexuels à adopter. Cachant et précédant en outre un futur projet de légalisation de la PMA, il est susceptible de porter gravement préjudice aux enfants concernés.

    On ne voit pas en effet ce qui autorise certains psychologues et psychiatres à affirmer que les enfants de couples homosexuels ne souffriront pas de la situation : les couples homosexuels avec enfants existant actuellement sont en effet trop récemment constitués pour que la profession puisse disposer d’un recul suffisant permettant de tirer des conclusions fondées.

    Tout conduit au contraire à subodorer que les enfants concernés pâtiront gravement de leur condition, en étant déséquilibrés et malheureux. Le simple fait qu’ils seront et resteront très minoritaires, entourés d’enfants élevés par des couples normaux, leur fera évidemment ressentir au quotidien l’anomalie, et même la monstruosité, de leur situation.

    Les promoteurs du projet font valoir que le modèle familial est d’ores et déjà fragilisé pour un grand nombre d’enfants, qui vivent avec seulement l’un de deux parents ou dans des familles recomposées. Cet argument est sans valeur : les enfants des familles divorcées ou recomposées connaissent sans doute pour nombre d’entre eux des difficultés, mais ils n’en sont pas moins pourvus, sauf rare exception, d’un père et d’une mère bien identifiés.

    Les concepteurs du projet s’appuient également sur le fait que l’homoparentalité constitue déjà une réalité, 40.000 enfants vivant aujourd’hui, selon l’INED, auprès d’un couple homosexuel : le projet, qui permettrait de régulariser la situation de ces couples, ne ferait dès lors que tirer la conséquence d’une évolution sociétale d’ores et déjà advenue.

    Cet argumentaire est là encore irrecevable nous semble-t-il. Notons d’abord que cette situation lamentable illustre l’étendue du laxisme des pouvoirs publics qui, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, se refusent à faire appliquer les lois en vigueur (en l’état actuel des textes, l’homoparentalité en effet n’est pas autorisée).

    Quant à ces couples actuellement placés en situation de non droit, ils sont mal fondés à faire valoir les difficultés qu’ils rencontrent (concernant par exemple l’autorité parentale ou les questions de succession) pour exiger un changement de la loi : ils n’ont après tout que ce qu’ils méritent. Un vieux principe issu du droit romain peut à cet égard leur être opposé : nul ne peut revendiquer un droit en se prévalant de ses propres turpitudes.

    Le projet de mariage et d’adoption homosexuelle laisse penser qu’il existerait un droit à l’enfant. Reflet de la conception individualiste de la société, ce droit à l’enfant, s’il venait à être de fait institué, constituerait une immoralité manifeste. Dans une société respectueuse des êtres humains, il existe avant tout des devoirs envers les enfants que l’on fait naître. Et ce sont bien plutôt ces enfants qui sont « en droit » de recevoir une éducation et de connaître des conditions d’existence satisfaisantes. (Sur ce point nous conseillons à nos lecteurs de se reporter à l’image suivante).

    Signalons que le concept de « droit à l’enfant » peut déboucher sur la réification de l’enfant, devenu objet de consommation, achetable sur le marché. Les projets futurs de légalisation de la PMA pour les homosexuels et de l’utilisation de mères porteuses offriront d’ailleurs l’occasion de développer des activités mercantiles et des trafics de diverses natures (certains pays dans lesquels prospèrent des mafias seront par exemple tout à fait disposés à alimenter un marché futur des mères porteuses rétribuées). 

    • La volonté de détruire les cadres sociaux traditionnels

    Ce projet est néfaste pour une troisième raison, dans notre esprit la plus grave. Il s’inscrit nous semble-t-il dans un projet d’ensemble conçu par les cercles qui, depuis deux siècles, ont investi les couches supérieures de la société et ses lieux de pouvoir (gouvernement, système éducatif, médias).

    Ce projet vise à détruire les cadres de la société traditionnelle qui ont jusqu’ici à peu près survécu à l’œuvre de la « modernité » militante : la famille ; la religion catholique ; la nation, avec ses frontières et sa population historique de race indo-européenne. S’attaquant à la fois à la religion et à la famille, le projet de mariage homosexuel est doublement significatif pour les promoteurs de la modernité agressive.

    Les partisans de ce projet affirment que, le nombre de couples concernés étant appelé à rester très faible, le mariage en question ne risque pas de porter atteinte à l’institution qu’est la famille. Cet argument ne tient pas. D’abord parce que le projet en question soulève une question de principe, sans rapport avec les nombres en cause.

    En outre il faut voir que d’autres initiatives destinées à saper la cellule familiale sont prises ou proposées de façon régulière (c’est ainsi par exemple qu’un précédent gouvernement a décidé d’autoriser les personnes seules à adopter ; par exemple encore plusieurs intellectuels ou politiciens relancent périodiquement un projet d’abaissement de l’âge de la majorité légale à 16 ans voire 15 ans).

    Ce nouveau projet hostile à la famille traditionnelle s’inscrit dans un agenda qui comprend de nombreux autres sujets : la pression pour autoriser l’euthanasie en fin de vie ; le suicide assisté ; les projets de manipulation de l’embryon ; la légalisation du cannabis…

    Il n’y a pas lieu selon nous de refuser d’emblée le débat sur chacun de ces sujets, qui méritent d’être réfléchis et discutés. Il n’en reste pas moins que ces différentes initiatives sont reliées, nous semble-t-il, par un projet d’ensemble : mettre en cause, contester, fragiliser, détruire, tous les éléments qui se rattachent encore à la société « traditionnelle » et qui constituent l’identité de la France française.

    Certes le mariage homosexuel n’a pas le même pouvoir destructeur que celui que possède l’invasion migratoire, sur la gravité de laquelle nous alertons jour après jour dans les colonnes de Fdesouche. L’invasion de populations non européennes, organisée par l’élite française et européenne depuis quarante ans, constitue sans conteste le principal chantier ouvert par les cercles qui ont formé le projet de détruire la France française et, de façon plus générale, la société traditionnelle.

    Il se trouve, et la chose ne relève pas du hasard, que le projet de mariage homosexuel a également un lien, indirect, avec l’invasion migratoire en cours. D’abord parce qu’il correspond à la conception, qui est celle des immigrationnistes, d’une société composée de communautés, la communauté des homosexuels venant prendre place à côté de celle des musulmans, des « gens du voyage » ou des adorateurs de l’oignon.

    Cette conception a pour objet de marginaliser la population de souche, réduite à constituer à son tour des communautés – la communauté des Blancs, la communauté des chrétiens… – destinées au demeurant à devenir minoritaires. Un autre lien existe avec l’immigration : le projet risque en effet d’ouvrir la voie à la revendication d’une légalisation du mariage polygame de la part des communautés qui le pratique culturellement (la polygamie n’apparaissant après tout pas plus anti naturelle que le mariage homosexuel).

    **

    Le projet de mariage homosexuel comprend de nombreuses dimensions : il est à la fois communautariste, individualiste, libertaire, consumériste, mercantile et philosophiquement relativiste. Il constitue ainsi un reflet fidèle du type de société que la modernité militante et franc-maçonne cherche avec obstination à mettre en place.

    Il serait dès lors erroné de considérer ce projet comme une simple opération de diversion destinée à camoufler les résultats économiques et sociaux du gouvernement. Cette préoccupation tactique n’est sans doute pas absente, mais l’essentiel n’est pas là. Le projet de pseudo mariage homosexuel,, qui autorise dans le même temps l’homoparentalité et l’adoption, s’inscrit dans une entreprise plus large de destruction sociétale.

    http://www.fdesouche.com

  • Nicolas Domenach à propos de la manif pour tous : « une foule blanche et catholique »

    Le jouet est en train de dépasser Hollande; vous savez, c’est une manifestation énorme ! C’est vraiment digne de 1984 – Eric Zemmour


    I-télé, ça se dispute, édition spéciale du dimanche 13 janvier 2013

    http://www.fdesouche.com/

  • Pierre-André Taguieff : Pourquoi Muray nous manque

    Il m’est devenu impossible d’écrire sur Philippe Muray [1]. Pour les mêmes raisons que, pendant près de trente ans, je n’ai pu écrire sur Guy Debord [2]. Deux « inconformistes » dont les écrits, comme ceux de Bernanos ou de Cioran, m’ont nourri, stimulé, incité à penser l’époque présente, à penser contre cette époque [3].

    Depuis que « l’inconformiste » Muray a été « lancé » sur le marché culturel par le spectacle de Fabrice Lucchini, comédien célèbre et consensuellement célébré, et que, sous la direction des Tartuffe de presse qui ont fait mine de le « découvrir » après l’avoir dénoncé ou méprisé, l’entreprise de son embaumement a commencé, un immense dégoût m’a saisi. M’est revenu en mémoire un fragment posthume de Nietzsche : « Il est répugnant de voir de grands hommes honorés par des pharisiens4. » Les bobos culturels consommant du Muray, comme ils ont consommé du Debord, sont les nouveaux « pharisiens » – sans la culture théologique. Un type mixte né de la rencontre entre le « philistin cultivé » décrit par Nietzsche5 et le « petit Monsieur satisfait », le « señorito satisfait », cet être à la fois égoïste, grégaire et conformiste peint par Ortega y Gasset6. On peut reconnaître en lui le type du « bien-pensant », qui sévit désormais dans un nouveau contexte : celui de la société de la communication permanente et du changement à vitesse croissante, rendant très improbables la création d’œuvres consistantes et très facile la promotion médiatique de personnages qui, n’étant dotés d’aucune aptitude particulière, se sont spécialisés dans le carriérisme « culturel » ou « intellectuel ».

    Comment donc résister à la vague d’enthousiasme déclenchée par un comédien-suborneur spécialisé dans les jongleries verbales et jouant au porte-parole de l’auteur dont il lit les textes ? Comment oser objecter face à cette entreprise, nécessairement « admirable », de « démocratisation de la culture » ? Muray à la portée de tous, même des débiles légers libertaires ou humoristes (d’un Siné, par exemple), des militants les plus basiques du NPA (Nouveau Parti anticapitaliste) ou du PAS (Parti Anti Sioniste), des boutiquiers communistes ou lepénistes et des garçons coiffeurs engagés dans les Restos du Cœur. Je vois là l’esquisse d’un ambitieux projet de société, peut-être même d’un projet de civilisation des mœurs : faire de Muray un auteur convenable, agir de telle sorte que ses écrits ne choquent plus ni les boy-scouts ayant « le cœur à gauche », ni les donneuses de leçons nées d’un féminisme devenu méthode de terrorisme intellectuel. En un mot : faire entrer Muray dans la société médiatique. Je ne peux m’empêcher pourtant de supposer, en élitiste désabusé, que la promotion médiatique d’un écrivain et penseur a-médiatique, voire anti-médiatique comme Muray a pour origine un contresens ou une méprise. Que les écrits de Muray soient vantés par les bonimenteurs spécialisés ou les militants du « mieux-disant culturel », ce ne peut être que pour de mauvaises raisons. Nous ne connaissons que trop la bouillie mentale diffusée dans l’espace médiatique, à laquelle le public français s’est indéfectiblement habitué. Nul ne prête plus attention à la pensée chewing-gum du journaliste ordinaire, illustrée par cette déclaration d’une présentatrice du Journal sur une chaîne d’information en continu : « L’homme est passé aux aveux dans les heures qui viennent. »

    Muray en magasin : une dystopie [...]

    La suite sur Tak.fr

    http://www.actionfrancaise.net

  • Manifestation monstre contre le « mariage » homosexuel : record battu !

    En dépit d’un climat défavorable, une véritable marée humaine a envahi Paris ce dimanche, avec probablement près d’un million de participants au total ! Le record en matière « sociétale » depuis 30 ans.
    Le chiffre de 340 000, avancé par la préfecture, est d’évidence absurde.

    Voici en accéléré le passage d’un des trois cortèges de la « Manif pour tous », parti de la place d’Italie :


    Il y avait donc cette gigantesque manifestation, soutenue par l’Eglise de France et l’UMP, malheureusement cornaquée par un trio de farfelus qui aura dit et fait beaucoup de bêtises ces dernières semaines.
    Il y avait aussi un quatrième cortège, à l’initiative de l’institut Civitas, où cette fois les catholiques n’étaient pas obligés de se cacher et qui était ouvert aux associations et mouvements.
    Il a lui aussi connu un vif succès avec des dizaines de milliers de manifestants, un record pour cette mouvance :


    (nous mettrons une meilleure video dès que possible)

    Ce défilé-là aura subi un traitement inadmissible de la part des autorités : celles-ci appliquant avec zèle les exigences de « Frigide Barjot » qui demandait que le cortège catholique soit maintenu très à l’écart ; les manifestants ont du poireauter trois heures dans le froid avant que la police les laisse démarrer…

    La démonstration de force de ce dimanche va-t-elle porter ses fruits ?
    On peut craindre que non. François Hollande, en bon démocrate, avait déjà dit dans l’après-midi d’hier qu’en dépit d’une mobilisation « consistante », son ignoble projet serait maintenu, sans débat supplémentaire.
    Le gouvernement ne se fait pas « dicter sa conduite par la rue ». Sauf quand c’est la gauche qui défile, bien sûr.

    http://www.contre-info.com/

  • Abolition de la peine de mort 20 ans après . archive 2001

    Le 17 septembre 1981, la gauche appuyée par des dizaines de députés de droite dont Jacques Chirac adoptaient le projet de loi gouvernemental abolissant la peine capitale en France. A la tribune de l'Assemblée nationale, Robert Badinter ; Garde des Sceaux exulte, « Abolir la peine de mort est un premier pas dans la lutte contre la violence. Nous prenons là une option de civilisation, une option d'élévation du niveau de protection du citoyen » ...
    Ce discours d'une extrême irresponsabilité, sacralisé par les médias à l'occasion du 20e anniversaire de l'abolition de la peine de mort, résonne comme une insupportable provocation pour la famille de Karine, dernière de ces innocentes victimes, violée et brûlée dans un bois d'Alsace en juillet dernier. « La France est aujourd'hui débarrassée de la peine de mort » où l'on compte 591 criminels condamnés à la perpétuité (en réalité à une peine de sûreté de 30 ans) contre 371 en 1981. Un pays où la violence et la barbarie se sont banalisées. Un pays, où une classe politique persiste à considérer l'abolition de la peine capitale comme une « réaffirmation constante des valeurs des droits de l'homme ». Des droits de l'assassin plus précisément qui dans une société sans repères et sans valeurs prévalent sur ceux de la victime.
    A l'heure où la France abolitionniste fête les vingt ans de la suppression de la peine de mort, et milite désormais pour l'abrogation des longues peines et des peine de sûreté, considérée comme « une nouvelle étape de civilisation », combien de familles endeuillées ont payé dans l'indifférence des pouvoir publics cette hérésie judiciaire ? Accrochés à leur dogmatisme sophistique, ceux qui se présentent avant tout comme des défenseurs de la vie (sauf celle des enfants à naître) rabâchent à qui veut l'entendre que la peine de mort n'a jamais été dissuasive. Dans les pays où elle n'est pas appliquée c'est une évidence, mais elle n'en constitue pas moins un garde-fou indispensable dans ceux qui la maintiennent. C'est cette peur de la sanction suprême qui avait fait dire au tueur d'enfants Van Geloven que « s'il n'avait jamais enlevé d'enfants aux USA, c'est parce que là-bas on encourt la peine de mort ... ».
    Or ce qui a poussé les assassins de policiers au Plessis-Trevise ou un Guy George, un Mamadou Traoré, un Sid Ahmed Rezala à massacrer leurs victimes, c'est bien parce qu'ils avaient pertinemment conscience que l'acte de tuer n'entraînait pas le risque de mourir. Dissuasive, la peine de mort l'est si l'on veut bien se référer au taux de criminalité extrêmement bas recensé dans les pays du Golfe Persique où elle est appliquée, mais plus encore que son aspect dissuasif, c'est l'annulation de tout risque de récidive qui justifie son rétablissement. Auteur de « Serial Killer », Stéphane Bourgoin a souvent rappelé cette vérité implacable : « sur 300 tueurs en série relâchés depuis 1900, tous ont tué au moins une fois ». Guy Georges, multirécidiviste en est le dramatique exemple.
    Dans un système judiciaire où la réclusion à perpétuité n'existe pas, peut-on dès lors encore parler d'une réelle « option d' élévation du niveau de protection du citoyen » ? Depuis l'adoption de la loi de présomption d'innocence en juin 2000, une « quinzaine de condamnés à la perpétuité ont déjà bénéficié de la libération conditionnelle ». Combien récidiveront demain ? Cette question n'intéresse pas les politiques, mais elle brûle les lèvres des futures victimes. Dans ce débat partial où seules les abolitionnistes ont la parole, (l'Ordre des avocats de la Cour de Rouen a invité les collégiens de Seine-Maritime à participer à un concours pour « sensibiliser les jeunes générations à la nécessité que soit mis fin à la peine de mort, ce châtiment inhumain qui a prouvé son échec en matière dissuasive »), la peine de mort demeure cette indispensable protection que l'Etat doit aux plus faibles, à ceux qui ne peuvent pas se défendre, à ces petites gens que la gauche méprise tant...
    Eric Domard

    CES ASSASSINS SAUVÉS PAR LA GAUCHE ...
    Entre le mois d'octobre 1980 et le mois de mai 1981, les jurés des cours d'assises avaient prononcé neuf condamnations à mort. Deux ont été annulées par la Cour de Cassation, un détenu (Philippe Maurice, aujourd'hui libre), avait été gracié par François Mitterrand. Parmi les six autres, deux sont morts en détention, les quatre autres sont toujours en prison. Trois d'entre-eux, André Pauletto condamné pour avoir tué sa fille et profané son cadavre, Jean-Pierre Declerck, condamné pour le viol et le meurtre d'une lycéenne de 15 ans et Patrick François condamné pour le meurtre d'un adolescent, auront peut-être demain droit à cette deuxième chance « qui replace l'individu dans la société », et lui accorde ce privilège de tuer une deuxième fois.
    Français d'abord! - 2' quinzaine octobre 2001

  • Par quels moyens espèrent-ils sauver l'euro ?

    La mise sous tutelle des Etats en matière budgétaire n'était qu'une étape. Il faut savoir enfin que l'intention des Etats de la zone euro est d'aller au-delà des dispositions convenues dans le TSCG ("pacte budgétaire"). Ils l'ont dit dans leur déclaration du 9 décembre 2011: "Pour le plus long terme, nous continuerons à rechercher la manière d'approfondir encore l'intégration budgétaire." Comprenons bien que le mot "intégration" aboutit en fait à la fusion des Etats au moins dans le domaine en cause. L'analyse complète de Romain Rochas pour l'Observatoire de l'Europe.

    Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG)

    Par quels moyens espèrent-ils sauver l'euro? [1]

    INTRODUCTION: LES SOURCES DU TRAITÉ
    La succession sans cesse accélérée et aggravée des séquences de la crise euro entraîne un prurit de réformes de plus en plus ambitieuses, voire téméraires de la part de l'Union européenne et plus spécialement des Etats de l'eurozone. De déclarations en déclarations, les Etats membres de l'eurozone confirment les décisions déjà prises, y ajoutent une nouvelle brassée de décisions nouvelles ou d'aggravations de décisions antérieures, et annoncent des décisions non encore formalisées mais dont le principe est retenu par anticipation.  
                Il ne suffit donc pas d'identifier chaque concept introduit par ces initiatives, il faut préciser en outre à quelle date on se situe, car tous ces concepts évoluent de réforme en réforme. Pacte de stabilité et de croissance. Lequel? Le Pacte originaire, de 1997? La version révisée de 2005? Ou le Pacte renforcé de 2011? Mécanisme européen de stabilité (MES). Celui de 2011? Ou celui de 2012? Coordination des politiques économiques. Telle qu'elle résulte du traité de Lisbonne adopté en 2007? Telle qu'elle a été renforcée dans le cadre du "paquet" de  6 propositions de la Commission approuvé par le Conseil et le Parlement européen en novembre 2011? Telle qu'elle devra résulter de la mise en œuvre du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) signé le 2 mars 2012 et actuellement en cours de ratification par les Etats signataires?  
                Le TSCG résulte d'idées qui ont mûri en plusieurs étapes. Il contient trois parties essentielles:
                - un "Pacte budgétaire" (c'est le titre III du traité);
                - un renforcement de la "coordination des politiques économiques" et de la "convergence" (titre IV);
                - un renforcement de la gouvernance de la zone euro" (titre V).  
                Sans remonter à un passé trop lointain, l'idée de Pacte budgétaire dérive de l'adoption le 25 mars 2011 par les chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro, plus 6 Etats membres de l'Union n'ayant pas adopté l'euro,[2] soit par 23 Etats membres de l'UE,[3] du concept de "Pacte pour l'euro plus". Les éléments du "Pacte budgétaire" ont été progressivement précisés le 26 octobre 2011 par un "Sommet de l'euro", puis le 9 décembre 2011 par une Déclaration des chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro.
                Le renforcement de la coordination des politiques économiques a été progressivement précisé au cours des mêmes réunions et énoncé dans les mêmes déclarations.
                Quant aux dispositions pour une meilleure gouvernance de la zone euro, elles ont été imaginées lors du même Sommet du 26 octobre 2011, puis rappelées et précisées le 9 décembre 2011.
     
    I.- PHILOSOPHIE SOUS-JACENTE AU TRAITÉ
     
                Devant la crise de plus en plus grave de la zone euro, les remèdes à mettre en œuvre se partagent entre deux tendances opposées.
                Pour les uns, qui sont encore minoritaires dans les sphères officielles, encore que leur nombre ne cesse de croître, on a été trop loin, le système de la monnaie unique nous a engagés dans une impasse. Il faut donc opérer un retour en arrière. Celui-ci peut certes prendre bien des formes: éclatement de la zone euro en deux ou plusieurs sous-zones monétaires; sortie de l'euro de certains Etats; rétablissement des monnaies nationales, avec ou non maintien d'une "monnaie commune" pour les échanges extérieurs de l'Union.  
                Pour les autres, les déboires de l'Europe sont dus au fait qu'on n'a pas été assez loin dans l'intégration. En en rajoutant une couche, tout ira bien. Lorsque des déséquilibres internes apparaissent entre partenaires au sein d'une zone de monnaie unique, on peut certes rompre l'union monétaire et revenir au procédé des dévaluations de certaines monnaies par rapport aux autres, mais cette rupture aurait, selon les tenants de cette thèse, des conséquences catastrophiques. Conséquences sans doute très exagérées dans un esprit de propagande. La seule voie de salut serait pour eux de doubler l'union monétaire d'une union budgétaire et même économique, de "mutualiser les dettes", c'est-à-dire de faire que les dettes des uns deviennent les dettes de tous, voire de faire de l'Union une "union de transferts" dans laquelle les graves déséquilibres économiques et sociaux engendrés par une zone d'union monétaire "non optimale"[4] sont surcompensés par des transferts massifs de ressources, c'est-à-dire par un subventionnement systématique et permanent des régions ou pays en perte de vitesse aux frais des pays et régions en flèche.
                Le TSCG s'inscrit délibérément dans cette seconde orientation, sans cependant en épuiser toutes les recettes.

    II.- CONTENU DU TRAITÉ
     
    a) "Pacte budgétaire" (titre III)
     
                - le traité réduit encore la marge de déficit public tolérée en pourcentage du PIB;
                - la trajectoire et le calendrier de cette réduction doit être précisé, Etat par Etat;
                - les Etats doivent mette en place des règles nationales contraignantes, de niveau constitutionnel, ou tout au moins dont le respect au cours de la procédure budgétaire est garanti;
                - ce sont les institutions de l'UE qui définissent les bases et principes de ces règles nationales;
                - les choix budgétaires des Etats signataires du traité sont encadrés avant adoption et surveillés dans leur exécution par les institutions de l'UE;
                - la réduction de l'endettement est également soumise à un encadrement précis;
                - les positions de la Commission n'ont pas à être adoptées par une majorité qualifiée; bien au contraire, il faut une majorité qualifiée pour les rejeter (règle de la majorité inversée);
                - des sanctions financières peuvent être infligées par la Cour de justice de l'UE aux Etats signataires ne respectant pas leurs obligations de réduction du déficit budgétaire.
     
    b) Coordination des politiques économiques et convergence (titre IV)
     
                La coordination des politiques économiques selon le TSCG s'inscrit dans les dispositions qui figurent déjà depuis longtemps dans les traités de l'Union. Mais le TSCG renforce les contraintes imposées dans ce domaine au niveau européen sur les Etats membres.   
    c) Gouvernance de la zone euro (titre V)
     
                Des "Sommets" de la zone euro, c'est-à-dire des réunions des chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro, se tiendront au moins deux fois par an.
     
    III.- L'UNION EUROPÉENNE SE LÉZARDE
     
                L'Union européenne, c'est à ce jour 27 Etats membres.
                Cependant, les 27 se partagent entre 17 Etats ayant l'euro comme monnaie et 10 Etats qui ont conservé jusqu'à maintenant leur monnaie nationale. Cela fait déjà un premier clivage.
                Toutefois ce clivage est prévu par les traités européens. Pour 2 Etats parmi les 10, le Royaume uni et le Danemark, une exception à l'obligation de jeter aux orties leur monnaie nationale et de rallier la zone euro a été prévue dans les traités eux-mêmes, depuis le traité de Maëstricht. Et tous les Etats signataires desdits traités ont ratifié d'une même plume les mêmes dispositions prévoyant ces deux exceptions. La fiction d'un droit européen commun à tous a ainsi pu être préservée. 
                Quant aux autres Etats échappant encore à l'euro - actuellement donc 8 Etats -, leur situation est censée n'être que provisoire. Ils bénéficient de ce que les traités appellent une "dérogation" justifiée provisoirement par le  fait qu'ils ne respectent pas encore les critères de convergence exigés pour accéder enfin au club euro. Ces Etats retardataires sont toutefois censés mettre tout en œuvre pour répondre bientôt correctement aux critères de convergence. Nous en sommes ainsi déjà à 3 catégories d'Etats.  
                Nous allons pourtant devoir définir une autre catégorie. La Suède, en effet, échappe à l'euro non parce qu'elle aurait été incapable de respecter les critères de convergence, mais parce que les Suédois se sont prononcés majoritairement par référendum contre l'adoption de l'euro dans leur pays. Pourtant, selon les traités, les pays, à l'exception des deux pays exemptés, n'ont pas le choix de refuser l'euro. Dans les traités, la Suède ne fait l'objet d'aucun régime spécial. Donc, pour laisser les Suédois tranquilles, tout le monde fait semblant d'assimiler le cas de la Suède à celui des 7 autres Etats censés rejoindre le club dès que possible. En réalité, la Suède conserve sa situation actuelle en violation des traités qu'elle a ratifiés comme les autres. Mais il est clair que jamais les institutions ne s'aviseront de remettre en cause un rejet de l'euro qui, bon gré mal gré, a fait jurisprudence. Nous voici donc parvenus à 4 catégories.  
                Jusque là, en fermant il est vrai les yeux sur l'anomalie suédoise, on peut encore essayer de nous faire croire que les 27 Etats membres de l'Union sont régis par le même droit européen, celui des traités de l'Union. Mais la crise de l'euro a considérablement aggravé et multiplié les clivages entre plusieurs zones géographiques au sein de l'Union, zones régies désormais par des régimes juridiques distincts. D'une part le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui n'est applicable qu'aux 17 Etats de l'eurozone, ne tient plus sa spécificité juridique de dispositions relevant du droit de l'Union, comme c'est le cas de l'euro, réservé à certains Etats mais prévu dans les traités ratifiés par les 27, ou encore des coopérations renforcées, mises en œuvre par des groupes restreints d'Etats, mais en vertu du droit de l'Union, et étroitement pilotées par les institutions de celle-ci, spécialement par la Commission.  
                Le MES résulte d'un traité intergouvernemental sui generis, signé seulement par les 17 Etats de l'eurozone, et ne dérivant pas du droit de l'Union [5], ce qui contribue à faire de l'eurozone une entité en soi, et non plus simplement une partie de l'Union.
                Le TSCG engendre lui aussi un fractionnement de l'Union, mais c'est un autre fractionnement que celui qui résulte du traité MES. Dans son premier concept, celui qui a été esquissé le 25 mars 2011, il regroupait, on l'a vu, 23 Etats membres de l'Union, 4 Etats ne s'étant pas associé à l'aventure: Royaume uni, Suède, République tchèque, Hongrie. Finalement, lorsqu'il s'est agi de signer le projet de traité, le 2 mars 2012, il ne manquait plus que 2 Etats à l'appel, le Royaume Uni et la République tchèque. Mais qu'il en manque 4 ou seulement 2, le résultat est le même: le traité ne pouvait être considéré comme un traité de l'Union. Car toute modification aux traités de l'Union exige l'accord de tous les Etats membres de celle-ci. C'est pourquoi le TSCG, qui développe beaucoup de considérants, ne comporte aucun visa. Après les considérants, on passe immédiatement aux articles. Le traité de Lisbonne, lui, ne comportait pas non plus de visas, mais un seul considérant libellé comme suit:
    [Liste des signataires,]
    "souhaitant compléter le processus lancé par le traité d'Amsterdam et par le traité de Nice en vue de renforcer l'efficacité et la légitimité démocratique de l'Union et d'améliorer la cohérence de son action,"  
    C'était une référence aux traités de l'Union et à leurs derniers avatars. Ainsi le traité de Lisbonne se rattachait à la longue série des traités de l'Union. Tel n'est pas le cas du TSCG.
                Pourtant les auteurs du traité espéraient bien en faire un traité de l'Union. L'opposition des deux Etats les en a empêchés, mais le texte du traité montre que les signataires espèrent encore un ralliement des récalcitrants. L'article 15, avant-dernier article du TSCG, dispose que les Etats membres de l'UE non signataires du traité peuvent y adhérer à tout moment. Et l'article 16, dernier article, précise: "Dans un délai de cinq ans maximum à compter de la date d'entrée en vigueur du présent traité, … les mesures nécessaires sont prises …, afin d'intégrer le contenu du présent traité dans le cadre juridique de l'Union européenne." On ne voit pas comment cela pourrait se faire sans l'accord de tous les Etats de l'Union.  
                Cette situation confère au TSCG un caractère particulier. D'une part la plupart de ses dispositions sont définies comme des mesures d'application d'articles des traités de l'Union et donc comme n'étant jamais contradictoires avec ces traités. D'autre part,  puisque deux Etats n'ont pas signé, ces dispositions ne leur seront pas applicables.  
                L'éclatement de l'Union induit par le TSCG est donc à la fois moins grave et plus grave que celui qui résulte du traité de MES. Moins grave en ce sens que les dispositions du TSCG ne sont qu'une prolifération juridique à partir de certaines dispositions des traités de l'Union et s'y rattachent, souvent explicitement, alors que le traité instituant le  MES avait mis à l'écart la philosophie et les mécanismes de l'Union pour en créer de nouveaux. Mais plus grave en ce sens que, cette fois, l'impossibilité de rattacher le TSCG aux traités de l'Union résulte d'un désaccord de fond entre les Etats membres de celle-ci. On assiste pour la première fois à une "dissidence" au sein de l'Union. Dans le credo européen encore complété du fait du TSCG, certains Etats refusent de  souscrire aux nouveaux dogmes.  
                Les clivages introduits par le TSCG pourraient le cas échéant devenir encore plus complexes que cela. On le comprendra en lisant les articles relatifs à la ratification du traité et à son entrée en vigueur. L'article 12, § 2, prévoit que le traité entrera en vigueur dès que 12 Etats de l'eurozone l'auront ratifié. Tant qu'un Etat de l'eurozone n'a pas ratifié le traité, il ne lui est pas applicable (même article, § 3).  
                Quant aux Etats ne faisant pas partie de l'eurozone, le traité leur sera applicable à une double condition:
                - lorsqu'ils auront ratifié;
                - lorsqu'ils seront entrés dans l'eurozone.  
                Toutefois, sans attendre son admission dans l'eurozone, un Etat signataire n'en faisant pas partie lors de la signature pourra déclarer que lui seront applicables sans attendre son entrée dans la zone les dispositions relatives au Pacte budgétaire (titre III) et à la coordination des politiques économiques et à la convergence (titre IV), autrement dit tout le traité sauf ce qui ne concerne par nature que les Etats de l'eurozone, à savoir les dispositions sur les Sommets de l'euro (titre V).  
                Ces règles complexes sur l'entrée en vigueur peuvent être la source de multiples clivages. Clivage entre plusieurs sortes d'Etats: les Etats n'ayant pas encore ratifié; les Etats de l'eurozone ayant ratifié; les Etats hors eurozone auxquels, quoiqu'ayant ratifié, le traité ne sera pas applicable; et les Etats hors eurozone ayant ratifié et auxquels une partie du traité sera applicable. Et clivage entre plusieurs parties du traité, certaines étant applicable à un contingent moins nombreux d'Etats que d'autres.  

    IV.- CONSÉQUENCES DE LA RUPTURE AVEC LA RÈGLE DE L'UNANIMITÉ
     
                Ces dispositions qui rompent avec la règle de l'unanimité et permettent une entrée en vigueur partielle avant ratification générale constituent une difficulté supplémentaire pour intégrer le TSCG "dans le cadre juridique de l'Union européenne", comme l'espère l'article 16, puisque l'adoption et la modification des traités de l'Union sont encore à ce jour régis par la règle de l'unanimité.  
                Cette rupture avec la règle de l'unanimité modifie profondément la philosophie politique des traités européens. Les traités, au lieu de définir un régime commun à tous et qui, pour cette raison, nécessite l'accord de tous, deviennent un menu "à la carte", applicable à 12, à 13, à 14 Etats ou davantage. La porte s'entrouvre vers une Europe à géométrie variable.
                   La rupture de l'unanimité manifeste aussi un autre phénomène qui pourrait peser de plus en plus lourd. A vouloir en faire trop, la façade d'accord enthousiaste sur les progrès toujours bienfaisants de la construction européenne fait place peu à peu à des doutes et des réticences croissantes. Le mécontentement couve et enfle parmi les peuples devant une entreprise de plus en plus démesurée et délirante. Si ce diagnostic est juste, les deux Etats récalcitrants, bien loin de se rallier, pourraient faire des émules.  
                Les clivages évoqués pourraient donc bien séparer non seulement des zones soumises à des régimes juridiques différents, mais aussi des Etats aux conceptions politiques divergentes.
     
    V.- L'ULTRA-TECHNIQUE ET LE FLOU SE COTOIENT
     
                D'un côté, le TSCG entre dans des détails techniques et technocratiques délirants, d'un autre côté, certains aspects restent dans un "flou artistique".
     
    1°) D'un côté, une technicité délirante  
                Le législateur européen semble croire que plus ses prescriptions entreront dans les détails, plus on aura de chance de maîtriser le destin de l'Europe. C'est dans la question de la réduction des déficits budgétaires que l'obsession d'une technicité pointilleuse est le plus manifeste. Le Pacte de stabilité, première manière, tolérait pour tous les membres de l'Union des déficits allant jusqu'à 3 % du PIB. Des sanctions financières n'étaient prévues que pour des déficits plus graves, et n'étaient applicables qu'aux Etats de l'eurozone. Le Pacte de stabilité révisé (en novembre 2011) maintient le dispositif relatif aux déficits supérieurs à 3 %, mais y superpose un nouveau repère, celui des déficits supérieurs à 1 %. Pour mesurer le déficit en cause, ce n'est plus le solde brut qui est pris en considération, mais le "solde structurel" corrigé des "variations saisonnières et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires".[6] Les Etats de l'eurozone doivent se fixer un "objectif à moyen terme", révisable tous les 3 ans, propre à chaque Etat, et fixant au déficit une limite de 1 % du PIB.  
                Le TSCG aggrave la rigueur ainsi définie en imposant à tous les signataires de se fixer un "objectif à moyen terme" ayant pour effet de réduire le déficit non plus à 1 %, mais à 0,5 % tout au plus. Une "trajectoire" définit les étapes qui permettront d'atteindre "l'objectif à moyen terme". Pour respecter cette trajectoire, les Etats établissent chaque année un "programme de stabilité" qu'ils présentent aux institutions de l'Union. Nous verrons plus loin que cette "présentation" n'est pas sans conséquence: elle permet aux institutions d'imposer des choix aux Etats.
     
    2°) Dans d'autres domaines, un flou artistique
                  On prévoit des réunions, mais on ne précise guère ce qui pourra en ressortir de concret. Lors des Sommets de l'eurozone, les chefs d'Etat ou de gouvernement "se réunissent", mais "de manière informelle". Ces sommets sont prévus "afin de discuter des questions" relatives à la monnaie unique. On "discute", mais pour quel résultat pratique? Le Président de la Commission, les Etats signataires n'appartenant pas à la zone euro "participent" à ces réunions, le président de la BCE "est invité", le Président du Parlement européen, celui de l'eurogroupe, "peuvent être invités", mais les uns et les autres avec quels pouvoirs? Comme simples observateurs ou avec voie délibérative? (article 12.) La restriction sur l'invitation seulement "possible" du président de l'eurogroupe est vraiment surprenante, et même humiliante pour ce dernier. Y aurait-il là une bataille politique contre M. Juncker? Il est prévu que le Parlement européen et les Parlements nationaux organisent une conférence réunissant certains de leurs membres, et c'est pour y "débattre des politiques budgétaires" (article 13). Réunions informelles, discussions, participations variées, débats, l'eurozone se résume-t-elle à des parlottes?  
                Il faut toutefois signaler au sujet de la gouvernance de la zone euro une réforme qui pourrait devenir significative. Prenant conscience que, désormais, bien des affaires ne concernent que la zone euro, à côté de celles qui concernent toute l'Union, les auteurs du TSCG ont cherché à institutionnaliser des procédures et des organes propres à la seule eurozone, mais calqués sur celles et ceux de l'Union.  
                De même qu'il y a pour l'Union des "Sommets européens", c'est-à-dire des réunions des Chefs d'Etat ou de gouvernement des 27, de même il y aura des "Sommets de la zone euro" au moins deux fois par an, et réunissant les Chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone. De même qu'à côté de la présidence semestrielle de l'Union, tenue successivement par les Etats membres, il a été institué une Présidence du Conseil européen, de même, à côté de la présidence de l'eurogroupe – il est vrai non rotative, puisque M. Juncker, le Luxembourgeois, tient cette présidence depuis fort longtemps -, on institue une présidence du Sommet de l'eurozone. Le parallélisme avec l'Union ne s'arrête pas là: en effet le président du Sommet de l'eurozone est élu par les chefs d'Etat ou de gouvernement de ladite zone "lors de l'élection du Président du Conseil européen et pour un mandat de durée identique" (article 12, § 1).  
                Il existe un signe révélateur des intentions de certains, qu'on trouve non dans le traité, mais dans une réunion des chefs d'Etat ou de gouvernement de la zone euro. On sait que le Président du Conseil européen ne doit pas être un chef d'Etat ou de gouvernement, mais une personnalité européenne compétente, solution qui éloigne un peu plus le système des principes démocratiques. Or on lit dans le compte-rendu du Sommet de la zone euro du 26 octobre 2011: "Une décision pour déterminer si" le président de l'eurogroupe "devrait être élu parmi les membres de l'eurogroupe ou être un président à plein temps en poste à Bruxelles sera prise lors de l'achèvement du mandat du titulaire actuel". Là encore on passerait de la démocratie à un peu plus de technocratie. Et puis, n'est-ce pas un autre signe d'une offensive contre M. Juncker?  
                Nous avons déjà vu dans le traité instituant le MES que certaines dispositions pourtant importantes ne sont mentionnées que dans les considérants, alors que les considérants, en bonne technique juridique, ne doivent servir qu'à éclairer et justifier les dispositions qui, elles, ne doivent figurer qu'aux articles. Cette pratique déplorable a, semble-t-il, pour visée de réduire ce qui pourrait constituer des dispositions formelles et opérationnelles à de simples intentions non contraignantes. On retrouve le procédé dans le TSCG.  
    Pourquoi n'énonce-t-on que dans des considérants les critères permettant de définir les "objectifs à moyen terme" des Etats? (12e et 14e considérants.) Les signataires reconnaissent la nécessité "de respecter, dans la mise en œuvre du … traité, le rôle spécifique des partenaires sociaux" (19e considérant). Mais où donc cette bonne intention est-elle prise en compte par les procédures détaillées établies dans les articles? En principe, l'octroi d'une assistance financière dans le cadre du MES présupposera la ratification du TSCG par l'éventuel bénéficiaire. Dans le MES, cette règle ne figure que dans un considérant. Il en est de même dans le TSCG (25e considérant), et donc cette condition ne doit pas être considérée comme une condition contraignante.
                Plus généralement, on constate que tout le titre IV relatif à la coordination des politiques économiques et à la convergence, s'il est très large quant au champ de ses ambitions, est formulé en termes très généraux d'intentions et de vœux pieux manquant de relais opérationnels concrets. C'est ainsi que les parties contractantes "s'engagent à œuvrer conjointement…", elles "entreprennent les actions et adoptent les mesures nécessaires dans tous les domaines…" (article 9). Tout cela est à la fois très ambitieux et bien vague!
     
    VI.- LA CONFISCATION DE LA SOUVRAINETÉ BUDGÉTAIRE DES ÉTATS MEMBRES DE L'UNION
     
                La volonté de confisquer la souveraineté budgétaire des Etats constitue la clé qui ouvre à la compréhension de l'ensemble du traité. Cette confiscation résulte d'une série de dispositions qui méritent d'être analysées de façon distincte.
     
    1°) Les Etats signataires doivent s'auto-contraindre à certaines règles qui les lieront désormais  
                L'adoption de règles constitutionnelles "ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon" et tendant à assurer l'équilibre budgétaire [7] (article 3, § 2) en est l'illustration la plus typique. La technicité des règles retenues sur la question du déficit et de sa correction constitue le déploiement de cette "règle d'or", déploiement par lequel les Etats signataires se lient eux-mêmes les mains.  
                Un mécanisme de correction "automatique" (sic) des écarts constatés par rapport à la trajectoire prévue pour la correction du déficit doit être définie en droit national, au moyen de dispositions permanentes, "sur la base de principes communs proposés par la Commission (et approuvés par qui?)(article 3, § 2).  
                Des institutions nationales indépendantes seront chargées de vérifier le respect de ces règles de réduction des déficits (ibidem). L'indépendance en cause, qui s'exerce par rapport aux gouvernements et aux Parlements des Etats, fait penser à l'indépendance de la BCE qui s'exerce à l'encontre des pouvoirs nationaux et même des autres institutions européennes.  
    De façon analogue, si le ratio d'endettement d'un Etat signataire dépasse 60 % de son PIB, cet Etat devra réduire le ratio selon le rythme moyen d' 1/20e par an (article 4).
     
    2°) Contrôle ex ante et contrôle ex post  
                En droit budgétaire public, on distingue le contrôle ex ante et le contrôle ex post. Le contrôle ex ante est exercé par des instances dont l'avis favorable est une condition préalable à l'adoption et la mise en œuvre  d'une décision. Tel est le cas en droit français du visa du Contrôleur financier, nécessaire avant toute décision engageant des ressources publiques.  
                Le contrôle ex post intervient après exécution budgétaire pour vérifier que cette exécution s'est faite en conformité avec le droit et imposer le cas échéant certaines corrections. Tel est le cas des rapports et avis d'une Cour des comptes, ou encore de la commission du contrôle budgétaire d'une assemblée parlementaire. 
                Le TSCG enserre la liberté des choix budgétaires des Etats signataires d'un faisceau de lourdes contraintes intervenant à la fois avant le vote des budgets et après leur exécution.  
                Avant d'arrêter leurs choix budgétaires, les Etats signataires doivent tenir compte des contraintes suivantes:
                - le calendrier de la convergence vers "l'objectif à moyen terme" est proposé par la Commission (et arrêté par qui?)(article 3, § 1, b);
                - les parties contractantes donnent à l'avance au Conseil et à la Commission des indications sur leurs plans d'émissions de dette publique (article 6);
                - toutes les grandes réformes de politique économique que les signataires envisagent doivent être "débattues au préalable et, au besoin, coordonnées" (article 11).  
                Après exécution du budget,
                - "les progrès réalisés en direction de l'objectif à moyen terme … font l'objet d'une évaluation globale … comprenant une analyse des dépenses …" (article 3, § 1, b);
                - l'existence d'un déficit excessif dû au non respect du critère de la dette sera décidée conformément à la procédure prévue à l'article 126 du TFUE (article 4). Cet article comporte à la fois un contrôle ex ante et un contrôle ex post du déficit. Ici, le TSCG ne fait que rappeler une procédure déjà définie dans le traité de Lisbonne;
                - "une partie contractante qui fait l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs … met en place un programme de partenariat budgétaire et économique comportant une description détaillée des réformes structurelles à établir et à mettre en œuvre pour assurer une correction effective …" (article 5, § 1);
                - ces programmes de partenariat doivent être approuvés par le Conseil et la Commission (ibidem);
                - un suivi de leur mise en œuvre et des "plans budgétaires annuels" qui s'y rattachent sera assuré par le Conseil et la Commission (article 5, § 2).
     
    3°) Les mécanismes prévus organisent une ingérence dans la définition du contenu du budget et de la politique économique nationale
     
                Les mécanismes à mettre en place en vertu du TSCG ne se limitent pas à contrôler globalement la réduction du déficit, autrement dit l'évolution de la différence entre recettes et dépenses. Ils organisent une véritable ingérence dans les choix internes au budget, surveillant les "réformes structurelles" de nature à "assurer une correction effective et durable" du déficit (article 5, § 1). Et cette ingérence déborde du budget pour s'étendre à la politique économique. D'où le "programme de partenariat budgétaire et économique", dont l'appellation met bien en lumière que politique budgétaire et politique économique ne sont plus des politiques nationales, mais sont définies par concertation de tous les "partenaires" européens.  
                L'évaluation des progrès réalisés comprend une "analyse des dépenses"
    (article 3, § 1, b). Il s'agit bien d'un contrôle de contenu.
                  Mais il ne s'agit pas seulement de pénétrer dans les procédures budgétaires. Il s'agit aussi de se mêler des choix de politique économique, comme on l'a vu. La coordination vise en effet non seulement à:
                            - empêcher le déclenchement au niveau d'un Etat d'un processus conduisant à un déficit croissant et désormais incontrôlable;
                            - éviter un phénomène de dominos et de contagion risquant d'affecter de proche en proche toute la zone euro.  
                Elle vise aussi à:
                            - favoriser un bon  fonctionnement de l'Union économique et monétaire,
                            - promouvoir la croissance;
                            - renforcer la compétitivité;
                            - assurer la convergence, c'est-à-dire respecter les fameux "critères de convergence" qui avaient été retenus par le traité de Maëstricht comme conditions pour pouvoir accéder à la monnaie unique (inflation réduite, taux d'intérêt pas trop divergents, déficit budgétaire réduit, endettement limité, taux de change stables).  
                Pour atteindre ces objectifs, les moyens suivants sont prévus:
    - accorder aux Etats en difficulté une assistance financière (c'est l'objet du
      MES);
    - recourir à des coopérations renforcées telles qu'elles sont organisées dans les
      traités de l'Union européenne;
    - et surtout toutes les grandes réformes de politique économique envisagées par
      des Etats signataires devront être, avant toute mise en œuvre, débattues et au
      besoin coordonnés entre les parties contractantes.
     
    4°) La confiscation des pouvoirs budgétaires et économiques se fait pour l'essentiel au profit des institutions de l'UE, et de l'eurozone
     
                Il s'agit de la Commission et du Conseil, selon des rapports entre ces deux institutions qui ne sont pas toujours bien clairs, de l'eurogroupe, et même, comme on le verra dans le paragraphe sur les sanctions, de la Cour de justice de l'UE. En revanche, le Parlement européen n'est qu'informé, certains de ses représentants sont invités aux réunions, mais sans véritable pouvoir de décision.  
                Les relations entre Commission et Conseil sont incertaines parce que, ici ou là, comme on l'a vu, on annonce que la Commission présente des propositions, sans que soit précisé qui décide. Le Conseil et la Commission apparaissent même parfois comme des partenaires placés sur un pied d'égalité. Ainsi c'est le Conseil et la Commission qui approuvent les programmes de partenariat budgétaire et économique (article 5, § 2). En cas de désaccord, lequel l'emporte? Une telle formule de copinage institutionnel entre Conseil et Commission n'est pas du tout conforme aux procédures juridiques applicables depuis toujours dans le cadre des traités de l'Union européenne.  
                Pour remédier au cas où un Etat membre de la zone euro ne respecterait pas la marche à suivre pour corriger son déficit, la Commission soumet des propositions ou recommandations (soumet à qui?). Les Etats membres de la zone euro doivent appuyer ces propositions ou recommandations (Comment peut-on s'engager à soutenir des propositions qui n'existent pas encore?) (article 7). Cette obligation d'appuyer les souhaits de la Commission ne peut être mise en échec que par une opposition exprimée par une majorité qualifiée des Etats de l'eurozone (ibidem). C'est la règle de "la majorité renversée". Normalement, dans les procédures de l'Union, les propositions de la Commission ne peuvent entrer en vigueur que par l'approbation, parfois unanime, le plus souvent majoritaire (à la majorité qualifiée) du Conseil. Cette fois c'est le contraire: il faut une majorité qualifiée pour mettre en échec les souhaits de la Commission. Pour le dire en d'autres termes, les propositions de la Commission entreront en vigueur même si elles ne sont soutenues que par une minorité des Etats de l'eurozone.  
                Ce bouleversement dans les procédures représente un bond en avant des pouvoirs de la Commission, et rien ne manifeste davantage la mise sous tutelle budgétaire des Etats que cette emblématique réforme. Il est même permis de se demander si celle-ci n'est pas illégale du point de vue du droit européen, comme violant des règles en vigueur des traités de l'Union auxquels les signataires du TSCG restent soumis. Il ne suffit pas de signer un traité intergouvernemental déconnecté des traités de l'Union pour avoir le droit de déroger à ceux-ci, à moins que les Etats qui les avaient ratifiés les dénoncent au préalable.
     
    5°) On confie aux Etats membres une fonction de surveillance et de délation mutuelles
     
                Sur la base soit d'une appréciation de la Commission, soit de sa propre évaluation, un Etat signataire peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour non respect par un autre Etat signataire des règles relatives à la réduction des déficits. Et si l'Etat visé ne se conforme pas à l'arrêt de la Cour, un Etat signataire peut à nouveau saisir celle-ci aux fins de l'application de sanctions financières à l'Etat défaillant (article 8).
     
    6°) Sanctions financières contre les Etats défaillants
     
                En effet, en cas de non respect par un Etat signataire des règles relatives à la réduction des déficits, défaillance non corrigée malgré  un arrêt de la Cour de justice, celle-ci peut alors infliger à cet Etat "le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une astreinte … ne dépassant pas 0,1 % de son produit intérieur brut" (article 8, § 2). Les amendes versées par un Etat de l'eurozone alimentent le MES. Celles qui sont versées par un autre Etat sont versées au budget général de l'Union européenne. Ces dernières dispositions sont nettement plus saines que celles qui figuraient dans le Pacte de stabilité, première manière, selon lesquelles les amendes étaient versées … aux Etats de l'eurozone qui n'avaient pas, eux, dérogé au Pacte. On punissait les vilains, et les gentils raflaient la mise…!
                Au sujet de cette mise sous tutelle des Etats en matière budgétaire, il faut savoir enfin que l'intention des Etats de la zone euro est d'aller au-delà des dispositions convenues dans le TSCG. Ils l'ont dit dans leur déclaration du 9 décembre 2011: "Pour le plus long terme, nous continuerons à rechercher la manière d'approfondir encore l'intégration budgétaire." Comprenons bien que le mot "intégration" aboutit en fait à la fusion des Etats au moins dans le domaine en cause.
     
     VII.- LA QUESTION DE LA CONSITUTIONNALITÉ DU TSCG
     
                Le Conseil constitutionnel a donné son avis sur la conformité du TSCG à la Constitution française par sa Décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012. On ne va pas se livrer à une analyse point par point de cette décision surprenante, mais se borner à quelques remarques essentielles.
     
    1°) Reprise de la doctrine constante du Conseil constitutionnel
     
                Le Conseil constitutionnel reprend sans changement sa doctrine acrobatique constante selon laquelle il existe un "ordre juridique de l'Union européenne"  qui est "intégré à l'ordre juridique interne" sans pour autant empêcher – comprenne qui pourra – que la Constitution française se trouve "au sommet de l'ordre juridique interne" (considérants n° 8 et 9), alors que par ailleurs le Conseil avait accepté que le droit de l'Union "prime le droit des Etats membres" (article I-6 du traité constitutionnel, qui certes a été rejeté, mais grâce au peuple français, non au Conseil constitutionnel). Ne revenons pas sur cette acrobatie, tout en nous rappelant qu'elle constitue un fondement pour tous les avis donnés par le Conseil sur les traités européens successifs.
     
    2°) Non bis in idem
     
                Le Conseil applique un adage juridique propre aux cours de justice: "non bis in idem", c'est-à-dire "pas deux fois sur les mêmes choses". Autrement dit le Conseil constitutionnel ne revient pas sur des points qu'il a déjà tranchés dans le passé. Dans son 11e considérant, le Conseil rappelle ce principe: "sont … soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France". En effet, ces engagements antérieurs ont déjà fait l'objet d'un contrôle de conformité à la Constitution, ou du moins aurait pu, avant ratification, en faire l'objet.  
                Il suit de là qu'il est trop tard pour protester contre des dispositions du TSCG semblant violer la souveraineté de la France, si ces dispositions ne sont que l'application d'abandons de souveraineté antérieurs qui ont été acceptés en leur temps. Lorsqu'un traité européen antérieur attendait sa ratification, le Conseil constitutionnel a expliqué qu'il était contraire à la Constitution, mais qu'il suffisait de modifier celle-ci pour rendre traité et Constitution compatibles. Ce qui fut fait. A partir de là, toutes les conséquences de ces abandons peuvent se déployer sans que le Conseil daigne se pencher de nouveau sur des points qu'il considère comme acquis.  
                Cette observation est fondamentale. Elle montre à quel point il ne faut pas s'engager à l'étourdie dans tout nouveau projet de traité européen, sans avoir pris conscience en temps utile de toutes ses conséquences certes encore implicites, mais qui pourront se développer par la suite.
     
    3°) La méthode du Conseil: une revue de détail
     
                La lecture de la décision donne le sentiment que le Conseil constitutionnel s'est gardé d'émettre un jugement global sur la portée du TSCG, se contentant de procéder à une analyse article après article, disposition après disposition, montrant pour chacune d'elle qu'elle n'est que l'application et le développement de dispositions antérieures déjà entérinées par la France, donc dont le caractère anticonstitutionnel ne peut plus être invoqué. Des exemples? En voici:
    - "Considérant que la France est d'ores et déjà tenue de respecter les exigences" … relatives  "à la lutte conte les déficits excessifs" en vertu des traités en vigueur (15e considérant).
    -  "Considérant" que les dispositions relatives aux limites à ne pas dépasser en matière de déficits publics "reprennent en les renforçant les dispositions mettant en œuvre l'engagement des Etats membres de l'Union européenne de coordonner leurs politiques économiques en application" des dispositions des traités en vigueur (16e considérant).  
                Pour accueillir sans émotion la contrainte nouvelle que les règles relatives à l'équilibre budgétaire "prennent effet dans le droit national … au moyen de dispositions … dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis …" (article 3, § 2, du TSCG), ce qui semble la confiscation des pouvoirs souverains des Parlements pour le vote des budgets, le Conseil constitutionnel, sans même invoquer les traités européens en vigueur, nous explique que nous avons déjà en droit français l'outil pour satisfaire cette exigence: la loi organique.
     
                L'intervention de la Cour de justice de l'Union européenne, laquelle peut infliger des sanctions financières aux Etats ne respectant pas leurs obligations en matière de déficits excessifs serait-elle contraire à la souveraineté de la France? Nullement, selon le Conseil, puisque les griefs de la Cour de justice ne sauraient porter, à son avis, sur des dispositions constitutionnelles. Donc, à condition de ne pas toucher à la Constitution, on peut se considérer en France comme en terrain conquis, en s'ingérant dans toutes les procédures subconstitutionnelles!
     
    4°) Autres aspects contestables de l'avis du Conseil constitutionnel
     
    a) Pour le Conseil, si une contrainte exercée par l'Europe est constitutionnelle, une contrainte de même nature, mais de dimension n fois supérieure l'est également. En vertu du Pacte de stabilité inclus dans les traités déjà ratifiés, la limite du déficit tolérable était de 3 %. Dans le TSCG, elle devient 0,5 %. Pas de problème: cela reste conforme à la Constitution. On ne peut donc qu'approuver la remarque du Député Jacques Myard qui, dans un communiqué du 10 août 2012, écrivait: "Le Conseil refuse de considérer que ce changement quantitatif constitue un changement qualitatif substantiel et donc une limitation de souveraineté équivalente !"  
                De même nous avons vu à l'instant que le Conseil ne s'émouvait pas de devoir constater que les dispositions du TSCG relatives aux déficits publics "reprennent en les renforçant" des dispositions en vigueur en vertu des traités antérieurs.  
    b) L'avis du Conseil méconnait que l'atteinte à la souveraineté, ce n'est pas exclusivement ou principalement le fait d'imposer un principe de gestion budgétaire en soi respectable et d'ailleurs reconnu, à savoir le principe de l'équilibre entre recettes et dépenses. C'est surtout, sous le prétexte de faire respecter ce principe, de fourrer son nez dans toutes les affaires nationales, d'imposer et de contrôler les choix budgétaires, sous peine de sanctions. Ce principe s'imposait déjà à nous, plaide le Conseil. Oui, mais ce qui est nouveau, c'est l'ingérence dans des choix qui sont de nature nationale.  
    c) Le Conseil dit que, quoique signé à 25 et non à 27, le TSCG se réfère aux traités de l'Union et est appelé à s'intégrer dans le droit de l'Union. Qui vivra verra, mais en attendant, ce n'est pas un traité de l'Union, et le Conseil fait plutôt l'impasse sur ce fait majeur.  
    d) Puisque le Conseil affirme avec constance que l'ordre juridique de l'Union européenne est intégré à l'ordre juridique interne, peut-il se dispenser d'examiner si le TSCG est conforme au droit européen dont il se réclame?  
    e) Enfin, disons le mot, le Conseil se trompe sur l'interprétation à donner à une disposition essentielle du traité, l'article 3, § 2. Ennuyeux, car l'argumentation essentielle du Conseil tourne autour de cette disposition. Mais il s'agit là d'un point technique, que nous renvoyons en annexe pour alléger l'exposé principal.  
    *
                Plutôt que le défenseur de la souveraineté juridique française face aux empiètements éventuels du droit européen, le Conseil constitutionnel ne serait-il pas un serviteur zélé des institutions européennes chargé d'assujettir le droit français à leurs caprices? Oui, depuis longtemps, mon idée est qu'en somme, il est du parti bourguignon…
       
     VIII.- ÉTAT DES RATIFICATIONS DU TSCG
     
                Le traité a été signé, nous l'avons vu, le 2 mars 2012. Au 4 juin 2012, sur les 25 signataires du traité, 8 pays l'avaient ratifié, et en dernier lieu, l'Irlande. Ce dernier pays était le seul à avoir recouru pour ce faire à un référendum.  
                Parmi ces 8, on trouve 4 pays de l'eurozone sur 17, et 4 pays hors eurozone sur 8. Pour une initiative qui intéresse avant tout l'euro, cela fait peu de monde à avoir ratifié parmi les membres de l'eurozone!  
                Au 23 août 2012, aucune ratification supplémentaire n'était à noter. L'état des signatures et des ratifications peut être synthétisé dans le tableau suivant:
     
      Les 27 de l'UE…
    …signataires ... non signataires
    de l'eurozone hors eurozone
    Ont ratifié 4
    - Grèce
    - Portugal
    - Slovénie
    - Irlande
    4
    - Suède
    - Danemark
    - Lettonie
    - Roumanie
    2
    - Royaume Uni
    - République tchèque
    N'ont pas ratifié 13
    - Belgique
    - Allemagne
    - Estonie
    - Espagne
    - France
    - Italie
    - Chypre
    - Luxembourg
    - Malte
    - Pays-Bas
    - Autriche
    - Slovaquie
    - Finlande
    4
    - Bulgarie
    - Lituanie
    - Hongrie
    - Pologne
    TOTAL 17 8 2
     
                A côté de cette liste, il est intéressant de connaître les quelques autres Etats, chez lesquels le traité a déjà fait l'objet d'une approbation parlementaire, seule se faisant encore attendre la signature du Chef d'Etat. Il s'agit de l'Allemagne, de l'Autriche, de l'Italie et de la Lituanie. La ratification de ces pays porterait à 12 le nombre de pays ayant ratifié, dont 7 pays de l'eurozone. Cela ne suffirait toujours pas pour assurer l'entrée en vigueur du traité, qui présuppose, on l'a vu, la ratification par au moins 12 Etats de l'eurozone.
    En ce qui concerne la France, le gouvernement, satisfait de la décision du Conseil constitutionnel, a préparé le projet de loi de ratification (sans référendum). Il a fait adopter par la même occasion les diverses décisions prises lors du sommet des 28 et 29 juin 2012 (pacte de croissance, mise en place d'une taxe sur les transactions financières, mise en chantier d'une feuille de route sur l'avenir de la zone euro). Il y a aussi un texte sur la supervision bancaire, le schéma habituel de programmation des finances publiques sur  cinq ans, et enfin la fameuse "loi organique" qui évitera d'avoir à réviser la Constitution. Ces textes ont été voté par les Députés début octobre 2012.
     
    ANNEXE
    Erreur d'interprétation de l'article 3, § 2, du TSCG  
                Pour imposer aux Etats la fameuse "règle d'or", le traité exige que les Etats adoptent des dispositions de droit national de nature à assurer le respect de cette règle de l'équilibre budgétaire. Mais l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel sur la phrase qui, dans le TSCG, prévoit ces règles nationales à adopter, semble erronée, et d'ailleurs d'autres commentateurs du TSCG sont tombés dans une erreur semblable d'interprétation.  
                La disposition en cause du TSCG est l'article 3, § 2. Voici la phrase clé de ce paragraphe:
    " Les règles énoncées au paragraphe 1 [c'est ce paragraphe 1 qui définit les règles d'équilibre budgétaire à respecter par les Etats signataires du TSCG] prennent effet dans le droit national des parties contractantes … au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon."  
                Cette phrase contient la conjonction "ou", qui montre que le traité laisse le choix aux Etats entre deux manières d'établir la "règle d'or".  
                Voici comment le Conseil constitutionnel analyse la phrase:  
    "Considérant que les stipulations du paragraphe 2 de l'article 3 comportent une alternative selon laquelle les États contractants s'engagent à ce que les règles énoncées au paragraphe 1 de l'article 3 prennent effet dans leur droit national,
    soit
    - « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles »,
    soit
    - au moyen de dispositions « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » ;" (19e considérant)  
                Selon cette interprétation, le premier membre de phrase figurant dans le traité "au moyen de dispositions contraignantes et permanentes," appartient à la première manière de répondre aux exigences du traité, non à la deuxième. D'ailleurs le Conseil confirme explicitement cette interprétation dans son 22e considérant: "considérant que, … dans ce cas [où l'Etat souhaiterait recourir à la 2e manière de satisfaire aux exigences du traité], le respect des règles figurant au paragraphe 1 de l'article 3 n'est pas garanti par des dispositions « contraignantes »".  
                Mme Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit constitutionnel, dans un avis du 13 août 2012, tout en critiquant sévèrement la décision du Conseil constitutionnel, donne sur le point précis en cause la même interprétation que lui. Voici en effet ce qu'elle écrit:
    " …cet énoncé [retenu par le traité] … laisse entendre que les États pourraient adopter
    - soit des normes contraignantes constitutionnelles ou en tous cas hiérarchiquement supérieures aux lois de finances,
    - soit d’autres mesures qui ne seraient donc pas contraignantes mais dont le traité exige cependant que le plein respect et la stricte observance soient garantis."  
                Or l’examen attentif de la phrase litigieuse du traité ne permet pas cette interprétation. Il est clair que les "dispositions contraignantes et permanentes" sont le cœur de l'obligation des Etats, et que, pour atteindre ce résultat, les Etats peuvent recourir à des dispositions:
                - de préférence constitutionnelles,
                - ou tout au moins dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon."  
                Ce sont deux façons d'aboutir à des "dispositions contraignantes et permanentes", lesquelles sont donc l'élément commun aux deux solutions autorisées.
                D'ailleurs, le Conseil constitutionnel, après avoir donné cette interprétation contestable de l'article 3, § 2, propose, pour l'application de la 2e manière de satisfaire aux exigences du traité, une solution bel et bien "permanente et contraignante", à savoir le recours à une loi organique. Cette suggestion est très habile de la part du Conseil. En effet les dispositions de la loi organique prévue à l'article 34 de la Constitution ne sont pas à proprement des dispositions constitutionnelles, et ne nécessitent donc pas, pour être adoptées, une révision de la constitution – révision que le Conseil cherche à éviter -, mais sont néanmoins des dispositions qui viennent préciser et compléter la constitution (compléter l'article 34 de celle-ci). Or, selon l'article 34 de la constitution, le Parlement est soumis, dans la procédure budgétaire, au respect de la loi organique. L'article 34 dispose en effet: "Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique."  
                Voilà l'idée géniale trouvée par le Conseil constitutionnel: en recourant à une loi organique, la France évitera la révision de la constitution, tout en réussissant à imposer au Parlement des règles "contraignantes et permanentes … dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis". CQFD.   
    Romain ROCHAS http://www.observatoiredeleurope.com
    Chef de division honoraire
    de la Cour des comptes européenne.  

    [1] Sous la même rubrique ont été déjà établies trois notes (publiées par l'ObsE) à savoir:
    - Par quels moyens espèrent-ils sauver l'euro, de février 2011,
    - Le deuxième plan de sauvetage de la Grèce, de septembre 2011,
    - Le Mécanisme européen de stabilité, d'octobre 2011 et juillet 2012.
    [2] Aux 17 Etats membres de l'eurozone s'étaient joints la Bulgarie, le Danemark, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Roumanie.
    [3] Les Etats manquant à l'accord du 25 mars 2011 étaient la Suède, le Royaume Uni, la République tchèque et la Hongrie, soit 4 Etats.
    [4] Selon le concept de "zone monétaire optimale" élaboré par l'économiste américain Robert Mundell.
    [5] Comme je l'ai souligné dans ma note Le Mécanisme européen de stabilité, de juillet 2012.
    [6] Article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil, du 7 juillet 1977, tel que modifié le 16 novembre 2011 par le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil (JO de l'UE n° L 306 du 23.11.2011, pp. 12 à 24).
    [7] Equilibre budgétaire, avec cependant la tolérance d'un déficit de 0,5 % du PIB, comme on l'a vu plus haut.
  • Pentagone : une défaite en rase campagne du lobby pro-israélien

    La nomination, lundi soir, par Barak Obama de Chuck Hagel au poste de secrétaire à la Défense est une défaite en rase campagne pour le très puissant lobby pro-israélien aux Etats-Unis. 

    Depuis des semaines, l’Aipac (American Israël Public Affairs Comittee) se déchainait contre lui, afin d’empêcher le président réélu de le nommer à ce poste stratégique. Contre Hagel, ses opposants ont sorti l’artillerie lourde : il est, à mots plus ou moins couverts, traité d’antisémite – et sur un autre sujet d’être homophobe. Des accusations terribles, dont Obama a donc décidé de ne pas tenir compte. Et de nommer cette personnalité atypique à la tête du Pentagone. En envoyant du même coup, un message de défiance au gouvernement israélien.

    Car les relations militaires entre les Etats-Unis et Israël sont extrêmement étroites et l’arrivée au Pentagone d’un responsable critique vis à vis de la politique de l’Etat hébreu est un signal important, même si, diplomatiquement, Chuck Hagel a aussitôt affirmé son « soutien total » à Israël… 


    Durant son premier mandat, Obama n’a pas été très actif sur la scène du Proche-Orient, laissant le gouvernement israélien poursuivre sa politique de colonisation des territoires palestiniens. Les Etats-Unis ont même voté contre la reconnaissance de la Palestine par l’Onu. Ce qui n’a pas empêché le Premier ministre israélien « Bibi » Netanyahou de soutenir ouvertement Mitt Romney, le rival d’Obama, durant la campagne électorale américaine... Libéré du souci de sa réélection en 2018 – la Constitution lui interdisant un troisième mandat – Barack Obama sera-t-il plus offensif dans les prochains mois ? C’est possible. Il est attendu sur, au moins, deux grands dossiers : une éventuelle relance des discussions entre Israël et le tout nouvel « Etat de Palestine » et la question de l’Iran, alors qu’une partie des dirigeants israéliens envisage toujours une solution militaire contre le programme nucléaire de Téhéran. 


    Issu d’un milieu modeste, Chuck Hagel, 66 ans, est une personnalité politique originale. Secrétaire à la Défense d’Obama, il est membre du parti républicain. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’Obama choisit un républicain pour le Pentagone, puisqu’il y avait maintenu Robert Gates, nommé par George W. Bush. Hagel est incontestablement un homme de droite, mais il appartient à ce courant minoritaire du parti républicain, réaliste et peu sensible au discours néoconservateur. Il a été sénateur du Nebraska (1997-2009) et n’a jamais craint de prendre des positions hétérodoxes, par exemple en critiquant la conduite de la guerre d’Irak. C’est un vétéran de la guerre du Vietnam où il a servi (1967-68) comme sergent dans l’infanterie. Il y a été blessé deux fois et décoré de la Purple Heart. De quoi tenir tête aux généraux du Pentagone, où il va devoir s’attacher à réduire les énormes dépenses militaires de son pays.

    Jean-Dominique Merchet
    Marianne
    8/01/2013

    http://www.polemia.com

  • La réaction, c’est la vie !

    Comment peut-on encore dire que cette question  du mariage pour tous est accessoire et n’intéresse pas les Français ? Certes  le journaliste de Marianne, Nicolas Domenach, résumant l’analyse officielle de la caste,   a vu hier  sur I-télé dans cette démonstration de force, le combat d’arrière-garde d’ « une foule blanche  et catholique », un rassemblement des  défenseurs d’une France qui n’existe plus, submergée  par le progrès. En attendant les foules impressionnantes d’hier, parmi lesquelles de très nombreux jeunes,  ont apporté un démenti cinglant à ceux qui ont enterré un peu vite les capacités de réaction de notre peuple. Car s’attaquer à la famille c’est s’attaquer a un  pilier de notre société déjà bien vacillante et fragilisée, s’est porter un nouveau coup  à notre identité culturelle, civilisationnelle. Que ce coup là émane  des mêmes milieux que ceux qui s’acharnent à noyer notre pays, par le bas  sous l’immigration de peuplement, et par le haut par notre inféodation accrue à l’idéologie ultra libre échangiste bruxelloise, n’est pas pour surprendre.  

     Le « peuple de droite » est   descendu massivement dans la rue hier et la droite nationale, populaire et sociale état logiquement à ce rendez vous avec le soutien de Marine. Les organisateurs de la manifestation contre le mariage homosexuel annonçaient 800 000 personnes hier à 17h30. Dans un communiqué diffusé à 20h, « La Manif Pour Tous »  évoquait  une mobilisation d’ « environ un million de personnes. « A 19h30, de nombreux manifestants continuaient encore d’affluer sur le Champ de Mars ! » relevait Le Figaro qui relève que les chiffres annoncés par les organisateurs –en tout état de cause beaucoup plus proche de la réalité que les 340 000 manifestants  comptabilisés par la préfecture de police…    « Ce qui en ferait, en termes de fréquentation, le troisième plus important rassemblement dans la capitale en trente ans, juste derrière le défilé pour la révision de la loi Falloux en 1994 et celui pour la défense de l’école libre de 1984, où un million d’hommes, de femmes et d’enfants avaient battu le pavé parisien pour faire reculer le pouvoir socialiste». Alain Escada, a affirmé de son côté que la manifestation organisée par l’institut Civitas qu’il préside a été un « immense succès » : «   Près de 50.000 personnes se sont retrouvées place Pinel pour prier pour la France et pour dénoncer l’épouvantable projet de loi que les gouvernants, tels des apprentis sorciers, ont tenté de présenter »

     Parti de la Porte Maillot avec  la  délégation FN,  Bruno Gollnisch  a été chaudement félicité tout au long du parcours et notamment lors de l’arrivée au Champ-de-Mars, par de très nombreux manifestants pour sa défense résolue de la famille et des valeurs traditionnelles. Invité hier soir de BFM-TV, il s’est réjoui  du succès historique d’une manifestation qui en terme d’affluence est une des plus importantes en France depuis quarante ans a-t-il confirmé. Cinq membres du Bureau exécutif du Front National  avaient notamment fait le déplacement, dont  quatre de ses   cinq vice-présidents  (Marie-Christine Arnautu,  Louis Aliot, , Jean-François Jalkh, Alain Jamet)  et le Secrétaire général  Steeve Briois, ainsi que les  deux députés Marion-Maréchal Le Pen et Gilbert Collard, plusieurs dizaines de conseillers régionaux et de secrétaires départementaux.  Des centaines de militants,  des dizaines de milliers d’électeurs frontistes  ont également  défilé aux côtés de la délégation du FN où dans les différents  cortèges provinciaux

     Reprenant le souhait formulé  de longue date par Marine Le Pen et le FN, l’UMP s’est prononcée après  Frigide Barjot, la principale  organisatrice de cette « Manif pour tous »,  pour un referendum sur le mariage et l’adoption pour  les couples de même sexe. Au nom des « principes «  et des valeurs » ( sic), le ministre des Droits des femmes et  porte-parole du gouvernement,  Najat Vallaud-Belkacem, a réaffirmé qu’une consultation du peuple français était inenvisageable.  « Le gouvernement est totalement déterminé à réaliser cette réforme, ce progrès historique qui n’est pas la victoire d’un camp contre un autre mais un progrès pour toute la société »a-t-elle ajouté.

     Un progrès pour qui ? Philippe Randa cite dans sa dernière chronique  une étude sociologique britannique, Sexual Beha­viour in Britain, dont on peut extrapoler les résultats à la France :  « Une certaine littérature pro-homosexuelle affirme qu’entre 3 et 10 % de la population sont gays, alors que les statistiques les plus récentes et les plus fiables aux États-Unis aujourd’hui atteignent à peine le chiffre inférieur du pourcentage précédent. Pendant ce temps, les derniers chiffres les plus fiables en Grande-Bretagne montrent que seulement 1 % des hommes et moins d’une femme sur 200 ont eu une expérience homo­sexuelle quelconque, alors que seulement 0,4 % des hommes et 0,1 % des femmes revendiquent être exclusivement homosexuels dans leur pratique »

     «  Rappelons que les homosexuel(le)s représentent à peine 6 % de la population et qu’il n’y a pas 1 % de ces 6 % qui envisage aujourd’hui ou demain (de se marier, NDLR); pour preuve les statistiques du Pacte civil de solidarité (Pacs) depuis qu’il a été voté en 1999 : sur un million de pacsés en France au 1er janvier 2010, les couples homosexuels ne représentaient que 6 % du nombre total de pacsés début 2009. Tout ça pour ça ! (Sources : www.lefigaro.fr, 8 février 2011). »

     « On ne recule jamais quand on interroge le peuple » a déclaré  le député UMP Henri Guaino répondant à distance à Mme Vallaud-Belkacem.   Il est grand temps que l’UMP le découvre. Quand ce parti était au pouvoir,  le seul referendum qu’il  organisa,  en 2005 sur la constitution européenne, et  qui se solda par son rejet par les Français,  fut  effacé  par un vote  des élus UMP en janvier 2008 avec l’appui implicite du PS, qui imposa ladite Constitution.

     Marine Le Pen pointait  ce matin sur RTL le « gouffre » existant entre les orientations  de l’Assemblée nationale et les vœux de notre peuple. C’est aussi à cette réaction, à cette  prise de conscience là qu’invite le FN car c’est par un vote massif en faveur  des vrais défenseurs des valeurs, de  notre identité et de notre souveraineté nationales que cette course à l’abîme pourra être stoppée.

    http://www.gollnisch.com

  • L’Europe contre la nation, un faux débat ? Tribune libre

    Distinguer l’Europe enracinée de l’Europe globalisée

    On le sait, la mouvance patriotique est parcourue, tant en France que dans les autres pays européens, par divers courants idéologiques. Parmi ces derniers, on compte notamment le courant nationaliste et le courant européaniste (et non européiste, nous y reviendrons) qui s’affrontent, il est vrai, tout particulièrement, sur la scène politique française. Et comment ne pas le comprendre ? La France est le berceau de l’idée de Nation, c’est la France qui a exporté le modèle de l’état-national aux quatre coins de l’Europe et c’est donc en France que, tout naturellement, l’attachement à la Nation est la plus forte.

    L’idée européenne, quant à elle, d’approche traditionnellement impériale, apparaît donc aux yeux de la plupart des partisans de la Nation comme un genre d’ennemi héréditaire, de maelstrom cosmopolite qui n’a d’autre but que d’anéantir la Nation et de se poser en première marche du Village Global. On peut d’ailleurs dire qu’au fil des siècles, la Nation française s’est bâtie envers et contre l’Empire. 

    Si, de nos jours, c’est la, il est vrai, bien mal nommée « Union européenne » qui est la cible des attaques du courant nationaliste, que l’on nomme aussi parfois « souverainiste » lorsqu’on veut l’étendre à d’autres franges de l’échiquier politique, ce n’est là que le reflet d’un conflit multiséculaire qui, générations après générations, a opposé la France à l’Empire et, tout particulièrement, à celui des Habsbourg. Il semble que dans l’esprit du partisan de la Nation, l’acceptation de l’idée impériale, incarnée jadis par l’ennemi héréditaire habsbourgeois et assimilée aujourd’hui à une certaine idée « euroglobaliste », constituerait un genre de reddition sans condition, au terme d’une « guerre éternelle » contre l’Empire que la France aurait fini par perdre. Les batailles qui opposèrent François Ier à Charles-Quint, les guerres franco-espagnoles et franco-autrichiennes dans ces Pays-Bas méridionaux (actuelle Belgique), passage obligé d’une France qui ambitionna longtemps de retrouver sur le Rhin sa frontière gauloise, tous ces sacrifices donc n’aboutiraient finalement qu’à une soumission française à des mœurs centrifuges jugées étrangères et à des diktats politiques et économiques jugés non-moins étrangers, en un mot : européens. Inacceptable, du point souverainiste. Ainsi, quoique l’idée impériale, européenne, enracinée, en un mot « identitaire », incarnée jadis par la dynastie des Habsbourg, dont le dernier empire s’effondra en 1918 sous les coups redoublés des nationalismes, des idéologies totalitaires et de cet industrialisme apatride qui a donné naissance à l’univers globalisé que nous ne connaissons que trop bien, quoique cette idée, donc, n’ait absolument rien de commun, que du contraire, avec l’« Euromarket » acculturé et déraciné que nous connaissons sous le nom d’« Union européenne », elle apparaît néanmoins, dans les esprits souverainistes, comme un genre de précurseur du « projet européen » actuel, première marche d’un monde globalisé et source de tous les maux de la France.

    Autant l’Empire austro-hongrois – hélas resté imparfait, il est vrai, du fait de son occultation de la réalité politique de ses populations slaves – constituait une tentative de faire cohabiter, dans un même espace, harmonieusement, c’est-à-dire dans le respect de leur pluralité identitaire, des populations différentes, certes, mais appartenant à une même civilisation, autant l’Union européenne n’est qu’une construction artificielle, économique métissée, standardisée, globalisée, rejetant toute forme d’enracinement historique et culturel authentique et prête à s’ouvrir au tout venant. Autant l’Empire austro-hongrois vénérait par-dessus tout la qualité de vie, la culture, l’histoire, le bon goût, en un mot, le Beau, autant la prétendue « Union européenne » en apparaît comme le négatif, cultivant l’acculturation, le mauvais goût commercial, la sous-culture globalisée et la malbouffe.

    « Européanistes » et non « européistes »

    Il n’y a rien de commun entre ces deux visions de l’Europe. Désigner par un même qualificatif les partisans d’une Europe structurellement impériale, enracinée, identitaire et les adeptes de l’Euromarket globalisé n’a donc aucun sens.

    Si les tenants de l’actuelle « Union européenne » sont généralement qualifiés d’« européistes », ceux qui, tout en pensant qu’il convient de ne pas jeter le bébé européen avec l’eau du bain globalisé pour le moins malodorant dans lequel il baigne, qui tout en précisant que tout n’est pas forcément mauvais dans l’actuelle UE, militent pour l’unité d’une Europe enracinée incluant le niveau national, mais également le niveau régional et le niveau civilisationnel dans le cadre d’une structure harmonieusement intégrée, devraient être désignés différemment.

    Aussi, afin de les distinguer des adeptes « européistes » de l’Europe globalisée, pourrions-nous faire le choix du terme « européaniste ».

    La Nation jacobine contre l’Europe enracinée

    Les souverainistes reprochent parfois aux européanistes d’être comparables aux révolutionnaires de jadis qui voulaient universaliser et internationaliser leur combat. Dans leur esprit, l’idée européenne appartient à ce mode de pensée internationaliste, globaliste dirions-nous plutôt aujourd’hui, qu’anima par le passé et encore aujourd’hui les ennemis de la Nation, seule référence identitaire viable à leurs yeux. En fait, selon eux, les européanistes ne voudraient rien d’autre, globalement, que construire une nouvelle Internationale. Retournons l’argument à son expéditeur. Nous le savons, les idéaux révolutionnaires jacobins ne sont pas particulièrement prisés dans une mouvance patriotique française qui lui préfère généralement, et de loin, les références chrétiennes, monarchiques, traditionnelles, en deux mots, d’Ancien Régime. Comment expliquer dès lors le paradoxal engouement des partisans de la Nation pour des idéaux issus du jacobinisme révolutionnaire dont l’idée même de Nation est la fille ? Car point d’état-national ni de citoyens avant 1789, mais un royaume et des sujets du Prince ! On en vient donc à se demander si l’idée de Nation jacobine est bien un concept identitaire, ou si elle n’est, au contraire, qu’un poste avancé des internationales.

    Allons plus loin : comment l’internationalisme révolutionnaire aurait-il pu exister sans la création préalable de la Nation jacobine ? Lorsque le centralisme nationaliste refuse aux régions ce que l’échelon international (ex-URSS, Euromarket, Village Global ou autre) refuse désormais aux états-nations, ne peut-on dire qu’il s’agit là d’une seule et même logique ? En définitive, le centralisme jacobin nous paraît bien plus proche de l’euro-bureaucratie « bruxelloise » que l’idée d’unité européenne enracinée.

    Régionalismes ou micro-nationalismes ?

    Après s’être vus reprocher leurs « velléités internationalistes » visant prétendument à dissoudre, « par le haut », la Nation, dans le cadre d’un maelstrom européen métissé, les européanistes, partisans du fédéralisme intégral, c’est-à-dire de la fédération des états-nations européens sur une base civilisationnelle, et de la fédéralisation de ces mêmes états-nations sur base de leurs régions historiques, se voient accuser par les souverainistes de vouloir également détruire la Nation par le bas, en encourageant le développement de mouvements régionalistes centrifuges.

    Or, partisans de l’unité européenne, les européanistes ne peuvent être, en toute logique, des partisans de la dislocation des nations : il ne s’agit pas de remplacer une « Europe des 27 » (déjà plus que bancale) par une « Europe des 270 » ! Les états-nations ont donc, du point de vue européaniste, un rôle essentiel à jouer dans la construction identitaire de l’Europe, garants qu’ils sont de la cohérence politique de nombreux territoires sans laquelle l’Europe sombrerait dans le chaos, et de la sauvegarde des langues nationales, indissociables de notre identité la plus essentielle. Autonomie régionale ne signifie pas, dans l’esprit européaniste, éclatement micro-nationaliste.

    Et nous voilà confrontés à un nouveau paradoxe : si le partisan du fédéralisme européen intégral se voit reprocher ses opinions supposées centrifuges, n’est-ce pas, en définitive, le micro-nationaliste, c’est-à-dire le régionaliste indépendantiste (et non seulement soucieux d’autonomie), qui se trouve politiquement et paradoxalement être le plus proche du statonationaliste jacobin ? Car, alors que le régionaliste soucieux de son autonomie ne demande fondamentalement que la reconnaissance de sa particularité dans le cadre national, le micro-nationaliste, lui, ne veut rien d’autre que créer un nouvel état-national jacobin, centralisé, refusant à ses propres composantes régionales jusqu’au centième de ce qu’il a obtenu pour lui. Le rejet de l’Europe par le macro-nationalisme et le rejet de l’état-nation par le micro-nationalisme ne se rejoignent-ils pas finalement ? Mais il n’y a là rien de commun avec une démarche d’autonomie régionale responsable, telle qu’on l’envisage d’un point de vue européaniste.

    Europe des Patries ou Europe-Puissance ?

    Ainsi donc, l’action des européanistes, si l’on en croit l’opinion souverainiste, n’aurait pour seule conséquence, du fait de ses choix civilisationnels et régionaux, que d’affaiblir les nations d’Europe face aux autres puissances mondiales, au premier rang desquelles nous citerons, bien évidemment, les Etats-Unis d’Amérique. C’est la double action du morcellement régionaliste et du métissage « européiste » qui serait, en définitive, responsable du déclin des états-nations. Or, une fois de plus, nous voilà confrontés à un paradoxe. Lorsque les souverainistes déplorent l’incapacité « des Européens » à assumer leur rôle politique et militaire sur le plan international, ils ne semblent pas comprendre que cela est dû à deux facteurs fondamentaux dont le globalisme et le nationalisme sont justement responsables. Le globalisme, négateur d’identité qui constitue le fondement pseudo-européen de l’Euromarket, est à la base de l’inconsistance européenne qui n’a jamais rien été d’autre qu’une vague structure économique et financière.

    En l’absence de vraies fondations identitaires et civilisationnelles, l’Europe ne pouvait espérer devenir politiquement cohérente, et faute de cohérence politique, elle ne pouvait rester qu’une jungle financière et économique acculturée et politiquement faible, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être de 1957 à nos jours. Or, cette dissolution par le haut, exigée par le Village Global d’inspiration étasunienne, « nordiste » et « yankee » (au sens historique du terme), a été largement favorisée par le refus obstiné des statonationalistes et des souverainistes d’abandonner une part de souveraineté à l’échelon civilisationnel supérieur, afin de mettre en commun les moyens indispensables à une Europe-Puissance pour s’imposer sur le plan international. Les partisans de l’Europe des Patries n’ont jamais cessé de s’accrocher aux derniers pans d’une puissance politique et militaire nationale qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis, au nom d’un attachement à la souveraineté qui frise parfois la religiosité.

    Au niveau militaire, pour ne citer que cet exemple, le résultat est là : des moyens financiers dignes d’une superpuissance dépensés en vain au niveau européen, vingt-sept budgets nationaux, vingt-sept armées qui peuvent, au mieux servir d’armées supplétives à des armées étrangères, des redondances inacceptables en matière d’industrie militaire, tout cela pour entretenir le mythe d’une puissance nationale et souveraine pourtant militairement en situation de déclin. Comment venir ensuite se plaindre de l’inexistence politico-militaire européenne sur la scène internationale ? Mais l’on préférera se bercer d’illusions, en vantant le retour à une agriculture totalement nationale, on prônera l’abandon de l’euro au profit de l’ancienne monnaie nationale, nourrissant ainsi l’espoir plus qu’improbable –tel le génie de la fable, le libéralisme, échappé de la lampe magique nationale au 20ème siècle, pour gagner les horizons planétaires, n’y retournera plus jamais – de voir se rapatrier les industries nationales, tout cela en ignorant ce problème essentiel : l’Europe est, depuis la perte de ses colonies, dépourvue de richesses naturelles et, notamment, de ressources énergétiques. On se demande donc comment, dépourvues de ces ressources, et divisées sur la scène internationale, les « post-puissances » européennes pourraient maintenir, ne fut-ce qu’à moyen terme, leur rang de puissance ? Les nations européennes doivent donc choisir : survivre ensemble ou mourir seules.

    La complémentarité de l’Empire et de la Nation

    La France nourrit donc à l’égard de l’Empire, et partant, de l’Europe, une méfiance qui semble relever de l’atavisme. Qu’il apparaisse sous les traits de l’empire des Habsbourg, de l’Union européenne ou de l’ « empire américain », tout « projet impérial » – ou ce qui en tient lieu – est perçu par Paris comme une menace pour sa souveraineté. Ainsi, un ouvrage collectif paru chez Ellipses au début des années 2000, auquel j’eus d’ailleurs la possibilité de participer – « Guerres dans les Balkans », paru sous la direction du général Gallois – était-il sous-titré « La nouvelle Europe germano-américaine », référence particulièrement révélatrice à la crainte très française d’une double domination « impériale », américaine d’une part, et allemande, pour ne pas dire « mitteleuropéenne », d’autre part. Et c’est là qu’il est, nous semble-t-il, intéressant de comparer la vision qu’ont de cette problématique les Français et les Belges francophones, étant moi-même, dirais-je, l’un des derniers Bruxellois de souche.

    On peut dire que les états-nationaux belge et français se sont développés de manière radicalement opposée : autant la France apparaît comme le berceau de l’idée de Nation, autant la Belgique apparaît comme un état-national particulièrement bancal, créé par les grandes puissances du 19ème siècle, pour diverses raisons stratégiques ; autant la France se pose en état jacobin centralisé, autant la Belgique n’en finit pas de gérer le divorce de ses deux principales composantes flamande et wallonne. La Flandre, elle, a su bâtir une identité nationale forte (encore que cela devrait être sans doute relativisé), mais qu’en est-il de cette Belgique francophone qui rassemble des Wallons et des Bruxellois de langue française ? Comment peut-on définir un Belge francophone, sinon, en schématisant, comme un « Français d’histoire impériale » ? De fait, culturellement et linguistiquement tourné vers la France, le Belge francophone ou, plus précisément, le francophone de Belgique, est historiquement tourné vers l’Europe centrale germanique et impériale dont, notamment via les Habsbourg, les Pays-Bas méridionaux (qui correspondaient globalement à la Belgique actuelle), ont dépendu durant plusieurs siècles.

    L’on évoque souvent le conflit wallo-flamand ou la ligne de fracture germano-latine passant par Bruxelles, mais l’on a peu conscience du fait que la question de l’opposition entre la Francité et l’Empire fait essentiellement partie de l’identité des francophones de Belgique, et voilà pourquoi l’on peut considérer que l’actuel débat français sur la Nation et l’Europe (ou/et l’Empire) nous est plus que familier, et que notre témoignage historique a donc pleinement sa place dans ce débat.

    Entre Mitteleuropa impériale et Francité jacobine

    Si linguistiquement et culturellement, le Belge francophone appartient bien à l’espace français, il fut aussi, des siècles durant, un sujet de Charles-Quint et des Habsbourg (ennemis traditionnels du Royaume de France), jusqu’à ce que les sans-culottes ne chassent les Autrichiens de nos contrées qui restèrent françaises de 1794 à 1814, avant d’être plongées brutalement dans l’univers nationaliste européen. C’est là un paradoxe que tout francophone de Belgique – du moins parmi ceux qui ont encore une conscience et une connaissance de leurs racines et de leur Histoire – doit apprendre à gérer du mieux qu’il peut. Nous ne nous étendrons évidemment pas sur les nombreuses réponses que l’on peut tenter d’apporter à ce problème, pour ne retenir que deux options : l’historique et la géopolitique. Pour résumer, disons que la logique historique est partagée par ceux qui souhaitent le maintien de la Belgique au nom d’un « mythe lotharingien » qui suppose l’existence d’un espace géopolitique naturel particulier situé entre la France et l’Allemagne, une idée parsemée de références aussi romantiques que nostalgiques à un prétendu « bon vieux temps » des ducs de Bourgogne et de Charles-Quint, dont la Belgique serait la naturelle héritière.

    La logique géopolitique, elle, est partagée par ceux qui, bien qu’ayant constaté que la Belgique ne constitue pas un état-national viable, veulent malgré tout coller à la réalité statonationaliste moderne et se tournent donc, tout naturellement vers la France à laquelle ils voudraient voir rattacher la Wallonie, voire toutes les communes à majorité francophone de Belgique. Vivre dans des mythes passéistes et un état hybride d’état-national et d’Ancien Régime, en attendant l’éventuel divorce d’avec la Flandre, ou tenter de trouver sa place dans une France hexagonale centralisée, voilà globalement le choix que  laisse aux francophones de Belgique, la vieille opposition identitaire entre la Mitteleuropa impériale et la Francité jacobine.

    Entre Habsbourg et Bonaparte : un ressenti personnel

    Pour ma part, je n’ai jamais adhéré à une forme ou l’autre de nationalisme, mes origines bruxelloises et « administrativement belges » me prédisposant bien peu, il est vrai, à une telle démarche. Je me suis donc naturellement tourné vers la France et l’Europe, soit vers la Francité et l’Empire. J’ai toujours perçu ces deux aspects de mon identité non comme antagonistes mais, bien au contraire, comme parfaitement complémentaires, regrettant au passage tout ce qui, à travers l’Histoire, a pu séparer la France de la Mitteleuropa et tout ce qui a opposé la Nation française à l’Empire. Sans être aucunement monarchiste, je n’en suis donc pas moins « impérialiste », au sens réel du terme et non au sens idéologique, et mes choix historiques se sont donc naturellement portés, simultanément, vers l’Empire des Habsbourg et le Premier empire français, le premier, notamment en raison de sa structure décentralisée et diversifiée, prélude d’une construction européenne enracinée, le second par amour d’une certaine grandeur et de la qualité de vie françaises et on le voit, il n’y a là aucune contradiction. Par opposition aux forces qui veulent uniformiser, standardiser, en niant la diversité régionale (statonationalisme), la diversité nationale (européisme), voire même la diversité civilisationnelle (globalisme), autant de démarches, nous semble-t-il, fondamentalement anti-identitaires, la logique « impériale », fédérale, européaniste veut, bien au contraire, reconnaître tous les éléments identitaires de notre civilisation et les imbriquer harmonieusement dans une structure relevant d’une claire volonté de préserver l’ensemble de nos différences enracinées.

    L’européanisme polyculturel et identitaire n’est donc en rien comparable au multiculturalisme européiste et négateur des identités. Je me sens d’autant mieux en France que je me sais bruxellois, je me sens d’autant mieux en Europe que j’ai conscience de mon appartenance à la Francité (je ne peux, hélas, dire « à la France »), et j’aimerais pouvoir me définir comme Européen dans le monde, sans devoir faire référence à cette prétendue « Union européenne », qui est aujourd’hui tout sauf unie et enracinée. Et lorsqu’on vante le patriotisme économique américain, n’est-ce pas justement reconnaître l’efficacité d’un modèle fédéral pour l’Europe, alors que faire le choix du protectionnisme statonationaliste reviendrait plutôt à faire l’apologie d’un plus qu’hypothétique patriotisme californien ou texan ? Imagine-t-on New-York boycotter les vins de Californie ? Cela n’empêche nullement les Etats américains d’être autonomes dans bien des domaines, notamment celui de la justice. Preuve supplémentaire qu’une fédération bien conçue ne s’oppose ni au patriotisme, ni aux enracinements particuliers, que du contraire.

    Conclusion : oui au fédéralisme intégral

    Et voilà pourquoi les européanistes font le choix, pour l’Europe, d’un fédéralisme intégral qu’il convient de ne pas confondre, justement, avec ce fédéralisme global, jacobin, anti-identitaire, européiste, que nous impose aujourd’hui l’Euromarket. Dans l’optique du fédéralisme intégral, tout à la fois polyculturel et enraciné, la Région a pour fonction principale d’approfondir l’enracinement de la Nation dont la fédéralisation, loin de la disloquer, aurait pour conséquence l’affermissement de sa base identitaire, la non-reconnaissance et l’affaiblissement des enracinements régionaux aboutissant, au contraire, à la transformation de la Nation en une coquille vide bureaucratique, première marche d’une Europe européiste tout aussi vide et bureaucratique, comme nous le prouve l’actualité. Régionalisme ne signifie pas pour autant indépendantisme et la Nation a donc pour fonction de maintenir l’unité des entités régionales qui la composent et qui doivent, au-delà des légitimes démarches linguistiques régionales, restées liées par une même langue nationale sans laquelle la Nation ne pourrait survivre : le cas belge est là pour le démontrer, pas d’état-national viable sans unité linguistique. Comme la Région, la Nation est donc le dépositaire d’un héritage linguistique, mais également culturel et historique, sa désintégration ne pouvant que déboucher sur une forme ou l’autre de chaos. Mais nationalisme ne signifie pas pour autant souverainisme jacobin. En contestant aux régions leur droit à l’enracinement particulier, la Nation se dénie logiquement le droit de faire état de revendications semblables à l’échelle civilisationnelle. En outre, le morcellement souverainiste a pour résulta l’affaiblissement de la Civilisation entière qui, divisée, se trouve dépourvue des moyens qui lui permettraient de rivaliser avec les autres puissances, et cette état de division est d’autant plus grave pour l’Europe qu’elle se trouve, comme nous l’avons déjà souligné, largement dépourvue de ressources naturelles.

    Or, les Nations n’ont plus les moyens, notamment militaires, de prendre le contrôle celles-ci, et nous avons vu, lors de l’affaire libyenne, que la France ne pouvait, à elle seule, soumettre un petit pays, équipé d’armes obsolètes, telle que la Libye. Se bercer d’illusions en rêvant à la gloire passée de la Nation ne permettra pas pour autant à celle-ci de renouer avec un passé définitivement révolu. La France-Puissance n’est plus et sans l’Europe-Puissance, la France et les autres nations ne pourront survivre seules. L’unité civilisationnelle s’impose donc. Ce qui doit nous gêner, ce n’est point de voir des bouteilles de vin espagnol ou des fromages italiens sur nos tables, mais de voir nos viticulteurs et nos agriculteurs européens concurrencés par l’importation de vins chiliens et d’haricots verts du Kénya. Une flèche se brise aisément, contrairement à un faisceau de flèches. Voilà pourquoi nous, européanistes, prônons la construction d’un fédéralisme européen intégral, respectueux des enracinements particuliers régionaux (patries charnelles) et nationaux (patries nationales) et permettant l’édification d’une Europe-Puissance sans laquelle ni nos régions, ni nos nations ne pourront survivre. Ainsi, loin de s’opposer, la Région, la Nation et la Civilisation nous apparaissent comme parfaitement complémentaires.

    Éric Timmermans http://fr.novopress.info