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  • La Russie aux temps postmodernes par Georges FELTIN-TRACOL

    Signalons l’existence de deux excellentes revues :

    — le n° 43 du quadrimestriel Réfléchir & Agir (hiver 2013) vient de paraître :

    http://www.reflechiretagir.com/nouv.html

     

    — le mensuel Salut public (n° 12, février 2013) est dorénavant en accès libre en format pdf. :

    http://troisiemevoie.fr/6768-salut-public-n12-fevrier-2013/

     

    Toujours très bonnes, très libres et très non-conformistes lectures !

    La rédaction d’Europe Maxima.

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    Penseur néo-eurasiste influencé par les œuvres de René Guénon et de Julius Evola, polyglotte émérite à l’insatiable curiosité, Alexandre Douguine incarne pleinement ce que le communiste italien Antonio Gramsci qualifiait d’« intellectuel organique ». L’auteur d’une abondante bibliographie qui va de la géopolitique à l’étude sociologique des musiques contemporaines vient de publier la traduction française de sa Quatrième théorie. Il faut en saluer la parution tant ses écrits demeurent rares et méconnus dans le monde francophone. La sortie de cet essai est un grand événement éditorial !

    Lecteur attentif d’Arthur Moeller van den Bruck, de Claude Lévi-Strauss, de Georges Sorel, Alexandre Douguine s’est aussi inspiré des travaux de Martin Heidegger, Francis Fukuyama, Carl Schmitt, Gilles Deleuze ou Guy Debord.

    Pragmatique partant d’un constat accablant, le fondateur du Mouvement international eurasien se demande : « Comment faire de la politique quand il n’y a pas de politique ? Il n’existe qu’une seule solution : refuser les théories politiques classiques, tant vaincues que triomphantes, et faire preuve d’imagination, saisir les réalités du nouveau monde global, déchiffrer correctement les défis du monde postmoderne et créer quelque chose de nouveau, au-delà des affrontements politiques des XIXe et XXe siècles (p. 12). » Prenant par conséquent acte de la victoire de la pensée libérale qu’il appelle “ Première théorie ” et des échecs du communisme, « Deuxième théorie », et du « fascisme » (au sens très large du mot), « Troisième théorie », Alexandre Douguine esquisse une « Quatrième théorie politique » « non pas comme un travail ou une saga d’auteur, mais comme la direction d’un large spectre d’idées, d’études, d’analyses, de prévisions et de projets. Tout individu pensant dans cette optique peut y apporter quelque chose de soi (p. 13) ».

    Cela fait très longtemps qu’Alexandre Douguine était en quête d’une nouvelle solution politique. Dès 1994, il en exposait les prémices théoriques dans un entretien passé inaperçu paru dans le n° 119 nouvelle série du magazine Le Crapouillot (mai – juin 1994), intitulé « Créer l’Europe des ethnies (pp. 9 – 13) ». Estimant que « le temps de la gauche anti-capitaliste est définitivement passé (art. cit., p. 9) », Douguine prévoyait l’entrée « dans l’ère de la droite anti-capitaliste – donc nationaliste, identitaire, différencialiste et organiciste (art. cit., p. 9) ». Il ajoutait plus loin que « nous sommes en présence de la naissance de la nouvelle idéologie anti-libérale, qui unira, en son sein, trois tendances politiques collectivistes, à savoir : le nationalisme, le socialisme et la démocratie, en opposition à la tendance libérale qui est essentiellement individualiste (art. cit., p. 12) ».

     

    Contre le libéralisme postmoderne

     

    Une nouvelle vision du monde s’impose, car le début du XXIe siècle marque l’achèvement de l’ère moderne ainsi que l’obsolescence de ses trois grandes théories mobilisatrices au profit d’une fluidité croissante et d’une mutation majeure de la doctrine libérale elle-même. Ce changement s’opère néanmoins dans un monde saturé d’idées libérales qui, du fait de leur réussite même, engendrent un « post-libéralisme » ou un « libéralisme 2.0 », promoteur d’une « société de marché globale (p. 21) ». C’est parce que « le libéralisme, mettant toujours l’accent sur la minimalisation du politique, a décidé, après sa victoire, de supprimer de façon générale la politique (p. 11) » que « le monde global doit être dirigé seulement par les lois économiques et la morale universelle des “ droits de l’homme ”. Toutes les décisions politiques sont remplacées par des techniques (p. 21) ». Ce « post-libéralisme » commence même à modifier la nature humaine. Douguine désigne donc clairement « le libéralisme et ses métamorphoses (p. 37) » postmodernistes (terme à préférer à celui de « post-moderne ») comme l’ennemi principal à abattre. Émanation des Lumières, « l’individualisme est devenu le sujet normatif à l’échelle de toute l’humanité. Apparaît alors le phénomène de la mondialisation, et le modèle de la société post-industrielle commence à se manifester, l’époque du postmoderne commence. Désormais, le sujet individuel n’apparaît plus comme le résultat d’un choix mais comme une certaine donnée générale obligatoire. La personne est libérée de  “ l’appartenance ”, l’idéologie “ des droits de l’homme ” devient communément acceptée (du moins – en théorie) et, dans les faits, obligatoire. L’humanité, composée d’individus, tend naturellement vers l’universalité, devient globale et unifiée. Ainsi naît le projet d’« État mondial » et de “ gouvernement mondial ” (le globalisme) (p. 20) ». Ses méfaits, réels, insidieux et profonds, dévastent tout autant les milieux naturels pollués que les psychismes. Il relève que « la logique du libéralisme mondial et de la mondialisation nous tire vers l’abîme de la dissolution postmoderniste dans la virtualité. Notre jeunesse a déjà un pied dans cet abîme : les codes du globalisme libéral s’introduisent de plus en plus efficacement au niveau de l’inconscient, dans les habitudes, la publicité, le glamour, les technologies, les modèles de réseau. La perte de l’identité, non seulement nationale ou culturelle mais aussi sexuelle et bientôt humaine, est désormais chose commune. Et les défenseurs des droits de l’homme, sans remarquer la tragédie de peuples entiers sacrifiés selon les plans cruels du “ nouvel ordre mondial ”, hurleront demain à la violation des droits des cyborgs ou des clones (p. 54) ». L’égalitarisme prôné par le « libéralisme 2.0 » est l’ultime réductionnisme de l’Occident globalitaire anomique.

    Ce dispositif total, néo-totalitaire, de nivellement général bénéficie d’un redoutable modèle attractif : les États-Unis d’Amérique. Fille de la Modernité et matrice d’un postmodernisme « ultra-moderne », « l’Amérique prétend désormais à une diffusion universelle d’un code unitaire, qui pénètre dans la vie des peuples et des États par des milliers de voies différentes – comme le réseau global – à travers la technologie, l’économie de marché, le modèle politique de la démocratie libérale, les systèmes d’information, les clichés de la culture de masse, l’établissement du contrôle stratégique direct des Américains et de leurs satellites sur les processus géopolitiques (p. 47) ».

     

    Décomposition des droites et des gauches

     

    Contre cette « Hydre de Lerne » postmoderniste, un regard critique sur l’histoire des idées politiques est indispensable afin de concevoir une théorie novatrice. Alexandre Douguine prévient qu’elle « ne peut être une tâche individuelle pas plus que celle d’un petit cercle d’individus. L’effort doit être synodique, collectif. Les représentants d’autres cultures et d’autres peuples (d’Europe, ainsi que d’Asie), qui se rendent compte également de façon aiguë de la tension eschatologique du moment présent (p. 32) ». On y décèle ici la double influence de l’« impersonnalité active » chère à Evola et du sobornost de l’Orthodoxie. Il espère que la Quatrième théorie politique sera « une alternative au post-libéralisme, non pas comme une position par rapport à une autre, mais comme idée opposée à la matière; comme un possible entrant en conflit avec le réel; comme un réel n’existant pas mais attaquant déjà le réel (p. 22) ».

    À cette fin, il devient utile de dresser la généalogie et la taxinomie des idées politiques modernes. L’anti-conformisme de la démarche de Douguine est déjà ancienne puisque cela fait longtemps qu’il propose de comprendre les auteurs de l’ultra-gauche d’un œil révolutionnaire-conservateur et de commenter les penseurs de l’« extrême droite » à l’aune de Marx, de Toni Negri et d’autres théoriciens gauchistes. Tout en reprenant la distinction classique entre la « droite » et la « gauche », Douguine dynamite en réalité cette dichotomie familière en discernant trois idéologies de « gauche » : les « vieilles gauches » avec les marxistes, les sociaux-démocrates et les zélateurs travaillistes d’une pseudo-« troisième voie » du Britannique Giddens, gourou de Tony Blair; les « nouvelles gauches » qui rassemblent sous ce label les néo-gauchistes, les altermondialistes et les postmodernistes genre Negri; et les « nationalistes de gauche », à savoir les tendances nationales-bolcheviques, nationales-communistes et « nationales-gauchistes ». Quant à la « droite » que Douguine préfère nommer « conservatisme » parce que c’« est un “ non ” adressé à ce qui est autour. Et au nom de quoi ? Au nom de ce qui était avant (p. 86) », il distingue :

    — le conservatisme fondamental où l’on retrouve les écoles de la Tradition et les monothéismes dits « intégristes », y compris un certain islamisme;

    — le libéral-conservatisme qui « dit “ oui ” à la tendance principale qui se réalise dans la modernité mais s’efforce de freiner à chaque nouvelle étape de la réalisation de ces tendances (p. 92) »;

    — les forces conservatrices-révolutionnaires qui « ne veulent pas seulement geler le temps à la différence des libéraux-conservateurs ou encore revenir dans le passé (comme les traditionalistes) mais arracher à la structure de ce monde les racines du mal et annihiler le temps en tant que propriété destructrice de la réalité, réalisant le dessein secret, parallèle et insoupçonné de la Divinité elle-même (p. 97) ».

    Douguine analyse finement l’approche contre-révolutionnaire (Maistre, Bonald, etc.) pour qui « le postmoderne avec sa dérision suive son cours, qu’il dissolve les paradigmes déterminés, l’ego, le super-ego, le logos, que le rhizome et les masses schizophréniques ainsi que la conscience morcelée entrent en jeu et que le néant entraîne derrière lui tant le contenu du monde, alors s’ouvriront des portes secrètes et les archétypes ontologiques anciens, éternels, apparaîtront à la surface et de façon terrible mettront fin au jeu (pp. 99 – 100) ».

    Après avoir déterminé idéalement ces tendances politiques, Alexandre Douguine les recherche sur la scène politique russe avec d’inévitables mélanges contextuels. Le Parti communiste de la Fédération de Russie de Guennadi Ziouganov est sans conteste national-communiste alors que le mouvement Rodina (« Patrie ») fut inconsciemment national-gauchiste. Si l’opposition à Vladimir Poutine, malgré Limonov, verse plus ou moins dans le libéralisme et l’occidentalisme, Russie unie défend une conception sociale-conservatrice. Enfin, son eurasisme radical puise à la fois dans la Tradition et dans la Révolution conservatrice. Mais toutes les formations politiques russes communient dans un ardent patriotisme, ce que ne comprennent pas les observateurs occidentaux…

    Il ne fait guère de doute que l’eurasisme constitue, aux yeux d’Alexandre Douguine, le cœur de la Quatrième théorie politique. Discutant des thèses culturalistes du « choc des civilisations » de Samuel Huntington, il dénie à la Russie tout caractère européen. Par sa situation géographique, son histoire et sa spiritualité, « la Russie constitue une civilisation à part entière (p. 167) ». Déjà dans son histoire, « la Russie – Eurasie (civilisation particulière) possédait tant ses propres valeurs distinctes que ses propres intérêts. Ces valeurs se rapportaient à la société traditionnelle avec une importance particulière de la foi orthodoxe et un messianisme russe spécifique (p. 146) ». Et quand il aborde la question de la Russie et de son peuple-noyau, les Russes issus des Slaves orientaux, Alexandre Douguine déclare son amour à son peuple et à sa terre. « Peuple du vent et du feu, de l’odeur du foin et des nuits bleu sombre transpercées par les gouffres des étoiles, un peuple portant Dieu dans ses entrailles, tendre comme le pain et le lait, souple comme un magique et musculeux poisson de rivière lavé par les vagues (p. 302) », les Russes incarnent un peuple tellurique.

     

    Un conservatisme rénové

     

    Via l’eurasisme s’élabore une nouvelle approche du conservatisme, un conservatisme repensé, révolutionnaire et adapté à la phase post-moderne des temps. Alexandre Douguine affirme que « le conservateur aime ce qui est grand et dans l’homme, il aime ce qui est grand et élevé (p. 111) ». Il est logique que « le conservatisme, défendant l’éternité, défend également l’éternité de l’homme, de l’homme en tant que structure douée de signes intangibles et d’une vie inaliénable. L’Homme est un concept conservateur (p. 110) ». La modernité libérale et le postmodernisme post-libéral nient au contraire l’homme singulier pour mieux valoriser un homme abstrait doté de droits fallacieux ou extravagants (voir la dernière lubie lyssenkiste en date avec la pseudo-théorie du genre).

    « Pluralisme gnoséologique, [… l’eurasisme est] une forme spécifique de conservatisme, qui se différencie des autres versions de conservatisme proches (à la différence du libéral-conservatisme), par le fait qu’elle trouve une alternative au moderne non pas dans le passé, ou dans un renversement conservateur révolutionnaire exceptionnel, mais dans les sociétés cœxistant avec la civilisation occidentale mais géographiqement et culturellement distinctes d’elle (p. 101). » Fort de ce constat, Douguine se permet de « déconstruire » la démocratie dans sa pratique libérale hypocrite. Il remarque d’abord que « le principe de prise de décisions collectives constitue le fondement de la démocratie (p. 58) » et que « la démocratie constitue la forme d’organisation politique la plus ancienne, la plus archaïque, la plus primitive et, si l’on veut, la plus barbare (p. 57) ». Ne craignant pas de se mettre à dos les belles âmes occidentalocentrées, il assène que « la démocratie ne reconnaît aucunement l’égalité des individus. Elle comporte une limite très stricte qui sépare ceux qui ont le droit de participer à l’extase politique de la décision de ceux qui ne le peuvent pas (p. 58) ». L’octroi du droit de vote aux étrangers va à l’encontre de cette stricte différenciation et favorise plutôt « la tyrannie [qui] remplace la démocratie en tant que forme d’organisation politique plus contemporaine où pour la première fois se manifeste très clairement un individu distinct, dans notre cas le tyran (pp. 59 – 60) ».

    L’émergence d’une nouvelle figure tyrannique résulte de l’occidentalisation du monde. « Puisque modernisation et occidentalisation constituent des synonymes (Occident = moderne), il est impossible de mener une modernisation séparée de l’Occident et de ne pas copier ses valeurs (pp. 127 – 128). » Pis, « la fosse noire et vide de sens du postmoderne réalisé brille au centre de l’Occident global, les États-Unis et les pays de l’Alliance transatlantique (p. 138) ». Or, « pour combler le vide, la Russie a besoin d’une nouvelle idée politique. Le libéralisme ne convient pas, tandis que le communisme et le fascisme sont inacceptables (p. 13) ». Dès lors, « seule une croisade mondiale contre les États-Unis, l’Occident, la mondialisation et leur expression politico-idéologique, le libéralisme, peut constituer une réponse adéquate (p. 55) », d’où l’importance d’une Quatrième théorie politique particulièrement adaptée à la Russie.

    « La lutte contre la métamorphose postmoderniste du libéralisme en postmoderne et un globalisme doit être qualitativement autre, se fonder sur des principes nouveaux et proposer de nouvelles stratégies (p. 22). » C’est le but tactique de l’eurasisme et de la Quatrième théorie politique. Contre le « nomadisme de l’asphalte (p. 258) » célébré par les médiats occidentaux globalitaires ultra-individualistes et ochlocratiques, Alexandre Douguine, en chrétien orthodoxe vieux-croyant conséquent, désigne l’atlantisme, « mal absolu (p. 258) », comme l’hérésie contemporaine contre laquelle le combat doit être implacable. « Pour les eurasistes, le moderne est un phénomène spécifique à l’Occident tandis que les autres cultures doivent démasquer les prétentions à l’université de la civilisation occidentale et construire leur société sur leurs valeurs internes (p. 101). »

     

    De l’empire au grand espace

     

    Guidé par les travaux de Johann Gottfried von Herder, Friedrich Ratzel, Jean Parvulesco et Raymond Abellio, Alexandre Douguine veut que « l’eurasisme se positionne fermement non pas en faveur de l’universalisme, mais en faveur des “ grands espaces ”, non pas en faveur de l’impérialisme, mais pour les “ empires ”, non pas en faveur des intérêts d’un seul pays, mais en faveur des “ droits des peuples ” (p. 207) ». Dans un monde enfin multipolaire, chaque pôle d’influence mondiale s’édifiera autour d’un grand espace géo-culturel particulier.

    Homme de Tradition qui se réfère à l’ethnosociologie, à la géopolitique et à la théologie, Alexandre Douguine se défie des concepts d’État et de nation. Si le premier, malgré sa froideur intrinsèque, reste pour lui nécessaire, le second ne correspond pas à l’esprit des steppes eurasiennes. Mais sa critique ne coïncide pas avec celle des libéraux. En effet, pour un libéral, « la “ nation ” désignait l’ensemble des citoyens de l’État, dans lequel s’incarne le contact des individus qui le peuplent, unis par un territoire de résidence commun, ainsi que par un même niveau de développement de l’activité économique (p. 41) ». Quant à l’État-nation, il « représentait une sorte de “ corporation ” ou d’entreprise, créée selon l’accord mutuel de ses participants et qui peut être théoriquement dissoute pour les mêmes raisons (p. 42) ». Or, répondant aux discours tenus par des « nationaux-souverainistes » russes, Douguine affirme que le destin de la Russie n’est pas de devenir une nation, mais de rester un empire. « Entre l’Empire et le “ grand homme ” (homo maximus), il existe une homologie directe. L’Empire est la société maximale, l’échelle maximale possible de l’Empire. L’Empire incarne la fusion entre le ciel et la terre, la combinaison des différences en une unité, différences qui s’intègrent dans une matrice stratégique commune. L’Empire est la plus haute forme de l’humanité, sa plus haute manifestation. Il n’est rien de plus humain que l’Empire (p. 111). » « L’empire constitue une organisation politique territoriale qui combine à la fois une très forte centralisation stratégique (une verticale du pouvoir unique, un modèle centralisé de commandement des forces armées, la présence d’un code juridique civil commun à tous, un système unique de collecte des impôts, un système unique de communication, etc.) avec une large autonomie des formations sociopolitiques régionales, entrant dans la composition de l’empire (la présence d’éléments de droit ethno-confessionnel au niveau local, une composition plurinationale, un système largement développé d’auto-administration locale, la possibilité de cœxistence de différents modèles de pouvoir locaux, de la démocratie tribale aux principautés centralisées, voire aux royaumes) (pp. 210 – 211). »

    L’idée d’empire est plus que jamais d’actualité dans les faits, car, si l’Union européenne demeure un « empire hésitant (p. 218) », Alexandre Douguine souligne avec raison que les élites étatsuniennes raisonnent, elles, dans ces termes avec le Benevolent empire. Idem chez les islamistes qui rêvent, eux, d’un califat universel et dont « le projet islamique en tant que réponse à la mondialisation américaine coïncide pleinement avec la définition de l’empire. […] Il s’agit d’un projet d’empire mondial alternatif (pp. 217 – 218) ».

    L’empire correspond de nos jours à la notion géopolitique de civilisation. « La mise en évidence de la civilisation en qualité de sujet de la politique mondiale au XXIe siècle permettra de mener une “ globalisation régionale ”, une unification des pays et des peuples qui se rapportent à une seule et même civilisation (p. 187). » En clair, faire des civilisations des « grands espaces ». Théorisé par Carl Schmitt, l’un des plus grands penseurs du XXe siècle, « le “ grand espace ” ne constitue qu’une autre dénomination de ce que nous comprenons sous le terme de civilisation dans son sens géopolitique, spatial et culturel. Un “ grand espace ” se distingue des États-nations existant aujourd’hui précisément en ceci qu’il se construit sur le fondement d’un système de valeurs et d’une parenté historique, ainsi que par le fait qu’il unit plusieurs, voire un grand nombre d’États différents liés par une “ communauté de destin ”. Dans différents grands espaces, le facteur d’intégration peut varier : dans un cas, la religion peut jouer ce rôle, dans un autre, l’origine ethnique, la forme culturelle, le type sociopolitique ou la situation géographique (p. 188) ».

    Arme géopolitique anti-mondialiste par excellence, « le “ grand espace ” découle d’une stratégie anticoloniale et présuppose (d’un point de vue purement théorique) une alliance volontaire de tous les pays du continent s’efforçant d’affirmer collectivement leur indépendance (p. 194) ». Ainsi peut-on soutenir, concernant la politogenèse européenne, que « les continentalistes affirment que les États-Unis et l’Europe ont non seulement des intérêts divergents, mais également des valeurs divergentes (p. 140) » parce qu’avec les grands espaces civilisationnels, « il n’y aura aucun étalon universel, ni matériel, ni spirituel. Chaque civilisation recevra enfin le droit de proclamer librement ce qui constitue pour elle la mesure des choses. Ici, ce sera l’homme, là, la religion, ailleurs, l’éthique, ailleurs enfin, la matière (p. 191) ». Si l’Union européenne paraît dans l’impossibilité de former un grand espace impérial conscient de son destin, Douguine appelle cependant les Européens à ne pas céder au fatalisme et au pessimisme. Certes, « aujourd’hui l’axe Paris – Berlin – Moscou apparaît plus que jamais fantomatique mais […] de ces mêmes fantômes naissent parfois de grands phénomènes (pp. 229 – 230) ». Il souhaite en revanche que la C.E.I. (Communauté des États indépendants) et les autres organisations de coopération comme l’Organisation du traité de sécurité collective (O.T.S.C.), la Communauté économique eurasiatique (C.E.E.), l’Organisation de coopération centre-asiatique (O.C.C.E.) et l’Union de la Russie et du Bélarus jettent les bases solides de « l’empire eurasiste du futur (p. 223) » capable d’affronter l’Occident financiariste et mondialiste.

     

    Dans cette lutte à venir (mais qui a dès à présent commencé avec les actions médiatiques des bandes pétassières des Pussy Riots et des FemHaine ou les attaques anti-russes des cloportes du Congrès étatsunien), la Russie est à l’avant-poste de la bataille. Toutefois, Douguine se désole que « la position du pouvoir russe contemporain envers l’Occident (dans son incarnation actuelle) demeure indéterminée. Le pouvoir a rejeté un occidentalisme direct sans pour autant occuper une position alternative (slavophile, eurasiste). Le pouvoir s’est figé, de même que quelquefois un ordinateur cesse de fonctionner. Ni dans une direction, ni dans l’autre (p. 165) ». Il déplore que les blindés ne se soient pas entrés dans Tbilissi à l’été 2008. Ces atermoiements sont préjudiciables à la Russie qui, en tant que Troisième Rome potentiel, pourrait déjà pratiquer une diplomatie multipolaire, « même si actuellement seuls l’Iran, le Venezuela, la Syrie, la Bolivie, le Nicaragua, la Corée du Nord, la Biélorussie et, avec prudence, la Chine, la défendent (p. 163) ».

     

    Dépassement des idéologies modernes et formulation nouvelle d’un conservatisme traditionnel et impérial, « la Quatrième théorie apparaît donc comme un projet de “ croisade ” contre le postmoderne, la société post-industrielle, le projet libéral réalisé dans la pratique, le globalisme et ses fondements logistiques et technologiques (p. 23) ». C’est une déclaration de guerre qu’il convient d’apprécier ! L’assomption de l’Europe passe bien par la Quatrième théorie politique.

     

    Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/

     

    • Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique. La Russie et les idées politiques du XXIe siècle, avant-propos d’Alain Soral, Ars Magna Éditions, Nantes, 2012, 336 p., (B.P. 60 426, 44004 Nantes C.E.D.E.X. 1). Pour recevoir le livre, écrire à l’éditeur, en accompagnant cette demande d’un chèque de 32 € franco.

  • Radio Courtoisie - Emmanuel Ratier - Au coeur du pouvoir

  • Italie : Le «populiste et démagogue» Beppe Grillo devrait faire une entrée fracassante au Parlement

    Ratissant de l’extrême gauche à l’extrême droite, le comique Beppe Grillo devrait faire une entrée fracassante au Parlement italien avec un score de l’ordre de 20%. Un véritable «tsunami politique» selon Le Point.

    Quel sera lundi soir le score du Mouvement 5 étoiles, 17 % ? 20 % ? 25 % ? Le quotidien La Repubblica prévoit jusqu’à 200 «Grillini» – les partisans de Grillo – dans le nouveau Parlement.

    Il l’avait promis et il l’a fait. Pour son dernier meeting électoral, Beppe Grillo a rempli de plus de 500 000 supporteurs la Piazza San Giovanni, la plus grande place de la Ville éternelle, qui accueille depuis un siècle les rassemblements du peuple de gauche. Durant les mêmes heures, Silvio Berlusconi déclarait forfait à la manifestation prévue à Naples et Pier Luigi Bersani réunissait ses fidèles… dans un théâtre de quatre cents places. Les leaders censés faire la course en tête n’ont pas osé affronter le comique populiste dans la traditionnelle démonstration de force de clôture de campagne. Un aveu de faiblesse qui alimente les craintes et les spéculations. […]

    Puis Grillo évoque son programme. Il promet tour à tour la démocratie directe via Internet et la semaine de 30 heures. Avant de se reprendre : «Non, pas 30 heures de travail hebdomadaires, mais 20 heures ! » Suivent le mariage des prêtres, un revenu minimum de 1 000 euros, la fin des missions militaires de paix «qui sont en réalité des missions de guerre». On croit alors pouvoir situer politiquement Grillo à gauche, mais le Coluche italien prend son auditoire à contre-pied. Abolition d’Equitalia, l’organisme de recouvrement des impôts, abolition de la taxe foncière, interdiction de saisir les habitations principales, condamnation de l’euro, attaque contre Angela Merkel et la politique de rigueur : c’est la moitié du programme de Berlusconi qui vient de défiler. […]

    Le Point

    http://www.fdesouche.com

  • Pour Monsanto et ses semblables le Forum de Davos, c'est le pactole (2011)

    « Ceux qui parmi nous ont eu affaire au Forum pendant quelques années savent quel formidable effet de levier est exercé par cette puissante plateforme » Muthar A. Kent, président de Coca-Cola.
    « Il y aura une autre crise », prophétisait à Davos Robert Zoellick, ancien dirigeant de Gold-man-Sachs et président de la Banque Mondiale. Jetant ainsi un froid sur une assemblée qui depuis trois jours tentait de se persuader que le pire était passé. Si toutefois nul ne cachait l'inquiétude suscitée par la flambée des prix alimentaires due au coût du baril de pétrole et à la boulimie des pays en développement. Avec, faute d'une extension des productions et des stocks, cette épée de Damoclès des colères sociales allumées par l'explosion du prix des denrées de base.
    Lors de sa précédente édition, le Forum Economique de Davos (WEF), convaincu que le projet mondialiste pourrait être mis en péril par la colère des populations affamées, un nouveau et ambitieux programme baptisé « Une nouvelle Vision pour l'Agriculture » avait été mis sur les rails. Le maître d'œuvre en est la Communauté des Industries de Consommation qui est un appendice du WEF. Outre l'agriculture, cette communauté supervise trois domaines : la consommation dite durable, l'aménagement des futurs besoins hydrauliques et la santé dans le monde. Lesquels se déclinent en six agendas essentiels à l'avenir de nos sociétés : maladies chroniques, sécurité alimentaire, nutrition, sécurité de l'accès à l'eau, consommation durable et gouvernance des océans. 26 des plus grosses multinationales de l'alimentation, de l'agro-alimentaire, de la grande distribution, de la chimie et des bio-technologies, c'est-à-dire toutes celles qui ont un intérêt financier et économique majeur dans les opérations menées par la Communauté des Industries de Consommation, sont ses partenaires.
    La moitié de ces multinationales se sont par ailleurs investies dans la « Nouvelle Vision pour l'Agriculture » et au cours de l'année 2010 ont participé activement à l'élaboration de ce programme. Ces 17 sociétés méritent d'être citées, ne serait-ce que pour mieux préciser les contours de l'opération en train de se dérouler sous les grandes envolées lyriques et les promesses d'un « monde meilleur »... et durable ! Il s'agit donc de Archer Daniels Midlands (ADM), Bunge et Cargill, les principaux conglomérats céréaliers américains, BASF, DuPont, Monsanto, Syngenta, géants agro-chimiques, Yara International, premier distributeur mondial de nutriments et engrais azotés, Métro AG, Wal Mart pour la grande distribution, et les géants de l'alimentation industrielle Nestlé, Coca-Cola, Pepsi-Cola, Kraft, General Mills, Unilever, SAB Miller, le Sud-Africain, deuxième brassier du monde.
    Cette Nouvelle Vision pour l'Agriculture, qui prétend doubler la production agricole mondiale dans les quarante prochaines années afin de satisfaire la demande de 9 milliards de tubes digestifs et les intérêts bien compris des humanistes cités plus haut, est probablement une des plus belles fumisteries que la Mondialisation ait produite à ce jour. Ses promoteurs ne faisant pas mystère d'y parvenir par une « seconde révolution verte » en tout point aussi néfaste que la première, la seule différence étant que les OGM remplaceront l'hybridation.
    Une stratégie à trois "piliers", supposés être menés de front, permet de satisfaire tout le monde. Le premier traite de la sécurité alimentaire et des besoins nutritionnels du monde. Le second du respect de l'environnement. Le troisième de l'accession au pouvoir économique, notamment dans les pays pauvres.
    LA NOUVELLE VISION POUR L'AGRICULTURE DE MONSANTO
    L'homme qui a été désigné pour présider Nouvelle Vision pour l'Agriculture s'appelle Jerry Steiner. Il est président exécutif de Monsanto, chargé du Développement Durable. Ancien vice-président de Celera Genomics, spécialisée dans le séquençage du génome, il préside également le Conseil Stratégique Biotechnique de Croplife International, qui regroupe 7 sociétés, les « Big Ag » : BASF, Bayer, Dow AgroSciences, DuPont, FMC, géant de la chimie, Monsanto, Sumitomo, conglomérat industriel japonais majeur, Syngenta, spécialiste des OGM. Successivement appelé Groupement International des Associations Nationales de Fabricants de Produits Agrochimiques, puis Fédération en Charge de la Protection des Récoltes, Croplife affirme « se consacrer à la défense de l'agriculture durable par l'innovation dans la protection des récoltes, la biotechnologie des plantes et la production de semences ».
    Jerry Steiner est également président du Council of Biotechnology Information (CBI) composé de BASF, Bayer, Dow, DuPont, Monsanto et Syngenta. Le CBI dispense « une information scientifique sur les avantages et la sécurité offerts par les biotechnologies agricoles et leurs contributions au développement durable ». En réalité une rapide visite sur son site Internet montre qu'il se consacre à peu près exclusivement à la défense des OGM.
    Présidant donc aux destinées de Vision d'Avenir pour l'Agriculture, il explique sur le site de Monsanto Produire plus pour Conserver plus : « Ce sur quoi nous avons travaillé en prévision de Davos est la mise au point d'une stratégie qui permettrait de répondre aux défis associés au doublement de la demande prévu pour 2050. Et le faire de manière... que l'agriculture satisfasse les besoins de sécurité alimentaire et nutritionnelle du monde, ce qui signifie à la fois produire suffisamment globalement tout en augmentant la production là où elle n'est pas suffisante. On atteindra ces 80 à 100 % d'augmentation d'ici 2050 en accroissant la productivité dans ces lieux où la pénurie se fait dramatiquement sentir ».
    C'est ce que ces gens appellent la « seconde révolution verte ». Leur cœur de cible se trouvera en Inde et en Afrique, qui, pour leur plus grand profit, seront appelées à multiplier les apports d'engrais chimiques et de pesticides, à développer l'irrigation et la mécanisation, à généraliser les bio-technologies et singulièrement les OGM.
    La « première révolution verte », si elle a fait la fortune de Monsanto et des autres, a abouti au fiasco écologique désormais observable partout dans le monde avec la stérilisation des terres arables par les engrais chimiques, l'empoisonnement par les pesticides des eaux souterraines, la déstructuration des sols par l'irrigation et la mécanisation et les graves atteintes à la biodiversité animale et végétale dont est responsable le développement massif de l'hybridation. Encore cette hybridation faisait-elle appel à des principes respectant l'ordre naturel des choses. Ce qui n'est nullement le cas des Organismes Génétiquement Modifiés, où l'on mélange les gènes des différents règnes et dont en dépit des affirmations des scientifiques non seulement on ne dispose d'aucune preuve de leur innocuité mais on commence à percevoir de mieux en mieux leur dangerosité. D'autant que l'essentiel de la démarche OGM en agriculture consiste à renforcer les auto-défenses de la plante trafiquée afin de permettre un épandage massif des pesticides qui ont, et cela on le sait parfaitement, des effets absolument catastrophiques sur l'environnement.
    Ainsi les média peuvent autant qu'ils veulent représenter le Forum de Davos comme une réunion sympathique du Gotha mondial politique et industriel. Il est aussi autre chose : là où ceux qui empestent ce monde se retrouvent dans la clandestinité des cabinets afin de mettre au point leurs petites saloperies.
    Petrus Agricola  Rivarol 11 FEVRIER 2011

  • Deux cents ans de guerre civile française

     Tribune libre de Paysan Savoyard

    Dans un discours de 1946 De Gaulle appelait à en finir avec « le temps où les Français ne s’aimaient pas ». Il faisait ainsi écho à un ouvrage de Charles Maurras qui établissait déjà trente ans auparavant un constat similaire. Le diagnostic, donc, n’est pas nouveau : les Français ne s’aiment pas. Ils ne s’aiment guère eux-mêmes. Et surtout ils sont profondément divisés. 

    Quoique déjà catastrophique, ce triste constat ainsi présenté enjolive encore pourtant la situation, qui est en réalité pire encore, nous semble-t-il: depuis plus de deux cents ans la France est en fait en situation de guerre civile. Une guerre qui risque fort de conduire à la disparition du pays.

    Cette guerre civile comporte des cycles, des temps, des moments. Elle est tantôt ouverte tantôt larvée. De nombreux épisodes de guerre ouverte ont marqué l’histoire des deux derniers siècles. Aux autres périodes la guerre est sourde, latente, endémique : elle prend la forme d’une confrontation agressive des idéologies, la violence devenant alors essentiellement verbale. Cependant l’état d’esprit de guerre civile reste une constante, formant comme une toile de fond à notre histoire récente.

    Depuis deux cents ans en effet nous n’assistons pas seulement au jeu des oppositions politiques, qui est une caractéristique normale des systèmes démocratiques. Le degré d’hostilité qui anime les forces qui s’affrontent excède tout à fait le cadre ordinaire du débat politique. Le plus souvent les partisans des thèses en présence se portent réciproquement une haine véritable. Ils visent mutuellement la disparition de l’adversaire ou à tout le moins sa marginalisation ou sa proscription. Il n’existe entre eux aucun sentiment d’appartenance à la même communauté nationale.

    La guerre civile, certes, ne concerne pas au même degré l’ensemble de la population. Elle met aux prises pour l’essentiel les membres de l’élite et des classes supérieures. Le peuple a un rôle plus second mais il est cependant concerné lui aussi, qu’il en soit conscient ou non, par la guerre civile en cours. Lors des épisodes violents, une partie du peuple est généralement impliquée de façon directe, en servant de masse de manœuvre manipulée par les élites. Dans les périodes de guerre civile froide, le peuple ne participe pas en première ligne à la confrontation d’idées : mais il constitue la cible de la guerre idéologique. Les protagonistes du conflit cherchent à l’influencer et à susciter son adhésion. Dans ces conditions une bonne partie du peuple est engagée elle aussi dans cette guerre séculaire. La plupart des familles françaises savent ainsi qu’elles doivent absolument proscrire en leur sein les discussions politiques ou religieuses si elles souhaitent que les liens familiaux puissent perdurer.

    Nous nous proposons de consacrer une série d’articles à la guerre civile française. Nous procéderons tout d’abord à quelques rappels historiques afin de mettre les choses en perspective. N’étant pas historien, nous nous contenterons de tracer de grandes lignes, en espérant éviter de commettre des erreurs grossières. Nous nous concentrerons sur la période actuelle, en mettant en évidence les formes que prend la guerre civile à l’œuvre dans la société française d’aujourd’hui.

    Nous n’avons nullement l’intention de proposer une thèse novatrice : nous nous inscrirons pour l’essentiel dans la continuité des analyses posées, dès la révolution française puis aux siècles suivants, par les penseurs anti révolutionnaires et traditionnalistes.

    La France est entrée dans un processus de guerre civile à compter du moment où une partie de l’élite française a mis en cause certains aspects structurants de la société en place : c’est la période de la contestation protestante. La contestation est ensuite devenue globale : elle a conduit à la révolution. La lutte entre révolutionnaires et partisans de la société traditionnelle s’est prolongée tout au long du 19e siècle. Elle a resurgi avec violence dans les années trente puis dans le cadre de la seconde guerre mondiale. Les guerres de décolonisation puis mai soixante-huit ont fourni la matière de nouveaux épisodes. La guerre civile française se poursuit depuis, selon des formes toujours renouvelées.

    On ne peut plus parler aujourd’hui de lutte entre révolutionnaires et partisans de l’ancien régime, ni d’affrontement des républicains et des monarchistes. La guerre civile a pris un nouveau tour. Elle s’est muée en un combat centré sur le concept de modernité : les « modernes » s’affrontent à ceux qui se montrent attachés à certaines survivances caractéristiques de la société traditionnelle (telles que la nation, la religion catholique, la famille). Si elle en a renouvelé les termes, la lutte des modernes et des antimodernes n’en constitue pas moins la continuation des affrontements révolutionnaires. Né il y a plus de deux siècles, le projet des révolutionnaires et de leurs successeurs, les artisans de la modernité, reste en effet inchangé : il s’agit de passer de façon globale de la société traditionnelle à une autre, assise sur des principes inverses.

    La guerre intestine franco-française a été pratiquement gagnée par la modernité : les modernes sont au pouvoir et ce depuis deux cents ans. Leur idéologie l’a emporté au sommet de la société et a également conquis pour l’essentiel l’adhésion du peuple. La société française présente cependant toujours des éléments de résistance : la victoire des modernes n’est pas complète. La guerre se poursuit donc.

    Si l’affrontement majeur qui l’anime est binaire – républicains contre traditionnalistes au 19e siècle, modernes et antimodernes aujourd’hui -  la guerre civile française met aux prises trois forces, nées au moment de la révolution. Les « républicains » sont aujourd’hui de très loin les plus nombreux et les plus puissants. Ils se subdivisent en deux courants, l’un libéral (la droite), l’autre plus social (la gauche).

    Les « communistes » n’ont jusqu’ici jamais été en mesure de l’emporter sur les républicains : cette mouvance politique reste cependant fortement présente dans les réflexes et la façon de penser d’une partie de la population. « Républicains » et « communistes » constituent, au-delà de leur opposition sur les finalités et les méthodes, le camp de la modernité.

    Les « traditionnalistes », enfin, ne représentent plus en tant que tels qu’une force résiduelle. Cependant, comme nous l’avons dit plus haut, l’attachement à certains éléments constitutifs de l’organisation sociale traditionnelle reste fortement présent au sein de la société française.

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    Le projet que nous poursuivrons dans notre série d’articles est donc le suivant : nous nous efforcerons de montrer que la lutte de la modernité contre ce qui se rattache encore à la tradition revêt tous les aspects d’une guerre civile. Même si les forces en présence sont très disproportionnées et qu’elle se livre le plus souvent à bas bruit, cette guerre est permanente, intense, totale. Elle est sans répit. Elle est sans merci. Elle risque de déboucher sur la disparition même de la société française.

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  • Italie : « Nous vivons une crise sans équivalent depuis la guerre »

    Une grande majorité des chefs d’entreprise italiens, principalement des PME, sont en colère. Ils dénoncent la bureaucratie tatillonne, l’alourdissement de la fiscalité et la difficulté à trouver des crédits. Reportage auprès de ceux qui restent encore le fer de lance de l’économie de la Péninsule.

    Manifestation contre les réformes à l’occasion de la participation de Mario Monti à une réunion politique à Bologne, le 16 juin 2012

    « Ne le dites pas, mais la crise est si grave que je conseille aux entrepreneurs de ne pas payer la location des machines et de privilégier le paiement des salaires des ouvriers. » Ce président de la Chambre de commerce d’une grande ville industrielle regarde les chiffres de la croissance et l’augmentation rapide du chômage, avant d’expliquer : « Les sociétés de leasing ont déjà plein de machines sur les bras et cela leur coûterait trop cher de venir en démonter d’autres et de les entreposer dans un hangar. Il vaut mieux ne pas les payer plutôt que d’être obligé de licencier du personnel qualifié. Mais ce petit jeu ne pourra pas durer longtemps. On peut encore tenir six mois, mais si la demande ne repart pas, ce sera la catastrophe. »

    La plupart des entrepreneurs italiens vivent désormais dans l’urgence. Depuis le début de l’année, cinq entrepreneurs du nord du pays se sont suicidés. « Nous vivons une crise sans équivalent depuis la guerre », s’alarme le constructeur Paolo Buzzetti. « Le secteur est en train de mettre la clé sous la porte. Les entreprises ne licencient pas seulement les ouvriers, mais aussi les secrétaires et même les ingénieurs. » Depuis le début de la crise, le BTP a ainsi perdu plus de 500.000 emplois. « Personne n’a jamais affronté une crise de cette ampleur », confirme Maurizio Torreggiani, président de la section de Modène de la Confédération nationale des artisans.

    Pendant des années, ce territoire qui s’étend jusqu’à la ville de Ferrare et représente 2% du PIB italien, a accumulé les performances économiques grâce au développement de pôles industriels dans le textile, la céramique, l’agroalimentaire et la mécanique. « Il y a peu, le taux de chômage ne dépassait pas les 3%. Aujourd’hui, il est au-dessus de 8% », s’inquiète Maurizio Torreggiani.

    Les remèdes trop sévères de Mario Monti

    La cure d’austérité du gouvernement de techniciens de Mario Monti a permis de redresser les comptes publics et de calmer les marchés. Mais au prix d’une récession qui contraint nombre d’entreprises à réduire la voilure, à licencier, voire à fermer. D’autant que la pression fiscale demeure l’une des plus élevées du monde. En Italie, le taux de prélèvement global sur les sociétés atteint 68,3%, dont 22,9% d’impôts sur les sociétés et 43,4% de charges sociales. La réintroduction d’un impôt foncier très lourd à la fin de 2012 a fini par affaiblir la consommation des ménages. « Les impôts sur les habitations s’élèvent au total à 44 milliards d’euros, est-ce normal ? », s’indigne Paolo Buzzetti. « Pour verser un salaire mensuel de 1.500 euros à un ouvrier, il faut verser en brut 4.200 euros », résume-t-il.

    De manière générale, chez les petits patronaux [sic], on reconnaît que l’assainissement des comptes est nécessaire mais on estime que la cure du « Professore » est trop drastique. « La situation a empiré avec la recherche de l’équilibre budgétaire, c’est une politique complètement erronée. C’est le témoin de l’idiotie des choix politiques effectués jusqu’ici », conclut Paolo Buzzetti.

    À demi-mot, certains entrepreneurs lâchent aussi que la lutte contre l’évasion fiscale, en période de crise, a aggravé la situation : « Les gens qui ont de l’argent ne le dépensent pas car ils craignent de se retrouver avec les inspecteurs du fisc sur le dos », confie Paolo Buzzetti. En 2012, l’agence de recouvrement des impôts Equitalia a régulièrement été prise à partie par des artisans et des commerçants, qui ne parvenaient plus à régler les impôts réclamés par l’État. En mars dernier, devant le siège d’Equitalia à Bologne, Giuseppe C., un petit entrepreneur, s’est installé dans sa voiture et s’est immolé par le feu.

    La garantie de l’État ne suffit plus aux banques

    La situation est d’autant plus ubuesque que l’État qui réclame le versement des taxes ne paie pas, lui, ses fournisseurs qui n’ont très souvent même plus accès au crédit. Les banques ont en effet fermé le robinet des prêts. « J’ai décroché un contrat pour produire une fiction pour la Rai [la télévision publique italienne, ndlr] mais la banque qui me connaît depuis des années refuse de m’accorder un crédit pour faire démarrer le tournage », s’indigne cette dirigeante d’une petite société de production qui compte pourtant une dizaine de films à son actif. « Ils nous étranglent », s’exclame-t-elle, dans l’attente d’obtenir un prêt à 7% d’un autre institut de crédit.

    Les cas similaires sont légion. Même les garanties de l’État ne suffisent plus. « Le dernier gouvernement Berlusconi avait approuvé une loi pour aider les jeunes à emprunter de l’argent pour acheter un logement. L’État se portait garant pour obtenir des prêts. Mais presque tous les couples qui se sont présentés au guichet se sont vus refuser les crédits », fulmine l’agent immobilier Paolo Righi.

    « Ce qui tue le pays, c’est la multiplicité et la complexité des règlements », juge Marco Achili, patron d’une petite société milanaise de photovoltaïque. « Chaque organisme administratif a sa propre interprétation d’une même procédure et réclame d’autres documents et justificatifs que ceux que l’on a pu vous demander auparavant. C’est sans fin », se lamente-t-il. À tel point que certains entrepreneurs envisagent sérieusement de délocaliser.

    D’autres n’hésitent plus à dire qu’ils voteront les 24 et 25 février pour le mouvement populiste « 5 étoiles » de l’humoriste Beppe Grillo qui propose d’envoyer balader tout le système. Il y a quelques jours à Trévise, dans cette très industrielle région du nord-est, une délégation de petits patrons et d’artisans est venue rencontrer le tribun. Emmenés par Massimo Colomban, fondateur du groupe de construction Permasteelisa, ils ont expliqué : « Nous ne croyons plus les partis traditionnels. Nous ne parvenons plus à payer les impôts et les fournisseurs. » Et d’ajouter à l’adresse de Beppe Grillo : « Soit tu fais la révolution, soit nous descendrons dans la rue avec les fourches à la main. »

    Dans ce contexte dramatique et tendu, rendu encore plus difficile par une succession de scandales mêlant la politique et des grands groupes comme Finmeccanica et la banque Monte Paschi di Siena, quelques sociétés dynamiques, innovantes et compétitives parviennent néanmoins à tirer leur épingle du jeu et à relancer les exportations italiennes. Le groupe alimentaire de Trévise Pasta Zara (qui exporte 92% de sa production) vient par exemple d’annoncer 60 millions d’euros d’investissements d’ici à 2018 et l’embauche d’une cinquantaine de personnes. Quant aux dirigeants de Ferrari, emblème de la technologie et du design italiens, ils viennent d’annoncer, pour 2012, le meilleur résultat historique de la marque avec un chiffre d’affaires de 2,43 milliards d’euros, en hausse de 8%…

    La Tribune

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  • L’Argent Dette

    La dette des gouvernements, des entreprises et des ménages a atteint des proportions astronomiques et enfle de plus en plus démesurément de jour en jour.


    L'Argent Dette de Paul Grignon (FR intégral) par bankster2008


    L'Argent Dette 2 : Promesses Chimériques 2010... par bankster2008


    L'Argent Dette III de Paul Grignon : Evolution... par bankster2008

  • Le rôle de la Franc-maçonnerie dans la réalisation de l’idéologie mondialiste…

    L’idéologie, c’est-à-dire la logique d’une idée, est souvent séduisante, mais la réalité ne plie pas devant elle. Celle-ci doit donc s’imposer par la violence. Elle a, pour cela, besoin de relais et de bras armés. Il est une officine qui n’a eu de cesse de promouvoir l’idéologie mondialiste, en favorisant notamment la destruction de l’ordre social traditionnel. C’est la Franc-maçonnerie. Le thème est abordé lors d’une émission sur radio courtoisie :

    http://www.contre-info.com/