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  • Les Rothschild (Jean Bouvier) (archive 2009)

    Professeur d’histoire économique à la Sorbonne, Jean Bouvier a consacré une étude aux Rothschild. C’est une chronique sans parti pris de l’une des plus grandes familles du capitalisme bancaire européen, chronique centrée surtout sur les origines, de 1770 à 1914.
    Mettons nos pas dans ses traces.
    Zoom sur les Rothschild, pour comprendre d’où ils viennent.
    Du XVI° siècle au milieu du XVIII° siècle, les Rothschild sont des négociants de moyenne envergure, résidant dans la rue aux Juifs, à Francfort sur le Main. Leur habileté dans les affaires leur permet progressivement de s’installer comme « Juifs de Cour », c'est-à-dire négociant juif qui tire profit des réseaux du commerce juif, à travers l’Allemagne morcelée du XVIII° siècle, pour se rendre indispensable aux princes locaux. En l’occurrence, dans le cas des Rothschild, les voilà chargés de fournir l’intendance aux troupes et à la Cour du prince de Hesse. Les Rothschild amarrent ainsi leur destinée à un prince retors, connu pour vendre ses hommes au roi d’Angleterre (les mercenaires hessois pendant la guerre d’indépendance américaine), et même pour pousser les généraux à les faire tuer – parce qu’il empoche une prime, pour chaque soldat hessois mort à l’ennemi. C’est cet esprit brutal, un esprit de caste combiné avec la passion de l’argent, qui va bercer l’enfance de la dynastie Rothschild.
    C’est peut-être aussi l’origine de la première fortune : les Rothschild, qui disposaient de numéraire et d’un savoir-faire comptable indiscutable, acceptèrent sans doute à l’escompte les lettres de change venues d’Angleterre, et qui payaient les Hessois tombés pour que meure la libre Amérique. Cependant, nous ne disposons pas de leur comptabilité à l’époque, et nous en sommes donc réduits à des supputations sur ce point… Quoi qu’il en soit, en 1780, les Rothschild de Francfort sont devenus les partenaires rhénans de référence pour les négociants britanniques. Les produits de l’empire colonial affluent en Allemagne, et c’est Meyer-Amschel Rothschild qui se charge de les écouler.
    En 1789, les Rothschild forment une dynastie commerciale et bancaire aisée, mais qui n’a rien d’exceptionnel. Leur véritable fortune naît ensuite, lorsqu’en épousant le parti de la contre-révolution, ils deviennent les financiers de la lutte menée par l’empire britannique contre la France révolutionnaire, puis impériale. Comme d’autres familles de la haute bourgeoisie, par exemple les Seillière de Paris, les Rothschild sont donc d’abord des profiteurs de guerre.
    Au tournant du XIX° siècle, les Rothschild se scindent en deux : une partie de la famille reste en Allemagne, où elle va s’engraisser copieusement sur les fournitures de guerre. Une autre partie file en Angleterre, où elle va devenir, grâce à ses réseaux sur le continent, le banquier/ exportateur de référence du capitalisme britannique alors tout juste entré dans la révolution industrielle.
    Ce positionnement permet à la famille de devenir une des meilleures armes de la Grande-Bretagne : les Rothschild sont, pour Londres, une filière permettant de contourner le blocus continental mis en place par Napoléon. Obséquieux en Europe face aux conquérants français, dont la corruption les favorise et à qui ils laissent croire qu’ils sont soumis, les Rothschild le sont tout autant face aux Anglais – alors qu’en réalité, ils profitent de leur position pour spéculer sur la Livre Sterling, faisant constamment le lien entre l’aristocratie allemande et son homologue britannique, et prélevant leur commission sur chaque transfert de fond. Leur véritable fortune va naître de cette duplicité : se faire passer pour de bons Allemands en Allemagne, de bons Français en France, de bons Anglais à Londres – et, en réalité, ne servir que leur propre cause.
    Au début du XIX° siècle, les Rothschild sont implantés à Londres, à Paris, à Vienne et à Francfort. Ils ont constitué un réseau qui, entre les quatre principales puissances européennes (Angleterre, France, Prusse, Autriche), peut faire circuler le capital presque sans aucun contrôle possible de la part des autorités. Par rapport à leurs concurrents locaux, ce sera, constamment, un avantage décisif. Fondamentalement, les Rothschild mènent leurs affaires comme les autres dynasties de la haute banque. Mais ils le font à plus grande échelle, et en jouant sur une implantation internationale parfaite.
    En 1815, les Rothschild profitent de la rapidité de leurs réseaux d’échange d’information pour spéculer sur la bourse de Londres : ils font croire à la défaite anglaise, alors qu’ils savent déjà qu’à Waterloo, Napoléon a été défait. Après 1815, ils encaissent d’énormes bénéfices sur le paiement des indemnités de guerre par la France. Ils organisent l’ingénierie financière (pour l’époque très innovante) des emprunts d’Etat de la Restauration. Dans une Europe tiraillée désormais par l’explosion latente de la Sainte Alliance, entre les vieilles monarchies immobiles et une Angleterre redevenue le camp du mouvement, ils profitent de leur positionnement à cheval sur les deux blocs pour se rendre indispensables à chacun.
    Ces années du XIX° siècle naissant sont aussi celles où les Rothschild, de dynastie bourgeoise juive, s’affirme de plus en plus clairement comme une sorte de monde clos sur lui-même, doté d’une puissance autonome, qui traverse les espaces nationaux sans se mêler à eux, pour constituer un réseau homogène en parfaite affinité avec la dynamique du capitalisme industriel naissant. L’homogénéité de ce monde est d’autant plus parfaite que la « tribu » Rothschild est largement endogame : James, par exemple, épouse Betty, la fille de son frère Salomon. On s’échange les enfants d’un bout à l’autre du continent, mais si l’on se marie entre londoniens et parisiens, entre rhénans et viennois, toujours on reste à l’intérieur du groupe – Rothschild ou familles israélites apparentées. Les Rothschild deviennent en quelque sorte un véritable monde en soi – un monde qui ne s’ouvre à l’extérieur que pour commercer, et quand il le décide.
    C’est aussi un monde secret : les Rothschild, à l’époque, ne publient jamais de bilan exhaustif, le bilan complet, dressé chaque année à Francfort, sert de base à une ventilation des capitaux entre les diverses branches nationales – mais ce bilan-là n’est guère détaillé. Tout ce qu’on sait, c’est que la fortune totale des Rothschild ne cesse de croître. Et le secret, la solidarité garantie par l’endogamie, font partie intégrante du fonctionnement de ce monde désormais richissime, greffé sur l’Europe des cours et des affaires, se nourrissant d’elle parce qu’il a su se rendre indispensable auprès de ses composantes éparses.
    Les Rothschild forment un principe d’unité, dans un monde divisé : c’est le premier secret de leur puissance.
    En 1830, les Rothschild aident à la captation de la révolution par les milieux bourgeois. Cette fois, ils sont du côté de la paix : pour l’instant, ils ont plus à craindre de la guerre qu’à gagner grâce à elle, et c’est ainsi qu’ils exploitent leurs capacités d’influence pour éviter une conflagration entre les vieilles monarchies d’Europe et la France de Louis-Philippe.
    Il semble toutefois qu’ils n’aient pas directement joué en faveur de ce dernier : en l’occurrence, la révolution les a étonnés, et le tour qu’elle prit les laissa stupéfaits. C’est que s’ils sont remarquablement renseignés sur tout ce qui se passe dans les allées du pouvoir, les Rothschild sont aussi, à l’époque, mal informés sur les mouvements de l’opinion et les sentiments du peuple.
    Cependant, dès l’arrivée du roi bourgeois au pouvoir, ils le voient comme un rempart contre la menace républicaine, et s’appliquent à le servir pour se faire bien voir de lui. Si l’on en croit Bouvier, donc, la légende des Rothschild faiseurs de gouvernement est, en 1830, erronée : leur influence ne va pas si loin. Ce sont encore, fondamentalement, des suiveurs, à la remorque d’un capital qui reste dominé, globalement, par les bourgeoisies nationales.
    Cette position de suiveur, habilement exploitée, va toutefois leur permettre de se hisser progressivement dans la hiérarchie des affaires et de la politique, sous la monarchie de Juillet. En 1840, James, le chef de la branche française, est en position de visiter le roi quand il le désire, pour lui faire connaître les desideratas de la famille Rothschild, à laquelle Louis-Philippe n’a rien à refuser.
    D’autant moins, d’ailleurs, que les Rothschild viennent de prendre un virage décisif : jusque là, ils se limitaient à la finance pure, affermant les emprunts d’Etat, spéculant sur la rente. Soudain, ils mettent leurs énormes capitaux au service de l’industrialisation – et la France, justement, a besoin de ce capitalisme de haut vol, capable de mobiliser des sommes colossales, pour rattraper l’Angleterre sur le plan industriel. Les Rothschild, à ce moment-là associés avec les Péreire (Juifs bordelais, une des grandes familles du capitalisme national français), inventent donc un modèle économique nouveau : l’adossement de la haute banque (qui joue avec ses propres capitaux) à la banque commerciale (qui mobilise l’épargne publique pour l’industrie), la première servant de noyau dur à la seconde, qui en retour lui sert de levier.
    L’utilisation rationnelle de ce levier permet aux Rothschild de s’arroger des postes d’administrateur dans pratiquement toutes les compagnies ferroviaires de l’époque. Et pour garantir leurs intérêts, les Rothschild pratiquent la corruption à très grande échelle, « offrant » des paquets d’action (payées en réalité indirectement sur l’épargne publique) à des politiciens de tous les camps.
    Exactement comme 1830 avait surpris les Rothschild, 1848 les stupéfie. C’est toujours le même mécanisme : l’endogamie des Rothschild, leur caractère de monde clos, en symbiose avec le monde aristocratique et bourgeois, a ses avantages immenses, mais aussi ses inconvénients. Un de ces inconvénients est qu’ils sont totalement coupés des peuples, dont il ne discerne pas les mouvements profonds.
    Fondamentalement, les Rothschild d’alors sont des opportunistes greffés sur un vieux monde aristocratique largement parasitaire, et n’ont qu’entamé leur mue pour se greffer sur le nouveau monde bourgeois. D’une certaine manière « parasites des parasites », les Rothschild ont donc, dans tous les cas, partie liée au destin des milieux dominants dont ils sont les auxiliaires. C’est pourquoi, entre 1848 et 1851, pendant ces années où l’Europe vacille au bord de la révolution, ils sont constamment du côté de la réaction, et mettent toutes leurs ressources au service des classes supérieures menacées. Il ne faut pas voir là, de leur part, l’expression d’une préférence idéologique quelconque : il s’agit, tout simplement, de sauver la boutique.
    Cette entreprise de sauvetage est conduite, en France en particulier, avec l’aide des milieux israélites, très implantés dans les nouvelles institutions républicaines. Ainsi, la force des Rothschild apparaît en pleine lumière : ils constituent une intersection parfaite entre tous les réseaux oligarchiques de l’époque, à la fois amis des aristocrates, des bourgeois et des élites juives. Les Rothschild, en 1848, vont ainsi échapper à la réquisition publique des chemins de fer, et faire échapper avec eux la haute banque toute entière, grâce à leur aptitude à construire, presque instantanément, un réseau d’influence à l’intérieur du nouveau pouvoir, sitôt l’ancien mis à bas. Même mécanique en 1851, quand le coup d’Etat prépare le Second Empire : à nouveau, les Rothschild se sauvent en assurant le nouveau pouvoir de leur soutien, et en faisant jouer les solidarités d’affaires, confessionnelles ou personnelles qui leur permettent, dans tous les cas, de participer à n’importe quelle oligarchie, dès qu’elle émerge.
    Au fond, la grande force des Rothschild, outre leur unité dans un monde divisé, c’est leur extraordinaire capacité à ne s’occuper que des affaires. Ils n’ont pas d’opinion politique, pas de projet transcendant. Pour Bouvier, ceux qui prêtent à la dynastie une sorte de mystique illuministe mondialiste sont, en tout cas s’agissant des Rothschild du XIX° siècle, totalement à côté du sujet. Les Rothschild, alors en tout cas, ne s’intéressent rigoureusement qu’à la finance – et c’est précisément la raison pour laquelle ils font d’excellents politiques : quel que soit le pouvoir, ils le servent parce que ça leur rapporte, point final. Du matin au soir, ils s’occupent de la bourse, et uniquement de la bourse. Et le soir venu, quand ils reçoivent, c’est toujours, immanquablement, en vue de la bourse. La substance du monde clos formé par l’internationale Rothschild, c’est l’argent, et rien que l’argent. A la différence des Péreire, influencés par le saint-simonisme, les Rothschild n’ont rigoureusement aucun projet de remodelage de la société par l’action financière qu’ils opèrent : leur seul objectif, c’est le profit.
    C’est donc par l’exigence du profit, encore une fois, qu’on peut expliquer la guerre financière que pendant 15 ans, les Rothschild firent aux Péreire autour de l’affaire du Crédit Mobilier. La haute banque, pendant le Second Empire, est menacée par la puissance de la banque commerciale. L’ancienne alliance est maintenue, mais elle est traversée de crises violentes. Les Rothschild, qui ont partie liée avec l’Empire britannique, ne veulent pas d’une économie qui découple implicitement la masse monétaire de l’étalon-or. Pendant 15 ans, de 1852 à 1867, ils feront la guerre aux Péreire et donc, indirectement, à Napoléon III, pour les empêcher d’émanciper la monnaie française. Ils soutiennent l’opposition libérale, libre-échangiste et anti-dirigiste, mais on aurait tort d’y voir une adhésion de fond à l’idéologie de l’Empire britannique : il se trouve simplement que la branche française des Rothschild, en l’occurrence, défend les intérêts de la branche anglaise (prépondérante), et d’une manière générale les intérêts d’une famille transnationale, qui prospère d’autant plus que les affaires sont dépendantes du numéraire détenu par la haute banque. Ce n’est de la politique que par accident : fondamentalement, il s’agit des affaires.
    Pourtant, nul n’arrête le cours de l’histoire…
    A partir des années 1870, les Rothschild deviennent moins importants dans le capitalisme européen. Non que leur fortune soit réduite, mais tout simplement parce qu’en dépit de leurs tentatives pour enrayer le mouvement, la banque commerciale mobilise l’épargne publique massivement, et le poids relatif de la haute banque commence à diminuer significativement.
    Rassurés par l’écrasement de la Commune (à leurs yeux une sorte de condensé du Mal absolu), les Rothschild se rallient sans difficulté à la République de Thiers, en 1871. Il faut dire qu’ils y ont intérêt : en se portant garantie des emprunts lancés par le gouvernement français pour paiement des indemnités de guerre (moyennant une commission colossale), les Rothschild ont lié leur destin à celui de ce gouvernement. Plus il apparaîtra stable, plus les épargnants prêteront. Plus les épargnants prêteront, moins les banquiers auront à assumer leur garantie… Et c’est ainsi que la famille Rothschild, née de sa collaboration avec l’Ancien Régime, devint le bailleur de fonds de la République bourgeoise – et s’en trouva très bien financièrement (des dizaines de millions de francs de gains sur commissions et escompte, somme énorme à l’époque).
    Ce fut probablement le dernier grand « coup d’éclat » des Rothschild. Par la suite, appuyés sur une puissance financière colossale dans l’absolu, mais soudain dominée par les capitaux issus de la banque commerciale, les Rothschild se positionnèrent à nouveau en suiveurs. Leur prédominance légendaire sur le monde des affaires n’aura donc duré que fort peu : de 1840 à 1875, en gros.
    On les voit glisser leurs capitaux dans toutes les grandes affaires, de 1875 à 1914, et s’arroger toujours, grâce à la concentration de leur capital, une position d’observateur précieuse. Mais l’époque où la haute banque menait le jeu est révolue, et les Rothschild s’adaptent : désormais, ils ne « font » plus les affaires, ils y participent. Leur force, désormais, réside dans leur capacité, toujours grâce à leur fonctionnement de monde endogame, secret, solidaire par delà toutes les frontières, à constituer un réseau d’influence et de pouvoir qui n’est ni central, ni réellement dominant, mais cohérent dans l’incohérence générale, unifié dans la désunion générale, et concentré à proximité du centre, sans être tout à fait au centre, d’un capital mondialisé dont ils ne détiennent qu’une fraction minime – mais stratégique.
    Que conclure en refermant l’histoire des Rothschild historiques, ceux du XIX° siècle, racontée par Bouvier ?
    Il faut reconnaître tout d’abord que cette histoire est objectivement répugnante. Enrichis par la vente des mercenaires Hessois au roi d’Angleterre, par un double jeu cynique entre Grande-Bretagne et France, par un fabuleux délit d’initié (la fausse nouvelle de la victoire de Napoléon à Waterloo), par la captation cynique des commissions sur les indemnités de guerre, par la corruption des dirigeants, par le financement des forces les plus réactionnaires, les Rothschild de la légende durent leur fortune à la malhonnêteté, au mensonge, à la perfidie, et par-dessus tout à leur opportunisme sans foi ni loi. Il est absolument impossible de justifier l’ascension  historique de cette famille sous l’angle de l’utilité sociale. Historiquement, les Rothschild du temps jadis apparaissent comme des parasites, qui ont prospéré sur la misère du petit peuple en s’associant aux anciennes aristocraties dépravées et aux oligarchies bourgeoises nationales les plus féroces. On peut les trouver habiles, mais on ne peut pas les trouver beaux, nobles ou constructifs au regard de l’histoire des hommes. Ils ont été, globalement, une force très négative.
    Pour autant, faut-il le leur reprocher ?
    Au-delà du jugement moral, qui n’est pas sans objet mais ne doit pas constituer la frontière de notre perception du réel, il faut d’abord resituer l’histoire des Rothschild dans celle du capitalisme. Les Rothschild de la légende apparaissent, avec le recul du temps, comme les sous-produits d’une décadence, celle de l’Ancien Régime, qui sont parvenus à se greffer sur la brutalité d’un monde barbare, celui du capitalisme sauvage. En l’occurrence, leur judéité n’a probablement joué qu’un rôle instrumental : il est exact que la tradition du ghetto, renforcée par l’endogamie, les a placés dans une situation idéale pour devenir les âmes damnées des oligarchies corrompues : monde clos capable de ne s’ouvrir à l’extérieur que pour laisser passer un flux d’information filtré, géré, presque toujours à sens unique, la « tribu » Rothschild possède toutes les caractéristiques qui garantissent le terrain anthropologique le plus favorable à un fonctionnement oligarchique pseudo maffieux. Le réseau des Rothschild historiques, au fond, n’est pas d’une autre étoffe de celui des familles criminelles italo-américaines ; la seule différence, en l’occurrence, est que les Rothschild ont su , au XIX° siècle, attaquer la société hôte par le haut, au lieu que les maffieux siciliens l’ont attaqué par le bas.
    Sur le plan sociologique, les Rothschild apparaissent comme un groupe étranger au substrat anthropologique commun, donc isolé mais aussi indépendant, et qui parvient, par ruse, à se faire associer aux classes dominantes en tant que fraction dominée. Groupe qui, ensuite, toujours par ruse, s’impose progressivement d’abord comme une fraction associée aux fractions dominantes de la classe dominante, ensuite comme une fraction dominante spécifique, dotée d’une capacité de domination autonome. L’histoire des Rothschild est fondamentalement celle d’un groupe homogène, qui sut très habilement jouer des affinités électives préexistantes entre son organisation interne, son positionnement spécifique et la dynamique du capitalisme. Il n’y a là rien que de très logique, et même, en un sens, de très banal.
    A l’aune de cette lecture rapide, on voit bien l’absurdité des argumentaires antisémites en anti-antisémites qui polluent le débat depuis trop longtemps :
    - Absurdité de l’argumentaire antisémite, pour commencer, qui voudrait nous faire croire que parce que la spécificité juive a été instrumentalisée par certains de ses porteurs, elle est par essence réductible à son instrumentalisation par lesdits porteurs (ce qui reviendrait à dire, contre toute logique, que parce que les Rothschild ont utilisé les réseaux juifs pour s’élever de manière immorale, les réseaux en question sont nécessairement constitués de gens malhonnêtes – c’est comme si l’on réputait que puisque la tradition sicilienne a permis le développement de Cosa Nostra, alors c’est que tous les Siciliens sont des maffieux) ;
    - Absurdité de l’argumentaire anti-antisémite, ensuite, qui voudrait nous interdire, au motif de lutter contre l’antisémitisme, de relever l’existence d’un lien, pourtant évident, entre la spécificité juive et la trajectoire d’une famille comme les Rothschild. Il n’est nullement raciste, antisémite ou haineux de constater, tout simplement, que les Rothschild sont juifs, et que cela explique en partie leur trajectoire spécifique. Vouloir analyser les Rothschild sans évoquer leur judéité est aussi débile que de prétendre analyser la famille Gambino sans mentionner ses origines siciliennes.
    Au fond, la meilleure réponse à ces deux argumentaires fallacieux, c’est tout simplement de connaître et de faire connaître l’histoire des Rothschild : l’ascension d’une mafia.
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  • Le lobby homosexuel et la tentation totalitaire

    De la revendication impérieuse de ses « droits » à la prétention d'empêcher ses adversaires de s'exprimer, le lobby homosexuel soumet la société française à une pression totalitaire.
    «  Je ne serre pas la main à un pédéraste ", disait mon père (sans se douter qu'il ne faisait que ça toute la journée). » Diable ! Qui est cet « homophobe », dont les propos, aujourd'hui, tomberaient sous le coup de la loi ? Simplement le père de Paul Morand, monsieur brillant, cultivé, passionné d'art. Dans Venises, le grand écrivain poursuit : « Les invertis, "cette partie réprouvée de la collectivité humaine " comme dit une lettre de Proust, formaient une société secrète; on ne saurait comprendre le Temps perdu si l'on oublie que Sodome représentait alors une malédiction. Même à Venise la pédérastie n 'était que le plus discret des beaux-arts. »
    Le lobby homosexuel s'est construit dans la mouvance de Mai 68
    Ses mœurs n'avaient cependant pas empêché Proust d'être publié, ni Gide, ni Cocteau, ni Montherlant, ni Loti pour ne citer que quelques hommes de lettres, homosexuels notoires. Mal vue, l'homosexualité ? Sans doute, mais elle n'en était pas moins présente au sein de la société. « Le plus discret des beaux-arts », écrit Paul Morand. Un vieux monsieur que j'avais jadis interviouvé pour Minute disait : « l'homosexualité est un jardin secret ». Il s'appelait Pierre Seel et a raconté, dans un livre écrit avec Jean Le Bitoux, comment, jeune alsacien (et donc considéré comme Allemand par le Reich...), il fut déporté pour homosexualité dans un camp de concentration nazi, avant d'être expédié sur le front de l'Est. Ce qu'il ne pouvait raconter dans son livre, c'est la manière dont Le Bitoux, figure du lobby homosexuel, l'avait manipulé et traîné à la Gay pride, dont il était revenu sidéré, choqué par ce qu'il y avait vu. Qu'il soit donc entendu que nous ne confondons pas ici l'ensemble des homosexuels avec le lobby.
    En France, le lobby homosexuel s'est construit dans la mouvance de Mai 68, avec notamment la constitution, en 1971, du Front homosexuel d'action révolutionnaire (FHAR), puis des « Gouines rouges », créées par des militantes lesbiennes qui jugeaient le FHAR mysogine ! Comme leurs noms l'indiquent, ces mouvements homosexuels étaient politisés, évidemment à l'extrême gauche. Au cours des décennies suivantes, remarque Jean-Claude Guillebaud dans La Tyrannie du plaisir, les revendications sexuelles allaient cependant prendre le pas sur le combat politique, tout en lui empruntant ses méthodes. Ainsi, la lecture des textes, communiqués, pétitions ou tribunes publiés par les mouvements homosexuels - Act up et consorts -, « renvoie irrésistiblement — mais sous une forme transposée — à la virulence des affrontements idéologiques de jadis, qui tournaient quant à eux autour du totalitarisme, des nationalisations, de la guerre froide, de l'impérialisme ou de la guerre du Vietnam », écrit Guillebaud. « Même patriotisme de chapelle, même référence sourcilleuse aux textes fondateurs ou aux luttes des aînés, même lyrisme généreux mais approximatif dans l'argumentation. Le traître à la communauté, le catho-coincé ou l'hétéro-fasciste ont simplement remplacé l'ennemi de classe, le bourgeois et l'exploiteur... »
    « Le domaine privé - celui du corps, de l'épanouissement personnel, des relations entre les sexes - est bien devenu, à titre principal, celui des luttes, poursuit Guillebaud. (...) L'apothéose de l'individualisme, précieux héritage de la "révolution dans la révolution "des années soixante-dix, a logiquement désigné cette liberté-là comme l'enjeu principal. »
    Un homme se résume-t-il a sa sexualité ?
    Pour se structurer, le mouvement homosexuel a eu recours à des méthodes éprouvées : en premier lieu, la victimisation, qui correspond sémantiquement à la diffusion du concept d'« homophobie », calqué sur celui de « raciste ». « Homophobe » égale raciste, égale extrême droite : c'est tout simple.
    Pour se défendre contre cette agression « homophobe » omniprésente et résurgente, l'homosexuel trouve un secours auprès du groupe : « C'est d'abord au nom de cette fragilité, qu'on justifie l'existence - et la fonction refuge - d'une communauté aux sens social et culturel du terme », écrit encore Guillebaud, qui en pointe la conséquence : « le repli vers un tribalisme distinct, avec ses quartiers, ses lieux de drague, ses boutiques, ses codes et, au bout du compte, ses revendications identitaires. »
    De la communauté au communautarisme, le pas est vite franchi. Mais se pose alors une question que Guillebaud ne manque pas de formuler : « l'homosexualité fonderait-elle, à elle seule, une identité ? » Autrement dit, « Un homme se résume-t-il à sa sexualité ? » Car c'est bien sur la seule pratique sexuelle qu'est fondé le communautarisme homosexuel !
    Ce communautarisme favorise une activité de lobbying et une revendication égalitaire qui ne se contredisent qu'en apparence. Le lobbying favorise la cooptation et l'entraide : c'est ainsi que les homosexuels sont traditionnellement très présents dans certains domaines d'activité comme la mode, la culture... Il s'étend aujourd'hui au domaine politique, notamment avec des groupes comme Gaylib à l'UMP(1) ou Homosexualités et Socialisme (HES) au PS, ou encore à travers des personnalités militantes. La revendication égalitaire vise à obtenir des « droits » jusqu'à présent réservés aux « hétérosexuels » (un terme peu usité jusqu'à une période récente...), mais aussi, finalement, à gommer l'idée de norme sexuelle en plaçant sur un même pied les comportements « homosexuel » et « hétérosexuel ».
    Avec les années, la pression qu'exerce le lobby homosexuel sur les esprits, sous prétexte de lutte contre « l'homophobie », par le biais des médias, le poids du politiquement correct et même par la loi, est devenue totalitaire, comme celle que font peser les lobbies antiracistes en pratiquant les mêmes méthodes.
    Et le « plan contre l'homophobie » annoncé par Najat Vallaud-Belkacem ne fera qu'aggraver la situation.   
    Eric Letty monde & vie  5 février 2013
    I. Gaylib a quitté l'UMP en janvier 2013 pour protester contre la participation de ce parti à la Manif pour tous du 13 janvier.

  • Rémunérations saisissables

    Pendant que notre monarque président et sa clique de chiens galeux amusaient la galerie avec la destruction des valeurs morales et sociales, sont tombés des décrets qui, eux, comme par hasard,ne sont pas chantés par les merdias, ou les radios propagandes. Saviez-vous que les huissiers peuvent dorénavants saisir les allocations familiales (jusqu’à 50%), les indemnités journalières maladie, les PENSIONS DE RETRAITE, les PENSIONS D’INVALIDITE, les allocations de solidarité, bref, les revenus de survie du petit peuple, qui, lui, ne peut pas compter sur des rentes de stock option.

    Malheureusement, des personnes dans mon entourage, qui ont trimé toute leur vie, peinent aujourd’hui à survivre (manger tous les jours),ceux qui ne vont pas aux fameux restos du coeur par pudeur, et qui sont certainement, beaucoup plus nécessiteux que certains habitués, car eux n’ont pas toutes les combines. Ces personnes, ayant cotisé toute leur vie, ont le risque pour un impôt en retard ou un PV impayé, de se retrouver encore plus en difficlté. Remarque : maintenant, le solde non saisissable se monte à 483,27 € ‘au lieu de 500 € précédemment.

    Je discutais ce matin avec un monsieur (qui travaille encore à 62 ans) et qui disait avec bon sens : “[ils] sont en train de voir jusqu’où ils peuvent aller sans que les gens se révoltent…”.

    sources : service-public.fr

    http://fr.altermedia.info

  • Où est la justice sociale ?

     
    EOù est la justice sociale quand on repousse l'âge légal de la retraite alors que tout étranger de 65 ans n'ayant jamais travaillé ni cotisé en France, a droit à une retraite de 780 euros par mois, 5 ans après son arrivée ?¢ 
    EOù est la justice sociale quand une femme de paysan ayant travaillé 50 ans à la ferme n'a pas droit à ces 780 euros au prétexte que son mari et elle dépassent le plafond de 1200 euros de minimum vieillesse pour un couple ?
    EOù est la justice sociale quand la sécu en faillite continue de payer à l'étranger, sans le moindre contrôle, des retraites à d'innombrables centenaires disparus depuis des lustres ?
    EOù est la justice sociale quand l'Aide Médicale d'État soigne 220000 sans-papiers chaque année, à raison de 3500 euros par malade, alors que la sécu ne dépense « que » 1600 euros par affilié qui travaille et cotise ?
    EOù est la justice sociale quand des étrangers bénéficient de la CMU et d'une mutuelle gratuite, alors que 5 millions de Français n'ont pas de mutuelle, trop riches pour bénéficier de la mutuelle CMU mais trop pauvres pour s'en payer une ? 30% des Français avaient différé leurs soins en 2011 !
    EOù est la justice sociale quand on sait que 10 millions de fausses cartes Vitale sont en circulation et permettent de soigner des milliers d'étrangers sous une fausse identité, au détriment des ayant-droit ?
    EOù est la justice sociale quand la France entretient des milliers de polygames, certains d'entre eux percevant plus de 10 000 euros par mois sans travailler, alors que la polygamie est interdite et que nos comptes sociaux sont dans le rouge ?
    EOù est la justice sociale quand une famille nombreuse étrangère est prioritaire pour un logement social, alors qu'un jeune couple français doit attendre sept ou huit ans son premier logement pour avoir un enfant ?
    EOù est la justice sociale quand on sait qu'un million de faux passeports, donnant droit à la manne sociale, sont en circulation sur les sept millions de passeports biométriques soi-disant « infalsifiables » ?
    EOù est la justice sociale quand un Français né à l'étranger doit prouver sa nationalité à l'administration, ce qui se traduit souvent par un véritable parcours du combattant, alors qu'on brade chaque année la nationalité française avec des milliers de mariages blancs ? 
    EOù est la justice sociale quand on veut donner le droit de vote aux étrangers, alors que nos élus ont confisqué aux citoyens leur « non » au référendum sur la Constitution européenne et que des millions d'électeurs, de droite ou de gauche, ne sont pas représentés au Parlement ?
    EOù est la justice sociale quand on accueille chaque année plus de 200000 étrangers non qualifiés, dont notre économie n'a nul besoin, alors que la pauvreté augmente, que nous avons près de 5 millions de sans-emplois et que le chômage atteint déjà 40% chez la population immigrée ?
    EOù est la justice sociale quand le contribuable finance des associations qui ne combattent que le racisme à sens unique alors que le racisme anti-français est systématiquement ignoré et les plaintes classées sans suite ?
    EOù est la justice sociale quand on condamne un journaliste pour avoir énoncé une vérité sur la délinquance étrangère, alors que des rappeurs incitant à la haine ne sont jamais inquiétés au nom de la liberté d'expression ?
    EOù est la justice sociale quand la délinquance explose et que les droits des voyous passent avant ceux des victimes ?

    Car si l'intégration a totalement échoué, c'est tout simplement parce que nos dirigeants ont confondu antiracisme et acceptation de l'autre avec le renoncement à nos valeurs. Il ne fallait rien changer au « moule » qui a permis depuis des siècles à des millions d'immigrés de devenir des citoyens français. Les règles d'intégration qui ont fait leur preuve avec des générations d'immigrés, étaient la force de la France. La faute majeure de nos élus est de les avoir ignorées.

    http://www.francepresseinfos.com/

  • Communisme et nazisme, les deux branches radicales du socialisme

    The Soviet Story du Letton Edvins Snore est un film documentaire méconnu en France, et c’est bien dommage car il démolit deux mythes particulièrement bien ancrés dans notre pays. Le premier mythe nous fait croire que le communisme, contrairement au nazisme, part d’une bonne intention.

    Le deuxième mythe, c’est de s’imaginer que le socialisme internationaliste bolchevique et le socialisme ultranationaliste nazi n’ont absolument rien en commun, et que d’ailleurs le national-socialisme n’a de socialiste que le nom. Edvins Snore nous raconte, témoignages, images et documents d’archives à l’appui, l’histoire commune de deux branches radicales du socialisme : le national-socialisme allemand et le communisme russe.

    Premier mythe : contrairement au nazisme, le communisme part de bonnes intentions

    Ou, comme l’affirme le président socialiste de l’agglomération de Montpellier pour justifier l’édification de statues de Mao et Lénine (voir l’article ici) sur la Place des Grands Hommes du XXe siècle (à environ 300 000 euros la pièce, voir ici), « les idéologies représentées sur la place sont toutes des idéologies de libération et de conquête des droits malgré leurs parts d’ombre ». [...]

    La suite sur Nouvelles de France

    http://www.actionfrancaise.net

  • Norvège : le documentaire qui a sonné le glas de la théorie du genre !

    Les pays scandinaves, et particulièrement la Norvège, ont été pendant des années les pays les plus progressistes en matière religieuse, comme en matière de mœurs, et notamment d’égalité des genres. L’idéologie du gender s’y était enracinée. Mais voilà…

    Le documentaire ci-dessous, réalisé par un journaliste norvégien auprès de spécialistes des deux camps, a eu des conséquences radicales : suite à sa diffusion, fin 2012, le gouvernement a suspendu toutes les subventions aux recherches scientifiques sur la théorie du genre. Un document d’une quarantaine de minutes qui laisse en effet laisse peu de place au doute… et qui a détruit la théorie du genre en Norvège :

    http://www.contre-info.com/

  • La « civilisation des moeurs » (XVIIe-XVIIIe)

    A partir du règne de Louis XIII, une fois les troubles des guerres de religion passés, la monarchie reprend le processus de centralisation politique. Celui-ci se double d’une acculturation du peuple auquel est imposé de nouvelles valeurs (christianisation et civilité). Les mentalités se transforment dans un premier temps dans les villes puis le processus touche d’une façon moins forte les campagnes. Ce processus est dénommé par les historiens « civilisation* des mœurs » et nous en sommes encore largement héritiers.

    (* note : à entendre au sens de processus : civiliser)

    « La centralisation et l’absolutisme engendrent obligatoirement un effort d’unification culturelle. Au fil des générations, de la Flandre au Midi, de la Bretagne à l’Alsace, à Paris comme dans le plus petit hameau, les officiers et les prêtres, bientôt relayés par ceux qu’ils ont convaincu, imprègnent leur millions de contemporains de valeurs nouvelles véhiculées par la centralisation triomphante » – Robert Muchembled dans Culture populaire et culture des élites dans la France moderne.

    ● Les moyens de l’acculturation

    Ce que Benoît Garnot nomme le « dressage culturel » (imposition de nouvelles valeurs) se fait par trois voies principalement : l’Église, l’école et le milieu social. Ce dernier point recouvre la pression sociale (faire comme ses semblables) et le mécanisme naturel d’imitation des élites (le grand bourgeois imitant le noble, le petit bourgeois imitant le grand bourgeois, ainsi de suite).

    Avec la Réforme tridentine du XVIe siècle se manifeste une volonté de substituer à un christianisme collectif un christianisme individuel. Le confessionnal individuel apparaît alors qu’auparavant les confessions étaient publiques : la dépendance devient plus forte à l’égard du confesseur. Le catéchisme est créé, et les petites écoles sous la tutelle du curé permettent à l’Église de s’adresser directement au fidèle (méfiance à l’égard de la famille). Les collèges sont tenus par des ordres religieux, Jésuites en tête. Les prêtres sont mieux formés grâce à la constitution d’un réseau complet de séminaires dans la seconde moitié du XVIIe siècle ; les missions se multiplient dans les campagnes. Le rôle du prêtre ne se limite pas à la vie religieuse : il annonce les décisions du roi et va même jusqu’à informer les autorités civiles des faits qui leur paraissent intolérables dans la vie courante. D’ailleurs, ces autorités civiles font tout pour que l’action du clergé puisse être la plus efficace. Partout, le prêtre devient donc la « courroie de transmission de l’absolutisme » (Muchembled) qui annonce à ses paroissiens les décisions royales et informe les autorités.

    Du côté des pouvoirs civils, sous Louis XIV, de nombreux édits visent à renforcer l’autorité royale jusque dans les moindres villages. Les intendants surveillent les dettes de la communauté et exercent une tutelle financière ; les maires sont choisis par l’autorité royale en vue d’un meilleur contrôle local, ils deviennent « les yeux de Versailles ».

    Au niveau des livres, la « Bibliothèque bleue », ensemble de livres spécifiquement destinés aux milieux populaires (mais qui sont lus aussi par les élites), est un des moyens de l’acculturation à domicile. Ces ouvrages (romans, livres religieux, livres techniques) contribuent à répandre au sein du peuple la propagande monarchique et les valeurs nouvelles. Si peu de ruraux savent lire, une personne alphabétisée suffit pour faire profiter à tous des livres lors des lectures à haute voix pendant les veillées d’hiver. L’idéologie véhiculée par les livres touche donc bien au-delà le nombre de personnes sachant lire ou possédant des livres.

    I. Le polissage des moeurs

    Les manières de vivre de l’homme du Moyen Âge et peut-être encore davantage de la Renaissance sont toutes autres que celles que nous connaissons aujourd’hui et nous paraitraient peu appétissantes. La nudité ne souffre d’aucun tabou, les excréments (la « matière joyeuse ») qui emplissent les rues des grandes villes ne sont pas jugés aussi repoussants que nos jours et d’ailleurs il était courant de déféquer et uriner devant tout le monde y compris dans les milieux nobles. L’usage était de se moucher en se mettant deux doigts sur une narine et en expulsant la morve avec l’autre, quand ce n’était pas avec la main, une nappe ou l’habit. L’émission de pets en public était loin d’être ressentie comme scandaleuse : « La chose la plus joyeuse du monde quand elle prend naissance, c’est un pet ! [...] il commence à chanter un air mélodieux, c’est un plaisir de goûter ses accents et ses sons entrecoupés, cela est d’une suave et délectable odeur ! » écrit Antoine Girard (1584-1633) dans son Oeuvre et Fantaisie (1622). Certains auteurs tel Montaigne jugeaient même dangereux pour la santé de « serrer les fesses ». Quant aux manières de table du commun, elles se devinent en lisant en négatif les manuels de civilité : « Bien se tenir à table est important. On mange avec trois doigts et l’on ne met pas toute la main dans le plat, pas plus qu’on avale goulûment. [...] Manger de manière civilisée, c’est aussi ne pas se curer les dents avec son couteau, c’est ne pas s’essuyer les mains sur ses vêtements. On ne beurre pas son pain avec ses doigts. [...] Il est incivil de cracher dessus ou par-dessus la table. [...] Enfin, le convive poli se tient la bouche fermée quand il mange et ne boit pas la bouche pleine. ».

    A partir du XVIIe siècle s’enclenche une transformation des mentalités. Les nouvelles manières de vivre viennent en bonne partie de l’Italie du XVIe siècle qui avait alors pris une certaine avance en la matière, et imprègnent en premier lieu la très haute noblesse. De nombreux petits guides ou traités de politesse diffusés dans les milieux populaires répandent l’art des bonnes manières, calqué sur les codes nobiliaires. L’idéal véhiculé est celui de « l’honnête homme », et si l’homme des couches basses de la société est bien en peine d’en devenir un, il tente du moins de l’imiter.

    Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, il devient condamnable, même dans les milieux paysans, et ce dans toute la France, de mettre la main dans le plat commun : l’usage des ustensiles s’impose (à la fin du XVIIIe, à Chartres, trois habitants sur quatre possèdent des fourchettes et cuillères ; le nombre moyen d’éléments de vaisselle par foyer passe de 24,1 en 1700-1720 à 84 en 1780-1790 chez les maîtres de métiers). La promiscuité jouit désormais d’une mauvaise image. Le lit commun où se mêlaient au XVIe pêle-mêle parents et enfants, fortement combattu par l’Eglise (qui y voit un encouragement à l’inceste), tend au fil du temps à disparaître ; les sous-vêtements apparaissent. Les parents tendent à éviter de parler de sexualité devant les enfants. Alors qu’auparavant il n’y avait pas de honte à se laver, s’habiller ou se déshabiller en public, il devient obscène d’exhiber ses « parties nobles ». Au XVIIIe, le mouchoir, accessoire à la mode, est presque systématiquement utilisé pour se moucher. Le crachat par terre, auparavant considéré comme sain, devient inconvenant et perçu comme facteur de contagion. Le fait de placer sa main devant la bouche lorsque l’on baille est de nos jours un héritage de ce polissage des mœurs. D’une manière générale, tout ce qui rappelle l’animalité de l’homme devient tabou (excréments, pets, grandes émotions, nudité, …). Les inventaires après décès révèlent que ces nouvelles valeurs conquièrent la société du haut vers le bas, de la haute noblesse vers les couches populaires en passant par la moyenne et petite noblesse, haute, moyenne et petite bourgeoisie, …

    Autre aspect significatif de la diffusion de la civilité : le recul de la violence. Les crimes jugés sont moins graves et les peines plus légères. Les archives judiciaires montrent que la criminalité contre les personnes recule tandis que celle contre les biens augmente par un effet de vases communicants : la filouterie remplace la violence.

    ● Le redressement des corps

    Ce que les historiens ont appelé le « redressement des corps » s’enclenche au XVIIe siècle. Il est désormais impératif de se tenir droit (et non vouté) et contrôler ses mouvements (pas de grands gestes) afin de bien paraître en société. Les mouvements du corps doivent être harmonieux et non brusques ou spontanés. Pour la noblesse, l’escrime, l’équitation et le billard participent à ce redressement des corps. Pour les femmes s’impose le corset et pour les bébés le maillot. Ce mouvement touche aussi les masses populaires, à un degré moindre mais bien réel.

    II. L’apprentissage de l’obéissance

    L’Etat veille en premier lieu à assurer l’ordre social : punir les délinquants et surveiller les marginaux. C’est d’abord par le biais de la justice ordinaire et par l’effroi que suscite la torture en public que le peuple apprend la soumission aux lois. La torture en public (hors mise à mort) n’est pas une invention des temps modernes mais était rare au Moyen Âge, contrairement aux images habituellement véhiculées. La monarchie absolue systématise les pratiques mises au point à l’ère médiévale. Au XVIe, les supplices corporels augmentent en nombre : oreille coupée, marquage au fer chaud, exposition au pilori ou amende honorable publique… Jusqu’au XVIIIe siècle, les mises en scène de torture se multiplient (jusqu’à l’abolition en 1788). Les corps mutilés ou marqués au fer ardent montrent à tous les limites du licite et de l’illicite : celui qui croise un homme marqué d’une fleur de lys au front se rappelle de l’obéissance qu’il doit à son souverain.

    Cet apprentissage de l’obéissance se fait aussi par le renforcement de l’autorité paternelle. Une Déclaration royale du 26 novembre 1639 dit clairement que « la naturelle révérence des enfants envers leurs parents est le lien de la légitime obéissance des sujets envers leurs souverains ». Cette valorisation du père, image réduite du monarque dans son foyer, se met en place grâce aux autorités civiles et ecclésiastiques et l’éducation. Ainsi, un cahier de thèmes latins de la fin du XVIIIe siècle propose aux élèves provençaux de traduire des sentences concernant l’autorité paternelle : « attendés vous que vostre père aura toujours la même complaisance pour vous … ? Ne craignés vous point que vostre père ne se mette en colère contre vous … ? J’espère qu’il employera tous les moyens que son amour et sa sévérité pourront luy inspirer pour vous corriger … ».

    De même, les écoles élémentaires visent à former des sujets obéissants. A partir du XVIIe siècle règne une discipline de fer : l’entrée en classe a tout d’un cérémonial, le déplacement des élèves ressemble à une marche militaire et la règle du silence prévaut dans la salle de classe. Les ecclésiastiques eux-mêmes affirment qu’une des principales missions de ces écoles est de faire des enfants « de bons serviteurs de Dieu, de fidèles sujets de Sa Majesté, de sages citoyens de leur ville » (Charles Démia).

    Dans les faits, on observe tout au long du XVIIe, et dans les premières décennies du XVIIIe, une diminution spectaculaire des révoltes antifiscales, et ce malgré l’augmentation constante du poids des impôts. L’effort de domestication des masses est donc plutôt une réussite, du moins jusqu’à la déferlante révolutionnaire.

    III. La christianisation des âmes

    Le clergé prend en charge la lutte contre les superstitions et pratiques déviantes : au niveau des fêtes, une sévère sélection a lieu, mettant en avant les cérémonies liturgiques et effaçant les fêtes « païennes » (dans la région parisienne, le nombre de fêtes obligatoires passe de 55 au début du XVIIe siècle à 21 en 1666). Le charivari est condamné à de multiples reprises. Quand des pratiques para-chrétiennes résistent, le clergé prend soin de les recouvrir d’un verni chrétien. Ainsi, une superstition répandue voulait que l’on évite de se marier en mai ; à partir du XVIIIe s’impose l’idée que c’est par respect de la Vierge que l’on évite ce mois-ci (mai devient le « mois de Marie »). La vigilance des clercs redouble à l’égard des excès des ruraux, notamment sur les veillées durant lesquelles sont racontées des histoires, des superstitions, des légendes et toutes sortes de choses visant à perpétuer les croyances et pratiques païennes : en 1688-1690, le curé de Boisemont va même jusqu’à menacer, en raison de dérives, de priver les participants aux veillées des sacrements.

    Les moeurs sexuelles évoluent sous la pression de l’Eglise appuyée par les autorités civiles. Les paysans et les citadins des XVe et XVIe siècle ne connaissaient pas ou peu de gêne dans l’exercice des fonctions du bas du corps. Ce que Muchembled appelle la « répression sexuelle » débuta dès le XVIe siècle et devient particulièrement forte dans la seconde partie du XVIIe siècle. Les autorités civiles et religieuses imposent jusqu’au fond des campagnes le modèle chrétien. Certains comportements ou rites sexuels sont criminalisés : ainsi, au XVe siècle, les autorités de Dijon ne faisaient pas grand cas des viols collectifs de jeunes filles … « Il faut que jeunesse se passe ». Tolérance inimaginable deux siècles plus tard. Le nombre de procès pour « affaires de mœurs sexuels » grimpe et atteint des sommets entre 1670 et 1700 : cette vigilance renforcée montre qu’il n’est plus possible de disposer de ses « parties nobles » comme lors des siècles passés. Des peines exemplaires (pendaisons) sont retenus contre des individus ayant des mœurs sexuelles non conformes (inceste, bestialité), alors que le pouvoir était auparavant plutôt tolérant. Les résultats sont là avec une moralisation des comportements sexuels : au XVIe siècle, dans la région de Nantes, l’illégitimité oscille entre 0,1 % et 4,6 % du total des naissances ; au XVIIe siècle, ce taux ne dépassera presque jamais 1 %.

    Les masses populaires intègrent l’idée que le corps n’appartient pas totalement à son possesseur. L’abstinence hors du mariage et les règles de bienséance pénètrent les esprits.

    http://histoire.fdesouche.com

    Bibliographie :
    BAECQUE (de) Antoine, MÉLONIO, Françoise. Histoire culturelle de la France. 3 – Lumières et liberté. Seuil, 2004.
    GARNOT Benoît. Le peuple au siècle des Lumières. Échec d’un dressage culturel, Paris, Imago, 1990.
    GARNOT Benoît. Société, cultures et genres de vie dans la France moderne, Paris Hachette supérieur, 2007.
    MUCHEMBLED Robert. L’invention de l’homme moderne. Culture et sensibilités en France du XVe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1988.
    MUCHEMBLED Robert. Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Flammarion, 1991.

  • La France lève son veto à l’ouverture d’un chapitre des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

    BRUXELLES (NOVOpress via le Bulletin de réinformation) - La France accepte d’ouvrir à Bruxelles un nouveau chapitre des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. En effet, Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères (ci-dessus),  a confirmé à son homologue turc Ahmet Davutoglu que la France allait lever son veto à l’ouverture des négociations sur la politique régionale.

    http://fr.novopress.info

  • Richard Heinberg : “2012, la fin de la croissance”

    Sous-titré « s’adapter à notre nouvelle réalité économique », ce livre est paru aux USA en 2011. Il commence par cette citation qui résume notre réalité actuelle : « Quand le dernier arbre aura été abattu, la dernière rivière empoisonnée, le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas » (proverbe du peuple amérindien Cri).

    L’idée générale du livre est que la croissance réelle, cumulée et moyenne est derrière nous, même si nous verrons encore des taux de croissance positifs ponctuels dans quelques régions du monde. Pas plus que n’importe quel autre pays, la Chine n’est en mesure de soutenir une  croissance illimitée. La seule incertitude concerne le moment où l’économie se contractera. Mais quand la Chine régressera, l’inexorabilité de la décroissance globale commencera à devenir évidente pour tout un chacun. Voici quelques extraits du livre de Richard Heinberg…

     

    La fin de la croissance

    Des barrières infranchissables s’opposent à présent à la poursuite de l’expansion économique. Désormais l’économie mondiale joue un jeu à somme nulle, les gagnants le sont au détriment des perdants.

    Trois facteurs interviennent, l’épuisement des matières premières, les impacts négatifs sur l’environnement, l’incapacité de nos systèmes économiques à absorber les dettes accumulées.

    Cette analyse n’est pas nouvelle, selon le rapport de 1972 The Limits to Growth, la fin de la croissance surviendrait probablement entre 2010 et 2050. Nous devons sérieusement envisager la possibilité que des centaines de millions – voire des milliards – de personnes ne connaissent jamais le style de vie consumériste dont ont profité les habitants des nations les plus industrialisées. Tous les discours de nos dirigeants, axés sur la poursuite vaine de la croissance, ne sont que dénis de la réalité. En l’absence de mesures appropriées, le processus d’adaptation pourrait bien devenir la plus grande tragédie de l’histoire.

    La plupart des organismes cessent de grandir à l’âge adulte. Si cette interruption n’était pas programmée génétiquement, les animaux et les végétaux seraient confrontée à des contraintes pratiques : imaginez les difficultés à se nourrir que rencontrerait un oiseau-mouche d’un kilo. De la même façon, il arrivera nécessairement un moment où la « nourriture » et « l’oxygène » de l’économie commenceront à manquer. L’économie humaine n’existe qu’au sein de la nature, et dépend entièrement d’elle. Mais beaucoup d’économistes ne voient pas les choses de cette façon, ils s’appuient sur les dernières décennies de croissance et se contentent de projeter ce modèle sur l’avenir.

    Les insuffisances de la substitution et de l’efficience

    Les premiers penseurs économiques identifiaient les ingrédients de base de l’économie comme étant la terre (les ressources naturelles), le travail et le capital technique. Puis les économistes se mirent à considérer la terre comme sous-catégorie du capital. Ce point de vue, partagé par tous les théoriciens néo-classiques, revient à assimiler l’environnement naturel à un ensemble inépuisable  de ressources, in fine remplaçables par l’argent ou la technologie. Avec les mécanismes de substitution et d’efficacité, les économistes ont bâti des théories ignorant les limites naturelles.

    Bien évidemment l’âge de pierre n’a pas pris fin à cause du manque de pierres, mais par la découverte de métaux. Par comparaison, nous avons tendance à tenir pour acquis que l’ère du pétrole s’achèvera par la découverte de nouvelles sources d’énergie. Souvenez-vous : nous n’avons pas de pétrole, mais nous avons des idées ! Mais dans le monde réel, certaines ressources n’ont pas de substituts, ou ceux-ci sont trop chers, ou ne se comportent pas aussi bien. L’énergie, l’eau et la nourriture comptent parmi les ressources essentielles pour lesquelles il n’existe pas de substituts. De même le phosphate, essentiel pour maintenir la fertilité des sols, n’a pas de substituts.

    Améliorer les rendements énergétiques revient à produire davantage avec moins. Or pour Adam Smith, la division du travail qui accroît l’efficience économique mène à la « mutilation mentale » chez les travailleurs. De toute façon l’efficacité suit la loi des rendements décroissants : les premiers gains d’efficacité sont bon marché, chaque gain supplémentaire à tendance à être plus onéreux. Dans les pays anciennement industrialisés, il n’y a guère de progrès à attendre en matière de spécialisation : nos sociétés sont largement compartimentées et hiérarchisées. Aujourd’hui, une grande partie de l’efficacité  est due à l’externalisation de la production vers des pays qui utilisent, à notre place, l’énergie nécessaire. La Chine brûle son charbon pour exporter des biens, tandis que les Etats-Unis voient croître leur PIB sans pour autant augmenter leur consommation énergétique. De plus les différences de rendement d’une source d’énergie à une autre relativisent l’espérance d’une dissociation entre consommation d’énergie et croissance économique : le déclin du rapport entre consommation d’énergie et PIB est liée au remplacement du charbon par le pétrole. Enfin l’effet rebond augmente la demande au fur et à mesure de l’augmentation de l’efficacité énergétique. Seuls les publicitaires pourront nous convaincre des « améliorations » apportées à tel ou tel produit.

    La loi de Moore est évoquée pour illustrer l’évolution constante de la technologie. Mais les progrès sont limités au domaine de l’informatique. Quand on se penche sur les besoins vitaux que constituent l’alimentation, l’eau, l’énergie et le transport des personnes, peu de choses ont évolué de façon radicale. Car nos infrastructures se conforment à la loi de Murphy, selon laquelle tout ce qui peut se détériorer va tôt ou tard se détériorer.

    La montagne de la dette et la réalité

    Dans un système dans lequel l’argent est créé par les banques par l’intermédiaire de prêts, il n’y a jamais assez de monnaie en circulation pour rembourser l’intégralité des dettes et de leurs intérêts. Un tel système dépend entièrement de sa croissance perpétuelle.

    Par conséquent, qu’advient-il des montagnes de dettes quand la croissance s’arrête ? Nous assisterons certainement à des faillites qui aboutiront finalement à l’anéantissement de la dette. Aux Etats-Unis, l’équivalent de 12 000 milliards de dollars du patrimoine des ménages a disparu en 2008 à cause de l’éclatement de la bulle immobilière. D’une façon  générale, la contraction du crédit à l’échelle mondiale devrait nous inciter à examiner avec attention le bien fondé des grands projets de développement d’infrastructures. On peut s’interroger sur la pertinence de la construction d’immenses autoroutes. La solution keynésienne, bâtie sur la dette, ne mène nulle part, d’autant plus que les pays industrialiser ont passé un cap fondamental, caractérisé notamment par l’épuisement des ressources fossiles.

    L’énergie n’est pas simplement une matière première, mais l’apport préalable nécessaire à toute forme d’activité humaine : sans énergie, pas d’économie. Sans les ressources fossiles, nous vivrions encore dans une société agraire semblable à celle qu’ont connue nos ancêtres au XVIIIe siècle. Dans mon livre Blackout : Coal, Climate and the Last Energy Crisis, je démontre que le pic de production mondiale de charbon peut survenir dans les toutes prochaines années. La qualité et le potentiel énergétique du minerai ne cessent déjà de décroître. Il n’existe aucun scénario dan lequel les énergies alternatives peuvent se substituer totalement aux énergies fossiles. Notre civilisation a atteint les limites de sa croissance, et ces limites ne sont pas négociables.

    En principe, il est possible d’obtenir du pétrole brut de synthèse à partir de n’importe quel matériau organique, charbon, gaz naturel, vieux pneus ou détritus. Cependant les processus de transformation peuvent consommer davantage d’énergie que nous n’en obtiendrons du combustible de synthèse final. Même lorsque nous utilisons des sources d’énergie renouvelable, telles que l’éolien ou le solaire, nous avons besoin d’acier pour les turbines des éoliennes et de terres rares pour les cellules photovoltaïques. Et pour extraire ces ressources, il nous faut toujours plus d’énergie, qui nécessite davantage de ressources, etc.

    La nécessité d’un changement

    Les pays que l’on qualifie habituellement de « développés » sont en réalité surdéveloppés ; de même les pays « émergents » sont en fait essentiellement en voie de surdéveloppement. Les objectifs de « développement » tel que nous l’entendons aujourd’hui ne sont clairement pas tenables.

    L’Histoire nous apprend que les sociétés tendent à devenir toujours plus complexes, jusqu’à ce que cette complexité les condamne au déclin, voire à l’effondrement. Malgré leurs avantages économiques immédiats, la spécialisation et la mondialisation ont contribué à réduire notre adaptabilité. Les contraintes économiques et démographiques seront sources d’agitations sociales croissantes. Les gouvernements auront tendance à adopter des mesures toujours plus répressives.

    Les restrictions budgétaires imposées aux services publics risquent d’exacerber le ressentiment envers les immigrés. Il est relativement simple de mesurer le PIB d’un pays, mais il est plus difficile d’évaluer quantitativement la cohésion des familles et des communautés.

    La situation est paradoxale. Les stratégies que nous devons mettre en oeuvre afin de nous préparer aux crises systémiques qui s’annoncent – à savoir freiner notre consommation, nous désendetter et devenir plus autonomes – vont globalement à l’encontre de ce dont le système économique actuel a besoin pour éviter de s’enfoncer plus avant dans la récession. Autrement dit, les intérêts à court terme de l’économie entrent en conflit avec les intérêts à long terme de la majorité de la population. Il est regrettable que le principe du contrôle des naissances soit souvent mal perçu, et ses partisans ostracisés, considérés comme élitistes, voire pire encore : eugénistes. C’est tragique, car le problème n’a que trop longtemps été éludé, et ce sont les plus pauvres, notamment les femmes et les enfants, qui paieront le plus lourd tribut. Toutes les solutions à nos problèmes liés à la croissance passent par une certaine forme d’auto-modération, y compris en matière démographique.

    Que la contraction économique survienne aujourd’hui ou plus tard, qu’elle engendre le chaos ou que l’on parvienne à garder le contrôle de la situation, une simplification radicale de l’économie est inévitable, car un système basé sur l’énergie bon marché et la croissance économique ne peut que se heurter aux limites environnementales. Une nouvelle économie émergera des décombres, mais en termes de PIB elle correspondra à l’économie mondiale d’il y a 50, 100 ou même 150 ans (soit 1860).

    Un avenir possible

    Une économie résiliente repose sur trois principes fondamentaux :

    -  Les ressources naturelles ne doivent pas être consommées plus rapidement qu’elles ne se renouvellent naturellement.

    -  Les ressources non renouvelables doivent être recyclées autant que possible.

    -  Les déchets doivent nourrir l’écosystème ou nos processus de production.

    Les mêmes forces économiques qui ont démantelé notre secteur industriel et recouvert de bitume des terres fertiles, lorsque le pétrole était abondant et bon marché, ces mêmes forces économiques sauront nous obliger à faire machine arrière. En l’absence d’énergie bon marché, il redevient plus rentable de recourir au travail manuel et localisé. C’est ainsi que l’épuisement des ressources fossiles serait susceptible de générer une contre-tendance, que l’on pourrait nommer la généralisation – à savoir que nous serions contraints d’acquérir des connaissances et de développer des compétences dans un plus grand nombre de domaine. Ces dernières années, des « éco-communautés » ont vu le jour. Un film documentaire récent, The Economics of Happiness, laisse entendre que la relocalisation de l’économie, de la politique et de la culture est bénéfique au Bonheur National brut.

    Nous nous tournerons vers des technologies « appropriées ». Selon l’approche défendue entre autres par E.F.Schumacher, il s’agit d’une technologie qui s’appuie sur les ressources disponibles sur place – et privilégie le développement de compétences locales – plutôt que la dépendance envers des matières premières, des ressources énergétique ou des produits finis importés.

    Les gouvernements devraient soutenir et faciliter l’émergence de monnaies d’échange locales. Dans un contexte récessioniste, tandis que la création monétaire en devises nationales se contracte en même temps que l’économie, les monnaies complémentaires peuvent prendre le relais et permettre aux échanges commerciaux de se poursuivre.

    Notre priorité absolue est de maintenir la cohésion sociale. Si je n’avais qu’une seule recommandation à donner à ceux qui m’interrogent quant à leurs perspectives d’avenir, ce serait celle-ci : apprenez à connaître les gens qui vivent près de chez vous, établissez un climat de confiance. En cas de nécessité absolue, ces personnes pourraient être celles sur lesquelles vous aurez besoin de compter. Nous avons besoin de développer un esprit coopératif et de nous enraciner dans des cultures locales. Pour peu que les uns et les autres disposent d’un jardin, chacun trouvera sans peine matière à discuter de la taille des arbres fruitiers ou des différents procédés de compostage des déchets. Encouragez vos enfants à jouer avec les enfants du voisinage plutôt que de les transporter en 4×4 à des matchs de foot ou des cours de musique. Adhérez aux mouvements locaux des « Transition Initiatives ». Si nous comptons seulement sur nos gouvernements, ce sera trop peu et trop tard ; si nous agissons individuellement, cela ne sera pas suffisant ; mais si nous agissons en tant que communautés, cela pourrait peut-être suffire.

    Tout ce qui ira dans le sens d’un plus grand respect de l’écosystème de notre planète – notre unique refuge – sera le bienvenu.

    Certaines sociétés ont su préserver leur capital culturel et naturel génération après génération ; pour cela, elles ont dû apprendre à consommer avec parcimonie, et même parfois élever la pauvreté volontaire au rang de vertu… Les peuples considérés comme « sous-développés » et dont la population est essentiellement rurale (et pour une large part autosuffisante) pourraient bénéficier d’avantages dans un monde que la croissance a déserté.

    Richard HEINBERG : La Fin de la croissance (S’adapter à notre nouvelle réalité économique)

     BIOSPHERE

    http://fortune.fdesouche.com